II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » ET 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : BERNARD DELCROS)

1. Une sous-exécution des dépenses d'intervention dans un contexte de transition entre deux programmations de contrats de plan État-régions (CPER)

Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » est constitué à environ 85 % de dépenses d'intervention, couvrant pour l'essentiel les crédits contractualisés dans le cadre des CPER, les crédits non contractualisés du Fonds national d'aménagement du territoire (FNADT) et la prime d'aménagement du territoire (PAT). Pour l'ensemble du programme, les dépenses d'intervention réellement consommées 154 ( * ) diminuent de 19 % en AE et de 5 % en CP par rapport à l'exécution 2014.

Cette baisse est particulièrement prononcée pour les dépenses au titre des CPER , qui diminuent de 23 % en AE et de 15 % en CP . L'année 2015 constitue en effet une année de transition, la nouvelle génération de contrats de plan 2015-2020 ayant été finalisée tardivement tandis que les contrats de projet 2007-2014 n'appellent plus de nouveaux engagements. De nouveaux retards d'engagements sont à craindre en 2016 du fait de la renégociation en cours des CPER des régions concernées par la réforme territoriale.

En 2015, 93,7 millions d'euros de CP ont toutefois été consommés pour couvrir des engagements des CPER 2007-2014. Au 31 décembre 2015, les restes à payer issus de cette génération de CPER sont évalués à 133,9 millions d'euros.

Au-delà de cet effet transitoire, il convient de rappeler que l'enveloppe globale consacrée par le programme 112 à la nouvelle génération de CPER 2015-2020 diminue de près de 42 % par rapport à l'enveloppe initiale définie au titre des CPER 2007-2014, pour s'établir à 725 millions d'euros. Si l'on compare ce chiffre au montant global des engagements de l'État au titre des CPER 2015-2020 - soit 8,82 milliards d'euros selon le compte général de l'État - il apparaît que le programme 112 contribue de façon marginale au financement des CPER.

2. Un premier bilan de la création du CGET : des dépenses de personnel et de fonctionnement inférieures à la prévision

L'année 2015 est la première année pleine d'existence du CGET, dont les dépenses de personnel sont portées par le programme 112 et les moyens de fonctionnement sont partagés entre les programmes 112 et 147.

En premier lieu, on constate que le plafond et le schéma d'emploi prévus pour le CGET en loi de finances initiale pour 2015 ont été respectés . Fin 2015, le CGET comptait 289 équivalents temps travaillé (ETPT) - dont 176 contractuels - soit 5 ETPT de moins que le plafond fixé en loi de finances initiale. Les dépenses de personnel 155 ( * ) sont quant à elles inférieures de 11 % aux crédits votés et s'établissent à 20,76 millions d'euros. Les moindres contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » n'expliquent que marginalement cette sous-exécution.

En second lieu, à périmètre constant, en tenant compte de l'intégration du secrétariat général du comité interministériel des villes (SG CIV) et de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) au CGET, les dépenses de fonctionnement sont inférieures de 7,8 % à la prévision initiale et de 7,4 % à l'exécution 2014 .

Selon le CGET, cette bonne maîtrise des moyens de fonctionnement qui lui sont affectés est permise par la mutualisation de certaines fonctions support avec les autres services du Premier ministre et par le regroupement des services à Saint-Denis. Ces résultats, certes positifs pour les finances publiques, ne doivent toutefois pas faire perdre de vue l'objectif de renforcer l'action et l'efficacité du CGET.

3. La diminution progressive des restes à payer

Selon le compte général de l'État pour l'exercice 2015, les engagements budgétaires de la mission « Politique des territoires » relatifs à des opérations pour lesquelles le service fait n'est pas intervenu s'élevaient à 676 millions d'euros fin 2015 . Ces restes à payer concernent quasiment exclusivement les programmes 112 et 162 du fait de la structure de leurs dépenses d'intervention, contractualisées sur plusieurs années pour les CPER ou versées sur une période moyenne de six exercices budgétaires pour la PAT.

Évolution des restes à payer des programmes 112 et 162

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Programme 112

589,6

591,6

549,8

461,5

Programme 162

261,1

259,0

235,9

209,1

Total

850,7

850,6

785,7

670,6

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports annuels de performances pour 2013 à 2015)

Après avoir quasiment stagné entre 2012 et 2013, les restes à payer du programme 112 ont diminué de 16 % et ceux du programme 162 de 11 % entre 2014 et 2015. Au 31 décembre 2015, les principaux dispositifs concernés par des engagements non couverts étaient les CPER (218,5 millions d'euros toutes générations confondues), la PAT (116 millions d'euros) et le volet « Transport » du plan exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse (201 millions d'euros) 156 ( * ) .

4. Le retard et les surcoûts du système d'information Synergie

Le programme Synergie (système d'information État régions pour la gestion inter-fonds européens), lancé en 2012 par la DATAR, est destiné à assurer le suivi commun des fonds européens et des CPER au niveau régional. En 2014, dans une enquête demandée par la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes s'inquiétait du coût très élevé de ce projet et des incertitudes entourant ce dernier 157 ( * ) .

6,75 millions d'euros en AE et 5,35 millions d'euros en CP ont été versés en 2015 par le CGET à l'Agence des services et de paiement (ASP) au titre de ce programme. La Cour des compte relève ainsi, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015, que le CGET a versé au total 8,75 millions d'euros pour le développement de ce système d'informations, soit plus du double que le montant initialement prévu en 2013, alors même que sa date de mise en service au 1 er janvier 2016 n'a pas été respectée.

5. Des dépenses fiscales en faveur des zones de revitalisation rurale en légère hausse

Les vingt dépenses fiscales associées au programme 112 représentent un coût total approximatif de 426 millions d'euros selon le chiffrage actualisé pour 2015, soit environ 170 % des crédits de paiement consommés sur le programme cette même année. Ces mesures bénéficient principalement au département de Corse et aux zones de revitalisation rurale (ZRR).

Chiffrage actualisé des principales dépenses fiscales du programme 112

(en millions d'euros)

Dépense fiscale

Chiffrage définitif 2014

Chiffrage initial 2015

Chiffrage actualisé 2015

Taux réduits de TVA applicables à divers produits et services consommés ou utilisés en Corse
(article 297 CGI)

190

235

195

Exonération d'impôt sur les bénéfices réalisés dans les entreprises nouvelles créées entre le 1 er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine et entre le 1 er janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale (article 44 sexies CGI)

112

110

115

Crédit d'impôt pour investissement en Corse (article s 244 quater E, 199 ter D, 220 D et 223 O-1-d CGI)

45

39

45

Exonération temporaire des mutations par décès portant sur des immeubles et des droits immobiliers en Corse (article 1135 bis CGI)

15

15

20

Exonération d'impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale pour les entreprises créées ou reprises entre le 1 er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 (article 44 quindecies CGI)

14

9

18

Sous-total

376

408

393

Total toutes dépenses fiscales

400

432

417

Source : rapport annuel de performances pour 2015

Les montants des exonérations d'impôt sur les bénéfices en faveur des entreprises nouvelles créées dans les zones de revitalisation rurale, de redynamisation urbaine et dans les zones d'aide à finalité régionale , prévus par les articles 44 sexies et 44 quindecies du code général des impôts sont revus à la hausse pour s'établir à 133 millions d'euros au total au lieu de 126 millions d'euros. Les exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) applicables aux ZRR représentent des montants nettement plus faibles, de l'ordre de 1 à 2 millions d'euros.

À la suite de la prorogation jusqu'en 2020 de l'exonération d'impôt sur les bénéfices en faveur des petites entreprises créées dans les ZRR (article 44 quindecies précité) et de la révision des critères de définition de ces zones au 1 er juillet 2017 par la loi de finances rectificative pour 2015 158 ( * ) , un suivi attentif de cette dépense fiscale sera nécessaire en 2017 et 2018 afin de s'assurer de son soutien effectif aux territoires ruraux les plus fragiles.

6. Améliorer la lisibilité des documents budgétaires

Comme indiqué précédemment, des retraits d'engagement d'années antérieures, des rétablissements de crédits ainsi que des erreurs d'imputation, d'un montant moindre, sont venues perturber l'exercice 2015. Ces informations sont mentionnées dans la justification au premier euro des différentes actions du rapport annuel de performances, sans toutefois donner lieu à une analyse claire de la consommation réelle des crédits , en particulier au niveau de la mission. Le rapport annuel de performances de la présente mission gagnerait donc à faire preuve de pédagogie et de synthèse, et ce d'autant plus que la mission « Politique des territoires » finance un grand nombre de dispositifs de taille réduite, dans des domaines divers.

Enfin, votre rapporteur spécial se joint à la recommandation de la Cour des comptes d'améliorer la qualité des documents de programmation initiale des programmes 112 et 162, en particulier s'agissant des dépenses de personnel.


* 154 C'est-à-dire en tenant compte des retraits d'engagements juridiques d'années antérieures et des erreurs d'imputation.

* 155 Y compris les contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

* 156 Les restes à payer du volet « Transport » du PEI en Corse devront être couverts par l'agence de financement des infrastructures de transport (AFITF).

* 157 Rapport d'information n° 36 (2014-2015) fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux contrats de projets État régions.

* 158 Article 78 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

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