DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA MISSION « OUTRE-MER »

I. LE SOUTIEN AUX ÉCONOMIES ULTRAMARINES

A. LA RÉFORME DU DISPOSITIF DES EXONÉRATIONS DE CHARGES SOCIALES

1. Un dispositif qui a déjà fait l'objet d'une importante réforme en loi de finances pour 2014

Le dispositif d'exonérations de charges sociales spécifique à l'outre-mer a été créé par la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Prévu à l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, il vise à réduire le coût du travail afin de favoriser le développement de l'emploi dans ces territoires .

Ce dispositif constitue un outil essentiel de la politique de l'État en faveur des outre-mer. Il représente, à lui seul, plus de la moitié des crédits de paiement de la mission « Outre-mer » (1,1 milliard d'euros).

Il repose sur un mécanisme prenant en compte trois facteurs : la taille de l'entreprise, son secteur d'activité et son éligibilité ou non au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) .

L'exonération dépend en outre de la rémunération du salarié. Trois niveaux sont ainsi fixés : un « seuil » au-delà duquel l'exonération n'est plus totale mais dont le montant est fixe, un « palier » à partir duquel l'exonération est dégressive et un « plafond » au-delà duquel il n'y a plus d'exonération.

L'article 130 de la loi de finances pour 2014 a procédé à un recentrage de ce dispositif sur les bas salaires en modifiant les seuils pour les entreprises bénéficiant du CICE (les exonérations des autres entreprises n'ont pas été modifiées), selon les modalités détaillées dans le tableau ci-dessous.

Modifications des modalités de calcul de l'exonération intervenue en 2014

(en multiples du SMIC)

Entreprises
de moins de 11 salariés

Entreprises
bénéficiant du droit commun

Entreprises
du secteur renforcé

Avant 2014

2014

Avant 2014

2014

Avant 2014

2014

Seuil en-deçà duquel l'exonération est totale

1,4

1,4

1,4

1,4

1,6

1,6

Seuils entre lesquels l'exonération est fixe (seuil)

1,4 - 2,2

1,4 - 1,8

(exonération immédiatement dégressive)

(exonération immédiatement dégressive)

1,6 - 2,5

1,6 - 2

Seuils entre lesquels l'exonération est dégressive (palier)

2,2 - 3,8

2,2 - 2,8

1,4 - 3,8

1,4 - 2,6

2,5 - 4,5

2 - 3

Seuil à partir duquel il n'y a plus d'exonération (plafond)

3,8

2,8

3,8

2,6

4,5

3

Source : commission des finances du Sénat

L'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 actuellement en discussion prévoit une nouvelle réforme de ce dispositif (cf. tableau ci-après). Cette réforme fait suite aux conclusions de la mission conduite par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales en juin 2015 qui soulignait le coût de ce dispositif ainsi que la dilution de l'aide pouvant concerner des niveaux de rémunération élevés (jusqu'à 6 560 euros bruts).

L'étude d'impact de cet article précise que la mesure proposée vise à « abaisser les niveaux de rémunération à partir desquels l'exonération n'est plus totale pour l'ensemble des entreprises ne faisant pas partie des secteurs et des zones prioritaire et à réduire les plafonds de rémunération à partir desquels l'exonération cesse pour ces entreprises ».

Au total, l'effort serait donc concentré sur les salaires dont les niveaux sont proches du SMIC qui concernent la majorité des salariés ultramarins (61 % des salariés ont une rémunération inférieure ou égale à 1,4 SMIC et 76 % inférieure ou égale à 1,6 SMIC).

Réforme prévue par l'article 9 du projet de loi de financement
de la sécurité sociale 2016

(en multiples du SMIC)

Droit en vigueur

Réforme proposée

Entreprises de moins de 11 salariés

Seuil

1,4

1,4

Palier

2,2

2

Plafond

3,8

3

Entreprises de moins de 11 salariés éligibles au CICE

Seuil

1,4

1,4

Palier

1,8

1,6

Plafond

2,8

2,3

Entreprises bénéficiant du dispositif de droit commun

Seuil

1,4

1,4

Palier

1,4

1,4

Plafond

3,8

3

Entreprises bénéficiant du dispositif de droit commun éligibles au CICE

Seuil

1,4

1,3

Palier

1,4

1,3

Plafond

2,6

2

Entreprises bénéficiant du dispositif renforcé

Seuil

1,6

1,7

Palier

2,5

2,5

Plafond

4,5

4,5

Entreprises bénéficiant du dispositif renforcé éligibles au CICE

Seuil

1,6

1,7

Palier

2

2,5

Plafond

3

3,5

Source : étude d'impact de l'article 9 du PLFSS 2016

Cette mesure devrait permettre une économie de près de 75 millions d'euros. Toutefois, après la réforme intervenue en 2014, cette mesure est perçue par de nombreuses organisations socio-professionnelles comme un « coup de rabot » supplémentaire, alors que la situation de l'emploi dans les outre-mer demeure dégradée.

2. Une mesure qui serait compensée par la montée en charge du pacte de responsabilité et par la mise en place de dispositifs spécifiques aux outre-mer

Dans le cadre du pacte de responsabilité, différentes mesures ont été prises ayant également vocation à s'appliquer aux entreprises situées dans les territoires ultramarins.

Celles-ci bénéficient ainsi depuis le 1 er janvier 2015 de la baisse de 1,8 point des cotisations employeurs famille pour les salaires compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC ainsi que de l'allègement de cotisations sociales en faveur des indépendants.

Par ailleurs, à compter du 1 er janvier 2016, la réduction des cotisations employeurs famille sera étendue aux salaires atteignant 3,6 SMIC .

Il convient en outre de rappeler que l'article 65 de la loi de finances pour 2015 a prévu que les entreprises situées dans les départements d'outre-mer, qui pouvaient déjà prétendre au bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) dans les conditions de droit commun, bénéficient d'un taux majoré porté de 6 % à 7,5 % en 2016 pour les rémunérations versées en 2015. Ce taux sera porté à 9 % en 2017 pour les rémunérations versées en 2016.

Le gain global de cette mesure pour les entreprises en bénéficiant était estimé à 145 millions d'euros la première année et à 230 millions d'euros ensuite.

Enfin, il est prévu d'augmenter le « plafond » de rémunération à partir duquel l'exonération cesse, qui passerait de 3 SMIC à 3,5 SMIC, pour les entreprises des secteurs « renforcés » (tourisme, agroalimentaire, hôtellerie, etc.) éligibles au CICE (équivalent CICE à 12 %).

Pour autant, après deux réformes importantes, vos rapporteurs spéciaux appellent à une stabilisation du dispositif des exonérations de charges afin de ne pas décourager les entreprises ultramarines de recruter faute d'une visibilité suffisante sur l'évolution de leur masse salariale.

3. Une sous-dotation récurrente alimentant une « dette » vis-à-vis des organismes de sécurité sociale

L'action 01 « Soutien aux entreprises » du programme 138 « Emploi outre-mer » est constituée pour l'essentiel des crédits destinés à compenser le coût des exonérations de charges sociales spécifiques aux territoires ultramarins aux organismes de sécurité sociale (régime social des indépendants, Caisse centrale de mutualité sociale agricole, Agence centrale des organismes de sécurité sociale, Établissement national des invalides de la marine et Caisse de protection sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon).

Le montant cumulé des impayés de l'État aux organismes de sécurité sociale au titre des exonérations spécifiques à l'outre-mer s'élevait, fin 2014, à 143,3 millions d'euros, contre 75,5 millions d'euros fin 2013 .

Si vos rapporteurs spéciaux sont conscients que l'évaluation des crédits nécessaires dépend de la justesse de l'évaluation par les organismes de sécurité sociale de leurs besoins, ils constatent cependant que les crédits destinés à la compensation des exonérations de charges sociales outre-mer sont quasi systématiquement inférieurs aux besoins exprimés in fine par les organismes.

Ainsi, pour 2014, 1,05 milliard d'euros en AE et en CP avaient été inscrits au titre de cette action après déduction de la réserve de précaution. Cette dotation a cependant dû été abondée en cours de gestion pour prendre en compte l'évolution des besoins exprimés par les caisses en cours d'exercice. Un versement exceptionnel complémentaire auprès de l'ACOSS a ainsi été opéré fin 2014 pour un montant de 69,1 millions d'euros en CP, dont :

- 53,8 millions d'euros au titre du dégel de la réserve de précaution ;

- 14,9 millions d'euros par redéploiements internes au sein du programme ;

- 425 924 euros de reliquat après dernière facturation par la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les versements de l'État n'ont cependant pas permis d'empêcher la formation d'une dette au titre de l'année 2014 s'élevant à 67,8 millions d'euros, portant ainsi la dette cumulée à 143,3 millions d'euros .

Son montant devrait en outre progresser en 2015 . En effet, au 1 er août 2015, les prévisions de dépenses des organismes de sécurité sociale s'élevaient à 1,13 milliard d'euros. Or, après réserve gouvernementale, le montant dédié à cette ligne budgétaire ne s'élevait qu'à 1,04 milliard d'euros.

Si la réforme prévue en 2016 du dispositif des exonérations de charges devrait se traduire par une réduction de son coût, le montant des CP prévu dans le projet de loi de finances ne devrait pas permettre une réduction du montant de la dette auprès des organismes de sécurité sociale.

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