VI. LE PLAN NUMÉRIQUE À L'ÉCOLE : UN ENFER PAVÉ DE BONNES INTENTIONS

A. UNE GÉNÉRALISATION PROGRESSIVE DU PLAN NUMÉRIQUE À PARTIR DE LA RENTRÉE 2016

À la suite d'une concertation nationale sur le numérique pour l'éducation qui s'est déroulée entre le 20 janvier et le 9 mars 2015, un appel à projets a été lancé le 10 mars 2015. Plus de 500 établissements ont ainsi été sélectionnés, représentant près de 70 000 élèves et 8 000 enseignants, pour faire partie d'une expérimentation dès la rentrée 2015.

La rentrée 2016 devrait voir la généralisation progressive de ce plan.

L'objectif du plan numérique est triple : mettre en place au sein des programmes des enseignements dédiés au digital (initiation au codage et à la culture digitale, etc.), développer des ressources pédagogiques numériques et doter l'ensemble des collégiens d'un outil numérique d'ici 2018 .

B. UN COÛT ESTIMÉ À PRÈS DE 200 MILLIONS D'EUROS ESSENTIELLEMENT FINANCÉ SUR DES CRÉDITS DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2016 ne prennent pas en compte les crédits de fonds de concours ( 138 millions d'euros ) qui devraient être issus du deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA 2). Ces crédits permettront d'accompagner les collectivités fournissant des outils numériques à leurs collégiens. Ainsi, pour un euro dépensé par les conseils départementaux, l'État contribuera à hauteur d'un euro supplémentaire . Par ailleurs, 30 millions d'euros devraient être consacrés à l'acquisition de ressources numériques dans le cadre de l'appel à projets « e-FRAN » (espaces de formation, de recherche et d'animation numérique) piloté par la caisse des dépôts et consignations.

Ces crédits seront également portés par le PIA 2. Au total, le coût du plan numérique s'élèvera à près de 192 millions d'euros .

Votre rapporteur spécial regrette qu'à l'exception des dépenses de formation (24 millions d'euros), les crédits destinés au financement de ce plan n'aient pas été inscrits dès le présent projet de loi de finances et fassent l'objet de crédits issus du programme d'investissements d'avenir.

C. UNE INITIATIVE DONT LES BÉNÉFICES EN TERMES D'APPRENTISSAGES DEVRAIENT ÊTRE MARGINAUX

Votre rapporteur spécial doute des bénéfices de ce plan en termes d'amélioration des apprentissages. Ainsi, dans une note de 2015 19 ( * ) , l'OCDE rappelait qu' « au cours des 10 dernières années, les pays qui ont consenti d'importants investissements dans les TIC dans le domaine de l'éducation n'ont, en moyenne, enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences ».

L'organisation précise en outre qu'une utilisation modérée des outils informatiques s'avère préférable à un usage plus intensif : « en 2012, dans la grande majorité des pays, les élèves utilisant modérément les ordinateurs à l'école affichaient en général des résultats scolaires légèrement meilleurs que ceux ne les utilisant que rarement ; mais les élèves utilisant très souvent les ordinateurs à l'école obtenaient des résultats bien inférieurs, même après contrôle de leur milieu socio-économique ».

Votre rapporteur spécial estime par conséquent que la fourniture à l'ensemble des élèves de 5 e d'un appareil informatique individuel tient au mieux de l'accessoire et au pire se traduira par une baisse de l'attention des élèves dont la faculté de concentration est déjà remise en cause par l'omniprésence des téléphones portables.

Par ailleurs, si le renforcement de la formation des enseignants en matière d'utilisation du numérique peut être utile, votre rapporteur spécial doute que celle-ci soit suffisante pour leur permettre de dispenser des enseignements permettant de « développer une culture digitale » chez des élèves qui, bien souvent, maîtrisent déjà l'outil numérique.

En outre, les inégalités sociales ne semblent pas significatives en termes d'équipement informatique, la quasi-totalité des élèves disposant d'un ordinateur chez eux . Ainsi, selon l'OCDE, « en 2012, quelque 99 % des élèves de 15 ans en France avaient au moins un ordinateur à la maison, et 96 % des élèves défavorisés - ceux dont le statut socio-économique se situe dans le quartile inférieur de la population - avaient accès à Internet à la maison ».

Au total, l'acquisition de matériels informatiques devrait être limitée aux matériels communs permettant un usage strictement pédagogique de ces outils .


* 19 OCDE, Connectés pour apprendre ? Les élèves et les nouvelles technologies - Principaux résultats, PISA.

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