Rapport général n° 108 (2017-2018) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 15b

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Rapporteurs spéciaux : MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 et 109 à 114 (2017-2018)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'élèvent à 571,7 millions d'euros en crédits de paiement pour 2018. Ce montant est stable par rapport à 2017 (- 1 %).

2. Cependant, cette stabilité s'accompagne d'un nouveau recul des dépenses d'investissement, en baisse de 30 % par rapport à 2017. Cette atrophie contraste avec les objectifs du compte d'affectation spéciale de financer la modernisation du parc immobilier.

3. Parallèlement, une forte progression des dépenses d'opérations financières est constatée. Elle s'explique par le reversement intégral au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche des produits de cession des établissements d'enseignement supérieur rejoignant le plateau de Saclay.

4. Neutralisés de cette dépense exceptionnelle , les crédits immobiliers effectivement disponibles sur le compte d'affectation spéciale pour 2018 s'élèvent à 451,5 millions d'euros en crédits de paiement. Ce montant recule de 12 % par rapport à 2017.

5. Le compte d'affectation spéciale contribue à hauteur de 35 % de ses crédits à la réalisation du Grand plan d'investissement quinquennal mis en oeuvre par le Gouvernement. Cependant, cette contribution ne s'accompagne pas de l'ouverture de nouveaux crédits mais s'apparente davantage à un étiquetage opportuniste de crédits budgétaires traditionnellement inscrits lors des exercices précédents.

6. L'exercice 2018 pourrait toutefois marquer une transition préalable à un renouvellement de la politique immobilière de l'État. La direction de l'immobilier de l'État annonce ainsi un accroissement au cours des prochaines années de la dépense interministérielle d'entretien des bâtiments de l'État.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 87 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial en ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

I. L'UNIFICATION DES MOYENS BUDGÉTAIRES DE L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE CACHE UNE DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DE LA DÉPENSE IMMOBILIÈRE

A. UNE MAQUETTE SIMPLIFIÉE EN 2018

1. S'il unifie les crédits budgétaires de l'État propriétaire, le compte d'affectation spéciale ne représente que 10 % des crédits immobiliers

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » constitue le principal instrument de la politique immobilière de l'État . Il vise à financer la modernisation du parc immobilier par les produits des cessions d'actifs et des redevances domaniales.

Depuis 2017, il concentre l'ensemble des vecteurs budgétaires de l'État propriétaire. Il supporte à la fois les dépenses d'opérations immobilières structurantes et les dépenses d'entretien lourd du propriétaire.

Pour autant, la politique immobilière demeure fortement éclatée : 44 programmes budgétaires y concourent. Le compte d'affectation spéciale ne représente que 10 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier. La répartition est précisée dans le document de politique transversale « Politique immobilière de l'État », associé au projet de loi de finances.

La valeur nette du parc immobilier de l'État au 31 décembre 2016 telle que comptabilisée au compte général de l'État s'élève à 60,8 milliards d'euros , stable par rapport à l'exercice précédent 1 ( * ) .

2. Une simplification de la maquette budgétaire en 2018

Le projet de loi de finances pour 2018 procède à une simplification de l'architecture du compte d'affectation spéciale. Les programmes 723 « Opérations immobilières nationales et des administrations centrales » et 724 « Opérations immobilières déconcentrées » sont regroupés au sein du programme 723, renommé « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État ».

Ce regroupement vise à inscrire dans un programme unique l'ensemble des dépenses relatives aux opérations immobilières portées par le compte d'affectation spéciale. La distinction des opérations immobilières des ministères et de celles des administrations déconcentrées est maintenue au travers de budgets opérationnels de programme.

B. DES CRÉDITS EN APPARENCE STABLES...

1. La fin de la contribution au désendettement de l'État explique la diminution des crédits du compte d'affectation spéciale

Comme pour 2017, il est prévu un compte d'affectation spéciale à l'équilibre pour 2018 . Les recettes tirées des cessions sont prévues en léger retrait par rapport à 2017 (- 2 %), tandis que les produits de redevances domaniales progressent de 6 %.

Équilibre prévisionnel en 2018
du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

PLF 2018

Recettes

Dépenses

Solde

Programme 721 - Contribution cessions immobilières au désendettement de l'État

AE

0

CP

Programme 723 - Opérations immobilières nationales et des administrations centrales

AE

524 630 641

CP

581 700 000

Produits des cessions immobilières

491 700 000

Produits de redevances domaniales

90 000 000

Total pour le compte d'affectation spéciale

AE

581 700 000

524 630 641

0

CP

581 700 000

Source : projet de loi de finances pour 2018

Aucune contribution au désendettement de l'État n'est inscrite pour 2018 . L'article 42 de la loi de finances pour 2017 2 ( * ) a supprimé l'obligation de contribution au désendettement de l'État applicable à chaque cession immobilière. Subsistait toutefois une contribution forfaitaire à hauteur de 60 millions d'euros en 2017 en provenance du ministère des affaires étrangères, conformément à l'article 38 de la loi de finances pour 2015 3 ( * ) .

Ces dispositions ne s'appliquent plus à compter de 2018. Aucune contribution au désendettement de l'État n'est donc prévue en 2018.

Les crédits destinés aux opérations immobilières sont globalement stables : les autorisations d'engagement diminuent de 2 %, tandis que les crédits de paiement augmentent de 11 % entre 2017 et 2018.

Présentation par programme des crédits demandés pour 2018

(en millions d'euros)

2017

2018

Évolution

2017-2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 721 - Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État

60

-

-

Programme 723 - Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

533,6

525

524,6

581,7

- 2 %

+ 11 %

Total

593,6

585

524,6

581,7

- 12 %

- 1 %

Source : projet de loi de finances pour 2018

Par cohérence avec les autres comptes d'affectation spéciale disposant de programmes consacrés au désendettement 4 ( * ) , l'intitulé du programme 721 est étendu. Il porte désormais sur la contribution au désendettement de l'ensemble des cessions immobilières, non plus seulement celles de biens situés à l'étranger.

Selon la direction de l'immobilier de l'État, « le Gouvernement a souhaité se doter de cet outil élargi et uniformisé de désendettement, sans que les modalités d'utilisation ne soient à ce stade arrêtées. Pour 2018, [...] aucune contribution obligatoire ni au compte d'affectation spéciale par compte d'affectation spéciale selon les opérations n'est prévue sur les produits des ventes de biens immobiliers de l'État encaissés sur le compte d'affectation spéciale » 5 ( * ) .

En tout état de cause, compte tenu des besoins identifiés, cette modification ne doit pas conduire à réintroduire une contribution au désendettement de l'État 6 ( * ) qui aurait pour effet de réduire les crédits destinés aux opérations immobilières.

2. Une dépense immobilière stable, mais dont la qualité se dégrade par rapport à 2017

La stabilité des crédits du programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » s'accompagne toutefois d'une modification importante de sa composition .

Trois évolutions par rapport à 2017 doivent être relevées :

- les dépenses de fonctionnement (titre 3) augmentent de plus de 5 % en crédits de paiement ;

- les dépenses d'investissement (titre 5) diminuent de 18 % en crédits de paiement, et de 30 % en autorisations d'engagement ;

- les dépenses d'opérations financières (titre 7) sont multipliées par dix.

Évolution des dépenses immobilières
du compte d'affectation spéciale par titres

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le net recul des dépenses d'investissement contraste avec les objectifs du compte d'affectation spéciale de financer la modernisation du parc immobilier. Il confirme la tendance engagée l'an dernier.

Évolution des titres de dépenses immobilières interministérielles
entre 2016 et 2018

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

NB : les crédits immobiliers interministériels recouvrent, pour 2016, les crédits des programmes 309 et 723, pour 2017, ceux des programmes 723 et 724, et pour 2018, ceux du programme 723.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires.

C. ... MAIS LA PART DES CRÉDITS EFFECTIVEMENT MOBILISABLES PAR L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE RECULE DE 12 % PAR RAPPORT À 2017

La modification des composantes de la dépense entre 2017 et 2018 s'explique par la mise en oeuvre du projet Paris-Saclay .

Dans le cadre du regroupement d'organismes de recherche, d'écoles et d'universités sur le plateau de Saclay, plusieurs structures quittent leurs locaux historiques. Tel sera le compte d'affectation spéciale en 2018 de l'École centrale Supélec, de la faculté de pharmacie de l'université Paris-Sud (Paris XI) et de l'École normale supérieure de Cachan.

Or la mutualisation de 50 % du produit de cession ne s'applique pas à ces opérations . L'intégralité sera reversée au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour contribuer au financement des nouveaux locaux à Saclay.

Cette contribution explique la forte dotation des dépenses d'opérations financières . Le produit n'alimente pas l'ensemble de la politique immobilière de l'État, mais est fléché en destination des nouvelles constructions du plateau de Saclay.

De fait, il convient de neutraliser cette opération exceptionnelle pour apprécier les crédits proposés en 2018 effectivement mobilisables pour financer l'ensemble des dépenses immobilières de l'État. Ainsi que l'illustre le graphique ci-après, les crédits immobiliers interministériels diminuent de 12 % par rapport à 2017.

Évolution des crédits immobiliers du compte d'affectation spéciale
hors dépenses d'opérations financières entre 2017 et 2018

(crédits de paiements, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Une nouvelle expérimentation de dévolution
du patrimoine aux universités est prévue en 2018

Les universités représentent plus de 20 millions de mètres carrés , soit près des deux tiers du patrimoine immobilier des opérateurs.

À la suite de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) 7 ( * ) , trois universités ont bénéficié à titre expérimental de la dévolution de leur patrimoine en 2011 et 2012 8 ( * ) . Elles se sont engagées par une convention de dévolution à entretenir et renouveler leur patrimoine en programmant sur vingt-cinq à trente ans les opérations de gros entretien et renouvellement nécessaires. En contrepartie, un accompagnement budgétaire durable a été mis en place , conjuguant une dotation initiale de 26,9 millions d'euros et une dotation annuelle récurrente de 21,9 millions d'euros sur vingt-cinq ans.

En mars 2016, l'ancien secrétaire d'État de l'enseignement supérieur a commandé aux inspections générales des finances et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche un rapport sur la dévolution du patrimoine immobilier aux universités. Dans le rapport rendu en septembre 2016 9 ( * ) , la mission dresse un bilan globalement positif de l'expérimentation de la dévolution conduite en 2011-2012 en matière d'entretien et de gestion du parc, et plaide pour une relance du processus de dévolution , tout en soulignant qu'elle doit s'accompagner d'une sécurisation des financements immobiliers de l'État à moyen terme et d'une plus grande ouverture aux universités des conditions de valorisation de leur patrimoine immobilier.

À l'appui de ces recommandations, le précédent secrétaire d'État de l'enseignement supérieur avait annoncé vouloir engager une nouvelle expérimentation de dévolution . Le 15 décembre 2016, quatre universités candidates - Bordeaux, Aix-Marseille, Tours et Caen - ont été retenues.

Cette nouvelle phase de dévolution ne prévoit pas de dotation financière exceptionnelle. La direction de l'immobilier de l'État accompagnera les universités dans ce processus.

Le plan d'action devant conduire à la signature des actes de transfert de patrimoine en 2018 a été engagé dès le début de l'année 2017. Les protocoles d'impulsion entre le précédent ministre du domaine, le précédent ministre de l'enseignement supérieur et les présidents des universités ont été signés le 24 mars 2017.

Selon les informations transmises, l'objectif est de parvenir, pour les universités techniquement et financièrement prêtes, à une dévolution totale du patrimoine avant la fin de l'année 2018.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des informations transmises par la direction de l'immobilier de l'État

D. UNE CONTRIBUTION OPPORTUNISTE AU GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT

Le compte d'affectation spéciale contribue à la réalisation du grand plan d'investissement 10 ( * ) à hauteur de 35 % des crédits prévus en 2018 11 ( * ) .

Deux priorités sont définies : la transition écologique et la transition numérique de l'État. Il s'agit principalement de financer des travaux lourds de rénovation et de restructuration, permettant in fine de réduire la consommation des fluides et de réduire les moyens consacrés à l'entretien correctif.

Ces objectifs ne sont toutefois pas nouveaux . Les travaux de rénovation et d'isolation des bâtiments de l'État constituent une priorité ancienne. Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale a ainsi été mobilisé dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » dès 2007.

La contribution au grand plan d'investissement s'apparente davantage à un étiquetage opportuniste de crédits budgétaires qui auraient de toute façon été inscrits au sein du compte d'affectation spéciale.

II. LES PROGRÈS RÉCENTS SE HEURTENT À UN CADRE INADAPTÉ

A. LES PROGRÈS DE LA RÉFORME DE 2016...

Depuis 2015, la politique immobilière de l'État a évolué dans une triple perspective :

- pour renforcer l'incarnation de l'État propriétaire, la gouvernance a été rénovée : la direction de l'immobilier de l'État a remplacé France Domaine en septembre 2016, tandis que la Conférence nationale de l'immobilier public a unifié les différentes instances de concertation préexistantes 12 ( * ) ;

- pour améliorer le recensement et la connaissance du parc immobilier, les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) ont été généralisés ;

- pour répondre à l'éclatement des vecteurs budgétaires, le compte d'affectation spéciale a intégré les dépenses de l'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État ».

Mises en oeuvre par la direction de l'immobilier de l'État, ces orientations se sont rapidement traduites par une meilleure connaissance du parc immobilier.

La généralisation des SDIR par une circulaire du Premier ministre du 6 juillet 2015 consacre une nouvelle appréhension de la politique immobilière de l'État en région. Placés sous la responsabilité du préfet, ils se déclinent en deux phases : un diagnostic préalable, puis une stratégie d'intervention à horizon de cinq ans.

Deux changements majeurs doivent être relevés :

- une approche transversale , puisqu'ils intègrent l'ensemble des services de l'État, à l'exception des services du ministère de la défense et du ministère de la justice, extérieurs au champ de compétence du préfet 13 ( * ) ;

- l'intégration des opérateurs , dans la mesure où les nouveaux schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des opérateurs doivent s'inscrire dans le cadre des SDIR, en vue de disposer d'une vision globale du parc immobilier de l'État à l'échelle régionale.

De fait, les premiers progrès des SDIR en matière de recensement sont visibles. L'indicateur de la mission, relatif au rendement d'occupation des surfaces, concerne désormais plus de la moitié des surfaces tertiaires de type bureau inventoriées pour l'État, contre 31 % en 2016.

B. ... SE HEURTENT À UNE CERTAINE INERTIE...

La meilleure connaissance du parc n'occulte toutefois pas l'inachèvement de la réforme engagée en 2015.

Dans leur rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2017, les rapporteurs spéciaux Michel Bouvard et Thierry Carcenac soulignaient déjà que « de nombreux points [restaient] en suspens, de sorte qu'il est difficile d'appréhender la portée réelle des évolutions projetées ». Ils mentionnaient à cet effet la charte de gestion du compte d'affectation spéciale en cours de définition, les interrogations autour de l'avenir des loyers budgétaires et la circulaire définissant les nouvelles normes de la stratégie immobilière de l'État.

Un an plus tard, aucun de ces éléments n'a été précisé .

De même, la maquette de performance n'a pas été complétée pour prendre en compte l'extension des recettes et des dépenses du compte d'affectation spéciale. L'indicateur de la mission, relatif au rendement d'occupation des surfaces, ne permet pas d'appréhender le bon entretien du parc. La contribution du compte d'affectation spéciale au grand plan d'investissement ne fait donc pas l'objet d'une mesure de la performance.

La direction de l'immobilier de l'État confirme d'ailleurs l'analyse des rapporteurs spéciaux . Elle indique à ce titre que « la mise en place des SDIR permet d'instaurer des outils de pilotage du patrimoine répondant à des objectifs précis et impliquant l'utilisation d'un ensemble cohérent d'indicateurs. La densification des surfaces en fait naturellement partie, mais le pilotage du patrimoine devra s'intéresser à des thématiques allant bien au-delà d'un critère unique de surface utile nette par poste de travail » 14 ( * ) .

Afin de pouvoir mesurer la performance de la politique immobilière conduite et de respecter l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, il importe donc de compléter le dispositif de performance .

C. ... ET À UN CADRE INADAPTÉ

1. Des crédits immobiliers interministériels en baisse depuis 2013

La phase de stratégie des SDIR est en cours de réalisation par les préfets de région. Il s'agit de définir le périmètre projeté des implantations à horizon de cinq ans, permettant de déduire les opérations immobilières à réaliser. S'ensuit alors une stratégie d'intervention sur le parc immobilier projeté.

La stratégie d'intervention repose sur deux principes essentiels :

- la programmation pluriannuelle des travaux dits de « gros entretien renouvellement » ;

- la priorisation des interventions.

Cette logique est pertinente : elle vise à appréhender l'ensemble du parc et à définir des priorités d'intervention selon les besoins. Elle témoigne toutefois de manière sous-jacente du manque de crédits immobiliers disponibles sur le compte d'affectation spéciale. Cette donnée ressort d'ailleurs des diagnostics des SDIR tels que retraités par la direction de l'immobilier de l'État. Elle précise que « les résultats du diagnostic font ressortir l'insuffisance des moyens alloués à la maintenance et à l'entretien » 15 ( * ) .

Les crédits immobiliers interministériels ont diminué de 20 % depuis 2013.

Évolution des crédits immobiliers interministériels depuis 2011

(crédits de paiement, en millions d'euros)

NB : les crédits immobiliers interministériels recouvrent, pour les années 2011 à 2016, les crédits des programmes 309 et 723, pour 2017 ceux des programmes 723 et 724, et pour 2018 ceux du programme 723.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires.

2. La tension sur les recettes du compte s'accentue

L'essoufflement de la logique initiale du mode de financement du compte d'affectation spéciale explique en partie l'extension en 2017 de ses ressources aux produits tirés des redevances domaniales. Ces dernières représentent désormais 16 % des recettes du compte d'affectation spéciale.

La baisse tendancielle des produits de cession s'explique car, après une décennie d'optimisation du parc, les biens les plus cessibles ont pour la plupart été vendus. Le tableau ci-après retrace les produits de cessions depuis 2005.

Produits des cessions immobilières de l'État

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Prévision LFI

600

439

500

600

1 400

900

400

500

530

470

521

500

500

491,7

Réalisation

634

798

820

395

475

502

598

514

391

533

622

574

Écart

+ 34

+ 359

+ 320

- 205

- 925

- 398

+ 198

+ 14

- 139

+ 63

+ 101

+ 74

Montants encaissés en fin d'exercice.

Source : commission des finances, d'après les rapports annuels de performances successifs et le questionnaire budgétaire

Plusieurs éléments confirment cette tendance .

L'indicateur 1.1 du programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » atteste d'une dégradation de la durée moyenne de vente d'un bien immobilier. La réalisation en 2016 était de 16,4 mois. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait une réduction à 16 mois, mais la durée moyenne devrait finalement atteindre 17 mois.

Dans ce cadre, la cible de 16 mois en 2020 ne semble guère réaliste.

De même, le montant total des cessions dépend en pratique de la vente de quelques biens d'exception, dont le nombre diminue. Parmi les biens dont la vente est attendue en 2018, 5 % d'entre eux représentent près de 80 % du montant total du produit de cession. Même, dix biens pèsent pour 60 % du total et un seul pour 30 % du produit total escompté 16 ( * ) .

Or l'exercice 2017 marque une rupture : compte tenu des ventes déjà conclues au premier semestre, il sera difficile d'atteindre le montant de 500 millions d'euros de cession programmé dans la loi de finances initiale. Au premier semestre, seulement 96,7 millions d'euros ont ainsi été encaissés, soit environ la moitié du montant enregistré sur la même période en 2016.

Le graphique ci-après illustre la difficulté croissante des cessions, avec une diminution de 66 % du montant encaissé au premier semestre depuis 2014.

Comparaison des prévisions de cessions et des cessions enregistrées
sur le compte d'affectation spéciale au premier semestre de l'exercice

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la direction de l'immobilier de l'État

Les recettes issues des produits de redevances encaissées au premier semestre s'élèvent à 43,8 millions d'euros, soit plus de la moitié de la prévision pour 2017 (85 millions d'euros).

3. Les contraintes d'imputation des crédits sur le compte pèsent sur la qualité de la dépense

Le compte d'affectation spéciale finance l'entretien lourd du propriétaire et les opérations immobilières structurantes essentiellement grâce aux produits tirés des cessions immobilières. Cependant, les produits de cession sont répartis à parité dans deux enveloppes : une enveloppe propre à l'ancien ministère occupant et une enveloppe mutualisée.

De fait, pour financer une opération à partir du compte d'affectation spéciale, les ministères doivent préalablement avoir encaissé le produit tiré d'une cession . Ainsi que le précise la direction de l'immobilier de l'État, « le programme 723 n'est alimenté que progressivement en cours d'année des recettes comptabilisées au fil de l'eau sur le compte d'affectation spéciale immobilier » 17 ( * ) .

Compte tenu de l'attente de la comptabilisation des recettes sur leurs budgets opérationnels de programme, les gestionnaires manquent de visibilité sur les crédits dont ils disposeront effectivement. Ils peuvent éprouver des difficultés à engager les opérations avant la fin de l'exercice budgétaire . C'est surtout le compte d'affectation spéciale pour les opérations d'investissement, qui exigent des travaux d'étude en amont et sont souvent enserrés dans des contraintes liées à la commande publique.

La sous-exécution chronique des crédits d'investissement du programme 723, présentée dans le graphique ci-après, en atteste.

Comparaison de la prévision et de l'exécution
des dépenses d'investissement du programme 723

(crédits de paiement, en millions d'euros)

NB : pour 2017, les crédits des programmes 723 et 724 sont additionnés.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Dans ces conditions, l'intégration de l'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » dans le compte d'affectation spéciale apporte un élément de réponse. Traditionnellement, les crédits de l'ancien programme 309 étaient à parité constitués de dépenses d'investissement et de fonctionnement.

Étant donné la rigidité du cadre budgétaire du compte d'affectation spéciale, son extension aux dépenses d'entretien lourd a donc une double conséquence :

- une capacité accrue des gestionnaires à imputer des dépenses de fonctionnement sur ce support, qui devrait favoriser une meilleure exécution du programme 723 ;

- une modification progressive de la dépense portée par le compte d'affectation spéciale, les dépenses de fonctionnement, plus faciles à engager en fin d'exercice, devraient ainsi prendre le pas sur les dépenses d'investissement.

La rigidité d'imputation des dépenses sur le compte d'affectation spéciale contraste avec la volonté du gouvernement de promouvoir une programmation pluriannuelle d'intervention sur le parc immobilier prioritaire à horizon de cinq ans.

III. LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT DOIT ÊTRE PROFONDÉMENT REPENSÉE

A. LES VOIES DE MODERNISATION SONT CONNUES

Votre rapporteur spécial Thierry Carcenac et notre ancien collègue Michel Bouvard ont présenté au printemps 2017 leur feuille de route en douze propositions pour une politique immobilière de l'État efficace et soutenable 18 ( * ) .

Une politique immobilière de l'État modernisée doit reposer sur deux idées centrales :

- d'une part, un État propriétaire conforté dans ses prérogatives, ce qui appelle un renforcement de la direction de l'immobilier de l'État et un dialogue avec les administrations occupantes ;

- d'autre part, une stratégie patrimoniale du parc : en tant qu'actif, le parc immobilier de l'État doit être entretenu et valorisé. L'approche en comptabilité générale doit compléter la seule analyse en comptabilité budgétaire.

B. UN CHANGEMENT DE STRATÉGIE SEMBLE S'ENCLENCHER

Plusieurs évolutions de la politique immobilière de l'État semblent attester d'un changement de stratégie .

1. L'annonce d'une nouvelle impulsion

La direction de l'immobilier de l'État indique ainsi que « la période 2017-2018 constitue une transition, dans la perspective d'un accroissement au cours des prochaines années de la dépense interministérielle d'entretien des bâtiments de l'État » 19 ( * ) .

De fait, au sein de la nouvelle mission « Action et transformation publiques », est créé le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » . Ce programme fait l'objet d'une programmation croissante pour le budget triennal, avec un total de 600 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 450 millions d'euros en crédits de paiement. En 2018, seules des études préalables seront réalisées : 20 millions d'euros de crédits sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances.

Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État, ce nouveau programme vise à rénover les cités administratives et les sites partagés par les services de l'État et les opérateurs. Ce levier budgétaire participe du renforcement de la direction de l'immobilier de l'État recommandée par la commission des finances du Sénat et concrétise l'affirmation de l'État propriétaire.

Toutefois, cette nouveauté doit encore se matérialiser par l'inscription effective de crédits en 2019 et en 2020.

Elle prend acte du constat dressé par la commission des finances du Sénat de l'essoufflement du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et de l'impossibilité de financer la remise aux normes du parc par le seul produit tiré des cessions.

Le graphique ci-après compare à ce titre les crédits effectivement disponibles pour la politique immobilière interministérielle en 2018 et les crédits annoncés pour 2019 sur le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants ».

Comparaison des crédits disponibles pour financer la politique immobilière interministérielle en 2018 et des crédits inscrits dans le budget triennal
sur le programme 348 pour 2019

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. L'amélioration des outils avec l'extension de la comptabilité analytique bâtimentaire

Expérimentée depuis 2015 par certains ministères dans la région Pays de la Loire, la comptabilité analytique devrait être étendue à l'ensemble des ministères au plan national. Selon la direction de l'immobilier de l'État, la circulaire du Premier ministre relative à la politique immobilière de l'État en cours de finalisation devrait confirmer cette orientation.

L'objectif de la comptabilité analytique bâtimentaire est de rapporter l'ensemble des dépenses immobilières à la maille du bâtiment afin d'obtenir le coût d'un bâtiment au mètre carré. Le coût complet de chaque bâtiment serait désormais connu, comme c'est le compte d'affectation spéciale au Royaume-Uni. Les données publiques distinguent ainsi le coût de l'immobilier par fonctionnaire, évalué à 4 587 livres en 2015-2016 et le coût de l'immobilier par mètre carré, s'élevant à 443 livres en 2015-2016 20 ( * ) .

Ses données sont utiles à la fois pour les gestionnaires de bâtiments, pour identifier les sources d'économies, et pour les gestionnaires de parc, pour éclairer les décisions d'évolution d'implantations.

La mise en oeuvre de cet outil devrait permettre de préciser la connaissance de la dépense immobilière. Ses enseignements pourront compléter le recensement du parc réalisé dans le cadre des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR). Les données serviront progressivement de base à l'élaboration de la stratégie d'implantation et d'intervention à cinq ans.

L'avenir des loyers budgétaires doit encore être décidé

Après une expérimentation en 2006 portant sur trois ministères (économie et finances, affaires étrangères et justice), les loyers budgétaires ont été progressivement étendus jusqu'à leur généralisation en 2009 pour l'ensemble des immeubles domaniaux de bureaux, y compris les immeubles situés outre-mer et à l'étranger.

Il s'agit d'un loyer acquitté par les ministères en vertu de la convention d'utilisation conclue avec la direction de l'immobilier, dont le montant varie en fonction de la surface d'immeubles domaniaux à usage de bureaux qu'ils utilisent et des caractéristiques locales de marché. Pour les acquitter, ils reçoivent une dotation budgétaire de l'État propriétaire, qui lui revient ensuite par les loyers budgétaires acquittés . L'opération s'opère donc dans un circuit fermé, maintenant l'unité de caisse et traduisant le fait que la distinction État propriétaire et ministère occupant reste une construction théorique.

Lors de leur mise en oeuvre, la dotation budgétaire correspondante a été fixée à un montant équivalent à la somme des loyers du ministère. Ensuite, alors que la dotation budgétaire initiale demeure, le montant des loyers budgétaires évolue en fonction des prix du marché, des surfaces et lieux d'implantations du ministère. Un mécanisme d'incitation et de sanction a complété le dispositif en 2009 21 ( * ) .

Il s'agit donc , en théorie, d'un mécanisme fort d'incitation à la rationalisation immobilière .

En parallèle, un lien a été établi entre les loyers budgétaires acquittés par un ministère et sa contribution aux crédits de l'ex-programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », selon un taux de 12 % en 2009, 16 % en 2010 et 20 % entre 2011 et 2016.

La question de l'avenir des loyers budgétaires est posée depuis plusieurs années . Une concertation au sein de la conférence nationale de l'immobilier public est prévue en 2018.

Dans cette perspective, la commission des finances du Sénat a, dans le cadre de chaque questionnaire budgétaire, sollicité le point de vue des administrations occupantes sur le fonctionnement des loyers budgétaires.

Le résultat traduit la difficile mise en oeuvre pratique de cet outil. Aucun cas d'utilisation du mécanisme d'incitation par intéressement ou sanction n'a été mentionné. De façon générale, le constat de la lourdeur du mécanisme est partagé.

En pratique, le fonctionnement des loyers budgétaires s'accompagne de deux inconvénients :

- une majoration artificielle de la dépense portée par les programmes en raison de l'effet de ciseaux entre une dotation souvent gelée et des loyers budgétaires évoluant selon le taux d'indexation fixé par la direction de l'immobilier de l'État ;

- une décorrélation entre loyers budgétaires et programmes concernés : 13,5 % des loyers budgétaires sont ainsi imputés sur le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », alors même qu'ils s'appliquent à des bâtiments utilisés par des services relevant d'autres programmes ministériels.

De fait, l'effet réel des loyers budgétaires sur l'incitation des ministères à rationaliser leurs emprises immobilières peut être mis en doute .

Ce constat conforte vos rapporteurs spéciaux dans l'idée qu'il y a besoin d'une remise à plat des loyers budgétaires. Une simplification administrative du mécanisme doit être poursuivie, tandis que les opérateurs doivent désormais être intégrés .

Ainsi renouvelés, les loyers budgétaires pourront jouer un double rôle :

- d' association des administrations à leur rationalisation immobilière ;

- de financement de la politique immobilière de l'État par la mobilisation des produits de gestion du parc.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses aux différents questionnaires budgétaires de vos rapporteurs spéciaux

3. La diversification des ressources

L'affectation au compte d'affectation spéciale du produit des redevances domaniales constitue un double progrès :

- du point de vue des ressources d'une part, car elle permet de compenser la difficulté accrue des cessions immobilières ;

- du point de vue de la gouvernance d'autre part car aucun droit de retour aux administrations ne s'applique. Le produit des redevances domaniales est intégralement mutualisé , ce qui renforce les moyens à disposition de l'État propriétaire.

De surcroît, le montant des redevances domaniales est plus facilement prévisible que les cessions. Leur comptabilisation régulière sur le compte d'affectation spéciale réduit le manque de visibilité des gestionnaires sur les crédits disponibles.

Dans ce cadre, la direction de l'immobilier de l'État a engagé un chantier visant à dynamiser les redevances domaniales , en renforçant le cadre juridique et en revalorisant les conditions financières d'occupation.

La dynamisation des redevances domaniales favorisera la soutenabilité des dépenses immobilières et leur programmation pluriannuelle promue par les schémas directeurs immobiliers régionaux.

4. Le développement d'une approche patrimoniale

De façon plus générale, une nouvelle approche de la politique immobilière de l'État semble voir le jour.

L'article 19 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 étend ainsi à l'État l'interdiction de contracter des crédits baux immobiliers. Cette règle de pilotage des finances publiques prend acte du coût complet des montages complexes de tiers-financement que votre rapporteur spécial Thierry Carcenac et notre ancien collègue soulignaient dans leur rapport 22 ( * ) .

Surtout, la direction de l'immobilier de l'État annonce le lancement d'une réflexion en vue d'identifier les alternatives aux cessions . « Il s'agit d'étudier les moyens de sélectionner et de préserver les biens de plus haute qualité pour assurer la constitution raisonnée d'une réserve foncière à grande valeur potentielle. De plus, cela permettrait à l'État propriétaire de se constituer des revenus réguliers , responsables et durables, pour autofinancer entretien et opérations immobilières. [...] Le fruit de cette réflexion viendra enrichir la stratégie patrimoniale, afin que les arbitrages entre cessions, mise en location ou occupations soient opérés de façon rationnelle, préservent et valorisent au mieux le patrimoine de l'État » 23 ( * ) .

Ces orientations, qui doivent désormais être traduites concrètement, reprennent les recommandations énoncées par la commission des finances du Sénat depuis plusieurs années.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l'État. L'administration fiscale (la DGFiP) et de l'administration des douanes (la DGDDI) représentent les trois quarts cet ensemble, le reste étant composé de diverses structures transversales de Bercy. Les crédits de la mission sont stables en 2018, à environ 11 milliards d'euros.

Du point de vue budgétaire, le principal enjeu est, de loin, le pilotage de la masse salariale, qui représente 80 % de l'ensemble, et un plafond d'emplois de 126 500 ETPT. Ce pilotage s'est d'ailleurs sensiblement amélioré ces dernières années, notamment en ce qui concerne les prévisions de départs en retraite.

Depuis plus d'une quinzaine d'années, la mission est l'un des principaux contributeurs à la diminution du nombre d'agents publics. Si elle arrive encore devant tous les autres ministères cette année, il faut toutefois souligner que l'effort demandé s'est atténué depuis deux ans : 1 450 emplois seront supprimés en 2018, après 1 400 en 2017, alors que les suppressions étaient plutôt de l'ordre de 2 000 emplois les années précédentes.

Cette inflexion a deux raisons principales.

Du côté de l'administration fiscale, comme l'année dernière, 500 postes seront préservés afin de préparer la mise en oeuvre du prélèvement à la source (PAS) de l'impôt sur le revenu, applicable le 1 er janvier 2019. L'année dernière, il a beaucoup été question des complications que cette réforme impliquait pour les contribuables et les collecteurs, c'est-à-dire les entreprises - mais cela représente aussi un bouleversement en interne pour la DGFiP. Toutefois, ses conséquences sont encore trop mal documentées sur le plan budgétaire. En particulier, quelles sont les dépenses « perdues » du fait du report d'un an de la réforme, notamment en matière de communication et de formation ? Quelle sera la surcharge de travail pour les agents dans les services, et avec quelles conséquences sur leurs autres tâches ? À ce stade, nous n'en savons toujours pas grand-chose.

Du côté de l'administration des douanes, l'exercice 2018 sera marqué par la création de 200 postes supplémentaires, faisant suite aux 250 de 2017 et aux 285 de 2016. Chaque année, une explication différente est donnée : les attentats de novembre 2015 et le plan de lutte anti-terroriste (PLAT), la nécessité de renforcer les contrôles en Méditerranée, et maintenant la perspective prochaine du Brexit . De fait, 85 % des liaisons routières entre le Royaume-Uni et le continent passent par la France : les conséquences pour la douane seront très importantes. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un article 55 ter , rattaché à la mission, qui demande un rapport sur le sujet : nous vous proposons de l'adopter.

À vrai dire, derrière ces rallonges successives, c'est bien une évolution structurelle qui est à l'oeuvre. Après avoir vu ses effectifs diminuer drastiquement depuis la fin des années 1990, la douane fait maintenant le chemin inverse : elle renforce ses moyens pour faire face aux nouveaux défis de l'époque - la sécurité des biens et des personnes, la lutte contre les trafics, la facilitation des échanges internationaux. Les nouveaux agents seront affectés aux quelque 74 points de passage frontaliers (ports, aéroports, gares etc.), mais aussi, entre autres, aux services d'enquête et de renseignement.

Parallèlement, la DGDDI a réalisé ces dernières années un effort d'investissement très important, notamment pour renouveler ses moyens aéromaritimes. Elle dispose aujourd'hui de sept avions Beechcraft opérationnels, qui sont progressivement équipés des moyens de détection les plus pointus. Ce cycle d'investissement touche à sa fin : le prochain défi concerne plutôt les moyens informatiques, levier majeur de modernisation - mais je laisserai Thierry Carcenac vous en parler.

Tout en finançant ces nouvelles priorités, l'administration fiscale et la douane poursuivent un chantier de plus longue haleine : la réorganisation de leur réseau territorial.

Avec plus de 4 000 implantations, la DGFiP dispose de l'un des réseaux les plus denses de toutes les administrations. Depuis 2016, les regroupements se sont accélérés : 55 services des impôts des particuliers ou des entreprises et 125 trésoreries rurales devraient ainsi être fusionnés l'année prochaine, comme l'année dernière.

Chacun comprend bien que cette évolution est nécessaire : le maintien de petites structures fragiles, qui ne tiennent pas compte des nouvelles réalités économiques ou démographiques, n'est souhaitable ni pour les usagers, qui perdent en qualité de service, ni pour les agents, dont les conditions de travail se dégradent. Et il en va des trésoreries de la DGFiP comme des quelque 800 brigades et bureaux de douane : un service ne peut pas fonctionner correctement avec quatre agents, quand on sait que c'est le minimum nécessaire pour effectuer par exemple un contrôle de véhicule.

Cependant, on peut regretter que la concertation avec les acteurs locaux soit trop souvent défaillante. Chaque administration a tendance à prendre ses décisions de son côté, de sorte que parfois un territoire peut perdre tout d'un coup une trésorerie, un bureau de douane et une gendarmerie. Cette concertation est indispensable, et il nous semble nécessaire de rappeler trois choses de bon sens : premièrement, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a prévu l'élaboration d'un schéma départemental d'amélioration et d'accessibilité des services au public : il n'est pas acceptable que certaines fermetures soient décidées avant même que le schéma soit adopté. Deuxièmement, une prévisibilité à moyen terme est indispensable, au moins pour les cas où les évolutions sont évidentes, par exemple pour les trésoreries hospitalières ou l'adaptation à la nouvelle carte intercommunale. Enfin, la présence de proximité doit être maintenue, y compris par un développement du recours aux maisons de service au public (MSAP) ou à d'autres solutions de mutualisation.

Avant de passer la parole à Thierry Carcenac, j'évoquerai rapidement la mission « Crédits non répartis ». Cette mission particulière comprend deux dotations destinées à couvrir des dépenses qui ne peuvent être réparties par mission au moment du vote de la loi de finances. Le montant des crédits non répartis atteint 414,5 millions en 2018 en crédits de paiement, d'après la version initiale du projet de loi de finances pour 2018. Cette somme exceptionnellement élevée - et la plus importante depuis 2006 - s'expliquait notamment par l'inscription de 290,5 millions sur le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques ». Cette dotation était destinée à compenser partiellement la hausse de la CSG pour les agents publics, dans l'attente des négociations salariales entre les organisations syndicales et le ministre de l'action et des comptes publics, lesquelles sont désormais derrière nous. Dès lors, l'Assemblée nationale a adopté avant-hier un amendement du Gouvernement annulant la totalité des crédits ouverts sur ce programme, les crédits ayant été in fine répartis par mission.

En fin de compte, le montant des crédits non répartis devrait s'élever à 124 millions, correspondant à l'intégralité de la dotation du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles ». Celui-ci est majoré de 100 millions par rapport à 2017. Le Gouvernement a en effet souhaité augmenter ces crédits afin d'absorber partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %.

Ce budget 2018 est enfin le premier de la programmation triennale pour 2018-2020. Celle-ci revêt une dimension particulière pour les crédits non répartis, qui augmenteront fortement, pour atteindre 1,36 milliard en 2020, le Gouvernement souhaitant disposer d'une réserve de budgétisation pluriannuelle.

La création de cette réserve dénote une certaine prudence du Gouvernement, mais du fait de son caractère dérogatoire au principe budgétaire de spécialité, la vigilance du Parlement sera de rigueur, tant en cours d'exécution que de programmation.

Nonobstant cette remarque, nous vous proposons l'adoption des crédits de cette mission.

M. Thierry Carcenac rapporteur spécial . - Je voudrais évoquer la réorganisation à l'intérieur des services de la DGFiP et de la DGDDI. Les grands bouleversements que nous avons connus et que nous connaissons encore avec la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, du prélèvement à la source et du prélèvement forfaitaire unique, ainsi que la réforme de l'ISF ont de grandes conséquences sur l'organisation des services. Nous en avons parlé avec Bruno Parent, directeur général des finances publiques. La vigilance s'imposera, car celles-ci sont encore mal mesurées.

Les effectifs dédiés au contrôle fiscal sont en principe sanctuarisés. C'est le cas pour les inspecteurs vérificateurs, mais pas forcément pour les autres agents. Nous constatons des évolutions, notamment avec la mise en oeuvre de l' « examen de comptabilité », qui est une vérification de comptabilité à distance : les contrôles sur pièces remplacent les contrôles sur place. Nous observons un renforcement tendanciel des services spécialisés, tels que les directions interrégionales du contrôle fiscal (DIRCOFI) et les services nationaux. Certains territoires disposent de plus d'agents que d'autres, si bien que les contrôles varient d'un point du territoire à l'autre. Je déplore cette discordance entre les services et l'activité économique.

Troisième motif d'inquiétude : les systèmes d'information. Les ministères disposent de systèmes très importants et très lourds. Or le coût de ces développements informatiques s'accroît parfois de plus de 100 % entre la commande et la mise en service. Certains systèmes ont dû être abandonnés, comme Louvois pour le ministère de la défense ou l'Opérateur national de paie (ONP) pour le ministère de l'économie et des finances. Aujourd'hui, les programmes sont moins coûteux mais ils restent importants : ils concernent notamment les échanges numérisés et les relations entre trésoreries et collectivités territoriales.

Nous avons entendu le directeur interministériel du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic) qui suit ces projets : son approche est très intéressante.

Enfin, avec Bernard Lalande, rapporteur spécial de la mission « Économie », nous avons visité le French Tech . Cet espace situé à l'incubateur station F, à Paris, regroupe près de 30 services publics afin de répondre aux attentes des st art up , un peu à l'image de ce que font les maisons de services au public qui offrent des services au plus près de nos concitoyens. Il est important de répondre de manière adaptée aux attentes des usagers et des entreprises.

J'en viens au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » qui est un peu particulier : il ne représente que 10 % des crédits affectés aux dépenses immobilières. Les 90 % restants se retrouvent dans 44 programmes. Nos différents collègues rapporteurs spéciaux ont soulevé les difficultés qu'ils rencontreraient en matière de gestion du patrimoine immobilier. Nous manquons d'une vision globale de l'immobilier de l'État, même si une direction immobilière de l'État a été mise en place en 2016. Initialement, les cessions de bien étaient réaffectées au ministère, à la mutualisation et au désendettement. La contribution au désendettement a finalement été supprimée l'an dernier.

L'exercice 2018 sera marqué par les opérations dérogatoires de transfert d'établissements d'enseignement supérieur sur le plateau de Saclay : aucune mutualisation n'est prévue et la cession des trois écoles va bénéficier en totalité au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cet exemple traduit bien le fait que la politique immobilière de l'État n'est pas encore arrivée à maturité.

Ce compte est doté de 572 millions d'euros, stable en apparence. Mais en neutralisant le produit tiré de la cession des établissements d'enseignement supérieur qui rejoignent le plateau de Saclay et ne reviendra in fine pas au compte d'affectation spéciale, les crédits diminuent de 12 % par rapport à 2017. Or le patrimoine immobilier de l'État mérite des moyens importants pour assurer la transition numérique et écologique mais aussi la mise aux normes d'accessibilité des bâtiments publics.

Avec Michel Bouvard, nous avions rédigé un rapport spécial sur la politique immobilière de l'État ; nous avions rencontré le ministre Gérald Darmanin pour lui faire part de nos remarques. La direction immobilière de l'État doit encore évoluer. Je relève que la loi de programmation des finances publiques encadre le mécanisme du crédit-bail immobilier dont nous avions constaté les dérives en matière de coût.

Mon avis est donc plutôt réservé sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État.

La mission « Action et transformation publiques » vient d'être créée : elle est dotée de 20 millions d'euros en crédits de paiement et se compose de deux programmes.

Le premier a pour objet la rénovation des cités administratives et des bâtiments mutualisés. D'ici la fin du quinquennat, ce programme devrait bénéficier de près d'un milliard d'euros.

Le second programme est consacré à la réforme de l'État. Notre collègue Christine Lavarde représente le Sénat au sein du comité « Action publique 2022 ». Dans ce cadre, la direction du budget va piloter la transformation de l'action publique pour financer sur la base d'appels à projets la mise en oeuvre des réformes. Elle doit mobiliser 700 millions d'euros de crédits durant les cinq prochaines années.

Mais les crédits ne seront débloqués que plus tard : cette mission devra monter en charge à partir de 2020. C'est en fin de quinquennat que nous devrions constater l'importance des crédits affectés à cette mission.

Surtout, le grand plan d'investissement se caractérise par un principe de réallocation des crédits permettant de redistribuer chaque année entre les différentes actions du plan les montants prévus dans la programmation pluriannuelle. Dans ces conditions, et en dehors des 20 millions d'euros en crédits de paiement pour 2018, les autres éléments proposés relèvent d'une démarche programmatique non contraignante.

Je vous propose néanmoins d'adopter les crédits de la mission.

M. Marc Laménie . - Cette mission, dotée de 11 milliards d'euros, est importante. La fermeture des trésoreries, notamment dans les départements ruraux, me préoccupe. Est-il envisagé de mettre un terme à ces regroupements ? Les trésoreries sont les interlocuteurs des élus de base : la dématérialisation a été importante mais le coût de fonctionnement reste élevé.

L'administration des douanes dispose-t-elle de voitures et de motos récentes ? Nous avons vu que tel n'était pas toujours le cas pour la police et la gendarmerie.

Mme Christine Lavarde . - Comme pour le programme d'investissements d'avenir, la mission « Action et transformation publiques » ne dispose pas de tous les crédits annoncés.

Un important programme de regroupement des autorités administratives indépendantes a eu lieu sur le site de Ségur-Fontenoy : nos rapporteurs ont-ils une idée des économies de gestion qui ont résulté de cette concentration ?

J'ai l'honneur de représenter le Sénat au comité « Action publique 2022 » : notre feuille de route est bien celle qui figure dans le rapport, à savoir trouver des mesures peu onéreuses permettant d'économiser l'argent public. En revanche, on nous demande de remettre notre rapport définitif en février prochain. Même si nous nous réunissons trois à quatre fois par semaine, serons-nous capables de transformer l'action publique dans un si bref délai ?

M. Philippe Dallier . - Je découvre la réapparition de la réserve de budgétisation, qui était apparue après la crise de 2008-2009. Pouvez-vous nous dire son mode de fonctionnement ?

Ce matin, lors de la présentation de la mission « Cohésion des territoires », j'ai rappelé que certains crédits me semblaient sous-estimés, comme ceux pour l'hébergement d'urgence. D'un côté des crédits sont sous-estimés et, de l'autre, on crée une réserve de budgétisation pour régler les problèmes non prévisibles. Si à la fin de l'année, on constate que les 124 millions d'euros n'ont pas été consommés, seront-ils reportés sur l'année d'après ou viendront-ils en déduction du déficit de l'année 2018 ? La pluri-annualité annoncée est-elle réelle ou ne s'agit-il que d'un effet d'affichage ? Si la réponse est celle que j'imagine, à quoi sert cette réserve ?

M. Bernard Lalande . - Vous concluez votre analyse des crédits proposés pour le compte d'affectation spéciale sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État en indiquant que ces progrès se heurtent à un cadre inadapté et à une certaine inertie. Quelles sont vos suggestions ?

Comment notre administration fiscale et douanière va-t-elle s'adapter au développement du numérique dans les cinq années à venir ? La numérisation de l'économie nous permet de prendre connaissance des flux sans contrôle des pièces.

Enfin, le rapporteur spécial Claude Nougein nous disait que la douane dispose de 74 points frontaliers, mais s'agit-il de points de passage ou de contrôles effectifs ?

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Je vais décevoir Marc Laménie : les trésoreries vont continuer à fermer. Je suis bien conscient des chocs que cela produit dans les territoires ruraux, mais un certain nombre de trésoreries ne voient plus personne. Autrefois, les gens venaient y payer leurs impôts. Ce temps est révolu.

La douane est bien équipée en matériel, et ceci se lit dans la programmation budgétaire.

Les effectifs de la DGFiP continuent à diminuer, mais le rythme se ralentit. En outre, les contrôles fiscaux pourront s'effectuer sans déplacement dans les entreprises, grâce à la dématérialisation.

Pour ce qui est du prélèvement à la source, la collecte effectuée par les entreprises pourrait déboucher sur des économies pour l'État. La délégation aux entreprises, à laquelle j'appartiens, suit ce sujet.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Certes, il y a eu des fermetures de trésoreries rurales, et il y en aura d'autres, mais des trésoreries spécialisées ont été créées pour plus d'efficacité, notamment les trésoreries hospitalières ou sur le logement.

Lors des précédents rapports, nous avions des difficultés à connaître l'état du matériel opérationnel de la douane, notamment pour le renouvellement des bateaux, l'entretien des avions et des véhicules. D'après le directeur général des douanes, il n'y a plus de problèmes majeurs aujourd'hui.

En ce qui concerne le site de Ségur-Fontenoy, tous les déménagements n'ont pas encore eu lieu. Certains baux vont être résiliés : nous saurons l'an prochain quelles sont les économies réellement réalisées. Ce programme relève de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Comme je vous le disais dans mon propos liminaire, le compte d'affectation spéciale ne regroupe que 10 % des crédits ; le reste des crédits se retrouve dans 44 programmes.

De façon plus précise, les économies de loyer permises par le transfert de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) devraient s'élever à environ un million d'euros et les cessions à venir des futurs locaux libérés sont estimées à 151 millions d'euros.

Le Gouvernement avait déjà eu recours à la réserve de budgétisation entre 2009 et 2011, et avait procédé à la répartition des crédits en cours de programmation, dans les projets de loi de finances successifs. Les crédits peuvent également être annulés. Finalement, il ne devrait plus rester beaucoup de crédits sur la mission en fin de programmation.

En matière de numérisation, il va falloir voir quels sont les coûts des programmes et les conséquences sur les personnels. Nous nous heurtons à une inadéquation entre la composition des équipes de contrôle et la réalité du terrain : nous avons constaté des disparités étonnantes entre le nombre d'agents et le tissu fiscal, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'amendement n°1 a déjà été adopté par notre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 : il vise à réduire les crédits du programme 156 à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Cette économie résulte d'un alignement du temps de travail des agents publics qui se monte, selon la Cour des comptes, à 1 594 heures par an, sur la durée habituelle du travail des salariés du secteur privé, soit 1 710 heures.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Nous avons déjà eu ce débat. Michel Bouvard avait déposé cet amendement auquel je m'étais opposé.

M. Bernard Lalande . - Nous voterons contre cet amendement car nous ne sommes pas convaincus que c'est ainsi qu'on peut augmenter la durée du travail de la fonction publique.

M. Vincent Éblé , président . - Nous verrons l'efficacité de cet amendement.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'amendement n° 2 a également été adopté par notre commission et par le Sénat dans une version légèrement différente lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2015 et 2016. Il tire les conséquences par anticipation d'un amendement qui sera déposé à l'article 48 du projet de loi de finances visant à porter le délai de carence applicable aux congés maladie des agents publics d'un à trois jours. Les économies, estimées à 216 millions, sont imputées sur les crédits du programme 156. Dans la mesure où elles concernent la fonction publique d'État en son entier, elles devront être réparties entre l'ensemble des missions.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Lors de nos rencontres avec le directeur général des douanes et le directeur général des finances publiques, nous avons constaté que ces administrations, comme d'autres, éprouvaient de grandes difficultés à recruter, en tant que contractuels, certains « profils atypiques » très recherchés.

L'amendement n° 3 transfère 1,4 million d'euros en provenance du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » vers les programmes 156 et 302, afin de permettre à la DGFiP et à la DGDDI de recruter, en tant que contractuels, une vingtaine de « data scientists » et de « data analysts » disposant d'un haut niveau de compétence en matière d'analyse et d'exploitation de données de masse.

L'amendement n° 3 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'article 55 ter prévoit un rapport sur le renforcement des moyens affectés à la douane pour faire face au Brexit .

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 55 ter .

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - En complément de mon amendement de crédits sur le recrutement dans la filière numérique, je demande par amendement un rapport pour évaluer la façon de rendre attractifs les métiers du numérique dans les services de l'État.

L'amendement est adopté, qui crée un article additionnel après l'article 55 ter .

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des missions « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » .

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », tels que modifiés par l'amendement adopté et l'adoption des missions « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » .


* 1 Pour une présentation exhaustive du parc immobilier de l'État, des différents modes d'occupation et des principales catégories de biens immobiliers, voir « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 2 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 3 Il était prévu une exonération de contribution au désendettement pour les cessions de biens du ministère des affaires étrangères situés à l'étranger en contrepartie d'une contribution minimale forfaitaire de 35 millions d'euros par an jusqu'au 31 décembre 2017.

* 4 Tel est par exemple le compte d'affectation spéciale du programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

* 5 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 6 Notons que si l'article 42 de la loi de finances pour 2017 a supprimé l'obligation de contribution au désendettement appliquée à chaque produit de cession, le compte d'affectation spéciale continue, aux termes de l'article 47 de la loi de finances pour 2006 qui le régit, de porter en dépenses des versements opérés au profit du budget général. Cette disposition rend donc possible un versement en recettes non fiscales du budget général.

* 7 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 8 Il s'agit de l'université d'Auvergne-Clermont-Ferrand 1, de l'université de Poitiers et de l'université Toulouse 1.

* 9 « La dévolution du patrimoine aux universités », rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, septembre 2016.

* 10 Il s'agit d'un plan d'investissement d'un montant de 56,3 milliards d'euros sur cinq ans retracé sur des crédits budgétaires.

* 11 Soit une contribution de 180 millions d'euros en AE et de 206 millions d'euros en CP.

* 12 Il s'agit du comité d'organisation de la politique immobilière de l'État (COMO), des comités de la politique immobilière ministériels (CPI), de l'instance nationale d'examen des projets immobiliers (INEI), de la cellule nationale de suivi de l'immobilier de l'État (CNSIE) et de l'instance nationale de suivi des schémas directeurs immobiliers en région (INESDIR).

* 13 Sont intégrés au sein des SDIR les directions régionales, les préfectures, les directions départementales, les administrations financières, les services de l'éducation nationale, les services de police et de gendarmerie, ainsi que l'immobilier de la justice hors tribunaux.

* 14 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 15 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 16 Il s'agit de l'Îlot Saint-Germain, utilisé par le ministère de la Défense, situé à Paris dans le VII e arrondissement.

* 17 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 18 « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 19 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 20 « The state of the Estate in 2015-2016 », Government Property Unit, Cabinet Office, 2016.

* 21 La circulaire du Premier ministre du 16 janvier 2009 a introduit un intéressement des « occupants qui libèrent des surfaces ou choisissent une localisation moins coûteuse » prenant la forme du maintien pendant deux ans de la dotation budgétaire antérieure, ainsi qu'une sanction lorsqu'une solution de rationalisation proposée par la DGFiP n'a pas conduit le ministère à améliorer sa performance immobilière, conduisant à réduire la dotation budgétaire.

* 22 « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 23 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

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