II. UN PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR QUI N'ÉVITERA PAS LES ÉCUEILS RENCONTRÉS PAR LE PASSÉ

La création d'une mission budgétaire dédiée n'évitera aucun des problèmes déjà constatés sur les deux premiers programmes d'investissements d'avenir : plusieurs cas de débudgétisations sont d'ores et déjà identifiés et le décaissement artificiel de 2 milliards d'euros chaque année, sans lien réel avec les dépenses des opérateurs, complexifiera encore davantage le travail de suivi des crédits du PIA.

Il semble en réalité que le Gouvernement se soit arrêté au milieu du gué : une mission pérenne est créée, mais sans crédits de paiement et sans adéquation entre les dépenses portées par les programmes et les décaissements réels des opérateurs des investissements d'avenir.

A. DES DÉBUDGÉTISATIONS DÉJÀ PRÉVUES

La spécificité du programme d'investissements d'avenir tient, en principe, aux dépenses qu'il finance et qui diffèrent des actions menées par ailleurs sur le budget général de l'État : sans cela, l'existence et le maintien de règles budgétaires dérogatoires du droit commun seraient difficiles à justifier.

Ainsi, comme le formulait déjà le rapport Juppé-Rocard de 2009, en vertu du principe d'additionnalité, les crédits du programme d'investissements d'avenir ne sont pas censés se substituer à des crédits budgétaires mais doivent permettre de financer des projets innovants que ne portent pas les missions budgétaires préexistantes. En outre, une étanchéité stricte doit être maintenue entre le budget de l'État et les fonds alloués dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir. Autrement dit, il ne doit pas être possible d'utiliser ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de l'État.

Or le troisième programme d'investissements d'avenir prévoit déjà des dépenses qui ne respectent ni le principe d'additionnalité, ni celui d'étanchéité .

Ainsi, le « Plan numérique à l'école », doté de 158 millions d'euros financés par le deuxième programme d'investissements d'avenir est prolongé par le troisième programme , au sein de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » dotée de 500 millions d'euros (en autorisations d'engagement) et qui vise à « soutenir, dans le système scolaire, des initiatives de terrain d'éducation au numérique par le numérique ».

Sur le fond, la pertinence de ces plans successifs peut être interrogée au regard des conclusions pour le moins circonspectes de l'OCDE sur l'impact de tels projets. Ainsi, l'organisation rappelle qu'« au cours des dix dernières années, les pays qui ont consenti d'importants investissements dans les TIC dans le domaine de l'éducation n'ont, en moyenne, enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences » .

Du point de vue des règles de gestion du PIA, la conformité de ces dépenses est douteuse. À titre de rappel, la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 qui a mis en place le premier programme d'investissements d'avenir prévoyait que les crédits ouverts financent des investissements « visant à augmenter le potentiel de croissance de la France », dans des projets « à haut potentiel pour l'économie » .

L'impact sur la croissance économique et le potentiel de production de la France résultant de la distribution de tablettes à des collégiens est, au mieux, très incertain.

De même, le réacteur de recherche Jules Horowitz continue d'être financé sur des crédits du programme d'investissements d'avenir alors même que le Parlement comme la Cour des comptes ont indiqué à plusieurs reprises que le coût de construction de ce réacteur relevait clairement des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .

De façon générale, la rédaction de nombre d'intitulés est si large qu'il est difficile de concevoir un projet qui ne puisse pas, de gré ou de force, y être inséré.

De façon générale, dans la mesure où les crédits d'intervention du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » sont en baisse continue depuis plusieurs années (- 6,4 % en 2017, soit 16,2 millions d'euros), il y a lieu de se demander si une partie des aides du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »ne pourrait pas correspondre à des débudgétisations .

Doit en particulier être signalée l'action « Grands défis » du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », qui pourra financer le secteur de la culture. Il serait envisagé que la rénovation du Grand Palais soit pour partie financée par des crédits issus du PIA , alors même que la contribution de la restauration de ce monument à la croissance potentielle de la France reste à démontrer.

L'action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » laisse aussi songeur : un de ses volets intègre des financements dédiés à la rénovation urbaine. Pourtant, le programme « Habiter mieux », financé par le deuxième programme d'investissements d'avenir, avait été signalé par le Parlement et la Cour des comptes comme relevant d'une débudgétisation manifeste.

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