EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a complété les missions du Parlement, en mentionnant dans la Constitution, qui prévoyait déjà que la loi était votée par le Parlement, que celui-ci « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». De façon récurrente, les voies et moyens de nature à améliorer la manière dont le Sénat accomplit sa mission de contrôle et d'évaluation sont régulièrement discutés au sein de notre assemblée, la réalité du contrôle étant sans doute encore perfectible au regard des objectifs qui peuvent être poursuivis au titre de cette seconde fonction du Parlement, à côté de la fonction législative.

En réalité, même si le débat sur la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement se renouvelle, votre rapporteur tient à rappeler que cette mission fait partie de l'essence même du travail parlementaire et qu'elle est assumée, particulièrement au sein des commissions permanentes et des délégations et autres organes permanents ou temporaires créés au sein des assemblées.

Notre collègue Franck Montaugé a mené une réflexion approfondie sur cette question, dès 2016, axée sur le développement de la culture de l'évaluation des politiques publiques et son élargissement à la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse pour apprécier globalement le niveau de vie et le bien-être des populations ainsi que la soutenabilité de la croissance.

Cette réflexion a abouti, en juillet 2017, au dépôt de la proposition de loi (n° 611 rectifié, 2016-2017) visant à instituer le Conseil parlementaire d'évaluation des politiques publiques et du bien-être, aujourd'hui soumise à l'examen de votre commission. Ce nouvel organe serait un office parlementaire, composé à parité de députés et de sénateurs, assisté d'un comité scientifique, sur le modèle de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Notre collègue a aussi déposé, dans une commune intention, la proposition de loi organique (n° 610 rectifié, 2016-2017) visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi, elle aussi soumise à l'examen de votre commission.

La présente proposition de loi consisterait, en réalité, à rétablir l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, qui avait été créé en 1996 à l'initiative de notre regretté collègue Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale, et supprimé dès 2000, en raison de l'insuffisance de ses travaux mais aussi de son inadaptation au cadre de la fonction parlementaire de contrôle.

À l'heure des réflexions préparatoires à la révision constitutionnelle annoncée par le Président de la République dans une déclaration devant le Parlement réuni en Congrès, le 3 juillet 2017, au cours de laquelle il a insisté, notamment, sur le développement des activités de contrôle et d'évaluation, la proposition de loi aujourd'hui soumise à l'examen de votre commission peut représenter une utile contribution à nos débats. Toutefois, elle paraît en deçà des évolutions nécessaires pour améliorer l'implication du Parlement dans l'évaluation de la loi et des politiques publiques.

I. UNE FLUCTUATION DES ORGANES PARLEMENTAIRES DÉDIÉS À LA MISSION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION, EN DÉPIT DE LA PRIORITÉ AFFIRMÉE EN FAVEUR DE CETTE MISSION

En vertu de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République, la Constitution dispose, dans son article 24, que le Parlement non seulement vote la loi, mais également « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ».

A. LE RENFORCEMENT DE LA MISSION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION

Si la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n'a évidemment pas fait naître la fonction de contrôle, consubstantielle à l'existence d'un Parlement dans un régime de séparation des pouvoirs, elle a traduit l'intention du constituant de la renforcer et de la moderniser, en lui adjoignant l'évaluation des politiques publiques et plus seulement le strict contrôle de l'action du Gouvernement. Elle a également prévu l'assistance de la Cour des comptes au Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques 1 ( * ) .

La création d'une semaine dont l'ordre du jour doit être prioritairement consacré à des travaux de contrôle, en dépit du bilan très mitigé que nombre de collègues en dressent aujourd'hui, traduit également cette priorité renouvelée accordée au contrôle parlementaire.

La période ouverte par cette révision constitutionnelle a conduit les deux assemblées à tenter d'approfondir la mission de contrôle parlementaire, en créant de nouvelles modalités d'exercice de cette mission, en complément des modalités traditionnelles. Les assemblées ont ainsi cherché à diversifier les débats de contrôle, par exemple l'Assemblée nationale en y faisant intervenir des personnalités extérieures ou le Sénat en développant des formes nouvelles de questions, mais également à créer de nouveaux organes, comme le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, désormais bien installé à l'Assemblée nationale, ou encore les délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises, au Sénat. Certains organes n'ont pas survécu, par exemple la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, qui n'a pas été maintenue en 2014, les commissions permanentes assumant, de fait, l'essentiel de cette mission de contrôle.

Votre rapporteur observe que la mission de contrôle et d'évaluation est relativement malaisée à mener en séance publique, en dehors de certains débats permettant d'interroger le Gouvernement ou des séances de questions. Le travail dans des organes plus restreints, en particulier dans les commissions permanentes, préparé par des collègues désignés à cet effet, paraît donc plus propice au développement des activités de contrôle et d'évaluation.

L'article 22 de notre Règlement précise d'ailleurs que « les commissions permanentes assurent l'information du Sénat et mettent en oeuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques et le suivi de l'application des lois » 2 ( * ) . Il ajoute que « la commission des finances suit et contrôle l'exécution des lois de finances et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques » et que « la commission des affaires sociales suit et contrôle l'application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale ».

Par ailleurs, depuis plusieurs années, le Sénat organise un débat annuel sur l'application des lois, au cours duquel les commissions permanentes interrogent le Gouvernement.

Ainsi, la mission d'évaluation est déjà pleinement intégrée dans notre Règlement et dans nos pratiques. Encore faut-il l'accomplir efficacement, sujet de nombreuses réflexions ces dernières années.


* 1 Article 47-2 de la Constitution.

* 2 L'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale précise, quant à lui, que « les commissions permanentes assurent l'information de l'Assemblée pour lui permettre d'exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement ».

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