Rapport n° 264 (2015-2016) de M. Jean-Pierre VIAL , fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 décembre 2015

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N° 264

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 décembre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales ,

Par M. Jean-Pierre VIAL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

197 et 265 (2015-2016)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 16 décembre 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , a examiné le rapport de M. Jean-Pierre Vial et établi son texte sur la proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales (n° 197, 2015-2016).

Après avoir rappelé les causes de l'inflation normative et ses conséquences sur l'action publique locale, le rapporteur a présenté les différentes initiatives conduites depuis plusieurs années pour lutter contre ce phénomène. Il a notamment cité l'adoption de sept lois de simplification depuis 2007, la mise en place de plusieurs outils de simplification des normes par les administrations d'État et la mise en place de la commission consultative d'évaluation des normes à laquelle a succédé le conseil national d'évaluation des normes qui dispose aujourd'hui de pouvoirs élargis en matière de contrôle sur le stock et le flux de normes.

Tout en rappelant la nécessité de disposer d'outils permettant de mettre un terme à ce phénomène, le rapporteur s'est interrogé sur la formulation de la proposition de loi constitutionnelle. En particulier, il a regretté les difficultés d'interprétation de certains termes. Il a en outre estimé que l'article 1 er de la proposition de loi présentait certaines contradictions avec les articles 40 et 72-2 de la Constitution. Enfin, il a observé que l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle qui visait à lutter contre la « surtransposition » des directives européennes avait pour contrepartie la limitation de l'initiative parlementaire.

Après un débat approfondi, la commission a adopté les trois amendements du rapporteur afin de :

- soumettre le législateur et le pouvoir réglementaire au respect des principes de simplification et de clarification du droit et de prévoir l'établissement d'une évaluation préalable en cas de création ou d'aggravation d'une mesure nouvelle à la charge des collectivités territoriales, afin d'assurer la sincérité et l'efficacité de la compensation budgétaire ;

- prévoir que la transposition d'un acte législatif européen ne puisse excéder les objectifs poursuivis par cet acte ;

- modifier l'intitulé de la proposition de loi constitutionnelle afin de mieux en assurer la cohérence avec son contenu.

La commission des lois a adopté la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Depuis plus de vingt ans, notre pays souffre d'inflation normative. Elle affecte la qualité du droit, sa sécurité juridique et génère des coûts pour les personnes publiques et privées, ce qui est durement ressenti dans le contexte actuel de raréfaction de la ressource publique.

Si le constat est ancien et les causes connues, de nombreuses circulaires, des rapports innombrables, plusieurs groupes de travail ont préconisé la création d'outils, destinés à réduire le stock de normes existant. Les administrations sont mises en cause pour produire des normes toujours plus complexes et en faire une application rigide.

Outre son coût pour les budgets locaux et les contraintes qu'elle fait peser sur les politiques publiques locales, cette situation conduit parfois les élus locaux à aller eux-mêmes au-delà de la norme, par crainte de l'engagement de leur responsabilité pénale ou civile.

Il convient de mettre un terme à cette situation, préjudiciable au dynamisme et à la compétitivité de nos territoires. Toutefois, rappelons que, contrairement aux idées reçues, la simplification ne vise pas à effacer la complexité, parfois nécessaire, souvent inévitable, dans un monde lui-même complexe. Elle tend en revanche à « bannir la complexité inutile, celle qui survient par facilité, par empilement des textes au fil des années, ou bien encore par un insuffisant mûrissement des nouvelles normes ; «celle qui résulte de l'insuffisante maîtrise, de la paresse intellectuelle ou de l'oubli des effets pratiques du droit» » 1 ( * ) .

C'est dans ce contexte que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a déposé, sur le Bureau du Sénat, le 25 novembre 2015, la présente proposition de loi constitutionnelle soumise à votre commission.

Son objectif est de fixer au législateur des objectifs contraignants « de simplification des normes et de stabilisation et d'allègement des charges applicables aux collectivités territoriales. » Tout en partageant pleinement cet objectif, votre commission a souhaité retenir une formulation qui prenne en compte la sécurité juridique et l'initiative parlementaire.

I. UNE PRISE DE CONSCIENCE ANCIENNE DES EFFETS DE LA PROLIFÉRATION DES NORMES SUR L'ACTION PUBLIQUE LOCALE

Depuis 1991, date à laquelle le Conseil d'État dénonçait la « surproduction normative » et ses conséquences en matière de sécurité juridique et d'accessibilité du droit 2 ( * ) , sont régulièrement dénoncés l'inflation normative qui touche tous les acteurs de la société, le manque de lisibilité et de cohérence du droit et le poids des obligations dans les charges publiques.

A. UNE INFLATION NORMATIVE FAVORISÉE PAR DES FACTEURS HÉTÉROCLITES

1. Un constat ancien de l'inflation normative et de ses conséquences sur l'action publique locale

Différents travaux ont permis de relever plusieurs facteurs expliquant ce phénomène d'inflation normative.

En 2000, à la suite du rapport précité du Conseil d'État, la mission commune d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales avait relevé que les collectivités territoriales avaient perdu la maîtrise de leurs compétences en raison du nombre excessif de normes émanant des administrations de l'État, aussi bien centrales que déconcentrées, qui entravait, de facto , leur libre administration.

Ce constat a été confirmé en 2007 par le groupe de travail sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales présidé par notre ancien collègue M. Alain Lambert.

Dans son rapport remis au Président de la République le 16 juin 2011 3 ( * ) , notre collègue M. Éric Doligé condamnait « l'excès de zèle d'un État prescripteur ignorant la réalité quotidienne du terrain », à l'origine d'un « problème de hiérarchisation des dépenses dans le temps et de libre administration des marges financières de la collectivité ». Il constatait également que l'inflation normative et l'instabilité des règles de droit représentaient un frein au développement des territoires.

Toutefois, il ne contestait pas les normes en tant que telles mais relevait leur incidence sur l'action et les budgets locaux. C'est pourquoi il plaidait pour une nouvelle méthode d'élaboration des règles applicables aux collectivités locales, à travers un programme de réduction annuel des normes, déjà appliqué dans plusieurs pays, assorti d'une obligation de résultat plutôt que de moyens ainsi que d'objectifs de stabilité minimale de ces règles dans le temps.

Les conclusions de cette mission se sont accompagnées d'une proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales dont plusieurs dispositions ont été introduites dans la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, témoignant du consensus au sein du Parlement sur les solutions destinées à lutter contre ce « zèle normatif ».

Ce constat a été confirmé par des travaux plus récents, parmi lesquels on citera ceux de MM. Jean-Claude Boulard et Alain Lambert 4 ( * ) , de mars 2013, ou ceux de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation recensant les secteurs dynamiques en matière de création normative 5 ( * ) .

2. Un phénomène favorisé par plusieurs facteurs
a) Un outil d'amélioration de l'intérêt général

Le premier facteur, mis en exergue par notre collègue M. Éric Doligé, est lié à une « croyance inconditionnelle dans les vertus de la norme dans sa capacité à améliorer l'intérêt général » de la part des administrations centrales et déconcentrées. Le « zèle normatif » évoqué précédemment se traduit par « l'extrême précision réglementaire des décrets et des arrêtés et circulaires » , vécu par les élus locaux comme un « excès de défiance, une présomption d'incapacité à remplir l'objectif de la norme en dehors d'un cadre prédéterminé ».

En dehors des normes édictées par les administrations d'État, d'autres normes, sans être juridiquement contraignantes, s'imposent en pratique aux collectivités territoriales ou aux entreprises ; il en est ainsi des normes dites de « bonnes pratiques » , telles que celles édictées par l'Association française de normalisation (AFNOR). Leur application dans des secteurs spécifiques (construction ou mise en sécurité des matériels) vise à améliorer certaines pratiques qui, bien que non obligatoires, contraignent les collectivités territoriales à s'y conformer pour bénéficier ensuite de certaines aides publiques ou de polices d'assurances particulières.

b) Une parcellisation de la gouvernance normative

Un deuxième facteur est lié à une gouvernance normative multiple, notre ancien collègue, M. Claude Belot, évoquant une « atomisation du pouvoir prescriptif ».

Au premier rang de cette gouvernance, se trouve l' État , sa responsabilité étant partagée entre le législateur et le pouvoir réglementaire. De nombreuses lois adoptées au cours des dernières années se sont accompagnées de mesures réglementaires contraignantes pour l'ensemble des acteurs économiques et sociaux. On citera, à titre d'exemple, les obligations issues des deux Grenelle de l'Environnement 6 ( * ) , ou plus récemment, celles issues de la loi Alur 7 ( * ) ou de la loi sur la transition énergétique 8 ( * ) . La traduction réglementaire de ces textes entraîne souvent un alourdissement de certaines dispositions, allant parfois à l'encontre de la volonté du législateur.

Toutefois, si les dispositions adoptées par le législateur sont les plus visibles, elles n'en constituent pas pour autant la source unique de l'inflation normative.

Les institutions européennes sont également considérées comme une source de la production normative, en particulier avec les directives européennes. Or ce n'est pas tant l'adoption de ces actes par le législateur européen que leur traduction dans notre système juridique national qui est source d'un alourdissement normatif. En effet, la « surtransposition » d'une directive consiste à « élargir leur champ d'application en adoptant des dispositions législatives ou réglementaires complémentaires ou en introduisant des exigences supplémentaires » 9 ( * ) . Certains domaines sont particulièrement exposés à ce phénomène (secteurs agricole, environnemental).

Une autre source de ce dynamisme normatif repose sur les normes édictées par des organismes de droit privé investis d'un pouvoir réglementaire , au premier rang desquels les fédérations sportives. Par délégation du ministre chargé des Sports, une fédération sportive est chargée d'édicter les règles techniques et administratives permettant le bon déroulement des compétitions, pour chaque discipline sportive. Les élus locaux se plaignent souvent des demandes, très coûteuses, de ces fédérations en termes d'équipements sportifs, leur non-respect étant sanctionné par une rétrogradation de l'équipe locale dans la catégorie inférieure de la discipline considérée.

Enfin, les collectivités territoriales elles-mêmes peuvent concourir à ce phénomène en subordonnant le versement de certaines subventions au respect d'exigences techniques par exemple.

Notre collègue Mme Jacqueline Gourault a dénoncé les conséquences, pour les collectivités territoriales, de la parcellisation de cette gouvernance normative 10 ( * ) . Elle aboutit en particulier à une culture partagée insuffisante de l'information entre les différents acteurs, notamment entre l'État et les collectivités territoriales. « Les études d'impact réalisées par les services ministériels, accompagnant les projets de loi, ne permettent pas d'établir une évaluation financière performante, faute d'une base de données partagée. Cette carence conduit à sous-estimer, voire à ignorer, les coûts cachés ou induits d'une disposition juridique. Par ailleurs, les études d'impact n'abordent pas l'opérationnalité des mesures envisagées ni les financements dont disposent les collectivités pour les appliquer. »

3. Un coût pour l'action publique locale

L'Association des Maires de France (AMF) évalue à 400 000 le nombre de normes que doivent appliquer quotidiennement les élus locaux. Si aucune étude exhaustive n'a pu sérieusement démontrer la pertinence de cette évaluation, votre rapporteur estime qu'elle donne un ordre de grandeur sur le stock de normes qui s'impose aujourd'hui à l'action publique locale.

Plusieurs secteurs d'intervention des collectivités territoriales se prêtent à la multiplicité des normes. Il en est ainsi en matière d'accessibilité des bâtiments accueillant du public, d'urbanisme et d'environnement. Le sport et les règles de sécurité en matière d'installations et d'équipements sportifs représentent également une source majeure de production normative. Enfin, les mesures relatives à la fonction publique ont des conséquences budgétaires importantes pour les collectivités, des mesures réglementaires nationales pouvant se traduire par une charge de plusieurs dizaines de milliers d'euros sur leurs dépenses de personnel.

Selon des estimations de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) puis du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), le coût net des normes nouvelles s'élevait à 3,17 milliards d'euros entre 2008 et 2013, 1,668 milliard d'euros en 2013 et 777 millions d'euros en 2014.

B. LA MISE EN PLACE DE DIVERS OUTILS DESTINÉS À LUTTER CONTRE L'INFLATION NORMATIVE

Depuis plusieurs années, le Parlement est saisi de nombreux projets ou propositions de loi, chacun d'eux constituant une « nouvelle étape du toilettage de notre corpus législatif ».

Ainsi, depuis 2007, votre commission a été saisie de sept lois de simplification :

- loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ;

- loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives ;

- loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives ;

- loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit ;

- loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique ;

- loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;

- loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.

Sans s'opposer à la conduite de ces chantiers législatifs dont l'objectif est de renforcer l'accessibilité et la sécurité juridique de notre droit, votre commission n'a pas manqué de souligner les difficultés inhérentes à l'exercice de simplification : notre collègue M. Bernard Saugey relevait en 2010 que « le Parlement est amené à examiner des dispositions, non seulement nombreuses mais relevant de thématiques très diverses et d'inégale valeur », qualifiant ainsi ces textes d'« assemblage hétéroclite de «cavaliers législatifs» en déshérence » 11 ( * ) .

Toutefois, les dernières lois de simplification, à l'exception notable de celle de M. Éric Doligé concentrée sur les collectivités territoriales, visaient principalement les entreprises et les particuliers.

Deux dispositifs spécifiques ont été mis en place afin de limiter le développement normatif auquel les collectivités territoriales doivent faire face : l'instauration de deux moratoires instituant un gel de toute réglementation nouvelle les visant et la mise en place de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) devenue ensuite le conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

On relèvera enfin l'action interministérielle coordonnée en matière de lutte contre les « surtranspositions » de directives, destinée à limiter tout effet d'aubaines lors des transpositions ainsi que l'annonce de vingt-et-une mesures de simplification par le Président de la République, lors du dernier Comité interministériel aux ruralités, à Vesoul, le 14 septembre 2015 qui devraient faire l'objet d'un prochain projet de loi de simplification, selon les informations recueillies par votre rapporteur.

1. Les moratoires sur le gel de toute règlementation nouvelle en faveur des collectivités territoriales

Deux moratoires sur la création normative ont été mis en place mais leur bilan apparaît mitigé.

Le premier moratoire sur l'édiction des normes réglementaires a été mis en place par une circulaire du Premier ministre du 6 juillet 2010 12 ( * ) . Il s'appliquait à l'ensemble des mesures réglementaires dont l'adoption n'était commandée ni par la mise en oeuvre d'engagements internationaux de la France, ni par l'application des lois. Toutefois, par exception, si l'édiction d'une norme entrant dans ce champ d'application paraissait absolument nécessaire, le projet de décret ou d'arrêté correspondant devait être communiqué au secrétariat général du Gouvernement préalablement à toute saisine du Conseil d'État. Il revenait alors au Premier ministre d'apprécier si l'adoption d'un tel projet méritait un examen complémentaire. Dans l'affirmative, celui-ci était soumis, à sa demande, à la CCEN, le Premier ministre tenant strictement compte de l'avis rendu par la commission pour déterminer si le projet pouvait être adopté. Un commissaire à la simplification, placé auprès du Secrétariat général du Gouvernement, avait pour mission de piloter la mise en oeuvre du moratoire envers les collectivités territoriales.

Le bilan de ce premier moratoire est délicat à mesurer. Ainsi que l'avait indiqué notre collègue Mme Jacqueline Gourault 13 ( * ) , sur le plan quantitatif, « la proportion de textes «d'initiative gouvernementale» présentés à la CCEN n' [avait] pas diminué depuis la mise en oeuvre du moratoire. Toutefois, cet indicateur traduit mal le caractère dissuasif du dispositif sur les ministères et la question de la soutenabilité financière. C'est pourquoi une approche plus qualitative du fonctionnement du moratoire apparaît nécessaire . » En outre, la CCEN regrettait, dans son rapport d'activité en 2012, que le nombre de projets réglementaires qui lui était soumis ne cessaient d'augmenter.

Un nouveau moratoire a été institué par une circulaire du 17 juillet 2013 14 ( * ) relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation qui met en exergue le principe « une norme créée = une norme supprimée ». Elle est la traduction de l'annonce du Président de la République, le 28 mars 2013, d'un « choc de simplification ». Elle contribue également à limiter la « surtransposition » des directives européennes.

Cette circulaire, qui concerne à la fois le stock et le flux de normes, impose que la création d'une norme nouvelle - de niveau réglementaire, hors textes de transposition ou d'application de la loi, commandés par une règle supérieure - créant des charges nouvelles pour les collectivités territoriales (mais également pour les entreprises et les particuliers) soit « gagée » par la suppression ou l'allègement d'une norme ancienne à charge équivalente. Ce principe est entré en vigueur le 1 er septembre 2013.

Dans ce cadre, a été mis en place un programme pluriannuel de simplification destiné à alléger le stock de textes réglementaires s'imposant aux collectivités territoriales, aux entreprises et à l'administration, reprenant ainsi une proposition de la mission de lutte contre l'inflation normative. Deux cents mesures destinées à faciliter et accélérer les projets d'aménagement et de construction, à faciliter l'embauche et la formation et, enfin, à simplifier la vie quotidienne des entreprises ont été présentées en juillet 2013.

Parallèlement à l'institution de ce « gel normatif », les administrations centrales et déconcentrées ont été appelées à renforcer les évaluations portant sur l'impact juridique et financier de tout projet de texte réglementaire. Elles sont également invitées à ne pas « surtransposer » les directives communautaires, à appliquer le principe de proportionnalité (en laissant des marges de manoeuvre pour la mise en oeuvre ou en prévoyant des modalités d'adaptation aux situations particulières) et, enfin, à renforcer la sécurité juridique des administrés.

Une circulaire du 17 février 2011 15 ( * ) impose l'établissement d'une évaluation préalable, au sein d'une fiche d'impact, pour tout nouveau texte réglementaire ayant une incidence sur les collectivités territoriales. Le commissaire à la simplification est chargé d'apprécier si l'évaluation préalable a été effectuée de manière satisfaisante et peut inviter, le cas échéant, le ministère responsable du projet à la compléter. Cette circulaire a été renforcée par une nouvelle circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015 16 ( * ) qui impose que tout projet de textes applicables aux collectivités territoriales et nécessitant à ce titre la consultation du CNEN, soit systématiquement accompagné d'une fiche d'impact, soumise à l'avis préalable du Secrétariat général du Gouvernement. Les ministères sont invités à renseigner ces fiches et à prévoir une évaluation financière aussi précise que possible.

Une autre circulaire du Premier ministre du 9 octobre 2014 relative à l'allègement des contraintes normatives applicables aux collectivités territoriales 17 ( * ) impose, depuis le 1 er janvier 2015, que « toute charge financière liée à l'impact d'une loi ou d'une réglementation nouvelle soit compensée par une simplification ou un allègement d'un montant équivalent, de sorte que l'impact financier net des normes nouvelles sur les collectivités soit nul ». Sont exclues les mesures nouvelles portant sur la fonction publique territoriale et celles à caractère purement financier.

Selon une estimation récente du secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, les économies réalisées sur la base de cette deuxième circulaire s'élèveraient à 13 millions d'euros. Cette estimation n'a malheureusement pas fait l'objet de chiffrage plus précis, ce qui ne permet pas d'en apprécier la sincérité.

2. La création d'une structure dédiée à la lutte contre l'inflation normative
a) La création de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN)

Préconisée par le groupe de travail portant sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) a été créée à l'initiative de notre ancien collègue, M. Alain Lambert 18 ( * ) , en 2007 et mise en place en septembre 2008.

Composée de vingt-deux membres - quinze représentants des élus et sept représentants de l'État - elle était obligatoirement consultée sur les projets de textes réglementaires concernant les collectivités territoriales et les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur ces dernières. Elle disposait d'un délai de cinq semaines, pouvant exceptionnellement être ramené à 72 heures sur demande du Premier ministre, pour rendre son avis sur le texte dont elle était saisie.

La commission pouvait également être consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi ou d'amendements ayant un impact technique et financier sur les collectivités. Cette consultation était toutefois laissée à la discrétion du pouvoir exécutif et n'avait jamais été utilisée.

Bien qu'obligatoires, les avis de la CCEN n'étaient pas des avis conformes : le Gouvernement pouvait donc s'abstenir d'en tenir compte.

Notre commission des lois avait relevé le bilan positif de cette instance, en ce qu'elle avait permis l'instauration d'un contrôle approfondi et exigeant des normes réglementaires, à l'origine d'une nouvelle culture de l'évaluation au sein des administrations centrales.

Malgré ce bilan, il convenait de renforcer l'action régulatrice de la commission, notamment en élargissant les compétences de la commission, alors limitée au seul flux de normes, au stock de normes, c'est-à-dire à l'ensemble des dispositions normatives en vigueur, quelle que soit leur date d'entrée en vigueur. Notre collègue Mme Jacqueline Gourault estimait que « Cet élargissement, qui représenterait un travail considérable, permettrait de donner plus de cohérence à l'édifice normatif ainsi construit et de renforcer sa conformité avec les réalités locales. »

b) La transformation de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) en Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) aux pouvoirs élargis

C'est pour répondre à cette nécessité qu'a été adoptée la loi n° 2013-921 portant création d'un conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités et à leurs établissements publics, à l'initiative de nos collègues M. Jean-Pierre Sueur, alors président de la commission des lois, et Mme Jacqueline Gourault, alors présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sous l'égide de l'ancien président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel.

Le CNEN a succédé ainsi à la CCEN. Disposant de pouvoirs renforcés, il est chargé de l'examen de l'impact technique et financier des projets de normes réglementaires, législatives et européennes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Il est désormais compétent pour l'évaluation des normes réglementaires en vigueur - c'est-à-dire le stock de normes - dont il peut se saisir lui-même. Ainsi, le CNEN assure désormais un contrôle sur un ensemble très large des sources de création normative appliquée par les collectivités territoriales.

Il peut également être saisi de toute norme réglementaire existante dont l'application entraîne des difficultés par toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, le Gouvernement, les commissions permanentes des deux assemblées parlementaires. Lorsque le conseil national émet un avis défavorable sur tout ou partie d'un projet de texte, le Gouvernement transmet un projet modifié ou des informations complémentaires en vue d'une seconde délibération.

La proposition de loi initiale de Mme Jacqueline Gourault et de M. Jean-Pierre Sueur était accompagnée d'une proposition de loi organique des mêmes auteurs (n° 828, 2012-2013) tendant à joindre les avis rendus par le Conseil national d'évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à l'instar de ce qui est en vigueur pour les études d'impact.

Celle-ci vise à élever au niveau organique l'obligation de communication au Parlement des avis rendus, le cas échéant, par le CNEN. Ils seraient déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent et constitueraient ainsi un complément utile destiné à renforcer l'information du Parlement dans le cadre de sa mission législative.

Adoptée par le Sénat le 7 octobre 2013 sur le rapport de M. Alain Richard 19 ( * ) , cette proposition de loi organique a ensuite été examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2013 qui a étendu l'obligation de joindre aux documents rendant compte de l'étude d'impact réalisée sur un projet de loi, au-delà des seuls avis du CNEN, à l'ensemble des avis rendus avant la saisine du Conseil d'État par les instances saisies en application d'une disposition constitutionnelle, organique ou législative, lorsque ces avis ont été rendus par les instances consultées.

Elle n'a fait l'objet d'aucune inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

En 2015, à la date du 15 décembre 2015, le CNEN a examiné 376 textes dont 368 normes réglementaires et 8 projets de loi. La direction générale des collectivités locales a indiqué que huit textes avaient fait l'objet d'un avis défavorable du Conseil. C'est moins le coût que le caractère inadapté d'une norme à la diversité des situations auxquelles elle s'applique qui est à l'origine des avis défavorables.

Les éléments recueillis par votre rapporteur mettent en exergue, dans le tableau ci-après, les montant des impacts financiers tels qu'évalués par les ministères à l'occasion de la consultation du CNEN au 15 décembre 2015.

Tableau récapitulatif du coût des normes examinées en 2015 (en euros)

CNEN

Coût brut
pour les collectivités
territoriales sur 2016

Économies
sur 2016

Recettes
sur 2016

8 janvier

75 000

4 050

3 250 000

5 février

4 668 348

0

0

5 mars

33 649 300

6 954 000

421 304 000

20 mars

0

0

0

2 avril

2 009 817

2 789 740

0

22 avril

200 000

11 700 000

0

7 mai

41 677 000

23 760 000

100 000 000

4 juin

25 566 305

153 927 772

380 400 000

22 juin

0

0

0

2 juillet

113 288 691

6 600 000

0

9 juillet

0

0

0

23 juillet

1 957 703

142 475 363

1 370 000

10 septembre

116 066 242

3 940 000

0

9 octobre

492 850

0

0

13 octobre

7 005 200

46 596 000

0

29 octobre

0

0

0

5 novembre

7 849 250

15 763 300

5 500 000

12 novembre

0

0

0

20 novembre

0

0

0

3 décembre

10 597 000

14 900 000

0

17 décembre

190 515 000

593 633 000

0

TOTAL

555 617 706

1 023 043 225

911 824 000

Source : Direction générale des collectivités locales

Ainsi, l'impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leurs établissements des projets de textes soumis au CNEN a généré :

- un coût brut pour les collectivités territoriales d'environ 555,6 millions d'euros en année pleine ;

- 1 023 millions d'euros d'économie par rapport au coût de la réglementation en vigueur ;

- 911,8 millions d'euros de recettes.

Dans une contribution écrite adressée à votre rapporteur, M. Alain Lambert a considéré que ces chiffres étaient contestables, dans la mesure où les chiffres collectés par le CNEN sont ceux fournis par les administrations productrices de normes. La Cour des comptes a d'ailleurs récemment relevé que « la plupart des coûts bruts [...] sont minimaux, tandis que les gains sont évalués à leur niveau maximal » 20 ( * ) .

Un décret d'application n° 2014-446 portant application de la loi n° 2013-921 portant création d'un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics a été publié le 30 avril 2014. Il prévoit les modalités de désignation des membres du CNEN et définit l'organisation et les conditions de fonctionnement du conseil. Toutefois, certaines dispositions vont au-delà de l'intention du législateur en prévoyant des contraintes non prévues. En particulier, ce décret prévoit que toute demande d'évaluation adressée au CNEN soit présentée par au moins cent maires et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ou dix présidents de conseil général ou deux présidents de conseil régional. Or le législateur n'a jamais envisagé l'introduction de telles conditions.

C'est pourquoi le Sénat a adopté, le 20 mai 2015, une proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du conseil national d'évaluation des normes, déposées par nos collègues MM. Jean-Marie Bockel, président de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et Rémy Pointereau, premier vice-président, afin de rappeler la faculté de saisine du CCEN par toute collectivité territoriale et par tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle visait également à élargir la capacité de saisine à l'ensemble des parlementaires et aux associations d'élus locaux.

Sur la proposition de son rapporteur, notre collègue M. Jean-Pierre Sueur, votre commission proposait de conforter les missions du CNEN. En particulier, elle a :

- précisé le contrôle du CNEN sur les projets de textes réglementaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leur groupement ;

- étendu la faculté de saisir le CNEN à toutes les collectivités territoriales et tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi qu'à l'ensemble des parlementaires ;

- prévu que toute demande d'évaluation d'une norme soit motivée ;

- encadré le recours aux procédures d'urgence et d'extrême urgence ;

- prévu que le CNEN puisse demander aux administrations à l'origine d'une norme de lui fournir, dans un délai de trois mois à compter de sa demande, une analyse sur le bien-fondé de la norme ;

- soumis au CNEN les projets de règlements fédéraux des fédérations sportives.

Lors de la séance publique du 20 mai 2015, le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, M. André Vallini, s'est engagé à modifier le décret précité pour que soit respectée l'intention du législateur. Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, un nouveau décret devrait prochainement être publié.

En matière de normes sportives, la commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres), qui dépend du conseil national du sport, peut sursoir à statuer et saisir le CNEN avant de rendre son avis si un tiers de ses membres (sur dix-huit) ou son président le demande.

La commission d'examen des projets de règlements fédéraux
relatifs aux équipements sportifs (Cerfres)

Créée en 2009 et intégrée, en tant que formation restreinte, au conseil national du sport par le décret n° 2013-289 du 4 avril 2013 21 ( * ) , cette commission a pour mission d'émettre un avis sur les projets de règlements élaborés par les fédérations sportives. Elle veille à ce que les normes proposées soient proportionnées aux exigences de la pratique d'une activité sportive, ne concernent pas les équipements destinés à l'entraînement ou à l'éducation physique et ne privilégient aucune marque d'équipement en particulier.

Toute édiction ou modification de règlement fédéral relatif aux équipements sportifs requis pour les compétitions doit faire l'objet d'une évaluation des conséquences, notamment financières, des prescriptions envisagées et être soumises à l'avis de la Cerfres.

La commission est composée de dix-huit membres : six représentants de l'État, six représentants des collectivités territoriales et six représentants du mouvement sportif, des associations et des sociétés sportives. Depuis 2013, le poids des collectivités territoriales a été renforcé puisqu'elles disposent désormais d'un tiers des sièges (contre cinq auparavant) et la commission est présidée par un élu local. Elles peuvent désormais saisir le CNEN de l'examen d'un projet de règlement fédéral.

II. UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE À L'OBJECTIF PARTAGÉ MAIS SOULEVANT DES OBJECTIONS PRATIQUES ET JURIDIQUES

A. LA SOUMISSION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE À DE NOUVELLES CONTRAINTES

La présente proposition de loi constitutionnelle déposée par nos collègues MM. Rémy Pointereau et Jean-Marie Bockel, respectivement vice-président et président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, tend à subordonner l'action du législateur à l'objectif de stabilisation et d'allègement des charges applicables aux collectivités territoriales. Pour y répondre, il est prévu deux dispositifs contraignants qui s'imposeraient à l'initiative législative.

L' article 1 er propose de compléter l'article 39 de la Constitution, relatif aux conditions d'exercice de l'initiative des lois, en introduisant un mécanisme de « gage » s'appliquant aux projets et propositions de lois ainsi qu'aux amendements parlementaires comme gouvernementaux. Un projet de loi, une proposition de loi ou un amendement proposant la création d'une « contrainte ou d'une charge supplémentaires » s'imposant aux collectivités territoriales ne pourrait être « mis en discussion » que s'ils prévoyaient simultanément la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente. En d'autres termes, toute création d'une contrainte ou d'une charge nouvelle serait gagée par la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente. La rédaction proposée ne permet pas, avec certitude, d'interpréter ce texte comme limitant son application aux seules dispositions représentant une charge budgétaire. En effet, une contrainte peut n'avoir aucune incidence budgétaire, rendant difficile la suppression d'une contrainte équivalente.

L' article 2 propose d'introduire un nouvel article 88-8 dans la Constitution, pour prohiber la « surtransposition » des directives européennes, afin d'endiguer les contraintes supplémentaires pour les collectivités territoriales censées résulter du phénomène de transposition. Découle de la rédaction proposée une distinction, d'une part, entre les projets ou propositions de loi qui tendraient à la stricte transposition d'une directive européenne et, d'autre part, des textes d'accompagnement, c'est-à-dire contenant des mesures d'adaptation du droit existant aux dispositions européennes ou des mesures connexes.

Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle précisent dans l'exposé des motifs que « le droit d'amendement doit être adapté à cette distinction entre textes de transposition et mesures d'accompagnement » : il en ressort que le droit d'amendement du Gouvernement comme des parlementaires ne s'appliquerait qu'aux projets ou propositions de loi d'accompagnement. Pour ceux tendant à la transposition d'une directive, ce droit serait limité, voire interdit, pour éviter tout risque de « surtransposition ».

B. DES OBJECTIONS D'ORDRE JURIDIQUE ET PRATIQUE

La proposition de loi constitutionnelle semble reposer sur le présupposé selon lequel le législateur serait le principal responsable de l'inflation normative à laquelle sont soumises les collectivités territoriales. C'est pourquoi son activité devrait être encadrée par des dispositions contraignantes destinées à limiter sa tentation de créer des normes nouvelles.

Or, comme l'a indiqué votre rapporteur, les sources de l'inflation normative sont nombreuses, le législateur n'étant qu'un acteur parmi d'autres. Il n'est donc pas certain que la mise en oeuvre des dispositions proposées tarirait le flux normatif.

Par ailleurs, l'adoption d'une contrainte ou d'une charge nouvelle peut être justifiée par un motif d'intérêt général. Sa vocation peut être le renforcement de certains droits ou des libertés publiques ou individuelles. Des dispositions apparaissant comme des contraintes pour les collectivités territoriales peuvent, à l'inverse, contribuer à simplifier la vie des entreprises ou des citoyens ou à mieux prendre en compte leurs intérêts dans l'action publique locale. Il en serait ainsi, par exemple, de l'obligation d'établir une étude d'impact pour toute délibération d'une assemblée locale.

Plus généralement, l'application de ces dispositions soulève une double difficulté : d'une part, d'ordre juridique, avec l'introduction de dispositions remettant en cause certains articles de la Constitution ; d'autre part, d'ordre pratique.

1. Les difficultés d'interprétation de la proposition de loi constitutionnelle

Certains termes utilisés à l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle soulèvent, aux yeux de votre rapporteur, plusieurs interrogations quant à leur interprétation ou au périmètre qu'ils recouvrent.

Le terme « contrainte » recouvre plusieurs réalités : il désigne à la fois une contrainte étatique, une décision administrative préalable aux poursuites pour le recouvrement des impôts directs ou un acte de force 22 ( * ) . Il apparaît peu adapté pour qualifier une obligation pesant sur les collectivités territoriales. Par ailleurs, ainsi que l'a indiqué la direction générale des collectivités locales à votre rapporteur, toute loi a vocation à créer des effets juridiques contraignants qui s'imposent à l'ensemble des acteurs. Dès lors, l'article 1 er pourrait s'appliquer à l'ensemble des initiatives parlementaires et gouvernementales.

Le respect introduit à l'article 1 er de la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente concomitamment à la création d'une contrainte ou charge supplémentaire nécessite la généralisation des études d'impacts aux propositions de lois mais également aux amendements, aussi bien parlementaires que gouvernementaux. Toute mesure nouvelle n'est pas toujours évaluable a priori . Son coût peut être lié à son application ou aux obligations qui découlent de la traduction réglementaire de dispositions ou de principes législatifs. D`autres obligations ont pour objectif la protection d'une liberté ou d'un droit, et visent à répondre à un objectif d'intérêt général qui s'impose à l'ensemble de la société. Il ne saurait à ce titre être compensé à l'euro près, ni même être soumis à une obligation de compensation. Enfin, certaines contraintes se traduisent par l'allongement d'un délai ou l'envoi obligatoire de documents. Dans ce cas, se pose la difficulté de supprimer une contrainte équivalente. En d'autres termes, se pose la difficulté pratique à apprécier le caractère équivalent d'une charge a fortiori si elle ne présente aucune incidence financière.

Il convient par conséquent de disposer d'outils tendant à s'assurer de la sincérité des évaluations incluses dans les études d'impact. Ce contrôle doit reposer sur des outils et des bases de données fiables et complètes pour pouvoir être effectif, mais également sur une procédure ou une instance capable d'en apprécier la sincérité. Aucun élément ne permet de savoir qui assurerait ce contrôle : les commissions des finances des assemblées, le CNEN ou une instance ad hoc , ce qui pourrait avoir des conséquences en matière d'allongement des débats parlementaires.

Plus généralement, l'article 1 er soulève la question des outils à la disposition du Parlement pour évaluer au plus juste la création d'une charge ou d'une contrainte supplémentaire pour permettre de la compenser par la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente.

2. Une nouvelle règle de recevabilité qui se heurterait à d'autres dispositions constitutionnelles

Les dispositions proposées soulèvent des questions d'articulation avec plusieurs dispositions constitutionnelles existantes.

a) Une règle d'irrecevabilité contradictoire avec l'article 40 de la Constitution

L'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle introduit une nouvelle condition de recevabilité des initiatives parlementaires
- propositions de loi et amendements -, qui s'ajouterait à celles déjà existantes (articles 40, 41 et 45 de la Constitution) mais aussi aux initiatives gouvernementales.

En prévoyant un mécanisme de gage qui autoriserait la discussion d'une disposition créant une charge supplémentaire, l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle créerait une contradiction avec l'article 40 de la Constitution.

Ce dernier dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Comme l'avait relevé notre ancien collègue, M. Philippe Marini 23 ( * ) , « la règle posée par l'article 40 constitue une limite objective à l'initiative des lois qui appartient aux parlementaires, en vertu de l'article 39 de la Constitution, ainsi qu'au droit d'amendement de ces derniers, consacré à l'article 44 de la Constitution. [...] Le Conseil constitutionnel a, dès 1978, affirmé le caractère «absolu» de cette limite, dont il a par ailleurs donné des éléments d'interprétation au travers de plusieurs décisions. » Toujours selon notre ancien collègue, « l'emploi du mot «charge» au singulier prohibe les créations ou aggravations mêmes compensées par la baisse d'une autre charge ou par l'augmentation des ressources publiques ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel est d'ailleurs constante sur le caractère absolu de l'interdiction de créer ou d'aggraver une charge publique par le biais d'une initiative parlementaire. On précisera que la notion de charge publique recouvre une réalité plus large que celle des dépenses stricto sensu imputées aux personnes publiques. Notre ancien collègue précisait qu'elle « comprend [...] les droits que des tiers détiennent sur ces personnes ou les compétences qu'elles exercent et les missions dont elles s'acquittent . » Une charge publique est constituée, au sens de l'article 40 de la Constitution, dès lors qu'elle est directe et certaine, ces critères n'étant pas forcément cumulatifs.

Ainsi, toute initiative parlementaire est irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution dès lors qu'elle crée ou aggrave une charge publique. La compensation d'une telle création ou aggravation, par la diminution d'une charge équivalente ou l'augmentation d'une ressource, est sans incidence sur la recevabilité.

Or, en vertu de l'alinéa supplémentaire introduit par l'article 1 er de la présente proposition de loi, une initiative parlementaire introduisant une charge ou une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales serait recevable dès lors qu'elle serait gagée par la suppression d'une charge ou d'une contrainte équivalente, en termes de coût. En revanche, celles, identiques, mais applicables à d'autres personnes publiques, seraient déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution. Ainsi, deux dispositions identiques mais s'appliquant à différentes personnes publiques ne seraient pas soumises aux mêmes règles de recevabilité financière et ne subiraient pas le même sort, ce qui soulève un évident problème de cohérence.

Au surplus, paradoxalement, la règle de recevabilité prévue par la proposition de loi constitutionnelle serait moins protectrice des finances locales que l'article 40 de la Constitution, puisqu'elle permettrait d'imposer de nouvelles dépenses locales, à condition de les compenser.

En outre, certaines normes ayant une incidence financière sur les collectivités territoriales ne visent pas uniquement ces dernières mais tendent à s'appliquer à un ensemble plus vaste d'acteurs. Dès lors, faut-il comprendre que l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle obligerait à compenser les charges pour les seules collectivités territoriales et non pour les autres personnes publiques concernées ?

Votre rapporteur s'interroge sur l'autorité qui serait chargée de l'appréciation de cette recevabilité. En effet, l'application des autres recevabilités des amendements relève, selon le règlement des assemblées, de la commission des finances de l'assemblée saisie ou de la commission permanente saisie principalement au fond. Cette nouvelle recevabilité obéirait-elle aux mêmes obligations ?

b) Des conséquences sur les compétences des collectivités territoriales au regard de l'article 72 de la Constitution

Au regard de l'article 72 de la Constitution, la rédaction de l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle soulève des interrogations quant aux compétences qui pourraient être transférées aux collectivités territoriales.

En effet, ainsi que l'avait précisé notre ancien collègue, M. Philippe Marini, « sont incluses dans la notion de charge publique les compétences des personnes entrant dans le champ de l'article 40 de la Constitution. Aucun amendement parlementaire ne saurait donc attribuer des compétences nouvelles à une telle personne, que ces compétences soient générales ou prennent la forme d'une mission ponctuelle. »

Par conséquent, l'application de l'article 1 er tel qu'il est proposé n'aurait pas permis à votre commission, dans le cadre de la loi NOTRe 24 ( * ) , de confier aux régions une compétence en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi, sauf à supprimer une compétence régionale de charge équivalente. Ainsi, l'article 1 er reviendrait à figer les compétences des collectivités territoriales, sans permettre leur renforcement ou en empêcher tout débat sur l'opportunité de leur en confier de nouvelles.

On rappellera en outre que l'article 72-2 de la Constitution prévoit une compensation financière des transferts de compétences La compensation doit en revanche obéir à cinq principes : elle doit être intégrale, concomitante, garantie, contrôlée et, enfin, conforme à l'objectif d'autonomie financière inscrit dans la Constitution. Toutefois, cet article n'impose une réévaluation dans le temps en fonction du coût d'exercice des charges transférées ce qui reflète la nécessité de disposer d'évaluations pertinentes pour éviter toute compensation a minima .

3. Une initiative parlementaire bridée en matière de transposition de directive
a) Un droit d'amendement limité

En proposant de dissocier les projets ou propositions de loi de transposition de directives de ceux qui contiendraient les dispositions d'accompagnement de la transposition, l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle tend à limiter, voire à interdire, dans le premier cas, le droit d'amendement tandis qu'il serait pleinement opérant dans le deuxième cas.

Or, en vertu d'une jurisprudence ancienne et constante du Conseil constitutionnel, le droit d'amendement du Parlement et du Gouvernement doit s'exercer « pleinement », sur le fondement du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution. Ce droit est néanmoins soumis à trois irrecevabilités prévues aux articles 40 (recevabilité financière), 41 (domaine de la loi) et 45 (règle de l'entonnoir et interdiction des cavaliers législatifs).

L'article 2 interdirait le dépôt d'amendements ou, à tout le moins, encadrerait très sévèrement le droit d'amendement en raison de la nature du projet ou de la proposition de loi. Outre que cette disposition dérogerait directement à l'article 44 de la Constitution, selon lequel « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement », elle contraindrait le travail parlementaire en déniant toute possibilité au législateur, en fonction du domaine concerné, d'introduire des mesures qui iraient au-delà de ce que prévoit une directive européenne, pour des motifs d'opportunité juridique ou politique ou encore d'intérêt général.

À cet égard, l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle est en contradiction avec une récente résolution européenne de notre Haute Assemblée en matière de transposition de directives.

La commission des affaires européennes du Sénat a récemment publié un rapport d'information de nos collègues son président Jean Bizet et de Simon Sutour 25 ( * ) , sur la proposition de révision de l'accord interinstitutionnel en matière d'études d'impact. La Commission européenne propose notamment que toute transposition de directives fasse l'objet d'une étude d'impact. Si le Parlement européen y est favorable, « les États membres y sont hostiles, estimant qu'une telle mesure reviendrait à limiter le droit des parlements nationaux à exercer leur pouvoir législatif. [...] L'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne précise, en outre, que la directive lie les États membres quant au résultat à atteindre mais laisse aux instances nationales les compétences quant à la forme et aux moyens. La forme même de directive pourrait donc être affectée par un tel encadrement, en contradiction avec les dispositions du Traité. Enfin, une telle option n'est pas sans poser des problèmes au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité. » Cette position a fait l'objet d'une résolution européenne du Sénat du 20 novembre 2015 26 ( * ) .

Par ailleurs, si la transposition des directives est une des causes de l'inflation normative, en ce qu'elle est parfois utilisée, par le Gouvernement, comme vecteur de l'introduction de dispositions nouvelles et coûteuses pour les collectivités territoriales, une directive européenne peut être, dans certaines matières, moins protectrice que notre droit. Or, ainsi que l'ont rappelé nos collègues MM. Jean Bizet et Simon Sutour, une directive définit dans un domaine déterminé le cadre minimal commun à l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Aucun État ne peut adopter une législation en-deçà de ce socle minimum. En revanche, il relève de la libre appréciation du législateur national 27 ( * ) d'adopter des dispositions allant au-delà d'une simple transposition, tout en veillant à ce que cette « surtransposition » volontaire soit proportionnée et réponde à un objectif d'intérêt général.

Votre rapporteur estime qu'il relève de la responsabilité du pouvoir politique d'apprécier l'opportunité d'aller au-delà d'une simple transposition . C'est d'ailleurs la ligne de conduite que s'était fixée notre collègue M. Hugues Portelli 28 ( * ) en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, qui a proposé à votre commission des lois puis au Sénat, de limiter la « surtransposition » de la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public. Il a proposé de rester fidèle à l'esprit de la directive afin de ne pas créer des inégalités de traitement entre secteurs publics des différents États membres. Il revient ainsi aux parlementaires d'apprécier l'opportunité de se soumettre à une certaine discipline en matière de transposition de directives, ou bien de s'en écarter pour un motif d'intérêt général.

Votre rapporteur, tout en partageant l'objectif poursuivi par une telle disposition, demeure réservé quant au risque de stérilisation du débat parlementaire et démocratique que l'article 2 pourrait provoquer, même si telle n'est pas l'intention des auteurs de la proposition de loi constitutionnelle.

b) Un risque d'encombrement de l'ordre du jour parlementaire

Enfin, une stricte application de l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle conduirait, lors de la transposition d'une directive, au dépôt de deux projets de loi ce qui pourrait engendrer un encombrement de l'ordre du jour parlementaire et nuirait à l'examen cohérent des textes.

Or les transpositions de directives doivent nécessairement s'accompagner des mesures d'accompagnement. En effet, la terminologie utilisée dans les actes législatifs européens est différente de celle des droits nationaux. C'est pourquoi toute transposition nécessite une réécriture, a minima , des dispositions de la directive ainsi que de mesures de coordination pour assurer son application en droit français. En d'autres termes, la stricte transposition d'une directive n'est ni possible, ni souhaitable.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : RENFORCER LES OBJECTIFS INITIAUX DU TEXTE TOUT EN PRÉSERVANT LES POUVOIRS DU PARLEMENT

Votre commission a toujours été attentive à la simplification du droit et à l'allègement des normes imposées à l'ensemble des acteurs publics et privé, à l'occasion notamment de l'examen de nombreuses lois de simplification depuis une quinzaine d'années.

L'introduction au sein de notre Constitution de nouvelles règles contraignantes pour le législateur ne doit pas conduire à une négation du débat parlementaire mais à une meilleure appréciation de la pertinence et de l'utilité de toute nouvelle mesure qui pèserait sur les collectivités territoriales. Il s'agit pour le législateur de s'astreindre à plus de rigueur dans l'analyse des mesures qu'il adopte et leur mise en oeuvre par les collectivités territoriales.

Les dispositions proposées seraient contraignantes pour le seul législateur tandis qu'aucune règle n'encadrerait l'action des autres responsables de l'emballement normatif, telles que le pouvoir réglementaire dérivé ou autonome, les fédérations sportives ou encore les organismes publics ou privés émetteurs de normes de qualité. Par conséquent, la nouvelle démarche initiée par la proposition de loi constitutionnelle mériterait également de s'appliquer aux autres responsables de la production normative.

L'allègement normatif relève avant tout d'une volonté politique. Il ne s'agit donc pas, pour votre commission, de s'opposer à la lutte contre l'inflation normative, chantier indispensable pour la sécurité juridique et le dynamisme de nos territoires. Elle a toutefois estimé que la volonté légitime de lutter contre la prolifération des normes ne devait pas s'accompagner du sacrifice du débat parlementaire ni d'une restriction excessive de l'initiative parlementaire.

En outre, ainsi que l'avait relevé M. Jean-Luc Warsmann en 2008 29 ( * ) , « tout n'est pas simplifiable, la complexité étant inhérente au fonctionnement de notre société, le droit semble contraint d'en rendre compte [...] la norme cherchant toujours à mieux appréhender la réalité qui se présente à elle ». Et il avait indiqué que « la volonté de simplifier à tous crins conduit parfois à des «solutions qui n'apparaissent satisfaisantes que dans l'immédiat» ».

Toute politique de simplification doit répondre à une question simple : simplifier quoi, pour qui et dans quel but ? La simplification ne saurait être conduite au détriment d'autres objectifs d'intérêt général.

C'est à l'aune de ces réserves que votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a adopté trois amendements qui visent à répondre aux questions soulevées par la rédaction initiale tout en conciliant objectif de lutte contre l'inflation normative et maintien de la libre appréciation du législateur et en poursuivant l'objectif des auteurs de la proposition de loi constitutionnelle.

Ainsi, votre commission a adopté l' amendement COM-1 proposant une nouvelle rédaction de l'article 1 er . Il tend à insérer dans la Constitution un nouvel article 39-1 composé de deux alinéas.

Le premier alinéa soumettrait le législateur et le pouvoir réglementaire au respect des principes de simplification et de clarification du droit sans préjudice des conditions d'exercice des libertés publiques ou des droits constitutionnellement garantis. Le pouvoir législatif comme le pouvoir réglementaire seraient tenus de respecter ces principes dans le cadre de leur mission respective.

Le second alinéa prévoit, dans les conditions fixées par une loi organique, que toute mesure nouvelle ou toute aggravation d'une mesure nouvelle qui porterait sur les compétences exercées par une ou plusieurs collectivités territoriales ne pourrait être adoptée si elle n'a fait l'objet d'une évaluation préalable sérieuse et d'une réflexion sur la compensation financière. L'objectif de cette rédaction est, outre le recours à des termes juridiques plus précis et plus appropriés, d'obliger le législateur, dans sa volonté de créer ou d'aggraver une charge pesant sur les collectivités territoriales, à réfléchir aux conséquences techniques et budgétaires d'une telle proposition. En effet, une compensation financière n'est pertinente que si elle repose sur une évaluation sincère et aussi précise que possible. Le législateur pourrait proposer l'adoption de charges dont l'évaluation serait minorée si bien que sa compensation budgétaire ne permettrait pas de couvrir les dépenses imposées aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, une loi organique préciserait les éléments devant figurer dans l'évaluation, les règles encadrant la compensation, et les conditions de recevabilité des textes qui s'inscriraient dans cette disposition. Ainsi, il est proposé d'élever au niveau constitutionnel l'obligation, de niveau organique, d'une évaluation préalable qui s'imposerait aux propositions de loi. Aujourd'hui, sur le fondement du troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution et en application de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, seuls les projets de loi sont obligatoirement accompagnés d'une étude d'impact qui définit « les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation ». Le Gouvernement est donc déjà soumis à une obligation d'évaluation, dont on peut parfois déplorer le manque de qualité et de sincérité. À cet égard, votre rapporteur regrette que le Conseil constitutionnel ait exercé un contrôle trop limité sur le contenu des études d'impact dont le rôle est pourtant indispensable au regard du principe constitutionnel de sincérité du débat parlementaire, dans sa décision sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral 30 ( * ) . Le nouveau fondement constitutionnel à l'évaluation permettrait de densifier le contrôle du Conseil constitutionnel sur le contenu des études d'impact qui apparaît à ce jour trop évanescent.

Une réflexion doit en revanche être menée sur son extension aux amendements, aussi bien d'origine gouvernementale et parlementaire.

Ainsi, aux yeux de votre rapporteur, une évaluation préalable permettrait au législateur de disposer des éléments nécessaires à un débat parlementaire sincère et éviter tout risque de compensation insuffisante des charges incombant aux collectivités territoriales.

Par l' amendement COM-2 , elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 2 selon laquelle les mesures assurant la transposition d'un acte législatif européen ne devraient pas excéder les objectifs poursuivis par cet acte. Cette rédaction permet, aux yeux de votre commission, de s'appliquer aussi bien au législateur qu'au pouvoir réglementaire mais introduit implicitement la notion de proportionnalité qui fait l'objet d'une jurisprudence ancienne et claire du Conseil constitutionnel.

Ce contrôle impose de rechercher un équilibre entre les atteintes portées aux droits et libertés constitutionnels et les objectifs poursuivis. Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel repose sur une double exigence :

- un contrôle de l' adéquation : il s'assure qu'une mesure soit appropriée, c'est-à-dire susceptible de permettre ou de faciliter la réalisation de ou des objectifs recherchés ;

- un contrôle de la nécessité : il veille à ce que la mesure adoptée n'excède pas ce qu'exige la réalisation du but poursuivi.

Ainsi, la rédaction proposée permettrait au Conseil constitutionnel de veiller à ce que toute mesure de transposition soit proportionnée aux objectifs poursuivis, sans pour autant interdire au législateur, pour des raisons d'opportunité politique ou juridique, d'aller au-delà d'une stricte transposition, sous réserve de prévoir des mesures adaptées et nécessaires.

En outre, la rédaction ainsi modifiée de l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle préserverait le droit d'amendement des parlementaires et ne serait pas source d'un encombrement de l'ordre du jour des assemblées.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel
en matière de transposition de directives européennes.

L'article 88-1 de la Constitution dispose que « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences. »

Il résulte de cet article que la transposition, en droit interne, d'une directive communautaire relève d'une exigence constitutionnelle. Sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, il appartient ainsi au Conseil constitutionnel de veiller au respect de cette exigence, lorsqu'il est saisi d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire.

Ce contrôle est toutefois soumis à une double limite.

La première est que la transposition d'une directive ne peut aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti. En l'absence de la mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France et d'un consentement du constituant, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité aux droit et libertés que la Constitution garantit, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution, de dispositions législatives se bornant à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive de l'Union européenne. Il appartient dans ce cas au juge communautaire et à lui-seul, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne.

La seconde est liée au fait que, en vertu de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel devant statuer avant la promulgation de la loi, il ne peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle prévue par l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne. Par conséquent, le Conseil constitutionnel ne pourrait déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer.

On rappellera qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi à une directive européenne.

Enfin, elle a adopté l' amendement COM-3 pour modifier l'intitulé de la proposition de loi constitutionnelle, afin de mieux assurer sa cohérence avec le contenu ainsi modifié de la proposition de loi constitutionnelle.

Toute entreprise de simplification du droit ne saurait reposer sur la seule mise en oeuvre de principes généraux ou de dispositions contraignantes, fussent-elles de niveau constitutionnel. C'est en réalité par une vigilance permanente de l'ensemble de la représentation nationale, attentifs à l'intérêt général, qu'elle s'accomplit utilement et sûrement.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - La proposition de loi constitutionnelle s'inscrit dans le contexte d'une inflation normative, à la fois législative et réglementaire, qui s'est étendue à des domaines périphériques où des organismes de droit privé interviennent de plus en plus. Cette inflation s'exerce de surcroît dans des domaines législatifs sensibles comme l'environnement, l'urbanisme et la transition énergétique.

Dès 1991, le Conseil d'État s'était alarmé de ce phénomène ; un rapport de Mme Chandernagor avait décrit l'insécurité juridique résultant de la surproduction normative. Plus récemment, en 2011, notre collègue Éric Doligé a présenté un rapport au Président de la République sur ce thème puis a déposé une proposition de loi pour simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales. Notre commission a été saisie de sept lois de simplification depuis 2007 pour réduire le nombre de normes appliquées par les acteurs publics et privés, évalué à 400 000 par l'Association des maires de France.

Un premier moratoire a été introduit en 2010. Son bilan est mitigé puisque, d'après Jacqueline Gourault, il n'a pas donné lieu à une diminution sensible : son rapport sur la proposition de loi de M. Doligé en 2012 soulignait même que le nombre de projets réglementaires était en augmentation.

Une circulaire du Premier ministre du 17 février 2012, confirmée par une circulaire plus récente du 12 octobre 2015, prévoit l'établissement d'une évaluation préalable pour tout projet de texte réglementaire. Une autre circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013, entrée en vigueur dès le 1 er septembre suivant, met en oeuvre le principe : « une norme créée, une norme supprimée ».

Enfin, la Commission consultative d'évaluation des normes créée en 2008 et dont les avis étaient consultatifs, a été remplacée en 2014 par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). D'après le Gouvernement, l'action de celui-ci aurait dégagé plus d'un milliard d'euros d'économies et 912 millions de recettes, mais ces chiffres appellent quelques réserves, exprimées par notre ancien collègue Alain Lambert et la Cour des comptes. Il est en réalité difficile d'en mesurer l'impact à peine un an après son installation. Sur plus de 370 avis rendus par le CNEN, huit ont été négatifs.

La proposition de loi constitutionnelle qui vous est soumise est issue du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il conviendra de l'harmoniser avec un texte très voisin, dont notre commission sera également saisie, fruit de la réflexion de la délégation aux entreprises.

L'article 1 er propose de compléter l'article 39 de la Constitution par un mécanisme de gage s'appliquant aux projets et propositions de loi ainsi qu'à l'ensemble des amendements qui portent création d'une « contrainte ou d'une charge complémentaire ». Ne seraient discutés que ceux qui prévoiraient simultanément la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente.

L'article 2 introduit un nouvel article 88-8 de la Constitution interdisant au législateur de « surtransposer » les directives européennes, à travers une distinction entre les projets ou propositions de lois visant à transposer strictement une directive européenne, et les textes d'accompagnement comprenant des mesures d'adaptation du droit existant aux dispositions européennes.

L'article 1 er pose plusieurs difficultés. D'abord, une contrainte s'apprécie beaucoup moins aisément qu'une charge ; or certaines mesures normatives s'expriment en termes de délais ou d'obligations, ce qui rend difficile leur compensation par des mesures normatives équivalentes. Plus globalement, il faut des outils d'évaluation du coût, et d'appréciation de la sincérité de cette évaluation.

Plus important, l'article 40 de la Constitution rend toute initiative parlementaire irrecevable si elle crée ou aggrave une charge publique, que celle-ci soit compensée ou non. Or en vertu de l'article 1 er du texte, une initiative parlementaire introduisant une charge ou une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales serait recevable dès lors qu'elle serait gagée par la suppression d'une charge ou d'une contrainte équivalente. En revanche, les initiatives applicables à d'autres personnes publiques seraient déclarées irrecevables au regard de l'article 40. Outre un problème évident de cohérence et d'égalité de traitement, cette règle serait moins protectrice des finances locales que l'article 40 puisqu'elle autoriserait l'introduction compensée de nouvelles dépenses locales. En outre, certaines normes ayant une incidence financière sur les collectivités territoriales ne les visent pas exclusivement. Non seulement il est difficile en pratique d'apprécier l'équivalence d'une charge, a fortiori si elle ne présente aucune incidence financière, mais encore ce texte reviendrait à figer les compétences des collectivités locales, sauf à effectuer un travail préalable de gage. Ces difficultés m'amèneront à vous soumettre un amendement.

Tous ceux que nous avons entendus, en particulier Alain Lambert, ont insisté, au-delà du travail du CNEN, sur la nécessité d'une démarche plus volontaire sur le plan législatif et institutionnel.

Il y a des normes ne relevant pas seulement du domaine réglementaire. Dans le domaine sportif, les fédérations sportives imposent parfois des contraintes très fortes aux collectivités. Autre exemple, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose, dans son article 4, le principe de l'accessibilité universelle qui va au-delà des dispositions adoptées par l'ONU ou la Commission européenne. Deux ans avant le délai de mise en oeuvre, le Gouvernement, voyant que l'échéance ne serait pas respectée, a engagé une concertation avec les associations représentant les personnes handicapées pour mettre en oeuvre des dispositions adaptées. Celles-ci ont été prises par ordonnance grâce à une loi d'habilitation, sans que le Parlement se prononce sur le fond de la question.

Alors que l'article 39 de la Constitution impose au Gouvernement d'assortir tout projet de loi d'une étude d'impact - le Conseil constitutionnel ayant livré de cette obligation une analyse très formelle -, les initiatives parlementaires relèvent de l'article 40. Il conviendrait d'harmoniser le traitement des textes d'origine gouvernementale et parlementaire en faveur du dispositif prévu à l'article 39.

La « surtransposition » des directives européennes, contre laquelle l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle a été rédigé, est une pratique courante. Dans le domaine aéronautique par exemple, une mauvaise traduction peut transformer une incitation en exigence. En matière d'énergie, nos voisins européens ont souvent recours à des transpositions allégées. Ainsi en Allemagne, la structure fédérale ménage une possibilité de souplesse dans l'application du droit européen au niveau des Länder . Chez nous, la transposition au seul niveau national est facteur de rigidité.

Notre marge de manoeuvre en la matière est limitée, puisqu'il est impossible de « sous-transposer ». Conscientes du problème, les autorités européennes envisagent elles-mêmes d'harmoniser la transposition dans les différents pays ; à l'encontre de cette tendance, une récente résolution européenne du Sénat déposée par Jean Bizet et Simon Sutour appelle à ne pas priver le Parlement de sa capacité d'appréciation dans ce domaine.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie pour ce travail juridiquement approfondi. Ce texte résulte d'un mécontentement croissant des responsables des collectivités territoriales à l'égard des normes qui ont souvent des incidences financières. Le travail d'écriture mené par Rémy Pointereau et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été difficile : on mesure à quel point les modifications proposées interfèrent avec des dispositions relatives au droit d'amendement ou à la recevabilité financière.

La question de l'étude d'impact a été mal réglée par la loi organique ; le Conseil constitutionnel en a donné une lecture extrêmement restrictive. La modification proposée à l'article 39 de la Constitution occasionnera sans nul doute de nombreux débats.

M. Hugues Portelli . - J'admire l'abnégation de notre rapporteur dans son analyse d'un texte qui, pour ma part, me laisse perplexe. D'abord, il traite de deux sujets qui n'ont rien à voir ; ensuite, il est mal écrit du point de vue juridique.

On ne peut pas balayer la transposition des directives européennes d'un revers de main. D'après la jurisprudence des tribunaux, une partie d'entre elles sont directement applicables, ce qui appelle une analyse au cas par cas. La transposition présente également une dimension linguistique : le droit européen est un mélange de droits, et la traduction en droit français de textes issus d'une autre culture juridique se heurte à la différence des concepts. Il y a un an, nous avons examiné un texte sur le harcèlement qui mentionnait l'environnement au sens du cadre de travail, traduction de l'anglais environment ; eh bien certains de nos collègues ont imaginé qu'il s'agissait de la nature ! Quant à la transposition proprement dite, elle est généralement le fait du Gouvernement à travers des ordonnances ; quand elle est présentée au Parlement, elle est déjà opérationnelle.

Pourquoi introduire les dispositions proposées par l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle dans l'article 39 de la Constitution, et non à l'article 72-2 ? C'est sans doute pour que cette disposition soit insérée avant l'article 40 - lors de la révision de 2008, nous avions manqué de courage, en renvoyant la question des ressources propres à la loi organique, qui n'a rien réglé. Le Conseil constitutionnel a beau jeu de nous dire qu'il ne pouvait le faire à notre place !

La compensation peut être interprétée à volonté. Une taxe locale est remplacée par une dotation financière fixée ne varietur qui, avec l'inflation, diminue inexorablement en termes réels. Nous sommes tombés dans notre propre piège ! Quoi qu'il en soit, ce texte ne changera rien, puisqu'il ne sera pas voté par les députés.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je partage votre scepticisme ; de plus, je suis réservé quant à la multiplication des modifications constitutionnelles, pour des résultats douteux. Néanmoins, le caractère provocateur de cette proposition de loi constitutionnelle me plaît assez. Le choix est à mes yeux le suivant : soit nous ne la votons pas, soit nous l'adoptons telle qu'elle est. Cette dernière option s'inscrit dans notre pratique traditionnelle qui consiste à reporter en séance publique les débats sur les propositions de loi. De plus, les modifications proposées aggravent les défauts du texte. Adoptons-le en l'état ; ainsi il sera discuté... et probablement rejeté par l'Assemblée nationale. Ce sera au moins une pierre dans le jardin du Gouvernement...

M. Alain Vasselle . - Quelles sont les chances que l'Assemblée nationale le vote ?

Qu'apporte l'article 39-1 de la Constitution que vous proposez d'ajouter ? Hugues Portelli a rappelé l'interprétation restrictive que le Conseil constitutionnel avait faite de l'étude d'impact. En quoi sera-t-il amené à se référer davantage, désormais, aux conséquences économiques et financières ?

Le dispositif de l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle introduit une incohérence entre les dispositions s'appliquant aux collectivités territoriales et les autres ; dans ces conditions, pourquoi ne pas l'élargir à toutes les personnes publiques ?

Enfin, étendre aux textes parlementaires l'obligation d'une évaluation préalable pourrait avoir pour conséquence de brider toute initiative ; à tout le moins, cela nécessitera des moyens humains supplémentaires pour les conduire.

M. René Vandierendonck . - Le travail de notre rapporteur illustre une fois de plus ses qualités de diplomate. Les représentants de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont dû faire valoir l'importance de ce texte pour limiter les empiètements du Gouvernement sur les compétences des collectivités ; en réalité, ils exprimaient surtout une aspiration à une plus grande transversalité entre leur délégation et les commissions thématiques.

Je partage la perplexité exprimée par mes collègues. La proposition va à l'encontre de la prudence d'un Tocqueville que vous recommandiez récemment en séance, monsieur le Président, vis-à-vis du pouvoir constituant dérivé. On s'affaiblit à discuter de tels textes. Le prochain conseil des ministres doit encore se prononcer sur un projet de révision. Convenez que cela fait beaucoup !

M. Philippe Bas , président . - Merci. Je crois comprendre que vous êtes défavorable au texte...

M. René Vandierendonck . - J'ai beaucoup de réticences.

M. François Grosdidier . - Je suis l'un des cosignataires du texte dont les deux volets traitent respectivement de la compensation des charges nouvelles pour les collectivités et de la « surtransposition » des directives européennes, qui est l'une des causes de la surréglementation dont souffrent les collectivités territoriales et les agents économiques.

Sur le premier point, il faut aller plus loin et adopter le texte. Quoique constitutionnalisé, le principe de compensation n'est pas respecté. Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sort qu'avait réservé le Conseil constitutionnel à l'étude d'impact, au moment de se prononcer sur la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Il importe de préciser la Constitution. Alors même qu'elles voient leurs recettes baisser, les collectivités territoriales sont écrasées par des transferts de charges. Il n'est que de considérer l'évolution des dépenses liées au RSA.

Je suis plus réservé sur l'interdiction de la « surtransposition » des directives européennes. C'est à nous de nous montrer sages et de ne pas imposer des normes qui n'existent pas dans les autres pays, surtout dans les secteurs exposés à la concurrence internationale. La « surtransposition » dans le domaine réglementaire autonome relève de la seule responsabilité du Gouvernement. Je m'en remets aux juristes : dès lors que le législateur ordinaire ne peut intervenir, l'article 2 limitera-t-il la propension de l'administration à « surtransposer » les directives ?

Mme Catherine Troendlé . - Ce texte plus qu'indispensable marque l'aboutissement de la réflexion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et plus particulièrement du groupe de travail constitué autour de Rémy Pointereau. De nombreuses auditions ont été conduites, et la consultation menée à l'occasion du congrès des maires de France en 2014 bien analysée. La demande exprimée par les élus locaux est forte. Mandaté par le Président de la République pour compiler l'ensemble des normes inutiles, Éric Doligé avait, en son temps, présenté une proposition de loi posant, dans son article 1 er , le principe de l'adaptabilité des normes par les élus, lequel n'a malheureusement pas été adopté, le Président de la République considérant que l'on ne pouvait accorder cette confiance aux élus locaux. Ce texte n'est pas à mes yeux, une réponse idéale : mais adoptons-le et avançons, à petits pas.

M. François Bonhomme . - On ne peut qu'être attentif à l'argumentation d'Hugues Portelli, pourtant, on ne peut que constater l'exaspération des élus. La proposition de loi constitutionnelle n'est pas seulement de circonstance ; elle applique le principe - élémentaire mais incompris de l'administration - de « qui décide paye ».

Écartons l'argument selon lequel le texte ne sera pas adopté par l'Assemblée nationale : c'est placer d'emblée le Sénat en position d'infériorité. Le texte a une fonction d'appel ; il signifie que la situation ne peut plus durer.

M. Christian Favier . - Voilà une mauvaise réponse à une bonne question. Les élus ne refusent pas toujours des responsabilités supplémentaires ; encore faut-il avoir des moyens pour les assumer. Ainsi, le transfert de la gestion du RSA au niveau départemental ne s'est pas accompagné d'une compensation intégrale par l'État dans la durée. Inscrivons dans la loi un mécanisme imposant, pour chaque responsabilité nouvelle, un transfert financier durablement équivalent. Il est peu réaliste de compenser une nouvelle contrainte ou charge par des suppressions, toute charge étant par nature évolutive. Le texte ne répond pas vraiment à un problème pourtant réel.

M. Philippe Bas , président . - Merci de votre intervention marquée du sceau de l'expérience.

M. Yves Détraigne . - En tant qu'élus locaux, nous pestons contre les nouvelles charges imposées par les textes ; en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas répondre à ce mécontentement par un constat résigné, sous prétexte que la Constitution nous empêche d'agir ! Nous représentons les collectivités territoriales de la République ; essayons de réduire les contraintes, sous peine de nous retrouver dans une contradiction permanente.

Voyez la réforme des rythmes scolaires qui a imposé, en toute impunité, des coûts exorbitants aux collectivités. Il y a une incompréhension entre le niveau central et le niveau local. Ce texte, dont je suis co-signataire, a le mérite de soulever une question à laquelle nous devons répondre. C'est un excellent sujet de discussion pour notre commission.

M. André Reichardt . - Comme le rappelait Catherine Troendlé, cette proposition de loi constitutionnelle résulte du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation : remarquez l'intérêt des élus pour régler un problème universellement reconnu.

Les amendements du rapporteur, auquel je rends hommage, ne correspondent pas à l'objectif fixé par le travail de Rémy Pointereau. Une postulation relative à la simplification ou à la clarification du droit ne règlera pas le problème, non plus que l'évaluation préalable des mesures nouvelles ou de l'aggravation des mesures.

Quant à l'article 2, il revient au législateur de décider ce qu'il veut ou non de transposer. Le brider par une mesure constitutionnelle va à l'encontre du pouvoir législatif.

M. François Pillet . - Cosignataire lucide du texte, je comprends ces hésitations, au demeurant mesurées. Elles ne traduisent pas une opposition forte au texte. La proposition de loi constitutionnelle nous invite à sortir des incantations : depuis plusieurs années, on n'a rien fait pour limiter les normes touchant les collectivités locales et les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles. Évitons de nous saouler de mots : ils peuvent, au lendemain des élections, donner autant la migraine que d'autres formes d'ivresse !

M. Philippe Bas , président . - Nous constatons une irritation généralisée contre l'accumulation de normes et les transferts de charges. Nous disposons de deux instruments d'évaluation : d'une part, l'article 72-2 de la Constitution prévoit la compensation de tout transfert de charges aux collectivités, mais les compensations ne suivent pas la dynamique des dépenses transférées, comme les prestations aux personnes âgées, aux personnes handicapées, à la protection de l'enfance, le RSA ; d'autre part, l'évaluation, mais le Conseil constitutionnel n'a pas souhaité donner une substance réelle à l'étude d'impact. Progresser sur ces deux points serait utile. Le texte répond-il réellement à ce cahier des charges ? Le rapporteur l'a recherché, en évitant d'inscrire dans la Constitution des proclamations incantatoires. Le texte évite-t-il, en l'état, la surtransposition des directives ? Ce n'est pas sûr.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - J'ai bien compris vos observations, formulées avec diplomatie. « Une mauvaise réponse à une bonne question » a dit M. Favier. Il faut sortir de l'incantation et faire le lien entre la réalité du terrain et le travail en commission, avez-vous ajouté. Malgré tout le travail réalisé, comme le constatait la Direction générale des collectivités locales (DGCL), réduire le flux et le stock de normes est difficile. Trouvons des moyens plus efficaces, dont certains relèvent davantage d'aspects culturels. La délégation aux entreprises, après avoir rappelé la nécessité de simplifier, voulait d'abord créer une commission supplémentaire sur le problème de l'attribution du crédit impôt-recherche : nous sommes atteints de la même maladie !

Nous apprécions les textes comme s'ils étaient tous soumis à une procédure assurant les garanties nécessaires. La loi NOTRe comptait 36 articles à l'origine, elle en comporte 136 aujourd'hui : bien des dispositions introduites n'ont pas fait l'objet d'étude d'impact. L'on ne peut pas dire que le Conseil constitutionnel nous ait apporté la réponse attendue. Voilà notre chantier : veiller à décrire précisément ce que doit être une étude d'impact pour que le Parlement dispose de cet outil nécessaire.

Hugues Portelli proposait d'utiliser l'article 72-2 de la Constitution plutôt que l'article 39. Nous traitons différemment les projets de loi d'origine gouvernementale relevant de l'article 39, devant faire l'objet d'une étude d'impact, et les propositions d'origine parlementaire, qui relèvent de l'article 40. J'ai suggéré une harmonisation pour que tout texte soit soumis à la même exigence d'évaluation, sur le modèle de l'article 39. Évitons de complexifier le système législatif et réglementaire et simplifions. L'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle comprend deux alinéas. L'alinéa 2 renvoie à une loi organique et à la nécessité de préciser le contenu d'une évaluation préalable. Le préciser dans l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle serait plus acceptable que la première rédaction de la proposition, difficile à intégrer à la Constitution. Le premier alinéa pourrait être retravaillé, en lien avec les propositions de la délégation aux entreprises.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - L'amendement COM-1 n'est pas contradictoire avec notre débat. Nous pourrions en revanche revoir la rédaction du premier alinéa pour la séance publique pour la rendre plus conforme à vos observations.

M. Philippe Bas , président . - Peut-on considérer que le deuxième alinéa donne une portée constitutionnelle à l'étude d'impact - prévue seulement par une loi organique - en tant que celle-ci porterait sur « toute mesure nouvelle ou toute aggravation d'une mesure portant sur les compétences ou obligations incombant aux collectivités territoriales » ? Nous pouvons ainsi espérer préciser l'exigence en matière d'étude d'impact et que le Conseil constitutionnel vérifie plus sévèrement que cette exigence est satisfaite par les projets de loi.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Tout à fait.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'article ainsi rédigé n'aboutit pas à l'objectif de la proposition de loi constitutionnelle et alourdit inutilement la Constitution. Soit on en reste au texte initial, soit on émet un avis négatif. Cette rédaction est pire.

M. Jacques Bigot . - Lors de l'examen d'une proposition de loi sur les entreprises, le rapporteur, totalement défavorable au texte, avait proposé sa suppression pure et simple, article par article. Je comprends la diplomatie du rapporteur sur une proposition de loi constitutionnelle dont il est lui-même cosignataire, mais la nouvelle rédaction est extrêmement dangereuse : on fait comme si les normes nouvelles ne créaient des charges qu'aux collectivités locales, or elles s'appliquent aussi aux entreprises - la délégation aux entreprises y travaille - et aux particuliers. Comment peut-on mentionner cela dans la Constitution ? La prudence appellerait le Gouvernement et le législateur à la raison. Les rythmes scolaires ne sont pas issus d'un texte de loi mais relèvent d'une simple disposition réglementaire avec des conséquences pour les collectivités. L'article 1 er et votre amendement n'auraient rien changé à l'impact de cette réforme. Nous nous posons de vraies questions sans trouver de véritables solutions. C'est au fur et à mesure de l'examen des textes et du suivi de l'action gouvernementale, quelle que soit la majorité politique, qu'elles seront trouvées. Les régions, lorsqu'elles établiront les schémas régionaux de développement économique ou d'aménagement du territoire, se poseront les mêmes questions.

M. Alain Vasselle . - La rédaction de cet amendement reste incantatoire. L'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle de M. Rémy Pointereau affiche la nécessité d'une compensation, à l'inverse de votre amendement. Je doute de l'efficience de ce deuxième alinéa, le travail d'évaluation et d'appréciation de la qualité du contenu de l'étude d'impact par le Conseil constitutionnel. Comme le proposent le président et Hugues Portelli, il faudrait s'intéresser à l'utilisation de l'article 72-2 de la Constitution sur la compensation.

M. Hugues Portelli . - J'ai auditionné récemment l'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, qui m'a tranquillement avoué que le Conseil constitutionnel n'avait pas eu le temps de définir une jurisprudence précise lors de sa saisine sur le projet de loi relatif à une nouvelle délimitation des régions. Il était débordé, comme le Gouvernement ! Sur le fond, la version d'origine de l'article 1 er accole deux concepts sans rapport, les contraintes et les charges, qui sont un concept financier.

M. René Vandierendonck . - Oui !

M. François Grosdidier . - Le principe de compensation des transferts de charges de l'État aux collectivités, normal et légitime, a été constitutionnalisé. Comme il n'est pas mis en oeuvre, il tourne dans le vide. Donnons-lui de l'efficacité, au lieu de rester passifs et faisons en sorte que la compensation ne concerne pas seulement le moment du transfert, surtout lorsqu'il s'effectue dans un cadre législatif ou réglementaire sans aucune marge de manoeuvre. Ainsi, alors que certains conseils départementaux ou régionaux avaient choisi de dépenser deux à trois fois plus pour les collèges ou les lycées que ne le faisait l'État, les conseils départementaux exécutent sur les dépenses sociales des politiques décidées par l'État, sans compensation, alors que leurs dépenses croissent du fait de l'application de nouvelles normes, comme l'accessibilité ; le Parlement a refusé d'adopter un principe d'adaptation ou de proportionnalité imaginé dans la proposition de loi d'Éric Doligé. Pour l'anecdote, la direction générale de l'armement impose le respect de la norme d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR) pour les simulateurs de vol sur Rafale, dans l'hypothèse où un agent d'entretien PMR y travaillerait. Envoie-t-on réellement ces agents en opérations extérieures ?

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 2

L'amendement COM-2 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi constitutionnelle

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Par cohérence avec les propositions, je propose la formulation : « Proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales », si tant est qu'on y arrive.

M. Jacques Bigot . - Les amendements doivent être cohérents avec le titre : vous avez un article sur la simplification du droit des collectivités territoriales et un sur la transposition des directives européennes ; les deux termes devraient être mentionnés.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Tout à fait d'accord. Ajoutons « et à encadrer la transposition des directives européennes ».

L'amendement COM-3 rectifié est adopté.

La proposition de loi constitutionnelle est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1 er
Compensation de toute contrainte ou charge supplémentaire incombant aux collectivités territoriales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. VIAL, rapporteur

COM-1

Évaluation préalable pour toute création ou aggravation d'une mesure portant sur les compétences ou une obligation incombant aux collectivités territoriales

Adopté

Article 2
Encadrement de la transposition des directives européennes

M. VIAL, rapporteur

COM-2

Principe selon lequel la transposition d'un acte législatif européen ne peut excéder les objectifs poursuivis par cet acte

Adopté

Intitulé de la proposition de loi constitutionnelle

M. VIAL, rapporteur

COM-3
rect.

Nouvelle rédaction de l'intitulé

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Rémy Pointereau , sénateur, auteur de la proposition de loi constitutionnelle

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

M. Stanislas Bourron , adjoint du directeur général

M. François Drapé , adjoint au sous-directeur des compétences et des institutions locales

M. Christophe Conti , chef du bureau du financement des transferts de compétences

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Conseil national d'évaluation des normes (CNEN)

M. Alain Lambert , président


* 1 Rapport sur la qualité et la simplification du droit de M. Jean-Luc Warsmann, décembre 2008.

* 2 « De la sécurité juridique », rapport du Conseil d'État, 1991.

* 3 Rapport de M. Éric Doligé, « La simplification des normes applicables aux collectivités locales », remis au Président de la République le 16 juin 2011.

* 4 Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, remis au Président de la République le 26 mars 2013.

* 5 Rapport d'information n° 317 (2010-2011) de M. Claude Belot, « La maladie de la norme ».

* 6 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (dite Grenelle I) ; loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite Grenelle II).

* 7 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 8 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 9 Études économiques de l'OCDE : Royaume-Uni 2007, page 150, OECD, 2007.

* 10 Rapport n° 338 (2011-2012) de Mme Jacqueline Gourault sur la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales.

* 11 Rapport n° 20 (2010-2011) de M. Bernard Saugey, sur la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

* 12 Circulaire NOR : PRMX1017659C du 6 juillet 2010 relative au moratoire applicable à l'adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.

* 13 Rapport n° 338 (2011-2012) de Mme Jacqueline Gourault, sur la proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales.

* 14 Circulaire NOR : PRMX1318686C du 17 juillet 2013 relative à la simplification administrative et au protocole des relations avec les services déconcentrés.

* 15 Circulaire NOR : PRMX1104783C du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales.

* 16 Circulaire n° 5817/SG sur l'évaluation préalable des normes et qualité du droit.

* 17 Circulaire n° 5743/SG du 9 octobre 2014 sur l'allègement des contraintes normatives applicables aux collectivités territoriales.

* 18 Article 97 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

* 19 Rapport n° 19 (2013-2014) de M. Alain Richard sur la proposition de loi organique tendant à joindre les avis rendus par le Conseil national d'évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

* 20 « Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics », Cour des comptes, octobre 2015.

* 21 Décret n° 2013-289 du 4 avril 2013 portant création du conseil national du sport.

* 22 « Vocabulaire juridique » de M. Gérard Cornu, Quadrige/Presses universitaires de France, 2 ème édition, janvier 2001.

* 23 Rapport d'information de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, n° 63 (2013-2014), « La recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat ».

* 24 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 25 Rapport d'information de MM. Jean Bizet et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, n° 84 (2015-2016), « Union européenne : mieux légiférer avec les Parlements nationaux ».

* 26 Résolution européenne sur la proposition d'accord interinstitutionnel relatif à l'amélioration de la réglementation.

* 27 Sauf pour les directives d'harmonisation maximale.

* 28 Rapport n° 93 (2015-2016) de M. Hugues Portelli, sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public.

* 29 Rapport sur la qualité et la simplification du droit de M. Jean-Luc Warsmann, décembre 2008.

* 30 DC n° 2014-12 FNR du 1 er juillet 2014, Présentation du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, considérant 3.

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