CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de ce protocole qui apparaît comme un outil majeur pour lutter contre toutes les formes d'esclavage moderne, la commission recommande l'adoption de ce projet de loi . Ce nouvel instrument, qui a pour ambition de réduire le fossé entre la pratique et les textes, devrait en effet favoriser une prise de conscience générale qui facilitera, à terme, l'identification des victimes du travail forcé, leur protection, leur indemnisation et l'accès au droit au séjour lorsque celles-ci sont de nationalité étrangère. Par ailleurs, la France , par la voix de son Président, s'est engagée à ratifier ce protocole rapidement , d'autant que l'OIT, en partenariat avec la Confédération syndicale internationale et l'Organisation internationale des employeurs a lancé une campagne « 50 for Freedom » visant à promouvoir la ratification et la mise en oeuvre du nouveau Protocole avec l'objectif d'obtenir les 50 premières ratifications d'ici à fin 2018.

Sous réserve de la modification relative aux compétences des inspecteurs du travail qui devrait intervenir par la publication d'une ordonnance prévue par l'article 261 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, début 2016, la législation française est conforme à l'ensemble des exigences posées par ce protocole. En outre, en septembre 2014, la Commission européenne a proposé au Conseil de l'Union européenne que les États membres soient autorisés à ratifier le nouveau protocole relatif à la convention sur le travail forcé de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Votre commission se félicite donc de sa très prochaine entrée en vigueur.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 janvier 2016, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Gaëtan Gorce et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 630 (2014-2015) autorisant la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail sur le travail force, 1930.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé :

M. Jean-Pierre Raffarin . - Merci pour cette présentation dense et synthétique.

M. Claude Malhuret . - Merci pour cette présentation. Comment cette convention sur le travail forcé s'articule-t-elle avec les autres conventions qui existent sur des sujets voisins mais différents, comme celui de l'esclavage ? Comment fait-on la distinction entre ces deux notions ? Comment les organisations internationales concernées, notamment l'Organisation des Nations unies, choisissent-elles d'appliquer telle ou telle convention ?

M. Gaëtan Gorce . - Il y a une articulation un peu complexe entre ces différents dispositifs. D'ailleurs, les rédactions ne sont pas absolument satisfaisantes. On peut considérer que les organisations internationales engagent des actions au vu des situations particulières qu'elles choisissent de définir. C'est la même chose pour la lutte contre la traite, qui a un lien étroit avec la question du travail forcé. Les incriminations et la mobilisation des moyens dépendent vraiment des situations dans lesquelles on se trouve. Personnellement, j'ai regardé la rédaction des différents textes et l'on peut dire que ce n'est pas tout à fait satisfaisant d'un point de vue juridique. Ces définitions peuvent se chevaucher. C'est le résultat du travail qui est fait par les membres de l'organisation. Je ne pense pas que cela nuise à l'efficacité de la démarche. En tout cas, je reconnais que le dispositif n'est pas d'un « cartésianisme » total sur le plan de la rédaction et des moyens mobilisés.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Merci pour cette présentation. J'ai deux questions à vous soumettre. Vous avez mentionné des centaines de cas de travail forcé et dit que, pour l'instant, l'inspection du travail n'est pas compétente pour constater cette infraction. Dans ces conditions, comment arrive-t-on à identifier ces cas ? Par ailleurs, la délégation aux droits des femmes travaille sur le sujet de la traite des êtres humains depuis plusieurs mois. Au cours des auditions, on nous a signalé que le Parquet travaillait essentiellement sur les violences faites aux femmes et la prostitution et ne prenait quasiment pas en compte la traite. Avez-vous eu des retours semblables ?

M. Gaëtan Gorce . - Je n'ai pas d'information particulière à ce sujet. La difficulté tient à ce qu'il n'y avait pas d'incrimination spécifique de travail forcé dans le code pénal français avant la loi de 2013. Ce n'est donc logiquement qu'à partir de cette date que l'on dispose d'indications statistiques à travers les plaintes et les signalements des organisations non gouvernementales (ONG). Au préalable, ces situations étaient poursuivies sur d'autres fondements juridiques. Une ONG indique qu'elle a eu connaissance de 500 cas entre 2001 et 2015, ce qui est vraisemblablement inférieur à la réalité. Il faut avoir en tête, qu'à la différence du contexte qui prévalait en 1930 et même en 1957, où l'on visait essentiellement les États et les gouvernements, les situations de travail forcé sont aujourd'hui le fait d'employeurs privés. Pour l'essentiel, ces personnes sont dans une situation de droit privé et il faut donc créer des conditions qui permettent leur information sur les recours possibles, les ONG susceptibles de les aider, les dispositions législatives. L'inspection du travail déclenchait donc des poursuites sur la base d'autres infractions. D'ailleurs, la France avait été pointée du doigt par la Cour européenne des droits de l'Homme qui lui reprochait de n'avoir pas incriminé le travail forcé. Le travail de sensibilisation est utile, l'implication des ONG indispensable. Le fait que la CNCDH veuille se livrer à une évaluation du travail forcé indique une mobilisation et une prise de conscience accrues sur notre territoire.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte à l'unanimité le rapport ainsi que le projet de loi précité.

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