B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS » : UNE BAISSE HORS MESURES EXCEPTIONNELLES

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace pour sa part des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et, depuis 2010, à la Grèce.

Évolution des crédits du compte de concours financier « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2015

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

Exécutés 2015

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

851 - Réserve pays émergents

115,8

372,0

300,0

182,9

300,0

300,0

+ 221,3 %

- 19,4 %

+ 64,0 %

-

852 - Prêts pour consolidation de dettes

129,2

734,7

148,0

129,2

734,7

148,0

+ 468,6 %

- 79,9 %

+ 468,6 %

- 79,9 %

853 - Prêts à l'AFD (Ressource à condition spéciale)

480,0

400,0

1 552,0

380,0

58,5

250,0

- 16,7 %

+ 288,0 %

- 84,6 %

+ 327,4 %

854 - Prêts aux États membres dont la monnaie est l'euro

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Total du compte

725,0

1 506,7

2 000,0

692,2

1 093,2

698,0

+ 107,8%

+ 32,7%

+ 57,9%

- 36,2%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La principale évolution notable concerne la forte augmentation des AE au titre de la ressource à condition spéciale, pratiquement multipliée par trois. Cette hausse s'explique par une mesure exceptionnelle représentant plus d'un milliard d'autorisations d'engagements : l'AFD mettra en oeuvre, pour le compte de l'État, un prêt de concessionnel à l'association internationale de développement (AID) et au Fonds africain de développement, dans le cadre de leur reconstitution.

C. LES TAXES AFFECTÉES AU DÉVELOPPEMENT : LE SOUHAIT DES DÉPUTÉS D'AFFECTER 270 MILLIONS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES À L'AFD

Bien qu'il ne s'agisse pas de crédits budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ont choisi de présenter dans le présent rapport l'évolution des taxes affectées au développement - et plus précisément, pour l'essentiel, au Fonds de solidarité pour le développement -, dans la mesure où ces recettes viennent souvent compenser des baisses de crédits budgétaires.

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD)

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé en 2005 10 ( * ) pour gérer le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Il a pour objet de contribuer « au financement des pays en développement et de tendre à réaliser les objectifs du millénaire pour le développement » .

Géré par l'Agence française de développement (AFD), ce fonds est régi par le décret du 12 septembre 2006 11 ( * ) , qui prévoit notamment un comité de pilotage, qui veille à la bonne gestion du fonds, et la conclusion d'une convention entre l'État et l'AFD sur les modalités de gestion et de suivi du FSD.

Ce décret fixe les modalités d'utilisation des ressources affectées au fonds, qui peuvent notamment financer le secteur de la santé (vaccination, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, UnitAid) et de l'environnement (Fonds vert pour le climat notamment). Il finance essentiellement de l'aide publique au développement multilatérale.

Le décret devrait être modifié début novembre 2016 afin de modifier la gouvernance du fonds et d'étendre ses bénéficiaires, notamment à l'Agence française de développement.

1. La taxe sur les billets d'avion : un montant toujours plafonné à 210 millions d'euros

Le produit de la taxe sur les billets d'avions - dite « taxe Chirac » -, prévue à l'article 302 bis K du code général des impôts, est assise sur le nombre de passagers et le fret embarqués en France sur chaque vol commercial. Son produit est affecté au fonds de solidarité pour le développement (FSD), dans la limite - depuis 2014 12 ( * ) - d'un plafond de 210 millions d'euros. Celui-ci a été atteint en 2015 et depuis lors le dynamisme de cette taxe bénéficie exclusivement au budget général de l'État, ce qui représente une moindre recette de 20 millions d'euros pour le FSD en 2016 et, d'après les prévisions, en 2017.

Répartition du produit de la taxe sur les billets d'avions

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant budget général

-

-

-

-

-

12

20

20

Montant FSD

163

175

185

185

204

210

210

210

Total

163

175

185

185

204

222

230

230

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. La taxe sur les transactions financières : le choix des députés d'affecter de nouveau 270 millions supplémentaires à l'AFD

La taxe sur les transactions financières (TTF), codifiée à l'article 235 ter ZD du code général des impôts, a été créée par la première loi de finances rectificative pour 2012 13 ( * ) . Elle est assise sur les opérations d'achat d'actions de sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1 er janvier de l'année d'imposition.

La loi de finances pour 2013 14 ( * ) a prévu d' en affecter une part au fonds de solidarité pour le développement , initialement fixée à 10 % du produit de la taxe, dans la limite d'un plafond de 60 millions d'euros. Cette part a progressivement augmenté pour en représenter 15 % en 2014, dans la limite d'un plafond de 100 millions d'euros, puis 25 % en 2015, dans la limite d'un plafond de 140 millions d'euros. La loi de finances pour 2016 15 ( * ) (article 41) a supprimé le pourcentage d'affectation du produit de la taxe au FSD, augmenté le plafond à 260 millions d'euros et (article 43), prévu d' affecter 25 % du produit de la taxe à l'Agence française de développement (AFD), sans spécifier de plafond.

Au total, en 2016, près de la moitié du produit de cette taxe a bénéficié au développement . Au cours de son intervention dans le cadre de la semaine des ambassadeurs, le 30 août dernier, le Président de la République s'est engagé à augmenter ce pourcentage : « nous irons au-delà l'année prochaine pour qu'une part encore plus substantielle de la taxe puisse être affectée à ces objectifs ». Pourtant, le projet de loi de finances pour 2017 ne comprenait aucune disposition en ce sens. Ce n'est qu'au cours du débat à l'Assemblée nationale que nos collègues députés ont décidé, avec l'avis défavorable du Gouvernement, d'affecter 270 millions d'euros supplémentaires à l'Agence française de développement 16 ( * ) .

Répartition du produit de la taxe sur les transactions financières

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

PLF 2017

Texte transmis

Produit total de la taxe

766

871

1 057

1 093

1 106

1 659

Part affectée au FSD

10 %

15 %

25 %

-

-

-

Plafond de l'affectation au FSD

60

100

140

260

-

-

Écrêtement de la part revenant au FSD du fait du plafonnement

17

31

124

-

-

-

Montant affecté au FSD

60

100

140

260

528

528

Part affectée à l'AFD

-

-

-

25 %

-

-

Montant affecté à l'AFD

-

-

-

268

-

270

Montant revenant au budget général de l'État

706

771

917

565

578

861

Part de la taxe bénéficiant au développement

7,8 %

11,5 %

13,2 %

48,3 %

47,7 %

48,1 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La proposition des rapporteurs spéciaux de mettre à contribution
les secteurs des transports aériens et maritimes

Dans leur rapport d'information sur l'aide publique au développement en matière de changement climatique 17 ( * ) , les rapporteurs spéciaux appelaient à surmonter la contrainte budgétaire actuelle en mettant notamment en place une taxation - au niveau international, afin d'éviter une délocalisation de la base taxable - des secteurs des transports aériens et maritimes, dont le produit serait affecté au Fonds vert pour le climat. Ils avaient estimé que la taxation de ces deux secteurs se justifiait par le fait qu'ils représentent 5 % des émissions de gaz à effet de serre - une part destinée à croître de façon importante - et qu'ils ne sont pas intégrés aux mécanismes européens de quotas carbone.

Au premier semestre 2016, ils ont souhaité approfondir le sujet au cours d'auditions à Paris et d'une mission à Londres, siège de l'Organisation maritime internationale (OMI). Ont ainsi notamment été entendus Loïc Aballéa, chef de la mission de la flotte de commerce au ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, Frederick Kennedy, directeur des affaires juridiques de l'OMI et Nicole Taillefer, représentante permanente de la France auprès de l'OMI. Ces entretiens ont permis d'identifier auxquelles se heurte la mise à contribution de ces secteurs, mais aussi les avancées qui étaient en gestation en matière de réglementation environnementale.

Ainsi, très récemment, la réglementation applicable à ces deux secteurs a évolué de façon importante.

S'agissant du secteur maritime, l'OMI a adopté le 27 octobre dernier une résolution visant à réduire, d'ici 2020, de 3,5 % à 0,5 % la teneur maximale en soufre du carburant utilisé par les porte-conteneurs. Cette évolution réglementaire, si elle est bénéfique pour l'environnement et la santé des populations, n'aura cependant pas d'effet sur les émissions de gaz à effet de serre. L'OMI devrait présenter une feuille de route sur ce sujet d'ici 2018, soutenue en cela par certains pays membres.

Concernant le secteur des transports aérien, dont le trafic devrait doubler d'ici quinze ans, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté le 6 octobre dernier une résolution prévoyant un mécanisme de compensation des émissions carbone de ce secteur. L'objectif est de les limiter en 2035 à leur niveau de 2020.

En définitive, les rapporteurs spéciaux se félicitent naturellement de ces évolutions réglementaires, mais ils souhaitent que soient étudiés, d'une part, la possibilité que ce marché du carbone alimente le Fonds vert pour le climat et, d'autre part, un mécanisme de régulation des émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime.


* 10 Article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 11 Décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement pris en application de l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 instaurant une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

* 12 24° du I de l'article 47 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 13 Article 5 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 14 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 modifiant l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 15 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 16 Sous réserve d'une erreur technique qui a conduit nos collègues députés à fixer à 270 millions d'euros le plafond du produit de TTF affecté à l'AFD, en oubliant de supprimer l'abrogation (28° du I de l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017) de l'article 43 de la loi de finances pour 2016 qui affecte 25 % de la TTF à l'AFD. En d'autres termes, en l'état, il n'y aurait aucune taxe affectée à l'AFD, le plafond n'impliquant pas à lui seul une telle affectation.

* 17 Fabienne Keller et Yvon Collin, Financements climat : n'oublions pas les pays les plus pauvres , rapport d'information n° 713 (2014-2015), 30 septembre 2015.

Page mise à jour le

Partager cette page