C. UN USAGE ENCORE INTENSIF DES OUTILS DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE EN 2017

Outre le montant des redéploiements opérés en cours d'année, c'est également la méthode qui doit être analysée. Or, de ce point de vue, il convient de noter que le Gouvernement a pleinement utilisé les outils de régulation budgétaire à sa disposition.

1. Des ouvertures de crédits par décret d'avance d'un montant inégalé

Les ouvertures par décret d'avance ont atteint, en 2017, des montants inégalés .

Elles s'élèvent à 3,88 milliards d'euros, soit plus du double de la moyenne des ouvertures par décret depuis 2006 et 400 millions d'euros de plus par rapport à 2016, qui constituait déjà une année « record » en la matière.

Le montant exceptionnel des ouvertures opérées par décret d'avance - qui constitue une preuve supplémentaire de l'absence de cohérence et de crédibilité du budget 2017, qui avait conduit le Sénat à refuser de l'examiner - doit alerter quant aux risques liés, pour le Parlement, à un usage intensif des outils réglementaires en matière budgétaire .

Ouvertures de crédits par décret d'avance de 2006 à 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des décrets d'avance publiés depuis 2006)

Le ministre de l'action et des comptes public Gérald Darmanin a indiqué en séance, à l'occasion du projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2016 et du débat d'orientation des finances publiques pour 2018, que le nouveau Gouvernement ne recourrait plus aux décrets d'avance ni à la méthode du « rabot » , consistant à tenter de maîtriser les dépenses par des annulations généralisées d'un faible montant et non par une politique de réforme structurelle et de redéfinition du périmètre d'action de l'État.

La commission des finances sera particulièrement attentive à ce que cet engagement soit respecté .

2. Un taux effectif de mise en réserve élevé

Les décrets d'avance et plus largement les redéploiements par voie réglementaire doivent être financés par des annulations à due concurrence : en l'absence d'économies structurelles, le Gouvernement recourt au « gel » de crédits, qui consiste à rendre une partie des crédits indisponible aux gestionnaires afin de pouvoir l'annuler en cas de besoin.

La mise en réserve de crédits

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit en son article 51 qu'est jointe au projet de loi de finances de l'année « une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement », parmi lesquelles figure la mise en réserve de crédits.

Celle-ci a pour objet de « geler » des crédits de telle sorte qu'ils ne soient plus consommables, afin que les imprévus de gestion puissent être gérés sans ouverture de nouveaux crédits, selon le principe d'auto-assurance rappelé par la circulaire du premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques.

En cours d'année, certains crédits peuvent être « dégelés » sur décision du ministre du Budget, afin de couvrir des dépenses ; au contraire, le Gouvernement peut décider un « surgel » afin de disposer d'une marge d'ajustement plus conséquente pour assurer le pilotage de l'exécution budgétaire. D'autres crédits peuvent être annulés , par exemple afin de gager des ouvertures de crédits dans le cadre de décrets d'avance, ou dans un souci d'économie.

En fin d'exercice, les crédits de la réserve de précaution peuvent être soit annulés, soit reportés, lorsqu'ils n'ont pas été consommés suite à un dégel. Ces arbitrages permettent d'assurer la fin de gestion de l'exercice, consistant à concilier la couverture des dépenses inéluctables avec le respect de la norme de dépense.

En application du III de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances, le montant des crédits gelés et sa répartition par programme sont transmis aux commissions des finances des deux assemblées .

Source : commission des finances du Sénat

La mise en réserve a fortement augmenté durant le quinquennat , passant de 4,41 % en 2013 (après surgel) des crédits de paiement du budget général (hors crédits de titre 2) à 8 % en 2016, soit une hausse de 81,4 % en quatre ans. En 2017, le taux de crédits mis en réserve après surgel s'est maintenu à un niveau important : hors crédits évaluatifs, 7,6 % des crédits du budget général étaient « gelés ».

Certes, en elle-même, la mise en réserve constitue un instrument utile pour le pilotage des dépenses, qui a permis une transparence accrue concernant les crédits indisponibles , tant pour le Parlement que pour les gestionnaires.

Toutefois, l'augmentation du taux de crédits mis en réserve, tout particulièrement depuis 2013, ne semble pouvoir être justifiée autrement que par les difficultés croissantes pour « boucler » l'exécution du budget, en l'absence de réformes structurelles.

Taux de mise en réserve des crédits du budget général de 2013 à 2017

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations transmises au rapporteur général en application de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001)

Le Gouvernement a annoncé, pour 2018, une diminution du taux de mise en réserve à 3 % des crédits du budget général . Si cet engagement est tenu, il témoignera d'une rénovation du pilotage de l'exécution des dépenses de l'État.

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