II. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE

A. LA REPRISE D'UNE TRAJECTOIRE ASCENDANTE QUI NE PEUT FAIRE OUBLIER DES ANNÉES DE BAISSE

1. Une APD française stabilisée en 2015 à un niveau peu élevé

Entre 2010 et 2014, l'APD de la France n'a cessé de diminuer, passant de 12,9 milliards de dollars (0,5% du RNB) à 10,6 milliards de dollars (0,37 % du RNB). En 2015, l'APD de la France est en diminution en dollars courants (9,2 milliards de dollars) mais en hausse de 2,8 % en dollars constants (10,9 milliards de dollars). La part du RNB consacrée à l'aide publique au développement reste stable à 0,37 % .

APD de la France entre 2000 et 2014

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE - les données 2015 sont provisoires

La France est donc loin de respecter l'objectif de 0,7 % pourtant rappelé dans la loi de programmation précitée relative à l'APD, dont le rapport annexé prévoit que « la France s'appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement ».

D'après les prévisions du Gouvernement, l'APD de la France se maintiendrait à 0,37 % de son RNB en 2016 et augmenterai à 0,41 % en 2017, soit son niveau de 2013.

2. Une tardive « inversion de la courbe » de l'APD en 2016, confirmée en 2017, qui ne parvient pas à occulter un quinquennat de baisse

Les chiffres précédents concernent l'aide publique au développement de la France au sens de l'OCDE, c'est-à-dire l'agrégat correspondant à l'ensemble des flux comptabilisés en APD selon les règles de l'organisation et réunissant des dépenses aussi diverses que les crédits budgétaires des différentes missions, l'APD résultant des prêts concessionnels ou encore les dépenses domestiques en faveur des réfugiés. Si ce chiffre est pertinent dans la mesure où c'est à son aune que s'apprécie le respect par la France de son engagement de consacrer 0,7 % de son RNB au développement et qu'il permet les comparaisons internationales, vos rapporteurs spéciaux ont souhaité s'intéresser à l'évolution des ressources spécifiquement consacrées au développement, c'est-à-dire au produit des taxes affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et, au sein de la mission « Aide publique au développement », des crédits des programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Évolution des ressources consacrées spécifiquement
à l'aide publique au développement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Évolution des ressources consacrées spécifiquement
à l'aide publique au développement

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017
(texte transmis au Sénat)

TTF affectée au FSD

-

-

-

-

-

-

60

100

140

260

528

TTF affectée à l'AFD

-

-

-

-

-

-

-

-

-

268 1

270

Taxe avion

164

173

162

163

175

185

185

204

210

210

210

Programme 110 (LFI)

988

972

1 042

1 187

1 170

1 192

1 161

1 110

1 027

938

966

Programme 209 (LFI)

2 116

2 072

2 087

2 293

2 134

2 106

1 959

1 789

1 772

1 572

1 642

Programme 110 (exéc.)

981

943

1 025

1 170

1 183

1 157

1 094

1 034

989

-

-

Programme 209 (exéc.)

2 072

2 031

2 170

2 357

2 087

1 868

1 873

1 719

1 666

-

-

Total en LFI

3 268

3 217

3 290

3 643

3 479

3 483

3 365

3 203

3 148

3 248

3 616

Total en exécution

3 217

3 147

3 357

3 690

3 445

3 209

3 212

3 057

3 005

-

-

1 Le montant définitif affecté au FSD en 2016 n'est pas encore connu, car il est défini comme un pourcentage du produit 2016 de la taxe. Ce chiffre correspond à l'estimation figurant p. 68 du tome I des Voies et moyens, qui a servi de base pour définir le montant 2017 affecté au FSD. On notera cependant que le même document estime ce montant à 273 millions d'euros (pages 148 et 159).

Source : commission des finances du Sénat

Entre 2008 et 2012, les dépenses consacrées par la France à l'aide publique au développement se sont élevées à 16,85 milliards d'euros en exécution. Le maximum a été atteint en 2010 (3,7 milliards d'euros) avant de diminuer jusqu'à un montant de 3,2 milliards d'euros en 2012.

Dans la foulée du changement de majorité, une nouvelle loi de programmation des finances publiques était adoptée en décembre 2012 4 ( * ) . Alors que la précédente loi de programmation 5 ( * ) prévoyait une stabilisation des crédits de la mission - hors compte d'affectation spéciale « Pensions » - à 3,31 milliards d'euros en crédits de paiement, la loi de décembre 2012 proposait une baisse des crédits de 240 millions d'euros à l'horizon 2015 . Cette diminution fut amplifiée par la dernière loi de programmation 6 ( * ) de décembre 2014, qui prévoyait une baisse des crédits de 470 millions d'euros supplémentaires à l'horizon 2017. Entre temps, la loi de programmation relative à la politique de développement, adoptée en juillet 2014, prévoyait que « la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu'elle s'est fixés dès lors qu'elle renouera avec la croissance », sans qu'un calendrier précis n'ait été établi.

Cette programmation financière à la baisse se confirmait en exécution, avec une diminution, entre 2012 et 2015, de 335 millions d'euros en loi de finances initiale et de 204 millions d'euros en exécution .

Fin 2015, dans la perspective de la tenue à Paris de la COP 21, le Président de la République annonçait que l'AFD réaliserait 4 milliards d'euros de prêts supplémentaires à partir de 2020 et qu'à la même date, le montant des dons serait en hausse de 370 millions d'euros 7 ( * ) . Le projet de loi de finances pour 2016 proposait cependant au Parlement une diminution de 180 millions d'euros des crédits de la mission, légèrement atténuée par une hausse de 20 millions d'euros des taxes affectées. À l'issue d'un débat parlementaire particulièrement critique envers le Gouvernement , au cours duquel votre commission avait proposé au Sénat de rejeter les crédits de la mission, plusieurs amendements avaient permis d'obtenir une hausse de 290 millions d'euros par rapport au budget initialement présenté. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, la hausse était de 100 millions d'euros.

En 2017 , le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement prévoyait une stabilisation des taxes affectées et une hausse de 130 millions d'euros environ (voir détail infra ) des crédits de la mission. Au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, sous la pression de sa majorité, le Gouvernement a proposé une hausse supplémentaire de 150 millions d'euros des crédits de la mission (soit une augmentation totale de 280 millions d'euros). Mais les députés ont préféré affecter, dès la discussion de la première partie de la loi de finances, 270 millions d'euros à l'AFD , à partir des recettes de la TTF. Cette affectation, qui pourrait être doublement remise en cause (cf. infra ) permettrait de porter à 3,65 milliards d'euros les ressources consacrées au développement en 2017, soit un montant supérieur de 170 millions d'euros à celui de 2012 .

En définitive, votre rapporteure spéciale Fabienne Keller se réjouit certes de cette augmentation des crédits. Elle constate cependant que la courbe ascendante de l'aide publique au développement ne s'est inversée que tardivement, en 2016, et qu'elle ne réussit à retrouver le niveau de 2012 qu'au cours de la dernière année du quinquennat . De plus, cette inversion devra encore être confirmée en exécution, les données jusqu'à présent constatées - c'est-à-dire jusqu'en 2015 - ne faisant apparaître que des baisses. Enfin, si l'on compare les ressources exécutées entre 2013 et 2017 (15,80 milliards d'euros), en retenant pour les deux dernières années une hypothèse d'exécution raisonnable de 95 %, à celles exécutées entre 2008 et 2012 (16,85 milliards d'euros), l'on constate que le bilan du quinquennat de l'actuel Président de la République se résume à une perte d'un milliard d'euros pour le développement .


* 4 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques 2012-2017.

* 5 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques 2011-2014.

* 6 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques 2014-2019.

* 7 Pour plus de détail sur ces annonces, voir le rapport spécial de la mission « Aide publique au développement » de vos rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2016 (rapport n° 164 (2015-2016) - annexe 4).

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