CHAPITRE II
Habilitation à légiférer par ordonnances

Le chapitre II du titre III de ce projet de loi comporte un article unique, l'article 33, qui énumère 19 domaines dans lesquels le Gouvernement sollicite une habilitation du Parlement à légiférer par ordonnances. À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté l 'amendement COM-136 qui modifie l'intitulé de ce chapitre en supprimant la mention inutile « des mesures relevant du domaine de la loi ».

Votre commission a adopté l'intitulé de cette division ainsi modifié .

Article 33 - Habilitations à légiférer par ordonnances

L'article 33 prévoit une série d'habilitations permettant au Gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions législatives afin d'une part, d'adapter notre droit interne au droit de l'Union européenne, et d'autre part, de tirer les conséquences de décisions d'inconstitutionnalité prononcées par le Conseil constitutionnel.

Le projet de loi initial comptait vingt-et-une mesures d'habilitations. La commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteure, a inséré dans le texte de la commission les dispositions que le Gouvernement envisageait de prendre par voie d'ordonnances et a, en conséquence, supprimé les habilitations correspondantes.

Ces dispositions nouvelles correspondent à :


• l'article 25 bis, relatif aux perquisitions dans les juridictions, qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015, M. Gilbert A., disposition initialement prévue au 5° du II ;


• l'article 27 ter, relatif à la restitution des saisies, qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-494 QPC du 16 octobre 2015, Consorts R., disposition initialement prévue au c) du 3° du II ;


• l'article 27 quater qui transpose la dire directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, disposition initialement prévue au 1° du II ;


• l'article 31 bis, relatif à la saisie et à la confiscation des navires , qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-375 QPC du 21 mars 2014, M. Bertrand L. et autres, disposition initialement prévue au d) du 3° du II ;


• l'article 31 quater qui transpose la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, prévue au 7° du II ;


• l'article 31 quinquies qui transpose la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne et modifie le code de procédure pénale relatives aux prérogatives de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dispositions initialement prévues aux a) et b) du 3° du II ;


• l'article 31 octies qui prévoit le caractère obligatoire du recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), disposition initialement prévue au 8° du II ;


• l'article 31 nonies qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-499 QPC du 20 novembre 2015, M. Hassan B, relative à l'enregistrement sonore des cours d'assises, disposition initialement prévue au 4° du II .

Dès lors, à l'exception des habilitations à prendre par ordonnance les mesures d'application du présent projet de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, le projet de loi transmis au Sénat concerne compte encore sept habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances afin notamment de :


• transposer la directive 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ;


• modifier les règles figurant au code monétaire et financier afin d'étendre le champ des avoirs susceptibles d'être gelés et la définition des personnes assujetties au respect des mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds ;


• transposer la directive 2014/41/UE du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-137 supprimant ces dispositions habilitant le Gouvernement, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnances.

En premier lieu, la directive 2015/849 du 20 mai 2015 doit être transposée au plus tard le 26 juin 2017. Le calendrier n'oblige donc en rien le Parlement à renoncer à un examen approfondi de ces dispositions. De plus, un projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, porté par le ministre des finances, devrait être prochainement présenté au Parlement et constituerait un véhicule approprié à l'examen de ces dispositions.

En outre, votre rapporteur constate qu'une habilitation aurait pour objectif de modifier certains chapitres du code monétaire et financier, par ailleurs modifié par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et significativement par le présent projet de loi. Il est pertinent de relever que le Conseil constitutionnel a récemment censuré dans une décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 une partie des dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, relatif au gel des avoirs, tel que modifié par l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Cette décision impose une vigilance particulière du Parlement, tant sur le fond que sur les modalités de ratification des ordonnances. Or la marge de manoeuvre du Parlement est très étroite lors d'une simple ratification. Parce qu'il est nécessaire que l'organisation de notre système anti-blanchiment donne lieu à un débat politique approfondi, votre rapporteur a considéré opportun de supprimer cette habilitation.

Enfin, ce même amendement COM-137 supprime également la transposition de la directive 2014/41/UE concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale. Le code de procédure pénale ne saurait être modifié, à l'aune du droit européen, sans un examen approfondi de ces nouvelles dispositions. Initialement de simples projets de transpositions, les lois n°2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ont été considérablement enrichies et précisées par le Sénat. Si la commission des lois est particulièrement prudente dans les habilitations du gouvernement à légiférer par ordonnances, elle est d'autant plus vigilante que ces modifications sont susceptibles d'affecter la matière pénale.

Par ailleurs, la commission a adopté l' amendement COM-138 qui supprime la partie de l'habilitation autorisant expressément le Gouvernement, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, à assurer par ordonnance l'application outre-mer des dispositions prises en vertu des 1° à 7° de l'habilitation prévue à l'article 33 du projet de loi.

Cette disposition est superfétatoire car l'habilitation conférée au Gouvernement par le législateur en application de l'article 38 de la Constitution vaut transfert entier du pouvoir législatif pour le périmètre, la finalité et la durée définie dans la loi. À cet égard, sauf précision contraire du texte d'habilitation, et dans le champ strict ouvert par celle-ci, le pouvoir législatif délégué, compétent pour adopter une disposition, l'est également pour :

- l'adapter dans les collectivités régies par l'article 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie ;

- la rendre applicable dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, régies par le principe de spécialité.

Cette règle a été rappelée par le Conseil d'État, dans son rapport public de 2005 : « une loi d'habilitation prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution investit les autorités exécutives compétentes du pouvoir de prendre des ordonnances dans les domaines définis par la loi sans être tenus de spécifier à ce stade si les mesures qui seront prises ultérieurement s'appliqueront aux collectivités ultramarines soumises au principe de spécialité législative ».

Votre commission a adopté l'article 33 ainsi modifié .

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