II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des tensions sur la masse salariale du programme 166 « Justice judiciaire »

Les dépenses de personnel du programme 166 « Justice judiciaire » sont sous tension et en 2015, pour la première fois depuis 2012, les crédits effectivement disponibles ont été supérieurs aux crédits prévus par la loi de finances initiale - en raison du PLAT.

Évolution de la prévision et de la consommation
des dépenses de personnel du programme 166 « Justice judiciaire »

(en millions d'euros) (en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des RAP

Alors même que la différence entre le plafond d'emplois et les emplois effectivement pourvus est de près de 900 équivalents temps plein travaillé (ETPT), 99,8 % des crédits disponibles de titre 2 ont été consommés.

En outre, on observe, entre 2014 et 2015, une diminution de 0,8 % des effectifs (-249 ETPT), alors même que la masse salariale augmente de 0,2 % : en effet, les effectifs des agents de catégorie C ont fortement diminué (-617 ETPT, soit 6 %), alors que les agents de catégorie B et notamment les greffiers et les personnels d'encadrement voient leurs effectifs augmenter (+372 ETPT, soit 3,2 %).

À l'aune de ces modifications, la tension sur les dépenses de personnel s'accroît, tout comme le risque d'un décalage croissant avec le plafond d'emplois .

2. Frais de justice : des délais de paiement encore trop longs et un pilotage plus performant à confirmer grâce au système d'information Chorus portail pro

Selon la Cour des comptes, « en 2014, les délais globaux de paiement atteignaient 32 jours, le délai le plus long observé dans tous les ministères, contre 18 jours en moyenne pour les services de l'État. En 2015, ces résultats ce sont encore détériorés et atteignent en moyenne 43,49 jours . Cette détérioration résulte du déploiement de Chorus portail pro, qui fait désormais état de la réalité des retards de paiement » 124 ( * ) .

Interrogée, Marielle Thuau, directrice des services judiciaires et responsable du programme 166, « Justice judiciaire », a indiqué que « pour réduire les délais de paiement, notamment pour les frais de justice, nous avons mis en place Chorus portail pro : le prestataire de frais de justice saisit sa dépense sur le site internet et il est remboursé par le trésor public. Ce site a été développé entre 2014 et 2015 : aujourd'hui, toutes les juridictions et tous les prestataires l'utilisent. Notre objectif est bien de réduire les délais de traitement des frais de justice ».

L'utilisation et le bon fonctionnement du système d'information Chorus portail pro doit permettre non seulement un paiement plus rapide des frais de justice, permettant aux experts sollicités de travailler dans de bonnes conditions avec la justice, mais aussi de mieux identifier les engagements du ministère de la justice à ce titre.

En 2015, une dépense totale de 370 millions d'euros pour le programme 166 « Justice judiciaire » correspondant à des engagements antérieurs a été enregistrée, dont 107,2 millions d'euros au titre des frais de justice - soit 29 %, en forte augmentation par rapport à 2014 (43 millions d'euros, soit 18 %). Selon le rapport annuel de performances, « cette augmentation de la part des frais de justice est due pour partie à l'effort de résorption des stocks de mémoires dans l'optique du déploiement du portail Chorus Pro "frais de justice" ».

3. Des crédits relatifs à la gestion déléguée des établissements pénitentiaires qui rigidifient la dépense de l'administration pénitentiaire

Les restes à payer de la mission, qui correspondent au montant des autorisations d'engagement non couvertes par des crédits de paiement en 2015, s'élèvent à 5,9 milliards d'euros, dont 4,3 milliards d'euros pour le programme 107 « Administration pénitentiaire ».

Selon le compte général de l'État, « les restes à payer concernent essentiellement les crédits destinés à l'ensemble des marchés de gestion déléguée, les loyers dus au titre des contrats de partenariat, les crédits relatifs aux opérations immobilières lancées avant le 31 décembre 2014 et le marché relatif au placement sous surveillance électronique.

« Pour le programme 166 [« Justice judiciaire »] il s'agit principalement de dépenses d'investissement qui concernent des opérations immobilières (1,6 milliard d'euros) », en particulier la construction du nouveau palais de justice de Paris.

L'importance des restes à payer traduit la rigidité des dépenses de la mission et en particulier du programme « Administration pénitentiaire ». L'importance des dépenses relatives à la gestion déléguée des établissements pénitentiaires, sous la forme de loyers à verser, réduit les marges de manoeuvre dont disposent les gestionnaires : en 2015, les crédits de paiement relatifs à la gestion déléguée représentent 28 % des crédits de paiement - et 59 % des autorisations d'engagement - du programme hors dépenses de personnel.

4. Une diminution des charges à payer à confirmer

Les charges à payer, qui correspondent à des opérations pour lesquelles le service a été fait en 2015 mais non payé au 31 décembre 2015, s'élèvent à 273 millions d'euros, en diminution de 25 millions d'euros par rapport à 2014, principalement grâce à une meilleure gestion des frais de justice. Selon le rapport annuel de performances, « il convient d'attendre cependant la fin de l'exercice 2016 pour confirmer cette tendance liée aux bénéfices des démarches d'économies entreprises depuis plusieurs exercices. Il n'est en effet pas exclu que cette baisse soit en partie liée a des retards de certification, notamment dans le cadre du circuit de paiement centralisé compte tenu de changements de périmètre en 2015 (certains prestataires de téléphonie ont rejoint le circuit centralisé courant 2015, ce qui a pu occasionner des retards dans la transmission des mémoires de frais) ».

5. Quelle pérennité du financement de l'aide juridictionnelle ?

La loi de finances pour 2015 a créé un financement de l'aide juridictionnelle par le biais de la fiscalité : l'estimation de recettes correspondantes s'élevait à 43 millions d'euros. La recette enregistrée au titre de la part de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique (TSCA) s'élève à 22,45 millions d'euros au lieu des 25 millions d'euros prévus par le projet de loi de finances pour 2015.

Évolution du financement de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des RAP

Or la loi de finances pour 2016 a introduit une réforme de l'aide juridictionnelle, conduisant notamment à une augmentation des ressources extrabudgétaires pour financer l'augmentation des unités de valeur à partir desquelles est calculée la rémunération de l'avocat.

Aussi, pour la Cour des comptes « le financement de la réforme ne paraît pas assuré à compter de 2017, année où elle produira tous ses effets. Selon le ministère de la justice, le besoin en financement s'élèverait à 22,8 millions d'euros. La direction du budget a indiqué que la "réflexion devait être poursuivie en 2016 pour assurer le financement de l'aide juridique dès 2017" ».


* 124 Selon la note d'exécution de la Cour des comptes.

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