D. LES MATÉRIELS DOIVENT ÊTRE MODERNISÉS

Il y a un an, votre commission écrivait : « Les besoins de court terme sont clairement identifiés (...) l'urgence est à combler les lacunes capacitaires 8 ( * ) (...) les besoins les plus pressants visent les moyens de surveillance et de reconnaissance, la flotte aérienne de transport, les avions et bateaux ravitailleurs, les patrouilleurs et les hélicoptères en général, ainsi que les véhicules de l'armée de terre » .

Le constat était posé et il fait aujourd'hui consensus. Le Gouvernement a lui-même souligné l'urgence de combler les trous capacitaires nés de l'usure de matériels poussés bien au-delà de ce qui devait être le moment de leur remplacement.

De plus, l'intensification de l'engagement des forces a, naturellement, été un facteur aggravant, tant les opérations extérieures sollicitent les matériels. Une des personnes auditionnées pour la préparation de ce rapport a ainsi estimé qu'en opération extérieure, les véhicules s'usaient environ trois fois plus vite qu'en France.

La maintenance d'appareils vieillissants est aussi plus coûteuse et plus longue, faisant inévitablement chuter le taux de disponibilité des parcs, ce qui enclenche un cercle vicieux : les matériels en état de fonctionnement normal sont sur-sollicités pour pallier leur faible nombre, ce qui accélère leur usure. Enfin, la chute des taux de disponibilité et la nécessité d'affecter en priorité les matériels en état de fonctionnement aux opérations extérieures affectent les capacités de préparation opérationnelle en France.

La LPM 2019-2025 n'a pas pour ambition de combler toutes les lacunes capacitaires , cet objectif pourtant indispensable dans un modèle complet d'armée avec une ambition d'entrer en premier ne devant être atteint, d'après le Gouvernement, qu'à l'horizon 2030. On ne peut que relever le caractère très progressif de la modernisation des domaines les plus problématiques.

Cette modernisation se concentre sur trois domaines :

- Les blindés du secteur médian , particulièrement sollicités en OPEX : il s'agit du programme Scorpion, pour lequel sont annoncés une accélération des livraisons, mais aussi le relèvement du nombre de véhicules sur l'ensemble du programme. Au-delà de la cible fixée pour 2025, votre commission considère qu'il faudra porter une grande attention au détail de l'avancement de ce programme, dont l'accélération sera assez peu perceptible dans les premières années de la programmation 9 ( * ) . Il faudra garder à l'esprit que, même après l'accélération, et sous réserve qu'elle soit tenue sur 7 ans, l'armée de terre aurait encore, dans le meilleur des cas, plus de la moitié de ses matériels roulants aux standards anciens en 2025 : 58 % des VAB seraient encore en service ;

- Les patrouilleurs maritimes , en particulier outre-mer. La « réduction temporaire de capacité » (RTC) serait comblée en 2024 au lieu de 2030. L'ouragan Irma a montré à quel point les forces armées étaient essentielles pour assurer la protection de nos concitoyens outre-mer. La réduction de capacité s'établirait à - 45 %. En métropole, la RTC ne serait comblée qu'en 2030 ;

- Les bâtiments et appareils de soutien logistique, en particulier les ravitailleurs . Pour les ravitailleurs aériens, la LPM prévoit la livraison de 12 avions A 330 MRTT 10 ( * ) et le relèvement à terme de la cible à 15 appareils, ce qui doit permettre le retrait des C135FR. Pour les ravitailleurs maritimes, la RTC serait ramenée à deux navires en service au lieu d'un seul prévu dans la précédente LPM. La RTC serait comblée en 2027 au lieu de 2029 .

Ces trois domaines d'amélioration -nettement plus lente qu'espérée- ne peuvent en outre faire oublier les impasses capacitaires qui demeurent. La plus spectaculaire concerne les hélicoptères , et en particulier le programme d'hélicoptères interarmées léger (HIL). Malgré l'annonce en mars 2017 que 160 à 190 HIL viendraient combler l'impasse capacitaire en 2024, cette perspective est en définitive repoussée à la prochaine LPM. Dans l'intervalle, la marine aura recours à la location pour remplacer les 20 Alouette III qui ont plus de 45 ans. Pour les autres types d'hélicoptères à remplacer, les HIL seraient commandés à partir de 2022, pour des livraisons après 2025.

De même, le renouvellement du parc d' avions de transport , fortement handicapé par les difficultés et retard du programme A400M, laisse songeur sur les perspectives de la prochaine LPM qui devra mener jusqu'à l'Ambition 2030. Celle-ci prévoit 53 avions de transport tactique : à supposer que la cible de la présente LPM soit atteinte (soit des livraisons de 13 appareils sur 7 ans : 11 A400M et 2 C130J), il restera, pour tenir l'Ambition 2030, 24 appareils à livrer en 4 ans...

Enfin, le renforcement des drones sera lui-aussi très progressif. Le premier système de drones MALE 11 ( * ) européen (sur 8 prévus dans l'Ambition 2030) ne serait livré qu'en... 2025, c'est-à-dire la dernière année de la LPM. Dans le domaine naval, les systèmes de drones aériens embarqués (SDAM) ne seraient pas livrés avant 2028.

Votre commission est très attentive à la gestion de l'attente et au décalage entre les espoirs suscités par les effets d'annonce et la réalité des livraisons.


* 8 La précédente LPM assumait, pour la période 2020-2030, la perspective de « ruptures temporaires de capacité » (RTC).

* 9 Au total, en comptant le délai d'appropriation et le fait que les livraisons ne débuteront que fin 2018 pour les 3 premiers Griffon et en 2019 pour les 4 premiers Jaguar, il faudra sans doute attendre 2021 pour pouvoir imaginer un premier sous-groupement tactique interarmes(SGTIA) au standard Scorpion.

* 10 Multi Role Tanker Transport.

* 11 Moyenne Altitude Longue Endurance.

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