N° 4378


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

N° 300


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 17 janvier 2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2017

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d' habitation et simplifiant le dispositif de mise en oeuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services ,

PAR Mme Audrey LINKENHELD,
Rapporteure

Députée

PAR M. Martial BOURQUIN,
Rapporteur

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Claude Lenoir, sénateur, président, Mme Frédérique Massat, députée, vice-présidente ; M. Martial Bourquin, sénateur , Mme Audrey Linkenheld, députée, rapporteurs .

Membres titulaires : Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Henri Tandonnet, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Bosino, sénateurs ; Mme Jacqueline Maquet, MM. Pierre-Alain Muet, Jean-Marie Tétart, députés.

Membres suppléants : Mme Delphine Bataille, MM. Joël Labbé, Daniel Laurent, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, Sophie Primas, M. Bruno Sido, sénateurs ; MM. Romain Colas, Christophe Borgel, François Pupponi, Thierry Benoit, Joël Giraud, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

Première lecture : 3814 , 4047 et T.A. 822

Sénat :

Première lecture : 16 , 189 , 190 et T.A. 52 (2016-2017)

Commission mixte paritaire : 301 (2016-2017)

TRAVAUX EN COMMISSION

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et simplifiant le dispositif de mise en oeuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services s'est réunie au Sénat le mardi 17 janvier 2017.

Elle a procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, président,

- Mme Frédérique Massat, députée, vice-présidente.

La commission a également désigné :

- M. Martial Bourquin, sénateur,

- Mme Audrey Linkenheld, députée,

comme rapporteurs respectivement pour le Sénat et l'Assemblée nationale.

*

* *

M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, président . - Le nombre de députés titulaires et suppléants étant incomplet, le caractère paritaire de notre commission ne pourra être assuré en cas de vote que par l'impossibilité pour certains sénateurs titulaires de participer au vote, ce qui serait regrettable. C'est pourquoi je souhaite ardemment que nous puissions délibérer par consensus et trouver un terrain d'entente général, afin que cette commission mixte paritaire aboutisse. Il nous reste neuf articles en discussion, mais en réalité un seul point fait encore difficulté : l'application du droit de résiliation et de substitution annuel aux contrats d'assurance emprunteur en cours - sachant que la rédaction adoptée par le Sénat reconnaît ce droit pour les contrats à venir.

Mme Frédérique Massat, députée, vice-présidente . - Engageons tout de suite notre travail sur les dispositions restant en discussion.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 2 ter A

M. Martial Bourquin, sénateur, rapporteur pour le Sénat . - Je vous présente une proposition de rédaction n° 1, qui complète l'article 2 ter A en précisant que les dispositions adoptées pour les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution relatives au remboursement des taxes et redevances aéroportuaires en cas d'annulation s'appliquent également à celles régies par l'article 74 de la Constitution, soit Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela ne pose, je pense, aucun problème.

Mme Audrey Linkenheld, députée, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Je suis favorable à cette proposition de rédaction.

La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.

L'article 2 ter A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la CMP.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 3 bis

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 4

L'article 4 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 4 bis

M. Martial Bourquin, sénateur, rapporteur pour le Sénat . - Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « loi Sapin 2 »), la commission des finances de l'Assemblée nationale avait voté à l'unanimité des dispositions concernant l'assurance emprunteur en visant à la fois le flux et le stock des contrats d'assurance. Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, le Sénat a procédé différemment, en prenant en considération l'arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2016, fortement contesté en doctrine, selon lequel l'assurance emprunteur n'est pas une assurance comme les autres. Selon cette jurisprudence, l'assurance emprunteur est régie par un texte spécial du code la consommation ; en conséquence, le droit de résiliation annuel prévu par le code des assurances ne s'y applique pas comme aux autres contrats d'assurance.

Nous sommes tous d'accord sur l'objectif : l'oligopole actuel sur le marché de l'assurance est anormal. Au cours des auditions, nous avons entendu de nombreux juristes. Il apparaît que sur 100 euros de prime d'assurance versés par le consommateur, 50 en moyenne constituent des commissions et ne rémunèrent pas le risque. Les jeunes ménages et les personnes seules sont les plus pénalisés.

C'est pourquoi, au Sénat, nous avons décidé d'agir pour affirmer clairement ce droit pour les contrats à venir. Car, en statuant comme elle l'a fait, la Cour de cassation demande implicitement au législateur d'être plus précis et de dire si l'assurance emprunteur relève ou non du champ du code des assurances. La clarification que nous allons apporter en la matière est donc fondamentale, et la rédaction que nous retiendrons aujourd'hui aura donc une grande portée.

La seule question à nous poser est : comment être certain que cette mesure d'intérêt général ne donnera pas lieu à une censure du Conseil constitutionnel, dont les décisions sur la question ne sont pas constantes ? La proposition que fait le Sénat aujourd'hui est donc que le dispositif puisse concerner le stock des contrats en cours, mais en retenant une condition : donner au secteur bancaire et assurantiel un délai pour s'organiser. C'est l'objet de la proposition de rédaction n° 2 qui vous est soumise. Si nous votons des dispositions à l'unanimité, cela montrera au Conseil constitutionnel notre détermination sur un sujet d'intérêt général. En tout état de cause, un changement considérable se produira alors au 1 er janvier 2018 : l'assurance emprunteur sera ainsi clairement soumise au droit commun des assurances.

Mme Audrey Linkenheld, députée, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Il y a convergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la ratification des ordonnances. Merci au Sénat qui a réintroduit des éléments censurés par le Conseil constitutionnel, je songe aux dispositions relatives aux métaux précieux et aux taxes aéroportuaires. Nous avons débattu à maintes reprises de l'assurance emprunteur depuis la loi relative à la consommation (dite « loi Hamon ») et jusqu'à la loi Sapin 2. Dans ce dernier texte, nous avions adopté à l'Assemblée nationale une disposition portant sur le flux et le stock, autrement dit s'appliquant aux contrats nouveaux et aux contrats en cours. Une censure du Conseil constitutionnel n'est jamais agréable, et même si en l'occurrence elle a porté sur la procédure, des questions de fond se posaient de toute façon. La rétroactivité doit être motivée par un motif d'intérêt général : pour nous, ici, un tel motif existe. Mais le puissant monde bancaire s'agite. Il invoque l'argument de la démutualisation, qui ne vaut pas, sinon il s'appliquerait tout autant aux nouveaux contrats !

Nous sommes très attachés à l'idée de viser le stock et je remercie le Sénat de son ouverture aujourd'hui. Notre travail commun, avec le rapporteur pour le Sénat, conduit à une rédaction qui ménagera au moins, si le juge constitutionnel devait censurer la disposition, les nouveaux contrats. Cependant, la question du stock ne devrait pas poser problème.

Reste la date d'application : le lobby bancaire affirme que les banques ont besoin de temps. Posture ou pragmatisme ? Sans être une spécialiste, je ne crois pas qu'il y ait grand-chose à changer dans les établissements pour qu'ils s'adaptent à la loi. On peut réfléchir à une application décalée dans le temps, mais prévoir un temps d'adaptation jusqu'à 2018 me paraît beaucoup ! D'autant qu'un afflux brutal de dossiers n'est pas à prévoir, les dates anniversaires des contrats étant étalées sur l'année... Cela dit, il me semble important de pouvoir trouver une position unanime sur ce texte.

M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, président . - Une première proposition de rédaction avait été déposée, qui vient d'être modifiée. La proposition de rédaction n° 2 bis se présente donc comme un compromis.

M. Martial Bourquin, sénateur, rapporteur pour le Sénat . - Nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Ce qu'il nous faut, ainsi que les juristes nous ont conseillé de le faire, c'est de mettre l'accent sur l'intérêt général qui justifie l'application au stock. Le compromis sur la date - c'est-à-dire l'application, au 1 er janvier 2018, aux contrats d'assurance en cours d'exécution à cette date - vise aussi, alors que le secteur bancaire pourrait à mon sens vraisemblablement faire face à ce dispositif immédiatement, à éviter un risque de censure constitutionnelle. Il y a 8 millions de contrats en cours et 6 milliards de primes en jeu ! Il y a un intérêt général manifeste à cette mesure ! D'abord, la concurrence s'en trouvera améliorée, car la clientèle est aujourd'hui captive ; ensuite, l'argent aujourd'hui mis au paiement des primes retournera à la consommation sous une autre forme. D'ailleurs, en Italie et en Grande-Bretagne, prêts et assurances sont totalement déliés : ce serait la meilleure solution...

Quoi qu'il en soit, avec ce compromis, le secteur bancaire disposera de dix mois pour se mettre en ordre de marche et ainsi permettre aux emprunteurs actuels de bénéficier d'une mise en concurrence chaque année.

M. Pierre-Alain Muet, député . - Merci aux sénateurs d'avoir repris ce sujet important, car les banques sont en situation de quasi-monopole sur les assurances emprunteur, avec des taux de marge exorbitants, de 50 % en moyenne - contre 10 % en moyenne sur les contrats d'assurance dans leur ensemble - et jusqu'à 70 % sur les contrats des jeunes ménages. Comme l'indique Martial Bourquin, nous pourrions effectivement, comme d'autres pays, prévoir que les assurances et les prêts ne doivent pas être distribués par les mêmes établissements.

Au cours de l'examen de la loi Sapin 2, l'Assemblée nationale a voté l'amendement adopté à l'unanimité par sa commission des finances - proposé du reste par tous les groupes - tendant à appliquer la mesure aux contrats en cours. Ce type d'application n'est pas une nouveauté, il s'est pratiqué par exemple, à plusieurs occasions, pour les contrats de location. Et si l'intérêt général est en jeu, le Conseil constitutionnel admet l'application aux contrats en cours.

Le droit de résiliation annuel prévu dans le code des assurances est un droit général, quelle que soit la position étrange retenue par la Cour de cassation, du reste contre l'avis de l'avocat général. Le législateur doit rendre les textes plus clairs. L'Assemblée nationale avait entrepris de le faire dans le cadre de la loi Sapin 2, mais sans respecter le principe de l'entonnoir si bien décrit par M. Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat : il faut donc y revenir.

Je m'interroge sur l'application de dates différentes pour les contrats en cours et les contrats nouveaux. Il n'y a aucune raison de séparer les deux, et d'ailleurs cela poserait un problème d'égalité entre emprunteurs. Mais l'unanimité en commission mixte paritaire vaut bien un compromis ! Et, dans la proposition qui nous est faite, la date d'application aux contrats à venir n'étant pas précisée - il s'agira du jour de la publication de la loi -, cela rend plus acceptable de poser une date applicable aux contrats en cours. J'aurais préféré, à titre personnel, une entrée en vigueur différée au 1 er juin 2017 pour tous les contrats mais, souhaitant l'unanimité et malgré mes réticences, je me rallierai à cette proposition de rédaction.

M. Yannick Vaugrenard, sénateur . - Le Conseil constitutionnel acceptera-t-il nos décisions ? Sa position sera-t-elle infléchie par un renvoi à 2018 ? Je n'en suis pas persuadé.

Quoi qu'il en soit, ce que nous faisons par cette mesure, c'est prendre en considération le pouvoir d'achat - et notamment celui des jeunes : c'est donc bien privilégier l'intérêt général : le risque d'une censure est à mon sens mineur. Je ne vois pas quel problème pratique s'oppose à une application dès la promulgation de la loi, pour un système bancaire qui est l'un des meilleurs au monde. Si, pour des raisons politiques, face au lobby bancaire, nous la repoussons dans le temps, une application différée de trois ou six mois ne serait-elle pas suffisante ?

M. Daniel Gremillet, sénateur . - Je fus rapporteur de la loi Sapin 2, et M. Bourquin celui de la loi relative à la consommation. Nous avons eu la même appréciation, jugeant que des marges anormales n'étaient pas conformes à l'intérêt général. Ce sont des raisons purement procédurales, fondées sur la règle de l'entonnoir, qui nous avaient conduits à réagir à la rédaction de l'Assemblée nationale, lors de la discussion de la loi Sapin 2.

En fait, avec le dispositif proposé, le droit de résiliation et de substitution s'appliquera en 2018 à la fois aux contrats en cours et aux nouveaux contrats, puisqu'il faut attendre la date anniversaire de ces derniers. Il y a un sens à cette date du 1 er janvier 2018 : tous les emprunteurs seront traités également et le Conseil constitutionnel n'y trouvera pas à redire. Faire autrement rendrait notre édifice fragile.

M. Jean-Pierre Bosino, sénateur . - Le problème essentiel n'est pas la date d'application mais la validation par le Conseil constitutionnel. À cet égard, une position unanime de la commission mixte paritaire est hautement souhaitable. Les banques ont moins de scrupules lorsqu'elles augmentent leurs tarifs : elles n'attendent pas un an, ni même six mois... Mais s'il faut retenir le 1 er janvier 2018 pour obtenir l'unanimité, eh bien, d'accord.

M. Jean-Marie Tétart, député . - J'approuve la recherche d'un consensus car le problème est sérieux pour les consommateurs, et il faut en sortir. Sur le stock des contrats, nous ne sommes pas à trois mois près. Notre belle unanimité sera utile vis-à-vis du juge constitutionnel mais aussi vis-à-vis du lobby bancaire.

M. Pierre-Alain Muet, député . - Daniel Gremillet a employé l'argument adéquat. La différence de date d'application me dérangeait, mais sur les contrats futurs, la disposition s'appliquera, dans les faits, à partir de 2018.

M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, président . - Encore une illustration de l'efficience du système bicaméral...

M. Henri Tandonnet, sénateur . - Je partage l'analyse de Daniel Gremillet. L'intérêt général de cette mesure est évident. Les banques sont souvent coactionnaires des établissements qui proposent les assurances emprunteurs. C'est une très bonne chose de distinguer clairement les deux opérations et de permettre à l'emprunteur de s'assurer auprès d'un assureur distinct du prêteur.

M. Martial Bourquin, sénateur, rapporteur pour le Sénat . - Il était légitime d'aborder cette question dans un texte relatif à la consommation. Les deux chambres, à l'unanimité, prennent une décision contre l'oligopole bancaire, pour améliorer la concurrence. L'intérêt est bien général : des milliards d'euros retourneront à la consommation.

Mme Audrey, Linkenheld, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale . - Je confirme notre accord, et je remercie le Sénat de sa contribution... et de sa sagesse : espérons qu'elle se communiquera aux sages du Conseil constitutionnel ! Si nous votons les conclusions de la commission mixte paritaire à l'unanimité dans les deux assemblées, il n'y aura pas de recours immédiat devant le Conseil constitutionnel. Ne subsistera qu'un risque de question prioritaire de constitutionnalité (QPC), mais pas à court terme. Il est vrai, j'avais une inquiétude, y compris juridique, sur le fait de distinguer les dates d'application selon les contrats. Mais, l'argument de Daniel Gremillet l'emporte et nous le mettrons en avant lorsque nous serons interpellés à la sortie, comme nous l'avons été à l'entrée...

La proposition de rédaction n° 2 bis est adoptée.

L'article 4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la CMP.

Article 6

L'article 6 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 11 bis

L'article 11 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 12

La suppression de l'article 12 est maintenue.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, président . - Je vous remercie de ce vote unanime.

Mme Frédérique Massat, députée, vice-présidente . - Je salue le travail effectué dans un temps record ce matin, grâce à la sagesse de tous. Je ne doute pas que nous procéderons très vite à la dernière lecture en séance publique : la loi sera bientôt publiée.

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