II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI APPORTE DES SOLUTIONS CONCRÈTES AUX COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

Si la loi du 13 décembre 2000 et les lois qui l'ont modifiée ont donné aux collectivités régionales et départementales d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique des pouvoirs leur permettant de mener une action désormais qualifiée de diplomatique, ces collectivités aspirent à disposer de nouveaux outils pour renforcer leur intégration régionale, dans un environnement géographique élargi. Cette demande est à la fois ancienne et constante, puisqu'elle s'est exprimée lors des États généraux des outre-mer en 2009 et, plus récemment, lors des États généraux de la démocratie territoriale organisés à l'initiative du Sénat, les 4 et 5 octobre 2012.

Comme le rappelait M. André Laignel en 2013, au-delà des pouvoirs spécifiques que leur confère la loi, « les collectivités des outre-mer sont bien placées pour être de véritables promoteurs de l'image et des intérêts de la France dans leur zone géographique de coopération. [...] La Réunion, de manière très active, et, avec un peu plus de difficultés les collectivités des Antilles et de Guyane, ont une vocation à occuper une place croissante dans notre dispositif respectivement dans l'océan Indien et dans la zone Caraïbe. [...] Leur rôle doit aller au-delà de la coopération dite régionale. Il peut se situer dans des domaines très variés : présence consultative ou de plein droit dans les enceintes internationales ouvertes à des pays non indépendants, travail avec les ambassadeurs français en poste dans les pays voisins ou chargés spécialement de nous représenter dans les zones en question, projets menés avec l'Agence française de développement . »

La présente proposition de loi poursuit un double objectif : renforcer la capacité des territoires ultramarins relevant de l'article 73 de la Constitution - départements et régions d'outre-mer et les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique - de bénéficier d'outils renforcés et étendus en matière de coopération régionale et leur permettre de résoudre les difficultés rencontrées dans leur politique d'intégration régionale :

- difficulté de contractualiser avec des États dans lesquels n'existent pas de collectivités territoriales ;

- difficulté de définir un projet de partenariat avec plusieurs collectivités territoriales d'un même État ;

- périmètre géographique plus adapté aux réalités de leur politique de coopération régionale ;

- statut de leurs agents présents dans les ambassades françaises auprès des pays étrangers.

La proposition de loi apporte ainsi les adaptations nécessaires sans toutefois porter atteinte aux prérogatives de l'État pour assurer la cohérence de l'action diplomatique menée par les différents acteurs qui y concourent.

Il est ainsi proposé, à l' article 1 er , de préciser les cas dans lesquels les collectivités ultramarines pourront déroger au principe général leur interdisant de signer des accords avec un ou plusieurs États étrangers. Les articles 2 à 8 procèdent à une extension du champ géographique de la notion de coopération régionale, permettant à chaque collectivité de nouer des relations conventionnelles avec un nombre élargi d'États. Les articles 9 à 12 , les plus novateurs de la proposition de loi, prévoient la faculté, pour les présidents de collectivité, d'élaborer un programme-cadre de coopération régionale pour définir les projets de négociation qu'ils souhaitent conduire au cours de leur mandat. L'accord des autorités de la République devrait être obtenu. L'objectif d'un tel programme-cadre est de favoriser un dialogue entre les autorités de l'État et les élus ultramarins sur les stratégies en matière de coopération régionale. Les articles 13 à 15 aménagent le statut des agents publics de ces collectivités chargés de les représenter dans le cadre de leurs missions diplomatiques, en particulier en leur octroyant un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais adaptés aux conditions d'exercice de leurs fonctions. Enfin, l' article 16 tend à permettre à ces agents de bénéficier des privilèges et immunités du corps diplomatique d'État reconnu par la convention de Vienne du 18 avril 1961.

Plusieurs amendements de précision et d'harmonisation rédactionnelles ont été adoptés lors de l'examen de ce texte en commission puis en séance à l'Assemblée nationale. On relèvera la faculté pour les régions et départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique de participer à une banque régionale de développement ou à une institution de financement régionale ainsi que l'application, dans la collectivité de Polynésie française, des dispositions régissant l'Agence France locale.

Votre commission approuve les dispositions de la présente proposition de loi issues des travaux de l'Assemblée nationale en ce qu'elles ne remettent pas en cause les prérogatives d'un État unitaire comme le nôtre en matière diplomatique tout en élargissant les compétences des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution. Elles apportent la souplesse réclamée par les élus ultramarins tout en l'inscrivant dans notre cadre constitutionnel selon lequel la diplomatie est un domaine régalien par excellence. On rappellera que le titre VI de la Constitution de 1958 - « Des traités et accords internationaux » - distingue deux catégories d'engagements internationaux : les « traités négociés et ratifiés par le Président de la République et les « accords » dont le Chef de l'État est seulement informé de la négociation, et qui ne sont pas ratifiés, mais font l'objet d'une approbation par le Gouvernement 13 ( * ) .

Il n'apparaît pas possible - ni peut-être même souhaitable - d'aller plus loin dans le cadre constitutionnel actuel. En tout état de cause, votre commission se félicite de l'apport de la proposition de loi qui concourt à la fois aux objectifs de développement dans des zones géographiques de grande importance pour notre diplomatie, aux intérêts économiques de nos territoires ultramarins et « à leur crédibilité dans le dialogue avec leurs voisins les plus proches sur des enjeux mieux partagés. »

Sur un plan plus pratique, dans un contexte où l'État ne dispose plus des moyens nécessaires pour mener seul les actions diplomatiques nécessaires au rayonnement de notre pays - comme en attestent les fermetures de consulats ou la réduction d'effectifs de certains postes diplomatiques - les collectivités territoriales d'outre-mer peuvent, en raison de leur connaissance géostratégique, contribuer à la mise en oeuvre de politiques conventionnelles indispensables pour notre diplomatie. Par ailleurs, le développement économique de ces collectivités se trouve plus dans leur environnement géographique immédiat que dans leurs relations avec l'Hexagone.

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Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification .


* 13 Article 52 de la Constitution.

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