II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. 40 millions d'euros du programme d'investissements d'avenir n'ont pas été affectés

Le programme d'investissements d'avenir créé par la loi de finances pour 2014 et doté initialement de 150 millions d'euros visait à « soutenir et accélérer la réalisation de projets particulièrement innovants, qui transformeront en profondeur les modalités de l'action publique et faciliteront la vie des entreprises, des particuliers et des agents publics » 40 ( * ) . 24 millions d'euros ont été annulés sur ce programme par la loi de finances rectificative pour 2014.

Les crédits ouverts au titre de ce PIA, soit 126 millions d'euros, ont été versés à la Caisse des dépôts et consignations, qui a été désignée comme l'opérateur de ce projet. Votre rapporteur spécial indiquait lors de l'examen du projet de loi de règlement des comptes 2014 que même si les crédits étaient considérés comme consommés, l'opérateur ne les avait « lui-même pas forcément dépensés ».

Effectivement, il s'avère que plus de 25 % des crédits du PIA n'ont pas été utilisés et le traitement budgétaire du PIA pose problème puisqu'il a conduit à minorer « fictivement » de 40 millions d'euros le montant effectif des dépenses de la mission .

2. Une gestion difficile en raison d'une réserve de précaution « fictive »  sur le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » qui pèse sur les autres programmes

La mise en réserve initiale a été appliquée à chaque programme de la mission.

Montant de la réserve initiale par programme

(en euros)

AE

CP

AE=CP

HT2

T2

Coordination du travail gouvernemental

26 990 521

29 845 156

990 707

Protection des droits et libertés

4 788 293

4 823 430

189 901

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

38 987 444

34 593 789

532 263

Mission

70 766 258

69 262 375

1 712 871

Source : commission des finances à partir du RAP 2015

Une mise en réserve de 8 % des crédits hors dépenses de personnel et de 0,5 % des crédits de personnel a été appliquée au programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », soit le maximum prévu par la loi de programmation des finances publiques. Dans la mesure où ce programme retrace principalement des dépenses « contraintes » (loyers ou marchés), cette mise en réserve est fictive : selon le rapport annuel de performances, « conformément à l'arbitrage du cabinet du Premier ministre, une partie de cette réserve a été levée dès le début de la gestion 41 ( * ) pour un montant de 27,9 millions d'euros en AE et 30,0 millions d'euros en CP. La réserve de précaution a donc été ramenée à 11,1 millions d'euros en AE et à 4,6 millions d'euros en CP, soit respectivement 2,3 % et 1,1 % des crédits ouverts » - au lieu de 8 % initialement.

En effet, les dépenses de ce programme sont rigides dans la mesure où les seuls loyers et charges immobilières du programme 333 représentent 80 % des crédits du programme hors dépenses de personnel - soit 330 millions d'euros. Les 20 % restants (soit 92 millions d'euros) correspondent aux crédits de fonctionnement courant des directions départementales interministérielles : il s'agit notamment des frais d'entretien et d'assurance des véhicules, de nettoyage et de gardiennage, aux frais postaux et en matière de téléphonie-Internet, aux dépenses de petites fournitures et de bureautique ou aux frais de changement de résidence.

Si des économies peuvent être réalisées sur ces postes, grâce à des mutualisations, des rationalisations et la renégociation de certains contrats, il n'en demeure pas moins que ce type de dépenses se prête difficilement à un pilotage infra-annuel.

À la suite du dégel de la réserve de précaution sur le programme 333 et en application du principe dit « d'auto-assurance », « une mesure de régulation [sur le programme 129] décidée par le cabinet du Premier ministre a conduit à geler un montant complémentaire de 15 millions d'euros en AE et CP hors titre 2 pour gager le dégel anticipé d'une partie de la réserve de précaution du programme 333 ».

Le taux de mise en réserve (hors dépenses de personnel), pour ce programme, est donc passé de 7 % des crédits hors dépenses de personnel à 10 % , portant la réserve de précaution (HT2) de 30 millions d'euros à 45 millions d'euros.

Ce surgel a rendu la gestion du programme 129 particulièrement difficile en 2015, d'autant qu'il s'est ajouté au dérapage des fonds spéciaux.

3. Une dépense au titre des fonds spéciaux supérieure aux prévisions

Conformément à la loi de finances initiale, les crédits de l'action « Coordination de la sécurité et de la défense », qui regroupent le budget du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) - et donc de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) -, les fonds spéciaux et le groupement interministériel de contrôle (GIC) ont vu leurs moyens augmenter de 54 millions d'euros par rapport à 2014 (+ 30 %).

Toutefois, les fonds spéciaux ont capté une part importante des crédits supplémentaires : évalués à environ 50 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, ils se sont élevés à plus de 100 millions d'euros, nécessitant le transfert de 34 millions d'euros en provenance du ministère de la Défense, un financement par le biais de la réserve de précaution et, à hauteur de 12 millions d'euros, par la mission « Crédits non répartis » 42 ( * ) . Votre rapporteur spécial n'étant pas membre de la commission de contrôle des fonds spéciaux, il ne connaît l'utilisation précise de ces crédits.

L'action « Soutien » a également vu ses crédits fortement augmenter, et même dépasser le montant prévu en loi de finances initiale : les dépenses de fonctionnement sont supérieures de 10 millions d'euros à la prévision, en raison notamment :

- du coût des vols gouvernementaux, pour un montant de 3,8 millions d'euros, qui font l'objet d'un remboursement au ministère de la Défense et ne sont pas budgétés ;

- et de 1,9 million d'euros de « dépenses relatives au plan Vigipirate ».

Ceci conduit, selon la Cour des comptes, le Contrôleur budgétaire et comptable ministériel des services du Premier ministre à formuler des réserves sur le programme 129, qui « ont porté sur le défaut de financement des vols intergouvernementaux ETEC, pour 4 millions d'euros et sur l'absence de soutenabilité du BOP soutien, sans dégel » 43 ( * ) .

4. Des charges à payer importantes en raison du projet « Fontenoy-Ségur » qui devrait permettre la réalisation d'économies

Les charges à payer, qui correspondent à des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2015, s'élèvent, pour l'ensemble de la mission, à 792 millions d'euros, dont 370 millions d'euros engagés en 2013 en faveur de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), avec des décaissements prévus jusqu'en 2029. Dans la mesure où cette opération prend la forme d'un bail civil en l'état de futur achèvement, cette somme, qui correspond aux loyers (295 millions d'euros) et aux charges forfaitaires (75 millions d'euros) est retracée spécifiquement dans l'annexe du compte général de l'État relatif aux engagements de l'État.

Votre rapporteur spécial s'est rendu sur le chantier le 9 mars dernier et a rencontré les différentes parties prenantes : la direction des services administratifs et financiers (DSAF) des services du Premier ministre, la SOVAFIM et plusieurs services qui ont vocation à rejoindre prochainement le site. Concernant la partie Fontenoy qui accueillera en septembre 2016 la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le Défenseur des droits, les délais semblent tenus : les finitions étaient en cours lors de la visite de votre rapporteur spécial.

S'agissant des futures mutualisations, les travaux en cours semblent plutôt satisfaisants, même si des difficultés sont intervenues sur certains points particuliers : la définition des besoins, lors du début du chantier, a en effet pu évoluer avec les institutions qui doivent y emménager, ce qui nécessite des adaptations du projet initial. Ceci peut concerner par exemple France Stratégie appelé à quitter ses locaux historiques de la rue de Martignac pour rejoindre la partie Ségur et qui organise de plus en plus de manifestations. Ces institutions doivent toutefois être réalistes et ne pas remettre en cause l'économie générale d'un projet cohérent en termes de gestion et qui devrait permettre de réaliser des mutualisations et des économies.


* 40 Rapport annuel de performances 2014.

* 41 Dès le 9 janvier 2015 selon la note d'analyse budgétaire 2015 de la Cour des comptes.

* 42 Ces crédits sont ouverts au titre des dépenses accidentelles et imprévisibles.

* 43 Selon la note d'analyse budgétaire 2015 de la Cour des comptes sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

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