Rapport n° 628 (2015-2016) de M. Christian CAMBON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 25 mai 2016

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N° 628

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 mai 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l' accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 ,

Par M. Christian CAMBON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3719 , 3733 , 3743 et T.A. 729

Sénat :

614 et 629 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'année 2015 a été marquée par une prise de conscience, au niveau mondial, de la réalité du changement climatique, de ses conséquences déjà observables et de ses coûts humains et économiques potentiels. Cette prise de conscience de la communauté internationale, accompagnée par une forte mobilisation de la société civile, a permis l'adoption de l'accord de Paris du 12 décembre 2015, signé à New-York le 22 avril 2016.

En application de l'article 53 de la Constitution, le Sénat est saisi du projet de loi autorisant la ratification de cet accord, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 mai 2016, après engagement de la procédure accélérée.

L'accord de Paris était indispensable.

Le consensus scientifique sur le changement climatique est sans ambiguïté, ainsi que l'a confirmé le cinquième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat GIEC (2014).

Ce rapport constate que les années 1983 à 2012 ont été la période de trente ans la plus chaude qu'ait connu l'hémisphère nord depuis 1400 ans, les dix années les plus chaudes jamais enregistrées étant postérieures à 1998. Le niveau moyen des mers s'est accru de 19 cm entre 1901 et 2010. D'ici à 2100, la température pourrait augmenter de 5°C et le niveau de la mer pourrait croître encore de près d'un mètre. Ce réchauffement s'accompagne d'une augmentation de la fréquence et de l'intensité des phénomènes extrêmes, avec de fortes disparités d'une région à l'autre du globe. Les régions littorales sont particulièrement vulnérables à ces évolutions, en raison de leur densité de population, de leur importance économique et stratégique, et de leur exposition accrue aux risques.

Le coût économique de l'inaction de la communauté internationale serait immense, de l'ordre de 5 % à 20 % du PIB mondial chaque année, comme l'a montré, dès 2006, le rapport Stern 1 ( * ) , qui a amené le débat sur le terrain économique, mettant en évidence l'intérêt d'une action coordonnée de la communauté internationale contre le réchauffement climatique. En revanche, les coûts de l'action, c'est-à-dire des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pourraient se limiter, d'après le même rapport, à environ 1 % du PIB mondial chaque année.

Votre commission a étudié les impacts des changements climatiques, en particulier l'élévation du niveau de la mer et l'évolution de la région arctique, sous l'angle géostratégique, dans un rapport récent de nos collègues Cédric Perrin, Leila Aïchi et Eliane Giraud 2 ( * ) . Ce rapport a souligné les risques induits par l'érosion côtière et la pénurie des ressources, qui constituent des facteurs d'instabilité au niveau international, et dont on ne saurait exclure qu'ils puissent contribuer à aggraver des tensions ou des conflits latents.

Le risque d'une accélération des migrations environnementales est particulièrement préoccupant. Selon le GIEC, une augmentation du niveau des mers de 50 cm (probable d'ici à la fin du siècle) forcerait 72 millions de personnes à se déplacer. L'Organisation internationale des migrations (OIM) estime que le nombre de déplacés environnementaux pourrait atteindre 200 millions d'ici à 2050.

Pour répondre à ces défis majeurs, le rapport précité de votre commission a proposé des orientations dans le sens d'une meilleure anticipation des risques et de mesures d'adaptation renforcées. La première de ces propositions appelait à la conclusion d'un accord ambitieux et contraignant, lors de la 21 e Conférence de la convention des Nations unies sur le Changement climatique (CNUCC) en décembre 2015 à Paris.

Votre commission ne peut que saluer le succès obtenu par la diplomatie française, qui s'est très fortement mobilisée et a permis d'impliquer l'opinion, très en amont de la COP 21, marquant ainsi probablement un tournant pour la communauté internationale. Signé par 175 États, l'accord de Paris constitue un indéniable succès du multilatéralisme, ayant réuni le plus grand nombre de signatures d'un accord international dans l'Histoire. Il doit se lire conjointement avec la décision 1/CP.21 sur l'adoption de l'accord de Paris, qui le précise. En outre, cet accord est accompagné de 187 contributions nationales, qui doivent permettre d'accomplir une partie du chemin vers les objectifs ambitieux de l'accord : contenir l'élévation moyenne de température à 1,5°C et, en tout état de cause, nettement en dessous de 2°C.

L'accord entrera en vigueur dans un délai de trente jours lorsque 55 pays, représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l'auront ratifié. Il n'engage les États qu'à compter de 2020 mais une entrée en vigueur rapide est néanmoins souhaitable, afin d'entrer de plain-pied dans la phase d'action renforcée pré-2020, indispensable à l'enclenchement des trajectoires voulues par l'accord.

Le succès diplomatique de la COP 21 a pour contrepartie un faible degré de contrainte juridique, ceci notamment pour permettre la ratification de l'accord par les États-Unis sans examen par le Sénat américain. L'accord a donc privilégié l'institution d'obligations de moyens plutôt que d'obligations de résultats. Il constitue malgré tout un engagement politique fort et quasi-unanime de la communauté internationale, ce qui n'était, certes, pas gagné d'avance.

Mais au-delà des bonnes intentions, tout reste à faire.

Les contributions nationales déposées par les États conduisent, en effet, encore, en l'état actuel, à un réchauffement de l'ordre de 3,5°C, ce qui est loin de l'objectif affiché par l'accord. Celui-ci a, au demeurant, éludé de nombreuses questions qui auraient pu le faire échouer en divisant les États Parties.

Parmi ces questions éludées figurent notamment la place des énergies fossiles, les émissions des transports aériens et maritimes, l'instauration d'un prix du carbone, la protection des océans ou encore celle de zones particulièrement fragiles telles que les pôles.

Chaque État doit désormais travailler à mettre en oeuvre l'accord de Paris, en commençant par le ratifier. Or, plusieurs signaux d'alerte sont préoccupants.

D'une part, le processus de ratification de l'accord au niveau européen est ralenti par les négociations entre États membres, pour la mise en oeuvre du « paquet énergie climat 2030 ». L'Union européenne a un rôle essentiel à jouer pour maintenir la dynamique issue de l'accord de Paris.

D'autre part, le 9 février 2016, la Cour suprême des États-Unis a suspendu l'application des mesures prises par le « Clean power plan » de l'Agence américaine pour la protection de l'environnement (EPA), régulant les émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon.

Enfin, le 4 mars 2016, le nouveau Premier ministre canadien a repoussé de six mois la décision sur les mécanismes à mettre en place pour que le Canada respecte les engagements pris à Paris, faute de consensus entre le gouvernement fédéral et les provinces.

La tâche à accomplir reste immense. Elle nécessite la mobilisation de tous pour perpétuer la dynamique de l'accord de Paris et rendre possible son entrée en vigueur dans les meilleurs délais.

C'est pourquoi votre commission a adopté le présent projet de loi.

I. UN ACCORD QUI TRADUIT UNE NOUVELLE DYNAMIQUE INTERNATIONALE EN FAVEUR DU CLIMAT

La bonne compréhension des enjeux de l'accord de Paris nécessite un retour sur l'historique des négociations climatiques, depuis la conclusion de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 1992.

A. UN ACCORD QUI N'ÉTAIT PAS GAGNÉ D'AVANCE

1. Des négociations climatiques paralysées depuis plusieurs années

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adoptée en 1992 au sommet de Rio de Janeiro. Elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994 et a été ratifiée par 196 État parties . L'Union européenne est elle-même Partie à la Convention, en plus de ses 28 États membres. Son objectif est de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'origine humaine dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute interférence dangereuse sur le climat.

La Conférence des Parties (COP) est l'organe suprême politique de la Convention. Elle se réunit chaque année pour faire le point sur l'application de la Convention et négocier de nouveaux engagements. Elle prend ses décisions à l'unanimité ou par consensus. La Conférence des Parties est couplée depuis 2005, année d'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, à la conférence annuelle des Parties au Protocole de Kyoto (CMP 3 ( * ) ).

Le Protocole de Kyoto a été adopté le 11 décembre 1997 par la COP 3 réunie au Japon. Il est entré en vigueur le 16 février 2005 et a été ratifié par 192 Parties. Les États-Unis ne l'ont pas ratifié. Il s'agit du premier accord international comportant des objectifs individuels, légalement contraignants , de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Adopté sur la base du deuxième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), il comporte, pour la période 2008-2012, un objectif global de réduction du total des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5 % par rapport à l'année 1990 pour les pays développés (ceux qui figurent à l'annexe I de la Convention) et des engagements chiffrés plus contraignants pour les pays développés qui les ont acceptés. L'Europe des 15 s'est alors engagée à réduire de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre sur cette période. Le protocole de Kyoto prévoit des mécanismes de marché pour assurer la flexibilité du système. Trois mécanismes sont prévus : les permis d'émissions, le mécanisme de développement propre et la mise en oeuvre conjointe.

La COP 15 , qui s'est déroulée à Copenhague en 2009 , avait pour ambition de trouver un instrument juridique, contraignant et universel, pour succéder au Protocole de Kyoto. Cet objectif n'a, alors, pas été atteint. La conférence a marqué un recul, dans la mesure où elle a vu s'imposer une logique d'engagements volontaires individuels non juridiquement contraignants.

En 2011, la conférence de Durban (COP 17) est parvenue à un accord garantissant la poursuite du protocole de Kyoto et prévoyant la conclusion, au plus tard en 2015, d'un accord mondial sur les changements climatiques, qui entrerait en vigueur en 2020.

La conférence de Doha (COP 18) a, par la suite, validé le principe d'une deuxième période d'engagement. L'amendement dit de Doha au Protocole de Kyoto 4 ( * ) , adopté le 8 décembre 2012, engage les pays qui l'ont ratifié pour la période qui court du 1 er janvier 2013 au 31 décembre 2020. L'Union européenne, qui a dépassé l'objectif qui lui était fixé dans la première période du protocole de Kyoto, s'est engagée à réduire ses émissions de 20 % par rapport à 1990, ce qui correspond aux objectifs définis dans le Paquet Énergie-Climat 2020 5 ( * ) .

Plusieurs pays ont toutefois choisi de se fixer des objectifs hors Protocole pour la période 2013-2020. Il s'agit notamment du Canada , du Japon , de la Nouvelle-Zélande et de la Russie . Le Canada s'est retiré officiellement du protocole de Kyoto en décembre 2011. Le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Russie restent membres du Protocole, mais ne s'engagent pas sur la seconde période. Par ailleurs, les États-Unis n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto.

La deuxième période d'engagement du Protocole, qui a débuté en 2013, ne couvre qu'un peu plus de 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) 6 ( * ) .

Le processus d'élaboration de l'accord mondial sur le climat adopté le 12 décembre 2015, lors de la COP 21 de Paris, a été lancé par le Sommet sur le climat, organisé par le Secrétaire général des Nations unies, à New York, le 23 septembre 2014. En décembre 2014, la France s'était déjà fortement mobilisée pour la COP 20 de Lima, qui a constitué une étape déterminante pour aboutir à un accord à Paris.

2. Des objectifs très ambitieux

Chaque année, la Conférence des Parties se déroule par rotation dans un des pays des cinq groupes régionaux de l'ONU . Le choix du pays hôte se fait au sein de chaque groupe. En avril 2013, la candidature de la France a été endossée par le « Groupe des États d'Europe occidentale et autres ».

En novembre 2013 , à l'occasion de la COP 19 (Varsovie), au cours de laquelle un accord sur le financement de la lutte contre le changement climatique a été conclu, la France a été désignée présidente de la conférence de 2015 .

Il a alors été décidé que tous les États devraient communiquer leurs « Intended nationally determined contributions » (INDC) ou « contributions prévues déterminées au niveau national » en matière de réduction d'émissions avant la Conférence de Paris, afin qu'elles puissent être évaluées.

La Conférence dite « Paris Climat 2015 », ou COP21/CMP11, s'était donné un objectif très ambitieux : aboutir à l'adoption d'un premier accord universel, juridiquement contraignant, dans l'objectif de maintenir la température globale en deçà de 2°C . La France s'était également fixé pour objectif que l'accord de Paris permette des avancées sur le financement de la lutte contre le dérèglement climatique et que cette lutte soit moins envisagée comme un « fardeau » à partager que comme une opportunité de création d'emplois et de richesses. À ce titre, les initiatives sectorielles des différentes composantes de la société civile et du monde de l'entreprise (« agenda des solutions ») viennent compléter les engagements des États afin de les concrétiser.

Cet accord prend le relais du protocole de Kyoto, à compter de 2020 , tout en incluant les États-Unis et les grands États émergents dans la lutte contre les changements climatiques, ce qui représente en soi un succès majeur.

B. UN SUCCÈS DU MULTILATÉRALISME QUI EST AUSSI UN SUCCÈS FRANÇAIS

1. Une mobilisation sans précédent de la diplomatie française

Tout au long de l'année 2015, c'est l'ensemble du réseau diplomatique français qui s'est mobilisé pour la réussite de la COP 21 , sous l'autorité de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, qui a assumé la présidence de la COP 21 jusqu'à sa désignation au Conseil constitutionnel en février 2016.

M. Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète, a demandé au Président de la République de mettre fin à sa mission à compter du 30 janvier 2016.

Sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères et du Développement international et de la ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, une équipe interministérielle chargée de la négociation et de l'Agenda des solutions, a été constituée dès 2014. Sa direction a été confiée à Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015.

Votre commission a naturellement suivi, tout au long de l'année 2015, par des auditions du ministre et des différents responsables, l'avancée des négociations.

Mme Laurence Tubiana a, par ailleurs, été nommée championne de haut niveau pour le climat le 29 janvier 2016, fonction créée lors de la conférence de Paris (paragraphe 121 de la décision 1/CP.21) afin d'entretenir la mobilisation des acteurs entre deux conférences des Parties. Mme Laurence Tubiana est chargée, à ce titre, de suivre la mise en oeuvre de l'accord de Paris et d'entretenir une coopération étroite avec ses homologues marocains dans la perspective de la COP 22 , qui se déroulera à Marrakech en novembre 2016.

Du côté du Maroc, c'est Mme Hakima El Haité , ministre de l'environnement, qui a été désignée en mai 2016 comme championne de haut niveau.

Quant à l'organisation matérielle et logistique de la conférence de Paris, elle a été confiée en janvier 2015 à un Secrétariat général dirigé par M. Pierre-Henri Guignard. Un programme budgétaire spécifique a été créé au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat », afin de financer les coûts de la préparation et de l'organisation de la COP 21. Ce programme 341 « Conférence Paris-Climat 2015 » a été doté de 187 millions d'euros de crédits (autorisations d'engagement) en lois de finances initiales 2015 et 2016. Par ailleurs, des dons financiers, à hauteur de 5,5 millions d'euros, ont été versés via un fonds de concours sur le programme 341. Des contributions en nature, d'un montant de 21 millions d'euros, ont permis d'assurer des services de nettoyage, transport, énergie, etc. D'après les informations communiquées par le gouvernement, le montant total des dépenses budgétaires sur 2015 et 2016 devrait rester inférieur à 180 millions d'euros. Cette évaluation ne comprend toutefois pas les dépenses exposées par d'autres programmes budgétaires, en lien avec la COP 21, par exemple le coût additionnel pour le ministère de l'Intérieur du dispositif de sécurité ou encore la rémunération des agents de l'équipe de négociation ou du secrétariat général de la COP 21, mis à disposition par différentes administrations.

Le calcul du coût complet de la COP 21 devrait également prendre en compte les retombées économiques positives de cet événement, qui a engendré 5000 recrutements spécifiques et permis environ 100 millions d'euros de recettes pour le secteur du tourisme, d'après l'Office du tourisme et des congrès de Paris.

2. Un succès pour le multilatéralisme

La méthode employée par la France a consisté à mobiliser les énergies, tant à la base qu'au sommet, en impliquant non seulement les gouvernants, au plus haut niveau, mais aussi l'ensemble des acteurs de la société civile : organisations non gouvernementales, entreprises, citoyens...

L'approche s'est voulue ascendante (« bottom - up ») plutôt que descendante (« top - down »), afin de maximiser les chances de succès de l'accord.

Cette méthode a été couronnée de succès.

En témoigne le fort soutien politique dont a bénéficié l'accord de Paris. Lors de la cérémonie de signature du 22 avril 2016, 175 Parties ont signé le texte, ainsi devenu celui qui a réuni le plus de signatures d'un accord multilatéral de l'Histoire. Plus d'une cinquantaine de chefs d'État ou de gouvernement étaient présents à New York, ainsi que de nombreux ministres des affaires étrangères ou de l'environnement.

Participation par zone (au sens des directions géographiques du Quai d'Orsay)

Zone géographique

Nombre de pays de la zone

Pays ayant signé

% de signataires dans la zone

Amériques

36

33

91,7

Afrique du Nord, Moyen-Orient

19

15

78,9

Afrique et Océan Indien

51

44

86,3

ASIE

37

36

97,3

Europe Continentale

18

12

66,7

UE

36

35

97,2

Source : ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

A la date du 13 mai 2016, le nombre de signatures s'élevait à 177 et celui des ratifications à 16 , dont 15 pays ayant déposé leur instrument de ratification conjointement à la signature de l'accord.

Parmi les non-signataires les plus notables figurent l'Arabie saoudite (qui représente 0,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre), l'Équateur (0,7 %), le Kazakhstan (0,84 %) ou encore le Sierra Leone (0,98%) et le Nigéria (0,57 %). Ces pays non signataires représentent au total environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Pays n'ayant pas signé l'Accord de Paris au 13 mai 2016

Arabie Saoudite

Arménie

Chili

Equateur

Iles Cook

Irak

Kazakhstan

Kirghizistan

Malawi

Moldavie

Nicaragua

Nigeria

Ouzbékistan

Saint-Marin

Sierra Leone

Syrie

Togo

Turkménistan

Yémen

Zambie

Source : ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

L'article 21 de l'accord prévoit qu'il entrera en vigueur le trentième jour qui suivra la date du dépôt de leurs instruments de ratification par au moins 55 Parties représentant au moins 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).

D'après les informations communiquées par les Parties à la convention, telles que prises en compte pour déclencher l'entrée en vigueur de l'accord :

- la Chine représente 20 % des émissions mondiales de GES.

- les États-Unis comptent pour 18 %.

- l'union européenne émet 12 % des GES.

- parmi les autres contributeurs notables, la Russie compte pour 7,5 % des émissions de GES, et le Japon pour 3,8 %.

L'entrée en vigueur de l'accord pourrait donc résulter de sa ratification par les trois pôles d'émissions de GES que constituent la Chine, les États-Unis et l'Europe, et d'une dizaine d'autres pays (dans la mesure où 16 Parties ont déjà ratifié l'accord).

C. UN ACCORD TRADUISANT UN ENGAGEMENT POLITIQUE QUASI-UNANIME DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE EN FAVEUR DU CLIMAT

L'article 2 de l'accord résume les principaux objectifs de l'accord de Paris, qui sont au nombre de quatre : atténuer le changement climatique, renforcer les capacités d' adaptation , orienter les financements pour répondre à ces enjeux et appliquer le principe de responsabilités communes, mais différenciées .

Pour rendre possible l'atteinte de ces objectifs, un processus de révision progressive à la hausse des engagements des États Parties est mis en place, ainsi qu'une action renforcée avant 2020, détaillée par la décision 1/CP.21 de la Conférence des Parties.

1. Des objectifs globaux ambitieux

L'un des éléments clefs de l'Accord est l'objectif de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et de s'efforcer de la limiter à 1,5°C ( article 2 ).

Pour y parvenir, chaque Partie doit contribuer à ce que les émissions mondiales atteignent un plafond le plus tôt possible ( article 4 ).

Puis ces émissions devront être réduites, jusqu'à l'obtention d'un équilibre entre émissions anthropiques et absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre. Cet équilibre doit être établi au cours de la deuxième moitié du siècle. Les pays développés devront assumer des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l'échelle de l'économie tandis que les pays en développement disposent d'une latitude plus grande dans la formulation de leurs engagements.

Les Parties sont invitées à prendre des mesures de conservation et de renforcement des puits de carbone (forêts), en luttant contre la déforestation et en promouvant un usage durable de la forêt, auquel sont associés d'autres bénéfices, tels que la préservation de la biodiversité ( article 5 ).

Un mécanisme d'échanges volontaires de réduction d'émissions est évoqué par l'accord. Placé sous l'autorité de la Conférence des Parties, ses modalités doivent être précisées ultérieurement. Il ne saurait être mis en place que sur une base volontaire ( article 6 ).

L'accord vise également à renforcer les capacités d' adaptation et la résilience aux changements climatiques ( article 7 ), notamment pour les pays ou les groupes de population les plus vulnérables. Une intensification de la coopération internationale est préconisée, dans plusieurs directions : échanges d'expériences, appui et conseil technique, amélioration des connaissances scientifiques...

Les Parties reconnaissent la nécessité d'éviter les pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques ( article 8 ). Le mécanisme international créé à cet effet en 2013, lors de la conférence de Varsovie, est placé sous l'autorité de la conférence des Parties. Ce mécanisme, prévu pour faciliter l'échange d'informations et de pratiques, ainsi que les activités d'appui, notamment en facilitant la mobilisation de fonds, doit être renforcé. Les domaines de coopération sont énumérés. Il s'agit notamment des domaines suivants :

- systèmes d'alerte précoce ;

- préparation aux situations d'urgence ;

- évaluation des risques, y compris pour les phénomènes se manifestant lentement ;

- dispositifs d'assurance et de mutualisation ;

- pertes autres qu'économiques ;

- résilience des communautés.

L'accord comporte un volet financier , selon lequel les pays développés fournissent des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement ( article 9 ). Ce soutien financier doit être équilibré entre atténuation et adaptation. Les autres Parties, c'est-à-dire les pays en développement, sont invités à fournir un soutien financier sur une base volontaire. La décision 1/CP.21 précise l'objectif, consistant à dégager 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 pour l'atténuation et l'adaptation tout en augmentant sensiblement le financement de l'adaptation par rapport aux niveaux actuels. Le Fonds vert pour le climat, conjointement avec d'autres fonds multilatéraux, notamment le Fonds pour l'environnement mondial, doit concourir à cet objectif.

Des dispositions visent à favoriser les transferts de technologie ( article 10 ), grâce à la création d'un mécanisme technologique de nature à promouvoir les coopérations en matière de recherche-développement et à faciliter l'accès des pays en développement à la technologie, y compris par des moyens financiers.

Un effort est également prévu en faveur du renforcement des capacités des pays en développement ( article 11 ) grâce à l'appui des pays développés, notamment en étoffant les dispositifs institutionnels existants.

Est également mentionnée l'attention portée aux questions d'éducation, de formation, de sensibilisation, de participation et d'information du public ( article 12 ).

La mise en oeuvre de l'accord repose sur un cadre de transparence ( article 13 ), visant à renforcer la confiance entre les Parties. Ce cadre devra fournir une image claire des mesures prises par les États pour l'atténuation, l'adaptation et l'appui financier.

L'instauration d'un climat de confiance sera, en effet, un facteur clef de la réussite de l'accord. C'est pourquoi le cadre de transparence mis en place et le processus de révision progressive à la hausse des engagements qui l'accompagnent constituent probablement les aspects les plus remarquables de l'accord.

2. Un processus de révision progressive à la hausse des engagements nationaux

Les engagements nationaux seront concrétisés au travers des contributions déterminées au niveau national ( article 3 ), que les Parties s'engagent à actualiser, et à faire progresser, tous les cinq ans.

Ces contributions porteront sur les efforts réalisés au sens des articles 4, 7, 9, 10, 11 et 13 précités, en vue de réaliser les objectifs précédemment mentionnés, énoncés par l'article 2 de l'accord.

Le cadre de transparence mis en place prévoit que chaque Partie devra fournir régulièrement un rapport national d'inventaire de ses émissions et absorptions, conformément aux lignes directrices établies par le GIEC. Les modalités de ce cadre de transparence seront précisées d'ici à 2018. Les pays en développement disposeront d'une certaine flexibilité à l'intérieur de ce cadre.

Les Parties tiendront compte, pour l'établissement de leurs contributions nationales, des résultats d'un bilan mondial quinquennal ( article 14 ).

Ce bilan permettra d'évaluer périodiquement les progrès collectifs accomplis sur tous les aspects de l'accord (atténuation, adaptation, moyens de mise en oeuvre) au regard des meilleures données scientifiques disponibles. Le premier bilan mondial sera effectué en 2023 . Puis ce bilan sera réalisé tous les cinq ans, deux ans avant la remise des contributions nationales du cycle suivant (2025-2030).

Des dispositions spécifiques d'information sont prévues dans certains domaines. Ainsi, aux termes de l' article 7 , chaque Partie doit présenter et actualiser périodiquement une communication relative aux mesures prises en faveur de l' adaptation au changement climatique.

Aux termes de l' article 9 , les pays développés communiquent tous les deux ans des informations quantitatives et qualitatives relatives au soutien financier apporté aux pays en développement.

La décision 1/CP.21 prévoit, en outre, qu'un premier point soit réalisé en 2018 sur les efforts collectifs déployés par les Parties en vue d'atteindre les objectifs d'atténuation de l'accord, cinq ans avant le premier bilan mondial, afin d'éclairer l'établissement des contributions déterminées au niveau national qui devront être remises en 2020.

Enfin, tous les pays sont appelés à publier avant 2020 des stratégies bas-carbone de long terme, à l'horizon 2050.

3. Un dispositif institutionnel prolongeant l'existant

D'un point de vue institutionnel, l'accord prolonge les dispositifs prévus par la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC) : la Conférence des Parties (COP) agira comme réunion des Parties à l'accord ( article 16 ) et fera régulièrement le point sur sa mise en oeuvre. Le règlement intérieur de la COP et ses procédures financières sont applicables. Le secrétariat de la CCNUCC ( article 17 ) et les organes subsidiaires de la Convention ( article 18 ) servent également l'accord de Paris.

Un comité d'experts est mis en place pour faciliter la mise en oeuvre de l'accord ( article 15 ). Il ne dispose d'aucun pouvoir de sanction.

Enfin, les États ont une possibilité de retrait : « À l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord à l'égard d'une Partie, cette Partie peut, à tout moment, le dénoncer (...) . Cette dénonciation prend effet à l'expiration d'un délai d'un an (...) ».

Cette possibilité de retrait peut être une des faiblesses de l'accord , au même titre que l'absence de toute sanction en cas de déviation par rapport aux trajectoires et mécanismes prévus.

Si l'accord constitue une avancée politique majeure, étant en effet « universel, ambitieux et équitable » 7 ( * ) , son caractère réellement « juridiquement contraignant » 8 ( * ) n'est donc pas pleinement établi : seul l'avenir dira si, réellement, cet accord « représente un point de bascule vers un développement sobre en carbone et résilient aux effets du dérèglement climatique », comme l'affirme l'exposé des motifs du présent projet de loi.

4. Un accord interétatique accompagné d'une mobilisation de tous les acteurs

La principale force de l'accord de Paris est de reposer sur une mobilisation de tous les acteurs publics et privés, à tous les niveaux y compris au plan local, et dans tous les secteurs économiques, notamment l'agriculture et l'industrie. Cette mobilisation s'est faite tout au long de l'année qui a séparé la COP 20 de la COP 21, en marge des négociations entre États. Elle a vocation à se poursuivre dans la perspective de la COP 22, et au-delà. L'un des principaux défis, pour l'avenir, sera de pérenniser cette dynamique afin qu'elle puisse contribuer, à long terme, à la réalisation des objectifs de l'accord de Paris.

Le Plan d'Actions Lima-Paris (ou « agenda des solutions ») est une initiative conjointe des présidences péruvienne et française de la COP, du Bureau exécutif du Secrétaire général des Nations unies et du Secrétariat de la CCNUCC. Il vise à renforcer l'action en faveur du climat pendant toute l'année 2015, en décembre à Paris et au-delà, en mobilisant des initiatives au niveau international, en fournissant un soutien accru aux initiatives existantes, et en créant une plateforme 9 ( * ) pour garantir la visibilité des actions, engagements résultats pendant la période précédant la COP 21.

La décision 1/CP.21 pérennise cette action pour la période 2016-2020, puisqu'il revient notamment aux deux « championnes de haut niveau », que sont actuellement Mme Hakima El Haité et Mme Laurence Tubiana, de faciliter « l'exécution efficace des activités actuelles ainsi que l'intensification et l'introduction d'activités, d'initiatives et de coalitions volontaires, nouvelles ou renforcées » notamment afin de « donner suite aux initiatives volontaires du Plan d'action Lima-Paris ».

Les 10 initiatives majeures du Plan d'Action Lima-Paris


Life Beef Carbon : cette initiative vise à développer et à déployer un modèle de production permettant de réduire les émissions du secteur agricole de 15% à horizon 2025.


• 4 pour 1000 : cette initiative, lancée par la France, vise à accroître le stockage de carbone dans les sols pour améliorer les rendements agricoles et réduire les émissions du secteur. Cette initiative répond à la fois aux enjeux climatiques et aux enjeux de développement et de sécurité alimentaire. Plus de 100 États et organisations ont officiellement signé leur engagement dans l'initiative.


• Alliance solaire internationale : lancée à l'occasion de la COP21 par l'Inde, avec le soutien de la France, l'Alliance solaire internationale rassemble près de 120 pays autour de l'objectif de fédérer les efforts des pays en développement pour attirer les investissements nécessaires (évalués à 100 milliards de dollars par an) et les technologies dans ce secteur. Cette Alliance doit permettre de faire baisser les coûts des applications solaires matures et de développer de nouvelles applications adaptées aux besoins spécifiques des membres de l'Alliance.


• Alliance pour les bâtiments et la construction : cette Alliance vise à placer le secteur dans une trajectoire 2°C en travaillant sur l'ensemble de la chaîne de valeur et sur l'efficacité énergétique. Cette initiative a déjà été rejointe par plus de 70 organisations et 20 gouvernements dont la France et le Maroc.


• Mission Innovation : lancée en présence de Barack Obama et de François Hollande le premier jour de la COP21, la « Mission innovation » rassemble 20 États qui se sont engagés à doubler sur cinq ans le budget alloué à la recherche et au développement dans le secteur des énergies propres. Ces 20 États sont rejoints par la Breakthrough Energy Coalition qui regroupe 27 investisseurs influents de plus de 10 pays différents, et qui augmenteront leurs investissements dans ce domaine.


Mobilise Your City : cette initiative vise à aider 100 villes et 20 pays en développement à développer des plans de mobilité durable d'ici 2020. Les villes engagées dans cette initiative s'engagent à atteindre 50-75% de réduction d'émissions dans le secteur des transports urbains. Une première phase pilote sera lancée en 2016 dans 20 villes et 13 pays et les partenaires donateurs ont déjà engagé 5,5 millions d'euros pour soutenir cet objectif.


• Coalition pour la décarbonation des portefeuilles : cette initiative vise à réorienter les actifs financiers vers l'économie bas carbone. L'objectif initial de décarboner 100 milliards d'actifs à la COP 21 a été largement dépassé avec plus de 230 milliards d'actifs décarbonés.


• Le Pacte de Paris pour l'eau et l'adaptation a été signé par 87 pays et 305 organisations lors de la COP 21.


• Zéro déforestation : des objectifs ambitieux ont été fixés par des acteurs du secteur privé pour atteindre « zéro déforestation » net sur les chaînes d'approvisionnement en produits agricoles comme l'huile de palme, le soja et le papier. Le Consumer Goods Forum a rassemblé des entreprises, comme Unilever, Nestlé et McDonald's afin d'éliminer la déforestation de leur chaîne d'approvisionnement d'ici 2020.


Under 2 MOU : 35 provinces et collectivités s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 à 90% d'ici 2050 (par rapport aux niveaux de 1990).


Climate Risk Early Warning Systems (CREWS) : cette initiative, lancée par la France, vise à augmenter les capacités des systèmes d'alerte intégrés multirisques dans plus de 50 pays vulnérables, en développement ou petites îles. Huit pays contributeurs (dont la France, l'Allemagne, l'Australie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni) soutiennent cette initiative à hauteur de 30 millions d'euros en contributions directes et 50 millions en projets bilatéraux, soit 80 millions d'euros.

II. UN ACCORD DONT SEUL L'AVENIR DIRA S'IL EST HISTORIQUE

L'accord de Paris affiche des objectifs et crée des mécanismes formels , fondés sur la bonne volonté des États , tout en se gardant de préciser le contenu des politiques qui seraient susceptibles de favoriser l'atteinte de ces objectifs.

Plusieurs points critiques pour la réalisation des objectifs ont été volontairement « oubliés », afin de préserver le caractère quasi-universel de l'accord, car ils auraient suscité l'opposition de certains États.

Par ailleurs, le parcours qui doit conduire à l'entrée en vigueur et à la mise en oeuvre effective des dispositions de l'accord de Paris est semé d'obstacles, qui se manifestent dès 2016.

A. DES CONTRIBUTIONS NATIONALES HÉTÉROCLITES ET PARFOIS INSUFFISANTES

La logique de bas en haut (« bottom-up ») de l'accord implique de se fonder sur les contributions déterminées au niveau national volontairement consenties par chaque État. Les premières ont été déposées en 2015, conformément aux décisions de la COP 20 de Lima.

Ces contributions se révèlent, à l'analyse, pour le moins hétéroclites et ne constituent, en tout état de cause, qu'une étape dans la mise en oeuvre des objectifs de l'accord de Paris.

1. Des contributions nationales hétéroclites

Les dispositions de la COP 20 laissaient une grande latitude aux États quant à la nature des engagements pris dans le cadre des contributions nationales à remettre au cours de l'année 2015 10 ( * ) .

Il en résulte une grande hétérogénéité des engagements affichés et une difficulté à les agréger, pour créer un cadre commun.

L'analyse permet d'identifier trois groupes de pays 11 ( * ) .

Certains pays (ou groupes de pays) se sont engagés à réduire leurs émissions de GES , à l'image de l'Union européenne, qui, conformément au « paquet énergie climat 2030 » s'est engagée à réduire ses émissions de 40 % entre 1990 et 2030.

Toutefois, cet engagement de réduction est d'ampleur très différent selon que la date de référence considérée est lointaine ou proche : 1990 pour l'UE mais 2005 pour les États-Unis et la Chine, et 2013 pour le Japon.

Contributions nationales de certains pays industrialisés

Pays

Pourcentage de réduction

Année de référence

Date butoir

Australie

26 % à 28 %

2005

2030

Canada

30 %

2005

2030

États-Unis

26 % à 28 %

2005

2025

Japon

26 %

2013

2030

Russie

25 % à 30 %

1990

2030

UE

40 %

1990

2030

Brésil

37 %

2005

2025

Source : M. Jean-Paul Maréchal, article précité de la revue Géoéconomie

Le deuxième groupe, qui inclut la Chine et l'Inde , est composé de pays qui ne se sont engagés que sur des objectifs d'intensité de la croissance en émissions de GES. Selon les termes de l'accord trouvé en novembre 2014 entre les Etats-Unis et la Chine, qui fut l'une des clefs de la réussite de l'accord de Paris, ce dernier pays s'est par ailleurs engagé à atteindre un pic de ses émissions de gaz à effet de serre « autour de 2030 » et si possible avant.

Enfin, un troisième groupe de pays n'a pris aucun réel engagement quantifié.

2. Des contributions nationales parfois insuffisantes

Au 4 avril 2016, 161 contributions nationales avaient été déposées, couvrant 189 Parties. 137 Parties présentaient non seulement des mesures d'atténuation, mais aussi des mesures d'adaptation.

D'après les informations communiquées, le rapport 2015 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (UNEP Gap Report) 12 ( * ) du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE) fournit une estimation des niveaux de réchauffement qu'il est possible d'associer à la mise en oeuvre des contributions prévues déterminées au niveau national qui ont été présentées en 2015.

Ainsi, la réalisation des engagements inconditionnels de ces contributions se traduirait par des niveaux d'émissions en 2030 dont on estime qu'ils seront proches des scénarios anticipant un maintien probable du réchauffement des températures mondiales moyennes en deçà de 3,5°C en 2100. En raison des incertitudes significatives liées à cette estimation, il est plus prudent de situer cette valeur entre 3°C et 4°C.

Dans le cas d'une réalisation complète des engagements (incluant également les engagements conditionnels, plus ambitieux), l'estimation des niveaux d'émission se rapproche des scénarios anticipant un maintien probable du réchauffement planétaire en deçà de 3°C à l'horizon 2100.

La plupart des contributions ne fournissent pas d'informations précises sur la période allant au-delà de 2030. Or, les actions réalisées après 2030 auront un impact déterminant sur le niveau de réchauffement attendu à la fin du siècle.

D'après le rapport de synthèse sur l'effet global des contributions nationales, préparé par le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies pour les Changements Climatiques (CCNUCC), les émissions de GES au niveau mondial en cas d'application des contributions prévues déterminées au niveau national sont estimées à 55,0 GtCO2eq en 2025 et 56,2 GtCO2eq en 2030. Ces niveaux estimés sont supérieurs de 8,7 GtCO2eq en 2025 (+19%) et 15,2 GtCO2eq (+36%) en 2030 par rapport aux niveaux médians utilisés par les scénarios à moindre coût cohérent avec un réchauffement moyen mondial probablement limité à 2°C d'ici 2100. Les niveaux d'émissions GES en cas d'application des contributions nationales sont également estimés supérieurs de 16,1 GtCO2eq en 2025 (+42%) et 22,6 GtCO2eq (+67%) en 2030 par rapport aux niveaux médians utilisés pour les scénarios à moindre coût cohérent avec un réchauffement moyen mondial limité, de manière plus probable qu'improbable , à 1,5°C d'ici 2100 13 ( * ) .

Pour espérer respecter à moindre coût les objectifs de température inclus dans l'Accord de Paris, il est nécessaire de rehausser le niveau d'effort des contributions à venir - ou d'augmenter celui des contributions actuelles en cas d'actualisation - afin de rejoindre les niveaux d'émissions GES cohérents avec les objectifs 2°C, voire 1,5°C.

Pour espérer atteindre les objectifs de l'accord de Paris, un effort important des États sera donc requis lors des actualisations périodiques de leurs contributions nationales respectives.

La COP 21 fait le pari d'un maintien dans le temps de la dynamique des négociations climatiques, poussant les États à réviser effectivement leurs engagements à la hausse.

B. DES POINTS CRITIQUES « OUBLIÉS » PAR L'ACCORD

La diminution du recours aux énergies fossiles , les questions du mix énergétique ou encore de la sobriété énergétique , ne sont pas évoquées par l'accord de Paris.

D'autres points ont été volontairement écartés de l'accord de Paris, tels que les transports aériens et maritimes ou encore la protection des océans et zones les plus fragiles .

1. Les transports aériens et maritimes

Dans un rapport récent 14 ( * ) , nos collègues Fabienne Keller et Yvon Collin ont proposé de mettre à contribution les transports aériens et maritimes, qui émettent à eux deux plus de 5 % des émissions de GES. Selon eux, il était « stratégique qu'une décision de principe pour la taxation des carburants de ces deux secteurs soit prise dans le cadre de la conférence de Paris ».

Lors de la négociation de l'accord de Paris, l'Union européenne s'est prononcée en faveur d'une mention des transports internationaux, qui figurait dans les premiers projets d'accord. Or, cette mention s'est révélée hors de portée, en raison de l'opposition de plusieurs pays émergents et des États du Golfe.

a) Les transports aériens

Le trafic aérien contribue à hauteur d'environ 2,5 % aux émissions de CO 2 à l'échelle mondiale. Cette proportion pourrait atteindre 3 % à l'horizon 2050, selon les estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Les émissions du secteur aérien augmentent de 3 % chaque année, pour une augmentation du trafic de 5 %.

Les questions relatives aux transports aériens sont traitées par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), institution spécialisée des Nations unies établie en 1944 pour gérer et administrer la Convention relative à l'aviation civile internationale (Convention de Chicago), qui regroupe 191 États. L'OACI établit des règles communes en matière de sécurité, de sûreté, d'efficacité et également dans le domaine environnemental. En 1997, le protocole de Kyoto a consacré la compétence de l'OACI pour améliorer la performance environnementale du transport aérien international.

Une échéance importante sera la prochaine assemblée générale de l'OACI qui se déroulera à Montréal en septembre 2016 . L'OACI s'est fixé pour objectif de parvenir à un accord pour une stabilisation nette des émissions du secteur aérien après 2020, qui passe par une réduction des émissions par passager/km. Le secteur aérien a convenu de la nécessité de mettre en place des mécanismes, obtenant en contrepartie le report de l'application du marché européen EU ETS 15 ( * ) aux vols intercontinentaux en provenance ou à destination des 28 États membres de l'UE.

Les mécanismes envisagés sont, d'une part, l'adoption d'une première norme pour les émissions de CO 2 16 ( * ) , et, d'autre part, la mise en place, à compter de 2020, d'un système de compensation des émissions de CO 2 , sur le modèle de l'ETS qui s'applique déjà pour les vols effectués au sein de l'Espace économique européen.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la France souhaite que l'Union européenne défende, au niveau de l'OACI, la fixation d'objectifs plus ambitieux que ceux aujourd'hui envisagés.

b) Les transports maritimes

Les transports maritimes sont responsables quant à eux de 2 % à 2,5 % des émissions de GES et également en forte croissance. Les discussions sont moins avancées pour ce secteur que pour le secteur aérien. L'accord de Paris implique que des négociations puissent être ouvertes rapidement au sein de l'Organisation maritime internationale (OMI). La question de la mesure des émissions du secteur se pose, préalablement à celle de leur limitation.

En avril 2016, le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l'OMI a approuvé des prescriptions obligatoires imposant aux navires d'enregistrer et de notifier leur consommation de combustible. Cette évolution est présentée comme « le premier palier d'un processus en trois étapes dans le cadre duquel l'analyse des données collectées permettra d'établir la base d'un débat d'orientation objectif, transparent et faisant appel à toutes les parties prenantes au sein du MEPC. Cela permettra de déterminer si des mesures supplémentaires sont nécessaires pour améliorer le rendement énergétique et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports maritimes internationaux. Si tel est le cas, les options stratégiques proposées seront alors examinées ».

Dans un premier temps, l'Union européenne devra, au minimum, encourager la reconnaissance des niveaux d'émissions du secteur maritime .

2. La protection des océans et des zones les plus fragiles

Malgré « L'Appel de l'océan pour le climat » lancé en juin 2015 dans le cadre de la « Journée Mondiale des Océans » organisée conjointement avec l'UNESCO, les océans font figure de grands « oubliés » de la COP 21 et ce en dépit d'une mention rapide dans le préambule de l'accord . Les puits de carbone sont pourtant l'objet d'un article spécifique (article 5), consacré à la forêt.

Les océans absorbent environ un quart des émissions annuelles de CO 2 , jouant ainsi un rôle essentiel dans la régulation du climat. Il en résulte un phénomène d'acidification qui a des conséquences sur la biodiversité, donc sur la chaîne alimentaire, et sur la capacité des océans à continuer à jouer leur rôle de « puits de carbone ».

Le GIEC est chargé d'un rapport intermédiaire au sujet des océans, dont les enjeux dépassent le seul cadre maritime, puisque, comme l'a souligné Mme Laurence Tubiana devant votre commission : « Il y a quelque chose à faire pour l'océan, notamment en limitant la pollution terrestre, qu'elle soit d'origine industrielle ou agricole ».

La protection de zones particulièrement vulnérables, telles que les pôles, n'est pas non plus évoqué par l'accord.

Le rapport précité de votre commission, en date d'octobre 2015, a souligné les enjeux propres à la région arctique . Depuis 1875, l'Arctique s'est réchauffé approximativement deux fois plus rapidement que la moyenne globale, avec un effet accélérateur sur le changement climatique au niveau mondial. La fonte des glaciers du Groenland représenterait, à elle seule, une hausse moyenne du niveau de la mer de 7 mètres, à l'échelle mondiale. La disparition de la banquise, si elle n'entraîne pas d'augmentation du niveau de la mer, réduit la réflexion de l'énergie solaire ce qui amplifie le réchauffement. La fonte du pergélisol crée également un effet d'emballement par libération de CO 2 . Or d'ici à 2100, le pergélisol, qui représente 25 % des terres émergées de l'hémisphère nord, pourrait perdre jusqu'à 90 % de son étendue. La fonte des glaciers entraîne par ailleurs la libération de polluants accumulés. Enfin, c'est tout un écosystème fragile et une biodiversité qui sont mises en danger par la fonte de l'Arctique.

C'est pourquoi votre commission avait suggéré d'associer pleinement l'Arctique aux enjeux de la COP 21.

Elle avait également préconisé la publication, dans cette perspective, de la feuille de route française pour l'Arctique , attendue de longue date. Votre rapporteur note que cette feuille de route n'est toujours pas finalisée à ce jour.

3. L'absence d'outils pour orienter le mix énergétique

L'accord ne mentionne à aucun moment la nécessité de diminuer le recours aux énergies fossiles, pour contenir l'élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C.

Or l'OCDE 17 ( * ) a recensé près de 800 mesures de soutien à la production ou à la consommation de combustibles fossiles dans les pays de l'OCDE et dans six grandes économies partenaires (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Russie, Afrique du sud). Ces mesures comprennent aussi bien des transferts budgétaires que des dépenses fiscales qui, d'une façon ou d'une autre, favorisent la production ou la consommation de combustibles fossiles par rapport aux autres formes d'énergie. Elles représentent un montant total de 160 à 200 milliards de dollars par an , majoritairement dédiés au soutien à la consommation de produits pétroliers.

Lors de la signature de l'accord de Paris le 22 avril 2016, le Président François Hollande a fait de la mise en place d'un prix du carbone une priorité. Six chefs d'Etat et de gouvernement, dont le président français, la chancelière allemande et le Premier ministre canadien, ont lancé un appel en ce sens à la veille de la cérémonie de signature de l'accord de Paris. Cet appel vient appuyer le travail de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone , qui réunit 24 pays et plus de 90 entreprises dans le but d'inciter à l'action sur la tarification du carbone en relevant et en diffusant les meilleures pratiques.

L'objectif est de porter la couverture des systèmes de tarification du carbone à 25 % des émissions mondiales d'ici à 2020, puis à 50 % d'ici à 2030, contre 12 % aujourd'hui.

Au niveau européen, le système d'échange de quotas d'émission (EU ETS) doit être rénové pour augmenter le prix du carbone, actuellement situé entre 5 et 7 euros la tonne.

L'instauration d'un prix mondial du carbone serait en contradiction avec la logique « bottom-up » de l'accord de Paris, consistant à se fonder sur les contributions librement consenties par les États, plutôt qu'à imposer des dispositifs généraux contraignants. En revanche, des mesures d'encouragement seront prises ; c'est l'objet de la coalition carbone précédemment mentionnée, qui est une des priorités de l' « Agenda des solutions », issu du « plan d'action Lima-Paris », visant à la mobilisation des acteurs non-étatiques.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la France souhaite par ailleurs avancer rapidement sur les gaz fluorés HFC (hydrofluorocarbures) qui sont de puissants GES utilisés pour remplacer les substances appauvrissant la couche d'ozone. La France soutient pour ce faire un amendement au Protocole de Montréal relatif à` des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, afin d'encadrer la réduction de la consommation et de la production des HFC. Cet amendement pourrait être finalisé cette année. Il serait cohérent avec l'accord de Paris, permettant aux Parties de comptabiliser les réductions d'émissions de HFC au titre de leurs contributions nationales.

C. UN PARCOURS D'OBSTACLES QUI DÉBUTE DÈS 2016

L'application de l'accord de Paris sera nécessairement un parcours d'obstacles et une course de longue haleine, pour maintenir la mobilisation qui a prévalu en 2015.

1. Une ratification rapide souhaitable, bien avant l'entrée en vigueur de l'accord

Il serait souhaitable, pour maintenir la dynamique de l'accord de Paris, de commencer par le ratifier rapidement, afin de concentrer les énergies sur l'action renforcée « pré-2020 », indispensable à la réalisation des objectifs de l'accord.

Or, certains signaux sont inquiétants.

Mme Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations climatiques, a évoqué l'un d'entre eux lors de son audition par votre commission : « La prise de conscience politique est encore insuffisante : on l'a vu aux auditions pour la nomination du futur secrétaire général des Nations unies, pendant lesquelles aucune question n'a été posée sur le climat. »

a) L'Union européenne : une ratification qui pourrait tarder ?

Conformément à l'article 218 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la décision de ratifier l'accord de Paris nécessite une proposition de la Commission, qui devra faire l'objet d'un vote à la majorité qualifiée du Conseil et d'une approbation par le Parlement européen. La Commission a annoncé qu'elle publierait sa proposition en même temps que celle sur la répartition de l'effort hors ETS, dans le cadre de l'application de « paquet énergie 2030 ».

L'accord de Paris relevant pour partie de la compétence de l'UE et pour partie de celle de ses Etats membres, ces derniers devront parallèlement mener à bien leur procédure de ratification nationale selon leurs procédures internes. Conformément à une pratique établie, et dans le contexte de la contribution unique de l'UE à l'accord de Paris , l'Union et les Etats membres doivent déposer leurs instruments de ratification auprès du dépositaire de façon conjointe.

Ainsi que l'a indiqué le Service juridique du Conseil, dans un avis du 3 mai 2016, « En ce qui concerne la question d'une ratification individuelle ou collective de l'accord, le SJC souligne que, de manière générale, le dépôt des instruments de ratification des accords mixtes par l'Union et ses Etats membres doit avoir lieu collectivement, et de manière coordonnée. En outre, en ce qui concerne les mesures d'atténuation, la mise en oeuvre de l'Accord requiert une action commune et concertée de l'UE et de ses EM, et des ratifications individuelles et non-simultanées ne peuvent donc pas être envisagées ».

Le Conseil européen des 17 et 18 mars 2016 a appelé les États membres à engager le processus de ratification de l'accord de Paris aussitôt que possible et en tout état de cause, suffisamment tôt pour permettre à l'UE d'être Partie à l'accord dès son entrée en vigueur.

Toutefois, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, les indications fournies par la Commission sur le calendrier des travaux de ratification laissent entendre qu'elle envisage celle-ci courant 2017 ou, au plus tard, en 2018.

En effet, le processus pourrait être ralenti par les négociations en cours sur la mise en oeuvre du paquet énergie-climat 2030 . Les clivages entre États membres sont marqués, augurant des discussions difficiles, notamment avec les pays du groupe de Viegrad 18 ( * ) , tels que la Pologne. Cette dernière lie en effet la ratification de l'accord de Paris à l'obtention d'un compromis « acceptable » sur la mise en oeuvre du paquet énergie-climat 2030, en particulier sur le partage de l'effort dans les secteurs non-ETS 19 ( * ) . La Pologne souhaite, en particulier maximiser la prise en compte de l'impact positif de son secteur forestier. D'autres États membres considèrent que la ratification ne pourra intervenir qu'une fois connu le partage de l'effort (Royaume-Uni, Allemagne, Luxembourg, Suède, Autriche, Roumanie, Bulgarie, Irlande).

Certains États membres expriment leurs inquiétudes concernant un report trop important du calendrier de ratification, et plusieurs mettent en garde contre le fait qu'en cas de ratification européenne tardive, l'accord pourrait entrer en vigueur sans l'UE, alors que celle-ci a un devoir d'exemplarité vis-à-vis des autres pays (argument allemand), voire l'excluant du processus de décision dans le cadre de l'accord. Pour d'autres États membres (Autriche, Belgique, Slovénie), la ratification rapide est aussi une priorité.

Votre commission considère que l'Union européenne doit montrer la voie sur un sujet d'une telle importance et parvenir à une ratification rapide.

Le statut des pays et territoires d'outre-mer français
au regard de l'accord de Paris

Les pays et territoires d'outre-mer français (PTOM) ont été saisis du présent projet de loi de ratification de l'accord de Paris, sur lequel ils sont appelés à rendre un avis.

Ces PTOM sont au nombre de six : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Terres australes et antarctiques françaises (exclues de la consultation), Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy. Ils sont placés hors du champ d'application des traités européens et avaient été exclus par la France du champ d'application du protocole de Kyoto.

L'impact de l'inclusion des PTOM à l'accord de Paris est loin d'être négligeable : en 2013, les émissions de gaz à effet de serre de la France atteignaient 491 millions de tonnes, en excluant les PTOM, mais 498 millions de tonnes, en les incluant.

Selon le ministère de l'Outre-mer, l'accord de Paris est d'application universelle et s'appliquera donc à toutes les collectivités, « sauf réserve explicite d'application ». Plusieurs collectivités ont formulé le voeu de participer à la mise en oeuvre de l'accord de Paris, notamment par solidarité avec leur environnement régional parfois menacé par le dérèglement climatique.

Dans un avis du 19 mai 2016, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a exprimé son souhait que la Nouvelle-Calédonie soit incluse dans le champ d'application de l'accord de Paris, tout en définissant elle-même sa contribution à la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

Sources : AEF (19 avril 2016) et Congrès de la Nouvelle-Calédonie (19 mai 2016)

b) Deux piliers aux évolutions incertaines : États-Unis et Chine

Si l'accord de Paris constitue une victoire du multilatéralisme, avec 175 États signataires, son succès repose avant tout sur l'engagement des deux plus gros émetteurs de GES que sont la Chine (20 % des émissions totales) et les États-Unis (18 %).

En novembre 2014, ces deux pays sont en effet parvenus à un accord d'après lequel :

- la Chine s'engage à parvenir à un pic dans ses émissions et à porter à 20 % la part d'énergies non fossiles dans la consommation primaire d'énergie avant 2030 ;

- Les États-Unis s'engagent à réduire de 26 % à 28 % leurs émissions d'ici à 2025 par rapport à 2005.

La présence du vice-Premier ministre chinois Zhang Gaoli lors de la cérémonie de signature de l'accord de Paris a confirmé la volonté de la Chine d'infléchir son modèle de croissance. L'annonce d'une ratification par la Chine avant le sommet du G20 à Hangzhou, en septembre 2016 , est également un signal très positif.

Mais surtout , la Chine a commencé à concrétiser les engagements de sa contribution prévue déterminée au niveau national (INDC), au travers de son 13 ème plan quinquennal , adopté en mars 2016, qui s'appuie sur deux priorités, l'innovation et l'environnement, et s'inscrit dans la continuité de la contribution prévue déterminée au niveau national (INDC) déposé par la Chine dans le cadre de la COP 21. Le plan quinquennal reprend les objectifs de la Chine et fixe des étapes intermédiaires. La Chine souhaite en effet ne pas rater le tournant de l'économie « verte », et lutter contre la pollution, devenu un fléau qui suscite une forte pression de la part de la population 20 ( * ) .

Cette implication de la Chine, même si elle doit être vue comme une inflexion plutôt que comme une révolution , est une clef majeure de succès pour la COP 21 et ses suites.

Quant à l'application de l'accord de Paris par les États-Unis , il est soumis à des incertitudes d'ordres politique et juridique . Outre les aléas liés à l'échéance électorale de novembre 2016, la Cour Suprême a en effet fragilisé les engagements pris à Paris . Par une décision du 9 février 2016, prise à la demande de 27 États et de plusieurs entreprises, elle a en effet suspendu les mesures prises pour réguler les émissions de gaz à effet de serre des centrales électriques à charbon, prises dans le cadre du Clean power plan de l'agence américaine pour la protection de l'environnement (EPA). Ce plan vise à réduire de 32 % d'ici à 2030, par rapport à 2005, les émissions de CO 2 des centrales.

Devant votre commission, Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques, s'est toutefois déclarée plutôt optimiste sur l'issue finale de ce recours, qui doit encore être examiné par une Cour d'appel, avant de revenir devant la Cour Suprême : « J'ai confiance dans la validité juridique du plan d'énergie propre aux États-Unis. Les recours n'ont pour but que de reporter les mesures. Certains États se sont lancés spontanément et beaucoup d'entreprises font pression dans ce sens. Le carbone a été reconnu comme un polluant par la Cour suprême. Il pourra y avoir des modulations dans la mise en oeuvre, mais l'engagement est solide. Tout dépend ensuite du résultat des élections présidentielles. » 21 ( * )

2. La COP 22 : des enjeux non moindres que ceux de la COP 21
a) Un dynamisme entretenu par la présidence marocaine de la COP

Un très grand nombre de rendez-vous économiques et environnementaux , énumérés à l'annexe 1 du présent rapport, jalonnent le calendrier d'ici à la COP 22 qui aura lieu du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech.

Une organisation plus structurée et plus pérenne de ces événements serait probablement souhaitable, afin d'en améliorer la visibilité pluriannuelle, comme le proposent Mme Hakima El Haité et Mme Laurence Tubiana, championnes pour le climat.

Cette multiplicité d'événements résulte pour partie du fait que le climat n'est plus considéré comme un objet isolé, négocié de façon un peu marginale au sein de la communauté internationale, mais qu'il est intégré à d'autres enceintes de négociation, notamment d'ordre économique.

En effet, « l'accord [de Paris] est de nature environnementale, mais il s'agit aussi et surtout d'un accord économique 22 ( * )

À cet égard, il conviendrait que le sommet du G20, qui aura lieu en septembre 2016 à Hangzhou en Chine soit l'occasion de faire avancer la lutte contre le changement climatique, conformément, du reste, à l'objectif affiché par la présidence chinoise.

b) Les enjeux de la COP 22

La COP 22 pourrait être plus importante et son aboutissement plus difficile encore que celui de l'accord de Paris , car cette COP sera non pas celle des engagements, comme l'a été la COP 21, mais celle de la mise en oeuvre des moyens opérationnels.

Selon les termes de la ministre marocaine de l'environnement, « la COP 22 sera celle de l'action ».

Pour parvenir à des résultats concrets, le Maroc s'est fixé en particulier deux priorités :

- la mise en oeuvre de l'action renforcée « pré-2020 » ;

- l'innovation, qui fait l'objet d'une feuille de route particulière visant les acteurs économiques et la société civile.

Deux autres enjeux particuliers de la COP 22 doivent être soulignés.

D'une part, la mise en oeuvre des contributions déterminées au niveau national par chacune des Parties nécessite des financements , ce qui implique de préciser, en premier lieu, comment ces financements seront comptabilisés. Des travaux sur la comptabilisation des financements doivent aboutir en 2018.

Il s'agira ensuite de déterminer comment seront réunis les 100 milliards de dollars par an que les pays développés devront mettre à disposition des pays en développement, et quelles seront les parts dédiées respectivement à l'atténuation et à l'adaptation. Le Fonds vert, doté de 10,2 milliards de dollars, dont un milliard de dollars fourni par la France, ne jouera qu'un rôle partiel dans la réalisation de cet objectif. Les financements climat totaux des pays développés vers les pays en développement ont été estimés à 62 milliards de dollars en 2014 (OCDE 23 ( * ) ). Une feuille de route doit être finalisée à ce sujet. Les attentes des pays en développement sont fortes. La question de l'accessibilité des pays les plus pauvres aux fonds climatiques devra être examinée attentivement.

Les travaux entamés dans le cadre de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone seront poursuivis et constituent, pour la présidence française, une priorité.

Un autre enjeu de la COP 22 réside dans la consolidation des mécanismes de comptabilisation et de transparence indispensables au bon fonctionnement de l'accord de Paris.

La dimension humaniste de l'accord sera valorisée, au travers d'un nouveau « sommet des consciences », en marge de la COP 22, et d'une réflexion sur l'égalité entre les femmes et les hommes au regard des questions climatiques. Des actions devraient également être menées à l'intention de la jeunesse.

c) Une forte implication des Parlements nationaux

Mme Hakima El Haité a jugé devant votre commission que les parlementaires devaient être fortement impliqués dans la COP 22, implication qui avait largement débuté pendant la COP 21.

En effet, chaque assemblée a intégré l'échéance de la COP 21 à la programmation de ses travaux. Le Sénat a été particulièrement actif, à l'initiative du groupe de travail mis en place par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, élargi à l'ensemble des commissions et délégations, et présidé par notre collègue Jérôme Bignon, qu'il convient de saluer.

Votre commission a elle-même constitué un groupe de travail sur les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique, qui a présenté en octobre 2015 les conclusions du rapport précité, intitulé : « Climat : vers un dérèglement géopolitique ? ».

Par ailleurs, 436 parlementaires du monde entier se sont exprimés, en marge de la COP 21, lors d'une Réunion parlementaire qui s'est tenue les 5 et 6 décembre 2015, respectivement à l'Assemblée nationale puis au Sénat, en coopération avec l'Union interparlementaire (UIP). Cette Réunion a abouti à une résolution adoptée par consensus le 6 décembre 2015 .

Votre commission ne peut que se féliciter que les parlementaires soient, le cas échéant, encore plus étroitement associés à la COP 22 qu'ils ne l'ont été à la COP 21, grâce à l'organisation envisagée d'une « Agora des parlementaires » qui se tiendrait, à Marrakech, non pas en marge de la conférence, mais au sein même de la « zone bleue » , gérée par les Nations unies.

Cela implique que les parlementaires soient reconnus par les Nations unies comme dixième acteur officiel des négociations, ce qui serait évidemment une évolution très positive que votre commission ne peut qu'appeler de ses voeux.

Les neuf acteurs officiels actuellement reconnus par les Nations unies

- Les organisations non gouvernementales travaillant sur les sujets environnementaux dites « ENGO » ;

- les administrations locales et autorités municipales, c'est-à-dire les collectivités territoriales dites « LGMA » ;

- les organisations représentant les peuples/communautés autochtones dites « IPO » ;

- les milieux professionnels et industriels dits « BINGO » ;

- les instituts de recherche et les organisations indépendantes dits « RINGO » ;

- les organisations syndicales dites « TUNGO » ;

- les organisations de défense des droits des femmes, dites « Women and gender » ;

- les organisations de jeunesse dites « YOUNGO » ;

- les organisations agricoles dites « Farmers ».

CONCLUSION

L'accord de Paris est fondé sur l'agrégation des volontés politiques des Parties , ce qui en fait à la fois la force et la fragilité .

Il repose non seulement sur les engagements pris par les États, mais aussi et surtout, sur une dynamique de tous les acteurs, impulsée par l'émergence d'une prise de conscience de l'opinion publique au niveau international. La mobilisation a été visible dans de nombreux secteurs, et à l'échelle mondiale .

Cette mobilisation devra perdurer au cours des prochaines années et décennies, afin de concrétiser la démarche progressive mise en place par l'accord de Paris, et ce malgré les aléas des cycles politiques et économiques .

Sur ce chemin, la COP 22, prévue en novembre à Marrakech, sera essentielle.

Votre Commission a pu constater la mobilisation du Maroc pour la réussite de cette « COP de l'action », qui devra rendre opérationnels les engagements pris à Paris. Elle en souhaite bien sûr le succès car ce succès est la condition de celui de l'accord de Paris , dont elle vous propose d'autoriser la ratification en adoptant le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 25 mai 2016, sous la présidence de Mme Nathalie Goulet, vice-présidente, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Cambon sur le projet de loi n° 614 (2015-2016) autorisant la ratification de l'Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Joël Guerriau . - Nous serons bien évidemment favorables à cet accord. Mais quelles en seront les déclinaisons opérationnelles en France ? La France saura-t-elle se montrer exemplaire ? Je pense en particulier à certaines entreprises du secteur de l'énergie dont les effets d'annonce ne sont pas toujours suivis d'effets.

Mme Éliane Giraud . - J'ai participé, avec Cédric Perrin et Leila Aïchi, au travail de notre commission sur l'Arctique, qui a montré que les conséquences du changement climatique n'étaient pas qu'environnementales mais aussi géostratégiques, en lien notamment avec la remilitarisation de la Russie et ses relations avec la Chine.

Il faut bien évidemment ratifier cet accord rapidement, car il y a urgence, et la volonté politique est là. L'accord ne règle pas toutes les questions mais que se passerait-il si nous ne l'avions pas obtenu ? Nous sommes partis de loin. Vous avez relevé un certain nombre de résistances aux États-Unis. Mais il existe aussi là-bas des ONG qui travaillent sur des questions scientifiques, sur des innovations de nature à lutter contre le dérèglement du climat.

L'accord de Paris doit s'accompagner d'une coopération régionale et internationale. Devant nous, la semaine dernière, Mme Hakima El Haité, ministre de l'environnement du Maroc, a appelé l'ensemble des acteurs à se mettre en mouvement, y compris les entreprises, qui y ont intérêt. Le Sénat, en ratifiant cet accord, doit aussi encourager la coopération décentralisée, qui est très importante car c'est une coopération d'acteurs. Nous devons tous rester mobilisés.

M. Jean-Paul Emorine . - Nous approuvons tous cet accord. La ministre du Maroc évoquait la nécessité de mobiliser les entreprises. Mais, par rapport à la Chine, l'effort demandé aux entreprises françaises doit être proportionné, et tenir compte de l'avance que nous avons sur ces sujets. À défaut, les raffineries resteront dans les pays producteurs de pétrole ; nous perdrons de l'activité. Nous devons être réalistes et suivre avec attention l'application de cet accord de Paris.

Mme Nathalie Goulet . - Depuis l'accord de Kyoto, la prise de conscience internationale a beaucoup progressé. Il faut donc espérer que l'accord de Paris fonctionne. Combien de pays ont déjà ratifié ?

M. Christian Cambon . - La détermination du gouvernement français, après le succès de l'accord de Paris, semble totale. Cette détermination est partagée puisque l'accord fait l'objet d'un consensus. On notera néanmoins que l'application de la loi de transition énergétique est retardée et que le gel de crédits, récemment annoncé, touche non seulement le budget de la recherche mais aussi celui de l'écologie. Nous jugerons en fonction des actes.

Je rejoins le point de vue d'Éliane Giraud sur la mobilisation des ONG et des régions, qui est essentielle. Les parlements ont également un rôle important à jouer, en tant qu'aiguillons du gouvernement. Le suivi parlementaire de la mise en oeuvre de l'accord de Paris doit être organisé.

La France fait des efforts plus que proportionnels à son importance économique. Les signaux envoyés par la Chine sont très positifs mais ce pays part de très loin. Nous ne pouvons en effet pas faire assumer à nos entreprises une charge disproportionnée.

La prise de conscience au niveau international est forte. Mais 16 pays seulement ont ratifié l'accord à ce jour. Si nous adoptons ce projet de loi le 8 juin, la France sera le pays le plus important à ratifier l'accord depuis sa signature. J'ai mentionné aussi les freins existant aux États-Unis, avec la décision récente de la Cour suprême, rendue à la demande de 27 États américains.

Mme Leila Aïchi . - Nous voterons cet accord mais il convient d'en préciser les limites. Les questions des transports maritime et aérien n'y sont pas abordées. Il n'est pas non plus fait état des conséquences du dérèglement climatique en termes de sécurité. L'engagement relatif au financement reste imprécis. Où en est le Fonds vert ?

M. Robert del Picchia. - L'Union interparlementaire a adressé un courrier à tous les présidents de parlements pour les mobiliser et évoquer le suivi de l'accord, en prévision de la COP 22. La déclaration du président Gérard Larcher à Luxembourg contribuera certainement à mobiliser les pays européens.

M. Christian Cambon . - Le rapport pointe les difficultés qui concernent le secteur maritime et le secteur aérien, qui représentent à eux deux 5 % des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur maritime doit mettre en place un dispositif de mesure des émissions, avant de s'interroger sur sa limitation. Ces questions sont traitées au niveau de l'Organisation maritime internationale.

La question du financement sera centrale à Marrakech. L'objectif de 100 milliards de dollars par an est loin d'être atteint. Le Fonds vert est doté à ce jour de 10 milliards de dollars. La difficulté de cet accord de Paris tient entièrement à sa concrétisation, s'agissant notamment des financements en direction des pays en voie de développement, qui sont très attentifs aux efforts que les autres pays accompliront. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis la conférence de Copenhague, mais la principale préoccupation des pays en développement reste d'assurer un niveau de vie suffisant à leurs populations. Si l'on reste très en dessous du chiffre de 100 milliards de dollars par an, Paris aura été un beau rassemblement pour un résultat modeste. Espérons qu'il n'en sera rien.

Il est important que l'Union interparlementaire se mobilise. Il reviendra en effet aux parlements nationaux de mettre en oeuvre l'accord. C'est pourquoi nous veillerons à ce qu'ils soient étroitement associés à la COP 22.

Mme Nathalie Goulet . - Le parlement doit montrer l'exemple en matière de dématérialisation, comme un certain nombre de régions le font.

M. Cédric Perrin . - Nous avons travaillé sur ce sujet avec Leila Aïchi et Eliane Giraud l'an dernier. Nous avions notamment indiqué qu'en 2050, le dérèglement climatique était susceptible de causer des dommages de l'ordre de 1000 milliards de dollars par an. J'approuve le discours pragmatique, non idéologue que nous a tenu la ministre de l'environnement du Maroc, car s'il est nécessaire d'avancer, il faut le faire en tenant compte du facteur industriel.

Ce ne sont pas les gouvernants mais les peuples qui nous feront avancer. Les parlements doivent se saisir de ce sujet éminemment important et continuer à le suivre, au-delà de l'accord de Paris, qui nous a particulièrement mobilisés l'année dernière. Ce sujet nous concerne tous. Le montant de 100 milliards de dollars par an recherché est à comparer à celui du risque potentiel, qui s'élève à 1000 milliards de dollars par an. Si la Chine traite le problème c'est que la pression populaire y est forte. Ce sera le cas dans de nombreux pays si nous n'avançons pas rapidement. Je souhaite que l'unanimité puisse se faire sur ce sujet.

M. Christian Cambon . - Je remercie encore une fois Cédric Perrin, Leila Aïchi et Eliane Giraud pour la qualité de leur rapport sur les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique. On ne peut en effet qu'abonder en leur sens, en constatant l'effet déstabilisateur d'un million de réfugiés, alors que le risque climatique pourrait déplacer 200 millions de réfugiés. Nous avons intérêt à nous saisir très rapidement de ce dossier et à inciter les États à mettre l'accord de Paris en application. Sur la question du rôle exemplaire des parlements, je rappelle que notre commission est candidate pour expérimenter dès que cela sera possible des réunions « zéro papier ».

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité, à l'unanimité. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le 8 juin 2016, selon la procédure normale.

ANNEXE 1 -
AUDITION DE MME HAKIMA EL HAITE, MINISTRE MAROCAINE DE L'ENVIRONNEMENT, ET DE MME LAURENCE TUBIANA, AMBASSADRICE CHARGÉE DES NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES, LE 18 MAI 2016

La commission auditionne conjointement Mme Hakima El Haité, ministre marocaine de l'environnement, et Mme Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations climatiques, sur la ratification de l'Accord de Paris - COP 21.

M. Jean-Pierre Raffarin , président . -Nous avons le grand honneur d'accueillir Madame Hakima El Haité, ministre de l'écologie marocaine, pour parler de la COP 22. Nous ouvrirons ainsi des perspectives nouvelles au moment où le Parlement est sollicité pour ratifier l'accord de la COP 21. Madame la ministre, votre disponibilité à répondre à notre invitation nous touche et nous oblige. Nous connaissons votre profil et votre potentiel ; nous saluons votre brillant parcours. Nous avons une grande confiance dans votre capacité à tracer les axes d'avenir de cette COP 22.

Nous sommes également heureux d'entendre Laurence Taubiana, notre « championne du climat » qui a porté pendant de longs mois, jusqu'au succès, la COP 21. Nous mesurons l'ampleur du travail accompli et nous saluons l'engagement de notre diplomatie à un si haut niveau, comme nous en avons fait part à Laurent Fabius lorsqu'il est venu devant notre commission pour rendre compte de cet accord.

Vous pourrez l'une et l'autre nous exposer votre perception de la mise en oeuvre de l'accord conclu à la COP 21, nous dire également quels seront selon vous les enjeux de la COP 22 et comment, à l'occasion de la ratification de l'accord de Paris, le Sénat pourra appuyer la démarche du Maroc, pays frère dont nous saluons la grande ambition.

Mme Hakima El Haité, ministre de l'environnement du Maroc . - Je suis particulièrement fière et honorée d'être parmi vous ; c'est moi qui vous remercie de cette invitation dans votre assemblée qui est sans doute le think tank le plus puissant de votre Nation. Votre mission est noble. Je sais par expérience que le rythme de la vie politique est effréné. De par votre fonction, vous disposez de plus de temps, au Sénat, pour mettre en oeuvre une stratégie à long terme. Vous pouvez ainsi jouer un rôle clef dans l'élaboration de ce que sera le monde de demain.

Je reviens de New York où les leaders du monde entier ont confirmé leur engagement de Paris. Nous avons vécu une année intense. Je félicite la France et son Président qui ont su insuffler une nouvelle dynamique grâce à cet accord ; je félicite aussi Mme Laurence Tubiana qui a été la cheville ouvrière de la COP 21, en résolvant bien des problèmes, dans des conditions difficiles. Avec cet accord, nous avons posé de nouveaux fondements pour le monde de demain.

En 2015, les humains se sont rendu compte qu'ils avaient maltraité la Terre et que le temps des négociations était déjà passé. Quand la Terre se met en colère, cela devient contre-productif. Avec 800 catastrophes naturelles recensées entre 2013 et 2014, les États-Unis ont perdu 4 points de PIB, sans compter les pertes humaines. Dans de nombreux pays, les catastrophes naturelles sont devenues la règle plutôt que l'exception. Même les grandes puissances jusque-là peu vulnérables ont commencé à percevoir l'impact du changement climatique. En mesurant le coût du changement climatique si nous n'agissions pas, Lord Stern a incité le monde politique à prendre conscience de la gravité de la situation, de sorte qu'après vingt-et-un ans, nous avons enfin signé un accord. L'année 2015 a été celle de la mise en place du plan d'action de Sendai contre les catastrophes naturelles, mais aussi celle de l'accord d'Addis-Abeba sur le financement du développement. Nous avons tous ratifié les dix-sept objectifs de développement durable pour éradiquer la pauvreté dans le monde. Enfin, il y a eu l'accord de Paris.

Tout le processus repose sur un même objectif : construire un monde équilibré dans la répartition des ressources, où l'homme pourra vivre dignement. Le changement climatique a des effets sur la vie de plusieurs millions de personnes dans le monde. Dans les pays les plus vulnérables 1,2 milliard de personnes sont privées de sources d'énergie, plus de 650 millions de personnes dans le monde n'ont pas accès à l'eau potable et 300 millions ont vu leurs sources se tarir à cause de la hausse des températures. En outre, l'élévation du niveau des mers risque de faire disparaître certains Etats insulaires et de provoquer des migrations intenses menaçant la stabilité au niveau local, régional et international.

L'accord de Paris est un succès historique, car la communauté internationale s'est montrée solidaire. Les pays du Nord, à l'origine de la pollution, se sont engagés à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre et à aider les pays moins pollueurs à s'adapter au climat et à trouver un autre modèle de développement. Cet accord difficile a donné beaucoup de fil à retordre à la présidence française. C'est pourquoi je salue le travail de Laurent Fabius et de Laurence Tubiana. Nous avons là un des plus beaux accords multilatéraux de ces dernières décennies.

Cependant, un accord reste un accord, et il faut désormais le ratifier. Les députés et les sénateurs doivent l'intégrer dans les politiques publiques, car un accord n'a de valeur que si l'on trouve les moyens de le rendre opérationnel. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre l'objectif de réchauffement climatique de 2° C, voire de 1,5° C comme l'ont demandé les Etats insulaires, il faut mettre en place des contributions nationales. Les pays s'organiseront pour intégrer le climat dans leurs stratégies et dans leurs politiques publiques afin de limiter leurs émissions de CO 2 . À eux de voter des lois, de développer des plans d'action, de budgétiser les mesures et d'intégrer les impératifs du climat dans leur législation. Votre rôle est de faire en sorte que cet accord devienne réalité.

Pendant 21 ans, la communauté internationale a perdu confiance dans les négociations climatiques. La Conférence de Paris, grâce à la mobilisation de la diplomatie française, a été l'occasion de redonner confiance et de créer une nouvelle solidarité internationale. Il ne suffira pas de ratifier l'accord pour que la COP 21 soit un succès. Lorsque les 197 parties prenantes se réuniront à Marrakech, il faudra encore leur montrer que l'on a avancé et que l'accord de Paris n'était pas que du papier. Les pays qui ont été les premiers à dénoncer les changements climatiques doivent trouver des solutions concrètes. Ceux qui sont exposés à la montée des eaux développeront des systèmes d'alerte ; ceux qui manquent d'énergie trouveront des solutions alternatives, ceux qui n'ont pas assez de nourriture trouveront les moyens de s'adapter. L'accord de Paris doit prendre en compte la dimension humaine en apportant aux citoyens du monde des réponses qui se traduiront en actes. C'est ce que vous faites dans vos territoires en tant que sénateurs.

J'ai l'immense honneur d'avoir été nommée championne marocaine du climat. La COP 22 portera la bannière de l'action et laissera place aux initiatives. Les décisions de Marrakech devront avoir un impact rapide sur le niveau de vie de tous les citoyens qui souffrent dans le monde. C'est pour cela que la COP 22 a été qualifiée de « pré-2020 » et qu'elle est une priorité pour le Maroc. L'accord de Paris ne sera mis en oeuvre qu'à partir de 2020 ; le monde ne peut pas continuer à souffrir jusqu'en 2020 : il faut donc commencer dès maintenant.

Nous donnerons également la priorité à l'innovation, car le monde de demain ne sera pas celui que l'on imagine aujourd'hui, de même qu'on n'imaginait pas il y a vingt ans le portable, l'ordinateur ou la voiture à hydrogène d'aujourd'hui. Nous avons préparé une feuille de route pour vulgariser ces objectifs en visant non seulement les acteurs économiques, mais aussi l'ensemble de la société civile. L'accord de Paris n'est pas l'affaire des politiciens ; il est celui de tous les citoyens du monde. Il est essentiel que nous puissions démocratiser l'information, car le monde de demain se construira sur un nouveau modèle de développement et sur une nouvelle civilisation.

L'impulsion donnée par la France doit continuer à porter ses fruits. La COP 21 était inclusive. Je compte sur vous pour continuer de rallier les sénateurs du monde entier. C'est le rôle des parlementaires d'intégrer le climat dans les politiques publiques et dans la loi. ( Applaudissements )

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci beaucoup. Nous étions habitués à ce que les ministres de l'Écologie aient du tempérament... C'est une règle qui vaut dans le monde entier ! Vous nous montrez qu'on peut être à la fois expert et militant convaincu.

Mme Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations climatiques . - Ma co-championne est la cheville ouvrière de la conférence de Marrakech qui se prépare. Je lui souhaite beaucoup de succès. Elle a brossé un tableau complet de la situation qui reprend ce qu'avait dit M. Laurent Fabius. Certes, l'accord de Paris a mis 23 ans à aboutir. Ce n'est pas si long si l'on considère qu'il a fallu 40 ans pour que les négociations commerciales débouchent sur l'Organisation mondiale du commerce.

L'originalité de cet accord, mais aussi sa faiblesse, c'est qu'il repose sur des décisions nationales qui doivent se maintenir dans le temps, malgré les cycles politiques. Des interrogations se lèvent déjà quand on voit certains propos tenus dans la campagne présidentielle aux États-Unis. La réussite de cet accord tient à la conjonction politique des grands pays de ce monde. Les grandes économies ont trouvé un consensus sur la nécessité d'agir face au changement climatique. Même la Chine s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, et certainement de façon plus ambitieuse que ce qu'elle a annoncé à Paris. Les solutions que l'on commence à envisager ne pourront être mises en oeuvre qu'avec la participation de tous les États. Dans cet accord, la voix des plus faibles a énormément compté. L'autorité morale des petites îles, des pays progressistes et des Etats vulnérables a souvent pesé autant que les intérêts économiques classiques, créant un équilibre qu'il nous appartient de faire perdurer.

D'un point de vue économique, chacun perçoit et mesure désormais les risques associés au changement climatique, et nous disposons d'un panel de solutions intéressantes pour y faire face. L'article 2 de l'accord de Paris définit non seulement un objectif en termes de température et de réduction d'émissions, mais il fixe aussi un objectif économique, puisqu'il s'agit de réorienter la finance vers l'économie verte sobre en carbone. L'accord est de nature environnementale, mais il s'agit aussi et surtout d'un accord économique. Voilà pourquoi la stratégie française qui a consisté à mobiliser les entreprises s'est révélée décisive.

La société civile et les collectivités locales ont également un rôle à jouer. Sans l'initiative portée par les villes et les régions, les gouvernements auraient été beaucoup plus frileux et moins optimistes. Nous nous en félicitons, même s'il faut encore aller plus loin.

Enfin, l'accord a un aspect financier, puisque la communauté financière internationale a commencé à réorienter les flux vers l'économie sobre en carbone, à travers ses institutions publiques, mais aussi privées. Il s'agit de l'économie de demain. C'est également ce que nous indique le lancement de la mission Innovation, par le Président de la République, le Président Obama et le Premier ministre Modi, qui regroupe 27 investisseurs milliardaires sous l'impulsion de Bill Gates.

L'essentiel de notre effort doit porter sur la mise en oeuvre des contributions nationales. Nous avons déjà commencé à encourager des initiatives regroupant des bailleurs de fonds, des investisseurs et des gouvernements. Dans un deuxième temps, nous devrons relever ces contributions pour combler l'écart avec les objectifs fixés. Nous ferons un premier point en 2018, en espérant que la mobilisation des entreprises, des collectivités locales et de la société civile contribuera à renforcer l'optimisme. Nous devrions commencer à tirer les bénéfices des fonds investis dans la recherche et le développement technologique à partir de 2020, date où l'accord de Paris commencera à s'appliquer.

La transformation que nous avons lancée est profonde. Diminuer la hausse des températures, en la faisant passer en dessous des 2 °C, implique de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 60 % d'ici 2050. Il faut pour cela décarboner complètement notre électricité, électrifier les activités qui utilisent une énergie autre, faire basculer largement les transports individuels vers l'électricité, construire des bâtiments à énergie positive et initier un programme de rénovation. Nous aurons besoin que les technologies et les capitaux soient là.

Les quatre années à venir sont cruciales pour relever le niveau d'ambition des gouvernements, afin qu'ils s'engagent davantage pour progresser plus vite. Nous pourrons ainsi mieux cerner les secteurs à faire évoluer et la nature des transformations à apporter. Après la négociation, nous voici dans la phase de coopération. Après l'élaboration juridique, nous devons relever le défi de la mise en oeuvre économique, technologique et financière. D'où l'importance d'une entrée en vigueur anticipée de l'accord de Paris avant 2020, pour donner le signal politique fort dont nous avons besoin pour accélérer le processus. ( Applaudissements )

M. Christian Cambon, rapporteur du projet de loi de ratification de la COP 21 . - Nous saluons Mme Hakima El Haité et je lui souhaite la bienvenue au nom du groupe d'amitié France-Maroc que je préside. Chacun sait l'immense travail que vous réalisez dans la fonction qui est la vôtre. Il suffit de mentionner la centrale solaire de Noor, dont la première tranche a été inaugurée et qui produit déjà 180 MW avec un objectif de 560 MW. Des millions de Marocains pourront désormais profiter de l'énergie solaire. Vos discours sont suivis d'actes. Je remercie aussi Mme Laurence Tubiana pour sa présence.

Le succès de la COP 21 est en partie lié au travail intermédiaire effectué entre Lima et Paris. La France, le Pérou et le secrétariat général des Nations Unies ont coopéré autour de la convention-cadre sur les changements climatiques. Comment souhaitez-vous poursuivre ce travail de préparation, afin d'éviter les erreurs de Copenhague qui avait manqué de réflexions en amont ?

Pourriez-vous nous éclairer sur les conséquences migratoires des changements climatiques : on dit que plus de 200 millions de personnes seraient contraintes à une migration d'ici 2030. Le Maroc est à la fois pays d'étape et pays d'accueil, puisqu'une part importante des migrants transsahariens s'y installe.

Si les collectivités territoriales ont été très associées à la COP 21, j'ai le sentiment que c'est moins le cas pour les parlements. Au sein du forum parlementaire franco-marocain, les échanges sont riches et nourris. Quelles initiatives développer pour favoriser le partage d'expériences entre les parlementaires ?

Dans le processus de ratification, il faut d'abord définir une méthode. Certains signaux ne sont pas favorables. Aux États-Unis, la Cour suprême a gelé le plan climat du président Obama à la demande de 28 Etats sur 50. En Europe, certains pays sont pro-carbone, comme la Pologne ou la Tchéquie. Des réticences se sont manifestées au Royaume-Uni. Les décisions de l'Allemagne pour freiner le développement de l'énergie nucléaire ont renforcé la filière charbon. Comment surmonter ces difficultés pour que la dynamique de l'accord de Paris puisse non seulement aboutir à une ratification, mais également donner lieu à des décisions et à des actions ?

M. Cédric Perrin, co-président du groupe de travail sur les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique . - Je tiens à vous féliciter pour votre enthousiasme. Vous êtes passionnées par l'environnement et, Madame la ministre, parfaitement à même de faire réussir la COP 22. On attend beaucoup des nouvelles technologies dans les années à venir. Si l'argument peut être positif, il est également exploité par les climato-sceptiques américains pour dire que ces technologies suffiront à faire face au changement climatique.

Il faut rester extrêmement prudent en matière d'énergies. Je demande depuis longtemps l'ouverture d'une mission d'information sur les éoliennes. On parle d'énergies dé-carbonées. L'exemple allemand est instructif : pour remplacer le nucléaire, les Allemands ont relancé des centrales au charbon. C'est un sujet qui mérite d'être expliqué à l'opinion publique.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable . - Je me réjouis de votre détermination et de votre compétence mises au service de cette noble cause. Je salue la richesse de la relation que la France entretient avec le Maroc. Nos deux pays partagent beaucoup de valeurs et de traditions. C'est important pour traiter un sujet aussi délicat.

Le Sénat s'est impliqué dans la COP 21. L'année dernière, nous avions reçu 436 parlementaires du monde entier, avec un certain succès, car chacun tout en restant conscient des risques et des enjeux s'est montré heureux de participer à cette construction d'une nouvelle humanité en marche. N'ayons pas peur des mots, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Cet élan doit se poursuivre. Comment le Sénat français peut-il continuer d'être utile ? Pendant le déroulement de la COP 21, j'avais réuni des parlementaires andins, malgaches, belges... J'ai gardé des liens avec eux. Ce partenariat des parlementaires doit continuer. Les collectivités territoriales, que nous représentons, ont également un rôle à jouer.

On a souvent dit que l'océan avait été oublié. C'est excessif, mais il est vrai qu'on n'a sans doute pas suffisamment exploité sa capacité à capter le carbone. Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat est chargé d'un rapport intermédiaire et on en a encore récemment parlé à New York. Le Maroc est très concerné par les questions maritimes et il pourrait jouer un rôle important.

Enfin, dans la résolution que nous avions adoptée unanimement dans cette assemblée, nous avions consacré un chapitre important aux femmes, qui sont les plus fragiles parmi les plus faibles victimes du dérèglement climatique. Elles ont un rôle considérable à jouer dans le changement climatique. J'espère que vous leur porterez une attention particulière ?

M. Robert del Picchia . - Je me rappelle une rencontre à Marrakech où vous débordiez d'optimisme sur le résultat de la COP 21 alors que Laurent Fabius se montrait plus pessimiste. Finalement, tout s'est bien passé. Nous avions alors pronostiqué que la COP 22 serait presque aussi difficile que la COP 21, car il faudrait transformer l'essai. Les parlementaires ont un rôle important. Au comité exécutif de l'Union interparlementaire, nous nous sommes beaucoup mobilisés pour la conférence de Paris. Nous le ferons aussi pour celle de Marrakech et nous inviterons tous les parlementaires à venir au Maroc.

Dans le cadre de l'Union interparlementaire, nous avons adopté une résolution que nous avons accolée à l'accord de Paris. Cependant, le rôle des parlementaires ne peut se résumer à cela, car c'est d'eux que dépend l'application de l'accord, tant pour sa ratification que pour l'élaboration ultérieure des normes et des budgets, etc. Vous avez besoin des parlementaires. Le message est passé, mais n'est pas encore bien appliqué. L'Union interparlementaire rappellera à chacun l'obligation de ratification et de mise en oeuvre.

Pour ce qui est du Maroc, l'Union interparlementaire pourrait-elle contribuer à impliquer davantage les parlements à l'occasion de la COP 22 ?

M. Michel Boutant . - Merci pour ces leçons d'enthousiasme, même si le défi semble difficile à relever. On annonce la submersion d'îles et de côtes dans le Pacifique, l'extension de la désertification en Afrique sahélienne et subsahélienne. Ces phénomènes s'accompagnent de déplacements de populations qui provoquent des réactions vives dans les pays d'accueil. Vous avez insisté sur le climat de confiance installé lors de la COP 21. Pour qu'il perdure, il faudra des preuves, des mesures à décliner sur du très court terme ou à plus longue échéance. Comment envisagez-vous l'organisation de ces mesures et leur déclinaison dans le temps ?

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je vous félicite. Le choix du Maroc pour la COP 22 est un symbole fort d'équité climatique. Ce pays est un acteur important pour la mobilisation en Afrique, et notamment pour la mobilisation des femmes, premières à être touchées par les dérèglements climatiques. Allez-vous favoriser non seulement la coopération sud-sud, mais aussi la coopération triangulaire ? Avez-vous retenu l'idée d'ambassadeurs itinérants ? Désormais, nous avons les règles du jeu : il faut marquer l'essai. Le dialogue et l'engagement de notre diplomatie ont fait leurs preuves. Quelles actions menez-vous pour sensibiliser les opinions publiques et maintenir le dialogue avec les milieux économiques et financiers ?

Mme Éliane Giraud . - Je suis ravie de constater votre enthousiasme, Madame la ministre. Madame Laurence Tubiana, merci pour la réussite de la COP 21. Les questions liées à l'environnement ont souvent été examinées sans lien avec les politiques de développement. Ce n'est désormais plus le cas : elles sont au coeur de ces problématiques et le travail que notre commission a mené l'a démontré. La période intermédiaire est essentielle : il faudra mobiliser les citoyens et pousser les innovations, sans compter les rendez-vous économiques. L'environnement est au coeur du développement : comment faire pour sauvegarder ce métissage des questions sans oublier que nos chercheurs devront travailler sur ces problématiques stratégiques ?

Mme Josette Durrieu . - Je ne ferai qu'appuyer deux interventions de mes collègues : le monde n'a pas suffisamment pris conscience de l'enjeu que représentent les 200 millions de migrants climatiques dont parle M. Cambon ; M. del Picchia a raison d'insister sur la mobilisation des parlementaires et des instances internationales.

Mme Bariza Khiari . - C'est au Maroc qu'a eu lieu le premier forum des femmes pour le climat, organisé par l'ONG Women's tribune . Votre pays compte d'ailleurs un nombre impressionnant d'ONG dirigées par des femmes. La société marocaine a-t-elle conscience que le développement durable est pourvoyeur d'emploi ? Madame Laurence Tubiana, vous aviez tout notre soutien pour votre candidature à l'ONU : nous avons évoqué cette question avec le ministre encore récemment.

M. Jean-Paul Emorine . - Pour avoir présidé la commission des affaires économiques pendant sept années et demie, j'étais à Copenhague, où les dirigeants du monde étaient déjà - je pense à Barack Obama, par exemple. Depuis, la France a bien légiféré avec le Grenelle de l'environnement, qui se décline en contraintes pour les entreprises, les particuliers et les collectivités, ou plus récemment avec la loi d'avenir de l'agriculture et la loi de reconquête de la biodiversité. Les autres grands pays font-ils de même pour protéger l'environnement ?

Mme Laurence Tubiana . - J'avais proposé à Laurent Fabius dès le début une association étroite entre les équipes péruvienne et française, et cela a également très bien marché avec le Maroc - peut-être aussi pour des raisons personnelles !... En 2014, à Davos, nous avions fait en sorte, Mme El Haité et moi, que le Maroc soit désigné successeur de la France. L'amitié entre nos deux pays est devenue une amitié personnelle. J'espère que nous réussirons à imposer le modèle d'une association entre un pays développé et un pays en voie de développement à l'occasion de chaque COP.

Les difficultés restent nombreuses. Comme vous le dites, tout dépend de la mise en oeuvre, et en premier lieu de la ratification. Celle des pays européens ne fait guère de doute ; la seule question qui subsiste est : y arrivera-t-on dès 2016 ? Cela peut néanmoins changer le signal politique envoyé. Il y a aussi les mesures d'application, sujet sur lequel les parlementaires ont en effet un rôle important à jouer. Ce sont eux qui tiennent la main des gouvernements. La transition est en effet un effort dans la durée, et ne peut pas être réglée en l'espace d'un mandat. Nous devons défendre des scénarios crédibles pour cette décarbonation de l'économie, que le nucléaire ait une part importante ou non. Le rôle des parlementaires est d'abord à la maison : tenir les promesses faites à la Nation. Il est ensuite au niveau international, avec l'association des parlementaires en faveur du climat. La participation des parlementaires a été très importante, notamment avec le forum Globe International dont le rapport a montré qu'un très grand nombre de pays a voté des lois en faveur de l'environnement.

Malheureusement, la prise de conscience politique est encore insuffisante : on l'a vu aux auditions pour la nomination du futur secrétaire général des Nations unies, pendant lesquelles aucune question n'a été posée sur le climat. On ne peut pas nier l'engagement des gouvernements pour l'accord de Paris, mais il retombe. Cet accord doit d'abord être vu comme un accord économique qui mobilise les collectivités et les entreprises. Il ne doit pas être vu comme un accord environnemental au sens étroit. Sa forme repose d'abord sur l'engagement des collectivités nationales au sens large : oui, il y aura des vérifications mais personne n'envahira la Chine si elle ne respecte pas ses engagements. Cet accord repose ensuite sur le fait que les entreprises croient en l'avenir de l'économie décarbonée. Il faut maintenant laisser toute sa place au Maroc pour la suite, mais les choses se présentent bien : après l'accord du 12 décembre, la mobilisation des entreprises s'est bien vue à Davos en janvier. Toutes ne sont pas engagées dans l'économie décarbonée, mais plus de 40 % des grandes entreprises ont pris des engagements. Le 10 juin, la présidente de la COP 21, Mme Royal, se rendra à un sommet sur le prix du carbone à Londres et un sommet des entreprises y aura également lieu en juillet, avant un sommet à Nantes avec tous les acteurs, et notamment les entreprises et les collectivités. Le rythme est le même que pour Paris. Hakima El Haité et moi proposerons une organisation plus pérenne pour une meilleure visibilité.

La technologie n'est pas la panacée, mais elle est indispensable. Quoique sombre, notre époque est de ce point de vue formidable : nous vivons une véritable révolution industrielle. C'est la recherche qui nous a ouvert les yeux sur les problèmes climatiques et c'est d'elle que viendront les solutions. Je souhaite que la France double ses dépenses de recherche et développement d'ici 2020 - vingt pays s'y sont déjà engagés. La mobilisation européenne autour des énergies propres est considérable et doit perdurer.

J'ai confiance dans la validité juridique du plan d'énergie propre aux États-Unis. Les recours n'ont pour but que de reporter les mesures. Certains États se sont lancés spontanément et beaucoup d'entreprises font pression dans ce sens. Le carbone a été reconnu comme un polluant par la Cour suprême. Il pourra y avoir des modulations dans la mise en oeuvre, mais l'engagement est solide. Tout dépend ensuite du résultat des élections présidentielles. La candidate Clinton est tout à fait favorable à cet accord.

Il y a quelque chose à faire pour l'océan, notamment en limitant la pollution terrestre, qu'elle soit d'origine industrielle ou agricole. Le problème est difficile mais doit être traité.

Mme Hakima El Haité . - Le rôle des parlementaires est central. Ils n'ont pas été suffisamment impliqués dans la COP 21, de même que le secteur privé : 80 % des décisions en relation avec le climat sont prises dans les territoires et 65 % des émissions émanent des industries. Il faut donc que se réunissent autour de la table des négociations les entreprises, les collectivités, mais aussi les parlementaires qui font la loi.

Des amis m'ont dit : tu dois mobiliser la France, car de nombreux Français croient que les négociations sont terminées après la COP 21. Il nous faut démocratiser l'information climatique : c'est l'une des responsabilités politiques les plus importantes car il s'agit de changer de mode de consommation, de production, de construction, d'industrialisation, et même de modèles de voiture : même si elles ne nous plaisent pas, il faut acheter des voitures électriques ou hybrides. Bref, nous devons changer de civilisation. Or, c'est vous qui faites les lois !

Je suis ingénieur, docteur et femme politique : c'est un grand défaut ! Je ne reste jamais dans la stratégie sans regarder les détails opérationnels. Or, tout changer ne se fait pas par des discours. De nombreuses constitutions dans le monde reconnaissent l'égalité des genres ; mais elle n'est pas pour autant réalisée partout ! Le climat, c'est tout aussi abstrait : il faut des pratiques et pas seulement des lois. Nous devons aussi revisiter l'éducation.

Vous avez parlé de ma passion : j'ai l'environnement dans le sang, j'aime ce que je fais et l'amour est mon moteur. Mais si j'étais optimiste pour Paris, je le suis beaucoup moins pour Marrakech. La réussite de ce sommet est de la responsabilité du monde entier, y compris vous, Mesdames et Messieurs les sénateurs. En cas d'échec, la confiance disparaîtra. Devant des centraliens, le président du groupe des 44 pays les moins avancés nous a raconté sa vision de l'histoire du changement climatique - c'était le 8 mars, la journée internationale des femmes : Marie et Julien sont amoureux ; Julien promet à Marie le mariage, mais tarde, et Marie attend ; au bout de vingt ans, il s'est enfin décidé, mais Marie est tellement fatiguée d'attendre qu'elle a fini par mourir. Je lui ai répondu qu'il n'avait pas le droit de tuer Marie. D'abord, nous étions le 8 mars, journée de la femme. Ensuite, ma version du changement climatique était celle-ci : Julien fait attendre Marie pendant longtemps, pendant si longtemps qu'il finit par mourir. Alors Marie se trouve un autre amoureux qu'elle épouse ! C'est ainsi que cela va se passer.

Marrakech est important ; mais ce n'est pas le Maroc qui fera la différence mais nous tous. Nous savions à Paris que les contributions mondiales n'allaient pas permettre en 2030 d'atteindre les objectifs. C'est pour cela que je fais confiance aux innovations qui nous permettront d'atteindre nos objectifs. Lorsque j'ai préparé ma thèse en 1989, les ordinateurs étaient énormes, et tellement chers que j'aurais dû prendre un crédit à la banque pour en acheter un. Je ne suis pourtant pas si vieille !

Nous, les Marocains, n'avons pas besoin d'être convaincus. Avec nos 3 500 kilomètres de côte, nous avons perdu des points de PIB et de l'emploi car notre industrie des côtes s'est effondrée à cause de la migration des poissons, de la pollution, de l'acidification et de la hausse de la température de l'eau. Les changements climatiques commencent réellement à menacer notre survie mais nos concitoyens n'en sont pas conscients : nous n'éduquons pas assez nos enfants à l'environnement, nous ne parlons pas assez aux professeurs ; nous ne sommes pas encore prêts pour la nouvelle révolution qui arrive.

Mon amie Laurence Tubiana a parlé d'amitié entre nos deux pays ; dans une famille, il peut y avoir des hauts et des bas, mais on lui garde toujours une place dans notre coeur. Cette histoire commune a commencé il y a très longtemps. Je suis très heureuse et honorée que la France m'ait récompensée, que le président François Hollande m'ait nommée chevalier de la légion d'honneur et que M. Laurent Fabius m'ait remis le marteau ayant servi à sceller l'accord de Paris - il devrait être au musée des Nations-Unies : il est chez moi et, quand je serai moins égoïste, je le lui remettrai...

J'en viens au mix énergétique : il y a une différence entre Laurence Tubiana et moi : je crois à la neutralité des émissions, plutôt qu'à la décarbonation de l'économie. Je suis ingénieur et j'ai été entrepreneur pendant 25 ans. Si vous dites à un entrepreneur qu'il doit faire sa transition énergétique sans délai avec le manque à gagner que cela implique, il vous répondra : donnez-moi de l'argent ou trouvez une solution pour éviter ce manque à gagner. Dans le mix énergétique mondial, le nucléaire existera toujours, comme le charbon - même si j'espère que sa part reculera vite - à côté du solaire et le l'éolien, dont la part augmentera. Je crois à l'équilibre mondial de ce mix énergétique entre le nord et le sud. Vous ne produirez pas d'énergie solaire au pôle Nord comme nous le faisons au Maroc. Restons réalistes.

A la COP 21, nous n'avons pas assisté à un combat d'écologistes, mais de grandes puissances : la Chine et les États-Unis ont ainsi arrêté les discussions pendant deux heures pour discuter d'un mot : fallait-il dire shall ou should ?

Si vous voulez que cela change, il faut que chacun agisse à son niveau : citoyen, promoteur, sénateur, député, chef d'exécutif local... Les investisseurs n'ont pas attendu l'accord de Paris pour faire évoluer leurs choix stratégiques : 56 % des investissements mondiaux dans l'énergie en 2015 ont concerné le renouvelable. Ces entreprises ont compris que c'était une opportunité de business . Elles nous surprendront et deviendront force de proposition, forçant les États à changer. Les flux financiers ont déjà changé. Ce n'était pas un accord environnemental, mais un accord de développement économique et politique de redistribution du pouvoir géopolitique au niveau mondial.

Les migrations climatiques sont en effet un problème. On parle aujourd'hui de justice climatique : le Maroc, jadis pays de transit, est devenu un pays d'accueil de l'immigration. Nous sommes confrontés à ce problème d'intégration, comme vous, ce qui coûte cher. Nous avons régularisé 34 000 migrants, alors que nous manquons de moyens. Les 200 millions de migrants attendus ne menacent pas seulement l'Afrique mais la stabilité mondiale, sans compter les risques terroristes.

Au niveau mondial, les terres côtières rassemblent 60 % de la population, 80 % du tourisme et de l'industrie. Il en va de même au Maroc qui compte 3 500 kilomètres de côtes : les opportunités de développement sont nombreuses, tout autant que les risques. Nous organisons un grand événement qui aura lieu aux Seychelles, État insulaire, avec les Émirats arabes unis et, je l'espère, la France puisque Mme Royal s'intéresse aux océans.

Vous avez rappelé que la première édition d'un forum sur le genre et le climat a été organisé par l'organisation marocaine Women's tribune présidée par Fathia Bennis : cela ne peut que parler à la mère de trois filles et grand-mère d'une petite-fille. Il a été question des femmes, premières victimes du climat. La deuxième édition, qui aura lieu fin septembre au Maroc, ne les présentera pas comme des victimes, mais comme des acteurs du changement. Toutes les femmes chefs d'entreprises et toutes les ministres seront invitées. C'est un rendez-vous à ne pas manquer, Messieurs les sénateurs - car je sais déjà que les sénatrices viendront.

Le Maroc, sous l'impulsion de Sa Majesté, a fait de la coopération Sud-Sud l'une de ses priorités. L'Afrique doit cesser de se victimiser ; elle doit construire l'Afrique. C'est un gisement de ressources humaines, minières, d'énergies renouvelables incroyable ! Or comme elle exporte 75 % de ses productions primaires, elle ne conserve pas la valeur ajoutée. Elle cumule les retards, les vulnérabilités, parfois les défaillances de gouvernance. Nous devons nous prendre en charge en tant qu'Africains. La transition énergétique vous coûtera plus cher à vous, pays développés, qu'à nous : notre retard est notre chance. C'est pourquoi je parle de climate chance , autant que de climate change . Construire une civilisation décarbonée sera plus facile au Sud.

Je vous remercie de votre invitation et vous invite, à mon tour, à toutes nos activités au Maroc. C'est le premier pays à avoir proposé au Nations unies d'inclure un dixième acteur officiel, à savoir les parlementaires, car vous êtes incontournables. Nous ne devons pas attendre huit ans une ratification, comme nous l'avons fait pour le protocole de Kyoto : la lutte contre le changement climatique ne peut plus attendre. Des réunions préparent d'ores et déjà l'Agora des députés qui se tiendra à Marrakech, dans la zone bleue. ( Applaudissements )

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Je vous assure de la mobilisation de la France. Allez à la télévision parler aux Français : il faut les convaincre que la COP 21 ne s'est pas arrêtée à Paris : votre énergie sera communicative et ces applaudissements en témoignent.

ANNEXE 2 -
CALENDRIER DES GRANDS RENDEZ-VOUS INTERNATIONAUX DE L'ANNÉE 2016 EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT, DE CLIMAT ET DE DÉVELOPPEMENT

(Source : ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer)

Volet négociations climat :

- 15-16 avril (Paris): réunion informelle au niveau des négociateurs en chef organisée par la France et co-présidée avec le Maroc pour préparer les sessions de mai à Bonn ; des tables rondes ont été animées sur les règles de l'Accord, les moyens de mise en oeuvre et l'action pré-2020.

- 22 avril (New York) - Journée de la Terre : journée de l'action climat organisée par le SGNU et co-présidée par ce dernier et par le président de la République française : ouverture du registre des signatures de l'Accord de Paris ; tables rondes sur l'agenda de l'action. L'objectif de cette journée était double : obtenir un maximum de signatures par les chefs d'Etat et de gouvernement ou leurs représentants, et relancer la mobilisation des acteurs de la société civile.

- 24 avril (New York) MEF : organisé et présidé par les Etats-Unis mais thèmes définis en coordination avec la présidence de la COP21 ;

- 16-26 mai (Bonn) : sessions des organes subsidiaires. A cette occasion, se tiendront les premières réunions formelles depuis la conférence de Paris pour préparer la mise en oeuvre de l'Accord; le bureau de la COP21 devrait également se réunir à cette occasion ;

- 4-5 juillet (Berlin) : Dialogue de Petersberg. Moment traditionnel marquant le « passage de témoin » d'une présidence de COP à la suivante : le président de la COP22 prend la main.

Evénement de la présidence marocaine de la COP22 (à confirmer) :

- 2-4 juin à Rabat: réunion informelle organisée par le Maroc, première d'une série de « forums » devant préparer la COP22, et portant en particulier sur les CPDN et l'adaptation ;

- 15-16 juillet à Marrakech : Forum sur le prix du Carbone ;

- 1-2 septembre à Rabat : Africa Business Summit ;

- 9-10 septembre à Rabat : Forum sur le renforcement des capacités.

Autres échéances internationales :

- 11-14 avril (Nairobi) : Session plénière du GIEC ;

- 15-17 avril (Washington) : comités de printemps du FMI et de la Banque mondiale ;

- 11-13 mai (Montréal) : Conférence de haut niveau de l'OACI sur le mécanisme de marché pour la compensation des émissions du secteur de l'aviation ;

- 15-16 mai (Hiroshima) : Réunion des ministres de l'environnement du G7 ;

- 23-27 mai (Nairobi) : Assemblée des Nations unies pour l'environnement ;

- 26-27 mai (Shina, Japon) : Sommet du G7 ;

- 28-30 juin (Songdo, Corée) : Conseil du Fonds vert ;

- 29-30 juin (Chine) : Réunion des ministres de l'énergie du G20 ;

- 18-22 juillet (Genève) : Négociation technique sur les HFC dans le cadre du Protocole de Montréal.

Principaux rendez-vous internationaux en 2016 pour avancer sur la question des financements

- 16-26 mai : session de négociation internationale sous l'égide de la CCNUCC (Bonn, Allemagne) : en plus d'un atelier sur la « finance pré-2020 », cette session de négociation devrait permettre de lancer les travaux sur la comptabilisation des flux climats ;

- 26-27 mai : Sommet du G7 (Ise-Shima, Japon) : des paragraphes sur le climat et notamment la finance climat devraient faire partie du communiqué ;

- 7-9 juin : 50 ème Conseil du Fond pour l'Environnement Mondial (Washington, Etats-Unis) : décision attendue sur la facilité dédiée à l'initiative de renforcement des capacités en matière de transparence ;

- 20 juin : réunion du « Climate Finance Study Group » du G20 ;

- 28-29 juin : Climate business week (Londres, Royaume-Uni) ;

- 28-30 juin : 13 ème Conseil du Fonds vert ;

- 4-5 septembre : Sommet du G20 (Hangzhou, Chine) ;

- 7-9 octobre : Assemblées d'automne de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International ;

- 18-20 octobre : 14 ème Conseil du Fonds vert (Equateur) ;

- 4 novembre : projet de réunion « finance privée » organisée par la Caisse des Dépôts et Consignations, la Caisse de Dépôt et de Gestion du Maroc et la Casablanca Finance Authority (Casablanca, Maroc) ;

- 5 novembre : projet de réunion de l' International Development Finance Club (Casablanca, Maroc), avec l'AFD et la Caisse de Dépôt et de Gestion du Maroc (vice-présidents de l'IDFC) ;

- Pendant la COP22 : Dialogue de haut niveau sur les financements (Marrakech, Maroc) ;

- 13-15 décembre : 15 ème Conseil du Fonds vert (Samoa).


* 1 Stern Review on Economics of Climate Change, Lord Nicholas Stern (octobre 2006).

* 2 Rapport d'information de M. Cédric PERRIN, Mmes Leila AÏCHI et Éliane GIRAUD, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 14 (2015-2016) - 6 octobre 2015.

* 3 Conference of the Parties serving as the meeting of the Parties to the Kyoto Protocol (CMP).

* 4 Rapport n° 168 (2014-2015) de Mme Leila AÏCHI, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 10 décembre 2014.

* 5 Le 24 octobre 2014, le Conseil européen a conclu un accord visant, à l'horizon 2030, à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre, à améliorer de 27 % l'efficacité énergétique et à avoir une part d'énergie renouvelable d'au moins 27 %.

* 6 Outre l'Union européenne et ses 28 États membres, seuls l'Australie, la Biélorussie, l'Islande, le Kazakhstan, le Lichtenstein, Monaco, la Norvège, la Suisse et l'Ukraine ont pris des engagements chiffrés pour la deuxième période dans le cadre de l'amendement de Doha.

* 7 Exposé des motifs du présent projet de loi.

* 8 Même source.

* 9 Portail NAZCA (Zone des Acteurs Non-étatiques pour l'Action pour le Climat).

* 10 Décision 1/CP.20 paragraphe 14.

* 11 Source : « L'accord de Paris : un tournant décisif dans la lutte contre le changement climatique ? », par M. Jean-Paul Maréchal, maître de conférence à l'Université Paris Sud, Revue Géoéconomie (2016).

* 12 PNUE (2015), rapport 2015 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions.

* 13 Source : réponses du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer au questionnaire de votre rapporteur.

* 14 « Financements climat : n'oublions pas les pays les plus pauvres », Rapport d'information de Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN, au nom de la commission des finances, n° 713 (2014-2015) - 30 septembre 2015.

* 15 European Union Emission Trading Scheme.

* 16 Cette norme a été adoptée en février 2016.

* 17 OCDE (2015), Rapport accompagnant l'inventaire OCDE des mesures de soutien pour les combustibles fossiles, Éditions OCDE, Paris.

* 18 Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie.

* 19 Il s'agit des secteurs hors système communautaire d'échange de quotas d'émission ( Emissions Trading Scheme ) notamment les transports, le bâtiment, l'agriculture et les déchets (soit, en 2012, 60 % des émissions de GES de l'UE).

* 20 Source : dépêche AEF (19 avril 2016).

* 21 Audition de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques, par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (18 mai 2016).

* 22 Mme Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations climatiques, devant votre commission (18 mai 2016).

* 23 Le financement climatique en 2013-2014 et l'objectif des 100 milliards de dollars, Rapport de l'OCDE établi en collaboration avec Climate Policy Initiative (2014).

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