LA NÉCESSITÉ DE FAIRE ÉVOLUER LE CADRE RÉGLEMENTAIRE ÉTABLI PAR LA DIRECTIVE SMA

UN SECTEUR AUDIOVISUEL EN PLEIN BOULEVERSEMENT DEPUIS DIX ANS

La dernière révision de la directive SMA date de 2007. Alors que le développement des services audiovisuels à la demande n'en était qu'à ses débuts, la nouvelle législation témoignait de la prise de conscience de la part des acteurs institutionnels de l'UE de la révolution technologique en cours dans le secteur des médias audiovisuels et de l'emprise grandissante des outils numériques sur celui-ci.

Cette révolution n'a pas cessé de produire ses effets au cours des années qui ont suivi, bien au contraire ! Après la musique, les médias audiovisuels sont le prochain secteur dont l'organisation est en voie d'être complètement revue sous l'effet de la convergence des services linéaires et non-linéaires, qui recoupe celle de la propriété des contenus et des réseaux de communications. En moins de dix ans, de nouveaux acteurs exploitant de nouvelles modalités de distribution sont apparus et ont bouleversé les habitudes de consommation des téléspectateurs. Une nouvelle carte de la concurrence est ainsi en train de se dessiner dans le secteur audiovisuel.

Parmi les « marqueurs » de la révolution en cours , et sans prétendre à l'exhaustivité, on peut mentionner les éléments suivants :

- une expérience de visionnage différente qui s'appuie notamment sur de nouveaux supports :

Les téléspectateurs sont désormais largement familiarisés avec la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande. Ils ont également acquis le réflexe de voir ou revoir leurs programmes ou leurs films préférés sur des tablettes ou sur leurs téléphones. Ces écrans compagnons participent directement de la transformation des usages en matière de consommation des services de télévision.

Cette tendance sera encore accentuée par le développement de la télévision connectée dans les prochaines années. Les nouveaux téléviseurs connectés à Internet sont notamment en mesure de proposer de nouvelles fonctionnalités en matière d'interactivité (répondre en direct à un sondage, acheter un produit vu dans un programme, recommander un programme aux membres de son réseau social, accéder aux informations complémentaires à un programme, etc) et devraient encore davantage élargir l'offre de programmes faite aux téléspectateurs ;

- une progression très importante de la part de la vidéo dans le trafic véhiculé sur Internet :

De nombreuses études 4 ( * ) indiquent que la vidéo connaît sur les réseaux un essor fulgurant depuis plusieurs années. En France, le trafic vidéo sur Internet devrait représenter 79 % de tout le trafic Internet grand public en 2018.

Cette croissance est notamment portée par l' émergence de services de vidéo à la demande (VàD) d'envergure internationale qui dominent aujourd'hui le marché sur leur segment respectif : ITunes sur le marché de la VàD transactionelle, Netflix sur le marché de la VàD par abonnement, Viewster sur le marché de la VàD gratuite.

Les plateformes de partage de vidéo (YouTube, Dailymotion) figurent également parmi les acteurs de premier plan et génèrent un trafic important. De même, l'activité des médias sociaux - Facebook, Twitter, etc - repose de plus en plus sur l'utilisation de vidéos. Enfin, désormais, d'autres acteurs comme la presse écrite et la radio, à l'origine étrangers au secteur audiovisuel, développent et produisent en interne de nombreux contenus audiovisuels pour affermir leur présence dans l'espace médiatique.

Toutefois, même si les contenus non-linéaires prennent une ampleur indéniable et suivent une progression forte, il faut noter que la consommation de médias audiovisuels se porte encore très majoritairement sur des contenus linéaires. En témoigne la durée d'écoute quotidienne de la télévision par individu qui continue de croître de quelques minutes chaque année en France : elle était évaluée à 3h44 par personne et par jour par Médiamétrie en 2015.

MÉTHODE ET CONTEXTE DE LA RÉVISION

Prenant la mesure de la transformation du paysage médiatique, la Commission européenne a engagé, dès 2013, une réflexion visant à réviser la directive SMA, par le biais d'un Livre Vert intitulé : « Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent : croissance, création et valeurs ». Elle invitait notamment les parties prenantes à se prononcer sur le maintien ou non d'une distinction réglementaire entre services linéaires et non linéaires, sur la nécessité de faire évoluer le champ d'application de la directive et la relation avec la directive sur le commerce électronique, ou sur une modification de l'approche concernant le principe du pays d'origine.

Après l'installation de la nouvelle Commission européenne sous l'autorité de Jean-Claude Juncker en 2014, la Commission européenne a annoncé qu'elle envisageait une révision de la directive SMA dans le cadre de sa « Stratégie pour un marché unique numérique de l'Union européenne ». À cette fin, elle a lancé, en 2015, dans le cadre du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), une évaluation visant à mesurer, depuis sa dernière révision en 2007 jusqu'en 2015, l'adaptation de la réglementation au regard des évolutions du marché, des technologies et des habitudes de consommation. Cette évaluation de la qualité de la législation existante a été complété par une nouvelle consultation publique sur la révision de la directive SMA « un cadre juridique pour le 21 e siècle » conclue en septembre 2015.

Cet exercice a permis de conclure que certaines des dispositions de la directive étaient aujourd'hui dépassées. Elle a notamment mis en lumière l'asymétrie réglementaire entre les radiodiffuseurs télévisuels qui subissent un désavantage concurrentiel et les nouveaux médias qui soit ne sont pas réglementés, soit sont soumis à des régimes peu contraignants. Il s'ensuit que la protection des consommateurs n'est pas correctement assurée.

S'agissant de la diversité culturelle, il est ressorti de l'évaluation que, même si la directive a permis d'accroître cette diversité en contribuant efficacement à la promotion, la visibilité et la distribution d'oeuvres européennes dans l'Union européenne, des progrès sont à accomplir par les services à la demande.

Un fort soutien en faveur du maintien du principe du pays d'origine a été exprimé par la plupart des parties prenantes à la consultation. Ce principe a procuré, d'après les avis exprimés, une sécurité juridique en soumettant les fournisseurs de médias audiovisuels à la législation d'un seul État membre et a permis aux fournisseurs de réaliser des économies d'échelle 5 ( * ) .

Les réponses à cette consultation ont permis à la Commission d'évaluer l'adéquation de la directive SMA à l'environnement numérique et d'élaborer une proposition législative visant à réviser la directive SMA, qui a été adoptée par le collège des commissaires le 25 mai 2016.


* 4 Parmi celles-ci, on peut citer l'étude annuelle « Visual Networking Index 2013-2018 » de Cisco Systems.

* 5 38 % des chaînes de télévision européennes et 31 % des services de médias audiovisuels à la demande sont également distribués dans un ou plusieurs États membres autres que celui où ils sont établis (Source : Commission européenne).

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