Rapport n° 426 (2015-2016) de M. Joël LABBÉ , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 2 mars 2016

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N° 426

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mars 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , visant à favoriser l' ancrage territorial de l' alimentation ,

Par M. Joël LABBÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3280 , 3355 et T.A. 658

Sénat :

303 et 427 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'alimentation est par définition un besoin essentiel pour toutes les populations du monde. Le droit à l'alimentation est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 pour « garantir à chacun un accès à une alimentation suffisante, de qualité et correspondant aux traditions culturelles locales . »

Jusqu'aux années 1960, partout dans le monde, la majeure partie de l'alimentation était produite sur les territoires par une agriculture paysanne et consommée par les populations de ces territoires.

Aujourd'hui encore, cette agriculture familiale et paysanne de proximité présente de nombreux atouts en matière de lutte contre la sous-nutrition et la pauvreté dans le monde : selon l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), elle fournit encore 80 % en valeur de l'alimentation mondiale et occupe près de 40 % de la population active de la planète.

En France, depuis le début des années 1960, dans le but d'accéder à la souveraineté alimentaire, différents leviers juridiques et techniques ont été actionnés pour augmenter de manière significative la production agricole. Ces éléments ont permis des gains de productivité considérables, tout en entrainant de profonds changements dans la nature des productions, avec une tendance à la spécialisation, à la diminution d'emplois provoquant un exode rural, et à la modification des structures des exploitations. L'intensification de l'agriculture a aussi provoqué des impacts environnementaux conséquents portant sur les ressources naturelles, la vie des sols et la biodiversité, ainsi que sur la santé des agriculteurs et des consommateurs.

La crise actuelle de notre monde agricole s'explique en partie par cette rupture du lien local avec les produits du territoire. Notre modèle, qui a fait ses preuves après-guerre pour nous permettre d'atteindre une autosuffisance alimentaire, se retourne désormais contre nous : contre les agriculteurs d'abord, contraints pour beaucoup - pour atteindre des rendements leur permettant, avec les prix de plus en plus dérisoires de vente de leurs produits, de vivre de leur travail - d'accroitre toujours davantage la superficie de leurs exploitations ou leur cheptel pour parvenir à des économies d'échelle et d'utiliser des produits phytosanitaires dans des volumes dont les effets nuisibles se dévoilent ; pour les consommateurs ensuite, de plus en plus déconnectés des saisons, dont l'inquiétude grandit quant aux effets d'une nourriture « hors sol » pour leur propre santé, et plus encore celle leurs enfants.

La prise de conscience est désormais réelle , non seulement dans notre pays mais également au niveau mondial, comme l'a montré la possibilité pour tant d'États de se mobiliser pour agir, en commun, dans le cadre de la COP 21. Mais elle ne suffit pas : il faut trouver des moyens opérants pour mettre un terme à des modes d'alimentation dont l'acceptation sociale est de plus en plus remise en cause .

Les nouveaux modes de production et de consommation, dans un contexte de mondialisation des échanges ont ainsi rompu les liens entre l'agriculture, l'alimentation et les territoires. Aussi, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a-t-elle fait de l'ancrage territorial de la production l'un des objectifs de la politique agricole et alimentaire nationale.

Ce n'est certes pas en quelques années, par l'effet de la seule loi, que nous pourrons retrouver cet ancrage territorial qui a permis de nourrir nos parents et les générations antérieures. Pourtant, la loi a sa place dans la définition de notre politique alimentaire : elle peut et doit donner l'impulsion du changement qu'attendent nos concitoyens.

C'est dans cette perspective que s'inscrit la proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation , déposée par Mme Brigitte Allain et plusieurs de ses collègues députés, adoptée par l'Assemblée nationale le 14 janvier dernier, et dont le Sénat est aujourd'hui saisi en première lecture.

Faisant suite à certaines préconisations de la mission d'information de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, qui a rendu ses conclusions en juillet 2015 1 ( * ) , ce texte entend faire de la restauration collective l'un des leviers du développement de l'alimentation issue de l'agriculture locale, durable et biologique . Il a été adopté à l'unanimité par nos collègues députés.

L'objectif n'est pas nouveau : déjà, la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement prévoyait un engagement en la matière. En 2013, cet engagement était renouvelé dans le Plan Ambition Bio 2017. En 2014, en clôture de la conférence environnementale, était rappelé l'objectif fixé par le Président de la République d'atteindre un objectif de 40 % de produits locaux en restauration collective.

Force est pourtant de constater, plus de six ans après les premiers engagements, qu'il n'a pas été atteint, loin s'en faut. Depuis lors, néanmoins, des initiatives de plus en plus nombreuses se sont faites jour pour relocaliser l'alimentation en restauration collective. Elles sont porteuses en germe d'un mouvement de fond qu'il convient non seulement d'accompagner mais aussi de consolider.

Il convient dès lors de soutenir la démarche , initiée par la proposition de loi, visant à définir les outils permettant véritablement de donner aux produits de l'alimentation durable et aux produits issus de l'agriculture biologique une plus grande place dans notre alimentation quotidienne.

I. UN OBJECTIF AFFIRMÉ DE DÉVELOPPEMENT DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE DE PRODUITS ANCRÉS LOCALEMENT AUX EFFETS CONCRETS LIMITÉS

A. DES AFFIRMATIONS MULTIPLES DE LA NÉCESSITÉ DE FAVORISER UNE ALIMENTATION DE PROXIMITÉ ET ISSUE DE L'AGRICULTURE DURABLE

1. L'ancrage territorial de l'alimentation, une demande forte et une finalité désormais affirmée de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation

La prise de conscience de la nécessité de développer l'ancrage territorial de l'alimentation n'est pas nouvelle.

La demande émane d'abord des consommateurs, qui souhaitent pouvoir disposer d'une alimentation issue de modes de production plus proches des cycles de la nature. Elle provient également des producteurs eux-mêmes, qui sont de plus en plus nombreux à adopter de nouveaux modes de culture ayant une empreinte écologique plus positive et recherchent une plus grande proximité dans la distribution de leurs productions.

Il s'agit ainsi de consommer, au quotidien, davantage de produits issus de l'agriculture durable , plus économes en engrais et en pesticides de synthèse, et de favoriser des circuits de distribution courts ou de proximité.

Ces notions ne font pas l'objet de qualifications juridiques à proprement parler, mais de définitions communément partagées.

Quelques définitions communément admises

L'agriculture durable : Selon le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, il s'agit d'une production agricole économiquement viable, socialement équitable, et qui ne nuit ni à l'environnement ni à la santé . Elle intègre donc l'agriculture biologique, dont les produits qui en sont issus sont, eux, juridiquement circonscrits (il s'agit des produits qui répondent aux exigences posées par le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques), mais elle ne saurait s'y cantonner.

Le circuit court : Selon le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, il s'agit d'un mode de commercialisation des produits agricoles qui s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur , soit par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire entre l'exploitant et le consommateur . Aujourd'hui, 1 producteur sur 5 vend en circuit court (21 % des exploitants). Néanmoins, le volume des achats réalisés en circuit court reste très modeste : en 2010, il était estimé à 6 % du total des achats alimentaires.

La notion ainsi définie est plus restrictive que celle retenue par le droit de l'Union européenne. Aux termes de l'article 2 du règlement n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural, un circuit d'approvisionnement court est « un circuit d'approvisionnement impliquant un nombre limité d'opérateurs économiques, engagés dans la coopération, le développement économique local et des relations géographiques et sociales étroites entre les producteurs, les transformateurs et les consommateurs ».

Le circuit de proximité : Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), il s'agit d'un circuit de distribution qui ne tient pas compte du nombre d'intermédiaires mais de la distance géographique entre le producteur et le consommateur. La distance fixée est variable en fonction du type de production concernée (d'environ 30 km pour des produits agricoles simples comme les fruits et légumes, à 80 km pour ceux nécessitant une transformation).

Ce n'est pourtant que récemment que cette prise de conscience a commencé à donner lieu à une concrétisation juridique au niveau législatif.

L'ancrage territorial de l'alimentation est ainsi, depuis 2014, un objectif fixé par la loi à la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation. Depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime assigne à cette politique la finalité « d'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits et le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ».

Cette démarche pour ré-ancrer localement notre alimentation est partagée par nos voisins européens . Comme l'indiquait le rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires 2 ( * ) , ce sujet émerge également en Italie - où la région de Vénétie a adopté une loi régionale imposant qu'au moins 30 % des produits servis dans la restauration collective soient issus de la région - et en Allemagne, où l'accord de coalition entre le parti social-démocrate - SPD - et le parti conservateur - CDU - mentionne la relocalisation des marchés publics.

2. La restauration collective : levier identifié du développement d'une alimentation durable et de proximité

Dès 2009, la restauration collective a été perçue comme un levier de développement d'une filière d'approvisionnement à la fois de proximité et de produits issus d'une agriculture durable.

En effet, si seulement 1 repas sur 7 est consommé hors du domicile, le poids de la restauration collective est, dans cette catégorie, considérable. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pendant les auditions auxquelles il a procédé, le nombre de repas servis dans le cadre de la restauration collective, qu'elle soit le fait de personnes publiques ou privées, est estimé à 8 millions de repas servis par jour et représentent 49 % des repas pris hors du domicile.

Mais, outre son importance en volume, la restauration collective a également un caractère social affirmé . Dans certains de nos territoires, la cantine scolaire offre à de nombreux enfants qui la fréquentent le seul repas équilibré de la semaine, quand il n'est pas parfois leur seul vrai repas. La restauration collective est dès lors aussi le lieu où les enfants - pour les cantines des établissements scolaires - ainsi que les personnes qui fréquentent les services sociaux, médico-sociaux ou de santé, peuvent acquérir des habitudes alimentaires satisfaisantes au plan nutritionnel. Elle peut aussi leur permettre de découvrir une alimentation plus goûteuse et plus proche de nos terroirs.

Compte tenu des secteurs dans lesquels la restauration collective intervient, c'est le plus souvent une personne publique (État, collectivités territoriales, établissements publics nationaux ou locaux) qui assume la charge de cette activité. Cependant, au final, les collectivités territoriales sont les premières concernées, eu égard à leurs compétences en matière de services publics de restauration scolaire.

Restauration collective : les chiffres-clés

- 81 376 structures de restauration collective en France, relevant de personnes publiques ou privées.

- 3,65 milliards de repas servis par an (8 millions de repas par jour).

- Un chiffre d'affaires annuel estimé à 8 milliards d'euros.

Ces services de restauration collective sont assurés soit directement par la personne publique ou privée qui en a la charge (gestion directe ou régie), soit par un prestataire de services (gestion concédée). La gestion directe concerne 60 % du nombre de repas servis en restauration collective, la gestion concédée, 40 %.

En raison de la place de la restauration collective en France, la loi n ° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement avait déjà donné à l'Etat un objectif de recours à des produits biologiques ainsi qu'à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental ou des produits issus d'exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale, pour l'approvisionnement de ses services de restauration collective .

Des objectifs quantitatifs progressifs étaient fixés :

- en 2010, 15 % des commandes devaient concerner des produits biologiques et 15 % des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou des produits issus d'exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale ;

- en 2012, ces objectifs étaient portés à 20 %.

Cette démarche volontariste était par ailleurs affirmée dès le 2 mai 2008 dans le cadre d'une circulaire du Premier ministre relative à l'exemplarité de l'Etat en matière d'utilisation de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective.

La loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a quant à elle, à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, assigné au programme national pour l'alimentation de prévoir « des actions à mettre en oeuvre pour l'approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, notamment issus de l'agriculture biologique ».

B. UNE ATTENTE ENCORE DÉÇUE

Ces mesures n'ont, à ce jour, pas porté pleinement leurs fruits.

Certes, un effort réel pour un meilleur approvisionnement des restaurants collectifs en produits issus de l'agriculture biologique doit être souligné et salué.

Selon une étude menée par l'institut CSA pour le compte de de l'Agence Bio sur un échantillon représentatif de restaurants collectifs, en 2015 - comme en 2014 - 59 % d'entre eux proposaient, au moins de temps à autre, des produits biologiques (des fruits frais, pour 51 % d'entre eux, puis des produits laitiers, pour 44 %, et des légumes frais, pour 44 %). Cet effort était d'ailleurs particulièrement marqué dans la restauration collective publique, puisque 72 % des restaurants collectifs relevant de personnes publiques proposaient en 2015 des aliments biologiques.

Selon cette même étude, les achats de produits bio en restauration collective étaient estimés à 191 millions d'euros HT pour 2014, soit une progression de 11 % en un an (contre 1,4 % en 2013/2012).

Ainsi, ce marché représentait en 2014 :

- 2,7 % des achats alimentaires de la restauration à caractère social (contre 0,6 % en 2008) ;

- 3,8 % du marché des produits alimentaires issus de l'agriculture biologique.

Lorsqu'ils sont introduits, la part des produits biologiques dans le montant total des achats des établissements est passée de 5 % en 2008 à 13 % en 2014 en moyenne (28 % pour le pain). Elle s'élève à 17 % pour les établissements en ayant introduit depuis 7 ans et plus.

La Fondation Nicolas Hulot, en 2013, estimait également que les services de restauration collective n'avaient consacré que 2,7 % de leurs achats à des produits biologiques. Plus symptomatique encore, elle indiquait que 87 % de la volaille en restauration collective était importée en 2013.

De l'aveu même des représentants des collectivités territoriales entendus par votre rapporteur, il est parfois difficile pour elles de connaître exactement la nature et la provenance des produits alimentaires servis en restauration collective. Cette situation s'explique d'abord par la multiplication des intervenants : ainsi, dans les cantines scolaires, c'est le gestionnaire d'établissement, dépendant du ministère de l'éducation nationale, qui est chargé de l'approvisionnement, tandis que les personnels de cuisine relèvent du département. En outre, les clauses types utilisées par les acheteurs publics ne permettent pas, en général, d'obtenir un retour précis sur l'origine des produits servis.

Pour autant, il existe aujourd'hui une profusion d'initiatives locales prenant diverses formes, et porteuses en elles-mêmes d'une forte potentialité d'évolution de notre alimentation quotidienne.

1. Une profusion d'initiatives locales, trop dispersées

Face à la prise de conscience de la nécessité de rapprocher les lieux de consommation et de production des produits alimentaires, de nombreuses initiatives locales se sont développées. Elles témoignent d'une envie de mettre en place des stratégies de terrain pour mieux ancrer notre alimentation quotidienne dans nos territoires. I l existe néanmoins selon les territoires une très grande diversité de situations : certains sont très en pointe dans une démarche de territorialisation des produits alimentaires servis en restauration collective ; d'autres, en revanche, y sont entrés plus récemment.

Il n'en reste pas moins que de nombreuses collectivités territoriales ont engagé des actions en vue d'accompagner et de conforter les démarches d'ancrage territorial de l'alimentation servie sur leur territoire.

Ainsi que l'a indiqué l'Association des départements de France, une enquête conduite en 2010 faisait déjà apparaître que la moitié des départements se déclaraient impliqués dans le soutien aux circuits courts ou de proximité. Et certaines communes sont très avancées en ce domaine : c'est le cas, en particulier, de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, et de Lons-Le-Saunier, dans le département du Jura.

Selon son maire, entendu par votre rapporteur, en créant, d'une part, une cuisine centrale commune à la ville et à l'hôpital, et plus récemment une légumerie, et en maintenant, d'autre part, son abattoir municipal, la commune de Lons-Le-Saunier a ainsi pu structurer l'offre et la demande, ce qui lui permet aujourd'hui d'inclure 24 % de produits bios (pain, laitages, légumes) et 10 % de produits locaux dans le 1,2 million de repas servis par an par la collectivité. En outre, pour servir également de la viande bio de proximité, la commune achète des bovins sur pieds et les fait abattre dans l'abattoir municipal.

Le milieu associatif est également fortement mobilisé, au niveau des producteurs comme des consommateurs.

Quelques exemples d'initiatives tendant à développer l'alimentation durable
et de proximité

A l'initiative des collectivités publiques

- Le développement de « plates-formes d'achat local »

De nombreuses plates-formes d'achat local se sont développées à l'initiative des départements ou régions. L'une des plus abouties est Agrilocal, association fondée en 2013 par les départements de la Drôme et du Puy-de-Dôme et qui rassemble désormais 24 départements.

Ces plates-formes assurent une mise en relation, souvent directe et instantanée, entre fournisseurs locaux et acheteurs publics ayant une mission de restauration collective (collèges, lycées, maisons de retraite, etc...). Elles permettent à l'acheteur public de disposer d'une photographie des fournisseurs de proximité et de la disponibilité de leurs produits. Pour les agriculteurs et les artisans, elles apportent une solution nouvelle de commercialisation et de nouveaux débouchés.

Selon la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB), 24 structures ont aujourd'hui développé des plates-formes, qui permettent de couvrir environ 75 % du territoire.

- Les projets de territoire

Des projets initiés par les collectivités territoriales visent à favoriser la collaboration des acteurs locaux.

Tel est le cas, par exemple, du projet « Alimen'Terre » mis en place depuis 2012 par le Pays de Vannes (59 communes réparties en 5 intercommunalités, représentant 212 000 habitants). Ce projet vise à favoriser la collaboration entre structures d'accompagnement agricoles ainsi qu'entre acteurs publics et associatifs pour impulser au niveau du territoire des actions de sensibilisation, d'accompagnement et d'expérimentation pour le développement des circuits courts, notamment dans le cadre de la filière de la restauration collective.

- La création d'équipements locaux

Les exemples sont nombreux de collectivités territoriales ayant investi dans la création de légumeries afin de développer l'utilisation de produits de saisons bruts dans les restaurants collectifs dont elles ont la charge. Tel est le cas, par exemple, du département de la Mayenne, ou de la commune de Lons-Le-Saunier.

- L'octroi d'aides financières

Certaines collectivités territoriales font bénéficier les services de restauration collective de subventions afin de les aider au développement de l'utilisation de produits locaux dans leurs menus. Ainsi en est-il, notamment, du conseil départemental des Ardennes.

À l'initiative du milieu associatif

Les initiatives du milieu associatif sont très nombreuses et diverses. Elles ont vocation à accompagner les acteurs par la définition d'une méthodologie adaptée aux besoins ou par des actions de terrain.

Au niveau national, des fondations, telles la Fondation Nicolas Hulot ou la Fondation Daniel et Nina Carasso, soutiennent financièrement, accompagnent et promeuvent des actions de terrain en faveur de l'alimentation durable. Des structures associatives, telles que IUFN (International Urban Food Network), sont actives pour mettre à disposition des acteurs concernés des évaluations et des guides méthodologiques.

En particulier, la Fondation Nicolas Hulot a développé avec le syndicat des gestionnaires de restauration collective Restau'co, l'initiative « Ici mon restau responsable » qui propose une méthodologie et une démarche de progrès (partant d'une auto-évaluation de la situation, d'un diagnostic sur place, suivi de l'adoption d'engagements rendus publics et d'évaluation des résultats obtenus) en vue de mieux intégrer des produits de l'alimentation durable dans les repas servis.

Des réseaux tels que la Fédération nationale de l'agriculture biologique et ses déclinaisons locales (fédérations régionales - FRAB - et groupements départementaux - GAB) soutiennent des initiatives de regroupement de producteurs locaux afin de proposer une offre plus variée et d'un certain volume aux restaurants collectifs locaux. On peut par exemple citer, au niveau régional, Corabio, dans l'ancienne région Rhône-Alpes, ou au niveau départemental ou infra-départemental, Manger Bio 56, dans le Morbihan.

Mais cette profusion reste désordonnée , car il n'existe pas de coordination suffisante entre les acteurs locaux - qu'il s'agisse des collectivités territoriales, du milieu associatif ou des producteurs - faute souvent de connaître les actions entreprises par chacun sur un même territoire. L'effet d'entraînement sur le développement d'une filière plus solide n'est donc, à ce stade, pas satisfaisant .

En effet, si un nombre grandissant d'exploitants se tournent aujourd'hui vers l'agriculture durable, le nombre d'exploitations et la production de produits agricoles répondant à la définition de l'alimentation durable reste limitée, faute d'une connaissance suffisante et certaine de la demande. Ainsi, selon l'Agence Bio, en 2014 l'agriculture biologique en France représentait seulement 26 500 exploitations agricoles biologiques (soit 5,6 % du nombre total des exploitations), 7 % de l'emploi agricole et occupait une surface de 1 118 000 hectares (soit 4,14 % de la surface agricole utile française - SAU) 3 ( * ) . Selon les données d'Eurostat, ces résultats placent la France au 17 ème rang des pays de l'Union européenne pour la part de la SAU consacrée aux cultures bio au regard de la SAU totale, loin derrière l'Autriche ou la Suède, qui consacrent respectivement 18,5 % et 16,2 % de leur SAU à l'agriculture biologique.

Cette situation s'explique en grande partie par l'absence d'une demande suffisamment forte, structurée et présente dans nos différents territoires. Il faut donc créer les éléments d'une telle demande.

2. Des règles de la commande publique contraignantes mais aux potentialités insuffisamment exploitées

Les règles de la commande publique, qui régissent les contrats d'approvisionnement des denrées alimentaires achetées par les personnes publiques qui y sont soumises, sont souvent perçues comme un obstacle quasi-insurmontable au développement d'achats par la restauration collective de produits alimentaires qui répondraient aux objectifs de proximité et de durabilité.

Ces règles, dont la contrainte est réelle pour tout acheteur public, posent certes un principe de liberté d'accès à la commande publique et de non-discrimination , qui implique l'impossibilité, notamment, d'adopter des critères qui interdiraient par principe l'achat de produits ne provenant pas d'une aire géographique déterminée. Pour autant, le droit des marchés publics comporte de nombreuses dispositions susceptibles de renforcer l'ancrage local des produits servis dans les restaurants collectifs.

Or, votre rapporteur ne peut que regretter que de nombreux acheteurs publics restent encore réticents - soit par manque d'une connaissance suffisamment fine des dispositifs juridiques applicables, soit par une crainte parfois injustifiée d'une mise en cause de la légalité de leurs marchés - à se saisir de toutes les opportunités offertes par le droit des marchés publics qui constitue une formidable « boîte à outils ».

Il est de fait évident que, dans un marché d'approvisionnement alimentaire, en faisant reposer la sélection des candidats essentiellement sur le critère du prix, les acheteurs publics prennent peu de risques contentieux... Mais, ce faisant, ils ne sont pas en mesure d'attribuer le marché à des produits qui peuvent présenter une meilleure qualité, notamment environnementale. Il faut donc, pour l'attribution des marchés, passer d'une culture du « moins disant » à une culture du « mieux disant ».

Les auditions menées par votre rapporteur ont montré que la définition des besoins , l'utilisation de certaines spécifications techniques, le recours à des critères en lien avec l'objet du marché - tels que le recours à des critères de performance tenant à l'approvisionnement direct des produits de l'agriculture - ainsi que le choix de l'allotissement et de certaines conditions d'exécution du marché sont de nature à valoriser des produits répondant à des exigences de durabilité alimentaire et de proximité fortes .

Il existe donc de nombreuses possibilités offertes par la réglementation actuelle qui , du reste, sont encore renforcées par la récente ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics , complétée dans quelques semaines par son décret d'application, et dont les dispositions entreront en vigueur le 1 er avril 2016.


Des exemples pertinents d'utilisation des potentialités du droit des marchés publics au service d'une alimentation de proximité et de qualité

La commune de Lons-Le-Saunier a pu accroître le volume des produits de proximité servis dans ses restaurants collectifs en imposant, dans ses marchés publics d'approvisionnement, le recours à des produits frais .

La ville de Rennes , quant à elle, a récemment lancé un marché public expérimental ayant pour objet la protection de l'eau (projet « Eau en saveurs »), dans lequel elle a mis à profit les nombreuses potentialités du droit des marchés publics pour accroître fortement la présence de produits issus de l'agriculture durable dans les repas servis dans ses restaurants collectifs. Dans son cahier des charges, elle a ainsi prévu de se fonder sur le critère de l'engagement à faire progresser les indicateurs de durabilité , en utilisant la méthode IDEA définie par le ministère de l'agriculture - notamment 21 indicateurs spécifiquement liés à l'eau - et en prescrivant des produits sans OGM, sans produits phytosanitaires tueurs de pollinisateurs ou les plus retrouvés dans l'eau, sans antibiotiques utilisés en prévention, sans hormones de croissance et sans huile de palme. La notation des offres s'opère, pour 50 % sur le critère de la durabilité, pour 30 % sur la qualité du produit et pour 20 % seulement sur le prix . En outre, le marché est conclu à prix fermes, indépendants des cours, et une clause incitative (autorisée par l'article 17 du code des marchés publics) est prévue : un « bonus » proportionnel à l'ambition de progrès est versé par l'agence de l'Eau du bassin rennais.

Face à une situation où l'agriculture durable peine à s'affirmer, alors qu'elle fait l'objet d'une demande de plus en plus forte de la part des consommateurs et qu'elle peut être un des instruments permettant à nos agriculteurs de mieux valoriser leurs produits et d'en vivre dans des conditions décentes, il faut créer une dynamique de changement . La présente proposition de loi s'y efforce, en s'appuyant résolument sur la restauration collective.

II. LA PROPOSITION DE LOI : CRÉER UNE DYNAMIQUE DE CHANGEMENT EN S'APPUYANT SUR LA RESTAURATION COLLECTIVE

A. LA PROPOSITION DE LOI INITIALE

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi comportait 5 articles, ordonnés autour de deux types de dispositions.

1. L'obligation juridique d'introduire des produits relevant de l'alimentation durable et issus de l'agriculture biologique dans les restaurants collectifs publics

Par son article 1 er , elle fixait un objectif d'introduction de produits relevant de « l'alimentation durable » et de l'agriculture biologique dans les restaurants collectifs de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Il consacrait ainsi, au plan juridique, une définition de l'alimentation durable, constituée des produits de saison ou sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, en veillant à la proximité géographique entre les producteurs agricoles, les transformateurs et les consommateurs.

Cet objectif devrait être atteint en deux temps :

- dans les six premiers mois de la promulgation de la loi devait être introduite une part de 20 % de produits relevant de l'alimentation durable ;

- à compter du 1er janvier 2020, cette quotité était portée à 40 % de produits relevant de l'alimentation durable, dont 20 % de produits issus de l'agriculture biologique.

2. Des mesures d'accompagnement

Son article 2 transformait l'observatoire de l'alimentation en observatoire de l'alimentation et des circuits courts et de proximité afin de lui permettre :

- d'une part, de suivre les données qualitatives et quantitatives relatives aux circuits courts et de proximité, en liaison avec les observatoires régionaux et inter-régionaux existants ;

- d'autre part, de s'assurer du respect des objectifs mentionnés à l'article 1 er .

L' article 3 prévoyait que les plans régionaux de l'agriculture durable doivent intégrer les politiques alimentaires transversales dans leurs objectifs et dans leur gouvernance.

L' article 4, qui concerne les seules grandes entreprises, imposait à celles-ci d'intégrer dans leur rapport en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des exigences en matière de consommation alimentaire durable : choix de produits bio et locaux, cuisine sur place, lutte contre le gaspillage alimentaire et le suremballage.

L' article 5 étendait le dispositif « fait maison » aux restaurants collectifs qui s'impliquent dans une démarche tendant à favoriser l'alimentation des convives à partir de produits bruts.

B. LES APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En commission comme en séance publique, les députés ont apporté, à l'initiative de la rapporteure, Mme Brigitte Allain, ainsi que de membres du groupe SRC, du groupe Les Républicains, du groupe GDR et du Gouvernement, plusieurs améliorations rédactionnelles et coordinations, ainsi que des précisions permettant de conforter le dispositif initial du projet de loi.

Ont été en particulier modifiés :

- les contours de l'obligation de fourniture de produits alimentaires provenant de l'agriculture biologique ou relevant de l'alimentation durable. Ainsi, a notamment été supprimé l'objectif intermédiaire de 20 % devant être atteint six mois après la promulgation de la loi ;

- les prérogatives et compétences de l'observatoire de l'alimentation et des circuits courts et de proximité.

Ont en outre été insérés deux articles additionnels :

- l'un, tendant à prévoir la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur les moyens permettant la mise en oeuvre de l'obligation d'introduire des produits provenant de l'alimentation durable et de l'alimentation biologique ( article 1 er bis ) ;

- l'autre, conférant aux chambres régionales d'agriculture un rôle d'accompagnement de projets et de développement d'outils méthodologiques favorisant l'ancrage territorial de l'alimentation et la mise en oeuvre des objectifs de l'article 1 er ( article 3 bis ).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : ADOPTER LA PROPOSITION DE LOI EN AJUSTANT LES CONTOURS DE L'OBLIGATION MISE À LA CHARGE DE LA RESTAURATION COLLECTIVE

Réunie le 2 mars 2016, votre commission des affaires économiques a adopté la proposition de loi en y apportant certaines inflexions .

A. UNE OBLIGATION JURIDIQUE QUI NE POURRA ÊTRE ATTEINTE QUE PAR UNE MOBILISATION RÉELLE DES ACTEURS

Une enquête par sondage effectuée en janvier 2016 par l'institut IFOP 4 ( * ) fait apparaître que 76 % des personnes interrogées, représentatives de la population française, sont favorables au vote d'une loi qui imposerait l'introduction d'aliments issus de l'agriculture biologique, locaux et de saison dans la restauration collective publique. La mise en place d'une obligation juridique à l'égard des personnes publiques en charge de services de restauration collective est donc fortement souhaitée par nos concitoyens.

Cependant, certains, notamment lors des auditions conduites par votre rapporteur, ont émis des doutes sur la possibilité matérielle de mettre en oeuvre l'obligation prescrite à l'article 1 er .

Certes, prescrire une telle obligation de manière immédiate serait irréaliste ; mais votre rapporteur tient à souligner que la proposition de loi laisse justement un délai de plusieurs années afin de permettre aux acteurs concernés de s'organiser pour assurer son respect. Car c et objectif contraignant est réalisable si tous les acteurs s'en donnent les moyens .

Son respect impliquera néanmoins nécessairement un renouvellement de l'approche jusqu'ici retenue par la plupart des acteurs de la restauration collective . Et les projets alimentaires territoriaux , prévus à l'article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime, constituent les instruments juridiques idoines pour mettre en oeuvre cette nouvelle approche dans chaque territoire . Ces instruments contractuels permettent en effet de définir des actions opérationnelles, en mobilisant le cas échéant des fonds publics et privés, visant à répondre aux objectifs définis par les plans régionaux de l'agriculture durable qui s'étendront, par l'effet de la présente proposition de loi, à l'alimentation durable. Il est donc essentiel que ces projets soient élaborés au plus tôt.

1. Développer la formation des acteurs de la restauration collective

a) Mieux former les acheteurs publics

- Développer l'information juridique des gestionnaires de restauration collective en matière de marchés publics.

L'une des principales inquiétudes exprimées par les représentants des collectivités territoriales entendues par votre rapporteur tient à la difficulté, dans des services administratifs dotés d'un personnel très réduit, de disposer de gestionnaires ayant une connaissance suffisamment fine du droit de la commande publique. En particulier, l'Association des maires de France (AMF) a souligné les réalités locales, très hétérogènes, des besoins et des capacités d'ingénierie contractuelle des communes et intercommunalités pour élaborer des cahiers des charges et organiser des appels d'offres susceptibles de favoriser l'achat de produits du terroir et de produits locaux.

Votre rapporteur ne nie pas les moyens limités des petites communes ou intercommunalités pour définir des cahiers des charges au plus près du territoire dans le respect des contraintes du droit des marchés publics. Il estime néanmoins que, par un effort adapté de formation et d'information, les responsables des marchés publics locaux pourront posséder les compétences nécessaires pour garantir le respect de l'obligation mentionnée à l'article 1 er de la proposition de loi.

Dans ce cadre, il est essentiel que le ministère de l'agriculture, en lien avec le ministère de l'économie, définisse des instruments très pratiques pour la rédaction des marchés publics. Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants du ministère ont d'ailleurs indiqué qu'un tel instrument serait très prochainement disponible. En outre, l'offre de formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) doit être renforcée en matière de marchés publics afin que les potentialités de leurs règles soient pleinement mises à profit. Les collectivités, quant à elles, ne doivent pas hésiter à y recourir. Pour ce qui concerne les restaurants collectifs administratifs de l'État, le service des achats de l'État doit également renforcer la formation des gestionnaires.

- Mieux planifier les achats

Certains restaurants collectifs désireux de proposer aux convives des produits bio ou locaux formulent des demandes très ponctuelles portant sur de forts volumes. Faute de prévisibilité pour les producteurs, ces commandes ne peuvent être honorées, simplement parce que l'offre suffisante n'est pas disponible.

Il est donc essentiel d'inciter les gestionnaires de services de restauration à mieux planifier leurs achats sur une période pluriannuelle , afin de permettre aux producteurs de mettre en place les cultures ou les cheptels nécessaires pour satisfaire la demande. Un juste équilibre doit toutefois être trouvé, car lorsqu'une collectivité s'engage dans un marché public de longue durée sur un prix ferme, l'agriculteur ou l'éleveur doit pouvoir fournir les produits prévus sans pour autant vendre à perte. Aujourd'hui, les marchés publics sont conclus pour une période de trois à quatre ans. Cette durée semble suffisante pour que les acteurs puissent s'adapter au mieux pour les exécuter.

- Développer et rationaliser l'information sur l'offre locale

La connaissance de l'offre locale par les acheteurs publics est nécessaire pour que ceux-ci établissent leurs marchés d'approvisionnement en denrées alimentaires au vu des produits disponibles localement. Cette connaissance du terrain permettra ainsi de mieux calibrer les demandes et assurera une meilleure réponse aux appels d'offre.

Mais, dans ce cadre, il convient que les multiples sources d'informations déjà disponibles çà et là dans les territoires fassent l'objet d'une véritable mutualisation et mise en réseaux . C'est pourquoi, incontestablement, les missions dévolues par la proposition de loi à l'observatoire de l'alimentation ainsi qu'aux chambres régionales d'agriculture vont dans le bon sens.

- Prendre en compte davantage la saisonnalité des produits

Enfin, plus généralement, privilégier, dans les marchés publics, les produits de saison reste le moyen le plus efficace de rapprocher les repas servis dans les restaurants collectifs des territoires dans lesquels ils sont implantés. Il faut rappeler ainsi que le nécessaire équilibre nutritionnel d'un repas servi dans un restaurant collectif métropolitain n'implique pas la présence, en hiver, de tomates ou de fruits rouges...

b) Mieux former les personnels de cuisines collectives

Les auditions conduites par votre rapporteur ont fait apparaître que, bien souvent, les personnels de cuisine employés dans les services de restauration collective, qu'ils soient publics ou privés, ont perdu l'habitude de... cuisiner. Leur rôle peut se limiter à des opérations de simple réchauffage et de service, sans véritablement travailler les produits qui leurs sont livrés. De fait, une véritable compétence en matière de préparation des repas a été perdue avec le développement de l'utilisation de plats déjà transformés et livrés prêts à l'emploi.

Ainsi que l'a souligné lors de son audition M. Xavier Denamur, restaurateur engagé, il faut donc réapprendre aux cuisiniers à utiliser des produits bruts . Du reste, des associations se sont données pour mission de (re)former les personnels des restaurants collectifs au travail de ces produits, comme le collectif « Les pieds dans le plat », qui regroupe des cuisiniers et des diététiciens.

2. Développer les synergies

Ainsi qu'il ressort des auditions menées par votre rapporteur, l'approvisionnement des restaurants collectifs en produits locaux, issus de l'agriculture biologique ou sous mentions d'origine ou de qualité, n'implique pas nécessairement un surcoût pour les collectivités concernées.

D'une part, les légumes bio locaux, qui sont donc de saison, ne sont pas toujours plus chers que les légumes conventionnels provenant de grossistes. Et, compte tenu de leur meilleure tenue en cuisson ou lors de la préparation en cuisine, le volume d'achat est souvent plus réduit que pour des produits conventionnels.

D'autre part, l'achat de produits bios et de produits sous signe de qualité ou sous mention valorisante doit être regardé dans le contexte plus général de la préparation des repas en restauration collective. Ainsi, divers leviers peuvent être utilisés afin de faire baisser le coût global de la préparation des repas, qui permet ainsi d'envisager la mise en place à budget constant de l'obligation prévue par l'article 1 er de la proposition de loi. Il en est ainsi :

- de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Selon les indications recueillies lors des auditions, le volume moyen de déchets par repas en restauration scolaire avoisine 200 grammes, mais certains restaurants collectifs, par exemple à Lons-le-Saunier, ont réussi à réduire ce volume à 50 grammes, en offrant notamment des plats plus savoureux ;

- de la p romotion des produits en vrac , qui permet un approvisionnement moins coûteux parce qu'il n'a pas fait l'objet d'opérations d'emballage qui parfois renchérissent notablement le coût des produits ;

- de limiter la diversité des produits proposées , sans pour autant obérer la qualité nutritionnelle des repas ;

- d'adapter davantage les grammages et les menus . Sur ce dernier point, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont regretté le manque de souplesse induit par l'adoption par la quasi-totalité des acteurs de la restauration collective publique des recommandations du Groupement d'étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM-RCN). Ce groupe, placé sous l'égide de l'Observatoire de l'achat public au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, définit, en lien avec les objectifs de la politique nationale de l'alimentation, les meilleures pratiques en matière nutritionnelle dans les restaurants collectifs afin qu'elles soient prises en compte dans la rédaction des marchés publics.

Votre rapporteur estime qu'il est essentiel que les recommandations du GEM-RCN - notamment celles relatives au grammage - n'entravent pas le retour à un meilleur ancrage territorial de l'alimentation par des rigidités qui empêchent certaines substitutions de produits alimentaires de s'opérer, alors qu'elles ne sont pas de nature à remettre en cause la qualité nutritionnelle des repas . A cet égard, on doit se féliciter, par exemple, que la dernière version des recommandations, datant de septembre 2015, fasse désormais une meilleure place au recours à des légumineuses. Plus généralement, les recommandations du GEM-RCN doivent pleinement prendre en considération et faciliter la bonne réalisation de l'obligation prévue par l'article 1 er de la présente proposition de loi.

3. Jouer sur les complémentarités

L'approvisionnement des services de restauration collective fait intervenir de nombreux acteurs, à des stades différents. La bonne réalisation de l'obligation prescrite à l'article 1 er implique que ces différents acteurs jouent chacun de leurs complémentarités, pour stimuler l'offre en produits d'une alimentation plus durable, pour assurer son adéquation avec la demande, et pour permettre un fonctionnement efficient de la filière.

Cette nécessité est d'autant plus prégnante sur le plan logistique. Car la logistique du « dernier kilomètre » peut, dans certains territoires, s'avérer difficile à mettre en place pour assurer l'approvisionnement en temps, heure et qualité des produits issus des circuits courts ou de la proximité. Là encore, des initiatives complémentaires des acteurs doivent pouvoir se développer.

B. DES AMÉNAGEMENTS PONCTUELS NÉCESSAIRES

Compte tenu de l'adoption unanime de ce texte par nos collègues députés et de l'intérêt d'une promulgation rapide de cette loi qui a vocation à instituer une dynamique permettant de répondre à certains aspects de la crise agricole que nous connaissons actuellement, votre rapporteur a proposé à la commission d'adopter sans modification le texte de l'Assemblée nationale, quand bien même certaines de ces dispositions pouvaient donner lieu à des améliorations.

Votre commission a n'a néanmoins pas jugé une adoption conforme pertinente en l'état du texte et a souhaité y apporter diverses modifications.

Sans remettre en cause l'existence d'une obligation juridique d'introduction de produits de l'alimentation durable dans les repas servis dans les services de restauration collective publique, votre commission a ainsi entendu clarifier sa teneur . À l'initiative de notre collègue Henri Tandonnet, elle a en conséquence adopté deux amendements à l'article 1 er tendant :

- à préciser que la notion de produits de l'alimentation durable , au sens de cette disposition, doit s'entendre de trois catégories distinctes de produits : les produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou sous mentions valorisantes, définis à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, de produits issus d'approvisionnements en circuits courts ou de produits répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits (amendement n° COM-4) ;

- à substituer à la référence précise à une quotité de produits biologiques une « proportion » de ces produits « correspondant aux capacités de production locale » (amendement n° COM-2) .

À l'article 1 er bis , elle a :

- précisé, à la suite d'un amendement de M. Henri Tandonnet, par coordination, que le rapport du Gouvernement au Parlement procède à une évaluation des besoins nécessaires pour simplement accroître la part des produits de l'alimentation durable dans l'approvisionnement des restaurants collectifs (amendement n° COM-3) ;

- à l'initiative de notre collègue Félix Desplan, indiqué que ce rapport devrait également prendre en considération la situation particulière des outre-mer ( amendement n° COM-5 ).

Enfin, elle a supprimé l'article 5 , à la suite d'un amendement de M. Henri Tandonnet, estimant que le dispositif « fait maison » ne pourrait trouver sa place dans la restauration collective.

Dans la mesure où votre commission a modifié la proposition de loi, votre rapporteur lui soumettra, en vue de la séance publique, d'autres évolutions pour donner au texte un caractère plus opérationnel et une plus grande efficience juridique.

Votre commission a adopté la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 230-5-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Présence obligatoire, dans la restauration collective des personnes publiques, de produits relevant de l'alimentation durable et de l'agriculture biologique

Objet : Cet article modifie le code rural et de la pêche maritime afin d'imposer l'introduction au plus tard le 1 er janvier 2020, dans les repas servis dans les restaurants collectifs des personnes publiques, de 40 % de produits relevant de l'alimentation durable et de 20 % des produits issus de l'agriculture biologique.

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement a entendu insister sur l'exemplarité de l'Etat dans la prise en compte dans les décisions qu'il prend au quotidien, dans tous les domaines de son activité, de leur incidence sur l'environnement. Dans ce contexte, l'article 48 de cette loi lui donne en particulier comme objectif de « recourir, pour l'approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 ainsi que, pour une part identique, à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou des produits issus d'exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale ».

Il s'agit donc, à ce jour, d'un simple objectif qui ne concerne que l'État et ses services de restauration collective. Il ne concerne pas les services de restauration collective d'autres personnes publiques. Cet objectif, même en 2015, n'a pas été atteint.

II. Le texte de la proposition de loi initiale

Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait un objectif d'introduction de produits relevant de l'alimentation durable, cette dernière étant constituée des « produits de saison ou sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, en veillant à la proximité géographique entre les producteurs agricoles, les transformateurs et les consommateurs ».

Une montée en charge en deux temps était prévue :

- dans les six mois de la promulgation de la loi et jusqu'au 1 er janvier 2020, à hauteur de 20 % des produits servis ;

- à compter du 1 er janvier 2020, à hauteur de 40 % des produits servis, dont 20 % de produits issus de l'agriculture biologique.

Cette obligation s'adressait aux restaurants collectifs dont l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements assurent la charge. Même s'il se limitait à la restauration collective « publique », son champ d'application était donc particulièrement élargi par rapport à celui retenu dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

L'alimentation durable était définie à partir de deux critères cumulatifs concernant les produits en relevant :

- d'une part, des produits de saison ou sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ;

- d'autre part, des produits issus d'une proximité géographique entre les producteurs agricoles, les transformateurs et les consommateurs.

Il s'agit d'une obligation juridique pour les personnes publiques concernées, qui s'analyse comme une obligation de résultat .

En conséquence, dans leurs processus d'approvisionnement, et en particulier dans le cadre de la réglementation relative aux marchés publics, les personnes publiques concernées devront recourir à des critères d'approvisionnement de nature à atteindre ces résultats. La réglementation actuelle sur les marchés publics le permet déjà.


Les leviers de la commande publique

En application du code des marchés publics dans sa rédaction actuelle, les acheteurs publics peuvent ainsi inclure des caractéristiques environnementales dans la définition des prestations qui font l'objet d'un marché public (article 6). Ces caractéristiques peuvent notamment être définies par référence à un écolabel à condition :

- que cet écolabel soit approprié pour définir les caractéristiques des fournitures ou des prestations faisant l'objet du marché ;

- que les mentions figurant dans l'écolabel aient été établies sur la base d'une information scientifique ;

- que l'écolabel ait fait l'objet d'une procédure d'adoption à laquelle ont participé des représentants des organismes gouvernementaux, des consommateurs, des fabricants, des distributeurs et des organisations de protection de l'environnement ;

- que l'écolabel soit accessible à toutes les parties intéressées.

Pour l'attribution du marché , le recours à des critères d'attribution spécifiques peut favoriser l'approvisionnement de produits de l'agriculture durable. Il en va ainsi, notamment, de la qualité, des performances en matière de protection de l'environnement ou des performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture (article 53).

Dans le cadre de l'exécution du marché public , des conditions comportant des éléments à caractère environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l'environnement et progrès social peuvent être intégrées. Toutefois, ces conditions ne peuvent pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats potentiels et doivent être indiquées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (article 14).

En outre, l'allotissement du marché public (article 10) est de nature à favoriser des réponses locales lorsqu'il porte sur des produits ou des secteurs ayant des caractéristiques spécifiques par rapport à d'autres éléments du marché.

De fait, le ministère de l'agriculture a publié en 2014, à destination des acheteurs publics, un guide pratique pour la définition de leurs marchés de restauration collective afin de favoriser un approvisionnement local et de qualité. 5 ( * )

Les nouvelles règles issues de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics renforcent les possibilités de recourir à des leviers favorables aux produits de l'alimentation durable.

Ainsi, l'article 30 de cette ordonnance prévoit expressément que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ». L'allotissement, qui est de principe, est encore davantage favorisé, puisque l'acheteur doit motiver sa décision de ne pas allotir le marché (article 32). Par ailleurs, les conditions d'exécution d'un marché public peuvent prendre en compte des considérations relatives à l'environnement, à condition qu'elles soient liées à l'objet du marché public (article 38).

Le projet de décret d'application de cette ordonnance, en cours d'examen au Conseil d'Etat, et qui a fait l'objet d'une consultation publique, comporte des spécifications particulières, et plus précises, en matière de labels. En outre, il prévoit, pour la définition des critères d'attribution du marché, la possibilité de recourir au critère de la « qualité », incluant notamment les conditions de production et de commercialisation , les performances en matière de protection de l'environnement , de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture , la biodiversité , et le bien-être animal .

Pour autant, si l'objectif est juridiquement contraignant, il ne fera l'objet d'aucune sanction juridique au cas où il adviendrait qu'il ne soit pas atteint par telle ou telle personne publique concernée.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission, à l'initiative du rapporteur de sa commission des affaires économiques, Mme Brigitte Allain, l'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications de forme ou de clarification à ces dispositions.

En séance, cet article a fait l'objet de plusieurs amendements.

En premier lieu, à l'initiative de M. Hervé Pellois et plusieurs de ses collègues, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, il a été expressément précisé que ces dispositions devaient s'intégrer dans les objectifs de la politique de l'alimentation. En effet, si la promotion d'une alimentation durable doit être recherchée, elle doit se concilier avec les autres finalités qui sont énoncées à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

En deuxième lieu, à l'initiative des mêmes auteurs et avec les mêmes avis, seule la date du 1 er janvier 2020 a été conservée pour la mise en oeuvre de l'objectif d'introduction de 40 % de produits issus de l'alimentation durable. L'objectif intermédiaire de 20 % a été supprimé afin de faciliter la montée en charge du dispositif .

À l'initiative de la rapporteure, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'application de l'obligation à tout établissement public, qu'il relève de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, a été prévue . Il en résulte que la quasi-totalité des personnes publiques devra respecter cette obligation, à l'exception des personnes publiques sui generis , telles que, par exemple, la Banque de France.

Compte tenu du vote d'un amendement de M. Pellois, sous-amendé par la rapporteure, et de Mme Danielle Auroi et plusieurs de ses collègues, la définition d'alimentation durable et la quotité imposée en matière de produits issus de l'agriculture biologique ont été modifiées.

D'abord, la notion d'alimentation durable a été modifiée. Selon le texte adopté, relèvent ainsi de l'alimentation durable les « produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou sous mentions valorisantes, définis à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, issus d'approvisionnements en circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits . »


Les signes et mentions définis à l'article L. 640-2 du code rural
et de la pêche maritime

Il s'agit :

- pour les signes d'identification de la qualité et de l'origine :

- du « label rouge », attestant la qualité supérieure ;

- de « l'appellation d'origine », « l'indication géographique » et la « spécialité traditionnelle garantie », attestant la qualité liée à l'origine ou à la tradition ;

- de la mention « agriculture biologique », attestant la qualité environnementale et le respect du bien-être animal ;

- pour les mentions valorisantes :

- de la mention « montagne » ;

- du qualificatif « fermier » ou de la mention « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » ;

- de la mention « produit de montagne » ;

- ses termes « produits pays » en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna ;

- de la mention « issus d'une exploitation de haute valeur environnementale ».

Contrairement à ce que certaines personnes entendues par votre rapporteur ont pu soutenir, l'utilisation, dans les cahiers des charges des marchés publics, de caractéristiques liées à une appellation d'origine est autorisée, car celle-ci est délivrée au regard d'une qualité particulière directement liée aux conditions de production existant dans un territoire déterminé. Ainsi, lorsque l'objet du marché le permet , l'exigence de produits portant mention d'une « appellation d'origine », d'une « indication géographique » ou d'une « spécialité traditionnelle garantie » est possible . C'est le cas, par exemple, pour des marchés tels que la fourniture et la livraison de viande de volaille en critère qualité certifié ou équivalent et Label rouge de 1 ère , 3 ème et 5 ème gamme pour les cuisines d'une caisse des écoles ou la fourniture de denrées alimentaires pour une restauration citoyenne contenant des produits biologiques et durables.

Néanmoins, comme il l'a été souligné lors des auditions, le recours au critère de la mention valorisante ou d'origine reste insatisfaisant pour ce qui concerne les produits de la pêche, pour lesquels de telles mentions sont rares.

En outre, 20 % des produits servis doivent être issus de l'agriculture biologique.

IV. La position de votre commission

La mise en place d'une obligation juridique d'introduire des produits de l'alimentation durable dans la restauration collective dont les personnes publiques ont la charge est la seule mesure qui permettra une véritable réorganisation des filières d'offre et de demande aboutissant à renforcer l'ancrage territorial de notre alimentation .

Elle s'appliquera que la restauration soit exercée en régie (directement par la personne publique) ou qu'elle soit concédée à un prestataire. Dans ce dernier cas, il conviendra donc que l'acte de délégation ou de concession impose bien au délégataire ou concessionnaire le respect des prescriptions prévues au présent article. En effet, au final, le débiteur de l'obligation restera la personne publique.

Cette obligation, par son caractère général, viendra par ailleurs se superposer à celle déjà prévue à l'article L. 230-4 du code rural et de la pêche maritime, qui impose aux gestionnaires de services de restauration collective dans les services publics (restauration scolaire et universitaire, restauration des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux, et des établissements pénitentiaires) de respecter des règles en matière de qualité nutritionnelle des repas et de privilégier les produits de saison lors de la composition des repas qu'ils offrent.

Votre commission considère que cette obligation peut être réalisée par l'adoption , dès la promulgation de la loi, d'actions concrètes destinées à conforter ou développer des filières et des mécanismes d'approvisionnement déjà mis en place.

Néanmoins, elle a jugé nécessaire d'apporter divers aménagements aux dispositifs afin de leur donner une effectivité réelle et de lever certaines ambiguïtés. Ainsi, sans remettre en cause l'existence d'une obligation juridique, votre commission, à l'initiative de notre collègue Henri Tandonnet, a en conséquence adopté deux amendements tendant :

- à préciser que la notion de produits de l'alimentation durable , au sens de cette disposition, devait s'entendre de trois catégories distinctes de produits .

L'obligation sera donc remplie par les personnes publiques concernées en recourant alternativement soit à des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou sous mention valorisante, définis à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, soit à des produits issus d'approvisionnements en circuits courts, soit à des produits répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits. Parmi ces catégories, les acheteurs publics seront libres de privilégier une catégorie plus qu'une autre (amendement n° COM-4) ;

- à substituer à une référence précise à une quotité de produits biologiques une référence à une proportion de ces produits correspondant aux capacités de production locale.

Dès lors, plus aucune quotité obligatoire n'est prévue pour les produits relevant de l'agriculture biologique. La quantité de produits bio à introduire dépendra uniquement de la situation locale (amendement n° COM-2) .

Votre rapporteur estime que d'autres adaptations pourraient être utilement apportées en séance publique afin de renforcer le caractère pleinement opérationnel de ce dispositif, en particulier pour donner les moyens de mieux ancrer localement et valoriser encore davantage la qualité des produits utilisés dans la restauration collective publique.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er bis - Rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre de l'obligation prévue à l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime

Objet : cet article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur les moyens permettant la mise en oeuvre de l'obligation d'introduire des produits provenant de l'alimentation durable et de l'alimentation biologique.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de M. André Chassaigne et plusieurs de ses collègues, avec l'avis défavorable de la commission mais l'avis favorable du Gouvernement, la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement a été prévue, visant à préciser les moyens permettant la mise en oeuvre de l'obligation prévue à l'article 1 er de la proposition de loi.

Ce rapport doit notamment procéder à une évaluation des moyens supplémentaires nécessaires aux gestionnaires de la restauration collective de l'État, ainsi qu'aux collectivités territoriales et aux établissements publics, pour respecter leurs obligations en matière d'incorporation de produits relevant de l'alimentation durable.

Ce rapport doit être déposé avant le 1 er janvier 2017.

II. La position de votre commission

Ainsi qu'il a été déjà souligné, la mise en oeuvre de l'obligation prévue à l'article 1 er impliquera, dans le délai imparti, une réelle modification des approches actuelles des gestionnaires de restaurants collectifs, des modalités d'approvisionnement et des modalités de production de produits alimentaires d'origine locale et qui s'intègrent mieux dans notre environnement.

Dans son objet, le rapport prévu par le présent article semblerait davantage constituer une sorte de « vademecum » destiné à donner aux acteurs de la restauration collective (de la personne publique responsable jusqu'aux producteurs) les outils pratiques nécessaires - notamment en termes de passation de marchés publics - afin d'assurer la réalisation de l'obligation mise à leur charge.

Il se distingue donc des rapports plus classiques au Parlement qui sont d'abord et avant tout des rapports d'évaluation.

Pour autant, ce type d'instrument est indispensable pour assurer l'accompagnement des acteurs afin qu'ils soient en mesure de satisfaire effectivement à l'obligation qui est mise à leur charge. Il présente un intérêt réel pour préparer au mieux l'échéance du 1 er janvier 2020. Votre commission l'a donc maintenu, mais elle a :

- à la suite d'un amendement de notre collègue Henri Tandonnet, précisé que le rapport du Gouvernement au Parlement devra procéder à une évaluation des besoins nécessaires pour, plus simplement, accroître la part des produits de l'alimentation durable dans l'approvisionnement des restaurants collectifs (amendement n° COM-3) ;

- à l'initiative de notre collègue Félix Desplan, indiqué que ce rapport devrait également prendre en considération la situation particulière des outre-mer ( amendement n° COM-5 ). Les contraintes et les caractéristiques (l'éloignement, l'insularité ou la superficie souvent limitée du territoire) propres aux collectivités ultramarines soumises à l'obligation prévue à l'article 1 er (départements d'outre-mer, autres collectivités de l'article 73 de la Constitution, collectivités de l'article 74 de la Constitution dont le statut prévoit une application de plein droit des dispositions du code rural et de la pêche maritime) appellent en effet des mesures d'organisation particulières pour assurer sa mise en oeuvre.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 230-3 du code du code rural et de la pêche maritime) - Observatoire de l'alimentation et des circuits courts et de proximité

Objet : cet article élargit les compétences de l'observatoire de l'alimentation en les étendant à la mise en oeuvre de l'obligation d'introduire des produits provenant de l'alimentation durable et de l'alimentation biologique.

I. Le droit en vigueur

Créé par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture de la pêche, l'observatoire de l'alimentation, défini à l'article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime, a pour mission d'éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur les évolutions de l'offre et de la consommation alimentaires.

À cette fin, il analyse les données nécessaires à l'exercice de ses missions dans les domaines nutritionnel, sanitaire, économique et social. Il assiste le Gouvernement dans la définition des objectifs de la politique publique de l'alimentation et l'évaluation de ses effets. Il fournit également aux secteurs professionnels des outils d'aide à la décision utiles à la mise en oeuvre des accords collectifs conclus entre les opérateurs du secteur agroalimentaire dans le cadre en matière de qualité gustative et nutritionnelle ainsi que de consommation des produits agricoles et alimentaires.

Cet observatoire est constitué d'une section nutritionnelle chargée des questions relatives à l'offre et aux caractéristiques des aliments, d'une section sanitaire et d'une section sur l'économie et la sociologie de l'alimentation. Afin de remplir les missions qui lui sont dévolues par l'article L. 230-3, il :

- recueille auprès des services et établissements publics compétents les données et études disponibles nécessaires à l'exercice de ses missions ;

- demande à ces services et établissements de collecter, en tant que de besoin, des données supplémentaires ou de réaliser des analyses complémentaires ;

- réalise des études ;

- construit les indicateurs permettant d'agréger et de suivre dans le temps l'évolution des données qu'il recueille ;

- produit des rapports de synthèse sur les données qu'il a analysées ou fait analyser ;

- met à la disposition des secteurs professionnels (agricole, agroalimentaire et de la distribution) et des pouvoirs publics les données agrégées dont il dispose et l'analyse qu'il en a réalisée ;

- peut passer des conventions.

II. Le texte de la proposition de loi initiale

Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait de modifier l'article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime pour confier à l'observatoire une compétence nouvelle : éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur le développement des circuits court et de proximité .

Dans ce cadre, il prévoyait que cet observatoire veillerait au respect de l'obligation prévue à l'article 1 er de la proposition de loi, en liaison avec les observatoires régionaux et inter-régionaux des circuits courts et de proximité existants. Ce faisant, l'existence d'initiatives présentes sur le territoire de plusieurs régions 6 ( * ) est consacrée au niveau législatif. Le texte leur donne donc expressément, au niveau local, un rôle de contrôle des pratiques des restaurants collectifs publics.

À cette fin, une obligation était mise à la charge des gestionnaires, publics et privés, d'activités de restauration collective, de recueillir et de communiquer à l'observatoire les données quantitatives et qualitatives utiles à l'accomplissement de sa mission de suivi des circuits courts et de proximité.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Cet article a fait l'objet de modifications en séance publique, à l'initiative de M. Pellois et plusieurs de ses collègues, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, tendant notamment à mettre en cohérence le dispositif proposé.

Ces modifications confient en outre expressément une mission supplémentaire d'accompagnement méthodologique à l'observatoire : celui-ci devra en outre déterminer des outils méthodologiques à destination des organismes publics et privés du secteur de la restauration collective, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre de l'obligation prévue à l'article 1 er .

En effet, l'obligation mise en place par l'article 1 er étant une obligation quantitative, il est essentiel de disposer d'une méthodologie fiable, appliquée par l'ensemble des acteurs de la restauration collective, permettant de déterminer si les quotités imposées de produits provenant de l'alimentation durable ou biologique sont bien respectées.

IV. La position de votre commission

Votre commission est favorable à ce que l'observatoire de l'alimentation soit une instance qui permette, au niveau national, de définir des outils d'accompagnement des gestionnaires de services de restauration collective.

On peut cependant estimer que le rôle d'un observatoire n'est pas, stricto sensu, de « veiller au respect » d'une obligation : il ne saurait en effet être doté d'un pouvoir de sanction envers les personnes publiques tenues de se conformer à l'obligation prévue par l'article 1 er de la présente proposition de loi. En revanche, cet observatoire a indéniablement une mission d'évaluation à jouer dans la mise en oeuvre de cette obligation . Et cette évaluation ne peut se faire qu'en lien avec les collectivités concernées.

On peut également s'interroger sur la pertinence de consacrer au niveau législatif les observatoires régionaux, qui sont des structures aux statuts juridiques et des missions variables et ne sont pas présentes dans chaque région.

Votre commission n'a toutefois pas adopté, à ce stade, de modification du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (art. L. 1, L. 111-2-1, L. 111-2-2, L. 180-1, L. 180-2, L. 312-1, L. 315-2, L. 425-1, L. 515-3, L. 511-14 du code rural et de la pêche maritime) - Plans régionaux de l'agriculture et de l'alimentation durables

Objet : cet article étend l'objet des plans régionaux de l'agriculture durable à l'alimentation durable.

I. Le droit en vigueur

Créés par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, les plans régionaux de l'agriculture durable (PRAD), définis à l'article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche maritime, ont pour objet de fixer les grandes orientations de la politique agricole, agroalimentaire et agro-industrielle dans la région en tenant compte des spécificités des territoires ainsi que de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Comme le soulignaient nos collègues Gérard César et Charles Revet, rapporteurs de cette loi, ces plans n'ont pas de caractère normatif : il s'agit de documents d'orientation destinés à fixer des objectifs de politique régionale non juridiquement contraignants. 7 ( * )

Chaque plan précise les actions qui feront l'objet prioritairement des interventions de l'Etat et de la région. Il ne concerne pas la Corse.

Le représentant de l'Etat dans la région et le président du conseil régional conduisent conjointement la préparation du plan en y associant les collectivités territoriales et les chambres d'agriculture concernées ainsi que l'ensemble des organisations syndicales agricoles représentatives. Dans ce cadre, ils doivent prendre en compte les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (article L. 212-1 du code de l'environnement) et des schémas régionaux de cohérence écologique (article L. 371-3 du même code) ainsi que les orientations découlant des directives territoriales d'aménagement et de développement durables (article L. 102-4 du code de l'urbanisme).

Le projet de plan doit faire l'objet d'une mise à disposition du public pendant une durée minimale d'un mois sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation. Puis il est soumis à l'approbation du conseil régional, le cas échéant après avis du comité de massif compétent. Le plan est ensuite arrêté par le représentant de l'Etat dans la région.

II. Le texte de la proposition de loi initiale

Le I de cet article, modifiant l'article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche, confie aux PRAD, en son 1°, un objet complémentaire : définir les grandes orientations de la politique alimentaire dans la région . En conséquence, il transforme les PRAD en PRAAD, c'est-à-dire en plans régionaux de l'agriculture et de l'alimentation durables.

En outre, le 2° supprime la référence à la politique agro-industrielle dans les orientations que doit fixer le plan . La référence à la politique alimentaire a en effet été jugée suffisante par les auteurs de la proposition de loi, dès lors que la politique agro-industrielle comporte en réalité un volet « agro-alimentaire », déjà mentionné par l'article L. 111-2-1, et un volet relatif aux entreprises industrielles qui fournissent des biens et équipements nécessaires à l'activité agricole (engrais, pesticides, outillage agricole) et sont déjà implantées à proximité des lieux de production agricole.

Le 3° consacre au niveau législatif les comités régionaux pour l'alimentation (CRALIM). Ces comités, qui se réunissent chaque année dans chaque région sous la présidence du préfet de région, constituent des lieus d'échanges et de réflexion sur les priorités régionales en matière d'alimentation. Ils regroupent, outre les représentants des directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, ceux d'autres services déconcentrés de l'Etat, ainsi que les représentants des collectivités territoriales, des associations, des professionnels, des établissements d'enseignement, etc...). Le texte proposé les associe , au même titre que les collectivités territoriales, les chambres d'agriculture et les organisations syndicales agricoles représentatives, à la préparation des PRAAD .

Ce rôle confortera juridiquement la pratique préexistante dans certaines régions, qui associe d'ores-et-déjà le CRALIM à l'élaboration d'éléments de diagnostic dans le cadre de la préparation du PRAD.

Les II et III assurent les coordinations nécessaires au sein d'autres dispositions du code, des modifications apportées au PRAD.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement de coordination de sa rapporteure, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements tendant :

- pour l'un, à l'initiative de M. Jean-Charles Taugourdeau, à prévoir que le PRAAD définira également les circuits de proximité dans la région ( 2° bis du I ). Le dispositif, qui prévoyait une définition de circuits pour chaque filière de production, a été modifié à l'initiative de la rapporteure afin de préciser que ces circuits seront adaptés aux spécificités territoriales et aux besoins de la région ;

- pour l'autre, à l'initiative de M. Hervé Pellois, afin de n'imposer la révision des PRAD déjà adoptés ou adoptés dans les six moins de la promulgation de la présente loi qu'au plus tard le 1 er janvier 2020 ( IV ). Il en découle, par a contrario , que la transformation des PRAD en PRAAD n'interviendra dans les faits qu'à l'issue d'une période de six mois après la promulgation de la loi, ce qui laisse donc un temps suffisant pour suivre la procédure d'élaboration prévue par l'actuel article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche maritime.

En séance publique, d'autres dispositions de coordination ont été introduites à l'initiative de la commission ( II bis ).

IV. La position de votre commission

Votre commission est très favorable à l'extension à l'alimentation durable des actuels plans régionaux de l'agriculture durable. Il en résultera une meilleure prise en compte de l'ensemble des besoins et des synergies entre l'offre et la demande alimentaires dans chaque région.

On peut néanmoins s'interroger sur le rôle de « définition » de circuits de proximité adaptés aux spécificités territoriales et aux contraintes de la région. Il semble en effet peu réaliste de définir dans le cadre du PRAAD des circuits. En revanche, il serait tout à fait souhaitable que le plan promeuve le développement de circuits de proximité en matière d'approvisionnement . Il est par ailleurs sans doute superfétatoire de préciser que ces circuits seront adaptés aux spécificités territoriales et aux besoins de la région, puisque c'est bien l'objectif du PRAD aujourd'hui et, demain du PRAAD, que de prévoir des objectifs adaptés à chaque région.

Votre commission n'a toutefois pas adopté, à ce stade, de modification du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis (art. L. 512-2 du code rural et de la pêche maritime) - Compétences de la chambre régionale d'agriculture

Objet : cet article donne aux chambres régionales d'agriculture compétence pour accompagner des projets et développer des outils favorisant l'ancrage territorial de l'alimentation et des filières alimentaires.

I. Le droit en vigueur

Les chambres régionales d'agriculture, établissements publics administratifs dont les représentants sont élus, ont pour mission, aux termes de l'article L. 512-2 du code rural et de la pêche maritime, de contribuer, au plan régional, à l'animation et au développement des territoires ruraux.

A ce titre, chaque chambre régionale :

- élabore et met en oeuvre, seule ou conjointement avec d'autres établissements du réseau des chambres d'agriculture (autres chambres régionales, chambres départementales de leur ressort), des programmes d'intérêt général dont le champ excède le cadre d'un département ; ces programmes regroupent les actions et les financements concourant à un même objectif et retracent les services aux entreprises agricoles qui participent à ces actions ;

- peut remplir, par délégation de l'Etat et dans des conditions fixées par décret, des tâches de collecte, de traitement et de conservation des données individuelles relatives aux exploitations agricoles aux fins de simplifier les procédures administratives qui leur sont applicables.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de de sa commission des affaires économiques, l'Assemblée nationale a adopté le présent article. Celui-ci, complétant l'article L. 512-2 du code rural et de la pêche maritime, confie aux chambres régionales d'agriculture une mission complémentaire consistant :

- d'une part, à concourir , conjointement avec les autres acteurs du territoire régional, en particulier les représentants des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, à l'appui et à l'accompagnement de projets et au développement d'outils ayant pour objectif de favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation et des filières alimentaires , notamment des projets alimentaires territoriaux prévus à l'article L. 111-2-2 ;

- d'autre part, à contribuer à la réalisation de l'obligation prévue à l'article 1 er de la présente proposition de loi.

Selon le Gouvernement, cette mission d'appui et d'accompagnement pourra s'opérer à moyens constants, dans la mesure où les moyens des chambres régionales ont été consolidés dans la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

III. La position de votre commission

Votre commission considère que les chambres régionales d'agriculture sont légitimes à mener une action d'accompagnement des démarches visant à mieux ancrer l'alimentation dans les territoires locaux. Du reste, ainsi que l'ont montré les auditions conduites par votre rapporteur, le réseau des chambres d'agriculture participe d'ores-et-déjà, dans plusieurs départements ou régions, à des initiatives en ce sens. Ce rôle doit donc être conforté.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (art. L. 225-102-1 du code de commerce) - Intégration au rapport sur la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise de considérations relatives à la consommation alimentaire durable

Objet : cet article prévoit que le rapport sur le bilan social et environnemental des grandes entreprises devra contenir des éléments concernant la consommation alimentaire durable.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-102-1 du code de commerce impose aux sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions simplifiées) de présenter, dans leur rapport annuel à l'assemblée générale des actionnaires, des éléments relatifs à leur responsabilité sociale et environnementale. Seules les sociétés les plus importantes sont astreintes à cette obligation, puisque celle-ci ne concerne que deux types de sociétés :

- celles dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;

- celles dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. Ces seuils sont fixés à 100 millions d'euros pour le total du bilan, à 100 millions d'euros pour le montant net du chiffre d'affaires et à 500 pour le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice, en application de l'article R. 225-104 du code de commerce. 8 ( * )

Le rapport doit comporter des informations sur « la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité », incluant les conséquences sur le changement climatique de son activité et de l'usage des biens et services qu'elle produit, ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion des diversités. L'article 4 de la récente loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a inclus parmi ces informations obligatoires celles relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Ces informations font l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant. Cette vérification donne lieu à un avis qui est transmis à l'assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d'administration ou du directoire.

II. Le texte de la proposition de loi initiale

Cet article prévoit d'inclure, parmi les informations que doivent fournir les sociétés par actions à leurs actionnaires, et plus largement au public - puisque ces informations sont publiées - des éléments relatifs à l'alimentation durable.

Ce dispositif découle du constat que l'alimentation durable ne doit pas être l'affaire des seules entreprises agro-alimentaires, mais doit également concerner l'ensemble des grandes entreprises, qui pour la quasi-totalité d'entre elles assurent une restauration collective au profit de leurs salariés. Il en découle que le rapport devra apporter certains éléments concernant la politique d'approvisionnement en produits issus de l'alimentation durable.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Cet article n'a fait l'objet d'aucune modification par l'Assemblée nationale.

IV. La position de votre commission

La mesure proposée ne constitue qu'une mesure d'accompagnement de l'obligation mise à la charge des services de restauration collective publique par l'article 1 er de la présente proposition de loi.

S'il n'est pas question d'imposer par la loi aux entreprises privées qui assurent la restauration collective de leurs personnels des choix d'alimentation, celles-ci doivent y être incitées . Il s'agit bien d'une mesure qui s'inscrit dans leur responsabilité sociale et environnementale, dont il semble naturel qu'elles rendent compte pour la valoriser auprès de leurs actionnaires comme auprès du grand public.

Certaines grandes entreprises se sont déjà engagées dans une démarche volontaire d'approvisionnement avec des produits présentant des critères de développement durable. C'est du reste parfois dans un cadre régional qu'une telle approche a été retenue.


« Manger bio et local en entreprise » en Rhône-Alpes

Initié en 2011, le projet Manger bio et local en entreprise (MBLE) en région Rhône Alpes permet à 20 000 salariés de bénéficier quotidiennement de produits bio locaux au déjeuner au restaurant d'entreprise.

17 restaurants d'entreprise, 13 entreprises donneurs d'ordre (CEA Grenoble, IFP En, La Poste, Orange, Casino, Centre Léon Bérard, ST Micro, Schneider, Salomon, Somfy, INTEFP, Thalès et l'ESRF) et 8 sociétés de restauration collective (Api Restauration, Elior, Compass Group, Mille et un Repas, R2C, SHCB, Sodexo, Sogeres) sont accompagnés par Corabio (association loi 1901 créée en 1994, représentant les intérêts collectifs des agriculteurs biologiques rhônalpins) sur une durée de 3 ans avec un objectif croissant de 20 % de produits locaux. La plupart d'entre eux oscillent entre 10 et 15 %, quelques-uns ayant atteint les 20 %. Certains opérateurs ont choisi d'initier la démarche par les légumes, d'autres par la viande, en fonction des disponibilités et des surcoûts. Les convives sont demandeurs : 40 % d'entre eux prennent quotidiennement un produit bio dans les restaurants engagés dans la démarche depuis 3 ans.

Pour 2014, ce projet représente plus de 800 000 € de produits bio consommés dont 650 000 € de produits bio issus du territoire de l'ancienne région Rhône-Alpes. La consommation quotidienne de 20 % de produits bio dans les 17 restaurants concernés génèrerait un chiffre d'affaires de 1,5 millions € HT pour les fournisseurs agricoles de la région.

Les représentants du MEDEF entendus par votre rapporteur ont fait valoir que le dispositif proposé rajouterait une nouvelle obligation pour les entreprises, déjà tenues à des descriptifs très détaillés en matière de responsabilité sociale et environnementale, encore alourdis par la récente obligation, issue de la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. En outre, ils ont souligné que les obligations en matière de responsabilité environnementale seraient très prochainement refondues dans le cadre de la transposition de la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

Votre commission souligne que cette exigence pour les grandes entreprises, même celles qui n'exercent pas leur activité dans le domaine alimentaire ou agroalimentaire, se limitera à faire état de leur action en matière de promotion des produits de l'alimentation durable dans les services de restauration qu'ils offrent à leurs employés. Elle sera le moyen, pour certaines d'entre elles, de se distinguer par rapport à d'autres et de montrer à leurs actionnaires comme au public leur engagement en la matière . Cette mesure n'est, par ailleurs, pas incompatible avec les dispositions de la directive du 22 octobre 2014.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (art. L. 121-82-1 du code de la consommation) - Application de la mention « fait maison » à la restauration collective

Objet : cet article étend à la restauration collective le bénéfice de la mention « fait maison ».

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé un article L. 181-82-1 au sein du code de la consommation, autorisant les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d'une activité de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés, permanente ou occasionnelle, principale ou accessoire, à préciser sur leurs cartes ou sur tout autre support qu'un plat proposé est « fait maison ».

Un plat « fait maison » est élaboré sur place à partir de produits bruts. Cependant, des produits, déterminés par voie réglementaire, peuvent entrer dans la composition des plats « faits maison » après avoir subi une transformation de leur état brut nécessaire à leur utilisation.

Les modalités de mise en oeuvre de la mention « fait maison », les conditions d'élaboration des plats « faits maison », notamment les cas dans lesquels le lieu d'élaboration peut être différent du lieu de consommation ou de vente, et celles permettant au consommateur d'identifier les plats « faits maison » et ceux qui ne le sont pas sont précisées par décret.

Sur ce fondement a été adopté le décret n° 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés, récemment modifié, qui précise les produits qui peuvent entrer dans la confection des plats pouvant comporter la mention « fait maison ». Il dispose également, à l'article D. 121-13-2 du code de la consommation, qu'un plat est élaboré sur place « lorsqu'il est élaboré dans les locaux de l'établissement dans lequel il est proposé à la vente ou à la consommation », à moins que l'on se situe dans le cadre d'une activité de « traiteur organisateur de réception » ou d'une « activité de commerce non sédentaire, notamment sur les foires, les marchés et lors de manifestations de plein air et de vente ambulante ».

II. Le texte de la proposition de loi initiale

Cet article prévoit la possibilité de faire état de la mention « fait maison » dans la restauration collective - publique ou privée.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Ces dispositions n'ont fait l'objet d'aucune modification à l'Assemblée nationale.

IV. La position de votre commission

Votre commission s'est interrogée sur la pertinence de l'extension de la mention « fait maison » à la restauration collective - qu'elle soit à la charge d'une personne publique ou d'une personne privée. Cette mention est en effet conçue comme un instrument de promotion concurrentielle dans le secteur de la restauration commerciale. Or, la situation des restaurants collectifs, notamment publics, est très différente, dans la mesure où les convives n'ont pas le choix de l'établissement.

À la suite d'un amendement de notre collègue Henri Tandonnet, la commission a décidé de supprimer cette disposition (amendement n° COM-1).

Votre commission a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 2 mars 2016, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 303 (2015-2016) visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Joël Labbé sur la proposition de loi renforçant l'ancrage territorial de l'alimentation.

M. Joël Labbé, rapporteur . - Cette proposition de loi, déposée par Mme Brigitte Allain, députée, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 14 janvier dernier. Reprenant des préconisations formulées en juillet 2015 par la mission d'information de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, elle fait de la restauration collective l'un des leviers d'une alimentation issue de l'agriculture locale, durable et biologique.

Il y a une véritable prise de conscience qu'il faut modifier les schémas d'alimentation actuels. Mais cela ne suffit pas : il faut trouver des moyens opérants pour mettre un terme à des modes d'alimentation dont l'acceptation sociale est de plus en plus remise en cause.

La restauration collective représente 81 376 structures en France, 8 millions de repas servis par jour, soit 7 milliards d'euros d'achats par an. Ce n'est pas rien. Le plus souvent, une personne publique - en particulier, les collectivités territoriales avec les cantines scolaires - en assume la charge.

La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement assignait déjà à l'État l'objectif d'approvisionner ses services de restauration collective en produits biologiques ainsi qu'en produits saisonniers, à faible impact environnemental ou issus d'exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale. La loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture a renforcée cette démarche : le programme national pour l'alimentation doit prévoir « des actions à mettre en oeuvre pour l'approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, notamment issus de l'agriculture biologique ». Malheureusement, ces mesures sont loin d'avoir porté pleinement leurs fruits.

Certes, un effort réel a été fourni. En 2015, 59 % des restaurants collectifs proposaient, au moins de temps à autre, des produits biologiques - le chiffre atteint 72 % pour les restaurants collectifs relevant de personnes publiques. Néanmoins, selon la Fondation Nicolas Hulot en 2013, ils n'avaient consacré que 2,7 % de leurs achats à des produits biologiques. Plus symptomatique encore, 87 % de la volaille qu'ils proposent était importée. Idem pour la viande bovine, importée à 80 %, nous l'avons appris lors de la crise aiguë de l'été dernier.

Si la situation est très contrastée selon les territoires, il existe une profusion d'initiatives locales - et nous avons constaté, avec Daniel Gremillet, Gérard Bailly et Frédérique Espagnac, lors des auditions, l'enthousiasme des collectivités territoriales comme du milieu associatif. Cependant, faute de coordination, ces initiatives n'ont pas d'effet d'entraînement sur le développement d'une filière plus solide. Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises dans notre commission, il faut donc structurer la demande pour structurer l'offre.

Les personnes publiques voient souvent dans les règles de la commande publique un obstacle quasi-insurmontable à l'achat de produits alimentaires répondant aux objectifs de proximité et de durabilité. En réalité, la définition de l'objet du marché et des caractéristiques techniques des produits, l'allotissement ou les critères de sélection des candidats autorisent le renforcement de l'ancrage local de l'alimentation. Depuis 2014, le ministère de l'agriculture a mis à disposition des gestionnaires de restaurants collectifs un guide pratique détaillant les outils à leur disposition.

Cette proposition de loi entend créer une dynamique de changement en s'appuyant sur la restauration collective.

Son article premier oblige les personnes publiques à introduire des produits relevant de l'alimentation durable et de l'agriculture biologique dans leurs services de restauration collective. Initialement, cet objectif devait être atteint en deux temps : dans les six premiers mois de la promulgation de la loi, 20 % de produits relevant de l'alimentation durable ; à compter du 1 er janvier 2020, 40 % de produits relevant de l'alimentation durable, et 20 % de produits issus de l'agriculture biologique. L'article 2 transforme l'observatoire de l'alimentation en observatoire de l'alimentation et des circuits courts et de proximité afin qu'il s'assure du respect de l'obligation fixée à l'article premier. Avec l'article 3, les plans régionaux d'agriculture durable intégreront les politiques alimentaires transversales dans leurs objectifs et leur gouvernance. L'article 4 impose aux grandes entreprises d'inclure des exigences de consommation alimentaire durable dans leur rapport en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). L'article 5 étend le dispositif « fait maison » aux restaurants collectifs favorisant l'alimentation des convives à partir de produits bruts.

En commission comme en séance publique, les députés ont conforté ce dispositif. Ils ont notamment supprimé l'objectif provisoire de 20 % six mois après la promulgation de la loi - le délai était effectivement trop court -, précisé les catégories de produits devant être introduits en restauration collective et modifié les prérogatives et compétences de l'observatoire de l'alimentation et des circuits courts et de proximité.

Les députés ont également adopté deux articles additionnels. L'article premier bis prévoit un rapport sur l'application du texte. Si le Sénat n'aime pas beaucoup les rapports, celui-ci a son importance. L'article 3 bis confère aux chambres régionales d'agriculture un rôle d'accompagnement.

À mon sens, l'objectif contraignant fixé à la restauration collective publique est réalisable si les acteurs s'en donnent les moyens. Cela implique qu'ils modifient leur approche, les projets alimentaires territoriaux les y aideront.

Il conviendra de former les acteurs de la restauration collective. D'abord, les gestionnaires, sur les marchés publics et la planification des achats qui est absolument essentielle. Leur information sur l'offre locale et la saisonnalité des produits devra être renforcée. Les cuisiniers devront réapprendre à utiliser des produits bruts - en un mot, à cuisiner. C'est la noblesse de leur métier.

L'approvisionnement des restaurants collectifs en produits locaux n'implique pas nécessairement un surcoût. Les expérimentations le montrent : on peut réduire le coût global de la préparation des repas par la lutte contre le gaspillage alimentaire, objet d'une proposition de loi que le Sénat a récemment adoptée à l'unanimité. La promotion des produits en vrac et la limitation de la diversité des produits proposés sont d'autres voies d'économies ; et ce, sans amoindrir la qualité nutritionnelle des repas. De même que l'adaptation accrue des grammages et des menus - les recommandations du groupe d'étude sur les marchés de restauration collective et de nutrition (GEM-RCN), entre autres sur la proportion de protéines animales à respecter par rapport aux protéines végétales, ne doivent pas freiner le retour à un ancrage territorial de l'alimentation.

Enfin, jouons des complémentarités entre les acteurs pour stimuler l'offre, assurer son adéquation avec la demande et stimuler la filière.

L'Assemblée nationale est parvenue à un texte abouti. La teneur de l'obligation relative à la restauration collective publique est claire tant pour les catégories de produits à introduire que pour les quotités : 40 % de produits de l'agriculture durable d'ici le 1 er janvier 2020, dont 20 % issus de l'agriculture biologique. Cette quotité sera facilement atteinte puisque les produits bio sont des produits sous signe de qualité, avec la mention « AB », et répondent à des critères de développement durable. Les dispositifs d'accompagnement de cette obligation ne soulèvent pas d'obstacles de principe, ni sur le fond ni sur la forme.

C'est pourquoi je vous invite à adopter ce texte conforme, sans quoi il ne sera pas examiné avant la prochaine niche écologiste à l'Assemblée nationale en 2017, soit en pleine campagne présidentielle. Posons-nous la question : cette proposition de loi convient-elle à la population ?

M. Gérard César . - Et aux collectivités territoriales ?

M. Joël Labbé, rapporteur . - La ville de Mouans-Sartoux, qui mène une expérimentation exemplaire, a réussi à diminuer le prix des repas en travaillant sur le gaspillage alimentaire et l'éducation au goût. Elle a su réhabiliter le métier de cuisinier.

Dans les territoires où l'agriculture familiale, de proximité ou biologique n'est pas suffisamment développée, on voit des filiales de maraîchage se mettre place. C'est le cas dans la région lilloise dominée par la culture de la betterave à sucre. La Gironde a, elle, créé une plateforme de regroupement de produits biologiques.

Je suis au Sénat depuis quatre ans, j'ai appris à le connaître et suis fier d'y appartenir. Comme vous, je mets un point d'honneur à améliorer les textes mais déposer des amendements repousserait l'application de cette loi attendue par 76 % des Français selon un récent sondage de l'Ifop.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Deux représentants du Morbihan montent au créneau cette semaine. Après Michel Le Scouarnec hier soir, c'est le tour de Joël Labbé !

Cher collègue, rien n'empêche le Gouvernement d'inscrire une proposition de loi dans son ordre du jour, surtout si elle recueille l'unanimité.

M. Gérard Bailly . - J'étais, au départ, favorable à cette proposition de loi en raison de mon ancrage agricole. Je ne le suis plus. Il faut expliquer ce que signifie « durable », sans quoi beaucoup d'interrogations subsisteront. Avec ce texte, n'ajoute-t-on pas encore plus de normes ? Une étude d'impact a-t-elle été menée sur la hausse du prix des repas dans la restauration collective ? Je peux prédire la réaction des parents : déjà, ils trouvent la cantine chère pour leurs enfants.

N'allez pas croire que je suis contre le bio. Mais les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement. Dans mon département du Jura, selon le contrôle laitier, les vaches alimentées en produits biologiques produisent 5 800 kg de lait contre 7 100 kg pour les vaches nourries au foin et au regain. Le taux protéique de leur lait, très important pour fabriquer le fromage, est de 31,8 % contre 33,2 % pour les autres. Quand on sait que les fromageries paient 4 centimes du gramme... L'exigence de bio aura forcément un impact sur le prix, à moins de mal payer les producteurs de bio et de les condamner à la détresse.

Lons-le-Saunier distribue 1,2 million de repas incluant des produits bio et des produits issus des filières courtes dans ses cantines scolaires, ses maisons de retraite et même dans son réseau de portage à domicile. Une légumerie y a été ouverte. Et tout cela, sans loi. Plutôt que de légiférer, ne faut-il pas faire de la pédagogie ?

Ce texte provoquera des désillusions, ne lui disons pas oui sans réfléchir comme l'ont fait les députés.

M. Yannick Vaugrenard . - Merci au rapporteur pour son enthousiasme communicatif. Comme lui, je suis entré au Sénat il y a quatre ans et j'ai remarqué que le meilleur moyen d'obtenir un vote conforme, c'est de ne pas le demander...

Consommateurs et producteurs ont pris conscience de la nécessité d'une agriculture durable. Qui dit durable, ne signifie pas obligatoirement biologique ; l'agriculture raisonnée en fait partie. L'agriculture durable, ce sont les circuits courts et le respect de la saisonnalité. Rappelons-le, cela rassurera les élus locaux sur les coûts.

Cette proposition de loi vient au bon moment. Non seulement parce nous sommes en plein salon de l'agriculture, mais aussi parce que les circuits courts sont une des solutions à la crise agricole. En Loire-Atlantique, les agriculteurs qui pratiquent la vente directe sous forme de coopératives s'en sortent bien.

Reporter en 2020 l'obligation nous donnera plus de temps. De même, l'évaluation du coût pour les collectivités est un point positif, même si l'on sait que des économies peuvent être réalisées puisque 30 % des produits de la restauration collective sont jetés. La Drôme, sous la présidence de notre collègue Didier Guillaume, a adopté des stratégies d'approvisionnement local, et les coûts sont restés stables.

L'association des chambres d'agriculture est également une bonne chose.

Une alimentation saine est bonne pour nos enfants. Cette proposition de loi, même si elle n'est pas votée conforme, sera pédagogique par les débats qu'elle suscitera, et le Gouvernement peut la faire examiner dans des délais raisonnables.

M. Henri Tandonnet . - On sent le rapporteur très convaincu et dans l'envie de nous convaincre - il est même allé jusqu'à nous envoyer des fleurs. Si nous partageons tous les deux objectifs essentiels de la proposition de loi - une meilleure alimentation et un ancrage territorial - il faut malgré tout confronter le texte à la réalité.

Le Lot-et-Garonne, un département très rural avec 78 productions différentes, compte un agropole de 2 000 emplois et un marché d'intérêt national qui a contractualisé avec les acteurs de la restauration collective. Le texte irait à l'encontre de ces outils. L'agropole d'Agen prépare des plats à partir de produits locaux : les fameuses pommes de terre sarladaises, des tomates séchées... Seront-ils considérés comme des produits issus de l'agriculture durable ?

J'ai déposé des amendements pour assouplir le texte. À l'article premier, il me paraît difficile d'imposer 20 % de produits issus de l'agriculture biologique quand elle ne représente que 5 à 6 % de la production dans certains départements ; remplaçons ce chiffre par « une proportion de produits correspondant aux capacités de production locale ». Je propose également la suppression de l'article 5 qui élargit la mention « fait maison » à la restauration collective au risque de la galvauder et de nuire à la valorisation des restaurants de qualité.

L'entrée en vigueur du texte est prévue pour 2020. Monsieur Labbé, ne vous privez pas de l'amender et de l'enrichir. Je suis d'accord avec Yannick Vaugrenard, elle a une valeur pédagogique.

M. Martial Bourquin . - Je salue la sincérité et l'enthousiasme de Joël Labbé, son rapport reflète ses valeurs profondes et son expérience de maire.

La constitution de filières bio et d'agriculture raisonnée est l'une des issues à la crise structurelle que connaît l'agriculture. Après le déferlement de scandales alimentaires, entre autres ceux liés à la viande, les consommateurs se montrent de plus en plus attentifs à ce qu'ils mangent et donnent à manger à leurs enfants. Prenons au sérieux ce rapport. Pourquoi le Jura, cher à Gérard Bailly, échappe-t-il à la crise du lait ? Parce que les appellations d'origine protégée y protègent les agriculteurs. Comme dans l'industrie, le low cost et le bas de gamme résistent moins bien. Quand il y a la qualité, il n'y a pas la crise.

Deuxième sujet du rapport : la commande publique. Une directive européenne a été publiée en 2014, sur laquelle j'ai écrit un rapport il y a quatre mois. Les élus et les fonctionnaires locaux doivent changer de culture. Quand Xavier Beulin, président de la FNSEA, déclare que 70 à 80 % de la viande contenue dans les plats préparés vient de l'étranger, cela doit nous interroger.

Les élus doivent privilégier le mieux disant au moins disant, c'est-à-dire le rapport qualité-prix au prix. Avec l'allotissement, ils n'ont plus à craindre qu'on leur reproche des appels d'offre biaisés. Prenons garde, d'ailleurs, aux retours en arrière : lors des débats sur la loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, certains ont tenté de revenir aux marchés globaux.

Les objectifs du rapporteur sont crédibles. Tenons-les pour nos enfants. Un jour, à Audincourt, j'ai mangé à la cantine avec les élèves. Ils se bourraient de pain ! Nous nous sommes séparés du grand groupe qui gérait la restauration collective pour embaucher des cuisiniers et privilégier le circuit court. Depuis, les enfants mangent, les parents sont satisfaits et les agriculteurs heureux. Si nous appliquions cette méthode partout, les agriculteurs auraient accès à de sacrés marchés.

Ce matin, nous recevons le commissaire européen à l'agriculture, Phil Hogan, au salon de l'agriculture. J'espère qu'il sera accueilli comme d'autres l'ont été car il a une forte responsabilité dans cette crise. Nous avons été trop gentils avec lui la dernière fois.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Est-ce une autocritique ?

M. Daniel Gremillet . - Je suis terriblement choqué de voir le mot « durable » à chaque article de la proposition de loi. C'est faire injure aux agriculteurs, qui travaillent en fonction d'un savoir qui progresse avec la recherche.

Ne nous racontons pas d'histoire : il y a vingt-cinq ou trente ans, 30 % des revenus étaient consacrés à l'alimentation contre 12 % aujourd'hui. Le prix des repas n'est pas un élément à négliger, nous le savons bien en tant qu'élu.

Je reprends à mon compte les propos de Gérard Bailly : faut-il légiférer et continuer de multiplier les contraintes ?

J'ai soutenu le bio avant qu'il ne devienne « tendance », j'employais un technicien spécialisé dans la chambre d'agriculture que je présidais. Pour autant, les consommateurs recherchent plutôt aujourd'hui des produits nature, des produits frais. Imposer un pourcentage de produits bio ? On devra importer faute de disposer d'une manne locale.

Les collectivités ont conduit des expérimentations avant cette proposition de loi. Rennes par exemple, propose dans ses cantines des produits qui ne sont pas bio mais de proximité et de qualité. Où est l'urgence à légiférer ?

D'autant que ce texte pourrait avoir des conséquences inattendues. Après les hôpitaux, les établissements scolaires, ce serait au tour des exploitations bio de se massifier pour répondre à la demande en contenant les coûts... Autrement, comment fournir 20 000 à 50 000 cuisses de poulet simultanément ? Et l'on reviendrait au point de départ.

Comment la proximité est-elle définie ? Une entreprise agro-alimentaire proche du lieu de consommation peut-elle en faire partie ? La réponse à cette question aura de lourdes conséquences.

M. Robert Navarro . - Localement, existe-t-il assez d'exploitations pour atteindre les objectifs fixés dans ce texte ? J'en doute.

Nous réagissons trop souvent à chaud sur l'agriculture. Résultat, nos réponses sont déconnectées. Vous citez les résultats d'un sondage ? Mais l'opinion publique change. À nous, responsables politiques, de nous placer au-dessus.

Surtout, n'oublions pas que 75 % de nos concitoyens vivent avec 1 500 euros par mois. On les entend dans nos permanences expliquer qu'ils ont du mal à payer leur facture d'eau, d'électricité. Alors, manger bio... Ils préfèrent téléphones et télés high tech à la performance dans l'assiette.

Plutôt que de nous gargariser de ce que pense l'opinion, employons-nous à adapter progressivement notre outil agricole. Quitter le modèle intensif prendra du temps. Rien ne sert de se gargariser de bonnes intentions si nous ne pouvons pas les mettre en pratique.

Mme Sophie Primas . - Je remercie Joël Labbé pour son rapport, dans lequel il a mis ses convictions et sa fougue habituelle. Une alimentation de qualité ne signifie pas forcément une alimentation de proximité, attention à ce raccourci.

Je suis très attachée à une alimentation saine et à l'éducation au goût. À Aubergenville, je fais confiance à une petite société de restauration. Elle est loin d'utiliser 40 % de produits locaux mais elle emploie de vrais cuisiniers et fait visiter ses cuisines aux enfants. Le texte contrarierait cette expérience.

Les circuits courts ? Ils évoquent l'image sympathique de courses qu'on effectue avec son panier entre des étals de produits frais. Mais nous parlons, avec cette proposition de loi, de circuits courts industriels - ce qui n'a rien de péjoratif. En Ile-de-France, les agriculteurs, peu nombreux, préfèrent valoriser directement leur production sur les marchés.

Je préférerais à une obligation chiffrée des outils d'organisation des filières. La proposition de loi alourdit les normes pour les collectivités territoriales, sans étude d'impact.

Il existe une nouvelle directive européenne ; très bien, mais il faut former les fonctionnaires et les maires ruraux sans oublier les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui ont tendance à ne regarder que le prix des marchés publics.

Les opérateurs de restauration collective sont ensevelis sous les normes : traçabilité des produits, travail avec un nutritionniste, gluten, allergies, équilibre entre les protéines végétales et animales, dialogue avec les parents d'élèves... C'est un enfer. Comment appliquera-t-on la règle de 40 % de produits relevant de l'agriculture durable ? Il n'y a plus d'élevage en Ile-de-France. En circuit court, on n'y trouve que des oignons, des radis et des carottes. Comment servira-t-on du poisson aux enfants ?

L'outil agricole n'a pas la capacité de fournir 20 % de bio aux cantines. Ira-t-on le chercher au Brésil ou en Roumanie ? Les initiatives se multiplient ; laissons faire les maires, la demande sociale est forte.

M. Daniel Dubois . - Félicitations à Joël Labbé, fidèle à ses convictions.

À écouter M. Bourquin, on a l'impression que les produits non bio ne sont pas de qualité. Notre agriculture fournit des produits de grande qualité, il faut le dire ! Il n'y a pas photo entre la viande américaine et la nôtre.

On ne peut pas à la fois dénoncer l'excès de normes et adopter sans arrêt des textes qui en imposent de nouvelles. Hier en séance publique, nous avons voté une loi qui renforce le recours à l'architecte pour les constructions individuelles et les lotissements. Aujourd'hui, nous examinons une proposition de loi qui pose une obligation dans la restauration collective.

La communauté de communes du Haut-Clocher rassemble 8 000 habitants et 20 communes. Les écoliers sont regroupés dans trois écoles et trois cantines, gérées par un prestataire qui cuisine 40 000 repas par an, les sert et assure le nettoyage. Il assume toute la responsabilité de la préparation des repas sans gluten ou sans sel. Les représentants des parents d'élèves, qui participent à l'élaboration du cahier des charges, ont privilégié la présence de cinq éléments au bio quand ils ont vu les prix. Le repas est acheté 4,95 euros et vendu 3,70 euros, grâce aux subventions des collectivités. Quand on voit les coûts pour les collectivités et la baisse des dotations, disons halte aux normes, halte aux contraintes, oui au bon sens !

M. Jean-Pierre Bosino . - Merci M. Labbé. Je n'ai pas de désaccord de fond avec cette proposition de loi, même si elle pose beaucoup de questions. Elle va dans le sens de la pédagogie, de la volonté de créer une dynamique locale pour ancrer territorialement l'alimentation.

Il faut détacher la question du bio. À Montataire, nous opérons en régie pour maîtriser complètement la qualité de ce que l'on sert. Je partage, globalement, l'affirmation de M. Dubois selon laquelle l'agriculture est de qualité mais les affaires de la vache folle ou des pesticides inquiètent nos concitoyens.

Martial Bourquin a signalé une nouvelle directive européenne. Les maires, qui signent les marchés publics, ont besoin d'être rassurés sur le fait que l'introduction de clauses favorisant l'ancrage local ne pose pas de difficulté.

Je ne suis pas certain que l'agriculture locale soit capable d'alimenter le marché. Nous avons besoin de réfléchir à la création de filières.

Je rejoins M. Navarro sur les revenus : 85 % des salariés gagnent moins de 2 000 euros par mois.

Mme Sophie Primas . - Et les agriculteurs ?

M. Jean-Pierre Bosino . - Les gens les plus modestes sont ceux qui se nourrissent le plus mal et connaissent le plus de problèmes de santé et d'obésité.

Mme Élisabeth Lamure . - La difficulté de ce texte réside dans sa mise en oeuvre. L'Association des maires de France incite, depuis 2014, les collectivités à acheter des produits de proximité pour approvisionner la restauration collective. Cela se révèle plus compliqué dans les grandes communes et, partout, se pose un problème de prix.

À Gleizé, nous avons travaillé sur la proximité et la saisonnalité. Avec le bio, on perd en proximité. Et puis, où trouver du riz de proximité ?

M. Marc Daunis . - En Camargue !

Mme Élisabeth Lamure . - On parle trop de l'agriculture biologique et pas assez de l'agriculture raisonnée, qui donne des produits sains et naturels.

M. Jean-Jacques Lasserre . - La modestie est l'une des qualités de Joël Labbé, ne la mettons pas à mal par trop de félicitations.

Les collectivités territoriales peuvent avoir un effet déclenchant, mais n'ont pas la capacité financière de s'approvisionner localement.

Le bio et la proximité sont deux choses différentes. J'ai visité, dans la Haute Lande, une exploitation biologique de 600 ha de carottes avec des enjambeurs à 10 cm du sol. Des Roumains, couchés sur des planches, arrachaient les petites mauvaises herbes : nous sommes dans une phase où le bio peut s'accompagner de pratiques gênantes.

Développer l'agriculture de proximité représente un beau défi politique mais prendra du temps. La difficulté portera sur la certification des produits. Au salon de l'agriculture, la politique de communication des entreprises, cette merveilleuse mystification, entretient volontairement la confusion. Par exemple, le consommateur pense que le jambon Aoste vient d'Italie quand il voit l'image d'une superbe Italienne défiler sur de la musique de Verdi ; en réalité, il est fabriqué dans une usine claustrée à 30 km de Lyon.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Voilà une habile façon de contrer un concurrent du jambon de Bayonne !

M. Alain Chatillon . - Au lieu de partir du produit, il faut connaître le marché. Ce qui compte, c'est le bon équilibre alimentaire entre les protéines, les vitamines et les sels minéraux. J'ai créé en 1994 une entreprise de produits naturels au soja. Elle en utilise 5 000 tonnes par an, ce qui donne du travail à 250 agriculteurs et 130 salariés pour 30 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Dans notre pays judéo-chrétien, nous n'affrontons pas les vrais problèmes. La médecine est curative et non préventive. Or 80 % des problèmes du tube digestif sont réglés par 2,5 grammes de son. Mais les pains de son ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, contrairement aux laxatifs. Les médecins ne les prescrivent pas, eux qui étudient la nutrition deux heures par semaine pendant les deux dernières années contre huit heures par semaine pendant neuf ans pour les vétérinaires ! Une meilleure nutrition réduirait les dépenses de sécurité sociale.

Les produits issus de l'agriculture raisonnée sont meilleurs et moins chers. Qu'on ne nous empêche pas de les développer. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'Anses, contraint les entreprises françaises. Commençons par supprimer des normes.

N'oublions pas que le consommateur effectue 85 % de ses achats dans la grande distribution. Il y a trente ans, la part de l'alimentation dans le budget des ménages était de 24 %. Elle est actuellement de 12 %. Les 12 % épargnés vont dans les téléviseurs, les téléphones mobiles... Allons vers une agriculture raisonnée et naturelle, moins chère et plus compétitive.

Un dernier exemple : pendant vingt-trois ans, j'ai eu interdiction de vendre mes produits en Allemagne, faute d'obtenir 75 % des voix des décideurs du label allemand Grüne liste . Pendant ce temps-là, on négocie le traité transatlantique et les produits américains vont entrer sur notre marché.

M. Bruno Sido . - Merci à M. Labbé de travailler avec son coeur. Merci aussi à M. Bourquin de nous avoir involontairement fait la démonstration de l'inutilité de ce texte. D'autres l'ont dit avant moi, ce sera encore plus de normes, d'observatoires, de rapports, de délais à respecter et de dates-butoir. Les élus, qui sont des gens responsables, savent comment nourrir leurs enfants et leurs personnes âgées. Le principe de libre administration des collectivités territoriales, que curieusement personne n'a évoqué, s'applique, à moins que ne se pose un problème de santé publique. Il s'applique d'autant plus que le texte crée insidieusement une charge nouvelle sans la compenser : l'approvisionnement des cantines en produits bio, beaucoup plus chers. La hausse des charges des collectivités est une réalité.

Le bio, c'est bien mais personne ne voudrait acheter les pommes de mon verger bio au marché de la rue Mouffetard. Les cuisiniers qui réenchanteront la cuisine avec M. Labbé ne veulent pas non plus de pommes de terre biscornues, synonymes de gâchis phénoménal ; ils veulent des pommes de terre rondes, faciles à éplucher.

Le bio, c'est gentil mais on a la mémoire courte. Qui se souvient qu'il fallait autrefois cuire les produits pendant des heures pour éviter le ténia ? Que le progrès scientifique nous a évité l'ergot du blé, qui est mortel ? On le voit d'ailleurs réapparaître dans les silos : certaines récoltent sentent le poisson pourri. Sans compter que la définition du bio varie selon les pays : le bio français n'est pas le bio allemand.

Bref, avec ce texte, le lobby bio tire remarquablement son épingle du jeu.

M. Joël Labbé, rapporteur . - Monsieur Vaugrenard, ma seule stratégie consiste à dire ce que je pense : nous pouvons voter ce texte conforme. Il ne porte que sur la restauration collective et, dans la restauration collective, sur 40 % de l'approvisionnement. Dépourvu de sanction, il incitera les collectivités à s'engager. Les agriculteurs l'attendent, la directrice de l'agence bio me l'a confirmé au salon de l'agriculture. D'ailleurs, les exploitations bio qui pratiquent la polyculture et l'élevage ont été moins touchées que les autres par la crise.

Monsieur Bailly, la définition de l'agriculture durable avec ses trois piliers, économique, social et environnemental, est désormais inscrite dans les textes. Des normes supplémentaires ? Non, puisque le texte est incitatif. Il ne restera pas non plus au rang de voeu pieux comme le Grenelle parce qu'il constitue, non pas la réponse, mais un élément de la réponse à la crise agricole.

Des études sur les expérimentations ont montré que la hausse des prix était contenue. Les familles n'en souffriront pas avec le quotient familial. Surtout, n'oublions pas que le déjeuner pris à la cantine représente souvent le seul repas équilibré de la journée pour beaucoup d'enfants issus de familles en difficulté.

L'agriculture bio n'interdit pas de nourrir les vaches au foin et au regain, bien au contraire !

Jacques Pélissard est venu en personne nous parler avec fierté de l'expérience de Lons-le-Saunier ; elle est applicable à l'échelle nationale.

La France importe du bio d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie parce qu'elle n'a pas su prendre ce virage. Il n'est pas trop tard. Le bio est une réalité, la demande sociale est forte dans notre pays, en Europe et dans le monde.

Monsieur Vaugrenard, il fallait effectivement replacer les chambres régionales d'agriculture au coeur du dispositif. À mon sens, la pédagogie envers les consommateurs n'est plus nécessaire, la prise de conscience est là. En revanche, il faut structurer la filière par la commande publique.

Monsieur Tandonnet, ce texte correspond à la réalité du terrain. Partout où il y a la volonté d'ancrer l'alimentation dans le local, le maraîchage, généralement bio, revient. Se pose d'ailleurs un problème de foncier que règlent les territoires en lien avec les Safer.

Comment atteindre 20 % de produits bio quand le bio représente 5 à 6 % de la production agricole ? C'est possible, nous ne parlons que de la restauration collective. Il est insensé d'importer du bio en France, ce pays aux agricultures multiples.

Monsieur Bourquin, on me prédisait le pire pour ma loi sur les pesticides. Finalement, les collectivités se sont mises en ordre de marche pour 2017.

Monsieur Gremillet, l'agriculture durable est inscrite dans différents textes, elle constitue l'un des objectifs de la Cop 21. Il y a urgence, ne l'oublions pas.

Monsieur Navarro, l'alimentation doit retrouver sa juste place dans le panier de la ménagère. Et dire que l'industrie agro-alimentaire ne parle plus de viande pour les plats préparés, mais de minerai...

Le sujet pour la restauration collective, c'est d'organiser la demande en produits durables et bio, de la planifier. Dans le Morbihan, j'ai vu avec bonheur d'importantes entreprises prestataires affirmer en audition qu'elles étaient prêtes à s'adapter.

Si on ne légifère pas pour l'opinion publique, nous devons aussi répondre à une attente de fond. Les producteurs, quelle que soit leur appartenance syndicale, demandent ce texte.

Madame Primas, vous savez parfaitement que Paris approvisionne ses cantines en produits venant des circuits courts sans se limiter aux radis, carottes et oignons.

Mme Sophie Primas . - Je me demande comment...

M. Joël Labbé, rapporteur . - Oui, on peut réintroduire l'élevage en Île-de-France. Hier soir, en regardant une émission télévisée, j'ai appris que 30 % de la charcuterie bio consommée en France était importée. Est-ce normal ?

Je m'inscris en faux contre l'idée qu'il faudra importer pour atteindre 20 % de produits bio dans la restauration collective. Avec ce texte, nous enclencherons une dynamique qui offrira des débouchés pérennes à la production bio.

Monsieur Dubois, le non bio est de qualité, personne ne dit le contraire. D'ailleurs, la proposition de loi lui fait une place : 40 % d'agriculture raisonnée, avec 20 % de bio, et 60 % pour le reste. Dans le même ordre d'idée, monsieur Bosino, ne ménageons pas une place à part au bio ; il recouvre, par définition, des produits naturels issus de l'agriculture raisonnée, qui sont chers à Alain Chatillon.

Madame Lamure, l'initiative de l'AMF en 2014 était bonne mais elle n'a pas suffi. D'où la nécessité d'une impulsion nationale.

Monsieur Lasserre, sans tomber dans le catastrophisme, n'oublions pas l'urgence. Et puis nous parlons d'un horizon raisonnable : 2020. Le rôle de l'observatoire de l'alimentation sera essentiel.

Monsieur Chatillon, la qualité nutritionnelle des repas n'est pas antinomique avec cette proposition de loi.

Enfin, monsieur Sido, si j'ai du coeur, je sais désormais le tempérer par la raison. Je ne vois pas d'entorse au principe de libre administration des collectivités territoriales dans ce texte à partir du moment où aucune sanction n'est prévue. Pour beaucoup d'élus du Morbihan, cette proposition de loi enverra un bon signal.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

M. Joël Labbé, rapporteur . - L'amendement n°COM-4 apporte une clarification inutile : retrait, sinon rejet.

L'amendement n° COM-4 est adopté.

M. Joël Labbé, rapporteur . - M. Tandonnet, avec son amendement n° COM-2, supprime les 20 % de produits bio. Je lui propose un deal : travailler d'ici à la séance publique à une rédaction indiquant clairement que ces produits bio se retrouvent dans les 40 % de produits durables.

L'amendement n° COM-2 est adopté.

L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article premier bis (nouveau)

M. Joël Labbé, rapporteur . - L'amendement n° COM-3 de M. Tandonnet est de conséquence avec son amendement n° COM-2.

L'amendement n° COM-3 est adopté.

M. Joël Labbé, rapporteur . - L'outre-mer a bien sûr ses particularités. Toutefois, le texte ne s'appliquera directement que dans les DOM et les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. Je pense que la précision apportée par l'amendement n° COM-5 n'est pas nécessaire, mais dès lors que d'autres amendements ont été adoptés, je ne suis pas défavorable.

L'amendement n°COM-5 est adopté.

L'article premier bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles 2, 3, 3 bis (nouveau) et 4

L'article 2 est adopté sans modification, de même que les articles 3, 3 bis (nouveau) et 4.

Article 5

M. Joël Labbé, rapporteur . - L'amendement n°COM-1 supprime l'article sur le « fait maison ». Puisque je ne vous ai pas convaincu de voter le texte conforme, je n'y vois pas d'inconvénient.

L'amendement n°COM-1 est adopté et l'article 5 est supprimé.

M. Marc Daunis . - Quelle est la position du rapporteur face à ce texte modifié par la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur . - Je vous invite à voter pour, sachant que je vous proposerai des amendements en vue de la séance.

M. Gérard Bailly . - Le groupe Les Républicains s'abstiendra.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. TANDONNET

4

Caractère alternatif des critères de l'alimentation durable.

Adopté

M. TANDONNET

2

Suppression de toute quotité précise pour la présence de produits issus de l'agriculture biologique.

Adopté

Article 1 er bis (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. TANDONNET

3

Suppression de toute référence à une obligation d'incorporation de produits de l'alimentation durable.

Adopté

M. DESPLAN

5

Prise en compte des particularités des outre-mer dans le rapport au Parlement.

Adopté

Article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. TANDONNET

1

Inapplication de la mention "fait maison" à la restauration collective.

Adopté

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 16 février 2016 :

- Confédération générale du commerce de gros (CGI) : Mme Delphine Kosser-Glories , conseillère juridique, et M . Cyril Galy-Dejean , responsable du département affaires publiques ;

- Restau'Co : M. Eric Lepêcheur , président ;

- Syndicat national de la restauration collective (SNRC) : MM. Jacques Roux , président, Dominique-Philippe Bénezet , délégué général, et Mme Dominique Dardel , chargée de mission ;

- International urban food network (IUFN) : Mme Marketa Braine-Sukova , fondatrice et directrice générale ;

- Fondation Nicolas Hulot : MM. Denis Voisin , porte-parole, et Patrice Raveneau , chargé de projet « Mon restau responsable » ;

- Fondation Daniel et Nina Carasso : Mme Marie-Stéphane Maradeix , déléguée générale, et M. Guilhem Soutou , responsable du programme alimentation.

Mercredi 17 février 2016 :

- Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, et de la forêt : Mme Claire Brennetot , conseillère chargée des relations avec le parlement et les élus au cabinet du ministre, M. Arnaud Millemann , conseiller chargé de l'agroalimentaire et de l'alimentation au cabinet du ministre, et Mme Servane Gilliers-Van-Reysel , adjointe au sous-directeur de la politique de l'alimentation à la direction générale de l'alimentation (DGAL) ;

- M. Xavier Denamur , restaurateur ;

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) : MM. Jean-Louis Cazaubon , vice-président, et Guillaume Cloye , responsable du service Territoires-Alimentation-Forêts, et Mme Aline Muzard , chargée d'études relations publiques et affaires parlementaires françaises ;

- MEDEF : M. Sylvain Masiero , expert reporting au sein du groupe de travail Performance extra financière et directeur développement responsabilité d'entreprise de Thalès SA, et Mmes Lucie Togni , chargée de mission RSE à la direction du développement durable, et Marine Binckli , chargée de mission à la direction des affaires publiques ;

- Ville de Rennes : Mmes Nadège Noisette , maire adjointe déléguée aux approvisionnements, et Céline Le Bris , acheteuse de denrées alimentaires à la direction des approvisionnements, et MM. Wilfrid Clément , directeur du service de la commande publique, et Daniel Helle , ingénieur chargé de la protection de l'eau à la collectivité Eau du Bassin Rennais ;

- Commune de Lons-le-Saunier : MM. Jacques Pelissard , maire, et Didier Thévenet , directeur du restaurant municipal.

Jeudi 18 février 2016 :

- Association des maires de France (AMF) : Mmes Isabelle Maincion , vice-présidente et maire de La Ville aux Clerc, Anne-Charlotte Bérard-Walsh , conseiller Marchés publics, et Pauline Delaere-Papin , conseiller Développement durable, et M. Sébastien Ferriby , conseiller Culture et éducation ;

- Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) : Mme Stéphanie Pageot , présidente, et M. Julien Adda , délégué général.

Vendredi 19 février 2016 :

Table-ronde organisée dans le département du Morbihan (mairie de Saint-Nolff)

- Société Ansamble : MM. Jean-Yves Fontaine , directeur général, et Gwénolé Tougait , directeur, et Mme Corinne Mbow , directrice marketing ;

- Chambre départementale d'agriculture du Morbihan : Mme Manuela Voisin , responsable territoriale ;

- Chambre des métiers et de l'artisanat du Morbihan : M. Jean-François Guihard , vice-président, et Mme Elaine Le Douairon , conseillère en développement économique ;

- Collectif Les pieds dans le plat : Mme Aurélie Bénazet , présidente du collectif et diététicienne, et M. Jean-Marc Mouillac , membre fondateur du collectif et cuisinier à l'école de Marsaneix ;

- Conseil départemental du Morbihan : M. Sébastien Bordage et Mme Séphanie Gloaguen , du service « Collèges » ;

- Association Emmaüs : Mme Françoise Couedic , cuisinière ;

- GAB 56 - Groupement des agriculteurs biologiques du Morbihan : Mme Sophie Denis , animatrice restauration collective, et M. Pascal Lenormand , producteur ;

- GIP Pays de Vannes : Mmes Dominique Vanard , vice-présidente en charge des circuits courts, et Nina Trallero , chargée de mission Leader ;

- Lorient Agglomération : MM. Tristan Douard , vice-président en charge du développement économique et de l'urbanisme, et Pascal Tocquer , chargé de mission agriculture ;

- Mairie de Concoret : M. Ronan Coignard , maire ;

- Manger bio 56 : M. Philippe Guilbaud , président, Mme Nathalie Riguet , producteur, et M. Max Schaffer , directeur de l'association OPTIM-ISM ;

- SILGOM - GIP Santé social services en logistique du golfe du Morbihan : Mme Annaïg Louboutin , gestionnaire.

LISTE DES ORGANISMES AYANT FOURNI UNE CONTRIBUTION ÉCRITE

- Assemblée des départements de France (ADF) ;

- Agence Bio ;

- FedeLIS - Fédération Label Rouge, IG et STG.


* 1 Rapport n° 2945 (XIVème lég.) de Mme Brigitte Allain au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

* 2 Rapport n° 2942 (AN, XIVème législature) précité, p. 11.

* 3 Dont 148 000 ha en conversion (en progression de 14 % par rapport à 2013).

* 4 Étude réalisée du 4 au 7 janvier 2016 sur un échantillon représentatif de 1 006 personnes, pour le compte de l'association Agir pour l'environnement.

* 5 Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, « Favoriser l'approvisionnement local et de qualité », guide pratique, 2014.

* 6 A titre d'exemple, l'observatoire régional des circuits-courts créé en juillet 2013 à l'initiative du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

* 7 Rapport n° 436 (Sénat, 2009-2010) de MM. Gérard César et Charles Revet, fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 6 mai 2010.

* 8 Lorsque la société établit des comptes consolidés, les informations fournies sont consolidées et portent sur la société elle-même ainsi que sur l'ensemble de ses filiales ou les sociétés qu'elle contrôle. Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils susvisés ne sont pas tenues de publier les informations dès lors que ces informations sont publiées par la société qui les contrôle, de manière détaillée par filiale ou par société contrôlée et que ces filiales ou sociétés contrôlées indiquent comment y accéder dans leur propre rapport de gestion.

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