B. FLUX ET REFLUX DES ORGANES PARLEMENTAIRES DÉDIÉS À LA MISSION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION

La proposition de loi de notre collègue Franck Montaugé semble partir du postulat que le renforcement de la mission d'évaluation suppose la création d'un organe spécifique, alors que cette mission est déjà exercée - certes sans doute d'une manière perfectible - au sein des organes existants, qu'il s'agisse des commissions permanentes, de la commission des affaires européennes, des délégations et offices ou des structures temporaires que sont les commissions d'enquête et les missions communes d'information.

En outre, le développement de nouveaux organes dédiés au contrôle, dès les années 1970 et surtout dans les années 1990, la rationalisation de ces organes après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 3 ( * ) puis la création de nouvelles instances plus récemment ne semblent pas montrer que la mise en place de tels organes suffise à elle seule à renforcer l'efficacité du contrôle.

Ainsi, dans le domaine de l'évaluation, ont été créés en 1996 un Office parlementaire d'évaluation de la législation (OPEL) 4 ( * ) et un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques (OPEPP) 5 ( * ) , tous les deux communs aux deux assemblées, c'est-à-dire composés de députés et de sénateurs.

L'OPEPP a été supprimé dès 2000 6 ( * ) , après avoir réalisé quatre rapports seulement et avoir souffert de la discordance des majorités entre l'Assemblée nationale et le Sénat les années précédentes, ainsi que le notait notre ancien collègue Philippe Marini dans son rapport, en première lecture, sur la loi ayant supprimé l'OPEPP.

L'OPEL a été supprimé, quant à lui, en 2009 7 ( * ) , mais n'avait produit que trois rapports, dont deux à la demande de votre commission des lois et un à la demande de la commission des lois de l'Assemblée nationale 8 ( * ) .

Ces deux organes n'ont pas su trouver leur place. Comme l'indiquait notre ancien collègue Patrice Gélard, dans son rapport, en première lecture, sur la loi ayant, notamment, supprimé l'OPEL, « les commissions permanentes demeurent le cadre privilégié de l'évaluation de la législation » et « peuvent, du reste, si elles le souhaitent, recourir à des moyens d'investigation en tous points comparables à ceux reconnus à l'OPEL ».

En 2002 a été créé l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) 9 ( * ) , sur le modèle de l'OPEL, avec comme mission d'informer le Parlement sur les conséquences des choix de santé publique. Si cet organe a élaboré de nombreux rapports 10 ( * ) , dans le cadre de deux programmes d'études annuels, il a aussi été supprimé en 2009, au motif que ses travaux pouvaient être menés au sein des commissions des affaires sociales de chaque assemblée, par les missions d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS).

Au-delà du seul domaine de l'évaluation, de nombreux organes, au sein des deux assemblées, concourent à la mission de contrôle et d'évaluation.

Au sein de notre assemblée, existent aujourd'hui la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, créée en 2009 et faisant suite à l'observatoire de la décentralisation, la délégation à la prospective, créée en 2009, la délégation aux outre-mer, créée en 2011, de statut législatif depuis la récente loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, ainsi que la délégation aux entreprises, créée en 2014. L'Assemblée nationale, après avoir créé une délégation à l'outre-mer en 2012, vient également de créer une délégation aux collectivités territoriales à la fin de l'année 2017.

À l'Assemblée nationale, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, créé en 2009 par la réforme du Règlement de l'Assemblée, paraît fonctionner de façon satisfaisante. Sa présidence est assurée par le président de l'Assemblée nationale et en sont membres de droit, entre autres, les présidents des groupes politiques et ceux des commissions permanentes, traduisant une implication politique et institutionnelle forte par rapport aux autres organes dédiés aux activités de contrôle et d'évaluation.

Outre l'OPECST, créé en 1983 et évoqué supra 11 ( * ) , le législateur a créé 12 ( * ) la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes en 1999 13 ( * ) , au sein de chaque assemblée, ainsi que la délégation parlementaire au renseignement en 2007 14 ( * ) , qui est en réalité un office commun aux deux assemblées.

Enfin, en vertu de l'article 88-4 de la Constitution, chaque assemblée dispose d'une commission des affaires européennes, laquelle s'est substituée aux anciennes délégations à l'Union européenne.

Votre rapporteur tire de ces diverses évolutions la conséquence qu'il est nécessaire de passer d'une réflexion sur la création d'organes parlementaires spécifiques chargés des activités de contrôle, laquelle est nécessaire mais semble montrer ses limites, à une réflexion plus large sur les méthodes, les outils et les moyens nécessaires pour accomplir de façon plus efficace les missions de contrôle de l'action du Gouvernement et surtout d'évaluation des lois et des politiques publiques . Les propositions issues du groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle, évoquées infra , se situent clairement dans cette seconde option.


* 3 Voir notamment la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.

* 4 Loi n° 96-516 du 14 juin 1996 tendant à créer un Office parlementaire d'évaluation de la législation.

* 5 Loi n° 96-517 du 14 juin 1996 tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

* 6 Article 94 de la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.

* 7 Loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.

* 8 Ces rapports sont consultables à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/commission/legislation/index.html

* 9 Article 2 de la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003.

* 10 Ces rapports sont consultables à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/commission/sante/index.html

* 11 Loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 portant création d'une délégation parlementaire dénommée office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

* 12 Ne sont évoqués ici que les organes créés par le législateur qui existent encore à ce jour. Ont ainsi été créées puis supprimées la délégation pour l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), créée en 1972 et supprimée en 1986, la délégation aux problèmes démographiques, créée en 1979 et supprimée en 2009, la délégation à la planification, créée en 1983 et supprimée en 2009, à laquelle s'est substituée au Sénat la délégation à la prospective, ainsi que la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, créée en 1999 et supprimée en 2009.

* 13 Loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

* 14 Loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.

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