II. UNE PROPOSITION DE LOI ORIENTÉE VERS LA COMPÉTITIVITÉ

L'orientation de la PAC vers les marchés, prise en 1992, n'a cessé de s'accentuer lors de ses réformes successives. Les filets de sécurité et les mécanismes de régulation disparaissent peu à peu, la fin des quotas laitiers, effective depuis le printemps 2015 et la fin programmée des quotas sucriers, en constituent les derniers exemples.

La France défend le maintien d'outils de régulation auprès de ses partenaires européens, mais avec un relatif insuccès, à l'exception de la bataille gagnée sur le maintien des droits de plantation de la vigne.

Dès lors, face à une PAC orientée vers les marchés, il faut une politique agricole orientée vers la compétitivité .

Il ne s'agit pas de réduire la compétitivité à la seule « compétitivité-prix ». La compétitivité « hors prix » peut aussi être une stratégie, en s'appuyant sur la qualité des productions nationales, qu'il faut mieux valoriser par l'étiquetage. La qualité constitue aussi un atout à l'export.

Mais il s'agit de remettre la compétitivité au premier plan, car les agriculteurs cesseront de produire s'ils ne dégagent pas de marges suffisantes, et l'industrie agroalimentaire réduira aussi ses activités si celles-ci sont insuffisamment rentables. Un tel « scénario noir » est possible, et ne produira aucun gagnant : ni le consommateur, ni l'agriculteur, ni l'industriel, ni même l'État. En définitive, c'est la sécurité alimentaire de la France qui pourrait être remise en question.

A. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI.


• Le chapitre I er de la proposition de loi vise à améliorer les relations entre acteurs des filières agricoles et agroalimentaires, du producteur au consommateur, en passant par l'industriel et la distribution.

Les conflits récurrents constituent en effet un frein à l'efficacité globale des filières. L'observatoire de la formation des prix et des marges a permis de donner des informations sur les parts des différents maillons des filières dans le prix payé au consommateur. Ses travaux sont de grande qualité, mais les résultats sont parfois contestés, comme dans le secteur de la viande bovine. Par ailleurs, ces informations ne sont pas données en temps réel mais sur la base de séries statistiques anciennes.

La proposition de loi ne revient pas sur les missions et l'organisation de l'observatoire des prix et des marges. Elle comporte trois instruments destinés à mieux organiser les filières :

- L'article 1 er demande que la contractualisation prenne en compte les coûts de production des agriculteurs mais aussi qu'elle s'appuie sur des indicateurs objectifs pour définir les modalités de détermination des prix des contrats, notamment ceux de la filière laitière.

- L'article 2 instaure une conférence agricole annuelle pour réunir tous les acteurs de chaque filière, dans le but de rapprocher leurs points de vue et leurs anticipations, mais aussi de discuter de la manière d'appliquer la contractualisation.

- L'article 3 contourne l'interdiction faite par le droit européen d'imposer un étiquetage de l'origine des produits alimentaires lorsqu'une telle obligation n'est pas décidée au niveau européen. Cet article donne le droit au consommateur d'obtenir sous un mois du distributeur ou du fabricant de produit qu'il a acheté, l'information sur l'origine des produits carnés ou laitiers. Cette information est nécessairement détenue du fait des obligations de traçabilité imposées aux opérateurs économiques. Rien ne s'oppose à ce que les consommateurs reçoivent à leur tour l'information.


• Le chapitre II comporte d'autres leviers pour améliorer la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire : une meilleure gestion des risques et l'accélération de l'investissement.

Investir constitue un risque pour l'entreprise agricole, car les retours sur investissement ne sont pas forcément au rendez-vous dans un contexte de volatilité accrue. Mais ne pas investir comporte aussi des risques importants, notamment de perte de compétitivité. Au final, les auditions menées par votre rapporteur laissent penser que l'investissement en agriculture et en agroalimentaire, constitue une nécessité absolue.

- L'article 4 permet aux agriculteurs de mieux gérer les risques financiers liés à la souscription d'emprunts destinés à investir dans du matériel agricole, des équipements, ou du cheptel : en cas de crise dans leur secteur d'activité, ils pourront reporter la part relative au capital de leurs annuités d'emprunt, dans la limite de 20 % de la durée du prêt restant à courir.

- L'article 5 a pour objectif de drainer l'épargne populaire vers l'investissement en agriculture et agroalimentaire, à travers la création d'un livret vert, sur le modèle du livret de développement durable. Outre l'apport de capitaux, le livret vert crée un lien symbolique entre l'épargnant et le monde agricole.

- L'article 6 assouplit la déduction pour investissement (DPI) pour favoriser l'investissement dans des bâtiments d'élevage, et remplace la déduction pour aléas (DPA) par une réserve spéciale d'exploitation agricole (RSEA), autorisant une gestion plus souple de l'épargne de précaution allouée à l'exploitation, pour faire face à des évènements négatifs, qu'ils soient climatiques ou économiques.

- L'article 7 s'inscrit parfaitement dans la logique d'encouragement de l'investissement, en créant un étage supplémentaire dans le « suramortissement Macron » permis par la loi éponyme. Une nouvelle période est ouverte du 1 er janvier au 31 décembre 2016 pour suramortir les acquisitions ou rénovations de bâtiments de stockage et installations y afférents.


• Le chapitre III, pour sa part, sert des objectifs de compétitivité-prix à travers trois de ses articles, et réclame une simplification des normes applicables en agriculture, afin d'alléger les contraintes qui pèsent sur le monde agricole et qui, immanquablement, ont des conséquences économiques.

- L'article 9 réinstaure l'exonération dégressive de charges patronales sur les salariés agricoles permanents qui avait été mise en place par la loi de finances pour 2012, mais qui n'avait jamais été appliquée, du fait de craintes d'euro-incompatibilité. La baisse d'environ 1 euros de l'heure du coût du travail salarié agricole constituerait au passage un facteur favorisant l'emploi dans le secteur agricole.

- L'article 10 étale sur six ans au lieu de cinq l'allègement de cotisations sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs dans le cadre de leur parcours d'installation.

- L'article 11 crée une possibilité exceptionnelle de revenir au régime d'imposition sur la base des résultats de l'année d'imposition pour les agriculteurs qui avaient opté les années précédentes pour le régime de la moyenne triennale : cette mesure vise à réduire la base d'imposition 2015, dans la mesure où les revenus ont fortement baissé, et où une imposition à la moyenne triennale pourrait représenter des sommes colossales par rapport au revenu réel dégagé en 2015.

La prise de conscience du caractère pénalisant pour l'économie d'une surrèglementation progresse peu à peu dans l'opinion publique. Plusieurs chantiers de simplification des normes ont été lancés, même si l'on peut regretter que le processus soit trop lent. La proposition de loi contient deux dispositions susceptibles d'accélérer cette simplification :

- L'article 8 aligne les seuils du régime des installations classées pour la protection de l'environnement sur les seuils existants dans la directive européenne de 2011 sur la prévention et la réduction intégrées de la pollution. Il s'agit de mettre fin à toute sur-transposition des normes environnementales par rapport aux exigences européennes.

- L'article 12 force le Gouvernement à présenter devant le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) un plan de simplification pour l'agriculture et l'agroalimentaire, qui doit être voté et rendu public : la politique de simplification doit devenir une priorité.


L'article 13 , qui constitue le chapitre IV, prévoit de gager les pertes de recettes occasionnées pour les organismes publics par les mesures contenues dans la présente proposition de loi par un relèvement des recettes fiscales, comme l'impose l'article 40 de la Constitution. C'est une condition de recevabilité de la proposition de loi. Il est proposé de relever la taxe sur la valeur ajoutée.

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