II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un premier effort de rééquilibrage entre les dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement et d'investissement

L'an passé, votre rapporteur spécial avait fortement insisté sur la nécessité de restaurer la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure . Au cours des derniers exercices, la croissance des dépenses de personnel s'était en effet réalisée au détriment des dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Évolution comparée des dépenses de personnel et des
autres dépenses depuis 2006

(en millions d'euros)

2006

2014

Évolution 2006 / 2014

Titre 2

12 685

15 428

21,6 %

Hors titre 2

2 641

2 116

- 19,9 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À cet égard, l'exercice 2015 est marqué par un premier effort de rééquilibrage entre les moyens et les effectifs , comme en témoigne l'évolution de la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses, orientée légèrement à la baisse (87,4 % contre 87,9 % en 2014).

Évolution des dépenses de personnel depuis 2011

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2014-2015

Police nationale

Titre 2

8 076,67

8 269,36

8 421,55

8 568,24

8 692,72

1,45 %

Total

9 085,22

9 205,28

9 345,47

9 467,27

9 702,57

2,49 %

Titre 2 / Total

88,9 %

89,8 %

90,1 %

90,5 %

89,6 %

Gendarmerie nationale

Titre 2

6 435,65

6 649,50

6 825,97

6 859,38

6 908,62

0,72 %

Total

7 719,96

7 849,29

8 051,49

8 076,53

8 147,32

0,88 %

Titre 2 / Total

83,4 %

84,7 %

84,8 %

84,9 %

84,8 %

Total pour les deux programmes

Titre 2

14 512,32

14 918,86

15 247,52

15 427,62

15 601,34

1,13 %

Total

16 805,18

17 054,57

17 396,96

17 543,80

17 849,89

1,74 %

Titre 2 / Total

86,4 %

87,5 %

87,6 %

87,9 %

87,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette évolution favorable traduit essentiellement l'effort particulier réalisé en matière d'investissement et de fonctionnement dans le cadre du PLAT.

La hausse est particulièrement significative s'agissant des dépenses d'investissement, avec une progression de 63,3 % en AE et de 13 % en CP.

Évolution des dépenses d'investissement depuis 2014

(en millions d'euros)

Exécution 2014

Exécution 2015

Évolution 2014-2015

Gendarmerie nationale

AE

57,6

102

77,2 %

CP

108,4

101,3

- 6,5 %

Police nationale

AE

118,7

185,8

56,5 %

CP

130,1

168,2

29,3 %

Total

AE

176,3

287,8

63,3 %

CP

238,5

269,5

13 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

S'agissant des dépenses de fonctionnement, la hausse est de 4,8 %.

Évolution des dépenses de fonctionnement depuis 2014

(en millions d'euros)

Exécution 2014

Exécution 2015

Évolution 2014-2015

Gendarmerie nationale

1097,6

1128,6

2,8 %

Police nationale

728,6

786,1

7,9 %

Total

1826,2

1914,7

4,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Un rétablissement de la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure qui suppose des réformes d'organisation plus ambitieuses

Ce constat globalement positif doit toutefois être nuancé.

En effet, la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses demeure à un niveau significativement plus élevé qu'en 2006.

Évolution de la part des dépenses de personnel
dans le total des dépenses depuis 2006

(en millions d'euros, en %)

2006

2015

Titre 2

12 685

15 601

Hors titre 2

2 641

2 249

Titre 2 / Total

82,8 %

87,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, l'effort particulier réalisé en 2015 en matière de fonctionnement et d'investissement devra être poursuivi dans la durée pour restaurer la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure.

Dans un contexte budgétaire contraint, la soutenabilité d'une telle évolution dépend notamment de la maîtrise des dépenses de personnel.

Or, force est de constater que l'exercice 2015 n'inverse pas la tendance observée au cours des derniers exercices en la matière . Sur l'exercice, le rythme de croissance des dépenses de personnel est ainsi deux fois supérieur à celui des équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Évolution comparée du plafond d'emplois réalisé et des dépenses de personnel

(en ETPT, en millions d'euros)

2006

2014

2015

Évolution 2006-2014

Évolution 2014-2015

Plafond d'emplois

246 107

237 962

239 470

- 3,3 %

0,6 %

Dépenses de personnel

12 685

15 427

15 601

21,6 %

1,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À cet égard, il peut être noté que les deux protocoles pour la valorisation des carrières et des compétences signés en avril 2016 devraient se traduire par un coût supplémentaire de 650 millions d'euros d'ici 2020 pour les deux programmes (865 millions d'euros en intégrant l'ensemble des mesures catégorielles décidées depuis 2013) 187 ( * ) .

Dans ce contexte, la résorption du stock d'heures supplémentaires reste un défi majeur. En 2015, le stock d'heures supplémentaires est de nouveau orienté à la hausse, dans un contexte de forte mobilisation des forces de l'ordre : la Cour des comptes indique ainsi que le nombre d'heures récupérables au 31 décembre 2015 devrait être compris entre 18,6 et 19 millions d'heures, contre 17,2 millions d'heures au 31 décembre 2014, ce qui « fait peser un risque significatif sur la soutenabilité des dépenses de titre 2 » 188 ( * ) .

À cet égard, votre rapporteur spécial s'associe pleinement aux remarques de la Cour des comptes, qui souligne la nécessité de « réformes d'organisation plus ambitieuses », évoquant en particulier les règles d'organisation du temps de travail des policiers , qualifiées de « complexes et coûteuses ».

À cet égard, il convient de nouveau d'insister sur l'opportunité que représente la « remise à plat » des cycles de travail actuellement en cours pour la soutenabilité budgétaire des deux programmes 189 ( * ) .

3. Un dispositif de performance à refonder

Comme en 2014, le dispositif de performance des deux programmes est marqué par un problème d'imputation de grande ampleur. S'agissant des chiffres de la délinquance, la mise en place de nouveaux logiciels de rédaction des procédures au sein des forces de police et de gendarmerie s'est traduite par des ruptures statistiques importantes qui empêchent d'effectuer des comparaisons fiables d'une année sur l'autre, comme l'ont confirmé tant l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) 190 ( * ) que la mission sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure 191 ( * ) .

Ainsi, la mission précitée indique que 2016 constituera dans le meilleur des cas la première année de référence fiable pour les statistiques de la délinquance enregistrée par les forces de sécurité intérieure .

Toutefois, le nouveau service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) créé en 2014 a établi une méthode de retraitement statistique permettant de corriger les effets liés au déploiement des logiciels. Les données publiées permettent ainsi d'observer l'évolution de la délinquance sur l'exercice à travers neuf indicateurs.

Évolution de la délinquance entre 2014 et 2015

(en %)

Faits constatés sur les douze derniers mois

Nombre

Variation

Homicides

914

13,1%

Vols avec armes

10 120

- 14,6%

Vols violents sans armes

95 624

- 9,9%

Vols sans violence contre des personnes

691 326

- 1,0%

Coups et blessures volontaires

211 745

1,4%

Cambriolages

233 035

- 1,8%

Vols de véhicules

167 663

- 0,8%

Vols dans les véhicules

263 727

1,6%

Vols d'accessoires sur véhicules

113 080

- 8,5%

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'analyse conjoncturelle « Interstats Conjoncture » n° 3 de décembre 2015)

À cet égard, la rupture statistique liée à la mise en place des nouveaux logiciels constitue une opportunité pour refondre sans dommage le dispositif de performance des deux programmes afin de l'aligner sur les neuf catégories retracées dans les enquêtes de conjoncture du SSMSI.

Afin de détecter les éventuelles stratégies visant à minorer la réalité de la délinquance et de tenir compte du fait que toutes les victimes ne se font pas connaître des services de police et de gendarmerie, ces indicateurs pourraient utilement être complétés par les données issues des enquêtes de victimation de l'ONDRP , ce qui supposerait toutefois d'en revoir le calendrier ou le délai de traitement.


* 187 Les Échos, « Revalorisation : 650 millions d'euros pour les policiers et les gendarmes », 12 avril 2016.

* 188 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire, p. 8.

* 189 Cf. rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 38 et s.

* 190 Bulletin mensuel de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, ISSN 2265-9110, janvier 2015.

* 191 Rapport sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure publié le 12 juillet 2013 et co-écrit par Michel Rouzeau (IGA), Jean-Christophe Sintive (IGA), Christian Loiseau (IGPN), Armand Savin (IGPN), Claude Loron (IGGN) et Isabelle Kabla-Langlois (INSEE), p. 8.

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