Rapport n° 476 (2017-2018) de M. Christian CAMBON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 16 mai 2018

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N° 476

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 mai 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ,

Par M. Christian CAMBON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Robert del Picchia, Thierry Foucaud, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

659 , 732 , 761 , 762 , 765 et T.A. 104

Sénat :

383 , 472 , 473 et 477 (2017-2018)

POSITION DE LA COMMISSION

UNE LPM D'INTENTION, DONT L'ENJEU SERA LA BONNE APPLICATION

La commission a adopté ce projet de loi en raison de l'inflexion qu'il vient enfin apporter (remontée en puissance des moyens après des années d'attrition) et sur la base de ses intentions , qui sont bonnes (moyens à « hauteur d'homme », restauration d'un potentiel usé, intégration de l'innovation). Lucide toutefois sur les fragilités, les lacunes et les paris de cette programmation militaire, la commission considère que l'enjeu en sera sa bonne application . Le rôle du Parlement, et du Sénat en particulier, sera essentiel pour le contrôler.

La commission a modifié le texte pour sécuriser les ressources des armées, renforcer un volet « immobilier » insuffisant, rendre plus agiles les processus d'acquisition des équipements pour mieux intégrer l'innovation , mieux protéger les droits des pensionnés et victimes de guerre, et renforcer les pouvoirs parlementaires de contrôle de l'exécution de la programmation.

Le constat : une programmation bien orientée mais souffrant de fragilités et reposant sur des paris.

Vu l'intensité des menaces mises en avant par la revue stratégique (États faillis, terrorisme, retour des menaces de la force, instabilité au Moyen-Orient) c'était une évidence : les moyens des armées devaient remonter. Les intentions de la LPM sont bonnes : elle marque la fin de l'attrition, des régiments qui ferment, des dizaines de milliers d'emplois supprimés (50 000 en 10 ans), la fin de décennies d'éreintement, faites de sous-investissement et de sur-engagement opérationnel. Elle porte une vision d'autonomie stratégique , autour d'un modèle complet d'armée, maintenant la capacité à entrer en premier , que partage votre commission.

La commission souscrit aux priorités affichées : amélioration de la condition du soldat et des familles ; préparation de l'avenir, avec des renouvellements d'équipements et la modernisation des deux composantes de la dissuasion nucléaire.

En particulier, 50 % des nouveaux blindés médians de l'armée de Terre seront livrés d'ici 2025, la Marine nationale bénéficiera de nouveaux sous-marins nucléaires d'attaque BARRACUDA, de FREMM et de FTI (respectivement 4, 8 et 2 livrés d'ici 2025). L'armée de l'Air bénéficiera de nouveaux avions ravitailleurs, de drones et d'avions de chasse nouveaux (28 Rafale) ou rénovés (55 M2000 D). Le nombre d'avions ravitailleurs et de transport stratégique est porté de 12 à 15 appareils d'ici 2025 et une livraison des douze premiers exemplaires sera achevée dès 2023. La cible de patrouilleurs de la Marine nationale est portée de 17 à 19, dont 11 livrés d'ici 2025. Le remplacement des bâtiments de ravitaillement à la mer à « simple coque » sera accéléré de deux ans et 32 canons CAESAR seront livrés avant la fin de la LPM.

La commission estime toutefois que cette programmation souffre de réelles fragilités .

D'abord elle est surtout d'intention politique car sa trajectoire devra être confirmée chaque année dans le projet de loi de finances ; une actualisation est d'ores et déjà prévue en 2021, avec le risque d'une révision à la baisse de la deuxième partie de la programmation (de loin la plus ambitieuse) si la situation économique ne s'est pas améliorée. Surtout, le gros de l'effort interviendra après les élections de 2022 (où les hausses annuelles de crédits seront à la limite de la soutenabilité avec un effort supplémentaire de 3 milliards d'euros chaque année à partir de 2023). La commission émet de sérieux doutes sur la soutenabilité de cette hausse brutale en fin de période. Elle avait au contraire dans son rapport « 2% du PIB pour la défense » en mai 2017 recommandé d'étaler l'effort de façon continue sur la durée de la programmation.

Deuxième fragilité, les engagements de la LPM sont flous : la commission dénonce l'absence de calendrier détaillé par année du programme d'équipement, seuls des objectifs lointains (2025 et 2030) étant précisés ; la commission regrette l'absence de trajectoire financière pour les infrastructures ou d'indicateurs annuels pour la remontée des taux d'entrainement ou de disponibilité des matériels.

L'analyse de la commission est que cette information lacunaire résulte d'une volonté du Gouvernement de masquer la persistance, jusqu'en 2022 au moins, d'une situation préoccupante. La LPM ne couvre qu'une partie des besoins des armées. Le volet à « hauteur d'hommes » est fragilisé par l'insuffisance des crédits d'infrastructure (il manque 1,5 milliard d'euros et en 2025 60 % des infrastructures de la défense seront « dégradées »), la faiblesse et le rythme trop lent des recrutements (450 seulement les premières années là où la commission a estimé les besoins à 2 500 par an) et l'absence de consolidation de services de soutien pourtant éreintés, tels le service de santé des armées (SSA), qui conditionne la capacité d'entrée en premier des forces et dont les personnels projetés effectuent 200 % de leur contrat opérationnel, ou encore du commissariat, élément essentiel à la qualité de vie en régiment.

S'agissant des équipements , la LPM laissera subsister pendant plusieurs années des lacunes capacitaires, dont certaines ne seront même pas résorbées en fin de programmation. L'« accélération » annoncée ne peut être mesurée précisément d'ici à 2022 faute pour le projet de loi de préciser le détail année par année, ce qui amène à penser qu'elle sera très modeste. En 2025, 58 % des antiques « VAB » seront encore en service, 80 hélicoptères Gazelle seront prolongés pour atteindre en moyenne, 40 ans de service. En 2025, le drone de la marine sera tout juste commandé. Seuls 50 % des chars Leclerc auront été rénovés, et le parc réduit de 17%. « L'effort marqué sur les petits équipements » consistera en une progression de 0,3 % en 2019, avant une baisse de 1,2 % en 2020, la hausse ne se concrétisant qu'en 2021. La trajectoire de livraison des avions de transport tactique est peu crédible : livraison d'1,8 appareil par an en moyenne et de 6 avions par an à partir de 2026 pour atteindre « Ambition 2030 ». En 2025, les avions de guerre électronique C160 Gabriel se seront pas remplacés et devront être prolongés de 2 ou 3 années.

Le maintien en l'état des contrats opérationnels, qui auraient dû être rehaussés, vu l'état des menaces et le surengagement actuel des armées, continue à faire peser un risque de suractivité sur les armées.

La programmation repose aussi sur un pari : celui des coopérations capacitaires européennes. Or le Royaume-Uni est affaibli par le Brexit et le partenariat avec l'Allemagne repose aujourd'hui plus sur une affirmation politique volontariste que sur une réalité industrielle ou opérationnelle. En particulier, la coopération franco-allemande autour du futur avion de combat devra préserver les intérêts industriels français.

L'apport de la commission : consolider la programmation, contrôler son exécution.

La commission a modifié le projet de loi selon 5 axes :

1- Sécuriser les ressources de la défense

La commission a instauré une clause de sauvegarde en cas de hausse des cours du pétrole ; elle a protégé les ressources de la LPM par rapport à un éventuel service national universel , qui ne pourra pas être financé, ni en crédits ni en personnels, par les ressources de la programmation militaire.

La commission a prévu la prise en compte, dans la trajectoire de ressources, lors de l'actualisation en 2021, des conséquences des décisions des sommets de l'OTAN et des contrats d'exportation qui ont des impacts en termes de soutien à l'exportation « SOUTEX ». En 2015, près de 300 millions d'euros sont ainsi restés à la charge des armées, dont 200 millions d'euros de dépenses indirectes inhérentes aux prélèvements de matériels.

Sur les OPEX, la commission a inclus le titre 5 dans le surcoût OPEX pour tenir compte de l'usure accélérée du matériel en opérations, et a limité à sa part dans le budget général l'éventuelle contribution du ministère des armées aux surcoûts OPEX résiduels financés de façon interministérielle.

La commission a enfin fixé le principe d'un retour intégral aux armées des produits de cessions immobilières (500 millions d'euros sont attendus sur la programmation).

2- Renforcer le volet « immobilier »

Cette LPM qui s'affiche « à hauteur d'hommes » ne prévoit pas d'amélioration sur le plan du logement des militaires , enjeu crucial pour le soldat et sa famille, en particulier pour Sentinelle (il manque 400 logements en région parisienne). Pire, la vente à bas prix du patrimoine prestigieux des armées à Paris continue. La commission, pour améliorer cette situation, a prévu que la décote « Duflot » ne serait applicable aux ventes des immeubles des armées que si 100 % des logements sociaux étaient réservés aux militaires ; ceci pour éviter que le ministère des armées ne voie son patrimoine cédé, sans pouvoir bénéficier en retour ni des produits de cession ni de capacités de logement supplémentaires pour les militaires.

La commission souhaite que les décisions sur le Val-de-Grâce soient reconsidérées au regard des besoins en logement pour Sentinelle notamment.

3- Rendre plus agiles les processus d'acquisition pour mieux intégrer l'innovation

La commission a adopté un amendement tendant à assouplir le cadre juridique des achats d'équipement pour permettre une diffusion plus rapide et moins coûteuse de l'innovation, de plus en plus issue du civil.

4- Protéger les droits des pensionnés et des invalides de guerre

La commission a réintroduit, à l'article 32, au sein du contentieux administratif, des spécificités des formations de jugement actuelles, et a précisé à l'article 36 les conditions de détermination des pensions militaires d'invalidité.

5- Préciser les dispositions relatives aux incompatibilités pour les militaires en activité

S'agissant des communautés de communes, la commission a porté à 30 000 habitants, au lieu de 15 000, le plafond au-dessus duquel les militaires en activité ne pourront pas être conseillers communautaires. Elle a également supprimé l'interdiction pour les militaires élus dans les communes de moins de 9 000 habitants de participer à l'élection sénatoriale. Enfin, elle a rendu les fonctions de militaire en activité incompatibles avec l'exercice d'une présidence de syndicat mixte.

6- Accroître le pouvoir de contrôle du Parlement

La commission, qui dispose déjà, à l'initiative du Sénat en 2013, de pouvoirs de contrôle du gouvernement, y compris sur pièces et sur place, de l'exécution de la programmation, a en outre prévu la transmission de nouveaux documents lui permettant d'asseoir ce contrôle sur une base plus solide. La commission a également prévu que l'effort financier consenti en faveur de l'entretien programmé des matériels sera retracé de façon lisible et précise année après année dans les documents budgétaires.

La commission a veillé à disposer à partir de 2021 des moyens de vérifier la progression des indicateurs de préparation opérationnelle des soldats, actuellement inférieure de 10 % en moyenne aux normes internationales, et l'amélioration de la disponibilité technique des équipements.

Enfin, la commission a prévu d'accroitre les pouvoirs d'information de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) et de la doter d'un rapporteur pour raffermir son contrôle.

La commission a adopté le projet de loi de programmation ainsi modifié.

On m'a dit : « Résigne-toi »

Mais je n'ai pas pu.

Et j'ai repris mon arme.

Emmanuel d'Astier de la Vigerie, 1943

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le texte qui vous est soumis aujourd'hui dépasse le cadre d'une loi ordinaire, non par sa portée juridique, qui est conditionnée par sa nature de loi de programmation, mais par sa dimension politique, qui est considérable. L'engagement que le Gouvernement entend solennellement souscrire devant le Parlement de faire remonter en puissance nos armées tranche nettement avec les évolutions budgétaires que celles-ci ont connues depuis la fin de la Guerre froide. Mais, ce faisant, le Gouvernement ne fait en définitive que tirer la conclusion nécessaire à laquelle conduisent une vision claire de la situation de notre pays, de la montée des périls auxquels il est confronté et des attentes de nos concitoyens. Votre commission souligne cette nécessité depuis longtemps, et encore il y a un an à travers son rapport 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale 1 ( * ) . Le caractère évident de la nécessité de redresser notre effort de défense ne diminue en rien, du reste, le mérite du Président de la République et du Gouvernement d'en avoir, à travers ce texte, tiré les conséquences institutionnelles.

Mais là n'est pas le fait majeur qu'exprime ce projet de LPM. L'élément décisif pour la défense de la Nation qu'il révèle, c'est la convergence extraordinaire et sans précédent récent des attentes des Français en ce domaine : c'est le renouveau d'un esprit de défense qui est intimement lié à la construction de la nation française. Que ce soit de façon explicite ou dans une intuition inconsciente, nos concitoyens ont une claire perception des nouvelles menaces qui pèsent sur notre pays. Celles-ci sont multiples, tenant tant au cercle vicieux de l'affaiblissement du multilatéralisme et du nouvel expansionnisme des puissances étatiques, qu'à l'éruption en Europe du terrorisme djihadiste.

Quoique de nature et de forme très différentes, ces deux défis convergent pour se fondre dans une contestation radicale du modèle démocratique occidental, qui repose depuis les Lumières sur la construction progressive d'un Etat de droit dont la cellule fondamentale et sacrée est le citoyen doté de droits inaliénables. Face à ces menaces simultanées et relativement soudaines, la France aurait pu se figer dans le repli sur soi et se lamenter dans un déclinisme défaitiste, qui a malheureusement parfois bonne presse. Cela aurait été trahir son histoire et tourner le dos à son destin.

Bien au contraire, et l'examen de ce texte en sera la démonstration, c'est dans l'épreuve que la nation française montre sa valeur et sa détermination. L'inversion de tendance budgétaire dont ce texte est porteur pour nos armées était indispensable ; elle n'est pas, en elle-même, suffisante, ni pour le message que la Nation doit adresser aux hommes et aux femmes qui ont décidé de consacrer leurs vies, parfois jusqu'au sacrifice ultime, à sa défense ; ni pour le signal que nous devons adresser à nos alliés, à nos partenaires, à nos adversaires et à nos ennemis.

Ce texte ne vous est pas soumis à l'heure des choix : l'heure des choix est passée. Il reste à les clarifier et à les expliquer. Lorsqu'il a écarté la question de la dissuasion nucléaire du champ de la Revue stratégique, le Président de la République, chef des armées en application de notre Constitution, a symboliquement exprimé que la question n'était pas de savoir si la France devait ou pouvait rester maîtresse de son destin, mais de savoir quels en étaient les moyens les plus efficaces.

La dissuasion nucléaire, qui occupe une place importante dans cette LPM, n'est en effet pas une option militaire parmi d'autres, mais avant tout une affirmation politique. Elle est l'un des quatre piliers de l'indépendance nationale dans sa conception gaullienne, avec l'indépendance alimentaire, l'indépendance énergétique et l'autonomie industrielle. Mais ce choix gaullien s'inscrit dans la perpétuation d'un principe fondateur de la Révolution française, qui a porté l'idée républicaine à travers les épreuves depuis dix générations : vivre libre ou mourir. C'était vrai alors ; cela l'était encore au plateau des Glières ; et cela l'est toujours aujourd'hui.

Le contenu du texte qui vous est soumis n'est que la déclinaison logique de ce cap idéologique, que la France a suivi depuis plus de deux siècles, y revenant invariablement si les secousses de l'histoire l'en faisaient dévier un moment. Les principaux marqueurs de ce texte ne sont que les différentes facettes du même bloc idéologique : l'hommage de la Nation à ses soldats, à leur professionnalisme et à leur valeur, exprimé dans ce texte par l'expression « à hauteur d'homme » ; le modèle complet d'armée, qui suppose le comblement dans les meilleurs délais des trous capacitaires creusés depuis le début de ce siècle ; la capacité à entrer en premier, traduction matérielle de notre autonomie de défense ; l'inversion de la courbe des effectifs ; la volonté de se saisir des nouveaux espaces de conflictualité (cyberespace, exo-atmosphérique) ; le renforcement du renseignement ; la préparation de l'avenir, avec la prise de conscience de la nécessité vitale de capter l'innovation duale et d'accélérer la diffusion de l'innovation dans l'équipement des forces.

Votre commission partage ce cadre idéologique et les objectifs concrets qui en découlent. Elle considère toutefois que la meilleure façon d'apporter sa contribution à cet effort est de jouer pleinement le rôle institutionnel que les commissions parlementaires chargées de la défense jouent depuis que Georges Clemenceau l'avait défini au Sénat pendant la Première Guerre mondiale. Il s'agit d'un dialogue responsable mais exigeant avec l'Exécutif.

A ce titre, votre commission sera particulièrement attentive à la façon dont le Gouvernement entend éviter les écueils qui s'annoncent :

- il s'agit naturellement de la trajectoire budgétaire annoncée, dont la pente en deuxième partie de programmation est très ambitieuse, pour ne pas dire audacieuse, et ce d'autant qu'elle interviendra après plusieurs étapes intermédiaires : le rendez-vous d'actualisation en 2021, en premier lieu ; et le rendez-vous démocratique des élections générales en 2022 ;

- il s'agit en second lieu du cadre de nos alliances et de nos coopérations, sur lequel cette LPM est largement bâtie. Là encore, le succès ou l'échec dépendront de la capacité de la France à faire partager à ses partenaires sa conception de l'effort commun et des objectifs stratégiques poursuivis. Sur ce plan, les questions sont multiples et difficiles : rapport entre l'Europe de la défense et l'OTAN, partenariats industriels équilibrés, vision commune sur le devenir des matériels, notamment dans une perspective d'exportation... Autant de sujets sur lesquels votre commission sera mobilisée tout au long de la période de programmation.

Ce rôle de votre commission dans le contrôle de l'action du Gouvernement se déploie dans une double profondeur : d'une part, le mandat sénatorial étant de six ans et le Sénat se renouvelant par moitié (ce qui permet la transmission dans la durée de la doctrine de votre commission), le contrôle de votre Haute Assemblée s'inscrit dans le temps long, au-delà des remous et des émotions du moment ; d'autre part, votre commission a considéré depuis de longues années que l'importance des questions de défense pour la nation conduisait à dépasser l'approche partisane. Pour cette raison, la majorité et l'opposition sénatoriales élaborent ensemble les rapports de la commission, chaque sujet faisant l'objet d'une approche conjointe. Cette méthode ne nie en rien les divergences politiques qui existent entre la majorité et l'opposition sénatoriales, mais elle permet en revanche d'assoir, à chaque fois que cela est possible, les positions de votre commission sur un large consensus, construit dans la durée.

C'est dans cet esprit que votre commission aborde la discussion du projet de LPM, sans esprit partisan, mais avec la volonté que les promesses d'aujourd'hui deviennent les réalisations de demain, pour renforcer nos armées et préserver l'avenir de la France.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Lors des auditions menées par votre Rapporteur et les rapporteurs budgétaires de la commission en préparation de l'examen de ce projet de LPM, une image est revenue souvent chez les personnes auditionnées : celle du verre à moitié plein et à moitié vide.

Si l'on regarde le verre à moitié plein, on constate la fin de l'érosion de l'armée française par les restrictions budgétaires, et une trajectoire annoncée à la hausse.

Si l'on regarde le verre à moitié vide, on observera tout d'abord que ce texte, s'il tire les conséquences de l'usure prononcée des matériels et des hommes, d'une part, et de la montée des périls, d'autre part, ne le fait que partiellement. En effet, la trajectoire financière apparaît fragile, en ce qu'elle fait peser le gros de l'effort sur les années les plus lointaines et les moins assurées, et son ampleur est moindre que ce qui aurait été nécessaire pour répondre aux besoins réels des armées. Le Sénat 2 ( * ) avait ainsi estimé l'effort supplémentaire nécessaire à 2 milliards d'euros et 2 500 recrutements par an dès 2018. La programmation présentée par le gouvernement fait porter l'effort plus tard et moins haut.

I. UNE PRISE EN COMPTE PARTIELLE DE BESOINS CONSIDÉRABLES

A. LA MONTÉE DES PÉRILS REND VITAL LE REDRESSEMENT DE NOTRE EFFORT DE DÉFENSE

Le contexte nouveau d'un monde plus instable et plus violent a été bien décrit dans la Revue stratégique, et il n'y a donc pas lieu d'y revenir longuement. En revanche, il importe de souligner deux caractéristiques de la situation actuelle qui militent pour un rythme d'investissement soutenu :

- le caractère polymorphe des menaces

o qu'il s'agisse du retour des possibilités d'affrontements de haute intensité avec des puissances étatiques. On assiste ainsi à des incidents entraînant la perte par des armées modernes d'appareils de dernière génération 3 ( * ) ;

o ou qu'il s'agisse de guerres et d'opérations asymétriques, opposant des forces étatiques à des groupes terroristes, des milices ou des rébellions ;

- la diffusion de technologies de rupture dans les matériels de défense. Cela tient à l'accélération des cycles d'investissement, du fait notamment de la numérisation des sociétés (communications, équipements connectés, réalité virtuelle, intelligence artificielle permettant une robotisation de plus en plus poussée) ; à une concurrence accrue sur le marché des armements ; et, naturellement, à l'intensification de l'effort de défense d'acteurs mondiaux majeurs (Etats-Unis, Russie, Chine, mais aussi Turquie ou Arabie saoudite).

B. L'ARMÉE FRANÇAISE EST ENGAGÉE AU-DELÀ DE SES MOYENS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

La LPM n'apporte que des changements modestes aux contrats opérationnels fixés en 2013.

Pourtant, depuis 2014, les contrats opérationnels ont été si amplement dépassés que la nécessité de leur évolution semblait s'imposer d'elle-même. Le niveau d'engagement des armées a ainsi été d'environ 30 % supérieur aux contrats opérationnels définis dans le Livre blanc de 2013, comme le rappelle l'encadré suivant.

DES CONTRATS OPÉRATIONNELS DÉPASSÉS

Selon les informations communiquées par le ministère des armées, en synthèse, sur la durée de la LPM en cours d'exécution, la comparaison entre la réalité des engagements et les contrats opérationnels définis dans le Livre blanc de 2013 s'est établie comme suit :

- engagement des armées sur 4 théâtres d'opérations significatifs, dont 2 majeurs, alors que le Livre blanc de 2013 ne prévoyait que 2 à 3 théâtres, dont 1 majeur ;

- 4 à 5 déploiements maritimes dont 3 à 4 permanents, contre 2 à 3 déploiements prévus;

- déploiement de 3 bases aériennes projetées, alors que le Livre blanc de 2013 n'en prévoyait qu'une seule ;

- un engagement dans la durée de 7 000 hommes dans l'opération Sentinelle, avec des pics allant jusqu'à 10 000 hommes, au-delà du contrat prévu dans le Livre blanc de 2013.

Au cours de la même période, pour ce qui relève de la gestion de crise ont été engagées en moyenne les capacités suivantes :

-  plus de 300 véhicules de l'avant blindé contre les 200 prévus ;

- plus de 20 avions de combat en moyenne contre 12 prévus dans le Livre blanc de 2013 ;

- 6 à 7 avions de transport tactique contre les 6 prévus ;

- une dizaine de bâtiments de la marine nationale (dont des SNA) contre les 6 prévus.

Les contrats opérationnels prévus par le présent projet de loi affichent finalement des ambitions plus limitées que ce que l'on aurait pu espérer. En effet, le niveau de ces contrats est déterminant pour le format d'armée, et notamment les besoins en équipement. La forte contrainte budgétaire que cela représente a eu raison de l'ambition qui aurait consisté à mettre les contrats opérationnels au niveau des besoins constatés depuis 4 ans.

Nos armées vont donc durablement rester dans ce format « juste insuffisant » que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dénonce depuis plusieurs années.

Ce choix peut s'expliquer, dans un contexte de contrainte forte des finances publiques. Mais est-il réaliste, dans le contexte géostratégique décrit par la Revue stratégique, de ne rendre possible aucune nouvelle marge de manoeuvre d'engagement des armées en ne prévoyant que trois théâtres d'opérations - déjà en cours- avec la capacité à assumer le rôle de nation cadre sur un théâtre et à être contributeur majeur au sein d'une coalition ? Peut-on ainsi exclure d'emblée l'ouverture de tout nouveau théâtre pendant toute la période de programmation, ou bien escompte-t-on pouvoir se désengager d'un des théâtres d'opérations ? En ce domaine, aucune évidence ne s'impose, et l'expérience prouve qu'il est difficile de mettre fin à une OPEX.

Cette suractivité a eu d'importantes conséquences sur les niveaux d'entraînement et de disponibilité des matériels. L'accomplissement des missions demandées et la réalisation d'opérations caractérisées par le durcissement des conditions d'emploi et leur durée ont entraîné de fortes tensions sur la régénération des matériels et la préparation des personnels. Le cycle de préparation opérationnelle de l'Armée de Terre, également soumis à pression par la remontée de la force opérationnelle terrestre (FOT) et l'opération Sentinelle, a été durement affecté. La Marine a connu des répercussions sur la formation de ses personnels engagés dans la lutte anti-sous-marine et la surveillance maritime. Enfin, l'Armée de l'air a connu, hors opération, un déficit d'activité aérienne, qui a allongé la durée de formation des équipages de près de 30 % en moyenne, alors que dans le même temps, les équipages plus expérimentés étaient confrontés au surengagement.

Votre commission a regretté année après année, que les normes d'entraînement de nos armées qui sont, avant même d'être gage de leur efficacité, leur première défense, la source de leur sécurité, soient inférieures de 10 % en moyenne aux normes de l'OTAN .

Alors que la coopération avec nos Alliés est une réponse à certains choix ou à certaines contraintes de la période de programmation à venir, la nécessité de respecter les normes d'entraînement international auxquelles nous avons souscrit s'affirme.

De même, la disponibilité technique opérationnelle des matériels n'a pas atteint pendant la précédente période de programmation tous les objectifs fixés. Ont particulièrement été contraintes les disponibilités des équipements aéronautiques et des équipements de l'armée de terre .

La disponibilité technique opérationnelle (DTO) des équipements de l'armée de terre est à la peine. La disponibilité des chars LECLERC souffre de l'engagement du personnel en charge de sa maintenance sur l'opération « Sentinelle », celle des chars AMX 10 RCR du vieillissement du parc, malgré les efforts de prolongation de sa durée de vie. Le parc des véhicules de l'avant blindés (VAB) souffre d'un déficit de régénération, celui des véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) des actions de « rétrofit » chez l'industriel.

La remontée de la DTO des équipements aéronautiques , toujours annoncée et espérée, est restée lente et encore insatisfaisante. La disponibilité des hélicoptères de l'armée de terre annoncée en progression de 10 % en 2018 par rapport à 2017, ne permet de remplir que 58 à 66 % du contrat opérationnel selon la flotte concernée. Pour les hélicoptères de la marine, ce taux est encore plus bas avec seulement 55 % du contrat opérationnel . La DTO des hélicoptères de l'armée de l'air devrait atteindre en 2018 85 % du contrat opérationnel . La transformation de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère-SIMMAD 4 ( * ) en Direction de la maintenance aéronautique-DMAé en 2018 est une nouvelle tentative pour résoudre les difficultés et atteindre enfin les niveaux de disponibilité nécessaires tant à la préparation opérationnelle qu'à l'accomplissement des contrats opérationnels.

Enfin, les forces de souveraineté et les forces prépositionnées ont souffert lors de la précédente LPM d'un sous-dimensionnement réel.

Pour les forces de souveraineté, les capacités militaires françaises ont été réduites de moitié alors que le Livre blanc de 2008 jugeait déjà ces forces « à peine suffisantes pour exprimer la souveraineté de notre pays sur ces territoires » 5 ( * ) . Le partenariat stratégique noué entre l'Australie et la France en 2012, le Livre blanc de 2013 et le contrat du siècle de 2016 6 ( * ) ont pourtant confirmé l'intérêt stratégique de notre pays notamment pour la zone de l'Asie-Pacifique.

Or ces moyens sont insuffisants au regard des besoins et du rôle que notre pays entend jouer. C'est particulièrement le cas des patrouilleurs de souveraineté dit P400 dont 3 sur 10 sont encore en activité. La quasi-disparition de la flotte de patrouilleurs a entraîné une surveillance moindre de pans entiers du territoire maritime français. En outre, le fort taux d'emploi accélère le vieillissement des P400 et leur indisponibilité en mer. Le trou capacitaire, prévu, risque de s'accroître. Il a été partiellement atténué par la livraison de quatre bâtiments multi-missions (B2M) et 2 patrouilleurs légers guyanais (PLG) entre 2016 et 2018.

Mais un déficit capacitaire est prévu entre 2020 et 2024 outre-mer. Cette situation n'est pas tenable, l'effort budgétaire à réaliser n'étant pas si conséquent au regard des enjeux ! Au cours de la LPM 2019-2025, sans que plus de précision ne soit apportée sur le moment précis, l'effort portera sur la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et la Guyane. Les effectifs permanents devraient être renforcés d'ici 2023 dans certains domaines ciblés, tandis qu'un patrouilleur léger guyanais (PLG) devrait être livré en 2019 et 6 patrouilleurs outre-mer (POM) entre 2022 et 2024.

Or, sans patrouilleurs, la France risque de voir sa souveraineté sur ses espaces ultramarins et ses zones économiques exclusives (ZEE) plus facilement mise à mal. De même, la lenteur de la réaction de l'État après le passage de l'ouragan Irma sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy tient notamment aux manques de moyens des forces de souveraineté.

De la même façon, nos forces prépositionnées sont autant d'interfaces stratégiques dont on a eu tort de réduire les moyens. Votre commission a ainsi organisé au mois de mars une mission à Djibouti qui a mis en évidence l'importance stratégique des Forces françaises basées à Djibouti (FFDJ), sur le plan militaire, bien sûr, mais aussi plus généralement sur le plan de la présence française dans cette zone très sensible. A ce titre, une réflexion doit être menée sur les affectations dans les forces prépositionnées, à la fois sur la durée des missions et, dans le cas des missions de longue durée, sur le profil familial des militaires affectés. Dans un pays comme Djibouti, la présence des familles d'une partie des militaires des FFDJ est aujourd'hui la clef de voûte de la présence française dans le pays. Le coût du maintien et, là où c'est nécessaire, du renforcement des forces prépositionnées apparaît marginal au regard de leur importance stratégique.

C. LES RESSOURCES HUMAINES SONT SOUS TENSION

1. Un effort en termes d'effectifs inégalement réparti sur la durée de la programmation

S'agissant des effectifs, la programmation s'inscrit dans le prolongement de la hausse décidée - mais non financée - lors du conseil de défense du 6 avril 2016 pour la fin de la programmation 2014-2019, en conséquence des attentats survenus en 2015 7 ( * ) .

Pour la première fois depuis des années, la programmation militaire prévoit une progression des effectifs , traduction de la remontée en puissance des armées dont ce projet de loi se veut le porteur.

Il faut rappeler, en effet, que les précédentes programmations avaient prévu des déflations massives dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de l'adaptation du ministère de la défense au nouveau format des armées, représentant au total plus de 50 000 suppressions nettes de postes sur la période 2008-2019 , un effort considérable et sans comparaison dans les autres ministères.

En prévoyant une augmentation nette de 6 000 équivalents temps plein (ETP) sur la programmation 2019-2025 , le projet de LPM envoie donc un signal positif et très attendu aux armées. Cette augmentation nette, qui portera les effectifs du ministère à 274 936 ETP à la fin de la programmation, bénéficiera aux domaines prioritaires que sont le renseignement (+1 500), la cyberdéfense et l'action dans l'espace numérique (+1 500), le champ de la « sécurité-protection » (+750) et le soutien aux exportations (+400), le maigre solde (1 850) étant destiné à répondre aux nombreux besoins des unités opérationnelles et de leur environnement.

Ces chiffres et le tempo des recrutements sont là encore en dessous des estimations du Sénat qui chiffraient à 2500 par an les besoins en recrutement des armées, et ce, dès 2018.

2. Une manoeuvre RH renouvelée

La manoeuvre RH complexe sera poursuivie sur la programmation 2019-2025, consistant à gérer en permanence d'importants flux (entrées, carrière, sorties) et à fournir aux différents employeurs du ministère les effectifs et les compétences dont ils ont besoin.

Premier volet de cette manoeuvre, le recrutement, qui constitue un levier stratégique compte tenu de « l'impératif de jeunesse » des armées et de la nécessité d'assurer un constant renouvellement de leurs effectifs (10 % chaque année dans la Marine par exemple). Le défi est à la fois quantitatif -d'autant que le vivier dans lequel puisent aussi les autres forces de sécurité est limité - et aussi de plus en plus qualitatif , eu égard à la problématique des compétences rares ou critiques. Certains métiers (atomiciens, spécialistes cyber, mécaniciens aéronautiques...) connaissent, en effet, d'importantes difficultés de recrutement, dues notamment à la concurrence du secteur privé. Il importe donc de préserver l'attractivité des métiers de la défense , non seulement en termes de rémunérations, mais aussi de déroulement de carrière et conditions du personnel. Lors de son audition par la commission, le Secrétaire général de l'administration a indiqué que les besoins du ministère des armées pour les personnels civils et militaires correspondaient à 66 recrutements par jour . Mais il faudra aussi tenir compte de l'impact que pourraient avoir les départs massifs à la retraite attendus dans les prochaines années.

Par ailleurs, s'agissant des personnels civils, il peut être nécessaire, pour répondre aux besoins, d'envisager des modalités de recrutement innovantes, comme le propose l'article 16 du projet de loi . Celui-ci prévoit, à titre expérimental, la mise en place d'une procédure dérogatoire de recrutement (audition par un comité de sélection) pour le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrication et des secrétaires administratifs dans six régions connaissant des difficultés à pourvoir les postes, et un assouplissement des conditions de recours à des contractuels pour des postes connaissant, dans ces mêmes régions, une vacance d'emploi depuis plus de six mois, dans quelques spécialités bien identifiées (renseignement, génie civil, systèmes d'information et communications...).

La fidélisation constitue un enjeu assez proche puisqu'elle consiste à dissuader les personnels de quitter prématurément l'institution, alors que celle-ci a besoin d'eux. Ce peut être le cas du fait de la concurrence du secteur privé (atomiciens, mécaniciens aéronautiques...), dans lequel les compétences techniques et le savoir-être des militaires sont prisés, ou lorsque les conditions d'activité deviennent trop pénibles (fusiliers marins, fusiliers de l'air). La problématique de la fidélisation concerne aussi le personnel civil, parfois tenté lui aussi de préférer le secteur privé ou d'autres ministères. Pour y répondre, la nouvelle programmation prévoit, par exemple, une revalorisation en faveur des corps des ingénieurs de l'armement, des ingénieurs des études et fabrication et des praticiens des armées.

La cohérence des parcours et une gestion dynamique des carrières conditionnent également l'attractivité de la fonction militaire. Cela passe notamment par une gestion prévisionnelle des ressources humaines et une certaine fluidité de l'avancement. Des mesures telles que celle prévue à l'article 8 du projet de loi, qui porte de 56 à 59 ans la limite des officiers généraux du corps des officiers de l'air, peuvent aussi y contribuer. La formation -initiale ou continue - est également un axe déterminant, pour dynamiser les carrières et assurer l'évolution des compétences et leur adaptation continue aux besoins.

Le maintien d'un flux régulier de départs conditionne à la fois le recrutement de nouveaux personnels et les perspectives de carrière des plus anciens. Le maintien des aides au départ est donc indispensable à cette manoeuvre . Si l'on peut comprendre qu'il soit nécessaire d'attendre le résultat d'un rapport d'inspection pour calibrer au mieux le dispositif, votre commission souligne la nécessité de prendre rapidement l'ordonnance prévue à cet effet par l'article 15 du projet de loi , afin de permettre aux personnels intéressés d'avoir une visibilité sur l'avenir de ces aides -dont le régime actuel échoit fin 2019 - et de prendre les décisions qui les concernent dans les meilleures conditions.

La commission se réjouit que l'obsession du « dépyramidage » soit moins prégnante que dans la précédente programmation, compte tenu de la nécessité de recruter des personnels de haute technicité (catégorie A ou équivalents) pour les besoins du renseignement, de la cyberdéfense, de l'intelligence artificielle ou du maniement de nouveaux systèmes d'armes perfectionnés.

Enfin, il convient de souligner l'importance du dispositif de reconversion, indispensable à l'accompagnement des militaires dans leur transition vers l'emploi civil après une carrière courte dans les armées, mais aussi à la transformation de nombreux emplois au sein du ministère. Il est aussi déterminant pour limiter la dépense liée à l'indemnisation du chômage des militaires , qui pèse sur la masse salariale. Articulé autour de l'agence Défense-Mobilité, celui du ministère des armées est tout à fait performant (10 500 reclassements en 2016, dont 80 % dans le secteur privé et 20 % dans la fonction publique) et une source d'inspiration pour les autres ministères.

De nouveaux outils - notamment numériques - seront mis en place et la reconnaissance des qualifications et des acquis professionnels sera développée. Au plan législatif, le projet de loi tend à autoriser, dans son article 15 , le gouvernement à procéder par ordonnance à une rénovation des procédures de reclassement dans la fonction publique dans le sens d'une simplification des dispositions prévues aux articles L. 4139-2 (détachement-intégration) et L. 4139-3 (emplois réservés) du code de la défense.

D. LES MATÉRIELS DOIVENT ÊTRE MODERNISÉS

Il y a un an, votre commission écrivait : « Les besoins de court terme sont clairement identifiés (...) l'urgence est à combler les lacunes capacitaires 8 ( * ) (...) les besoins les plus pressants visent les moyens de surveillance et de reconnaissance, la flotte aérienne de transport, les avions et bateaux ravitailleurs, les patrouilleurs et les hélicoptères en général, ainsi que les véhicules de l'armée de terre » .

Le constat était posé et il fait aujourd'hui consensus. Le Gouvernement a lui-même souligné l'urgence de combler les trous capacitaires nés de l'usure de matériels poussés bien au-delà de ce qui devait être le moment de leur remplacement.

De plus, l'intensification de l'engagement des forces a, naturellement, été un facteur aggravant, tant les opérations extérieures sollicitent les matériels. Une des personnes auditionnées pour la préparation de ce rapport a ainsi estimé qu'en opération extérieure, les véhicules s'usaient environ trois fois plus vite qu'en France.

La maintenance d'appareils vieillissants est aussi plus coûteuse et plus longue, faisant inévitablement chuter le taux de disponibilité des parcs, ce qui enclenche un cercle vicieux : les matériels en état de fonctionnement normal sont sur-sollicités pour pallier leur faible nombre, ce qui accélère leur usure. Enfin, la chute des taux de disponibilité et la nécessité d'affecter en priorité les matériels en état de fonctionnement aux opérations extérieures affectent les capacités de préparation opérationnelle en France.

La LPM 2019-2025 n'a pas pour ambition de combler toutes les lacunes capacitaires , cet objectif pourtant indispensable dans un modèle complet d'armée avec une ambition d'entrer en premier ne devant être atteint, d'après le Gouvernement, qu'à l'horizon 2030. On ne peut que relever le caractère très progressif de la modernisation des domaines les plus problématiques.

Cette modernisation se concentre sur trois domaines :

- Les blindés du secteur médian , particulièrement sollicités en OPEX : il s'agit du programme Scorpion, pour lequel sont annoncés une accélération des livraisons, mais aussi le relèvement du nombre de véhicules sur l'ensemble du programme. Au-delà de la cible fixée pour 2025, votre commission considère qu'il faudra porter une grande attention au détail de l'avancement de ce programme, dont l'accélération sera assez peu perceptible dans les premières années de la programmation 9 ( * ) . Il faudra garder à l'esprit que, même après l'accélération, et sous réserve qu'elle soit tenue sur 7 ans, l'armée de terre aurait encore, dans le meilleur des cas, plus de la moitié de ses matériels roulants aux standards anciens en 2025 : 58 % des VAB seraient encore en service ;

- Les patrouilleurs maritimes , en particulier outre-mer. La « réduction temporaire de capacité » (RTC) serait comblée en 2024 au lieu de 2030. L'ouragan Irma a montré à quel point les forces armées étaient essentielles pour assurer la protection de nos concitoyens outre-mer. La réduction de capacité s'établirait à - 45 %. En métropole, la RTC ne serait comblée qu'en 2030 ;

- Les bâtiments et appareils de soutien logistique, en particulier les ravitailleurs . Pour les ravitailleurs aériens, la LPM prévoit la livraison de 12 avions A 330 MRTT 10 ( * ) et le relèvement à terme de la cible à 15 appareils, ce qui doit permettre le retrait des C135FR. Pour les ravitailleurs maritimes, la RTC serait ramenée à deux navires en service au lieu d'un seul prévu dans la précédente LPM. La RTC serait comblée en 2027 au lieu de 2029 .

Ces trois domaines d'amélioration -nettement plus lente qu'espérée- ne peuvent en outre faire oublier les impasses capacitaires qui demeurent. La plus spectaculaire concerne les hélicoptères , et en particulier le programme d'hélicoptères interarmées léger (HIL). Malgré l'annonce en mars 2017 que 160 à 190 HIL viendraient combler l'impasse capacitaire en 2024, cette perspective est en définitive repoussée à la prochaine LPM. Dans l'intervalle, la marine aura recours à la location pour remplacer les 20 Alouette III qui ont plus de 45 ans. Pour les autres types d'hélicoptères à remplacer, les HIL seraient commandés à partir de 2022, pour des livraisons après 2025.

De même, le renouvellement du parc d' avions de transport , fortement handicapé par les difficultés et retard du programme A400M, laisse songeur sur les perspectives de la prochaine LPM qui devra mener jusqu'à l'Ambition 2030. Celle-ci prévoit 53 avions de transport tactique : à supposer que la cible de la présente LPM soit atteinte (soit des livraisons de 13 appareils sur 7 ans : 11 A400M et 2 C130J), il restera, pour tenir l'Ambition 2030, 24 appareils à livrer en 4 ans...

Enfin, le renforcement des drones sera lui-aussi très progressif. Le premier système de drones MALE 11 ( * ) européen (sur 8 prévus dans l'Ambition 2030) ne serait livré qu'en... 2025, c'est-à-dire la dernière année de la LPM. Dans le domaine naval, les systèmes de drones aériens embarqués (SDAM) ne seraient pas livrés avant 2028.

Votre commission est très attentive à la gestion de l'attente et au décalage entre les espoirs suscités par les effets d'annonce et la réalité des livraisons.

E. LE CYBERESPACE A ÉMERGÉ COMME UN NOUVEAU TERRAIN DE CONFLICTUALITÉ

Le cyberespace est devenu un espace dans lequel se développent de nouveaux modes de confrontation. Il se caractérise par :

- une forme d'asymétrie au profit des attaquants ;

- une plus grande hétérogénéité des acteurs (États, entreprises, organisations, parfois criminelles ou terroristes) car l'acquisition des technologies est moins onéreuse et plus accessible que celle mise en oeuvre par les grands programmes d'armement ;

- et une grande vulnérabilité des sociétés développées, notamment celles dont le modèle est le plus libéral et ouvert.

Ce nouvel équilibre exige des efforts d'organisation pour gérer les crises et répondre à un incident . Il faut pour cela maitriser l'ensemble du cycle (de l'anticipation à la réponse) en terme de protection et de prévention et de capacités de détection, d'attribution et d'entrave voire des capacités plus offensives pour assurer une meilleur sécurité et ne pas affaiblir notre posture stratégique.

La stratégie de réponse repose sur un panel d'outils : diplomatie, sanctions, actions militaires dont l'action dans le cyberespace est une composante parmi d'autres.

Par l'impact que le cyberespace peut avoir sur nos intérêts nationaux, la cyberdéfense dans toutes ses composantes est devenue un élément de notre autonomie stratégique.

Le cyberespace est aussi devenu le lieu de la confrontation informationnelle où certaines puissances, comme la Russie, mènent des actions massives et répétées de désinformation et de propagande 12 ( * ) , avec pour objet la manipulation de l'opinion publique et l'affaiblissement des systèmes démocratiques qui sont actuellement contraints par leurs propres règles de protection des libertés publiques pour s'en protéger. Cette menace, qui participe des « capacités d'agression nouvelles », est à peine esquissée dans la LPM et les réponses bien absentes si ce ne sont les missions très spécifiques confiées au Commandement cyber (ComCyber) en accompagnement des OPEX. Ce champ de réflexion est à ouvrir sans attendre car notre résilience est régulièrement éprouvée, notre vulnérabilité potentiellement élevée et notre arsenal de protection très faible. Si les réponses ne sont probablement pas militaires, il s'agit d'un véritable enjeu de sécurité nationale.

1. Un volet militaire renforcé

Au moins deux axes prioritaires de l'« Ambition 2030 », le rééquilibrage des fonctions stratégiques et l'innovation renvoient aux défis de la cyberdéfense, qui est elle-même présente dans tous les contrats opérationnels 13 ( * ) :

• le contrat de protection par lequel le ministère des armées érige en axe d'effort prioritaire la réponse qui y sera apportée afin de garantir son propre fonctionnement et sa résilience 14 ( * ) , tout en contribuant à la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation, inclut la création d'une posture permanente cyber (PPC) , qui garantira la surveillance des réseaux ainsi que le caractère opérationnel des capacités actives ou passives de lutte informatique défensive qui seront renforcées ;

La posture permanente cyber (PPC) 15 ( * )

Placée sous le contrôle opérationnel du ComCyber, la PPC regroupe l'ensemble des mesures prises pour assurer la défense des forces armées dans le cyberespace, en temps de paix comme de crise, ou de guerre. Il s'agit d'une posture comparable, dans l'espace numérique, aux traditionnelles postures permanentes de sécurité maritime et aérienne. Elle vise à préserver la liberté d'action des forces armées et du ministère des Armées et recouvre trois missions principales :

- la surveillance de l'espace numérique et la détection des atteintes affectant le ministère des Armées ;

- la capacité des forces à se déployer en sécurité au regard des menaces provenant du cyberespace, et à accomplir leur mission ;

- la réaction aux agressions informatiques ou informationnelles, y compris en prenant des mesures pour en faire cesser les effets.

• e n matière de lutte informatique offensive 16 ( * ) , de nouvelles capacités d'action, intégrées à la chaîne de planification et de conduite des opérations, seront systématiquement déployées en appui de la manoeuvre des armées.

La LPM 2019-2025 permettra de multiplier par deux en moyenne annuelle le montant des crédits affectés à la cyberdéfense par rapport à la précédente LPM. L'enveloppe de crédits engagée sur la durée de la LPM passera de 573 millions à 1,57 milliards d'euros.

2. Une augmentation des effectifs

La cyberdéfense et l'action dans l'espace numérique font partie des domaines prioritaires pour l'affectation d'effectifs supplémentaires : 1123 emplois sont créés, soit près de 20% de l'enveloppe totale des créations de postes prévues par la LPM d'ici 2025. Ils s'ajouteront aux 2 900 existants dans les armées.

CADENCEMENT DES CRÉATIONS DE POSTES PRÉVUES DANS LES DOMAINES CYBER ET ACTION NUMÉRIQUE

Domaine

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total LPM

Cyberdéfense

107

94

96

135

151

270

270

1 123

Digitalisation/Intelligence artificielle

22

6

6

18

145

90

90

377

Total

129

100

102

153

296

360

360

1 500

Source : ministère des Armées - réponses au questionnaire et calculs du rapporteur.

Le cadencement de ces créations fait néanmoins apparaitre que moins de 40% seront créés avant 2022 , 151 en 2023, 270 en 2024 et en 2025. Cette progressivité qui contraste avec la priorité affichée est probablement réaliste compte tenu de la capacité de recrutement, de formation et d'intégration de structures récentes et du besoin de conforter le commandement cyber qui doit préalablement mener un travail de rationalisation, de révision des politiques de ressources humaines et d'organisation afin de sécuriser sa montée en puissance ; une phase dans laquelle il faudra assurer un niveau important de recrutements 17 ( * ) lié aux créations de postes et au turn over important dans ces métiers. Cette montée en puissance requiert pareillement un effort de formation et de transformation des emplois traditionnels au sein des directions des systèmes d'information qui doivent se doter de spécialistes de l'analyse des réseaux.

LE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS CYBER

Pour la mise en place de la PPC, 139 effectifs sont prévus au cours de la prochaine LPM, qui renforceront le ComCyber (27 postes), le centre d'analyse et de lutte informatique défensive (CALID, 59 postes) et le centre interarmées des actions sur l'environnement 18 ( * ) (CIAE, 53 postes). Les capacités des centres opérationnels de sécurité (SOC) des armées et de la 807 e compagnie de transmissions seront également renforcées.

La cyberdéfense peut également s'appuyer utilement sur les réserves citoyennes et opérationnelles. Les objectifs cibles 19 ( * ) sont encore loin d'être atteints. Cela suppose un pilotage plus efficace pour élever le niveau de responsabilité des missions confiées à ces personnels afin de les recruter et de les fidéliser et sans doute, une mutualisation de cette ressource entre les différents organismes employeurs (ANSSI, gendarmerie et ComCyber).

Les processus et assouplissements annoncés dans le volet ressources humaines de la LPM en matière de recrutements de personnels contractuels, de rémunérations pour assurer leur fidélisation et de carrière doivent concourir à la réalisation de cet objectif.

3. Une construction capacitaire en essor

Avec un volume global d'investissement de l'ordre de 1,6 milliard d'euros, dont la plus grande partie est regroupée au sein d'un programme à effet majeur de la DGA (PEM Cyber) , la LPM 2019-2025 renforcera les capacités des armées en matière de prévention, de protection (avec notamment le développement de produits de chiffrement), de détection, de caractérisation et d'attribution des cyberattaques. Elle dote nos armées de moyens de réaction rapides et coordonnés à l'horizon 2025 afin de garantir une protection et une défense des systèmes et réseaux, cohérente dans tous les secteurs. Un système d'hypervision par le ComCyber de l'ensemble des incidents sur tout le périmètre des armées sera mis en place par le CALID.

Ce changement de dimension suppose la mise en place de modes de développement capacitaire plus souples et plus rapides que ceux généralement utilisés en matière de programmes d'armement, compte tenu du renouvellement rapide des technologies et plus ancrés sur une relation permanente avec les utilisateurs. Il suppose également un investissement croissant dans les domaines de l'intelligence artificielle et des technologies des données massives afin d'industrialiser les processus. Il suppose enfin la mise en place d'une chaine opérationnelle sous la direction du ComCyber pour fédérer et articuler l'ensemble des intervenants et centraliser les décisions dans un but d'efficacité et de rationalisation des dépenses.

Une partie des investissements (de l'ordre de 200 millions) ira à l'infrastructure, avec un effort de mutualisation autour de deux grands sites à Balard et à Rennes-La Maltière mais aussi au maintien de la localisation du CALID au sein des locaux de l'ANSSI .

L'effort au profit de la cyberdéfense concernera également la protection des systèmes d'armes et des systèmes d'information , dès leur phase de conception et pendant leur utilisation. La dimension cyber devra être prise en compte dans tous les programmes de renouvellement des capacités opérationnelles 20 ( * ) .

Se doter de capacités souveraines repose sur la maîtrise de cinq technologies qui a minima devraient pouvoir l'être au niveau européen : chiffrement, détection, radio-mobile, cloud et intelligence artificielle. Cet effort est complémentaire du soutien à l'innovation affirmé par la LPM .

4. Une dimension partenariale à initier

Le cyberespace est physiquement plus ouvert et moins contraint que les espaces traditionnels de manoeuvre. La sécurité ne peut se concevoir de façon efficace par les seuls moyens nationaux . Le partage en temps réel des incidents avec nos alliés et la constitution d'un cercle européen de partenaires de confiance qui pourraient mettre en réseau leurs centres opérationnels devront être recherchés, comme les partenariats européens dans le domaine capacitaire.

Il serait prétentieux de croire que dans un environnement nouveau et extrêmement sensible aux évolutions technologiques, le volet militaire de la cyberdéfense dans son organisation comme dans ses moyens, soit stabilisé et en ordre de bataille. Il est en construction. Cette construction demandera du temps, des efforts budgétaires et des évolutions profondes des métiers et de la culture militaire. La LPM engage de façon claire ce processus structurant qui est loin d'être achevé.

F. LE RENSEIGNEMENT RESTE UNE PRIORITÉ

La fonction « connaissance et anticipation », une des cinq fonctions stratégiques, repose en grande partie sur les capacités de collecte, d'analyse et d'exploitation du renseignement du ministère des armées 21 ( * ) .

Elle est présentée dans la LPM 2019-2025 comme une priorité faisant l'objet d'un effort particulier . L'« Ambition 2030 » repose en effet sur un rééquilibrage visant à « porter l'effort sur la fonction connaissance et anticipation et à rendre à la fonction prévention toute son importance ».

Votre commission approuve cette analyse et cette orientation.

1. Un effort échelonné dans le temps

Un effort conséquent lui est consenti avec une augmentation des effectifs de 1 500 sur la période 2019-2025 (soit le quart de l'augmentation prévue pour l'ensemble des effectifs du ministère des armées). S'y ajoutent la mise en service, l'acquisition ou la commande de nombreux équipements (capteurs et plateformes techniques d'analyse et d'exploitation). Cet effort devra naturellement être poursuivi au-delà de 2025.

a) Les ressources humaines

D'après les informations communiquées au rapporteur, ces créations d'effectifs devraient s'opérer selon le cadencement suivant.

CADENCEMENT DES CRÉATIONS DE POSTES PRÉVUES DANS LE RENSEIGNEMENT

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

199

152

104

146

421

239

239

1 500

Source : ministère des Armées - réponses au questionnaire du rapporteur.

Le cadencement des créations de postes prévoit 601 postes d'ici 2022 (150/an en moyenne), 421 au cours de l'exercice 2023 et 478 sur les exercices 2024 et 2025. L'effort est donc porté principalement (60%) sur les trois dernières années . Pour autant, ce cadencement en deux phases est peut-être nécessaire pour permettre aux services, qui ont bénéficié depuis 2015, de nombreuses créations de postes, et aux armées, d'intégrer cette croissance de leurs effectifs dans de bonnes conditions. Le décalage entre emplois créés et emplois pourvus a eu tendance à s'accroître dans certains services au cours des dernières années.

Ces postes seront répartis entre les besoins propres des armées (près de 40%), de la DRM et de la DRSD (environ 15% chacune) et ceux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour le tiers restant. L'un des enjeux en matière de ressources humaines est de donner aux services la capacité de traiter la masse exponentielle des données recueillies. L'effort devra donc être porté principalement sur l'analyse et l'exploitation, avec l'arrivée de compétences et d'expertises nouvelles 22 ( * ) .

Le succès de cette montée en puissance et de cette transformation reste conditionné à la mise en oeuvre d'une politique plus dynamique qui permettra d'offrir les conditions de rémunérations adaptées au marché de l'emploi pour recruter, et surtout fidéliser, certains spécialistes mais aussi de favoriser les mobilités interarmées et interservices. Le volet « ressources humaines » de la LPM devrait permettre, à cet égard, des assouplissements bienvenus.

b) Un renforcement capacitaire en début de LPM

L'arrivée d'une partie des équipements (capteurs et plateformes) commandés lors des LPM précédentes est concentrée sur la première période (d'ici 2021). Les autres équipements seront livrés ou commandés en fin de période (2025). Au total, quelque 4,6 milliards d'euros seront investis en faveur des équipements dans le domaine du renseignement.

(1) La première période verra la mise en service de plusieurs capteurs importants.

Dans le domaine des systèmes spatiaux, MUSIS renforcera les moyens d'observation optique et radar et CERES, la capacité d'écoute et de renseignement électromagnétique.

Résultat d'une initiative européenne le système MUSIS 23 ( * ) , sera mis en oeuvre à partir de fin 2018 (lancement du premier satellite). Deux satellites supplémentaires devraient être livrés en 2020 et 2021.

Le système CERES 24 ( * ) qui repose sur une constellation de trois satellites, contribuera, avec les moyens terrestres, maritimes et aéroportés de recherche et d'interception des émissions électromagnétiques, à la détection, à la caractérisation et au suivi des menaces, ainsi qu'à la connaissance des théâtres dans la profondeur. Il sera livré en 2020.

Les moyens aéroportés . Au cours de cette période devraient être livrés :

- fin 2019 et en 2020, 2 avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), commandés en 2016 ;

- en 2019, les deux derniers systèmes de drones MALE 25 ( * ) REAPER 26 ( * ) et qui pourront à l'horizon 2020-2021 être dotés d'une charge ROEM 27 ( * ) .

Les forces terrestres seront dotées des 3 premiers systèmes de drone tactique (SDT) Patroller 28 ( * ) en 2019 et 2020, et des drones tactiques légers avec des capacités de renseignement multi-capteurs et une option d'armement, seront acquis en 2019 pour les forces spéciales.

(2) A partir de 2025, d'autres équipements importants seront livrés ou commandés

Dans le domaine des moyens satellitaires , le successeur de MUSIS sera commandé au cours de la LPM afin être livré avant 2030. Le programme « CERES successeur » devra assurer, à l'horizon 2028-2030, la pérennité de la capacité spatiale d'écoute électromagnétique.

Au sein des moyens aéroportés :

- une charge utile de guerre électronique (CUGE) sera acquise pour une entrée en service en 2025 et 2 autres devraient être livrées au cours de la prochaine LPM, pour atteindre l'Ambition 2030.

LE PROGRAMME CUGE

Il s'agit de remplacer les 2 C160 Gabriel dont le retrait du service devait intervenir en 2023 et dont la prolongation est à l'étude. L'entrée en service de cet équipement doit faire l'objet d'un point de vigilance particulier , car toute indisponibilité des équipements actuels vieillissants ou tout retard dans le programme risquent de créer un trou capacitaire, d'autant qu'il n'est prévu l'acquisition que d'un seul appareil en 2025 pour remplacer les deux C160 Gabriel. Ces équipements seront portés par de nouveaux appareils de type Falcon, ce qui accroîtra le rayon d'action (>à 10 000km) des avions actuels.

- 6 ALSR devraient être commandés au cours de la prochaine LPM pour atteindre l'Ambition 2030 de 8 appareils en service, soit un quadruplement de la flotte.

- les études menées en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne en vue du lancement d'un drone MALE européen en 2019 et la livraison d'un premier système en 2025 seront poursuivies 29 ( * ) .

S'agissant du renseignement naval , l'effort se traduira :

- par la commande au cours de la LPM d'un bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignement (BLSR) 30 ( * ) ;

- par la commande au cours de la prochaine LPM de 15 systèmes de drones aériens de la Marine Nationale (SDAM) 31 ( * ) dont un démonstrateur sera mis en service en 2021. On peut s'étonner de l'écart entre cette mise en service et la commande . Le besoin opérationnel et les évolutions technologiques risquent d'accélérer le processus d'obsolescence de cet équipement.

Dans le domaine terrestre, un complément d'acquisition de 3 systèmes supplémentaires de drones tactiques ainsi que l'intégration et le soutien de 4 charges utiles de guerre électroniques seraient réalisés au cours de la prochaine LPM pour atteindre l'Ambition 2030 de 5 systèmes en service à l'horizon 2026-2027.

(3) Le traitement et l'exploitation de l'information : un enjeu majeur

Un effort crucial sera engagé pour mettre en oeuvre, en utilisant les « technologies des données massives » et de l'intelligence artificielle, des processus plus performants de traitements et d'analyse .

Pour faire face à l'afflux des données issues des différents capteurs, mais aussi pour assurer la sécurité de ces flux, la modernisation des systèmes d'information de la fonction interarmées du renseignement est nécessaire. La mise en service d'un système optimisé du renseignement interarmées ( SORIA ) est prévue d'ici à 2025 . Elle s'inscrit dans les efforts de convergence et de rationalisation des systèmes d'informations opérationnels et de communication (SIOC) des armées qui seront poursuivis avec la mise en service opérationnel progressive du système d'information des armées (SIA 32 ( * ) ). Cet enjeu a été perçu par la DGA qui travaille notamment à la conception d'un programme ARTEMIS - pour Architecture de Traitement et d'Exploitation Massive de l'Information Multi-source - qui devrait constituer un outil particulièrement précieux pour la conduite de la fonction « connaissance et anticipation ».

Ces développements, notamment dans le domaine du renseignement, sont stratégiques et méritent une attention vigilante .

Les efforts seront également amplifiés dans le cadre de la modernisation des capacités interministérielles mutualisées entre les services, développées par la DGSE, et par celle de ses capacités propres . Un doublement du budget d'investissement au cours de la LPM est l'objectif à atteindre.

Le développement de technologies innovantes suppose des processus de RD et d'acquisition plus modernes, au plus près des besoins des utilisateurs et mieux à même de profiter des avancées en cours dans le secteur civil. Une meilleure articulation entre les domaines de la recherche universitaire, des entreprises innovantes et des armées devrait être recherchée .

(4) L'arrivée des personnels et des équipements impliquent enfin des infrastructures nouvelles.

Un programme immobilier important est en cours à la DGSE. Des projets de réaménagements et de modernisation pour la DRSD et de regroupement sur la base de Creil pour la DRM ont été décidés.

2. Une dimension partenariale à approfondir

Il est, enfin, attendu dans le cadre du rééquilibrage des fonctions stratégiques au profit de la « connaissance et anticipation », un approfondissement de la coopération avec les partenaires alliés, notamment européens . Si le renseignement demeure un attribut fort de souveraineté, qui se recueille et s'analyse dans un cadre souverain et se partage le plus souvent en bilatéral, il est clair qu'il s'inscrit au sein des capacités discriminantes à forte valeur ajoutée, dont la capitalisation peut jouer un rôle moteur, voire fédérateur dans des coalitions. L'accélération de l'arrivée de matériels nouveaux et le renforcement de la préparation de l'avenir constituent des atouts majeurs et permettent de susciter un effet d'entraînement au profit de nos partenaires. La poursuite à une échelle européenne de certains programmes, notamment en matière de renseignement d'origine image avec Hélios puis MUSIS ou le programme de drone MALE constituent des exemples de ces opportunités.

G. LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ARMÉES EST DÉGRADÉ : SA REMISE À NIVEAU EST URGENTE

Au cours de la précédente LPM, votre commission n'a cessé de dénoncer la lente dégradation du patrimoine immobilier des armées , faute d'entretien suffisant. Cette réalité , que nous constatons lors de nos déplacements sur le terrain, n'est pas acceptable au regard des efforts demandés à nos soldats. La remise à niveau des infrastructures de vie et l'amélioration des conditions de logement sont aujourd'hui des priorités auxquelles votre commission sera particulièrement attentive . Elle approuve la remontée en puissance de la fonction immobilière que prévoit la LPM, mais s'interroge sur l'échelonnement de cet effort, et sur sa soutenabilité.

1. Un redressement de la fonction « infrastructure » rendu indispensable par des années de sous-investissement

Dans le domaine immobilier, le Sénat a estimé, en 2017, les besoins des armées à 2,5 milliards d'euros supplémentaires sur six ans, dont 1,5 milliard d'euros pour les infrastructures, 800 millions d'euros pour la maintenance et 200 millions d'euros pour des opérations diverses 33 ( * ) .

Comment en est-on arrivé là ?

Pour la moitié d'entre eux, ces besoins étaient déjà connus lors de l'élaboration de la LPM 2014-2019, mais avaient été écartés pour respecter le cadrage financier alors défini.

Par ailleurs, des besoins non anticipés, notamment pour l'accueil du programme Barracuda, et des besoins nouveaux de sécurité et de protection ont dû être financés à enveloppe constante, ce qui a conduit à différer ou annuler des opérations dites « non technico-opérationnelles ». En clair, « les dépenses impératives ont évincé les dépenses urgentes » 34 ( * ) . La répartition de l'effort entre infrastructures opérationnelles et infrastructures de vie a été progressivement modifiée, en cours d'application de la LPM. L'équilibre initial s'est ainsi déformé, sous l'effet de la priorité qu'il a fallu accorder aux infrastructures opérationnelles, faute de crédits suffisants.

Enfin, la remontée en puissance décidée en 2015, avec l'augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre (+11 000), a également suscité de nouveaux besoins.

En conséquence, le budget consacré à l'entretien du parc immobilier est aujourd'hui notoirement insuffisant. Ce budget est passé, en 10 ans, de 6 à 2 euros au mètre carré . Tandis qu'un bâtiment est en principe construit pour 50 ans, ceux du ministère des armées le sont pour 90 ou 100 ans, ce qui constitue un héritage préoccupant.

Ce sous-investissement a un coût financier, puisque des opérations différées sont généralement plus onéreuses que des opérations réalisées en temps utile. Mais il a surtout un coût humain, que le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) 35 ( * ) dénonce de façon récurrente. Le délabrement de certaines installations participe d'une « usure » et d'une baisse du moral des personnels.

Le plan d'action « Condition de vie du personnel » (Condipers), décidé en 2014 et doté de 627 millions d'euros, n'a permis de répondre qu'à une partie des situations les plus urgentes. Ce plan a permis l'identification de 697 « points noirs », dont 84 % avaient été traités à l'été 2017, représentant 44 % des crédits du plan, ce qui signifie que les travaux les plus lourds restaient à réaliser . De nombreux ensembles d'alimentation et d'hébergement ne sont toujours pas aux normes du plan Vivien lancé en... 1996 !

2. L'effort permis par la LPM

Le rapport annexé précise que la LPM doit permettre, « dans un premier temps », de « réparer l'existant », puis, « dans un second temps », « de remettre à niveau » le parc immobilier du ministère. Il s'agira donc d'abord de combler le sous-investissement des précédentes LPM .

D'après les informations fournies par M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration du ministère des armées, lors de son audition par votre commission le 11 avril 2018, la LPM doit permettre un niveau d'investissement moyen dans les infrastructures de 1,7 milliard d'euros par an sur les années 2019 à 2022, pour atteindre 2 milliards d'euros en 2025. L'effort annuel moyen était de 1,3 milliard d'euros sous la précédente LPM, ce qui représente un effort supplémentaire de +400 millions d'euros.

Par ailleurs, sur un total de 13,6 milliards d'euros d'investissements, 7,4 milliards d'euros seront consacrés au financement de l'adaptation des infrastructures dites « capacitaires », dont 3,5 milliards d'euros pour les programmes d'infrastructures majeurs d'accueil et 3,9 milliards d'euros pour la remise à niveau des installations portuaires et aéroportuaires, l'accompagnement de la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre, ainsi que les autres grands chantiers.

Investissements dans le domaine des infrastructures (2019-2025)

M€ courants

Total 2019-2025

Adaptation capacitaire
des forces et plans ministériels (CONDIPERS, plan famille, SECPRO...)

7 400

Maintenance (ML +MC)

3 284

Entretien et loyers (FAS)

1 844

Opérations MINARM (DRSD, La Rochelle, Hao, ...)

665

Adaptation capacitaire
hors forces

406

Total

13 600

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, a apporté les précisions suivantes, conformes aux éléments figurant dans le rapport annexé à la présente LPM : « Outre l'hébergement et le logement déjà évoqués, la LPM portera un effort sur les infrastructures de vie courante afin de les mettre aux standards modernes. Un plan relatif aux infrastructures des lycées militaires de la défense d'une centaine de millions d'euros, sera mis en oeuvre en début de LPM, en vue de remettre à niveau les bâtiments et de renforcer les capacités d'accueil des lycées. Nous pensons investir une centaine de milliers d'euros sur ces derniers. La période sera consacrée au renforcement des capacités de maintenance et de maintien en condition. 3,2 milliards d'euros seront ainsi consacrés à la maintenance, soit le double de l'investissement programmé par la précédente LPM. Certains pourraient penser qu'il s'agit d'un effort insuffisant. Mais il nous faut doser la répartition des efforts. »

La LPM prévoit la réalisation des infrastructures d'accueil et de soutien des équipements militaires, en particulier pour les programmes Barracuda, frégates multi-missions (FREMM), Rafale, A400M et MRTT ( multirole tanker transport ), Scorpion, ainsi que la poursuite des investissements de remise à niveau et de sécurité-protection des installations existantes.

Cette LPM permet, en outre, de consolider le plan Familles, décidé en 2017. Ce plan représente une enveloppe financière supplémentaire de près de 530 millions d'euros sur la période 2019-2025.

D'après les informations fournies à votre commission par le ministère des armées :

- le volet « infrastructure » du plan Familles prévoit, s'agissant du logement familial en métropole, une augmentation nette de l'offre de logement de 660 unités. De nouveaux logements domaniaux doivent être construits outre-mer, notamment à Mayotte (24 unités), en Guyane (65 unités).

- En région parisienne, le parc de logements doit être augmenté de 400 unités d'ici à 2022. En outre, le ministère récupèrera à titre gratuit 50 des 250 logements sociaux qui seront construits par la ville de Paris sur la fraction du site de l'îlot Saint-Germain qu'elle devrait acquérir, où d'autres réservations (payantes) sont possibles. Par ailleurs, l'offre d'hébergement en Ile-de-France pour les cadres (sous-officiers) célibataires doit augmenter de 410 unités. Outre l'Ile-de-France, le plan Familles cible la base de défense de Toulon, autre zone de fortes tensions locatives. L'objectif est, à terme, d'atteindre des taux globaux de satisfaction des demandes de logement de 70 % en Ile de France et de 65 % à Toulon.

Votre commission présentera des amendements sur le volet immobilier de la LPM, insuffisant.

II. UN EFFORT QUI NE PEUT MASQUER CERTAINES FRAGILITÉS

A. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DOIT ÊTRE RELATIVISÉE ET DEVRA ÊTRE CONTRÔLÉE PAR LE PARLEMENT

Les lois de programmation militaire (LPM) ont, par nature, une forte dimension financière. Si ce projet de LPM comporte, comme les précédentes, un volet normatif, la dimension de définition et d'inscription dans la durée du volume de l'effort de défense est la caractéristique principale de ces textes.

Il convient tout d'abord de traiter rapidement la question du désormais fameux niveau de 2 % du PIB pour l'effort de défense, qui a trop focalisé l'attention. Votre commission avait déjà expliqué ce point il y a un an, en indiquant que « le seuil de 2% du PIB affectés au budget de la défense n'a guère de valeur en soi . Référentiel de l'OTAN procédant d'une logique de partage du « fardeau », cet indicateur imparfait revêt pourtant un utile rôle mobilisateur » 36 ( * ) . Il correspond en réalité, vu le niveau actuel du PIB, à environ 50 milliards d'euros par an . Le chiffre important est donc celui-là, et pas cette notion de 2 %, et encore moins un débat sans objet pour savoir si la France répondrait ainsi à une demande de l'OTAN.

Le débat qui vous est soumis aujourd'hui est donc moins théorique : le budget de la défense est actuellement de 34,2 milliards d'euros. L'objectif est de 50 milliards d'euros en 2025, soit une hausse moyenne de 2,3 milliards d'euros par an. En réalité , 57 % de l'effort seraient fournis sur les trois dernières années , les moins assurées . Et encore ces trois dernières années, déterminantes du succès ou de l'échec de cette LPM, ne sont pas tout à fait sur le même pied : à une progression des crédits de 1,7 milliard d'euros en 2019, 2020, 2021 et 2022 succèderait une marche à 3 milliards d'euros en 2023. Pour les deux dernières années (2024 et 2025) « les crédits budgétaires (...) seront précisés par des arbitrages complémentaires » 37 ( * ) .

Il y a donc, en réalité, plusieurs LPM dans ce texte : une portant sur 2019-2021, dont la trajectoire paraît claire ; une portant sur la période 2022-2023, qui sera redéfinie en 2021 ; et une plus hypothétique portant sur 2024-2025, qui est plus un horizon d'intentions, sur le plan financier 38 ( * ) .

Naturellement, on ne saurait reprocher à une loi de programmation d'avoir un caractère d'orientation de moins en moins précis à mesure que l'horizon temporel s'éloigne. La difficulté tient plus à la coexistence d'objectifs chiffrés établis , notamment en matière d'équipements et d'effectifs, de façon précise pour 2025, alors même que le sous-bassement financier de ces engagements est assez fragile .

C'est d'autant plus vrai que l'entrée en LPM a été ratée , puisque l'année 2018 sera, en quelque sorte une année blanche, servant essentiellement à absorber le contrecoup de la régulation budgétaire décidée par le Gouvernement au second semestre 2017 et, dans une moindre mesure, le début de la rebudgétisation des OPEX dans la mission Défense.

Enfin, votre commission se doit de prendre certaines annonces avec le recul propre au contrôle parlementaire : il en va ainsi de l'augmentation annoncé de l'effort de recherche. On ne peut que remarquer le caractère relativement flou des annonces faites. Ainsi de l'engagement souvent mis en valeur d'une augmentation du montant des crédits d'études amont : le rythme de cette montée en puissance n'était pas précisé dans le texte, puisque le projet prévoit que « les études amont feront l'objet d'un effort particulier pour atteindre un montant annuel d'1 milliard d'euros courants à partir de 2022 » 39 ( * ) . Votre rapporteur a toutefois obtenu le cadencement prévisionnel de cette montée en puissance, résumé dans le tableau ci-dessous :

AUGMENTATION DES CRÉDITS D'ÉTUDE AMONT

Année

2019

2020

2021

2022

2023

Ressources (M€ courants)

762

832

901

1000

1020

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire écrit de la commission

Certes, ces différents éléments ne remettent pas en cause l'augmentation prévue des crédits et des effectifs, qui avaient baissé de façon quasi-continue depuis la fin de la Guerre froide.

Mais ils sont autant de signaux appelant le Parlement à la plus grande mobilisation et à la vigilance la plus soutenue dans l'exécution de cette LPM . Le Gouvernement entend prendre des engagements forts devant la Nation : il devra agir à la hauteur de ses engagements. Rien ne serait pire , en effet, après avoir affirmé que le temps du renouveau et du redressement de notre défense était venu, que d'éteindre les espoirs suscités par les annonces du Gouvernement .

Pour accroître les chances que cette LPM soit un succès et marque le tournant décisif que nos concitoyens attendent , votre commission formulera des propositions pour améliorer le suivi parlementaire de l'exécution de la programmation . Ce suivi portera en particulier sur l'effort promis sur l'équipement des forces.

A cette fin, votre commission vous présente deux amendements :

- Le premier tend à obtenir du Gouvernement une trajectoire détaillée des tableaux d'équipements figurant au rapport annexé à l'article 2 de la LPM. En effet, il est crucial de pouvoir suivre l'avancement du programme d'équipement proposé par la LPM. Cela ne peut être fait qu'en connaissant les points de passages annuels menant du point de départ (2019) au point d'arrivée (fin 2025) et, en particulier, le point de passage essentiel de 2021, année de l'actualisation de la LPM. Malgré ses demandes, votre commission n'a pas obtenu du Gouvernement ces informations en amont du débat sur le projet de LPM. Elle entend en disposer à l'avenir, et à cette fin l'inscrire dans la LPM ;

- Le second , qui participe du même esprit, tend à informer les commissions parlementaires de l'élaboration et du contenu de la version actualisée du référentiel (VAR) , document capacitaire qui ajuste annuellement les prévisions des LPM. Ce document doit naturellement conserver une diffusion restreinte et il conviendra au Gouvernement et aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat de définir les modalités précises permettant de garantir la confidentialité des informations de la VAR.

Ces deux amendements sont une réponse au fait qu'en l'état, le texte est insuffisamment précis . En effet, il fixe un objectif à 7 ans (fin 2025) pour les principaux équipements 40 ( * ) . Or votre Rapporteur a souligné les aléas qui pèsent sur cet horizon relativement lointain. C'est pourquoi votre commission souhaite :

- Obtenir une version plus détaillée de ces tableaux, permettant de suivre année après année le cheminement vers les objectifs de 2025. En effet, la réalité sera sensiblement différente selon que les matériels arriveront massivement en fin de période, ou de façon plus régulière. Le report de l'essentiel de l'effort en fin de programmation, qu'on peut redouter au vu de la trajectoire financière proposée, serait problématique dans de nombreux secteurs, en particulier ceux connaissant un trou capacitaire et ceux marqués par une obsolescence avancée des matériels ;

- Mettre en place un suivi régulier par les commissions parlementaires en charge de la défense du respect de cette trajectoire d'équipement. Cela permettra de détecter rapidement les écarts par rapport aux prévisions, et d'analyser avec le Gouvernement les raisons de ces retards, leurs conséquences et les moyens d'y remédier si besoin. Le Sénat avait introduit la base de ce suivi dans l'avant-dernière LPM, ce qui avait permis la mise en place de conférences régulières au cours desquelles le Gouvernement présentait l'avancement des programmes. Cette pratique s'est ensuite perdue au cours de la dernière LPM. L'Assemblée nationale a introduit un dispositif qui reprend et élargit l'ancien dispositif. Les deux amendements de votre commission viennent donc compléter cet ensemble.

Deux raisons rendent essentiel que l'effort d'investissement annoncé soit tenu dans la durée :

1°) les investissements militaires , regroupés pour l'essentiel dans le programme budgétaire 146 de la mission Défense, sont, dans le budget de l'Etat, la cible privilégiée des régulations budgétaires . Cela s'explique par plusieurs facteurs :

- Les montants, en premier lieu : les investissements de défense sont le premier poste d'investissement de l'Etat, et de très loin ;

- Le caractère relativement lointain de leur incidence pour la vie quotidienne des Français ;

- L'horizon temporel : l'investissement, par nature, se déploie sur des durées longues et son étalement dans le temps peut sembler, à première vue, relativement indolore. C'est particulièrement vrai en matière de défense, où la définition, la conception et la fabrication d'une nouvelle génération d'équipement s'étend sur plusieurs décennies. C'est ce qui explique que le choix de l'étalement des grands programmes militaires a été fait largement ces dernières années.

Or cet étalement des programmes au fur et à mesure de leur avancement est porteur de très nombreux effets pervers :

- il est coûteux pour la vie des militaires, dont la sécurité et la sûreté sont par définition moins bien établies avec l'usage de matériels vieillissants, voire obsolètes ;

- il est coûteux en termes de ressources humaines, puisqu'il compromet la fidélisation de militaires, le matériel et les installations vieillissants renvoyant un signal négatif et démobilisant ;

- il est coûteux financièrement, comme cela a été montré à plusieurs reprises par la Cour des Comptes, à la fois du fait des pénalités et compensations versées aux industriels dont le plan de charges est décalé, comme ce fut le cas notamment pour les FREMM ; mais aussi du fait des coûts de MCO de plus en plus importants sur des matériels à bout de souffle ;

- il est coûteux sur le plan opérationnel et technique. Les retards importants font que, dans un domaine où l'innovation technologique a toujours été très forte, mais s'accélère encore, un matériel peut être en partie dépassé dès sa livraison, ou imposer, en cours de production, le passage à un standard plus évolué, lui-même générateur de coûts et de délais supplémentaires.

2°) La souveraineté nationale repose sur l'existence d'une BITD française et européenne . La remise en cause en cours de chemin de programmes lourds ou l'absence de prévisibilité sur les calendriers industriels sont de nature à fragiliser les industries de défense, et ne les encouragent pas à exposer les investissements considérables nécessaires au développement de matériels du meilleur niveau. Naturellement, celles-ci ne peuvent dépendre du seul marché national, qui n'offre pas les débouchés suffisants. Mais encore faut-il que les commandes passées soient honorées et, au-delà même des commandes, que les trajectoires soient en gros respectées. Les volumes présentés dans le rapport annexé pour 2025 et 2030 vont constituer, à partir de maintenant, l'horizon de travail de la BITD pour ce qui est du marché national.

B. LES COOPÉRATIONS EUROPÉENNES : HYPOTHÈSE OU HYPOTHÈQUE ?

La LPM fait le pari audacieux d'un développement très significatif des coopérations européennes. A la base de ce pari, il y a un constat qui ne peut qu'être partagé : à l'heure de l'intensification de la concurrence sur les marchés de l'armement, et de la diffusion rapide des innovations, qui rend plus difficile la conservation d'avantages technologiques, les grands acteurs de l'industrie de défense ne pourront survivre qu'en ayant atteint une taille critique. Si l'Europe a encore des positions importantes sur ces marchés, sa production est morcelée, ce qui semble conduire logiquement à promouvoir des coopérations et des rapprochements permettant d'atteindre la taille critique nécessaire au développement des grands programmes futurs.

Mais une fois ce constat posé, il n'est pas possible d'éluder les difficultés que rencontrera cet effort. Celles-ci sont essentiellement d'ordre politique, et de plusieurs natures :

- La première d'entre elles découle du choix politique des Britanniques . Avec le Brexit, la défense européenne est confrontée à un redoutable défi. Votre commission estime indispensable de préserver, dans le cadre des négociations avec le Royaume-Uni, le rôle de partenaire essentiel de ce pays en matière de défense . Sur le plan opérationnel, il n'est que de rappeler l'opération Hamilton récente pour souligner à quel point ce pays, s'il sort de l'Union européenne, reste un élément fondamental de la défense de l'Europe ;

- La seconde est historique : il s'agit de l'existence de l'OTAN , et des conditions de compatibilité de l'Europe de la défense avec l'alliance atlantique. Dans la conception française, les deux se renforcent, et l'OTAN sera d'autant plus crédible que les Etats-Unis pourront « partager le fardeau » avec une Europe de la défense qui existe en tant qu'acteur organisé et autonome. Mais il faut avoir la lucidité de reconnaître que cette conception est inégalement partagée par les autres membres de l'alliance. Certains pays, notamment de l'Europe centrale et orientale, comptent essentiellement sur l'OTAN pour assurer leur défense. La conséquence de cet état de fait est opérationnelle, mais elle est aussi industrielle, dans la mesure où ces pays entendent conforter le lien de défense qui les attache aux Etats-Unis par leurs achats de matériels militaires. Ceci explique le paradoxe de la préférence accordée par des pays européens aux matériels américains, alors même qu'existent des matériels européens équivalents, voire d'un rapport qualité-prix plus avantageux. Or cette réalité, en restreignant le marché potentiel des produits européens, constitue une menace pour l'existence d'une BITD européenne forte et autonome ;

- La troisième difficulté tient aux divergences d'intérêt nationaux des différents pays européens, soit que chacun entende pousser son champion, soit que, dans le meilleur des cas où existerait un champion européen de taille mondiale, les différents pays aient comme préoccupation principale le retour industriel des programmes pour leur économie nationale, en terme d'emploi, de croissance et de transferts de technologies. La question est donc de savoir si les gouvernements des pays européens ont la capacité politique de dépasser leurs intérêts de court terme pour faire prévaloir une vision de plus long terme ;

- La quatrième difficulté découle de la précédente : les pays européens partagent-ils, ou peuvent-ils partager, la conception française d'une Europe-puissance , autonome, indépendante et capable d'assurer sa défense, certes en lien avec ses alliés de l'OTAN ? Rien n'est moins sûr.

Par conséquent, cette LPM repose sur un pari : celui que la France puisse trouver un écho favorable à sa conception particulière de l'effort de défense, dont l'objet principal est la souveraineté politique et l'indépendance nationale. Ce pari, il faut le reconnaître, est loin d'être gagné, et de toutes les difficultés que le Gouvernement aura à surmonter pour faire de cette LPM un succès, celle-ci sera assurément la plus grande.

De ce point de vue, les derniers développements sont ambigus, renvoyant à nouveau l'image du verre à moitié vide et à moitié plein. Le Gouvernement a en effet annoncé le 26 avril avoir négocié avec l'Allemagne des avancés sur trois programmes aériens : le SCAF (Système de combat aérien futur), les drones MALE européens et les aéronefs de patrouille maritime. Le SCAF est bien sûr le plus important, tant il engage l'avenir.

Par cet accord, la France et l'Allemagne s'engagent à développer ensemble leur système aérien majeur, système global incluant avions, drones et environnement de communications et de systèmes électroniques. Ce choix est si engageant que tout doit être mis en oeuvre pour qu'il soit un succès. Et si ce chemin devait conduire au succès et à l'apparition, pour la première fois, d'un chasseur européen unique de classe mondiale, il s'agirait de fait là d'une avancée considérable pour l'Europe de la défense. Le crédit devra alors, en 2040 et après, en être rendu au Président de la République et au Gouvernement actuels.

Votre commission suivra naturellement ce dossier crucial avec la plus grande attention . Une rencontre prochaine avec les députés allemands de la commission Défense du Bundestag permettra d'en débattre.

Qu'il soit permis ici de rappeler aussi pourquoi ce choix politique, qui engage et structure l'avenir de notre défense, est loin d'être une évidence sur le plan matériel. Que l'on songe à l'opération Hamilton : l'Allemagne n'y a pas participé (l'aurait-elle voulu qu'elle n'en aurait pas eu, aujourd'hui, les moyens) et l'a soutenue avec une chaleur pour le moins contenue. Par ailleurs, l'opération Hamilton a été conduite entre trois armées qui, si elles ont des doctrines différentes, ont en commun d'avoir structuré leurs forces aériennes autour de la composante nucléaire, c'est-à-dire en posant comme impératif absolu et premier la capacité à frapper dans la profondeur en tout lieu et toutes conditions. La conception allemande n'est en rien celle-là.

Il y a donc lieu de se demander dans quelles conditions l'Allemagne sera disposée à développer un outil disposant de capacités dont elle n'aura, pour un certain nombre des plus exigeantes d'entre elles, jamais l'usage (car l'avion du SCAF devra être capable de mener un raid nucléaire). On voit combien les conditions du succès sont exigeantes : amener l'Allemagne à franchir le pas consistant à doter l'Europe d'un système de combat aérien de classe mondiale, tout en assumant qu'elle n'utilisera pas une partie de ses capacités, mais dans le but politique de construire l'Europe de la défense et de rejoindre la conception française d'une Europe-puissance... Votre commission ne dispose pas, à ce jour, hormis les informations publiques annoncées le 26 avril, d'éléments révélant un tel tournant majeur de la pensée stratégique de notre partenaire allemand. Il espère donc avoir rapidement la confirmation de ce cours nouveau des choses en Europe .

Cette confirmation sera d'autant plus attendue par la communauté de défense que plusieurs éléments pouvaient inciter au scepticisme :

- La complexité de la situation politique en Allemagne, avec la constitution de la Grande Coalition et une approche présentée comme restrictive en matière d'armement (or, le SCAF aura besoin, naturellement, de marchés à l'export) ;

- Des approches en matière terrestre dont la convergence n'était pas nécessairement évidente, que ce soit pour le char futur ( Main Ground Combat System - MGCS) ou pour les réflexions sur l'artillerie du futur ;

- Une situation de concurrence particulièrement exacerbée dans le domaine naval, en particulier pour ce qui est des sous-marins, aux antipodes de toute idée de partenariat ou de coopération.

Or pour que le SCAF soit un succès, il faudra une vision politique commune, qui aura donc vocation à rayonner à terme dans toutes les branches de la défense, et non un simple partenariat industriel limité à un domaine fini . Votre commission examinera donc ce sujet avec la plus grande attention dans les mois et les années à venir.

C. LE REDRESSEMENT DES EFFECTIFS RESTE MODESTE ET CONCENTRÉ SUR LA FIN DE LA PROGRAMMATION

1. Des recrutements moins nombreux et plus lents qu'espéré

Si l'effort consenti en matière d'effectifs mérite d'être souligné, particulièrement dans un contexte où nombre d'autres ministères sont beaucoup moins bien traités, il reste moindre que celui que votre commission avait , dans un rapport d'information de l'année dernière, estimé nécessaire (+15 000 sur la programmation) pour préserver notre modèle d'armée dans le contexte d'un niveau d'engagements durablement élevé à l'extérieur et à l'intérieur .

Alors qu'ils ont été particulièrement éprouvés par les précédentes programmations dont ils ont supporté une grande part des déflations, les services de soutien risquent ainsi de ne pas bénéficier d'augmentations de postes . A tout le moins, la baisse de leurs effectifs devrait être stoppée. Ils devront donc trouver des marges de manoeuvre dans les redéploiements liés à la poursuite de la transformation (diminution du nombre de bases de défense, réorganisation liée notamment à la numérisation et redéploiements).

Par ailleurs, on ne peut que relever l'inégale répartition des créations nettes de postes sur la durée de la programmation , retracée à l'article 5 du projet de loi :

CADENCEMENT DES AUGMENTATIONS D'EFFECTIF

(En équivalents temps plein)

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

2024

2025

Augmentation nette des effectifs

450

300

300

450

1 500

3 000

1 500

1 500

Source : article 5 du projet de LPM

Les créations de postes représenteront 300 à 450 ETP par an, soit 1 500 ETP en tout, entre 2019 et 2022 , et 1 500 ETP par an, soit 4 500 ETP en tout, entre 2023 et 2025. Ainsi ce sont ¾ des créations nettes de postes qui interviendront dans la deuxième moitié de la programmation . Or, force est d'admettre que les engagements pris pour la période postérieure à 2022 sont de portée très relative, n'engageant pas l'actuel Gouvernement.

Selon les précisions apportées par la directrice des ressources humaines du ministère des armées lors de son audition, les créations de postes de début de programmation devraient être prioritairement affectées au renseignement et à la cyberdéfense , alors que celles prévues en deuxième partie de programmation seront plus particulièrement destinées aux unités opérationnelles et à leur environnement, ce qui rend très hypothétique l'éventualité d'un effort en faveur du soutien et laisse ce problème sans solution.

Enfin, il convient d'évoquer l'hypothèque majeure que représenterait toute contribution des armées à la mise en oeuvre d'un éventuel service national universel . Si l'encadrement de 800 000 jeunes par an pendant un mois (hypothèse plausible) devait être réalisé par des militaires, ce sont près de 20 000 ETP qui devraient être consacrés à cette mission, soit près de trois fois la hausse des effectifs prévue pour l'ensemble de la programmation. Si le Président de le République s'est engagé à doter ce projet de SNU d'un financement spécifique distinct de la programmation, votre commission souhaite naturellement inscrire dans le texte de la loi que les effectifs éventuellement nécessaires à la mise en oeuvre du SNU n'étaient pas compris dans ceux visés à l'article 5 du projet de loi . A défaut, cette LPM se terminerait par un effondrement des capacités de nos armées.

2. Nouvelle politique de rémunération des militaires et réforme des retraites : des chantiers à suivre de près

La programmation prévoit la mise en oeuvre, annoncée depuis plusieurs années, d'une politique ambitieuse de rénovation de la solde des militaires . Selon le rapport annexé, cet important chantier, qui sera lancé en 2021, vise, d'une part, à « faciliter la maîtrise de la masse salariale », d'autre part, à « simplifier le système indemnitaire en améliorant sa lisibilité ».

De fait, pas moins de 174 primes et indemnités composent ce système devenu un véritable maquis . Comme le relèvent nos collègues Joël Guerriau et Gilbert Roger dans leur rapport pour avis sur la loi de finances pour 2018 consacré au programme 212, nombre de ces primes ont été créées au coup par coup afin de compenser une sujétion spécifique, résoudre un problème d'attractivité, valoriser certaines compétences ou encore -notamment chez les militaires du rang- compenser la faiblesse de la rémunération indiciaire.

Une simplification apparaît nécessaire, en vue de rendre le système plus lisible mais également plus simple à gérer, notamment dans la perspective du remplacement du calculateur Louvois par le nouveau logiciel de paie Source Soldes .

Cette réforme devra cependant s'attacher à préserver et même à renforcer l'attractivité des armées , en particulier dans les métiers connaissant des difficultés de recrutement ou de fidélisation. 480 millions d'euros sont ainsi prévus dans la programmation 2019-2025 pour mener à bien cette réforme techniquement délicate et sensible, qui impliquera la mise en place de mesures compensatrices pour les personnels qui verraient leur solde diminuer.

Par ailleurs, une attention devra être portée, dans un souci d'équité, à la transposition aux militaires des mesures indiciaires ou indemnitaires affectant la rémunération des fonctionnaires civils . Si une disposition en ce sens figure au paragraphe 246 du rapport annexé, votre commission présentera un amendement pour prévoir que cette transposition doit intervenir « sans délai » , conformément à l'article L .4123-1 du code de la défense.

Trop souvent, en effet, la transposition aux militaires de mesures bénéficiant aux fonctionnaires civils intervient avec retard, entraînant des écarts ressentis comme inéquitables par les militaires . Une illustration récente en est le report d'un an, décidé à l'automne dernier, de la transposition aux militaires du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) qui revalorise les grilles indiciaires et améliore les perspectives de carrières des agents publics, au motif de permettre le financement d'une indemnité compensatrice de la hausse du taux de CSG.

Notons que c'est dans le cadre de la transposition d' évolutions statutaires des corps homologues de la fonction publique hospitalière que l'article 9 du projet de loi tend à relever à 62 ans la limite d'âge des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, cette mesure apparaissant comme la contrepartie de grilles indiciaires revalorisées.

La réforme à venir des retraites , qui devrait consister à remplacer l'actuel système actuel par répartition par un système dits « à points », pose la question de la préservation des spécificités militaires dans le futur régime . Si l'on souhaite préserver l'attractivité des armées, il paraît indispensable de maintenir les bonifications d'annuités pour la pension dont bénéficient les militaires au titre de leur activité opérationnelle et de leurs carrières courtes, qui impliquent des départs en retraite précoces. Une disposition rappelant cette exigence figure dans le rapport annexé.

D. LE PARI « OBLIGÉ » DU MAINTIEN EN L'ÉTAT DES CONTRATS OPÉRATIONNELS S'ACCOMPAGNE D'UN EFFORT INSUFFISANT SUR LE SOUTIEN

Les contrats opérationnels prévus par la présente LPM prévoient quelques adaptations à la marge, mais ils semblent davantage dimensionnés par les contraintes budgétaires que par l'expression des besoins ou l'ambition politique. Ils vont donc une fois encore exiger des efforts très conséquents de nos forces armées.

Dans cette perspective, notre commission sera particulièrement attentive à l'actualisation prévue en 2021 par le présent projet de loi. Trop souvent, la programmation initiale se trouve mise à mal par des engagements pris ultérieurement qui entraînent le dépassement des objectifs initiaux et du modèle d'armées retenu. Ainsi, des amendements sont proposés pour prévoir d'ores et déjà que la clause de « revoyure » ne soit pas un vain exercice :

- il est indispensable que l'actualisation prenne en compte les engagements issus des sommets de l'OTAN . La mise en place d'une présence renforcée avancée dans la partie orientale de l'Alliance, décidée le 9 juillet 2016 au sommet de Varsovie, a mobilisé des troupes et équipements 41 ( * ) , à moyens et effectifs constants des contrats opérationnels. Cette façon de procéder n'est pas sans conséquence, notamment sur la capacité des troupes françaises à maintenir un niveau de préparation opérationnelle satisfaisant ;

- il doit également être prévu que, lorsque de grands contrats d'exportation prévoyant un soutien de la part de nos armées ( SOUTEX) sont signés, le Parlement soit informé des conditions de rétribution de la participation des armées et que leur impact soit pris en compte dans les actualisations de la LPM. Ce n'est pas sans incidence que des livraisons sont détournées des forces françaises au profit d'acheteurs étrangers 42 ( * ) : en témoignent par exemple les équipages de la marine nationale maintenus en activité sur des bâtiments anciens et coûteux en entretien. Les exemples pourraient être multipliés, notamment s'agissant de l'armée de l'air pour les Rafale : les armées ont été au cours de l'actuelle période de programmation la variable d'ajustement de ces grands contrats d'exportation d'armement, ce qui ne doit plus être le cas. Ainsi, les contrats des frégates FREMM et des Rafale conclus avec l'Égypte en 2015 ont entraîné des dépenses de plus d'un milliard d'euros dont seulement 75 % ont été couverts, d'une part par les remboursements des industriels soit 460 millions d'euros, et, d'autre part par l'actualisation de la LPM à hauteur de 370 millions d'euros. Le reste, de l'ordre de 300 millions d'euros, est demeuré à la charge des armées, dont près de 200 millions d'euros étaient des dépenses indirectes inhérentes aux prélèvements de matériels . En effet, dans ces deux cas d'espèce, la conclusion des contrats d'exportation ont conduit au décalage de la date de retrait du service actif de frégates ASM de type F70 et de Mirage 2000D et 2000-5.

Outre ces nécessaires actualisations, pour être tenus, ces contrats opérationnels reposent sur quatre conditions dont la réalisation est encore incertaine : une préparation opérationnelle suffisante ; un niveau de disponibilité technique des matériels compatible avec les objectifs des contrats opérationnels et des fonctions stratégiques ; une participation suffisante de la réserve à ce dispositif ; et la pleine efficience des services de soutien . Sur chacun de ces sujets, votre commission propose des amendements .

Jusqu'en 2022, les efforts seront concentrés sur les missions de dissuasion, de protection et les opérations en cours. La « recapitalisation de l'ensemble des savoir-faire » n'est annoncée qu'à l'horizon 2023, sans que les moyens dédiés ne soient énumérés, et sans objectif affiché, ni de niveau, ni temporel . La remontée au niveau des normes OTAN n'est même pas présentée comme un objectif du présent projet de loi. Votre commission propose de faire de la remontée de la préparation opérationnelle un objectif de la LPM, et modifiera le rapport annexé et le projet de loi en conséquence .

De même, l'annonce de l'augmentation des crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle (MCO) et à l'entretien programmé du matériel (EPM), dont nous devons nous réjouir, après l'avoir tant appelée de nos voeux, n'est pas pleinement satisfaisante. Les éléments mis à disposition du Parlement dans le cadre du rapport annexé restent relativement peu précis. Un effort financier d'un milliard d'euros supplémentaire par an, sur la durée de la programmation, est annoncé. Les crédits consacrés à l'EPM devraient s'établir à 4,4 milliards d'euros.

Mais dans ce domaine, aussi essentiel que la préparation opérationnelle pour l'accomplissement des contrats opérationnels et des fonctions stratégiques, les coûts unitaires d'entretien augmentent de façon exponentielle, ainsi que les besoins liés tant à l'état des matériels vieillissants ou des matériels très neufs 43 ( * ) qu'aux conditions d'utilisation extrêmes des matériels sur les théâtres extérieurs. De plus, le modèle de MCO de l'armée de terre est en pleine évolution, se réorientant vers l'EPM. Enfin, la mise en place d'une nouvelles Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) tente de remédier aux mauvais taux de disponibilité des hélicoptères et d'autres aéronefs.

Dans ces circonstances, les crédits prévus sont-ils suffisants ? Tous les besoins sont-ils satisfaits ou une hiérarchisation des priorités a-t-elle été définie ? Tous les chantiers de remontée de la disponibilité technique opérationnelle (DTO) ont-ils vocation à être menés en même temps, et dans le cas contraire, quels sont les axes d'action prioritaires ? Comment les besoins en MCO pourront-ils, le cas échéant, prendre en compte les futures grandes opérations de SOUTEX ? Autant de sujets éludés dans le rapport annexé . Là encore, faut-il d'ailleurs se réjouir de la prudence qui commande un tel choix ou la regretter ? Aucun objectif de maîtrise des coûts unitaires de MCO n'est affiché, aucun objectif de remontée de DTO n'est formulé. Votre commission propose un amendement qui fait de la clause de revoyure de 2021 un rendez-vous permettant de faire le point sur la DTO et ses grands enjeux .

De même, votre commission propose un amendement qui prouve l'attention qu'elle porte aux services de soutien , autre indispensable de l'efficacité des forces. Les services de soutien ont été la variable d'ajustement de la RGPP : sur la précédente période de programmation, le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs . Il ne peut plus assurer ses projections que grâce à une profonde réorganisation, menée avec engagement, et grâce aux renforts de la réserve, dont il sera ensuite question. Le SSA, dont l'excellence est reconnue, jusque chez nos alliés , qui lui confient volontiers leurs blessés, est garant de la capacité des forces françaises à entrer en premier. Comme l'a trop souvent regretté votre commission, les services de soutien ne bénéficieront que du reliquat de la création d'effectifs prévus par le présent projet de loi . La sécurisation de l'évolution de la courbe d'emploi du SSA apparaît ainsi trop accessoire.

Enfin, votre commission soutient la prise en compte de la réserve dans l'accomplissement des contrats opérationnels, tant il est vrai, on l'a vu pour le SSA, que la contribution des réservistes est essentielle. Les mesures prévues en faveur de la réserve dans le présent projet de loi de programmation vont dans le bon sens, même si l'on peut regretter qu'elles se limitent presque toutes à l'emploi des réservistes et ne visent pas l'accroissement de leur vivier.

Votre commission propose un amendement ramenant à un niveau raisonnable le nombre de jours d'absence opposable par un réserviste à son employeur (8 contre 5 actuellement et 10 prévus aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale).

Ces améliorations proposées par notre commission au texte qui lui est soumis tendent à renforcer l'efficacité opérationnelle de nos armées, et à affirmer qu' une LPM ne peut être à hauteur d'hommes que si elle garantit leur niveau d'entraînement, la disponibilité de leurs équipements, ainsi que la performance de leurs soutiens, réserve comprise .

E. DES INTERROGATIONS SUBSISTENT SUR L'IMMOBILIER...

1. Sur le montant et l'échelonnement de l'effort

D'importants investissements sont indispensables pour transformer en profondeur l'environnement de vie des soldats. Si ces investissements doivent se traduire rapidement par « des actions visibles, concrètes et adaptées aux situations locales » 44 ( * ) , le « wifi gratuit en garnison » annoncé par la ministre lors de la présentation du plan Familles le 31 octobre 2017, ne saurait constituer une réponse suffisante. Votre commission a pu régulièrement constater, ces dernières années, la vétusté, voire le délabrement de nombreuses installations.

Les investissements à venir doivent permettre de rompre rapidement avec une décennie de dégradation progressive du patrimoine immobilier.

Or « l'infrastructure opérationnelle et l'infrastructure de vie courante sont encore insuffisamment financées. En matière d'entretien, les sommes dévolues par mètre carré de surface de nos emprises demeurent notoirement insuffisantes » 45 ( * ) .

Sur le contenu des investissements, la seule précision apportée par le rapport annexé concerne le plan relatif aux infrastructures des lycées militaires. Votre commission regrette que l'effort important que la LPM prévoit en faveur des infrastructures ne soit pas davantage détaillé .

D'après les informations fournies, l'axe 1 « LPM à hauteur d'homme » est doté de 1 milliard d'euros en moyenne sur la période 2019-2023, soit 5 milliards d'euros sur la durée totale de la programmation. Cet axe 1 se décline en deux volets : 450 millions d'euros en moyenne par an pour l' « amélioration des conditions d'exercice du métier des armes » (construction et entretien des sites d'entraînement) et 550 millions d'euros en moyenne par an, pour « l'amélioration du quotidien du soldat » (maintenance lourde, entretien, hébergement et logement familial, dont le plan Familles).

Votre commission sera particulièrement attentive à l'échelonnement dans le temps de cet effort en faveur de « l'amélioration des conditions d'exercice du métier des armes » et de « l'amélioration du quotidien du soldat », qu'elle estime urgent et prioritaire . Il doit être échelonné de façon équilibrée sur la durée de la programmation. Il ne saurait, en tout état de cause, être excessivement reporté en fin de période .

Il conviendra également d'être attentifs à ce qu'il n'y ait pas de déformation de l'effort en faveur des programmes capacitaires et au détriment des infrastructures de vie des militaires, comme ce fut le cas sous la précédente LPM.

Ce point est sensible, dans la mesure où environ 1,5 milliard d'euros d'opérations d'investissement ont été repoussées au-delà de la période couverte par programmation (voir encadré).

Des investissements reportés après 2025

Au total, ce sont de l'ordre d'1,5 milliard d'euros d'opérations d'investissement qui ont été repoussées au-delà de la période couverte par programmation.

Ces investissements concernent :

- pour environ 500 millions d'euros des opérations incluses dans le périmètre des grands programmes d'infrastructure, notamment SCORPION, RAFALE, MRTT, les appontements Milhaud, Barracuda-ISBN et la rénovation électrique des ensembles portuaires ;

- pour environ 500 millions d'euros, des opérations d'adaptation capacitaires de l'armée de terre (dont 280 millions d'euros pour le soutien des équipements, 70 millions d'euros pour l'hébergement des engagés volontaires de l'armée de terre -EVAT- et 150 millions d'euros pour les besoins de formation, d'instruction, de commandement et soutien technique) ;

- 300 millions d'euros pour la remise à niveau des aires aéronautiques et des escales de l'armée de l'air, notamment celles d'Evreux, de Bordeaux, de Luxueil, de Nancy, de Mont de Marsan et de Villacoublay ;

- 250 millions d'euros, enfin, pour des réhabilitations au profit de la Marine, dont 60 millions d'euros pour les sémaphores, 80 millions d'euros pour la réorganisation des flottilles, 40 millions d'euros pour des investissements à la pyrotechnie de Toulon et 20 millions d'euros pour la protection du plan d'eau de Lorient.

Par ailleurs, certains besoins sont susceptibles de se déclarer en cours de programmation . Le risque financier associé à ces besoins est aujourd'hui évalué à environ 700 millions d'euros, dont 450 millions d'euros pour des investissements de sécurité-protection informatique et 100 millions d'euros pour le projet immobilier qui pourrait accueillir les effectifs et les installations dédiés au renforcement des capacités de cyber défense.

L'effort consacré à la maintenance permettra une diminution de la proportion du patrimoine à risque « très élevé », qui devrait passer de 3 % en début de programmation à 0,2 % en fin de programmation. Cependant, cet effort ne permettra pas de remettre à niveau l'ensemble du patrimoine . Ainsi, la part du patrimoine à risque élevé devrait presque doubler , passant de 35% en début de période à près de 60 % en fin de période.

2. Sur sa soutenabilité

L'évolution prévue des effectifs totaux sur la période 2019-2025 ne permettra pas de renforcement des services de soutien . Pour faire passer l'effort d'investissement de 1,3 milliard d'euros à 2 milliards d'euros, sans augmenter les effectifs des soutiens, le ministère compte sur une professionnalisation accrue des services et sur un recours plus fréquent à l'externalisation. Les services devront donc affronter simultanément des mesures de réorganisation et la montée en puissance du plan de charge immobilier, ce qui constituera pour eux un important défi.

L'augmentation de l'efficience des services de soutien est souhaitable, mais il convient de tenir compte de l'important effort de réduction des effectifs déjà consenti au cours de la dernière décennie par la fonction « infrastructure ». Si le développement de l'externalisation peut apporter des réponses, il est essentiel de conserver une compétence « infrastructure » suffisante en interne, afin de préserver un savoir-faire spécifique difficilement remplaçable et d'assurer la soutenabilité de l'effort prévu par la LPM.

3. Un patrimoine immobilier qui ne doit pas être bradé

a) Une LPM qui ne repose enfin plus sur des recettes exceptionnelles de cessions

Au cours de la précédente LPM, les armées ont été redéployées sur le territoire, au travers de décisions de restructurations qui ont induit des créations, densifications, dissolutions et réorganisations. Au 31 décembre 2017, le parc immobilier des armées représente une surface de 273 000 hectares au total. Cette surface s'est réduite de 17 % entre 2008 et 2013. Au cours de la LPM 2014-2018, le patrimoine immobilier du ministère des armées s'est stabilisé (-0,5 %).

La réorganisation des états-majors et leur transfert sur le site de Balard peuvent, en particulier, être considérés comme un succès, du fait des synergies ainsi permises.

Par souci de « sincérisation » des ressources et afin de sécuriser la trajectoire financière, le présent projet de LPM repose intégralement sur des crédits budgétaires, à l'exclusion de toute recette exceptionnelle. Il était en effet opportun que cette LPM ne repose pas sur des recettes exceptionnelles.

Cette LPM assure, en outre :

- la reconduction du régime particulier de cession des immeubles du ministère des armées, sans qu'ils aient été déclarés inutiles à l'Etat ;

- un taux de retour au ministère de l'intégralité des produits : « Hors périmètre de la loi de programmation militaire, le budget des armées bénéficiera d'un taux de retour de l'intégralité du produit des cessions immobilières du ministère » (paragraphe 465 du rapport annexé) et « Sur le plan financier, les produits de cessions immobilières et de redevances d'occupation du domaine réalisés pendant la période 2019-2025 seront affectés en priorité au profit des infrastructures de défense. Le ministère des armées pourra enfin recevoir une indemnisation lors du transfert des immeubles inutiles à ses besoins vers d'autres départements ministériels » (paragraphe 212).

b) Garantir le retour au ministère des armées des futurs produits immobiliers

Les produits de cessions immobilières attendus sur la période 2019-2025 sont importants, même s'ils sont bien inférieurs aux recettes générées par dix ans de restructurations (soit 1,4 milliard d'euros de recettes exceptionnelles sur la période 2008-2017). Ces produits sont évalués pour 2019-2025 à environ 500 millions d'euros. Ils proviendront principalement des cessions des sites parisiens du Val de Grâce et de l'îlot Saint-Germain.

Votre commission souhaite sécuriser le retour à la défense de ces futurs produits de cession .

Le mécanisme qui permet un taux de retour des produits de cession de 100 % arrive à terme le 31 décembre 2019. Il convient d'inscrire clairement ce principe pour l'avenir dans la loi elle-même , plutôt que dans le rapport annexé. Il conviendrait que ce retour puisse également être assuré pour les redevances générées par la mise à disposition de terrains ou d'emprises militaires à des tiers exploitants d'activités rémunératrices, comme par exemple des producteurs d'énergies renouvelables.

Par ailleurs, la loi du 18 janvier 2013, dite loi « Duflot » 46 ( * ) a introduit la possibilité d'appliquer une décote pouvant aller jusqu'à 100 % de la valeur vénale du prix des terrains cédés par l'État et ses établissements publics sur leur domaine privé, quand ils sont affectés à la construction de logements dont une partie au moins est constituée de logements locatifs sociaux. Cette loi prévoit également, au profit de l'administration qui subit cette décote, une possibilité de réservation, à titre gratuit, d'une partie de ces logements sociaux.

Pour le ministère des armées, les montants de décote ont représenté un manque à gagner de 24,3 millions d'euros entre 2014 et 2016. Ce dispositif devrait, par ailleurs, être appliqué lors de la cession de la partie centrale de l'îlot Saint-Germain à Paris, entraînant une perte de recettes considérable, de l'ordre de 50 millions d'euros. En contrepartie, 50 logements, sur un total de 250, seront réservés au personnel militaire.

À l'initiative du Sénat et pour préserver les ressources de la défense, la loi n°2015-917 du 28 juillet 2015 portant actualisation de la LPM sur 2015-2019 précisait : « jusqu'au 31 décembre 2019, lorsqu'il s'agit de terrains occupés par le ministère de la défense, le taux de la décote consentie en application [de la loi du 18 janvier 2013] ne peut excéder 30 % de leur valeur vénale ».

Cette disposition, qui figurait au II bis de l'article L. 3211-7 du code de la propriété des personnes publiques, a été abrogée, à l'initiative de l'Assemblée nationale, par l'article 55 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Votre commission souhaite vivement la réintroduire .

Enfin, il est heureux qu'en contribuant à la réalisation de logements sociaux à l'intérieur de Paris, la défense ait, à tout le moins, obtenu la réservation d'une partie de ces logements pour le personnel militaire.

Toutefois, étant donné la pénurie de logements en Ile-de-France, et les temps de trajet pour les personnels habitant à l'extérieur de Paris, votre commission estime que ce droit de réservation est très insuffisant .

Elle s'interroge, plus fondamentalement, sur la cession du bâtiment de l'ancien hôpital du Val-de-Grâce, qui lui paraît inopportune . Étant donné le contexte sécuritaire actuel, la défense peut-elle se passer de toute emprise d'envergure à l'intérieur de Paris, et ne loger les militaires qu'en périphérie, ce qui leur impose de longs trajets qui affaiblissent, en définitive, le dispositif ?

III. LE VOLET NORMATIF DE LA LPM

Comme les précédentes, cette LPM comprendra un volet normatif, qui regroupe diverses dispositions rendues nécessaires par une évolution du contexte juridique, social, matériel ou opérationnel des armées.

A. DES MESURES RELATIVES À LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS LES MILITAIRES BLESSÉS

« La République française, reconnaissante envers les combattants et victimes de guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s'incline devant eux et devant leurs familles ». Ainsi s'ouvre le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), entièrement refondu par l'ordonnance du 28 décembre 2015, dont l'article 36 propose la ratification. Cette refonte est intervenue à la suite d'un long processus de révision et de concertation avec les associations de militaires et de pensionnés, permettant, à droit constant, de clarifier et de simplifier un code dont la complexité était bien connue.

En outre, l'article 32 du projet de loi modifie en profondeur le CPMIVG en transférant le contentieux des pensions, actuellement traité par les tribunaux des pensions 47 ( * ) , des juridictions spéciales fonctionnant sur le principe de l'échevinage, à la juridiction administrative de droit commun (tribunaux administratifs et cours administratives d'appel).

Cette réforme d'ampleur vise à remédier aux carences actuellement constatées dans le fonctionnement de ce contentieux, en particulier un délai de jugement de plus de deux ans, et une difficulté croissante à faire fonctionner ces tribunaux comprenant un assesseur pensionné et un médecin, et présidés par des magistrats honoraires de l'ordre judiciaire.

Votre commission ne peut que constater qu'il est impératif de réduire le délai de jugement qui motive ce transfert du contentieux à la juridiction administrative, les tribunaux administratifs jugeant actuellement en moins d'un an. Sur un sujet connexe, elle salue également la création, par l'article 35 , d'une présomption d'imputabilité au service des blessures et maladies, qui contribuera également à faciliter la tâche des militaires blessés ou malades souhaitant faire valoir leurs droits.

Votre commission doit néanmoins également veiller à ce que le transfert aux tribunaux administratifs du contentieux des pensions préserve bien les grands principes du droit à réparation . En effet, ce contentieux présente une singularité irréductible par rapport au « simple » contentieux administratif indemnitaire, puisqu'il correspond à la dette de la Nation envers les soldats qui la défendent au péril de leur vie.

B. DES MESURES D'AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES PERSONNELS

1. Des mesures en faveur du monde combattant

L' article 12 , tend à élargir les conditions d'éligibilité des militaires blessés en service au congé de reconversion et au congé complémentaire de reconversion.

L'article 15-1 prévoit, quand à lui, de procéder par ordonnance à l'extension du bénéfice du congé du blessé à d'autres opérations militaires que celles prévues à l'article L. 4138-1 du code de la défense, c'est-à-dire les opérations extérieures ou les opérations de sécurité intérieure désignées par arrêté ministériel.

2. Des mesures de consolidation de la situation juridique des militaires et de leurs proches

Plusieurs dispositions législatives visent à consolider la situation des militaires ou à rétablir des mesures bénéficiant aux militaires ou à leurs proches.

Ainsi l'article 13 vise à étendre aux militaires le bénéfice, prévu par la loi pour les seuls fonctionnaires, mais attribué un temps par la voie réglementaire aux militaires, d'une majoration de cotisation pour la pension de retraite lorsqu'ils ont élevé un enfant lourdement handicapé.

L'article 14 actualise le régime juridique applicable aux personnels ouvriers de l'Etat en termes de cumul d'activité pour permettre que leur soient de nouveau applicables les dispositions prévues en la matière pour les fonctionnaires.

Enfin, l'article 14 ter rétablit la possibilité pour les conjoints des militaires n'exerçant pas d'activité professionnelle d'être affiliés, à leur demande, au régime spécial de sécurité sociale des militaires , mesure de nature à faciliter la vie des familles au vu de la fréquence des mutations et qui, permet en outre, aux conjoints de bénéficier de l'action sociale et sanitaire de la caisse nationale des militaires.

C. UNE NOUVELLE FACULTÉ OUVERTE AUX MILITAIRES EN OPEX

Le projet de loi comprend par ailleurs une mesure qui répond à une forte demande de nos militaires dans les OPEX anti-terroristes .

Actuellement, ils sont confrontés au Sahel à des ennemis souvent mal identifiés, difficiles à distinguer d'avec les civils et qui mènent des actions ponctuelles, souvent imprévisibles et meurtrières, à l'exemple des explosions d'engins explosifs improvisés qui ont coûté la vie à de nombreux soldats de nos forces et des forces africaines ou multilatérales engagées contre le terrorisme. Il en résulte un besoin de mieux identifier et connaître ces ennemis, afin de pouvoir les repérer avant qu'ils n'agissent ou qu'ils ne réitèrent leur action.

Or, en matière de moyens d'identification, les armées ne disposent actuellement de la possibilité d'effectuer des relevés signalétiques et de prélèvements biologiques que dans deux cas : sur des personnes décédées au combat ou sur des prisonniers, aux fins d'établir leur identité ou leur participation aux hostilités, et sur des personnels civils recrutés sur le théâtre d'opération et sur les personnes accédant à une zone protégée ou placée sous le contrôle des forces armées françaises, afin de vérifier leur identité et leurs antécédents.

En réponse à cette problématique, le projet de loi crée à son article 23 un troisième cas de prélèvement : celui des personnes « dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles ». Concrètement, des relevés et des prélèvements pourront être effectués sur des personnes se trouvant à proximité de l'explosion d'un engin explosif improvisé. Elles pourront, par exemple, être comparées à des empreintes trouvées sur des caches d'armes ou d'explosifs.

Compte tenu de la nécessité du respect de la vie privée, cette nouvelle possibilité est assortie de fortes limitations : seuls les prélèvements salivaires seront autorisés (et non les prélèvements sanguins) ; en outre, les personnes concernées devront être informées au préalable des motifs et finalités de ces opérations.

En outre, d'autres garanties très importantes sur un plan concret ont vocation à être intégrées aux « règles opérationnelles d'engagement » qui préciseront les cas dans lesquels il est souhaitable d'utiliser cette nouvelle faculté, qui, à aucun moment, ne permettra d'effectuer un fichage massif de population.

Le déplacement auprès de la Force Barkhane et les auditions menées par votre commission montrent que cette nouvelle faculté ouverte à nos armées engagées dans des opérations extérieures est très attendue . À terme, elle permettra en effet d'améliorer de manière significative la sécurité des forces engagées, mais aussi des populations qui sont à leur contact direct.

D. LA PRISE EN COMPTE DE DEUX DÉCISIONS SUR QPC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Pour la deuxième fois en deux lois de programmation militaire, il revient au législateur de tirer les conséquences d'une décision d'une juridiction lui imposant une conciliation entre le principe de libre disposition de la force armée, issu de la Constitution, et une liberté fondamentale issue de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Rappelons en effet qu'en application d'une décision de la CEDH, l'article 10 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire avait autorisé la création d'associations nationales professionnelles de militaires (APNM) ayant pour objet les questions touchant à la condition militaire. Votre commission avait alors modifié le texte pour mieux préserver la spécificité militaire et l'impératif constitutionnel de libre disposition de la force armée.

Au sein du présent projet de loi de programmation militaire, l'article 18 tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, déclarant inconstitutionnelle l'incompatibilité générale et absolue prévue par le code électoral entre, d'une part, les fonctions de militaire en position d'activité et, d'autre part, le mandat de conseiller municipal. Il s'agit ainsi de concilier le principe d'égalité des citoyens devant le droit d'exercer un mandat électif , avec deux autres principes constitutionnels : la liberté du choix de l'électeur et l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts d'une part, la libre disposition de la force armée d'autre part.

En outre, le Conseil constitutionnel cite dans ses considérants l'article L. 4111-1 du code de la défense selon lequel « l'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité ». La neutralité politique , qui, constitue une dimension importante de cette singularité de l'état militaire, s'ajoute ainsi aux principes de valeur constitutionnels qu'il convient ici de préserver.

Dans le projet de loi initial, l'article 18 permet ainsi aux militaires en activités d'être conseillers municipaux dans des communes de moins de 3 500 habitants, ce qui correspond à l'ancien plafond du scrutin majoritaire aux élections municipales. Les élections dans les communes inférieures à cette taille sont en effet réputées peu « politisées », ce qui permettrait de mieux protéger la neutralité des militaires concernés. En tout état de cause, les militaires ne pourront pas être maires ou adjoints au maire.

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a toutefois porté ce seuil à 9 000 habitants, ce qui correspond à la limite au-dessus de laquelle tous les conseillers municipaux étant électeurs aux élections sénatoriales, une certaine « politisation » est inévitable. En outre, les députés ont ouvert aux militaires l'accès aux fonctions de conseiller communautaire dans les EPCI à fiscalité propre de moins de 15 000 habitants. Cependant, comme pour les communes, serait interdite toute participation du militaire élu au bureau de l'organe délibérant de ces EPCI.

Le seuil de 15 000 habitants concerne seulement 34,2 % des communautés de commune et 4,83 % de la population. En outre, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) a fixé à 15 000 habitants la population minimale des EPCI, avec toutefois des dérogations pour les zones à la démographie peu dense et les zones de montagne. Ainsi, la rédaction issue de l'Assemblée nationale a pour effet de maintenir la participation des militaires en activité aux organes délibérants des EPCI dans des limites étroites.

Au total, le texte issu de l'Assemblée nationale fixe des seuils qui semblent assurer une conciliation équilibrée des principes antagonistes en présence. Il souffre néanmoins d'une imprécision : qu'en est-il en effet de la possibilité pour un militaire d'être élu à une fonction exécutive dans un syndicat mixte ? On peut en effet imaginer qu'un militaire élu conseiller municipal soit nommé à la tête d'un syndicat mixte doté de responsabilités importantes, ce qui ne serait pas cohérent avec la volonté de limiter la taille des collectivités dont les militaires en activité peuvent être des élus.

Deuxième décision du Conseil constitutionnel dont le projet de loi assure la mise en oeuvre, une décision sur QPC du 23 mars 2016 a conduit le Gouvernement à proposer la révision du dispositif d'indemnisation des victimes civiles françaises de la guerre d'Algérie créé par la loi du 31 juillet 1963. En effet, le Conseil a considéré que le fait que ce dispositif ne puisse bénéficier qu'aux personnes ayant la nationalité française au moment de la promulgation de la loi était contraire au principe d'égalité. L'article 30 du projet de loi supprime ainsi la condition de date d'obtention de la nationalité française.

Lors de l'élaboration du projet de loi, une seconde décision du Conseil Constitutionnel est intervenue sur le même dispositif législatif. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le respect du principe d'égalité garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil a estimé dans une décision du 8 février 2018 que l'indemnisation prévue visait à réparer des dommages s'étant produits « sur un territoire français à l'époque », en conséquence de quoi il a censuré purement et simplement le critère de nationalité.

Si cette décision n'a pas pu être prise en compte par le Gouvernement lors de l'élaboration du projet de loi, ce n'est plus le cas lors de l'examen du texte au Sénat. Elle impose de revoir le dispositif pour établir une égalité entre les Français et les Algériens du point de vue du droit à réparation d'un dommage subi à cette période.

E. LE VOLET NORMATIF SUR LA CYBERDÉFENSE ET LE RENSEIGNEMENT

L'article 19 du projet de loi introduit deux procédures permettant à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) de renforcer ses moyens de détections des cyberattaques. La première invite les opérateurs à installer des systèmes de détection sur leurs réseaux et leur permettra de bénéficier des marqueurs fournis par l'ANSSI dans certaines circonstances, en contrepartie ils devront déclarer ces installations et transmettre les alertes à l'ANSSI. En cas d'attaques, l'ANSSI pourra leur demander de prévenir leurs usagers. Les données collectées non utiles devront être immédiatement détruites. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) supervisera cette procédure.

La seconde permet à l'ANSSI, d'une part en cas de menace susceptible de porter atteinte aux système d'information des autorités publiques ou des opérateurs d'importance vitale d'installer et d'exploiter des systèmes de détection sur les réseaux des opérateurs ou chez certains fournisseurs de service de communication au public en ligne ; et, d'autre part, en cas d'évènement affectant ces utilisateurs détecté par la première procédure, de recueillir des données techniques nécessaires à l'analyse de cet évènement. L'ARCEP contrôlera ce dispositif.

L'introduction de cet article à l'occasion de la LPM n'est qu'une première étape puisque reste encore à préciser, comme ce fut le cas en 2013 pour la mise en oeuvre réglementaire des obligations de protection pour les opérateurs d'importance vitale (OIV), qui n'a été achevée qu'au terme d'une procédure concertée qui a duré près de 5 ans. Un travail de concertation approfondie avec les opérateurs reste à conduire. Pour autant, il serait inopportun de remettre en question ces dispositifs de protection compte tenu de l'amplification des menaces. Ils pourraient être utilement étendus aux opérateurs de services essentiels (OSE) au sens de la directive (UE) 2016/1148 du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union. Des améliorations à ce dispositif sont proposées par votre commission.

L'article 21 étend aux cyber-combattants le bénéfice de « l'excuse pénale ». Il s'agit de compléter les dispositions prévues dans le code de la défense afin de pouvoir faire bénéficier des cyber-combattants du régime dit « d'excuse pénale » dans le cadre de leur participation à des opérations extérieures.

Deux articles concernent le renseignement dans la partie normative du projet de LPM .

L'article 22 met en place une procédure simple d'autorisation pour la DGA et les forces armées afin de qualifier les équipements mettant en oeuvre des techniques de renseignement autorisé par la loi. Une procédure d'information et de contrôle minimal de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) est prévue. L'article 22 bis , introduit par amendement à l'Assemblée nationale, porte des dispositions relatives à la commission parlementaire de vérification des fonds spéciaux, à la demande de cette dernière.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 1er - Objectifs de la politique de défense et de la programmation financière

L'article 1 er du présent projet de loi indique que le titre I er fixe les objectifs et moyens de la politique de défense pour la période 2019-2025.

L'Assemblée nationale a ajouté qu'il fixait également les modalités de contrôle par le Parlement.

Votre commission a adopté un amendement de M. Bernard Cazeau et des membres du groupe La République En Marche précisant que le Parlement est également chargé non seulement du contrôle mais aussi de l'évaluation.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

CHAPITRE IER - OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 2- Approbation du rapport annexé

I. Le texte du projet de loi

L'article 2 du présent projet de loi a pour objet d'approuver le rapport annexé à la loi de programmation militaire 2019-2025. Ce dernier détaille les orientations politiques et les priorités financières du Gouvernement sur toute la durée de la programmation. Le rapport annexé présente la future LPM comme celle du « renouveau » et ambitionne de la placer « à hauteur d'homme ». La régénération du capital opérationnel, l'amélioration du quotidien des soldats, l'autonomie stratégique et la préparation de l'avenir sont érigées en priorité.

L'article 2 distingue en outre trois horizons programmatiques, repris dans le rapport annexé :

- 2030, horizon du programme d'équipement et d'adaptation du modèle d'armée aux enjeux identifiés par la Revue stratégique d'octobre 2017 ;

- 2025, horizon du rehaussement de l'effort national de défense à 2 % du PIB, conformément aux besoins identifiés collectivement par les membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) ;

- 2023, horizon de la programmation détaillée de crédits budgétaires, qui correspond à la dernière année pour laquelle le Gouvernement aura la responsabilité de préparer un projet de loi de finances avant l'avènement de nouvelles élections nationales.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à l'article 2.

Sur le rapport annexé, l'Assemblée nationale a adopté les principaux amendements suivants.

Sur le déploiement des armées françaises au Sahel, l'Assemblée nationale a souhaité indiquer que ce déploiement avait le soutien de nos partenaires.

Sur la nécessité d'une stratégie proactive de développement de coopérations technologiques et industrielles européennes, l'Assemblée nationale a précisé que ces coopérations pouvaient aussi être bilatérales et non pas seulement européennes.

S'agissant du traitement des données, un amendement a été adopté en séance publique pour indiquer que le recours à « l'intelligence artificielle complète le travail humain effectué pour recueillir et traiter le renseignement ».

L'Assemblée nationale a également rappelé que les outre-mer français et les zones économiques exclusives qui leur sont rattachés constituent un enjeu stratégique pour la France .

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements dans le cadre du soutien renforcé aux militaires blessés ou aux malades en service et aux familles des militaires morts au combat. Il est ainsi prévu qu'une liste des militaires morts pour la France dans les douze mois précédents la journée d'hommage à tous les morts pour la France soit transmise par le ministère des armées à chaque commune de France pour que leur nom, leur âge et leur unité soient énoncés pendant les commémorations du 11 novembre ; la dématérialisation des démarches administratives et médicales ; l'amélioration de la prise en charge des blessés psychiques autant que physiques. La Commission avait adopté avant la discussion en séance un amendement relatif au service de santé des armées mentionnant son rôle essentiel dans la détection et la prise en charge des blessures psychiques au bénéfice des militaires en activité et des anciens militaires.

S'agissant de la gestion des ressources humaines, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements incitant le ministère des armées à poursuivre, d'une part, sa politique de lutte contre le harcèlement, la discrimination et les violences à caractère sexuel, notamment en accompagnant les victimes sur les plans juridique et psychologique ainsi qu'en prévoyant des cellules d'écoute dédiées qui produiront un bilan annuel, et, d'autre part, sa politique en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en facilitant l'accès des femmes aux diplômes d'état-major et à l'École de guerre, avec l'objectif de doubler la part des femmes parmi les officiers généraux d'ici 2025. Une adaptation des uniformes des personnels militaires féminins avant 2025 est également prévue. Ces amendements relatifs à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes reprennent les conclusions du rapport d'information n°273 (2014-2015) de la délégation aux droits des femmes intitulé «  Des femmes engagées au service de la défense de notre pays ».

Pour favoriser la reconversion des personnels, l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que le réseau « d'ambassadeurs » créé pour favoriser des contacts privilégiés avec les recruteurs, les entreprises et les administrations « reposera pour partie sur la réserve citoyenne de défense et de sécurité ». Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ajouté, qu'en vue de la simplification et de l'harmonisation des conditions d'accès à la fonction publique des militaires, le ministère des armées serait associé à tous les débats de refonte de la fonction publique pour mieux anticiper et adapter les réformes à ses spécificités.

S'agissant de la réserve, l'Assemblée nationale a modifié le projet de loi pour indiquer que la numérisation de l'information, du recrutement et de la gestion des réservistes serait mise en oeuvre via le portail internet des réserves militaires.

Sur le lien entre la jeunesse et les armées, l'Assemblée nationale a amendé le projet déposé pour indiquer que la journée défense et citoyenneté (JDC) a vocation à évoluer dans le cadre des réflexions engagées sur la rénovation du service national universel.

Dans le cadre de la modernisation des programmes conventionnels, l'Assemblée nationale a rappelé que l'autonomisation des systèmes d'information et de communication devait rester sous le contrôle d'un ou plusieurs agents humains. La commission de la défense de l'Assemblée nationale avait préalablement modifié le projet de loi en discussion pour indiquer qu'une attention particulière serait portée aux capacités de résilience et de fonctionnement « en mode dégradé » des équipements modernes, dont les capacités opérationnelles reposent largement sur des systèmes d'information et de communication.

L'Assemblée nationale a par ailleurs mentionné que le nombre de programmes en coopération avec les partenaires européens serait augmenté d'au moins 36 % par rapport à la précédente LPM et non pas seulement de 36 %.

L'Assemblée nationale a modifié le projet déposé par le Gouvernement pour souligner que l'effort en matière de connaissance, d'anticipation et de prévention porterait aussi sur l'amont, du point de vue de la recherche scientifique et universitaire, avec une attention particulière accordée au développement des études sur la guerre.

S'agissant du développement d'une politique volontariste de coopération européenne et internationale, l'Assemblée nationale a ajouté une référence aux initiatives européennes en cours en matière de défense et de sécurité, notamment au Fonds européen de défense en indiquant qu'il serait notamment nécessaire de poursuivre la concertation avec nos partenaires européens afin de dégager une vision commune des objectifs de la coopération structurée permanente et de conférer aux projets futurs développés dans ce cadre une portée opérationnelle.

Pour le renforcement des capacités de prévention, notamment sur le continent africain, l'Assemblée nationale a amendé le rapport annexé pour mentionner que l'attractivité de l'offre de la France repose sur la qualité de son dispositif prépositionné ainsi que sur un renforcement des capacités de financement européennes et internationales en soutien des secteurs de défense des pays africains, pour leur permettre d'assurer eux-mêmes leur propre sécurité.

L'Assemblée nationale a fait inscrire dans le rapport annexé la mise en oeuvre du principe de préférence européenne pour les marchés publics de défense et de sécurité comme objectif stratégique en vue de contribuer au maintien et à la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense. Elle a également choisi d'évoquer l'enjeu que constitue le passage à une échelle européenne en matière de recherche et développement.

Pour une meilleure prise en compte de l'espace exoatmosphérique, l'Assemblée nationale a souligné que la France continuerait à appuyer les initiatives européennes en matière de capacités spatiales et s'efforcerait d'inscrire leur développement et leur financement dans le cadre du Fonds européen de la défense. Elle a rajouté que la France s'engagerait dans le renforcement de l'initiative européenne de surveillance de l'espace exoatmosphérique pour la faire évoluer en véritable capacité de connaissance de la situation spatiale couvrant la surveillance des débris spatiaux, la météorologie spatiale et la protection des satellites notamment face aux menaces cyber et qu'elle consoliderait ses capacités nationales de surveillance de l'espace exoatmosphérique ( Space Surveillance and Tracking , SST) et de connaissance de la situation spatiale ( Space Situational Awareness , SSA), notamment par le renforcement du Commandement Interarmées de l'Espace et du Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes.

L'Assemblée nationale a également souhaité que la France continue à appuyer le développement du signal crypté du système européen de positionnement par satellites Galileo (Galileo PRS) et qu'elle joue un rôle moteur dans une éventuelle initiative européenne en matière de communication sécurisée par satellites.

L'Assemblée nationale a fait le choix que les armées étudient les voies et moyens d'atténuer les risques associés à notre dépendance à l'espace exoatmosphérique ainsi que les mesures permettant de limiter cette même dépendance pour les opérations. Dans cette perspective, elle a demandé aux armées de porter une attention particulière, notamment dans le cadre de la coopération européenne, à l'émergence de technologies de rupture comme les « pseudo-satellites de haute altitude » ou dans le domaine des services en orbite et des lanceurs.

S'agissant de l'investissement dans l'innovation de rupture et de supériorité opérationnelle, l'Assemblée nationale a tenu à spécifier, dans la liste non exhaustive dressée par le Gouvernement, les domaines d'investissements suivants : l'informatique quantique, la cryptographie ainsi que la maintenance et les services aux satellites en orbite. Elle a également ajouté qu'un recours plus fréquent à l'expérimentation technico-opérationnelle et un niveau accru d'acceptation de l'échec dans ces expérimentations étaient nécessaires.

L'Assemblée nationale a rappelé que l'effort consenti dans le domaine de la recherche et technologie s'inscrit dans l'esprit du Pacte Défense PME.

Sur la transformation du ministère des armées et la simplification des procédures administratives, l'Assemblée nationale a exprimé le souhait que des procédures simplifiées puissent être établies en vue de réduire les délais et, le cas échéant, les coûts d'acquisition des équipements relevant aujourd'hui de la catégorie des autres opérations d'armement ou de la catégorie des équipements d'accompagnement et de cohérence

En vue de renforcer l'information financière du Parlement et son action de contrôle de l'exécution budgétaire, la commission de la défense de l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé de la section 5 « Le dialogue avec le Parlement » en lui substituant les mots « Le contrôle parlementaire » et a adopté plusieurs amendements rédactionnels.

Enfin, la commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté de nombreux amendements rédactionnels, parmi lesquels ceux visant à substituer au nom du programme BARRACUDA, celui du type de navires effectivement issus de ce programme, à savoir SUFFREN. Elle a également préféré le terme « type » à l'anglicisme « classe ».

III. La position de votre commission

Votre commission vous propose :

- à l'alinéa 28, une disposition pour citer plus explicitement la menace que représentent les manipulations de l'opinion publique par l'utilisation massive des médias numériques et des réseaux sociaux avec pour objectif une altération du fonctionnement normal des institutions démocratiques ;

- à l'alinéa 39, une disposition prévoyant que les forces de souveraineté et les forces prépositionnées doivent être dotées des effectifs suffisants et des moyens adéquats. La mission organisée par votre commission auprès des Forces françaises basées à Djibouti (FFDJ) a bien mis en évidence cette exigence ;

- à l'alinéa 153, une disposition mentionnant la garde nationale en tant qu'élément du renforcement du lien armées-Nation ;

- à l'alinéa 173, une disposition proposée par M. Dominique de Legge au nom de la commission de finances pour renforcer la compétence technique du Service industriel de l'aéronautique (SIAé) en systématisant l'acquisition des « liasses », c'est-à-dire de la documentation technique et de certains droits de propriété intellectuelle propres à ces équipements. Parce que ces liasses n'ont pas été acquises pour l'A400M, la réalisation d'opérations de maintenance par le SIAé sur cet appareil nécessite la saisine systématique de l'industriel, rallongeant d'autant les délais de maintenance ;

- à l'alinéa 174, une disposition prévoyant que le ministère des armées et le ministère de l'économie présentent de façon explicite, au sein des documents budgétaires remis au Parlement dans le cadre de la préparation de la loi de finances, l'utilisation des crédits dédiés à l'entretien programmé des matériels. Ceci permettra que l'augmentation des moyens financiers prévue par la présente loi soit suivie de près par la représentation nationale qui ne peut accepter lorsque les taux de disponibilité de certains équipements sont aussi bas, de ne pas disposer d'informations précises sur l'allocation des ressources. Ainsi l'indisponibilité des hélicoptères mobilisent les parlementaires qui année après année étudient la question et présentent des rapports sur le sujet. Depuis deux ans, votre commission s'alarme de l'état des équipements terrestres, mais aussi de l'indisponibilité technique de nombres d'équipements des forces prépositionnées. Ces sujets feront, grâce à cet amendement l'objet d'un suivi attentif.

- à l'alinéa 196 une disposition prévoyant que lors de l'actualisation prévue en 2021 un bilan de la remontée de la préparation opérationnelle est présenté au Parlement, montrant les efforts déjà effectués dans ce domaine, ceux prévus entre 2021 et 2023, puis sur la fin de la période de programmation.

- une nouvelle rédaction de l'alinéa 212 tendant à renforcer le volet immobilier de la LPM et à sécuriser le retour au ministère des armées de l'intégralité de ses produits immobiliers, conformément aux orientations de l'amendement proposé à l'article 3 ;

- après l'alinéa 217, une disposition tendant à permettre la réévaluation de l'opportunité de la cession d'une partie du site du Val de Grâce à Paris ;

- sur le fondement d'un amendement présenté par MM. Bernard Cazeau, Claude Haut, François Patriat et Richard Yung et des membres du groupe La République En Marche, une nouvelle rédaction de l'alinéa 225 relatif à la politique du ministère des armées en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les discriminations, qui mentionne la cellule Thémis mise en place en 2014 et appelle à conforter l'action de celle-ci ;

- de préciser, à l'alinéa 246, que la transposition aux militaires des mesures indiciaires ou indemnitaires affectant la rémunération des fonctionnaires civils intervient « sans délai » ;

- à l'alinéa 261 une disposition sécurisant les effectifs du Servie de Santé des armées (SSA). Il est prévu que les évolutions des effectifs du SSA permettent tout au long de la période de programmation de garantir la sécurité de nos forces et leur capacité à entrer en premier.

- Après l'alinéa 274, à l'initiative de Mme Hélène Conway-Mouret, sénatrice, et des membres du groupe Socialiste et républicain, une disposition tendant au maintien de la Journée Défense Citoyenneté (JDC) pour les jeunes Français établis hors de France ;

- après l'alinéa 364, l'insertion d'un nouvel alinéa rappelant les conditions nécessaires au succès des coopérations européennes en matière d'armement ;

- à l'alinéa 404, l'insertion de la trajectoire de hausse des crédits d'études amont ;

- à l'alinéa 410, la suppression de la maintenance des satellites en orbite du nombre des exemples d'innovations de rupture, suite à l'adoption d'un amendement de M. Bernard Cazeau et des membres du groupe La République En Marche ;

- après l'alinéa 478, l'insertion d'une programmation de l'effort financier à réaliser en faveur de la politique immobilière : en effet, c'est la première fois qu'une LPM se donne pour priorité d'être « à hauteur d'homme ». Mais au-delà des déclarations d'intention, cet axe prioritaire n'est pas décliné en termes de ressources financières. Il s'agit donc de lui donner un contenu concret. Le chiffrage, fourni par le ministère, est d'autant plus important qu'il doit être considéré comme un minimum : en effet, la trajectoire est favorable mais elle ne permet pas de satisfaire tous les besoins recensés ;

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 - Programmation des ressources financières pour 2019-2023

L'article 3 du présent projet de loi établit les crédits budgétaires de la mission « Défense » pour les années 2019 à 2023.

I - Le droit en vigueur

Il y a lieu tout d'abord de rappeler la distinction fondamentale entre les lois de programmation, qui fixent un cadre financier et une trajectoire prévisionnelle, et donc une intention politique ; et les lois de finances, qui seules ont une véritable portée normative en matière de crédits budgétaires. Par conséquent, la LPM doit toujours être lue en rapport avec les lois de finances.

Les lois de finances sont elles-mêmes inscrites dans un cadre programmatif pluriannuel, en l'espèce la récente loi de programmation des finances publiques (LPFP) du 22 janvier 2018 48 ( * ) .

L'article 15 de la LPFP fixe, pour 2019 et 2020, les crédits de la mission « Défense » à 35,9 milliards d'euros et 37,6 milliards d'euros.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Il convient de rappeler que, sur le plan juridique, la LPM aurait tout à fait pu s'écarter du cadre défini il y a quelques mois par la LPFP. Cela n'aurait toutefois pas été très cohérent avec l'idée même de programmation, qui suppose que les trajectoires définies soient cohérentes entre elles.

En l'espèce, les trajectoires de la LPM et de la LPFP sont identiques, pour les années couvertes par la LPFP actuelle (2019 et 2020).

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article, sans en modifier le fond.

IV - La position de votre commission

Comme cela a été indiqué dans l'exposé général, il faut en premier lieu se réjouir que les crédits de la mission « Défense » augmentent ; mais en second lieu exprimer la préoccupation devant une trajectoire très irrégulière, qui voit l'effort de progression quasiment doubler à partir de 2023.

Il faut souligner à nouveau l'originalité d'une programmation partielle, puisque le projet de LPM est construit avec un objectif en 2025, mais un financement jusqu'en 2023 seulement.

Votre commission a adopté deux modifications à l'article 3 , afin de sécuriser le périmètre de la LPM et d'assurer le retour au ministère de ses produits immobiliers.

Il s'agit, en premier lieu, d'exclure le SNU du périmètre de la LPM , en reprenant l'engagement du président de la République lors de ses voeux aux armées le 19 janvier 2018. S'agissant du service national universel, celui-ci a en effet déclaré : « Il sera conduit par l'ensemble des ministères concernés, et pas simplement celui des armées ; il aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire. »

La commission souhaite inscrire cet engagement présidentiel dans la loi. Dans son rapport « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale » 49 ( * ) , elle avait d'ailleurs préconisé : « Pour garantir une séparation étanche entre les financements, une nouvelle mission ad hoc, en dehors du périmètre de ressources de la LPM, devrait être aménagée au sein du budget général de l'État. »

Votre commission souhaite, en second lieu, sécuriser le retour au ministère des armées de l'intégralité de ses produits immobiliers .

Cette LPM poursuit un objectif de « sincérisation » : elle ne repose pas, et c'est heureux, sur des recettes à caractère exceptionnel, telles que des recettes de cessions immobilières, par nature aléatoires dans leur montant et dans leur calendrier.

Toutefois, cela ne signifie pas que le ministère des armées doive être privé de ce type de recettes .

Dans l'esprit de la réforme du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », opérée par l'article 42 de la loi de finances pour 2017, la commission propose d'étendre le dispositif de retour intégral au produit des redevances domaniales et des loyers provenant des concessions ou autorisations consenties sur les biens du ministère, qui ne serait donc plus reversé au budget général.

Il s'agit de concrétiser l'ambition d'une « LPM à hauteur d'homme » : Les produits de cessions immobilières attendus sur la période 2019-2025 sont évalués à 500 M€ environ. Ce produit financier doit pouvoir venir accentuer rapidement l'effort au profit de l'offre de logements et de l'entretien des infrastructures du ministère. La dynamisation des redevances et recettes locatives du ministère pourrait également venir accentuer cet effort, notamment au profit des logements et infrastructures de vie courante, donc au profit des femmes et hommes du ministère de la défense.

La disposition ainsi introduite devra être confirmée, dans la prochaine loi de finances initiale, par une modification de l'article 47 de la loi de finances pour 2006 50 ( * ) , relatif au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 - Provision annuelle pour les OPEX et MISSINT (2019-2023)

L'article 4 du présent projet de loi fixe le niveau de la provision annuelle pour les opérations extérieures (OPEX) et les missions intérieures (MISSINT) pour les années 2019-2023

I - Le droit en vigueur

L'article 4 de la LPM pour 2014-2019 51 ( * ) comportait des dispositions dont l'article 4 du présent projet de loi est la reprise. Il prévoyait ainsi :

- Une provision de 450 millions d'euros pour les OPEX ;

- Un financement interministériel des dépenses qui viendraient à excéder cette provision de 450 millions d'euros ;

- Une information annuelle du Parlement sur le coût des OPEX.

La LPM de 2013 avait ensuite été complétée par un article 4-1 introduit par la loi d'actualisation du 28 juillet 2015 52 ( * ) , pour étendre le bilan opérationnel et financier prévu par l'article 4 pour les OPEX aux MISSINT.

Enfin, il importe de noter que cette provision a été portée à 650 millions d'euros pour 2018 par la loi de finances pour 2018.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 4 du projet de LPM comporte quatre alinéas . Les deux premiers établissent une trajectoire ascendante de budgétisation des OPEX et MISSINT, la progression de 200 millions d'euros enregistrée pour 2018 devant précéder des marches de 200 millions d'euros en 2019 et 250 millions d'euros en 2020. La provision passerait ainsi progressivement des 650 millions d'euros actuels à 1,1 milliard d'euros à partir de 2020.

Par le passé, votre commission avait jugé que l'augmentation de cette provision était devenue indispensable, à condition que les crédits de la mission défense augmentent à due proportion. Certes, les dépenses d'OPEX et de MISSINT relevaient par nature de la solidarité intergouvernementale, tant elles s'imposaient aux armées sans que celles-ci aient de marge de manoeuvre en gestion sur leur volume. Mais en pratique, l'expérience a montré que la solidarité interministérielle, appelée pour couvrir le surcoût des OPEX/MISSINT, a pesé beaucoup plus que proportionnellement sur le budget de la mission « Défense ». C'est pourquoi l'inscription d'une part plus sincère de ces coûts dans le budget de la défense a fini par paraître comme un moindre mal, préservant les autres crédits, et singulièrement les crédits d'équipement du programme 146, d'un effet d'éviction de la montée en puissance des OPEX et MISSINT.

Le troisième alinéa reprend le principe, déjà inscrit en 2013, du financement interministériel des dépenses excédant la provision. Il prévoit également que si la provision devait excéder les coûts constatés, l'excédent demeurerait au budget des armées.

Le dernier alinéa dispose que les OPEX et MISSINT font l'objet d'une information annuelle au Parlement.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, outre plusieurs amendements d'amélioration rédactionnelle, un amendement tendant à préciser que l'information au Parlement prévue au dernier alinéa doit intervenir « au plus tard le 30 juin » .

IV - La position de votre commission

Votre commission propose de renforcer sensiblement les dispositions de cet article, pour que le poids des OPEX et MISSINT, réalisées par décision souveraine de l'Exécutif, repose bien sur l'ensemble des actions de l'Etat, et non sur la seule mission « Défense ».

Au vu du risque de participation plus que proportionnelle de la défense aux surcoûts excédant la provision prévue par le projet de loi, votre commission a interrogé le Gouvernement sur ce qui était envisagé à ce titre pour l'avenir. La question est d'autant plus importante que le coût des OPEX est estimé, pour 2017, aux environs de 1,5 milliard d'euros. Le Gouvernement a indiqué en réponse que « les modalités de répartition interministérielle de la charge du surcoût ne sont pas fixées a priori. Elles feront l'objet d'une décision du gouvernement en gestion » 53 ( * ) .

Votre commission vous présente donc un amendement pour garantir une solidarité interministérielle réelle, à savoir que les crédits de la mission « Défense » ne soient pas appelés au-delà de leur part dans le budget général de l'Etat dans ce financement du surcoût.

Par ailleurs, la question du calcul du coût réel des OPEX pour les forces reste posée. Ainsi, votre commission 54 ( * ) , de même que la commission des finances du Sénat 55 ( * ) , ont eu l'occasion de souligner les coûts indirects pour les armées résultant notamment de l'usure accélérée du matériel en OPEX. Votre commission vous propose donc un second amendement tendant à la bonne intégration du coût complet des OPEX dans l'appel à la solidarité interministérielle .

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Après l'article 4 - Clause de sauvegarde sur le coût des carburants

Votre commission vous propose un amendement reprenant la clause de sauvegarde sur le coût des carburants qui figurait dans la précédente LPM. Interrogé sur la question de la couverture du risque éventuel pesant les variations de prix des carburants, le Gouvernement a fourni à votre commission une réponse précise, tendant à monter que ce risque est évalué et suivi.

Il apparaît toutefois utile de poser le principe que des hausses significatives du coût des carburants ne viendraient pas amputer les crédits prévus par la LPM pour la mission "Défense". Votre commission a souligné les différents risques qui pèsent sur la programmation, et il est important de tâcher de se prémunir de celui-ci.

Cela est d'autant plus vrai que le scenario du Gouvernement, conforme aux hypothèses de la LPFP, repose sur un prix moyen du baril à 60 dollars et une parité euro/dollar de 1,1. Or le prix du baril pourrait fluctuer de façon significative sur la période, notamment en raison des tensions nombreuses au Moyen-Orient.

Votre commission a inséré un article additionnel en ce sens.

Article 5 - Effectifs

Cet article tend à définir l'évolution des effectifs pour chaque année de la programmation militaire 2019-2025.

I - Les évolutions récentes

Les deux précédentes programmations avaient prévu des déflations massives dans le cadre d'abord de la révision générale des politiques publiques (RGPP), puis de l'adaptation du ministère de la défense au nouveau format des armées, représentant au total plus de 50 000 suppressions nettes de postes sur la période 2008-2019. Il s'agissait d'un effort considérable et sans équivalent dans les autres ministères.

Ces déflations visaient notamment à permettre de réduire les coûts de la masse salariale (titre 2) au profit des équipements. Elles ont mis sous tension l'ensemble des fonctions du ministère des armées, malgré une priorité affichée à l'opérationnel.

Le déploiement en nombre des forces armées sur le territoire national à la suite des attentats djihadistes survenus en janvier et novembre 2015 et sa pérennisation dans le contexte d'un niveau élevé d'engagements extérieurs ont rendu nécessaire une remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) et une interruption de ce mouvement de baisse.

En prévoyant une diminution des déflations, la loi d'actualisation de la programmation militaire du 28 juillet 2015 a ainsi apporté une première inflexion à la trajectoire des effectifs.

Celle-ci a été une nouvelle fois révisée lors du conseil de défense du 6 avril 2016 qui valide le principe d'une augmentation nette des effectifs pour la fin de la programmation 2014-2019. Toutefois, les financements correspondants n'avaient pas été prévus, ce que votre commission avait dénoncé.

II - La trajectoire prévue par le projet de loi

S'agissant des effectifs, la programmation 2019-2025, qui prévoit une augmentation nette de 6 000 équivalents temps plein (ETP) sur la période 2019-2025, s'inscrit dans le prolongement de cette hausse.

La trajectoire de l'évolution nette des effectifs sur la programmation est retracée à l'article 5 du projet de loi :

Augmentation nette des effectifs sur la programmation

(En équivalents temps plein)

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total 2019-2025

450

300

300

450

1 500

1 500

1 500

6 000

Source : article 5 du projet de LPM

Cette augmentation nette, qui portera les effectifs du ministère à 271 936 ETP en 2023 et à 274 936 ETP en 2025, bénéficiera aux domaines prioritaires que sont :

- le renseignement : +1 500 ;

- la cyberdéfense et l'action dans l'espace numérique : + 1500 ;

- le champ de la « sécurité-protection » (SECPRO) : +750 ;

- et le soutien aux exportations (SOUTEX) : +400.

Le solde (1 850 ETP) est destiné :

. pour 283 ETP, à accompagner la transformation du ministère , notamment en faveur du secrétariat général de l'administration (dans les domaines de la gestion des droits individuels, de l'action sociale et du logement) et de la DGA pour prendre e compte le surcroît d'activité lié au lancement et à la livraison de nouveaux programmes d'armement ;

. pour 1 560 ETP , à répondre aux besoins des unités opérationnelles et de leur environnement.

Selon les réponses apportées par le ministère des armées aux questions de votre commission, il s'agit de renforcer la fonction « prévention », la défense maritime du territoire (patrouilleurs, sémaphores...), le commandement contribuant aux opérations et missions (commandement et contrôle (C2), spatial...), la coopération (escadron C130 J franco-allemand à Evreux, renforcement OTAN-IEI1...), les soutiens spécifiques aux missions et à la préparation opérationnelle (tels que l'entretien des matériels et sécurité incendie sur les plateformes aéronautiques) ainsi que la formation et le recrutement.

Votre commission, qui avait estimé à 2500 par an le besoin en recrutement des armées, ne peut que constater que ces chiffres sont très en deçà.

Les soutiens interarmées , particulièrement éprouvés par les précédentes programmations dont ils ont supporté une grande part des déflations, ne devraient, quant à eux, pas bénéficier d'augmentations substantielles de postes : +21 ETP sur l'ensemble de la programmation , sous réserve d'augmentation en fin de période, alors que les réductions nettes se poursuivront entre 2019 et 2023. Ils devront donc trouver des marges de manoeuvre dans les redéploiements liés à la poursuite de la transformation (diminution du nombre de bases de défense, réorganisation liée notamment à la numérisation et redéploiements), notamment en ce qui concerne le service du commissariat des armées, le service de santé des armées (particulièrement dans sa composante hospitalière) et le service des infrastructures de la défense. Votre commission, qui connaît bien la situation difficile dans laquelle se trouvent les services de soutien, estime que cela n'est pas satisfaisant .

La répartition envisagée, année par année, sur la programmation est la suivante :

Evolution nette d'effectifs par domaine fonctionnel sur la durée de la programmation

( en équivalents temps plein )

Domaine

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

Renseignement

199

152

104

146

421

239

239

1500

Unité Information Passager (UIP)

12

-

-

-

-

-

-

12

Cyberdéfense

107

94

96

135

151

270

270

1123

Digitalisation/intelligence artificielle

22

6

6

18

145

90

90

377

SECPRO

47

47

20

12

256

184

184

750

Infrastructures

-34

-34

-

-

-

19

19

-30

SOUTEX

45

24

24

24

208

38

37

400

DGRIS/PPE

1

1

1

1

-

-

-

4

Environnement des forces au sein des armées

-

-

27

26

33

138

138

362

Unités opérationnelles et C2

65

28

40

93

226

373

373

1198

Accompagnement de la transformation

15

12

12

25

60

79

80

283

Soutien interarmées

-29

-30

-30

-30

-

70

70

21

450

300

300

450

1 500

1 500

1 500

6 000

Source : réponse du ministère des armées au questionnaire de votre rapporteur

Ainsi, les créations de postes de début de programmation devraient être prioritairement affectées au renseignement et à la cyberdéfense, alors que celles prévues en deuxième partie de programmation, sous réserve que l'engagement pris soit bien respecté, devraient permettre un maigre renfort aux unités opérationnelles et à leur environnement.

III - La position de l'Assemblée nationale

Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements rédactionnels.

IV - La position de votre commission

Votre commission prend acte de cette évolution positive des effectifs. C'est en effet la première fois depuis des années qu'une LPM prévoit une progression des effectifs , ce qui, en soi, constitue un signal positif adressé aux armées et à leurs personnels. Elle est d'autant plus appréciable qu'elle intervient dans un contexte où beaucoup de ministères apparaissent moins bien traités.

Pour autant, cette augmentation nette reste bien en-deçà de celle (+15 000 ETP sur la programmation) que votre commission avait estimé nécessaire dans son rapport d'information de 2017 sur les « 2% du PIB pour la défense », afin de préserver notre modèle d'armée dans le contexte d'un niveau d'engagements durablement élevé à l'extérieur et à l'intérieur . Ce sont les soutiens interarmées qui risquent d'en faire les frais.

En outre, il faut souligner l'inégale répartition des créations nettes de postes sur la durée de la programmation , qu'illustre bien le graphique suivant :

Source : votre rapporteur d'après l'article 5 du projet de loi

De fait, les créations de postes représenteront 300 à 450 ETP par an, soit 1 500 ETP en tout, entre 2019 et 2022, et 1 500 ETP par an, soit 4 500 ETP en tout, entre 2023 et 2025, une grosse partie de l'effort ( ¾ des créations nettes de postes) étant reporté en deuxième partie de programmation . Or, force est d'admettre que les engagements pris pour la période postérieure à 2022 sont de portée très relative.

Enfin, il convient d'évoquer l'hypothèque que représenterait la possible contribution des armées à la mise en oeuvre du projet de service national universel . Si l'encadrement de 600 000 à 800 000 jeunes par an pendant un mois devait être exclusivement militaire, ce sont près de 20 000 ETP qui devraient être consacrés à cette mission, soit près de trois fois la hausse des effectifs prévue pour la programmation.

Si le Président de le République s'est engagé à doter ce projet d'un financement spécifique distinct de la programmation militaire, votre commission propose de préciser dans le projet de loi par un amendement que les effectifs nécessaires à la mise en oeuvre du SNU - de même que, comme dans la précédente programmation, les apprentis et les volontaires du service militaire volontaire -, ne sont pas compris dans les effectifs visés à l'article 5 du projet de loi.

Sur proposition de la commission des finances saisie pour avis, la commission a adopté un amendement tendant à exclure aussi les éventuelles augmentations d'effectifs du service industriel aéronautique (SIAé) des augmentations d'effectifs prévues à l'article 5.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 - Actualisations de la LPM

L'article 6 du présent projet de loi tend à prévoir des actualisations de la LPM.

I - Le droit en vigueur

La LPM de 2013 prévoyait déjà une clause dite de « revoyure » ou d'actualisation. En raison de l'étendue des périodes de programmation, il est apparu nécessaire de prévoir une actualisation à mi-parcours, voire plusieurs.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi fixe une date en 2021 pour l'actualisation de la LPM. La rédaction de l'article laisse donc la possibilité qu'il y ait plus d'une actualisation.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement rédactionnel.

IV - La position de votre commission

Le présent article porte une disposition désormais habituelle dans les LPM. Il convient de rappeler qu'en tout état de cause, la LPM doit être confirmée annuellement par la loi de finances. Par ailleurs, au-delà de la trajectoire financière, la réalisation des objectifs concrets définis en LPM est un aspect tout aussi important que le volume des crédits (un volume de crédits donné peut être employé de façons tout à fait différentes).

Pour autant, votre commission propose de modifier cet article afin que la clause de revoyure prévue en 2021 soit l'occasion de s'assurer que de grandes priorités sont prises en compte. Il est ainsi proposé d'adopter les amendements suivants.

Le premier amendement consiste à préciser que l'actualisation prend en compte les engagements souscrits à l'issue des sommets de l'OTAN . La mise en place d'une présence renforcée avancée dans la partie orientale de l'Alliance, décidée le 9 juillet 2016 au sommet de Varsovie, a mobilisé des troupes et équipements, à moyens et effectifs constants des contrats opérationnels. Ainsi en mars 2017, un sous-groupement tactique interarmes français « Lynx » a été déployé à Tapa, en Estonie, avec 4 chars Leclerc et 8 VBCI, au sein du bataillon multinational à commandement britannique. De même, fin janvier 2018, le détachement français, « Lynx », armé par environ 300 militaires, a mis en oeuvre 5 VHM à Rukla, en Lituanie, aux côtés d'une unité de la brigade franco-allemande le Jägerbataillon 292 de Donaueschingen. Il restera huit mois au sein du bataillon multinational de l'OTAN, mené par l'Allemagne. Cette façon de procéder n'est pas sans conséquence, notamment sur la capacité des troupes françaises à maintenir un niveau de préparation opérationnelle satisfaisant. Deux sommets de l'OTAN pourraient se tenir d'ici 2021, l'un est fixé au mois de juillet 2018 et un autre pourrait se tenir en 2020. L'amendement proposé prévoit d'ajuster, si nécessaire, les contrats opérationnels aux décisions prises lors de ces sommets,

Le second amendement prévoit que le Parlement soit informé des conditions de rétribution de la participation des armées au soutien des grands contrats d'exportation ( SOUTEX) et que l'impact du SOUTEX soit pris en compte dans le cadre de l'actualisation de la LPM. Deux raisons poussent à l'adoption de cet amendement :

- la conclusion des contrats d'exportation a conduit au décalage de la date de retrait du service actif de certains équipements entraînant une couverture de 75 % seulement du coût du SOUTEX,

- les exportations supérieures aux prévisions de construction de la LPM n'ont pas trouvé de traduction lors de la précédente loi de programmation. L'exportation des Rafales était une hypothèse de construction de la LPM. Celle-ci prévoyait initialement l'acquisition de 26 Rafales sur la période de programmation, ce qui n'était pas suffisant pour permettre à l'industriel de maintenir la chaîne de production en activité. Il lui était nécessaire de produire 40 Rafale supplémentaires, ce qui représentait un coût que la LPM ne couvrait pas. Les exportations de 24 Rafale en Égypte et 24 Rafale au Qatar ont permis de garantir le modèle de production. L'Inde a encore signé l'achat de 36 Rafale en septembre 2016 pour 8 milliards d'euros. Or, aucun ajustement des modalités d'achat des Rafale par l'armée française, ou de maintien en condition opérationnelle des Rafale déjà acquis, n'ont été prévus.

Enfin, un autre amendement prévoit que lors de l'actualisation de la LPM soient précisés les résultats obtenus en termes de progression de la préparation opérationnelle des soldats et de l'amélioration de la disponibilité technique opérationnelle des équipements et que soient fixés des objectifs annuels dans ces domaines.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 6 bis - (art. 17 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022) - Exclusion de la défense du dispositif général de la LPFP sur les restes à payer

L'article 6 bis du présent projet de loi tend à exclure la défense du dispositif général de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui limite le montant des restes à payer de l'Etat.

I - Le droit en vigueur

L'article 17 de la LPFP dispose que « le montant des restes à payer (...) ne peut excéder, pour chacune des années 2018 à 2022, le niveau atteint fin 2017 ».

Cette disposition contraint fortement la défense, et notamment les dépenses du programme 146 « Equipement des forces », car celles-ci concernent des programmes longs, pour lequel le décalage entre les autorisations d'engagements (AE) et les crédits de paiements (CP) sont courants. Or il faut rappeler que les dépenses d'investissement de la défense représentent une part majoritaire des investissements de l'Etat. Dans sa rédaction actuelle, cette disposition pèse donc essentiellement sur les dépenses d'investissement de la défense.

C'est pour cette raison que, dans la discussion de la LPFP, le Sénat avait affirmé la nécessité de soustraire la défense du champ de cette disposition. L'Assemblée nationale avait ensuite malheureusement écarté cet ajout du Sénat.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi contient l'affirmation, à la fin du rapport annexé 56 ( * ) , que « compte tenu de l'augmentation des engagements prévue sur la période de la LPM, l'évolution du reste à payer du ministère des armées augmente mécaniquement. Pour cette raison, cette disposition [de l'article 17 de la LPFP] ne contraindra pas les investissements du ministère des armées.

III - La position de l'Assemblée nationale

Nos collègues députés se sont en définitive rangés à la position défendue par le Sénat, qui était du reste soutenue dès le départ par le président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Ils ont en effet réintroduit l'exclusion de la défense du dispositif de la LPFP. En revanche, ils ont rétabli cette exclusion en créant un nouvel article 6 bis dans la LPM, et non en modifiant directement l'article 17 de la LPFP.

IV - La position de votre commission

Votre commission se réjouit naturellement que l'Assemblée nationale rejoigne sa position. Elle soutient donc cet ajout dans le projet de loi. Elle vous propose en outre de faire la coordination juridique dans le texte de la LPFP, en vous présentant un amendement à cette fin.

Votre commission a adopté l'article 6 bis ainsi modifié.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION

Article 6 ter - (article 7 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale) - Pouvoir parlementaire de contrôle de la LPM

L'article 6 ter du présent projet de loi insère, au sein du présent projet de loi, l'article 7 de la précédente loi de programmation, introduit par le Sénat, relatif au pouvoir parlementaire de contrôle de la LPM.

I - Le droit en vigueur

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité accroître les pouvoirs parlementaires de contrôle de l'exécution de la loi de programmation militaire lors du vote du projet de loi relatif à la période de programmation précédente.

Deux raisons essentielles ont présidé à ce renforcement des pouvoirs du Parlement :

- la nécessité pour les commissions parlementaires d'être en mesure de veiller à la bonne exécution de la trajectoire budgétaire initiale qui conditionne le succès ou l'échec de la programmation militaire. Or, en l'état du droit, elles n'avaient aucun moyen d'obtenir la communication de documents, couverts ou non par le secret de la défense nationale, pourtant critiques pour apprécier tout écart à la trajectoire initiale. Ainsi en est-il par exemple de la « VAR » (Version Actualisée du Référentiel de programmation), ou en matière de réforme du ministère, des documents préparés en vue du comité de réforme du ministère de la défense. Ainsi en est-il également des relevés de décision du Comité Ministériel d'Investissement qui décident des choix des principaux programmes d'armement.

- de plus, certains rapporteurs n'avaient pu voir aboutir leur demande d'audition de certains responsables de programmes d'armement, comme par exemple dans le cas de l'avion militaire A400M, ce qui a pu altérer leur compréhension du programme.

La commission avait donc introduit en 2013 un article nouveau dans le précédent projet de loi de programmation militaire pour conférer aux commissions chargées de la défense des deux assemblées des pouvoirs identiques à ceux dont disposent déjà les commissions des finances.

Les présidents des commissions chargées de la défense des deux assemblées, ainsi que, dans leur domaine d'attribution, leurs rapporteurs budgétaires, et le cas échéant, un ou plusieurs de leurs membres désignés à cet effet recevaient ainsi pouvoir :

- d'auditionner et de mener toutes investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant auprès du ministère de l'économie et des finances. Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le ou les rapporteurs de la commission, dans leur domaine d'attribution, ont l'obligation de s'y soumettre et sont déliées du secret professionnel ;

- d'obtenir tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif demandés, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite du respect du secret de l'instruction et du secret médical. Le secret de la défense nationale ne peut être opposé.

Enfin, il était précisé que ces nouveaux pouvoirs ne s'exerçaient pas auprès des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ni porter sur les sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État.

La fin de la période de programmation ne rend naturellement pas caduques ces dispositions législatives qui sont toujours en vigueur.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

À l'initiative des députés du groupe La République en marche, la commission de la défense de l'Assemblée nationale a introduit un nouvel article 6 ter au sein du présent projet de loi, qui reprend exactement l'article qu'avait écrit le Sénat en 2013.

En séance publique, trois amendements rédactionnels ont été adoptés.

III - La position de votre commission

Votre commission, qui se félicite que la valeur du dispositif qu'elle avait fait adopter ait ainsi été soulignée, propose pour plus de clarté de supprimer par coordination l'article 7 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale afin d'éviter toute redondance législative.

Un amendement de coordination est donc proposé.

Votre commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6 quater - Bilans semestriels de l'exécution de la LPM

L'article 6 quater du projet de loi tend à améliorer le contrôle du Parlement sur l'exécution de la LPM par la transmission par le Gouvernement d'un bilan semestriel.

I - Le droit en vigueur

L'article 8 de la LPM de 2013 dispose que « chaque semestre, le ministre de la défense présente aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan détaillé de l'exécution des crédits de la mission « Défense » de la loi de finances et de la loi de programmation militaire ».

Ce dispositif, tombé en déshérence, était lui-même repris de la LPM précédente, au cours de laquelle se tenaient des réunions de suivi de l'application de la LPM, associant le ministre de la défense et les commissions parlementaires.

II - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission de la défense, a repris le dispositif de la LPM de 2013, en l'étoffant significativement. Le dispositif entre en effet dans un niveau de détail assez important, en distinguant entre les programmes à effet majeur dont le coût est supérieur à 70 millions d'euros ; les autres opérations d'armement dont le coût est supérieur à 20 millions d'euros ; et les programmes d'infrastructures dont le coût est supérieur à 15 millions d'euros.

Le dispositif est donc essentiellement rétrospectif. Toutefois, il comprend également une dimension prospective sur les six mois suivant la présentation du bilan (alinéa 7).

La question que ce dispositif peut soulever est naturellement celle du caractère exploitable ou non des informations transmises. Le spectre potentiel est très large, et peut être couvert de façon extrêmement détaillé, rendant difficile une vision synthétique et globale.

III - La position de votre commission

Votre commission, même si elle a conscience de sa lourdeur et de son caractère potentiellement inopérant, ne souhaite pas remettre en cause ce dispositif négocié entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Elle estime toutefois qu'il y a lieu de le compléter par des instruments plus synthétiques et donc mieux exploitables et présente donc deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après ce nouvel article 6 quater.

Dans un souci d'harmonisation de ces dispositifs, elle vous propose de modifier par amendement la référence au mois d'avril pour le premier bilan semestriel, pour la remplacer par une référence au mois de mars.

Votre commission a adopté l'article 6 quater ainsi modifié .

Après l'article 6 quater - Information du Parlement sur les tableaux d'équipements actualisés

Les articles additionnels insérés par l'Assemblée nationale se consacrent à une dimension essentielle et insuffisamment prise en compte dans le projet de loi initial du Gouvernement : le contrôle et le suivi de la programmation par le Parlement. On observe que le rapport annexé lui-même est remarquablement laconique sur ce sujet.

Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale à l'article 6 quater va dans le bon sens, mais il y a lieu de le compléter par un instrument simple et d'une grande clarté : l'actualisation des tableaux présentés par le Gouvernement aux alinéas 347 et 348 du rapport annexé.

L'important est que les commissions puissent suivre l'évolution de la trajectoire d'équipement. A cette fin, ces tableaux très utiles devront être complétés pour toutes les années jusqu'au terme de la programmation (2025).

Votre commission a, du reste, demandé ces informations, dont le contenu est susceptible d'être classifié. C'est pour cette raison qu'il est proposé que ces informations soient transmises directement aux Présidents des commissions chargées de la défense, à charge pour eux d'assurer la confidentialité des informations transmises au sein de leur commission.

Votre commission a adopté l'amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 6 quater .

Après l'article 6 quater - Information du Parlement sur la version actualisée du référentiel (VAR)

L'Assemblée nationale a souhaité développer et étoffer le dispositif que le Sénat avait introduit dans la LPM de 2013 pour permettre un suivi régulier de l'exécution de la LPM. Il manque toutefois un élément central dans le dispositif : celui de la version actualisée du référentiel (VAR). Il s'agit d'un document contenant de nombreuses informations sensibles, et qui ne peut donc être largement diffusé. Toutefois, si les commissions chargées de la défense n'y ont pas accès, leur compréhension de l'exécution de la LPM sera imparfaite. Il s'agit donc d'un élément très important du contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement.

Votre commission a adopté l'amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 6 quater .

TITRE II - DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA DÉFENSE NATIONALE - CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES HUMAINES

Article 7 - ((articles L. 4138-16, L. 4211-1 et L. 4221-6 du code de la défense ; article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite)) - Ouverture de la possibilité d'engagement à servir la réserve en congé pour convenance personnelle

L'article 7 du présent projet de loi vise à retenir une population qui actuellement quitte temporairement ou non les armées, pour élever ses enfants, en lui ouvrant la possibilité de s'engager dans la réserve.

Le code de la défense est donc modifié pour pouvoir conserver les compétences de spécialistes ou personnels à potentiel particulier, en prévoyant une facilité temporaire d'activité réduite, dans la réserve, libérée des obligations statutaires de disponibilité, pour des militaires souhaitant élever un enfant de moins de huit ans.

I - Le droit en vigueur

Érigeant une sujétion de disponibilité, le statut militaire n'est pas compatible avec l'aménagement d'un temps partiel, que ce soit pour élever un enfant ou pour toutes autres raisons, relevant de convenances personnelles.

En effet, aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense, la disponibilité des militaires doit être constante et absolue, conformément aux règles d'emploi. Les dispositions prévues ne laissent place à aucune ambiguïté : « Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. (...) La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service. [Enfin,] lorsque les circonstances l'exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte. »

De même, les mutations ne tiennent compte des séparations pour des raisons professionnelles d'avec leur conjoint ou pacsé que « dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service ».

Il existe quatre positions statutaires, prévues par l'article L. 4138-1. Les deux premières sont soumises aux règles de disponibilité ci-dessus énoncées. Ainsi, le militaire peut être :

- en activité. C'est-à-dire en service effectif avec application des dispositions de l'article L. 4121-5 précité. S'il est en congé, dans les cas prévus par le code de la défense 57 ( * ) , le militaire en activité, outre sa rémunération, garde ses droits à avancement et retraite, sauf lorsqu'il est en placé en congé de solidarité familiale ou en congé de présence parentale 58 ( * ) ;

- en détachement. Dans cette situation, régie par les articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense, le militaire reste soumis aux dispositions de l'article L. 4121-5 (et aux autres obligations statutaires prévues par les articles L. 4121-1 à L. 4121-4 : interdiction de faire grève, interdiction d'adhérer à des groupements ou association à caractère politique, obligation de réserve). Le militaire conserve pendant la période de détachement ses droits à l'avancement et à pension de retraite.

Dans les deux autres positions statutaires que sont la position hors cadres et la non activité, les obligations du militaire sont réduites, en même temps que ses droits à avancement et à retraite :

- un militaire ayant au moins 15 ans de services, et déjà en détachement peut demander à être placé hors cadre là où il est détaché. Il perd alors ses droits à avancement et n'acquière pas de droits à pension ;

- un militaire peut être placé en position de non-activité . L'article L. 4138-11 du code de la défense prévoit les positions de non-activité suivantes : congé de longue durée pour maladie, congé de longue maladie, congé parental, situation de retrait d'emploi, congé pour convenances personnelles , disponibilité, congé complémentaire de reconversion et congé du personnel navigant. Les droits à avancement et à pension peuvent être réduits ou supprimés dans ces positions.

Le présent dispositif s'adresse aux personnels placés en non activité pour convenances personnelles, et uniquement dans le cas où ce congé est demandé pour élever un enfant de moins de huit ans. Ceci s'explique par le fait que trois des positions de non activité concernent des personnels blessés, malades ou à 40 % d'invalidité : le congé de longue durée pour maladie, le congé de longue maladie et le congé du personnel navigant (limité à trois ans). Le congé pour situation de retrait d'emploi est pour sa part une sanction. Reste la situation de disponibilité qui n'est ouverte qu'aux personnels ayant au moins 15 ans d'ancienneté. Dans cette situation, l'armée a déjà obtenu « le retour sur investissement » légitime qu'elle recherche en formant ses personnels. Tel n'est pas le cas en revanche pour les positions de congé parental et de congé pour convenances personnelles.

Le congé parental ne peut être long, au maximum, que de trois ans et ne fait pas totalement perdre les droits à avancement -contrairement au droit à la retraite 59 ( * ) . Le congé pour convenances personnelles 60 ( * ) peut, lorsqu'il est demandé pour élever un enfant de moins de huit ans, durer dix ans. Il n'ouvre ni droit à l'avancement, ni droit à la retraite, ce qui est particulièrement désincitatif . Au bout de dix ans, revenir dans son grade précédent est particulièrement difficile. De plus, l'armée est privée pendant dix ans des compétences de personnels qu'elle a formés. Ainsi, selon l'étude d'impact :

« Pour les militaires bénéficiaires d'un congé à ce titre, le dispositif actuel présente cependant deux difficultés. D'une part, lorsque les intéressés disposent de compétences rares, leur absence durable est préjudiciable au service . D'autre part, les bénéficiaires du congé ont tendance à ne pas réintégrer ensuite les armées, souvent faute d'avoir pu maintenir leurs compétences . Cette érosion concerne, par exemple, une dizaine de militaires par an dans la Marine nationale.

Il en résulte une perte des bénéfices des compétences que ces militaires ont acquises, et dont les coûts et durées de formation sont élevés (formations initiale, continue et expérience). À titre d'exemple, la formation dans ses dix premières années d'un technicien aéronautique s'élève à environ 115 000 euros, d'un météorologue à 140 000 euros, d'un pilote d'aéronef à plus d'un million d'euros.

Trois exemples de spécialités dont les effectifs sont en situation de tension illustrent la nécessité de la mesure proposée :

- les pilotes d'hélicoptère (NH90) dans la marine nationale ont besoin de six ans de formation. Si les pilotes quittent le service à 35 ans pour élever leur enfant, ils n'auront effectué que neuf années de vols opérationnels alors que le seuil de rentabilité, compte tenu des formations et qualifications nécessaires, est estimé à quinze ans,

- la spécialité des officiers mariniers météorologistes, féminisée à hauteur de 34%, est déficitaire à 5% de ses effectifs,

- de même, la spécialité de contrôleur de base aéronavale, féminisée à 38%, est en déficit d'effectif de 23%. ».

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Ce dispositif est prévu, plus que pour favoriser la réserve, pour résoudre un problème de gestion des ressources humaines du ministère lié aux militaires prenant un congé pour convenance personnelle pour élever un enfant. Dans le cas contraire, la possibilité d'engagement à servir la réserve dans d'autres positions d'inactivité aurait été envisagée.

L'objet du présent article est donc d'offrir une situation de longue durée (10 ans) pendant laquelle les obligations de disponibilités statutaires ne s'appliquent pas sans pour autant priver l'armée des compétences militaires du personnel qu'elle a formé et sans priver celui-ci de tout droit à l'avancement et à la retraite.

Le I du présent article modifie la quatrième partie du code de la défense. Son complète l'article L. 4138-16 du code de la défense en ouvrant la possibilité à un militaire placé en congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans de servir dans la réserve opérationnelle. Il précise que dans cette position, le militaire recouvre ses droits à l'avancement au prorata du nombre de jours d'activité accomplis sous contrat d'engagement. Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application de ce dispositif.

Le insère un nouvel alinéa à l'article L. 4211-1 (après le b du 1° du III) du code de la défense qui définit la composition d'une réserve opérationnelle. Outre :

a) Les volontaires qui ont souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle auprès de l'autorité militaire ;

b) Les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité, elle comprendra désormais les militaires en congé pour convenance personnelle pour élever un enfant de moins de huit ans.

Le complète l'article L. 4221-6 du code de la défense, relatif à la durée des activités à accomplir au titre de la réserve opérationnelle. Le nouvel alinéa précise que la durée de réserve opérationnelle à accomplir pour les militaires en congé pour convenance personnelle pour élever un enfant de moins de huit ans est fixée par un décret en Conseil d'État.

Enfin, le II du présent article complète le i de l'article 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, relatif aux services et bonifications valables pour prévoir que les services accomplis dans la réserve opérationnelle durant un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans sont pris en compte.

À ce stade, le nombre de militaires d'active qui demandera à bénéficier de ce régime et la propension des gestionnaires militaires à l'accorder n'est pas évaluable, selon les informations communiquées. Mais, en tout état de cause, selon les informations communiquées par le ministère des armées, « c ette mesure sera réalisée sous enveloppe budgétaire constante. Un équilibre devra donc être trouvé par les gestionnaires pour compenser ce qui sera accordé à ce titre sur la population de réserviste existante ».

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Votre commission s'est demandé si ce dispositif ne risquait pas d'orienter les militaires vers un congé pour convenances personnelles, plutôt que vers un congé parental, alors que le congé pour convenances personnelles est beaucoup plus long. Mais le congé parental permet déjà de préserver en partie les droits à avancement et l'articulation avec les possibilités d'avancement prorata temporis prévues en cas d'engagement dans la réserve ne sont pas conçues pour s'articuler avec le régime du congé parental.

Lui étendre le dispositif prévu par le présent article pourrait de plus générer un appel d'air qui n'est pas souhaitable dans un contexte de forte contrainte opérationnelle. Le congé parental est de droit, et le ministère ne pourrait pas, contrairement, à ce que prévoit le présent article cibler les ressources en fonctions de ses besoins, de la rareté de la compétence concernée, et du coût de formation initiale.

De même, l'extension aux autres motifs de congés pour convenance personnelle a été écartée par le ministère afin de limiter, au moins dans un premier temps, le dispositif pour juger de ses effets.

Ces précisions apportées, votre commission propose d'adopter cet article sans modification.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 - (articles L. 4139-7, L.4139-16 et L.4141-5 du code de la défense) - Limite d'âge des officiers généraux du corps des officiers de l'air

L'article 8 vise à porter la limite d'âge des officiers généraux du corps des officiers de l'air de 56 à 59 ans , de sorte qu'elle soit la même que celle des officiers généraux des autres armées.

I - Le droit en vigueur

Selon le I de l'article L. 4139-16 du code de la défense, qui fixe les limites d'âge et âges maximaux de maintien en première section des militaires, les limites d'âge des officiers de l'air sont actuellement de 52 ans pour les grades d'officiers subalternes et de commandant et 56 ans pour les grades de lieutenant-colonel et colonel.

Il s'agit des limites d'âges les moins élevées parmi celles de l'ensemble des officiers des forces armées et formations rattachées, présentées dans le tableau figurant au 2° de de l'article L. 4139-16 précité. Selon l'étude d'impact, l'existence de limites d'âge plus basses pour le personnel navigant s'explique par les fortes contraintes physiologiques qui pèsent sur celui-ci du fait des « spécificités du combat aérien ».

S'agissant des officiers généraux de l'armée de l'air (général de brigade aérienne, général de division aérienne), la limite d'âge n'est pas précisée par cet article, pas plus qu'elle ne l'est pour les officiers généraux des autres armées et formations rattachées. Seul est indiqué un âge maximal de maintien en première section, qui est de 63 ans , comme pour les autres armées et pour la gendarmerie.

Pour rappel, conformément à l'article L. 4141-1 du code de la défense, la spécificité des officiers généraux est qu'après avoir été en « première section », (pendant leur période d'activité, de détachement, de non-activité ou hors cadres), ils sont placés en « deuxième section », situation dans laquelle ils sont maintenus à vie à la disposition du ministère de la défense, sauf à demander leur mise en position de retraite. L'article 4141-3 indique que les officiers généraux sont admis dans la deuxième section soit par limite d'âge ou à l'expiration du congé du personnel navigant, soit par anticipation (à leur demande ou d'office), sans pour autant préciser la limite d'âge applicable aux officiers généraux.

C'est l'article L.4141-5 du code de la défense qui apporte cette précision en prévoyant qu'un officier général peut être maintenu dans la première section au-delà de la limite d'âge du grade de colonel (sans toutefois pouvoir dépasser l'âge maximal de 63 ans). Il résulte de cette disposition et de celles figurant à l'article L. 4139-16 précité que les officiers généraux du corps des officiers de l'air sont soumis à la limite d'âge du grade de colonel des officiers de l'air qui est de 56 ans, soit trois ans de moins que les officiers généraux des autres armées.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Cette limite d'âge basse est devenue un inconvénient pour les officiers généraux du corps des officiers de l'air. En effet, elle a pour conséquence des carrières brèves et une employabilité en tant qu'officiers généraux réduite dans le temps, qui les pénalisent pour accéder à des postes à haute responsabilité .

Le présent article 8 tend donc à aligner leur limite d'âge sur celle des officiers généraux des autres armées , soit 59 ans. Le bénéfice attendu de cette mesure est, d'après le gouvernement, triple :

- permettre aux officiers généraux de l'armée de l'air en première section - au nombre de 51 au 31 décembre 2017 - d'avoir un parcours plus riche , comprenant trois affectations, avant d'accéder éventuellement aux postes les plus élevés des armées ;

- harmoniser les limites d'âge des officiers généraux des différentes armées , ce qui permettra d'améliorer la gestion interarmées des « hauts potentiels » ;

- enfin, offrir aux officiers généraux une plus grande visibilité sur leur fin de carrière , alors qu'aujourd'hui la prolongation au-delà de 56 ans est conditionnée à l'obtention de dérogations ;

? En conséquence, le I de l'article 8 m odifie plusieurs articles du livre 1 er de la quatrième partie du code de la défense :

Le 1° tend à exclure les officiers généraux atteignant la limite d'âge du droit à bénéficier sur demande du placement en congé du personnel navigant prévu à l'article L.4139-7 du code de la défense . Pour mémoire, ce congé est une position de non-activité, attribuée de manière contingentée aux militaires de carrière de l'armée de l'air, qui permet à ses bénéficiaires de percevoir une rémunération proche de celle perçue auparavant 61 ( * ) pendant une durée maximale de trois ans, avant d'être radiés des cadres ou, s'agissant des officiers généraux, d'être admis en deuxième section. La suppression du bénéfice de ce congé du personnel navigant - qui s'apparente à une sorte de pré-retraite - pour les officiers généraux de l'armée de l'air apparaît comme la conséquence de l'élévation de leur limite d'âge.

Le 2° introduit dans l'article L. 4139-16 du code de la défense une nouvelle disposition prévoyant que la limite d'âge des officiers généraux est celle applicable au grade de colonel (ou dénomination correspondante) et que par dérogation, celle des officiers généraux du corps des officiers de l'air est fixée à 59 ans.

Le 3 e modifie par coordination le troisième alinéa de l'article L. 4141-5 du code de la défense relatif à la possibilité pour les officiers généraux d'être maintenus en première section à titre dérogatoire au-delà de leur limite d'âge, sans toutefois de passer l'âge maximal mentionné à l'article L.4139-16 du code de la défense.

? Le II et le III prévoient des dispositions transitoires en vue de la mise en oeuvre de cette réforme.

Celles du II tendent à réduire de six mois chaque année la durée du congé du personnel navigant auquel peuvent prétendre les officiers généraux actuellement en fonction qui remplissent les conditions, avant l'extinction de ce droit. Ainsi, ceux nés avant le 1 er janvier 1963 - qui donc atteindront la limite d'âge actuelle de 56 ans en 2019 -, pourront bénéficier d'un congé de trois ans, ceux nés en 1963 d'un congé de deux ans et six mois, ceux nés en 1964 d'un congé de deux ans, ceux nés en 1965 d'un congé de un an et six mois, , ceux nés en 1966 d'un congé d'un an et ceux nés en 1967 d'un congé de six mois. Ceux nés à compter du 1 er janvier 1968 ne pourront plus en bénéficier.

Les dispositions du III tendent parallèlement à augmenter progressivement -à raison de six mois par an - la limite d'âge des limites d'âge des officiers généraux du corps des officiers de l'air, la nouvelle limite d'âge de 59 ans ne s'appliquant qu'à ceux nés à compter du 1 er janvier 2068. Ainsi, cette limite d'âge sera de 56 ans pour ceux nés avant le 1 er janvier 1963, 56 ans et six mois pour ceux nés en 1963, 57 ans pour ceux nés en 1964, 57 ans et six mois pour ceux nés en 1965, 58 ans pour ceux nés en 1966 et 58 ans et six mois pour ceux nés en 1967.

? Le IV de cet article prévoit que le nouveau dispositif entre en vigueur le 1 er janvier 2019.

III - La position de l'Assemblée nationale

Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements rédactionnels.

IV - La position de votre commission

Votre commission est favorable à la modification de la limite d'âge des officiers généraux de l'armée de l'air en ce qu'elle permettra une gestion plus dynamique et plus fluide de leurs carrières et une harmonisation des règles applicables entre les différentes armées. Elle propose un amendement rédactionnel .

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9 - (article L. 4139-16 du code de la défense) - Relèvement de la limite d'âge de certains militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées

Cet article vise à modifier les limites d'âge de certains militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées en vue de permettre la création dans le statut militaire de nouveaux corps d'infirmiers et techniciens , dans le cadre de la transposition de mesures récemment prises au sein de la fonction publique hospitalière.

I - Le droit en vigueur

Les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées ont en commun avec leurs corps homologues de la fonction publique hospitalière la rémunération et les grades, dont les évolutions leur sont transposables automatiquement.

Pour autant, ces militaires n'ont pas la même limite d'âge que leurs homologues civils. Conformément à l'article L. 4139-16 du code de la défense, celle-ci est actuellement de 59 ans pour les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées et de 62 ans pour les infirmiers en soins généraux e t spécialisés, ces derniers correspondant à des corps civils de catégorie A.

Des évolutions intervenues récemment au sein de la fonction publique hospitalière doivent être transposées dans le statut militaire pour préserver la cohérence des corps homologues.

Ainsi, la création dans la fonction publique hospitalière, le 1 er juillet 2017, d'un nouveau corps d'infirmiers anesthésistes en remplacement du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés, implique de procéder à une création en miroir au sein des armées et de prévoir le reclassement des infirmiers en soins généraux et spécialisés anesthésistes dans ce nouveau corps.

De même, ont été créés le 1 er septembre 2017 dans la fonction publique hospitalière un corps de manipulateurs d'électroradiologie médicale et plusieurs corps de personnels de rééducation , un droit d'option permettant au personnel de ces professions, actuellement de catégorie B, d'intégrer les nouveaux corps de catégorie A. L'intégration dans ces nouveaux corps entraîne le bénéfice d'une nouvelle grille indiciaire et la perte de la catégorie active, les corps actuels de catégorie B étant mis en extinction. La limite d'âge de ces corps dans la fonction publique hospitalière est de 67 ans.

Il est donc nécessaire de créer, au sein des armées, de nouveaux corps homologues (infirmiers anesthésistes, les masseurs-kinésithérapeutes, manipulateurs d'électroradiologie médicale, orthoptistes et orthophonistes des hôpitaux des armées) et de mettre en extinction ceux qui n'ont plus de corps homologues dans la fonction publique hospitalière. Cela impliquera la modification par un décret en Conseil d'Etat du décret n° 2002-1490 du 20 décembre 2002 fixant le statut de ce personnel. La création de nouveaux corps équivalents à des corps civils de catégorie A implique, en outre, une augmentation de la limite d'âge pour maintenir la correspondance entre le statut des infirmiers militaires et celui des infirmiers de la fonction publique hospitalière. Celle-ci sera portée à 62 ans , qui est celle actuellement en vigueur pour le corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés. En contrepartie, ces personnels bénéficieront de grilles indiciaires revalorisées.

Selon l'étude d'impact, le coût total de la création de ces nouveaux corps est estimée, en moyenne et sur la base des effectifs concernés, pour 2018 et 2019 à 316 858 euros par année civile à :

- 61 650 euros pour les 181 infirmiers anesthésistes des hôpitaux des armées ;

- 155 909 euros pour les 132 manipulateurs d'électroradiologie médicale des hôpitaux des armées ;

- 99 299 euros pour les 52 masseurs-kinésithérapeutes, ortho-phonistes et orthoptistes des hôpitaux des armées.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

? Le I de l'article 9 modifie en conséquence les cinquième et sixième lignes du tableau figurant au deuxième alinéa du 3° du I de l'article L.4139-16 du code de la défense afin de compléter la liste des corps infirmiers dont la limite d'âge est fixée à 62 ans .

Aux infirmiers en soins généraux et spécialisés s'ajoutent désormais les infirmiers anesthésistes, les masseurs-kinésithérapeutes, les manipulateurs d'électroradiologie médicale, les orthoptistes et les orthophonistes des hôpitaux des armées.

La limite d'âge des autres corps de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, les majors des ports (marine) et les officiers mariniers de carrière des ports (marine), mentionnés à la sixième ligne du tableau, reste fixée à 59 ans.

? Le II de l'article 9 prévoit que la modification prévue au I entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la loi.

III - La position de l'Assemblée nationale

Sur cet article, l'Assemblée nationale a procédé à quelques modifications rédactionnelles.

IV - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cette évolution d'ordre technique qui permet la transposition à des corps infirmiers militaires de mesures récemment adoptées pour des corps civils homologues.

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article additionnel après l'article 9- (article L.4111-1, L.4139-4 et L. 4139-9 du code de la défense) - Harmonisation des notions de « forces armées » et « formations rattachées »

Cet article additionnel, introduit par votre commission, vise à modifier les articles L. 4111-1, L. 4139-4 et L. 4139-9 du code de la défense afin de prendre en compte, dans un souci d'harmonisation terminologique avec le reste du code, les notions de « forces armées » et de « formations rattachées ».

I - Le droit en vigueur

Le troisième chapitre de l'ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016, prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 d'actualisation de la programmation militaire et ratifiée par le 2° de l'article 36 du présent projet de loi, a modifié divers articles du code de la défense en vue de préciser et d'harmoniser les notions de « forces armées » et de « formations rattachées » qui y figuraient dans des acceptations diverses.

Or, les articles L. 4111-1, L. 4139-4 et L. 4139-9 ont été oubliés dans cette démarche d'harmonisation.

La rectification de cette erreur matérielle est donc nécessaire afin de prévenir une application erronée du droit, source potentielle de contentieux.

II - Les modifications apportées par votre commission

Sur la proposition de M. Alain Richard et des membres du groupe La République En Marche, votre commission a adopté un amendement tendant insérer après l'article 9 du projet de loi un article additionnel qui procède à l'harmonisation nécessaire dans les trois articles précités du code de la défense. Plus précisément, il remplace dans les trois dispositions concernées le mot « armées » par les mots « forces armées et formations rattachées ».

Votre commission a inséré l'article additionnel après l'article 9.

Article 10 - (article L. 4221-6 du code de la défense) - Rehaussement du plafond légal de la durée annuelle d'activité dans la réserve opérationnelle

L'article 10 du présent projet de loi augmente le nombre de jours effectués par an au titre de la réserve opérationnelle, le portant de trente à soixante jours.

I - Le droit en vigueur

Le Livre blanc sur la défense de 2008 avait fixé un objectif d'activité de la réserve militaire opérationnelle, à trente jours par an, en moyenne, par réserviste. Le Livre blanc de 2013, et à sa suite la LPM pour 2014-2019 dans sa rédaction initiale, ont abaissé cet objectif à vingt jours par an, « pendant plusieurs années » - en mentionnant la possibilité, « dans certains cas », d'aller « jusqu'à cent vingt jours pour agir en renfort des unités d'active ». Finalement, la loi d'actualisation du 28 juillet 2015 62 ( * ) a rétabli la cible des trente jours annuels.

L'article L. 4221-6 du code de la défense précise la durée annuelle d'activité de la réserve opérationnelle.

Aux termes de ses dispositions :

- la durée de droit commun des activités à accomplir au titre de l'engagement à servir dans la réserve opérationnelle est déterminée conjointement par l'autorité militaire d'emploi et le réserviste, dans la limite de trente jours par année civile,

- la durée peut être doublée, c'est-à-dire portée à soixante jours par année civile pour répondre aux besoins des armées, dans des conditions fixées par décret. L'article D. 4221-6 précise ces dispositions ne peuvent être mises en oeuvre que dans deux cas : pour l'encadrement des périodes militaires d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale, et de la journée défense et citoyenneté, ou lorsque le réserviste a suivi une formation dans l'année en cours. De plus, l'allongement à 60 jours ne peut concerner que 15 % de l'effectif de la réserve opérationnelle sous contrat d'engagement au 1 er janvier de l'année en cours,

- la durée peut être portée à cent cinquante jours en cas de nécessité liée à l'emploi des forces. L'article D. 4221-7 ne précise pas les cas d'activation de cette disposition 63 ( * ) . Il prévoit que le ministre chargé de la défense, ou pour les gendarmes, le ministre de l'intérieur, ou, par délégation les commandants de formation administrative ou les autorités dont ils relèvent, prennent la décision de porter la durée de réserve à 150 jours annuels, après accord du réserviste,

- enfin, la durée peut atteindre deux cent dix jours pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale. Dans ce cas, la décision est prise par les ministres, sans délégation possible.

En 2015, en totalisant 784 044 jours d'activité dans l'année, la réserve opérationnelle des armées présentait un taux moyen d'activité par réserviste de 27,9 jours , soit une progression de 15,9 % par rapport au taux enregistré en 2014 (moins de 24,1 jours) et une atteinte à 93 % de la cible.

L'objectif fixé par le gouvernement est d'amener les réservistes à réaliser en moyenne 37 jours d'activité chaque année. Le plafond de droit commun fixé à trente jours n'est pas compatible avec cet objectif et la charge administrative pour le dépasser ne peut être que croissante. À titre d'exemple, en 2017, 7 461 réservistes ont dépassé les 30 jours, ce qui a donné lieu à autant d'autorisations.

Toutefois, comme l'avait analysé le rapport d'information de votre commission intitulé : « Garde nationale : une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises » de M. Jean-Marie Bockel et Mme Gisèle Jourda 64 ( * ) : « davantage que le volume des effectifs, qui dépend en grande partie de l'aptitude des armées à recruter et fidéliser les réservistes, le taux d'emploi global de ces derniers (...) s'avère corrélé de façon étroite aux disponibilités budgétaires . Il est ainsi remarquable que l'accroissement récent de l'activité de la réserve militaire (1 324 244 jours en 2015, dont 784 044 pour les armées et 540 200 pour la gendarmerie, soit une progression de près de 16,4 % au total : + 17,2 % pour les armées et + 15,1 % pour la gendarmerie) correspond précisément au relèvement du budget 57 ( * ) . À cet égard, l'année 2015 a bien marqué une inflexion en faveur du renouveau de la réserve, concrétisée par un niveau d'emploi sans précédent, comme l'illustre le graphique suivant. »

Évolution de l'activité des réservistes de la RO1 de 2010 à 2015
(en nombre moyen de jours d'activité par an)

Source : Conseil supérieur de la réserve militaire

Les informations communiquées sur les effectifs et les crédits dédiés à la réserve vont donc dans le sens d'une stabilisation des crédits et des effectifs de la réserve tout au long de la période de programmation, comme le montre le tableau ci-dessous.

La réserve : effectifs et crédits


Source : Ministère des Armées

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le présent article modifie l'article L. 4221-6 du code de la défense afin d'accroître significativement le nombre de jours effectués par an au titre de la réserve opérationnelle.

Ainsi, la durée dite de droit commun est doublée et portée de trente à soixante jours . La durée pour répondre aux besoins des armées est portée à cent cinquante jours, soit le même nombre de jours que la durée actuellement prévue en cas de nécessité liée à l'emploi des forces, qui disparaît. Une harmonisation rédactionnelle est apportée pour répondre aux besoins exprimés par les « armées et formations rattachées ».

Aux termes de ce dispositif, la réserve opérationnelle dure donc soixante jours au minimum, peut être portée à cent cinquante jours pour répondre aux besoins des forces armées et formations rattachées, et deux cent dix jours pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale.

Ce dispositif est présenté comme une modalité permettant de fluidifier l'emploi des réservistes, selon l'étude d'impact : « le seuil légal de 30 jours rigidifie l'employabilité des intéressés, les commandants de formations administratives devant en effet demander à leur hiérarchie une dérogation expresse justifiée par le « besoin des armées » ».

De plus, cette limite annuelle d'activité trop basse de la réserve ne permettrait pas, comme dit ci-dessus, de répondre à la montée en puissance des réserves opérationnelles fixée à 40 000 réservistes par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Surtout, elle ne permettrait pas d'augmenter le taux d'emploi pour permettre d'employer chaque jour en moyenne 4 000 réservistes dans le cadre de la montée en puissances des réserves opérationnelles et de la lutte contre le terrorisme. L'augmentation de la durée de la réserve opérationnelle semble plus aisée à mettre en oeuvre que l'augmentation du vivier des réservistes.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Votre commission regrette que ses recommandations, formulées dans son rapport d'information précité, tendant à accroître les viviers de réservistes n'aient pas, elles aussi, été traduites dans la présente loi. Elles sont rappelées dans l'encadré ci-dessous.

Le rapport du Sénat sur la « Garde nationale » :
propositions pour accroître le vivier des réservistes

III.- Préconisations en ce qui concerne l'effort vers les viviers de la réserve : a) Développer l'attractivité : - envers les salariés :

18 .- instaurer un dispositif permettant la conversion en droits à des heures supplémentaires de formation des activités effectuées au titre de la réserve militaire ;

19 .- rétablir un crédit d'impôt pour les entreprises employant des salariés par ailleurs réservistes opérationnels ;

20 .- organiser une concertation en vue d'aboutir, pour les plus grands groupes et sociétés, à un relèvement du congé légal opposable par le salarié-réserviste à son employeur - au moins à huit jours, contre cinq actuellement, hors meilleur arrangement toujours possible sur une base conventionnelle. Cette démarche n'est pas exclusive d'une concertation avec les PME en vue d'envisager tous les progrès possibles sur ce plan ;

21 .- poursuivre le développement des conventions de partenariat entre les entreprises et le ministère de la défense, en sensibilisant les employeurs à la « valeur immatérielle » que représentent les réservistes pour leur entreprise.

- envers les étudiants :

22 .- promouvoir des dispositifs de validation au sein des formations supérieures des compétences et connaissances acquises par les étudiants à l'occasion d'activités dans la réserve, ainsi que la possibilité d'aménagements de scolarité au bénéfice de ces étudiants-réservistes ;

23 .- intensifier le développement des conventions de partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur et le ministère de la défense, en sensibilisant les chefs d'établissement à la dimension formatrice et au potentiel d'intégration professionnelle que comporte, pour un étudiant, sa participation à la réserve ;

24 .- étendre cette politique partenariale aux établissements de l'enseignement secondaire, en vue du recrutement de lycéens dans la réserve.

- en améliorant la condition sociale et financière des réservistes :

25 .- ouvrir aux réservistes opérationnels, pour leurs période d'activité dans les armées, le droit à la prestation de soutien en cas d'absence prolongée du domicile (PSAD) ;

26 .- mettre à l'étude l'instauration d'une prime de fidélité pour les réservistes décidant de renouveler leur engagement auprès des armées ;

27 .- prendre en compte le critère de la participation à la réserve militaire pour l'attribution des bourses d'études.

b) Diversifier les recrutements :

28 .- promouvoir le recrutement dans la réserve opérationnelle de volontaires directement issus de la société civile, en priorité celui de jeunes gens grâce à une politique de partenariat renforcée entre le ministère de la défense et les établissements d'enseignement concernés et au moyen d'une communication adaptée ;

29 .- accroître le recrutement dans la réserve opérationnelle de demandeurs d'emploi, en développant à cet effet une coopération entre les armées et Pôle Emploi ;

30 .- exploiter également, pour ce recrutement, le vivier des travailleurs intérimaires.

c) Améliorer la communication :

31 .- renforcer la thématique « réserve » dans le déroulement de chaque « Journée nationale du réserviste » (JNR) ;

32 .- faire appel à l'appui offert par les associations de réservistes et par les réservistes citoyens des armées ;

33 .- diversifier les vecteurs de communication sur la réserve, en mobilisant davantage les ressources d'Internet et, en particulier, les réseaux sociaux, ainsi qu'en développant de nouveaux formats d'information ;

34 .- délivrer un contenu d'information qui comporte une dimension pédagogique forte sur l'organisation de la réserve militaire et mette l'accent sur les valeurs attachées à cet engagement ;

35 .- adapter cette communication en fonction des destinataires ciblés.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 10 bis (nouveau) - (Article L. 3142-89 du code du travail) - Rehaussement de l'autorisation d'absence annuelle d'un salarié au titre de ses activités dans la réserve opérationnelle

L'article 10 bis (nouveau) du présent projet de loi tend à modifier l'article L. 3142-89 du code du travail afin de rehausser significativement l'autorisation d'absence annuelle d'un salarié au titre de ses activités dans la réserve opérationnelle.

Il a été introduit en séance publique par un amendement du groupe démocrate et apparentés, malgré un avis défavorable de la commission saisie au fond et du gouvernement

I - Le droit en vigueur

Dans le secteur privé, hors aménagements, les conditions de participation des salariés à la réserve opérationnelle sont les suivantes (définies par l'article L. 4221-4 du code de la défense) :

- d'une part, le réserviste qui accomplit son engagement à servir dans la réserve opérationnelle pendant son temps de travail doit, en tout état de cause, prévenir son employeur de son absence, en principe, un mois au moins avant le début de celle-ci ;

- d'autre part, le réserviste peut accomplir son engagement pendant son temps de travail jusqu'à cinq jours par année civile sans devoir recueillir l'autorisation de son employeur, mais, au-delà de cinq jours , il ne peut le faire qu'à la condition d'avoir obtenu cette autorisation . Néanmoins, si l'employeur oppose un refus, cette décision doit être motivée et notifiée à l'intéressé, ainsi qu'à l'autorité militaire, dans les quinze jours suivant la réception de la demande.

Le code du travail tient compte de ces dispositions, son article L.  142-89 prévoit que : « T out salarié ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle bénéficie d'une autorisation d'absence de cinq jours par année civile au titre de ses activités dans la réserve ».

Comme le prévoit expressément le code de la défense (article L. 4221-4 précité, in fine ) des mesures tendant à faciliter, au-delà des obligations légales des employeurs, l'engagement, l'activité et la réactivité dans la réserve peuvent figurer au sein du contrat de travail des réservistes, de clauses particulières de leur engagement à servir dans la réserve opérationnelle (ESR) si elles ont reçu l'accord de leur employeur, de conventions ou d'accords collectifs de travail, ou encore de conventions conclues entre les employeurs et le ministre de la défense. À l'heure actuelle, plus de 360 employeurs publics et privés ont signé, avec le ministère de la défense, une convention de soutien à la politique de la réserve militaire, permettant pour leurs salariés de s'engager davantage que le prévoient, à titre supplétif et minimal, les dispositions légales précitées .

En particulier, l'ESR peut comporter, avec l'accord de l'employeur concerné, une clause dite « de réactivité » . Celle-ci permet à l'autorité militaire de faire appel au réserviste dans des conditions de préavis réduit : « lorsque les circonstances l'exigent », 15 jours, voire moins si l'employeur en est d'accord, au lieu de 30 jours dans le régime de droit commun - et sauf mise en oeuvre des dispositifs spécifiques de sécurité nationale institués ces dernières années.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, contre l'avis du gouvernent et l'avis de sa commission de la défense a adopté un article nouveau portant nouvelle rédaction de l'article L. 3142-89 du code du travail pour prévoir que le salarié bénéficie d'une autorisation d'absence doublée, c'est-à-dire portée à dix jours par année civile, au titre de ses activités dans la réserve opérationnelle.

Une distinction est faite selon que le salarié travaille dans une entreprise de plus ou moins 200 salariés. Dans les entreprises de moins de 200 salariés, l'employeur peut décider, « afin de conserver le bon fonctionnement de l'entreprise, de limiter ce temps à cinq jours ».

IV - La position de votre commission

Le dispositif adopté ne prévoit pas de coordination entre le code du travail et le code de la défense qui rend le dispositif peu lisible pour les réservistes. Lorsqu'ils travaillent dans une entreprise de plus de 200 salariés, ils ont, au titre du code du travail, une autorisation d'absence de 10 jours par année civile. Toutefois, au titre du code de la défense, le réserviste doit toujours demander l'autorisation de s'absenter lorsque les activités accomplies pendant le temps de travail dépassent cinq jours par année civile. L'employeur peut refuser toute absence de plus de cinq jours, sur décision motivée et notifiée à l'intéressé ainsi qu'à l'autorité militaire dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande. Sans être pleinement antinomiques, les deux dispositifs ne sont pas coordonnés.

La commission est circonspecte quant à l'idée d'imposer aux entreprises dans leur ensemble, par la loi, des obligations plus contraignantes qu'elles ne le sont aujourd'hui. En effet, la règle du code de la défense en vigueur en ce domaine - un congé opposable de droit à l'employeur, par le salarié réserviste, à hauteur de cinq jours, hors activation des régimes spéciaux prévus en cas de crise grave - paraît constituer, d'ores et déjà, une contrainte acceptable pour la majorité des entreprises, eu égard à toutes celles que leur impose par ailleurs la législation. Chercher à aller à l'encontre de l'équilibre aujourd'hui acquis, en doublant le nombre de jours d'absence prévu serait sans doute voué à rester lettre morte en pratique et, en somme, desservirait probablement les intérêts de la réserve militaire, comme le notait le rapport d'information précité de la commission intitulé :« Garde nationale » : une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises » de M. Jean-Marie Bockel et Mme Gisèle Jourda (Rapport d'information n° 793 (2015-2016), fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 13 juillet 2016).

Le doublement prévu sans concertation avec les organisations patronales, et même en excluant de son champ d'application les entreprises de moins deux cent salariés, paraît excessif et pourrait être contreproductif.

Votre commission a adopté un amendement prévoyant que ce congé soit ramené à huit jours, contre cinq actuellement en vigueur et au lieu des dix jours prévus par l'Assemblée nationale, hors arrangement conventionnel toujours loisible dans un sens profitable à l'activité militaire des réservistes. L'amendement de la commission porte également à 250 salariés le seuil des entreprises concernées par le présent article.

Enfin, votre commission a adopté un sous-amendement de M. Jean-Pierre Grand, renforçant la cohérence juridique du dispositif. Il pose :

- Un principe de portée générale, tout salarié peut bénéficier de huit jours d'absence pour satisfaire ses obligations dans la réserve opérationnelle ;

- Et une dérogation à ce principe général pour les salariés des entreprises de moins de 250 employés qui peuvent se voir opposer un refus par leur employeur. Leur autorisation d'absence reste alors limitée à cinq jours.

En parallèle de l'entrée en application de ce nouveau dispositif, comme le rapport d'information précité le recommandait, il serait judicieux de « poursuivre le développement des conventions de soutien à la politique de la réserve militaire entre les entreprises et le ministère de la défense - partenariats qui ont pour objet de faciliter l'emploi militaire des salariés ayant souscrit un ESR, grâce aux aménagements que leurs employeurs consentent par rapport au régime minimum prévu par la loi en la matière. À cette fin, doivent être mobilisées toutes les ressources du réseau des correspondants « réserve entreprises-défense » mis en place sur l'ensemble du territoire national par le Conseil supérieur de la réserve militaire. » Le changement à impulser dans ce domaine semble, avant tout, une affaire de mentalités , et le travail à mener celui d'une sensibilisation accrue aux enjeux de la réserve militaire. Un changement autoritaire du dispositif de si grande ampleur ne paraît pas opportun. Votre commission vous propose donc de le moduler.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 11 - (Articles L. 4143-1, L. 4221-2, L. 4221-4, L. 4251-2, L. 4251-7 du code de la défense) - Mesures destinées à promouvoir la réserve opérationnelle

L'article 11 du présent projet de loi modifie le code de la défense pour promouvoir la réserve opérationnelle en :

- assouplissant les conditions d'avancement des réservistes dans certains corps,

- augmentant la limite d'âge de certains réservistes,

- en encadrant le recours à la clause de réactivité,

- en améliorant la protection sociale des réservistes.

I - Assouplissement des conditions d'avancement des réservistes

Le 1° du présent article complète l'article L. 4243-1 du code de la défense relatif aux militaires servant au titre de la réserve.

Cet article dispose en son deuxième alinéa que « l'officier ou le sous-officier de réserve ne peut être promu au grade supérieur que s'il compte, dans le grade, une ancienneté au moins égale à celle de l'officier ou du sous-officier de carrière du même corps et du même grade le moins ancien en grade promu, à titre normal, la même année ». Si cette mesure garantit l'équité de traitement dans l'avancement des cadres réservistes et de carrière, elle présente aussi, l'inconvénient majeur, en termes d'attractivité de la réserve opérationnelle, de bloquer l'avancement du personnel de réserve dans certains corps peu dotés en personnel militaire de carrière.

Selon l'étude d'impact, « dans certains corps du service de santé des armées, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, ou les vétérinaires par exemple, il n'y a certaines années, aucune promotion de personnel de carrière dans certains grades, faute de vivier. Malgré leur ancienneté, leur disponibilité et la qualité de leurs services, les cadres de réserve méritants relevant de ces mêmes corps, sélectionnés pour l'avancement, ne peuvent être promus. À titre d'exemple, le corps des chirurgiens-dentistes comprend 178 réservistes pour 38 militaires de carrière ou sous contrat. Étant donné la constitution du corps, il ne peut y avoir d'avancement pour le personnel d'active tous les ans. »

L'objectif est donc d'offrir aux réservistes un déroulement de carrière reconnaissant leur engagement. Pour ce faire, le 1° du présent article ajoute un nouvel alinéa à l'article L. 4143-1 précité donnant la possibilité de prononcer une promotion d'officier ou de sous-officier de réserve, en l'absence de promotion d'officier ou de sous-officier de carrière du même corps et du même grade la même année. Dans ce cas, il est précisé que l'ancienneté requise pour pouvoir prononcer cette promotion doit correspondre à celle constatée lors de la dernière promotion effectuée dans le corps et le cadre de référence.

Selon les informations transmises, ce dispositif permettra un déroulement plus harmonieux des carrières des réservistes, à effectif constant. Il est également précisé que le surcoût attendu est modeste, d'environ 1800 euros annuels pour un panel de 12 à 10 réservistes spécialistes promus réalisant en moyenne 37 jours par an d'activité au titre de la réserve opérationnelle.

II - Rehaussement de la limite d'âge de certains réservistes

Le 2° du présent article modifie le premier alinéa de l'article L. 4221-2 du code de la défense, relatif à la limite d'âge des réservistes.

À ce jour, les limites d'âge des réservistes de la réserve opérationnelle sont celles des cadres d'active, telles que définies à l'article L. 4139-16 du code de la défense, augmentées de cinq ans. Pour les militaires du rang, la limite d'âge est de cinquante ans. (premier alinéa de l'article L. 4221-2). Enfin, il est précisé que le réserviste doit posséder l'ensemble des aptitudes requises pour servir dans la réserve opérationnelle (second alinéa de L. 4221-2).

Dans certains domaines critiques, dont les effectifs concernés sont limités, estimés à quelques centaines, avec des règles de recrutement très encadrées, ces limites d'âge privent les armées d'une ressource rare dans l'active comme dans la réserve . L'étude d'impact donne trois exemples de ces personnels très recherchés, rares, et difficiles à recruter. Il s'agit :

« - des traducteurs de dialectes rares parlés dans des régions où nos forces sont engagées et pour lesquels la capacité de traduction à distance est indispensable à l'efficacité et à la sécurité des soldats déployés ;

- des ingénieurs militaires de corps techniques possédant un savoir-faire pointu et devant être en mesure de le transmettre aux militaires d'active et de réserve, notamment dans le domaine de l'analyse d'image ;

- des praticiens de santé dont l'expérience est particulièrement utile pour les commissions des pensions militaires, pour des activités de recherche qui requièrent beaucoup d'expérience médicale ou pour ceux qui continuent à exercer au sein des hôpitaux d'instruction des armées. D'ailleurs, il est à noter que la fonction publique hospitalière a étendu, en 2016, la limite d'âge des praticiens contractuels à 72 ans (article 138 de la loi 2004-806 du 9 août 2004 modifiée relative à la politique de santé publique). »

Le 2° du présent article modifie donc le code de la défense pour prévoir que :

- les limites d'âge des militaires de la réserve opérationnelle restent les mêmes que les limites prévues par l'article L. 4139-16 augmentées de cinq ans. De même, pour les militaires du rang, la limite d'âge reste fixée à cinquante ans,

- les limites d'âge des spécialistes mentionnés à l'article L 4221-3 (spécialistes volontaires pour exercer des fonctions déterminées correspondant à leur qualification professionnelle civile, sans formation militaire spécifique) sont celles des cadres d'active augmentées de dix ans, sans excéder l'âge maximal de soixante-douze ans,

- les limites d'âge des réservistes de la réserve opérationnelle relevant du corps des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires et des chirurgiens-dentistes sont celles des cadres d'active augmentées de dix ans. Aucun âge maximum n'est fixé.

Selon l'étude d'impact, « le dispositif envisagé ne concerne qu'un faible effectif de cadres de la réserve opérationnelle, cadres ciblés en fonction du besoin en expertise. L'impact économique de cette mesure peut être considéré comme négligeable. ».

III - Encadrement du recours à la clause de réactivité

Le 3° du présent article modifie l'article L. 4221-4 du code de la défense afin d'encadrer le recours à la clause de réactivité prévue dans les contrats d'engagement.

Les contrats d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle peuvent comporter une « clause de réactivité » permettant à l'autorité compétente de faire appel aux réservistes dans des délais restreints, selon des conditions particulières aux termes du septième alinéa de l'article L. 4221-1 du code de la défense.

L'article L. 4221-4 du code de la défense définit les conditions dans lesquelles le ministre en charge de la défense, ou pour les gendarmes, le ministre en charge de l'intérieur, peuvent recourir aux réservistes, ainsi que les obligations du réserviste à l'égard de son employeur et les droits de ce dernier.

Selon le droit commun, le réserviste qui accomplit ses activités dans la réserve pendant son temps de travail doit prévenir l'employeur de son absence un mois au moins avant le début de celle-ci. Le réserviste peut demander à être libéré cinq jours par an des obligations de son contrat de travail pour accomplir ses activités dans la réserve. L'employeur peut s'opposer à toute demande allant au-delà de ces cinq jours, sous réserve de motivé et notifié son refus à son employé et à l'autorité militaire concernée, dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande.

Une clause de réactivité peut être introduite dans un contrat d'engagement à servir dans la réserve, avec l'accord de l'employeur. Mais, le troisième alinéa de l'article L. 4221-4, hors ce cas contractuel, indique que, « lorsque les circonstances l'exigent », le ministre des armées ou le ministre de l'intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale peut, par arrêté, porter la durée des activités à dix jours. L'employeur est alors prévenu en respectant un préavis de quinze jours, qui peut être réduit, s'il l'accepte.

Ces dispositions sont très proches de celles prévues par l'article L. 4221-4-1 du code de la défense relatif au recours aux réservistes en cas de crise grave menaçant la sécurité nationale : dans ce cas la durée de réserve passe à dix jours, le préavis de droit commun est réduit à quinze jours, et celui prévu au troisième alinéa de l'article L. 4221-4 est réduit à cinq jours (sans que l'accord de l'employeur ne soit nécessaire).

Le 3° du présent article clarifie les conditions dans lesquelles le 3° alinéa de L. 4221-4 peut être mises en oeuvre. Ainsi l'expression « lorsque les circonstances l'exigent » est-elle remplacée par une définition plus précise de ces circonstances. La durée de réserve peut être allongée à dix jours et le préavis réduit à quinze jours ou moins avec son accord, « s ur demande de l'autorité militaire, lorsque les ressources militaires disponibles apparaissent insuffisantes pour répondre à des circonstances ou à des nécessités ponctuelles, imprévues et urgentes ».

Il s'agit d'offrir ainsi une meilleure lisibilité aux employeurs. La notion de crise grave menaçant la sécurité nationale est clairement définie par les articles L. 1111-1, L. 1321-1 à L. 1321-3 du code de la défense et L. 112-1 du code de la sécurité intérieure. Les conditions dans lesquelles la clause de réactivité peut être activée, hors crise grave menaçant la sécurité nationale, sont à leur tour précisément décrites. Quatre conditions doivent être cumulées pour que la clause soit mise en oeuvre, selon l'étude d'impact :

- sa mise en oeuvre est cantonnée à des situations ponctuelles, afin d'en restreindre le recours à des événements de durée limitée ;

- les autorités compétentes doivent être confrontées à une situation urgente nécessitant une réaction rapide ;

- cette dernière doit s'avérer être imprévue, ce qui exclut de facto les événements susceptibles d'être anticipés ;

- et, enfin, les ressources militaires disponibles doivent être insuffisantes pour répondre à de telles circonstances, ce qui permet de consacrer l'objectif de cette disposition, à savoir répondre aux besoins des forces armées et formations rattachées.

Les précisions ainsi apportées aux sujétions imposées aux entreprises employant des réservistes de la réserve opérationnelle, constituent une garantie de continuité de leurs activités, en leur assurant un recours limité à la mise en oeuvre de la clause de réactivité.

IV - Rétablissement des droits à la protection sociale des réservistes

Le 4° du présent article modifie le chapitre unique du titre V du livre II du code de la défense, relatif aux dispositions sociales et financières applicable aux réservistes, pour améliorer la protection sociale des réservistes. Pour cela deux articles du code de la défense sont complétés : l'article L. 4251-2 du code de la défense, relatif à la prise en charge des frais de sécurité sociale et l'article L. 4251-7 du même code, relatif à la réparation intégrale du dommage subi par en réserviste en cas d'engagement de la responsabilité de l'État.

L'article L. 4251-2, relatif à la prise en charge des frais de sécurité sociale, est complété. Il prévoit que pendant la période d'activité dans la réserve opérationnelle, l'intéressé bénéficie, pour lui et pour ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions de résidence et de non affiliation à un autre régime de protection sociale, prévues à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve. Il est complété pour préciser que les frais de santé sont pris en charge dans les conditions prévues par l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale. Il ne s'agit pas tant d'accroître les droits des réservistes que de les maintenir au niveau où ils étaient.

Comme le rappelle l'étude d'impact, l'adoption de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 a permis la mise en place de la protection universelle maladie afin que toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière ait droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de sa vie.

Or, « en instituant ce principe de la continuité des droits à la prise en charge des frais de santé, cette réforme a conduit à la disparition de la notion de prestation en nature (ancienne terminologie des frais de santé) de l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, ce dernier ne concernant désormais plus que les prestations en espèces. Les frais de santé constituent le remboursement des dépenses engagées lors d'une maladie, d'une maternité, d'une invalidité (frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitalisation, soins et prothèses dentaires) ou encore d'un décès. » La référence à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale ne suffit donc plus à assurer une prise en charge complète des frais de santé des réservistes. La nouvelle rédaction de l'article L. 4251-2 du code de la défense y remédie.

L. 4251-7 du code de la défense, relatif à la réparation intégrale du dommage subi par en réserviste en cas de dommages subis dans le service ou à l'occasion du service et en cas de décès la réparation pour ses ayants droits est profondément réformée. Le présent alinéa propose une nouvelle rédaction du dispositif, cette fois encore pour rétablir les droits du réserviste.

Aux termes de l'article L. 4251-7 précité, les réservistes bénéficient d'un droit à la réparation intégrale du préjudice subi pendant les périodes d'activité dans la réserve, en complément de la prise en charge des frais de santé et, le cas échéant, du dispositif spécifique des pensions militaires d'invalidité. Ce texte traditionnellement interprété par le juge administratif comme instituant un régime de responsabilité sans faute de l'État, a été récemment remis en cause par le tribunal administratif de Rennes. Comme le précise l'étude d'impact : « le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 5 novembre 2015, « M. Tinel » 65 ( * ) , a interprété la référence aux règles de droit commun comme renvoyant au régime de responsabilité applicable aux militaires. Celui-ci, issu des jurisprudences « M. Brugnot » 66 ( * ) et «  Ministre de la défense c/ M. Hamblin » 67 ( * ) prévoit une indemnisation forfaitaire des pertes de revenus, de l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et du déficit fonctionnel par l'octroi d'une pension militaire d'invalidité 68 ( * ) . La pension militaire d'invalidité ne peut faire l'objet d'une réparation intégrale qu'en cas de reconnaissance d'une faute de l'État. Les autres préjudices sont, pour leur part, dans tous les cas intégralement indemnisés.

Avec l'application des décisions du Conseil d'État précitées aux militaires réservistes, le tribunal administratif de Rennes a fait naître un risque pour les militaires réservistes qui se trouvent dans une situation différente de celle des militaires de carrière. »

En effet, la pension militaire d'invalidité permet d'indemniser la perte de revenus pour les militaires de carrière. La pension militaire d'invalidité pour les militaires réservistes ne couvre que la perte de revenus en tant que réserviste mais non de leur salaire en tant que civil, ce dernier pouvant être largement supérieur. Le militaire réserviste ne pourrait, depuis la décision du tribunal administratif de Rennes précitée, bénéficier de l'indemnisation intégrale du préjudice subi qu'en cas de reconnaissance d'une faute de l'État.

La nouvelle rédaction de l''article L. 4251-7 du code de la défense permet donc de sécuriser l'indemnisation du réserviste, en précisant que la réparation intégrale du préjudice intervient en l'absence de faute de l'État.

V - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense a adopté :

- un amendement insérant mention des officiers mariniers, afin de s'assurer que la spécificité de ce corps de sous-officiers ne l'exclut pas du bénéfice de ce dispositif. Le gouvernement a précisé que les officiers mariniers, même non explicitement mentionnés, n'étaient pas exclus du dispositif,

- deux amendements rédactionnels à l'initiative de son rapporteur.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux nouveaux amendements rédactionnels.

VI - La position de votre commission

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel visant à clarifier les références aux codes cités dans ce dispositif.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 11 - (L. 115-1 du code du service national) - Rehaussement de l'âge d'accessibilité à la période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale

L'article additionnel après l'article 11 introduit par votre commission rehausse l'âge d'accessibilité à la période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale pour le rendre accessible à des personnes âgées de trente ans à quarante-cinq ans souhaitant s'engager dans la réserve opérationnelle.

Votre commission a adopté un amendement de M. Ronan Le Gleut qui modifie l'article L. 115-1 du code du service national au terme duquel : « La période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale est accessible aux Français âgés de plus de seize ans et de moins de trente ans et ayant l'aptitude reconnue par le service de santé des armées pour suivre le cycle de formation correspondant ». Il est prévu de rehausser à quarante-cinq ans la limite d'âge pour accéder à cette préparation militaire.

Cette disposition augmentera le vivier des réservistes. En effet, la période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale (PMI-PDN) est une voie d'accès à la réserve opérationnelle. La population dans la tranche d'âge 30-45 ans, déjà établie professionnellement, est une cible très intéressante pour la réserve, elle pourra servir au moins cinq ans alors que la durée moyenne d'engagement est aujourd'hui d'un peu moins de trois ans.

En raison de l'article 40 de la Constitution, l'amendement prévoit que l'augmentation de l'âge s'effectue à enveloppe constante et n'entraîne donc pas d'aggravation des dépenses de l'État. Cela présente donc un risque d'éviction : l'armée devra choisir entre la préparation militaire d'un jeune dont elle espère qu'il s'engage ensuite, et la préparation militaire d'un réserviste, plus âgé. Il serait souhaitable qu'en séance le gouvernement donne des assurances sur l'absence d'effet d'éviction.

Votre commission a donc inséré cet article additionnel.

Article 11 bis - (L. 4261-1 du code de la défense) - Présence de parlementaires au sein du Conseil supérieur de la réserve militaire

L'article 11 bis introduit par l'Assemblée nationale tend à donner une base légale à la participation de parlementaires au Conseil supérieur de la réserve militaire.

I - Le droit en vigueur

Le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) (L. 4261-1 et D. 4261-1 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2014-130 du 14 février 2014. ), organisme de réflexion et de proposition, est compétent pour ce qui touche à la politique de la réserve d'une façon générale, et plus particulièrement la consultation des réservistes, le partenariat « armées-réservistes-employeurs civils » et la communication sur la réserve. Il est en effet chargé d'émettre des avis et recommandations dans le domaine de la politique des réserves, et ainsi, aux termes de l'article D. 4261-1 du code de la défense :

« 1° De participer à la réflexion sur le rôle des réserves militaires au service de la défense et de la sécurité nationale ;

« 2° De constituer un lieu de consultation et d'échange sur toute question d'ordre général relative à la mise en oeuvre [des dispositions du code de la défense relatives à la réserve] ;

« 3° De favoriser le développement d'un partenariat durable entre les armées et formations rattachées, les réservistes et leurs employeurs ;

« 4° De contribuer à la promotion de l'esprit de défense et au développement du lien entre la nation et ses forces armées ;

« 5° D'établir pour le ministre de la défense un rapport annuel, transmis au Parlement, évaluant l'état de la réserve militaire ».

Placé sous la présidence du ministre de la défense ou de son représentant, le CSRM se réunit en assemblée plénière, pour émettre ses avis et recommandations, au moins une fois par an, et en conseil restreint, autant de fois que l'avancement de ses travaux le requiert. Il comprend 79 membres, représentant les composantes de la société, répartis en sept collèges :

- le collège des représentants du Parlement, composé de députés et sénateurs ;

- celui des représentants de l'administration, composé du chef d'état-major des armées, des chefs d'état-major d'armées, des directeurs et chefs de service du ministère de la défense et de la gendarmerie ;

- le collège des représentants des associations de réservistes agréées par le ministère de la défense ;

- celui des réservistes opérationnels ;

- celui des réservistes citoyens ;

- celui des salariés et agents publics ;

- enfin, le collège des employeurs et professions libérales.

Les membres de ces collèges siègent dans une ou plusieurs des trois commissions dont se compose le CSRM :

- la commission de la consultation, destinée à connaître des questions relatives à la situation des réservistes au sein des armées ;

- la commission du partenariat, compétente pour les questions relatives aux relations entre la réserve et le monde de l'entreprise ;

- et la commission de la promotion de l'esprit de défense, chargée de préparer les travaux relatifs à la réserve citoyenne et au lien entre les forces armées et la société civile.

Des groupes de travail sont en outre constitués pour examiner des questions spécifiques.

La modification de l'article LO. 145 du code électoral par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique pour prévoir qu'un parlementaire « ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation » a privé de base légale la participation des parlementaires à de nombreuses institutions, conseils, etc. Tel est le cas notamment de la participation des parlementaires au conseil supérieur de la réserve militaire.

II - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement portant article additionnel au présent projet de loi afin de donner une base légale à la participation des parlementaires au conseil supérieur de la réserve militaire.

Aux termes du nouvel alinéa de l'article L. 4261-1 du code de la défense, le Président de l'Assemblée nationale désigne un député et son suppléant, et le Président du Sénat désigne un sénateur et son suppléant au sein du conseil supérieur de la réserve militaire.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III - La position de votre commission

Le présent article propose une rédaction alternative à celle que propose l'article 46 de la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination (textes n° 390 de M. Gérard Larcher, Président du Sénat et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 30 mars 2018 et n° 840 de M. François de Rugy, Président de l'Assemblée nationale et plusieurs de ses collègues, déposé à l'Assemblée nationale le 30 mars 2018). Celui-ci prévoit que le Conseil supérieur de la réserve militaire comprend parmi ses membres deux députés et deux sénateurs, contre un député et un sénateur prévus par le présent article.

La proposition de loi précitée propose une vision globale de la désignation de parlementaires dans une institution ou un organisme extérieur. Elle a été examinée le 15 mai par l'Assemblée nationale, et fera l'objet d'un rapport prochain de la commission des lois du Sénat. Il semble préférable de réserver le débat sur ce thème à cette occasion et votre commission propose en conséquence de supprimer cet article.

Votre commission a en conséquence supprimé cet article.

Article 11 ter - Présence de parlementaires au sein du Conseil consultatif de la garde nationale

L'article 11 ter introduit par l'Assemblée nationale prévoit la participation d'un député et d'un sénateur au Conseil consultatif de la garde nationale.

I - Le droit en vigueur

Les objectifs ayant présidé à la création de la garde nationale, le 13 octobre 2016, font l'unanimité : accroître la participation des réserves au renforcement de la sécurité des Français, apporter une réponse concrète au désir d'engagement de la jeunesse et favoriser l'union nationale et l'esprit de résilience face aux menaces actuelles.

Sa gouvernance est placée sous l'autorité conjointe du ministre des Armées et du ministre de l'Intérieur qui président le comité directeur de la garde nationale 69 ( * ) . Sous l'autorité des deux ministres, un secrétaire général préside le comité de pilotage de la garde nationale 70 ( * ) , en charge de préparer les décisions du comité directeur et de suivre leur mise en oeuvre.

Un Conseil consultatif de la garde nationale est chargé d'émettre des avis et des recommandations sur les politiques conduites au titre de la garde nationale. Ce Conseil consultatif comprenait les membres du comité de pilotage ainsi qu'un député, un sénateur et quatre personnalités qualifiées.

La modification de l'article LO. 145 du code électoral par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique pour prévoir qu'un parlementaire « ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation » a privé de base légale la participation des parlementaires à de nombreuses institutions, conseils, etc. Il en est ainsi de la participation au Conseil consultatif de la garde nationale.

II - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur et avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement portant article additionnel au présent projet de loi afin de donner une base légale à la participation des parlementaires au conseil consultatif de la garde nationale. En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article nouveau sans modification.

III - La position de votre commission

La proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination (textes n° 390 de M. Gérard Larcher, Président du Sénat et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 30 mars 2018 et n° 840 de M. François de Rugy, Président de l'Assemblée nationale et plusieurs de ses collègues, déposé à l'Assemblée nationale le 30 mars 2018) propose une vision globale de la désignation de parlementaires dans une institution ou un organisme extérieur. Elle a été examinée le 15 mai par l'Assemblée nationale, et fera l'objet d'un rapport prochain de la commission des lois du Sénat. Il semble préférable de réserver le débat sur ce thème à cette occasion et de supprimer en conséquence le présent article.

Votre commission a en conséquence supprimé cet article.

Article additionnel après l'article 11 ter - (L. 3142-94-1 (nouveau) du code du travail) - Cession de jours de repos à un réserviste

L'article additionnel après l'article 11 ter introduit par votre commission donne la possibilité aux salariés de céder, sous réserve de l'accord de leur employeur des jours de repos non pris à un autre salarié de l'entreprise afin qu'il puisse effectuer une période d'activité dans la réserve opérationnelle.

Votre commission a adopté un amendement de M. Hugues Saury qui crée un article L. 3142-94-1 (nouveau) au code du travail afin de d'accompagner la montée en puissance de la réserve opérationnelle prévue par le présent projet de loi qui fait passer la durée d'activité annuelle de la réserve opérationnelle de « droit commun » de trente à soixante jours.

Ce dispositif permet en effet à tout salarié, ayant déjà pris 24 jours ouvrables de congé annuel, de donner de manière anonyme et sans contrepartie certains de ses jours de congés, qu'il ait été versé ou non sur un compte d'épargne temps, à l'un de ses collègues engagés dans la réserve opérationnelle pour lui permettre d'effectuer ses activités de réserviste. Ceci permet donc, avec l'accord de l'employeur, à tout salarié de participer, même indirectement, à l'effort de défense, en soutenant un autre salarié de la même entreprise ayant souscrit un engagement de réserviste.

La mesure proposée s'inspire largement des dispositifs créés par les lois de 2014 et de 2018 permettant le don de jours de congés pour s'occuper d'un proche malade, en perte d'autonomie ou handicapé (lois du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade et du 13 février 2018 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap).

Votre commission a donc inséré cet article additionnel.

Article 12 - (article L.4139-5 du code de la défense) - Assouplissement des conditions d'éligibilité des militaires blessés au congé de reconversion

Cet article a pour objet d'étendre les conditions d'éligibilité des militaires au congé de reconversion et au congé supplémentaire de reconversion.

I - Le droit en vigueur

L'accompagnement de la transition professionnelle des militaires vers l'emploi civil est un axe important de la politique de ressources humaines du ministère des armées compte tenu de la gestion « en flux » du personnel de la défense et de la nécessité d'un renouvellement permanent des compétences. Il est aussi un devoir de l'Etat envers les militaires, contrepartie de leur engagement et de leurs sacrifices.

Prévu par l`article L. 4139-5 du code de la défense, le congé de reconversion constitue un dispositif clé de la politique de reconversion . Il s'agit d'un congé statutaire permettant au militaire de suivre une formation professionnelle ou de bénéficier d'un accompagnement vers l'emploi tout en percevant la rémunération de son grade et en gardant ses droits à avancement et à pension.

Selon le droit en vigueur, ce congé peut être accordé, sur demande agréée, soit sous condition d'ancienneté de service, soit sans condition d'ancienneté si le militaire a été blessé dans certaines opérations.

Dans le premier cas de figure, seuls les militaires ayant accompli au moins quatre années de services effectifs peuvent bénéficier d'un congé de reconversion fractionnable d'une durée maximale de 120 jours ouvrés, éventuellement prolongé d'un congé complémentaire de six mois consécutifs. Les militaires comptant moins de quatre années de services effectifs ne peuvent donc y prétendre, sauf les volontaires qui peuvent demander à bénéficier d'un congé réduit, d'une durée maximale de vingt jours ouvrés.

Les militaires blessés dans les opérations visées par l'article L. 4139-15 du code de la défense (opération de guerre, opération extérieure au sens de l'article L. 4123-5 du code de la défense, opération de maintien de l'ordre, opération de sécurité publique ou de sécurité civile définie par décret) peuvent, quant à eux, demander à bénéficier du congé de reconversion normal (120 jours ouvrés fractionnables plus congé complémentaire de reconversion) quelle que soit leur ancienneté de service .

Les militaires blessés en service en dehors du cadre des opérations précitées et comptant moins de quatre ans d'ancienneté ne peuvent donc, en l'état actuel du droit, bénéficier du congé de reconversion alors même qu'ils rencontrent des difficultés spécifiques pour se réinsérer dans l'emploi civil, du fait de la nécessité de se soigner, mais aussi parce qu'ils n'ont bien souvent pas été en mesure, compte tenu d'une durée de service courte, d'acquérir une spécialisation valorisable sur le marché du travail.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Parce que l'Etat a une responsabilité particulière vis-à-vis des militaires blessés dans l'accomplissement de leurs missions et pour éviter toute forme d'injustice entre des militaires blessés, l'article 9 tend à modifier le II de l'article L. 4139-15 du code de la défense pour rendre éligible au congé de reconversion et au congé complémentaire de reconversion tout militaire blessé en service ou victime d'une affection survenue du fait ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal.

L'étude d'impact du projet de loi évalue à 115 le nombre de militaires blessés en service qui bénéficieront de cet assouplissement des conditions d'éligibilité au congé de reconversion. Pour mémoire, en 2016, 3422 militaires avaient bénéficié de ce congé pour un coût de 17 millions d'euros.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté une modification rédactionnelle.

IV - La position de votre commission

Votre commission ne peut que se féliciter de cette mesure qui tend à conforter le dispositif visant à la prise en charge et à l'accompagnement des militaires blessés.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 - (article L.12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Majoration de durée d'assurance pour les militaires ayant élevé un enfant handicapé

Cet article vise à prévoir dans la loi que les militaires bénéficient, comme les fonctionnaires, d'une majoration de durée d'assurance en vue de leur pension de retraite lorsqu'ils ont élevé à leur domicile un enfant de moins de vingt ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %.

I - Le droit en vigueur

Dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi n° 2003-775 du 21  août 2003, l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires prévoit que « les fonctionnaires, élevant à leur domicile un enfant de moins de vingt ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80%, bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de quatre trimestres. »

Cet article ne mentionne pas les militaires. Cependant, le bénéfice de cette bonification avait été reconnue aux militaires par la voie réglementaire, l'article D. 22-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite pris sur le fondement de l'article L.12 ter faisant référence à la fois aux militaires et aux fonctionnaires. Ainsi, la mesure réglementaire allait au-delà de ce que la base légale permettait .

Par la suite, l'article L.12 ter a été interprété strictement, de sorte que depuis 2015, les militaires ne peuvent actuellement plus bénéficier de ce dispositif de majoration de durée d'assurance .

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 13 tend donc à mentionner expressément les militaires à l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires, afin de rétablir, en le sécurisant, le droit des militaires à bénéficier de cette bonification , en dotant la disposition réglementaire précitée d'une base légale suffisante.

Le coût annuel par trimestre de majoration est estimé à 346 €.

On recense 715 militaires ayant élevé ou élevant un enfant de moins de 20 ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, donc susceptibles de bénéficier de cette mesure.

Néanmoins, celle-ci n'aura d' effet que sur les militaires affectés par une décote de leur pension, qui sont très peu nombreux . De fait, seulement 0,5 % des militaires quittent l'institution avec une pension décotée, ce qui correspondrait à 4 militaires sur les 715 bénéficiaires potentiels de cette mesure.

Dans l'hypothèse où chacun d'entre eux bénéficierait de quatre trimestres majorés, le coût total, pour ces quatre militaires, serait donc au maximum de 5 536 € par an (4 x 346 € x 4).

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans le modifier.

IV - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cette mesure d'ordre social qui répond aussi à un souci d'équité entre fonctionnaires et militaires.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 bis - (art. L. 242-1 et L. 242-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, art. L. 4139-3 du code de la défense) - Rénovation du dispositif des emplois réservés

L'article 13 bis du présent projet de loi tend à ouvrir à la catégorie A des emplois des fonctions publiques le dispositif des emplois réservés à certaines catégories de personnes prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).

I - Le droit en vigueur

Actuellement, le CPMIVG (titre IV) prévoit que certaines personnes sont éligibles à des emplois de catégorie B et C réservés au sein des fonctions publiques d'Etat, hospitalière et territoriale, afin de favoriser leur insertion sociale.

Les bénéficiaires de ce dispositif sont en particulier (article L 241-2 à L. 241-4) les invalides titulaires d'une pension militaire d'invalidité, les victimes civiles de guerre, les sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident ou atteints d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service, les victimes d'un acte de terrorisme, les orphelins de guerre. Les militaires ou anciens militaires peuvent également avoir accès à ces emplois (L. 241-5), mais dans des conditions plus restrictives que les personnes précédemment mentionnées, fixées par décret.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement, adopté par la commission de la défense de l'Assemblée nationale avec un avis favorable du rapporteur.

Il tend à réécrire l'article L. 242-1 du CPMIVG afin d'étendre aux emplois des fonctions publiques (de l'Etat, hospitalière et territoriale) de catégorie A l'existence d'emplois réservés aux militaires invalides, victimes civiles de guerre ou de terrorisme, alors que ces personnes ne peuvent actuellement accéder qu'à des emplois de catégories B et C. Ce faisant, le présent article établit une distinction entre les personnes visées par l'article L. 241-2 à L. 241-4 (cf. ci-dessus) qui pourront bénéficier de cet accès à des emplois de catégorie A, et les autres militaires qui, comme actuellement, ne pourront accéder qu'aux emplois de catégorie B et C.

Le dispositif proposé par le Gouvernement exclut toutefois des emplois réservés les corps dont les membres sont recrutés par la voie de l'école nationale d'administration ou de l'école polytechnique et les corps ou cadres d'emploi de niveau équivalent.

Par ailleurs, le présent article tend à modifier l'article L. 4139-3 du code de la défense afin d'ouvrir aux officiers de carrière devenus inaptes et entrant dans le cadre de l'article L. 241-2 précité la possibilité de se porter candidat aux emplois réservés.

Enfin, il est prévu que ces nouvelles dispositions ne seront pas applicables aux militaires et anciens militaires déjà inscrits sur les listes d'aptitude aux emplois réservés 71 ( * ) avant l'entrée en vigueur de la présente loi : en effet, ces listes d'aptitudes ne pouvaient pas tenir compte des conditions de diplôme et d'aptitudes nécessaires pour occuper les emplois de catégorie A concernés par cette réforme.

IV - La position de votre commission

Votre position est favorable à ce dispositif qui permettra à des militaires devenus inaptes à cause de faits survenus durant leur service de postuler à des emplois de catégorie A. Les possibilités de reconversion des militaires, auxquelles votre commission est attachée, s'en trouveront ainsi améliorées.

Votre commission a adopté l'article 13 bis sans modification.

Article 14 - (art. 25 septies et 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; art. 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 et article L. 4122 du code de la défense) - Extension aux personnels à statut ouvrier des règles applicables aux fonctionnaires en matière de cumul d'activités

Cet article vise à actualiser le cadre juridique applicable aux personnels ouvriers de l'Etat en matière de cumul d'activités.

I - Le droit en vigueur

Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, les règles applicables aux ouvriers d'Etat en matière de cumul d'activités étaient celles applicables aux fonctionnaires. Enoncées par l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ces règles leur avaient été rendues applicables par le II de l'article 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

Le principe, rappelons-le, est que les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées et qu'ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Des dérogations sont toutefois possibles, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, dès lors que cette activité privée est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur service.

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a modifié les dispositions relatives au cumul d'activités des fonctionnaires qui, depuis lors, figurent aux articles 25 septies et 25 octies de la loi du 13 juillet précitée.

Or, l'article 20 de la loi du 2 février 2007 n'a pas été modifié en conséquence et continue à se référer à l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 qui n'a plus pour objet les règles de cumul . Pour mémoire, on dénombre près de 20 000 agents ouvriers de l'Etat, dont plus de 16 000 au ministère des armées. Parmi eux, environ 2 700 seraient mis à la disposition d'entités privées, plupart auprès de Naval Group SA.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 14 a pour objet de remédier à cette lacune juridique en remplaçant les dispositions obsolètes du II de l'article 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique par des dispositions se référant aux articles 25 septies et 25 octies de la loi du 13 juillet précitée.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté quelques modifications rédactionnelles.

IV - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver cette mesure d'ordre technique qui permet de rétablir un cadre juridique rendu obsolète par de récentes modifications législatives.

Elle a adopté un amendement de M. Alain Richard et les membres du groupe La République En Marche tendant à insérer un III au présent article 14 . Cet ajout vise à actualiser une référence à l'article L. 4122-4 du code de la défense, devenue obsolète à la suite d'une modification de cet article par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, tendant à la protection des lanceurs d'alerte. Il s'agit d'une simple mesure de coordination.

L'amendement prévoit ainsi expressément que l'aménagement du régime de la preuve prévu à l'avant-dernier alinéa concerne l'ensemble des alinéas précédents, y compris le quatrième alinéa qui avait été oublié. Il précise également que cet aménagement du régime de la preuve, protecteur des lanceurs d'alerte, s'applique non seulement en cas de dénonciation de bonne foi d'un crime, d'un délit ou d'une situation de conflit d'intérêt, mais également dans le cas d'une alerte au sens de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016. Enfin, il précise le périmètre de la dénonciation calomnieuse, tel qu'il est défini au dernier alinéa de l'article L. 4122-4 du code de la défense, afin de ne pas étendre la protection accordée aux lanceurs d'alerte aux cas de dénonciation de mauvaise foi, avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits rendus publics.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 14 bis - (article L.4123-8 du code de la défense) - Interdiction de mentionner l'appartenance à une APNM dans le dossier administratif du militaire

Cet article tend à interdire qu'il soit fait mention de l'appartenance d'un militaire à une association professionnelle nationale de militaires (APNM) dans son dossier individuel.

I - Le droit en vigueur

L'article L. 4123-8 du code de défense dispose que le dossier individuel du militaire comporte toutes les pièces concernant la situation administrative de l'intéressé, les documents annexes relatifs aux décisions et avis à caractère statutaire ou disciplinaire ainsi que les feuilles de notation le concernant.

Il précise qu'il ne peut être fait état dans ce dossier, de même que dans tout document administratif, des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques de l'intéressé.

II - La position de l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à compléter cette dernière disposition pour prévoir qu'il ne peut non plus être fait état dans le dossier individuel du militaire ni dans tout document administratif de son appartenance à une association professionnelle nationale de militaires.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cette mesure qui constitue une garantie nouvelle reconnue aux militaires concernant leur éventuelle appartenance à une APNM, complémentaire de celle figurant à l'article L.4126-4 qui interdit toute discrimination entre militaires en raison de leur appartenance ou non à une APNM. Elle a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14 ter - (articles L.713-1, L. 713-1-2 (nouveau), 713-4, L.713-9 et L. 713-10 du code de la sécurité sociale) - Simplification administrative pour les assurés sociaux militaires et les membres de leur famille

Cet article vise à rétablir la possibilité, pour les conjoints de militaires n'exerçant pas d'activité professionnelle, d'opter pour l'affiliation à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

I - Le droit en vigueur

Jusqu'à récemment, en vertu du deuxième alinéa de l'article L.160-17 du code de la sécurité sociale, les personnes n'exerçant pas d'activité professionnelle et donc non affiliées à un régime de sécurité sociale à titre professionnel, pouvaient demander à être gérées par le régime de sécurité sociale de leur conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité.

Ce droit d'option a été supprimé par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 72 ( * ) en conséquence de la mise en place de la protection universelle maladie (PUMA). Désormais, en effet, les personnes sans activité professionnelle sont automatiquement affiliées au régime général de sécurité sociale, conformément à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale.

L a disparition de cette facilité s'avère pénalisante pour les conjoints de militaires compte tenu de la mobilité géographique qui s'impose à eux. A chaque changement d'affectation du militaire - qui reste lui affilié à la caisse des militaires -, le conjoint sans activité professionnelle est désormais tenu - comme celui exerçant une activité professionnelle - de s'affilier à la caisse primaire d'assurance maladie de son nouveau lieu de résidence.

II - La position de l'Assemblée nationale

Afin de prendre en compte l'obligation de mobilité inhérente au statut militaire et d'alléger les démarches imposées aux conjoints des militaires n'exerçant pas d'activité professionnelle, l'article 14 ter , introduit par l'Assemblée nationale, tend à rétablir le droit d'option en matière d'affiliation à la sécurité sociale pour les conjoints de militaires.

En conséquence, le 1° tend à modifier l'article L. 713-1 du code de la sécurité sociale qui définit les bénéficiaires du régime de sécurité sociale des militaires. Alors que, dans le droit en vigueur, celui-ci vise les militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat ainsi que leurs familles, et les retraités militaires et leurs familles, le nouvel article L. 713-1 distingue désormais :

- les militaires de carrière et les militaires servant en vertu d'un contrat ;

- les retraités militaires ;

- et par dérogation à l'article L. 160-1 :

« a) Les membres majeurs de la famille des assurés sociaux mentionnés aux 1° et 2°, lorsqu'ils n'exercent pas d'activité professionnelle et qu'ils en font la demande, selon des modalités fixées par décret ;

« b) Les enfants mineurs de ces mêmes assurés sociaux, dans les conditions définies à l'article L. 160-2. » ;

Le 2° de l'article 14 ter tend à introduire un nouvel article L. 713-1-2 dans le code de la sécurité sociale afin de prévoir une action directe en paiement au profit du conjoint séparé de droit ou de fait qui se trouve, du fait de défaut de présentation par son conjoint militaire ou retraité militaire, des justifications requises, dans l'impossibilité d'obtenir pour lui-même ou pour les membres à charge de sa famille, la prise en charge des frais de santé par le régime militaire de sécurité sociale, dans les conditions définies à l'article L. 161-15 du même code.

Le 3° vise à corriger une erreur de renvoi demeurant à l'article L. 713-4 du code de la sécurité sociale : il s'agit de remplacer la référence à l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, qui a été supprimé, par une référence à l'article L. 160-14 du même code, qui s'est substitué à celui-ci.

Le 4° et le 5° sont des dispositions de coordination visant à tenir compte, aux L. 713-9 (relatif aux droits aux prestations en cas de guerre) et L. 713-10 (relatif aux ayant-droits de militaires servant en dehors du territoire métropolitain) de la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 713-1 du code de la sécurité sociale.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable au rétablissement de cette mesure de simplification pour les conjoints des militaires n'exerçant pas d'activité professionnelle qui rejoint un ensemble de mesures destinées à améliorer l'accompagnement apporté aux familles de militaires.

Votre commission a adopté l'article 14 ter sans le modifier.

Article 15 - Habilitation à légiférer par voie d'ordonnances

I - Le texte du projet de loi

L'article 15 vise à autoriser le gouvernement à prendre par ordonnance, conformément à l'article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi visant à assouplir les conditions d'attribution du congé du blessé, rénover les dispositifs de reconversion des militaires dans la fonction publique, adapter les dispositifs d'incitation au départ de l'institution militaire et reconduire l'indemnité de départ volontaire destinée aux ouvriers de l'Etat.

Il précise que les ordonnances seront prises, le cas échéant après avis du Conseil supérieur de la fonction militaire, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

1°) Habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à assouplir les conditions d'attribution du congé du blessé

Défini à l'article L.4138-3-1 du code de la défense, le congé du blessé est un congé de dix-huit mois maximum attribué par période de six mois sur le fondement d'un certificat d'un médecin des armées aux militaires blessés ou ayant contracté une maladie en opération de guerre, au cours d'une opération qualifiée d'opération extérieure et au cours d'une « opération de sécurité intérieure », désignée par arrêté interministériel, visant à la défense de la souveraineté de la France ou à la préservation de l'intégrité de son territoire, « d'une intensité et d'une dangerosité assimilables à celles d'une opération extérieure ».

Relevant de la position statutaire d'activité, ce congé est attribué après épuisement des droits à congé de maladie (six mois maximum pendant une période de douze mois consécutifs conformément à l'article L.4138-3 du code de la défense) si le militaire remplit les conditions précitées. Il permet au militaire d'avoir plus de temps pour se rétablir, avant d'être placé, le cas échéant, en position de non activité. Pendant le congé du blessé, il reste dans la même situation que pendant le congé de maladie. Ainsi, il demeure affecté dans sa formation d'origine et bénéficie de l'accompagnement nécessaire que celle-ci peut lui apporter (maintien dans le logement concédé par nécessité absolue de service, proximité avec la hiérarchie et les collègues, accès au centre médical des armées de la formation d'affectation).

A l'issue du congé du blessé, soit le militaire reprend son service, soit il est reconnu définitivement inapte et est réformé, soit il est placé en congé de longue durée pour maladie (CLDM) ou en congé de longue maladie (CLM) 73 ( * ) . Dans ce dernier cas, il se retrouve en position de non activité et est affecté auprès d'un organisme de gestion et non plus dans son unité d'origine.

197 militaires ont bénéficié du congé du blessé en 2017 . Cependant, les conditions d'attribution actuelles apparaissent trop restrictives . Sont en effet exclus de son bénéfice les militaires blessés lors d'opérations pourtant dangereuses mais ne remplissant pas les conditions prévues par l'article L.4138-3-1 précité (opération extérieure ou opération de sécurité intérieure, désignée par arrêté interministériel, visant à la défense de la souveraineté de la France ou à la préservation de l'intégrité de son territoire, d'une intensité et d'une dangerosité particulières, assimilables à celles d'une opération extérieure). Il en est ainsi notamment des actions militaires se déroulant à l'étranger en dehors du cadre d'une OPEX. Par ailleurs, la notion d' « opération de sécurité intérieure d'une intensité et d'une dangerosité particulières » s'avère difficile à définir, de sorte que les opérations concernées n'ont pu être désignées comme prévu par arrêté ministériel.

La modification envisagée par ordonnance vise à permettre d'étendre les conditions d'attributions du congé du blessé. Ainsi pourront être couvertes non seulement les opérations intérieures (comme l'opération HARPIE de lutte contre les trafiquants en Guyane, les interventions dans le cadre d'attentats commis sur le territoire national, éventuelles situations quasi-insurrectionnelle outre-mer) mais aussi les actions militaires en mer telles que les interventions de vive force, ou encore les missions militaires ponctuelles à l'étranger (opérations spéciales, évacuations de ressortissants, situations d'attentats commis à l'étranger visant des intérêts nationaux...).

La modification de l'article L. 4138-3-1 du code de la défense vise à élargir les conditions d'attribution du congé du blessé à des « opérations militaires » dont la définition fera l'objet d'un décret en conseil d'Etat . Au préalable, un groupe de travail interarmées sera mis en place sous le pilotage de la direction des ressources humaines du ministère des armées pour déterminer le périmètre concerné.

2°) Habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à rénover les dispositifs de reconversion des militaires dans la fonction publique

Outre les procédures de droit commun que sont les concours, le détachement et le recrutement sur contrat, il existe deux procédures spécifiques, dérogatoires au droit commun , permettant aux militaires d'accéder à des emplois dans les trois fonctions publiques :

-  le détachement-intégration (article L. 4139-2 du code de la défense) qui permet à des militaires comptabilisant plus de dix ans de service, de postuler, après obtention d'un agrément ministériel, à des postes de catégories A, B et C des trois fonctions publiques, par sélection sur dossier et entretien avec l'administration d'accueil ;

- l es emplois réservés (article L. 4139-3 du code de la défense et articles L. 241-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre). Accessible aux militaires de plus de quatre ans de service ayant obtenu l'agrément de leur gestionnaire d'armée, ainsi qu'aux ex-militaires radiés des cadres ou rayés des contrôles depuis moins de trois ans, elle permet l'accès aux corps des catégories B et C des trois fonctions publiques, également par sélection sur dossier (« passeport professionnel ») et entretien avec l'administration d'accueil. Pour autant, il ne s'agit pas d'un dispositif propre aux militaires. En effet, ceux-ci s'ajoutent aux autres bénéficiaires mentionnés aux articles L.241-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (blessés, invalides de guerre, victimes civiles de guerre ou de terrorisme, pupilles de la Nation...), envers lesquels s'exerce ainsi une forme de reconnaissance et de solidarité nationales.

Si les recrutements par ces deux procédures dérogatoires représentent à eux seuls deux tiers de l'ensemble des recrutements de militaires dans les fonctions publiques, force est d'admettre qu'elles sont loin de donner les résultats escomptés, malgré les adaptations déjà opérées dans la loi d'actualisation de la programmation militaire de 2015. Ainsi, les reclassements dans la fonction publique ne représentent que 20 % de l'ensemble des reconversions, l'essentiel s'effectuant dans le secteur privé.

NOMBRE DE MILITAIRES ADMIS DANS LES FONCTIONS PUBLIQUES
PAR TYPE DE RECRUTEMENT EN 2016

L.4139-2 (détachement-intégration)

L.4139-3 (emplois réservés)

L.4139-1 (concours)

L. 4138-8 (détachement)

Contrats

Total

699

638

170

102

604

2 213

Réponse au questionnaire budgétaire sur le PLF pour 2018

En effet, la rigidité, le caractère peu lisible et l'insuffisante articulation entre ces deux procédures pourtant semblables (sélection sur dossier et entretien) nuisent à leur efficacité et découragent les administrations d'y recourir.

Ainsi, la procédure des emplois réservés impose que des quotas de postes soient proposés au recrutement et interdit que les postes non pourvus de cette manière le soient par une autre voie. En 2016, près de 1 200 postes sur les 1600 proposés dans ce cadre sont ainsi restés vacants. Parfois, comme pour le corps des gardiens de la paix et de la police nationale, ce sont les exigences de l'administration en termes de compétences qui freinent le recrutement.

Le détachement-intégration pâtit, quant à lui, de la lourdeur de la procédure (organisée une fois par an par une commission interministérielle) et du calendrier de recrutement. A titre d'exemple, en 2017, seule une trentaine d'organismes publics sur 115 sollicités pour ouvrir des postes a répondu favorablement.

L'ordonnance qui serait prise sur le fondement de la présente habilitation tendrait à fusionner les deux dispositifs actuels en un nouveau dispositif dérogatoire d'accès à la fonction publique.

Le dispositif envisagé

Les militaires en activité pourraient se porter candidat sur demande agréée par leur autorité hiérarchique dans les conditions suivantes :

- les militaires ayant au moins 4 années d'ancienneté peuvent candidater dans les corps et cadres d'emploi de la catégorie C ;

- les militaires ayant au moins 6 ans d'ancienneté peuvent candidater dans les corps et cadres d'emploi de la catégorie B ;

- les militaires ayant au moins 10 ans d'ancienneté peuvent candidater dans les corps et cadres d'emploi de la catégorie A.

Les ex-militaires ayant au moins 6 ans d'ancienneté peuvent, dans les trois années suivant leur radiation des cadres ou des contrôles, se porter candidat dans les corps ou cadres d'emploi des catégories C et B.

Quelle que soit la situation du militaire, il ne peut candidater que sur des emplois correspondant à ses qualifications. La reconnaissance de ces qualifications subordonne l'inscription du candidat sur une liste d'aptitude alphabétique nationale établie par le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie.

Les contingents d'emploi offerts à ce recrutement sont fixés pour chaque administration de l'Etat et pour chaque catégorie de collectivités territoriales ou établissement public administratif compte tenu des possibilités d'accueil.

Le dossier de chaque candidat est examiné, comme cela est déjà le cas dans la procédure définie à l'article L. 4139-2 du code de la défense, par la commission nationale d'orientation et d'intégration placée auprès du Premier ministre. Afin de permettre un traitement des 84 dossiers au fil de l'eau, cette commission se réunira désormais à une fréquence bimensuelle ou mensuelle.

Le militaire en activité qui est recruté sera placé en position de détachement et nommé fonctionnaire stagiaire ou élève-stagiaire dans les conditions fixées par le statut particulier du corps ou cadre d'emploi d'accueil. L'ancien militaire recruté sera nommé fonctionnaire stagiaire dans les conditions fixées par le statut particulier du corps ou cadre d'emploi d'accueil.

En cas de titularisation :

- le militaire en activité est classé à un échelon comportant un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui détenu dans le corps d'origine ;

- l'ancien militaire est classé en prenant l'ancienneté acquise en qualité de militaire, à raison des deux tiers pour les corps ou cadres d'emploi de la catégorie C et de la moitié pour les corps de la catégorie B.

Le dispositif des emplois réservés demeurerait en vigueur au profit des seuls bénéficiaires prioritaires, mentionnés aux articles L. 241-2 à L. 241-4 du code des pensions militaires d'invalidités et des victimes de guerre.

Le futur dispositif d'accès des militaires à la fonction publique pourra également permettre, au sein du ministère des armées, le maintien du militaire en reconversion sur le poste qu'il occupe si celui-ci est transformé en poste civil. Ce maintien interviendra, sur demande uniquement, et après un examen des candidatures aux cas par cas comportant notamment une phase de consultation de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, afin d'associer les organisations syndicales au processus de nomination.

Source : étude d'impact du présent projet de loi

L'étude d'impact décrivant assez précisément le dispositif envisagé, votre commission a souhaité savoir ce qui justifiait, dans le cas présent, le recours à une ordonnance . En réponse, le ministère des armées a fait valoir la nécessité de prendre le temps d'examiner précisément les besoins en la matière de chaque armée ou formation rattachée afin d'aboutir à un nouveau dispositif faisant l'objet d'un consensus général . Il a également souhaité pouvoir associer pleinement à cette mesure la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) ainsi que l'ensemble des instances consultatives concernées.

3°) Habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à prolonger, en les adaptant, les dispositifs d'incitation au départ destinés aux personnels militaires

En complément des outils statutaires d'incitation au départ que sont le pécule des officiers de carrière et la disponibilité, la précédente loi de programmation militaire a prévu trois outils conjoncturels d'incitation au départ, destinés à permettre aux gestionnaires d'agir sur les départs les effectifs pour tous les grades et à tout moment de la carrière, prenant, au demeurant la suite de dispositifs existant précédemment : la pension afférente au grade supérieur , la promotion fonctionnelle et le pécule modulable d'incitation au départ .

Les leviers d'incitation au départ dans la LPM 2014-2019

La pension au grade supérieur : ce dispositif permet un départ avec la pension afférente au grade supérieur, dans la limite d'un contingent annuel, à des officiers et sous-officiers de carrière se trouvant à plus de cinq ans de leur limite d'âge et quittant le service avec un droit à pension à liquidation immédiate. Les officiers généraux ne sont pas concernés par ce dispositif.

La promotion fonctionnelle permet un départ à l'issue d'une promotion au grade supérieur d'officiers ou de sous-officiers de carrière, après l'exercice d'une fonction déterminée pendant une durée de deux à quatre ans, dans la limite d'un contingent annuel.

Le pécule modulable d'incitation au départ est attribué dans la limite d'un contingent annuel à des officiers et sous-officiers se trouvant à plus de trois ans de leur limite d'âge et quittant le service avec un droit à pension de retraite, à jouissance différée ou immédiate. Le militaire sous-contrat peut également percevoir ce dispositif pour un départ avant 15 ans de services, durée de services à partir de laquelle il bénéficie d'un droit à pension de retraite.

Si ces outils ont été indispensables dans le passé pour réaliser les déflations, ils s'avèrent nécessaires - de manière quasi-structurelle- à la conduite de la manoeuvre RH lors de la prochaine programmation.

Ils permettent, en effet, d'entretenir un nombre de départs suffisant dans un modèle de ressources humaines basé sur la gestion d'un volume important de flux (entrants et sortants). Il s'agit aussi d'accompagner la transformation du ministère en incitant au départ de militaires dont l'employabilité est devenue limitée afin de de permettre le recrutement de compétences adaptées aux nouveaux métiers (renseignement, cyber-sécurité...).

Or, les dispositifs actuels, prévus pour la durée de la précédente programmation, expirent au 31 décembre 2019. Il y a donc lieu de prévoir dans la loi un nouveau dispositif. Avant de reconduire les outils actuels, en les adaptant le cas échéant, le ministère des armées a souhaité qu'un bilan de leur utilisation sur la programmation militaire 2013-2019 soit dressé. Une mission conjointe du contrôle général des armées et de l'inspection générale des finances a donc été lancée. Ses conclusions seront prises en compte dans l'ordonnance pour laquelle le gouvernement sollicite une habilitation.

Parmi les pistes d'amélioration d'ores et déjà identifiées figure l'idée de contingentement pluriannuel des aides au départ qui permettrait d'améliorer la lisibilité de la manoeuvre RH mise et d'anticiper le cadencement de la distribution des leviers, à la fois pour les gestionnaires, les administrés, la direction du budget et la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Le nouveau dispositif sera défini courant 2019, en vue d'une mise en oeuvre du 1 er janvier 2020 jusqu'au 31 décembre 2025.

Selon l'étude d'impact, le ministère des armées envisagerait l'attribution de 170 pensions afférentes au grade supérieur, 50 promotions fonctionnelles et 270 pécules modulables d'incitation au départ chaque année sur la période 2019-2025, sur la base des exercices 2014-2019.

Pour le pécule modulable d'incitation au départ, une enveloppe de 176 millions d'euros a été prévue à cet effet dans le titre II hors pension pour la programmation 2019-2025, correspondant à une dépense inférieure de plus de la moitié à celle constatée sur la période 2014-2018 (375 millions d'euros).

4°) Habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à prolonger, en les adaptant, les dispositions permettant d'attribuer une indemnité de départ volontaire aux ouvriers de l'Etat du ministère de la défense

Pour les mêmes raisons que celles venant d'être exposées concernant le personnel militaire, il peut être utile de proroger, éventuellement en l'adaptant, l'indemnité de départ volontaire (IDV) destinée aux ouvriers de l'Etat prévue par la loi de programmation militaire pour 2014-2019, dont le régime prend fin le 31 décembre 2019.

Selon les règles en vigueur, elle peut être attribuée aux ouvriers ayant accompli au moins six années de service et étant à plus de deux ans de l'âge d'ouverture de leur droit à pension.

Un bilan sur l'utilisation de l'IDV étant également demandé à la mission d'inspection précitée, le gouvernement a souhaité en attendre les conclusions avant de définir le nouveau dispositif , sollicitant pour cette raison, l'autorisation d'y procéder par ordonnance. Il s'agit, très exactement, de proroger les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, qui a créé l'IDV, laquelle a été prorogée une première fois par la loi de programmation militaire pour 2014-2019.

Le ministère des armées compte encore 16 000 ouvriers de l'Etat . A l'origine, ce statut a été créé pour recruter et fidéliser le personnel employé dans les arsenaux de la Marine . A leur fermeture, une part importante de ces personnels a été reclassée dans des métiers non industriels tels que jardiniers, secrétaires, ceux-ci étant remplacés, à leur départ, par des personnels conservant le même statut. Ce statut très favorable a donc été progressivement dévoyé , ce que la Cour des Comptes a dénoncé. De fait, sur 16 000 ouvriers de l'Etat, seuls 6 000 occupent des fonctions pour lesquelles ce statut est vraiment justifié. Un coup d'arrêt a donc été mis aux recrutements en même temps qu'un important plan de restructurations était conduit, à l'aide de l'IDV (en moyenne, 470 indemnités de départ volontaire ont été accordées chaque année entre 2009 et 2016).

Depuis lors, le ministère a obtenu de pouvoir recruter de nouveau sous ce statut qui s'avère plus adapté que celui de fonctionnaire ou de contractuel pour certains métiers (chaudronnier, conducteur de traitement des matériaux, soudeur...) ou domaines (MCO aéronautique). 400 recrutements par an d'ouvriers de l'Etat sont ainsi prévus entre 2017 et 2019 dans une liste limitative de 21 spécialités.

Dans le même temps, des départs incités continueront à intervenir, à raison d'une centaine chaque année , dans le cadre des restructurations, en particulier, comme l'indique l'étude d'impact, dans le domaine des soutiens. Le coût induit est de 6,86 millions d'euros chaque année, soit 48 millions d'euros sur la période 2019-2025. Il convient de rappeler que cette indemnité est défiscalisée et ouvre droit à une indemnisation au titre du chômage.

II - La position de l'Assemblée nationale

Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de cohérence visant à élargir la portée de l'habilitation demandée pour la rénovation des procédures d'accès des militaires à la fonction publique afin de permettre l'actualisation des dispositions impactées dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable aux mesures pour lesquelles le gouvernement sollicite l'autorisation de prendre des ordonnances, qu'il s'agisse de l'assouplissement des conditions d'attribution du congé du blessé, de la rénovation des dispositifs de reclassement des militaires dans la fonction publique ou du renouvellement des incitations au départ des militaires et de l'indemnités de départ volontaire pour les ouvriers de l'Etat.

Elle aurait préféré que ces mesures figurent dans la présente loi mais admet qu'un travail technique approfondi et, s'agissant des aides au départ, l'établissement d'un bilan, sont nécessaires au préalable et exigent un peu de temps. Néanmoins, elle se montrera attentive à ce que les délais impartis pour l'adoption des ordonnances soient respectés.

Votre commission a adopté l'article 15 sans le modifier.

Article 16 - Expérimentations visant à permettre le recrutement sans concours de fonctionnaires de catégorie B et à faciliter le recours à des agents contractuels

Cet article vise à prévoir, à titre expérimental et de manière dérogatoire au droit commun de la fonction publique, la possibilité  de recrutements sans concours de fonctionnaires de catégorie B et le recrutement d'agents contractuels dans certaines régions, pour des spécialités déterminées et pour un nombre limité de postes.

I - Le droit en vigueur

L'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dit « statut général des fonctionnaires », pose le principe que les emplois permanents de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires . Il n'autorise le recours à des agents contractuels que dans des cas limités, notamment pour assurer la continuité du service dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire, pour une durée initiale limitée à un an (article 6 quinquies de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat).

Par ailleurs, l'article 19 de la même loi fait du concours la modalité de recrutement de droit commun pour les fonctionnaires , à l'exception des cas prévus en son article 22 (emplois réservés, constitution d'un corps ou fusion de corps, certains postes de catégorie C).

Or, le ministère des armées est régulièrement confronté, depuis plusieurs années, à des difficultés de recrutement dans certaines zones géographiques (régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est et Île-de-France) et dans certains secteurs d'activité (renseignement, génie civil, systèmes d'information et de communications, santé et sécurité au travail, maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres).

Selon l'étude d'impact, ces difficultés s'expliquent par la concurrence du marché du travail et par le fait que la procédure de recrutement par concours apparaisse comme un obstacle auprès de jeunes candidats possédant le diplôme requis.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Pour tenir compte de cette situation, le présent article tend à instaurer, à titre expérimental, des modalités de recrutement dérogatoires au droit commun dans certaines régions et spécialités, pour un nombre limité de postes.

Le I du présent article prévoit la possibilité de recruter sans concours des fonctionnaires du premier grade des corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications , qui est le corps de fonctionnaires techniques de catégorie B du ministère des armées, dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est et Île-de-France, pour 20 % des recrutements du corps , soit environ 40 techniciens d'études et de fabrication par an sur un volume annuel de 200 agents.

Il s'agit d'élargir à des postes de catégorie B difficiles à pourvoir la pratique des recrutements sans concours qui a déjà fait ses preuves pour pouvoir des postes de catégorie C.

Rappelons que le Conseil constitutionnel, qui veille au respect du principe de l'égal accès des citoyens aux emplois publics proclamé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 , a jugé 74 ( * ) que celui-ci n'interdisait pas les recrutements sans concours , pourvu que soit respectée l'exigence énoncée par cet article qu'« il ne soit tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents ».

L'article 16 précise, à cet égard, que les candidats doivent détenir l'un des diplômes ou titres requis pour être recrutés au sein du corps de fonctionnaires concerné ou d'une autre qualification garantissant un niveau de compétence équivalent.

Une commission comptant au moins deux tiers de personnes extérieures au ministère de la défense et dont la composition et les modalités d'organisation sont fixées par décret sera chargée de sélectionner les candidats en tenant compte de leur expérience professionnelle et de leur motivation.

Il est précisé que ce mode de recrutement n'est pas ouvert aux militaires, aux magistrats ni aux fonctionnaires en activité, détachement ou en congé parental, ni encore aux agents en fonction dans une organisation intergouvernementale.

L'étude d'impact évalue à 15 le nombre d'emplois susceptibles d'être pourvus par cette voie chaque année de l'expérimentation qui pourrait particulièrement intéresser les apprentis et anciens apprentis du ministère des armées.

Le II de l'article 16 tend à autoriser le ministère de la défense à procéder au recrutement d'agents contractuels en cas de vacance d'emploi de plus de six mois dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire dans les régions visées au I et pour l'une des spécialités suivantes : « renseignement », « génie civil », « systèmes d'information et des communications », « santé et sécurité au travail » ainsi que dans le domaine du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres.

Par dérogation au droit commun, qui prévoit une durée maximale d'un an, ces agents contractuels pourront être recrutés pour une durée pouvant aller jusqu'à trois ans, ce qui peut contribuer à l'attractivité du dispositif.

L'étude d'impact estime que cette mesure expérimentale pourrait concerner, en année pleine, trente emplois de catégorie B et quarante de catégorie C.

Ces deux expérimentations, qui visent à répondre au même problème dans les mêmes régions, sont prévues pour une durée de quatre ans, du 1 er janvier 2019 au 31 décembre 2022 . Le III de l'article 16 indique qu'une évaluation de ces expérimentations, portant notamment sur le nombre d'emplois ainsi pourvus, sera présentée au Parlement un an avant leur terme.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a souhaité élargir ces dispositifs de recrutement dérogatoires prévus à titre expérimental :

- en ajoutant deux régions supplémentaires (Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur) à celles initialement concernées par le I et le II ;

- en étendant la possibilité de recrutement sans concours visée au I au corps des secrétaires administratifs du ministère de la défense et en portant de 20 à 30 % le quota de postes ouverts à cette voie d'accès dérogatoire ;

- en ajoutant les domaines de la gestion de la paie ou de la solde aux spécialités pouvant donner lieu au recrutement de contractuels (II) ;

- en prévoyant que les contrats visés au II puissent être renouvelés une fois, portant ainsi la durée maximale du recrutement de contractuels sur les postes concernés à six ans .

IV - La position de votre commission

Votre commission approuve le lancement, à titre expérimental, de ces modes de recrutement dérogatoires dans la mesure où ils visent à répondre aux difficultés de recrutement rencontrées par le ministère des armées qui le pénalisent dans le bon accomplissement de ses missions. De tels assouplissements, qui restent encadrés et limités géographiquement et quantitativement, apparaissent nécessaires pour permettre aux acteurs de la défense de recruter les compétences dont ils ont besoin.

Votre commission vous propose cependant de supprimer le corps des secrétaires administratifs de l'expérimentation prévue au I de l'article 16. En effet, il s'agit de garder un dispositif ciblé pour l'expérimentation et d'apprécier les effets du recrutement sans concours pour les seuls fonctionnaires techniques de catégorie B.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement tendant à modifier la disposition selon laquelle la commission chargée de sélectionner les candidats dans le cadre du recrutement de fonctionnaires sans concours (I de l'article) est composée d'au moins deux tiers de personnes extérieures au ministère de la défense. Cette exigence, motivée par le souci de garantir que la sélection s'exerce de manière impartiale, apparaît comme un facteur de rigidité. Il semble qu'une majorité de personnes extérieures dans cette commission serait suffisante pour parvenir à ce résultat.

Enfin, votre commission a adopté un amendement rédactionnel .

Votre commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17 - Dispositions relatives au service militaire volontaire

L'article 17 tend à pérenniser le service militaire volontaire (SMV).

I - Le droit en vigueur

Les articles 22 et 23 de la loi n°2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 ont créé, à titre expérimental, le service militaire volontaire.

L'objectif était alors de transposer en métropole le service militaire adapté (SMA), qui a démontré son efficacité depuis 1961.

Instituée pour une durée de deux ans, à compter du 1 er septembre 2015, l'expérimentation du SMV a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2018 par l'article 27 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

Le dispositif a été complété par l'article 36 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui a introduit un article 23-1 à la loi précitée du 28 juillet 2015, instituant un « service militaire volontaire - volontariat militaire d'insertion » (SMV-VMI). Ce cadre nouveau permet aux volontaires de bénéficier du statut de stagiaires de la formation professionnelle. Le SMV-VMI est venu s'ajouter et non pas se substituer au SMV. Comme celui-ci, il a été introduit à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2018.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 17 pérennise le dispositif sans changement majeur :

- Le I dispose que le SMV, placé sous l'autorité du ministre en charge de la défense, a un objectif d'insertion sociale et professionnelle.

- Le I dispose, par ailleurs, que le SMV s'adresse aux jeunes de 18 à 26 ans, alors que le dispositif initial était prévu, dans la loi de 2015, à partir de 17 ans. La loi précitée du 28 février 2017 a fixé l'âge minimum à 18 ans, à l'initiative du Sénat, par cohérence avec la condition d'âge du dispositif jumeau de SMV-VMI. De fait, seuls les jeunes majeurs intègrent le SMV en raison de la complexité des normes qui seraient applicables pour l'hébergement et la prise en charge des mineurs.

- Le SMV concerne les jeunes résidant en métropole, les jeunes d'outre-mer ayant vocation à candidater au service militaire adapté (SMA). La question s'est posée, durant le débat à l'Assemblée nationale, de son extension aux jeunes Français résidant à l'étranger. Le rapporteur de la commission de la défense de l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont toutefois pas souhaité modifier le périmètre d'un dispositif inscrit dans son environnement local et dont la vocation est de favoriser l'insertion sur le territoire français.

- La durée du contrat de SMV est de six à douze mois. La durée de six mois est en effet un minimum pour permettre la formation militaire initiale et la remise à niveau de jeunes qui connaissent de nombreuses difficultés. Au-delà de six mois, la formation se concentre sur l'objectif d'insertion professionnelle. Pour maintenir l'intérêt du jeune, l'efficacité du dispositif, et sa capacité à accueillir le plus de jeunes possibles, il n'a pas été jugé utile de rendre sa prolongation possible au-delà de douze mois.

- Les jeunes volontaires ont le statut de militaires d'active, percevant une solde et des prestations en nature (logement, alimentation...). Leur encadrement est assuré par des militaires et par des intervenants extérieurs sous contrat.

- Le II du présent article dispose que les volontaires ont également le statut de stagiaires de la formation professionnelle. Ils bénéficient, à ce titre, de certaines dispositions du code du travail : rémunération (sans préjudice de leur solde), conditions de travail, bénéfice du compte personnel d'activité.

- L'administration du SMV bénéficie du statut d'organisme de formation.

- Le III renvoie à un décret en Conseil d'État.

- Le IV abroge, en conséquence, les dispositions issues de la loi précitée de 2015.

- Enfin, le V fixe la date d'entrée en vigueur du dispositif pérennisé au 1 er janvier 2019.

III - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a introduit des modifications d'ordre rédactionnel au présent article.

Le dispositif n'a pas été modifié lors de son examen en séance publique.

IV - La position de votre commission

Outre son état-major, le SMV comporte désormais six centres : Montigny-lès-Metz (1 er régiment du SMV Lorraine), Brétigny-sur-Orge (2 ème régiment du SMV Ile-de-France), la Rochelle (3 ème régiment SMV Poitou-Charentes), Châlons-en-Champagne, Brest (marine) et Ambérieu-en-Bugey (armée de l'air). Depuis 2017, le dispositif est donc interarmées.

Le dispositif a accueilli 309 jeunes la première année, puis 843 jeunes la 2 ème et 722 la 3 ème (promotion en cours). L'objectif est de parvenir, à compter de cette année, à 1000 volontaires par an. En 2017, sur la 2 ème promotion du SMV, le taux d'attrition (abandon) était de 17 %, principalement pour des raisons de santé.

Le taux d'insertion des jeunes, hors attrition, était de 72 %, dont 56 % vers un emploi durable. Votre commission souligne ce succès remarquable et rend hommage à l'action des armées en direction des « décrocheurs » et des publics les plus difficiles.

Le budget total exécuté depuis le début de l'expérimentation était, au 31 décembre 2017, de 41,5 millions d'euros, dont 29,9 millions d'euros hors infrastructures et investissements initiaux. Le coût unitaire par volontaire hors infrastructures est évalué à 25 000 euros. Le taux d'encadrement des jeunes est très élevé (1 pour 4).

La reconnaissance des volontaires en tant qu'ayants droit de la formation professionnelle tend logiquement à diminuer les coûts du SMV pour le ministère de la défense, en favorisant le dialogue avec les partenaires en charge du financement de la formation professionnelle que sont notamment le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP) et les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Les partenariats mis en place avec ces acteurs ont permis la prise en charge par d'autres moyens que ceux du ministère des armées de 25 % des coûts de la formation professionnelle des volontaires en 2017. En 2018, 80 % des dépenses de formation professionnelle devraient être cofinancées par le FPSPP et les OPCA. L'engagement financier du FPSPP s'élève à hauteur de 3,3 millions d'euros. Un point précis des économies réalisées par le ministère des armées ne pourra être réalisé qu'en fin d'année.

Plusieurs rapports ont conclu au caractère positif de l'expérimentation :

- Un rapport du Gouvernement au Parlement 75 ( * ) a préconisé son extension. Il souligne l'intérêt de la militarité du SMV, qui est au coeur même de l'engagement des jeunes et justifie la compétence du ministère en charge de la défense. Ce rapport souligne aussi le caractère primordial du partenariat avec les collectivités locales et les acteurs économiques et sociaux, pour assurer le succès de l'insertion des jeunes.

- Un rapport du cabinet Goodwill a évalué le « coût social évité » du SMV à 97 000 € par volontaire et mis en évidence un bénéfice significatif sur le développement économique local.

- Une étude du CNRS , consistant en un suivi de cohortes sur trois ans, a établi qu'un passage en SMV augmente de plus de 30 points (de %) les chances pour un jeune d'accéder à un emploi à l'issue de sa formation. Cette étude met également en évidence de nombreux autres effets positifs et explore les canaux par lesquels ils émergent : l'aide à la mobilité, le soutien à la motivation du jeune et à l'estime de soi 76 ( * ) .

Le SMV a donc trouvé sa place, au sein de la multitude de dispositifs existants pour favoriser l'insertion dans l'emploi des jeunes, notamment ceux qui ne sont ni en emploi ni en formation (NEET 77 ( * ) ). Hormis le SMA, il est le seul dispositif de nature réellement militaire et constitue, de ce fait, une illustration nouvelle du rôle social que les armées ont par essence, au contact de la jeunesse.

Dans le cadre de cette LPM, votre commission souhaite que le SMV soit maintenu dans son périmètre actuel. Le financement du SMV s'est fait jusqu'à présent sous enveloppe, se traduisant, sur le plan budgétaire, par la création d'une unité opérationnelle propre au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », à compter du 1 er janvier 2018. Or il n'est pas exclu à ce stade que le dispositif soit amené à monter en puissance, dans le cadre du service national universel (SNU) voulu par le Président de la République. Cette montée en puissance ne devrait pas, le cas échéant, se faire au détriment des moyens dévolus à la défense proprement dit. Une extension du SMV devrait donc s'accompagner de moyens supplémentaires par rapport à ceux prévus par le présent projet de loi.

Votre commission, par conséquent, a modifié l'article 5 du présent projet de loi, afin de garantir que toute extension du SMV devrait se faire avec des moyens et ressources supplémentaires par rapport à ceux de la LPM .

La mise en oeuvre du SMV par le ministère des armées constitue une réelle plus-value pour le dispositif, doté ainsi d'une vraie spécificité par rapport à la multitude de dispositifs existant en faveur de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Une éventuelle extension du SMV devrait toutefois impliquer aussi tous les autres ministères concernés, ainsi que les partenaires locaux, afin de matérialiser la double nature - sociale et militaire - du SMV.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission se félicite de la réussite de l'expérimentation du SMV et a adopté l'article 17 sans modification .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉLECTION DE MILITAIRES AUX SCRUTINS LOCAUX

Article 18 - (art. L. 46, L. 231 et L. 237 du code électoral ; art. L. 2122-5-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales ; art. L. 4121-3 [nouveau] du code de la défense) - Éligibilité des militaires en position d'activité au mandat de conseiller municipal

L'article 18 du présent projet de loi tend à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, qui a déclaré inconstitutionnelle l'incompatibilité générale et absolue jusqu'à présent établie par l'article L. 46 du code électoral entre, d'une part, les fonctions de militaire en position d'activité et, d'autre part, le mandat de conseiller municipal.

I - Le droit en vigueur

L'article 18 a pour objet de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014. Celle-ci a déclaré inconstitutionnelle l'incompatibilité générale et absolue prévue par l'article L. 46 du code électoral entre, d'une part, les fonctions de militaire en position d'activité et, d'autre part, le mandat de conseiller municipal.

Les fondements constitutionnels de l'incompatibilité entre les fonctions de militaire et les mandats électifs.

D'une part, si la Déclaration des droits de l'Homme confère à tout citoyen le droit d'exercer une fonction publique élective, le Conseil constitutionnel justifie la possibilité d'incompatibilités fondées sur la nécessité de préserver la liberté de choix de l'électeur et l'indépendance de l'élu.

En effet, la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 dispose en son article 6 que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Ainsi, tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », ce qui implique pour tout citoyen le droit d'exercer un mandat électif.

Dès lors, le Conseil constitutionnel a dégagé 78 ( * ) les principes suivants, seuls susceptibles de permettre des restrictions au droit d'éligibilité : « si le législateur peut prévoir des incompatibilités entre mandats électoraux ou fonctions électives et activités ou fonctions professionnelles, la restriction ainsi apportée à l'exercice de fonctions publiques doit être justifiée, au regard des exigences découlant de l'article 6 de la Déclaration de 1789, par la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou l'indépendance des juridictions contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts ».

D'autre part, découle également de la Constitution un principe de nécessaire libre disposition de la force armée, rappelé dans la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 précitée. En effet, les articles 5 et 15 de la Constitution reconnaissent le Président de la République comme le chef des armées, garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités, tandis que l'article 20 prévoit la libre disposition de la force armée par le Gouvernement et prévoient la compétence du Premier ministre en matière de défense nationale. Enfin, selon l'article 35, le Gouvernement décide, sous l'autorité du président de la République, de l'emploi de la force armée.

Par ailleurs, rappelons que le législateur a récemment dû concilier ce principe de libre disposition de la force armée avec les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'article 10 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense a ainsi permis la création d'associations nationales professionnelles de militaires (APNM) ayant pour objet les questions touchant à la condition militaire à la suite d'une décision de la CEDH.

Le droit en vigueur s'agissant de l'incompatibilité entre les fonctions de militaire de carrière et les mandats politiques

Selon L. 46 du code électoral, les « fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale » sont incompatibles avec les mandats visés par le livre I du même code, c'est-à-dire les mandats de député, de conseiller départemental, de conseiller municipal et de conseiller communautaire.

En outre, par renvoi des articles L. 342 et L. 368, L. 558-15 du même code à l'article 46, cette incompatibilité vaut également pour les mandats de conseiller régional et de conseiller aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

Cette incompatibilité a un champ très large. En effet, le terme d'« assimilé » à un militaire de carrière désigne les militaires servant en vertu d'un contrat. Sont ainsi concernés la quasi-totalité des militaires du rang, la majorité des sous-officiers et une partie des officiers subalternes et supérieurs, ainsi que les militaires mis en congé en attendant leur mise à la retraite 79 ( * ) . Les réservistes de la gendarmerie nationale sont également en partie concernés : ils ne pourront exercer leurs missions de réservistes dans leur circonscription d'élection.

Sont en revanche explicitement exclus du champ de l'incompatibilité l'ensemble des réservistes opérationnels (réserve opérationnelle de premier niveau, RO 1) et les anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité dans les cinq ans suivant leur départ (réservistes opérationnels de deuxième niveau, RO 2).

Par ailleurs, la rédaction de l'article 46 a également pour effet d'exclure :

- les militaires en position de non-activité, telle que définie par l'article L. 4138-11 du code de la défense comme la position temporaire du militaire qui se trouve en congé de longue durée pour maladie, en congé de longue maladie, en congé parental, en situation de retrait d'emploi, en congé pour convenances personnelles, en disponibilité, en congé complémentaire de reconversion ou en congé du personnel navigant ;

? les militaires placés hors-cadres en application de l'article L. 4138-10 du code de la défense. Il s'agit des militaires placés en détachement après quinze années de service, soit auprès d'une administration ou d'une entreprise publique, soit auprès d'un organisme international et qui, au terme de leur détachement, demandent à continuer à servir dans l'administration, l'entreprise ou l'organisme en question.

Afin de mettre en oeuvre l'incompatibilité ainsi définie, l'article L. 237 du code électoral prévoit un droit d'option pour les militaires concernés , avec un délai de 10 jours pour opter : « Les personnes désignées à l'article L. 46 et au présent article qui seraient élues membres d'un conseil municipal auront, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, un délai de dix jours pour opter entre l'acceptation du mandat et la conservation de leur emploi. À défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, elles seront réputées avoir opté pour la conservation dudit emploi ».

S'agissant ainsi d'un régime d'incompatibilité et non d'inéligibilité, un militaire en activité peut se porter candidat à une fonction publique élective, dès lors qu'il aura par la suite à choisir entre son état de militaire et sa fonction d'élu . A défaut de décision explicite, ce militaire sera réputé avoir opté pour la conservation de ses fonctions militaires 80 ( * ) . A l'inverse, si le militaire élu opte pour son mandat, il sera placé de droit en position de détachement en vertu de l'article L. 4121-3 du code de la défense. Il continuera ainsi à figurer sur la liste d'ancienneté de son corps et à bénéficier des droits à l'avancement et à pension de retraite. Enfin, le deuxième alinéa de l'article L. 4121-3 prévoit que la suspension de l'interdiction d'adhésion à un mandat électoral qui s'appliquait lorsqu'il était en fonction est prolongée pour la durée de son mandat.

Des régimes d'inéligibilité

Outre ce régime d'incompatibilité, l'article L. 231 du code électoral instaure un régime d'inéligibilité au mandat de conseiller municipal pour les officiers des armées de terre, de mer et de l'air dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois. Cette inéligibilité s'applique dans toutes les communes « comprises dans le ressort de leur commandement territorial » et a pour objet d'éviter l'exercice de fonctions susceptibles d'influencer les électeurs.

La décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 septembre 2014, d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que lui a renvoyée le Conseil d'État. Celui-ci avait été saisi par le tribunal administratif de Poitiers, qui avait décidé d'annuler l'élection de M. Dominique de L., militaire de carrière dans la marine nationale, élu le 23 mars 2014 au conseil municipal de sa commune et qui avait refusé d'opter entre son mandat de conseiller municipal et ses fonctions militaires.

Par sa décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution le premier alinéa de l'article L. 46 du code électoral, qui prévoit le principe d'une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de militaire en activité et plusieurs fonctions publiques électives, ainsi que la référence faite à des dispositions dans le texte de l'article L. 237 du même code, qui règle le droit d'option différents mandats électifs et différentes fonctions .

Afin de parvenir à cette décision, le Conseil constitutionnel a examiné si l'incompatibilité entre les fonctions de militaire en activité et certains mandats électifs « excédait manifestement » ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l'électeur ainsi que l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts.

En ce qui concerne le mandat de conseiller départemental et du mandat de conseiller communautaire, il a considéré que l'incompatibilité n'excédait pas ce qui est nécessaire.

En revanche, s'agissant du mandat de conseiller municipal, il a considéré que l'incompatibilité générale et absolue prévue par l'article L. 46 du code électoral n'était pas justifiée. Il a estimé plus précisément que « le législateur a institué une incompatibilité qui n'est limitée ni en fonction du grade de la personne élue, ni en fonction des responsabilités exercées, ni en fonction du lieu d'exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes », ce qui est excessif.

Enfin, l'abrogation immédiate de l'article L. 46 du code électoral et de la mention de cet article à l'article L. 237 du même code aurait eu pour effet de faire cesser l'incompatibilité entre les fonctions de militaire en position d'activité avec l'ensemble des mandats électifs locaux, y compris avec ceux pour lesquels le Conseil a considéré que l'incompatibilité était possible. Dès lors, Conseil constitutionnel a reporté l'effet de sa décision au 1 er janvier 2020, ou au prochain renouvellement général des conseils municipaux intervenant avant cette date.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'incompatibilité entre les fonctions de militaire en position d'activité et certains mandats locaux et les dérogations prévues à ce principe

Le I (alinéas 2 à 12) de l'article 18 a d'abord pour objet de modifier le régime d'incompatibilité évoqué ci-dessus afin de le rendre conforme à la décision du Conseil constitutionnel. Le 1° de ce I propose ainsi une nouvelle rédaction de l'article L. 46 du code électoral, établissant une incompatibilité entre les fonctions de militaires en position d'activité et les mandats « faisant l'objet du livre I », c'est-à-dire les mandats de député, de conseiller départemental, de conseiller municipal et de conseiller communautaire, mais prévoyant ensuite une dérogation pour le cas du mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants .

Sur le plan rédactionnel, l'incompatibilité vise désormais simplement le « militaire en position d'activité » et non plus le « militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale », ce qui constitue simplement une harmonisation, à droit constant, avec la description des positions des militaires prévue par l'article L. 4138-1 du code de la défense 81 ( * ) .

Le présent article tendait ensuite à compléter l'article L. 46 par un alinéa établissant une dérogation à l'incompatibilité pour le cas du mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants. Ce nombre constitue l'ancien plafond du scrutin majoritaire aux élections municipales, désormais fixé à 1 000 habitants depuis les élections municipales de 2014.

La rédaction proposée par le Gouvernement tient ainsi compte de la décision précitée du Conseil constitutionnel, qui a considéré qu'une limite tenant à la taille des communes pouvait ôter son caractère manifestement excessif à cette incompatibilité. Les élections dans les petites communes étant moins politisées que dans les grandes communes, une telle dérogation ne porterait pas une atteinte excessive à la neutralité de l'armée.

Les communes ainsi concernées représentent 91,2 % des communes françaises et 32 % seulement de la population nationale.

Par ailleurs, le 3° du I opère à l'article L. 237 du code électoral une coordination avec la rédaction proposée pour l'article L. 46 du même code.

Les règles d'inéligibilité des militaires en position d'activité aux conseils municipaux des communes de leur ressort

Le 2° du I tend à opérer deux modification au sein de l'article L. 231 du code électoral prévoyant les règles d'inéligibilité de certains militaires au mandat de conseiller municipal.

En premier lieu, il propose d'ajouter la mention des gendarmes, afin d'aligner les règles d'inéligibilité qui les concernent sur celles prévues pour les officiers des trois armées et les fonctionnaires de police. Tout comme les policiers, les gendarmes entrent fréquemment en relation avec les autorités municipales, que ce soit en matière d'ordre public ou de police judiciaire, y compris pour faire respecter les arrêtés de police municipale. Dès lors, dans l'optique de la préservation de la liberté de choix de l'électeur et de l'indépendance de l'élu, il semble logique qu'ils soient eux aussi mentionnés. Le présent article étend ainsi l'inéligibilité aux « officiers et sous-officiers de gendarmerie ».

En second lieu, si l'article L. 231 fixe des règles d'inéligibilité « dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois », il ajoute, en ce qui concerne les officiers des trois armées, que l'inéligibilité vaut « dans les communes comprises dans le ressort de leur commandement territorial », ce qui peut actuellement recouvrir une zone géographique très large. Ainsi, l'armée de l'air ne compte que trois commandement territoriaux pour l'ensemble du territoire national. Dès lors, le Gouvernement a considéré qu'une telle extension risquait d'excéder, aux yeux du Conseil constitutionnel, ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l'électeur ou l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts qui pourraient naître des fonctions exercées par les intéressés. En outre, le Gouvernement a estimé que viser l'ensemble des officiers des trois armées, quel que soit leur grade, était sans doute également excessif, compte tenu des responsabilités réellement exercées par les intéressés.

Le présent article tend ainsi à restreindre le champ de l'inéligibilité, pour les officiers des trois armées, aux seuls officiers supérieurs et officiers généraux.

Le régime d'incompatibilité des fonctions de militaire en position d'activité avec les fonctions de maire ou d'adjoint au maire.

Le II de l'article 18 tend à instaurer une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de militaire en position d'activité et les fonctions de maire ou d'adjoint au maire. Cette incompatibilité ferait ainsi l'objet d'un nouvel article du code général des collectivités territoriales numéroté L. 2122-5-2.

Règles relatives à l'adhésion du militaire élu conseiller municipal à un parti politique.

Le III de l'article 18 tend à insérer, au sein du code de la défense, un article L. 4121-3-1 fixant le régime des droits des militaires en position d'activité et détenteurs d'un mandat de conseiller municipal.

En premier lieu, par coordination avec le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 46 du code électoral, visant à permettre le cumul de fonctions de militaire en activité avec l'exercice du mandat de conseiller municipal dans une commune de moins de 3 500 habitants, le nouvel article L. 4121-3-1 prévoit que le militaire concerné n'est pas placé en détachement, contrairement à ce que prévoit actuellement le troisième aliéna de l'article L. 4121-3 du code de la défense.

En second lieu toutefois, le nouvel article L. 4121-3-1 prévoit qu'en pareil cas le militaire se verra interdire d'adhérer à un parti politique au-delà de la seule durée de la campagne électorale, alors que les dispositions en vigueur suspendent cette interdiction, s'agissant d'un militaire nécessairement en position de détachement. C'est à ce prix en effet que la neutralité du militaire peut être préservée lorsqu'il est à la fois en fonction au sein des armées et élu. Bien entendu, le militaire concerné pourra toujours choisir d'adhérer à un parti politique, à condition qu'il demande à être placé en position de détachement.

En troisième lieu, le nouvel article L. 4121-3-1 du code de la défense ouvre aux militaires en position d'activité élus conseillers municipaux les garanties accordées aux titulaires des mandats locaux (crédits d'heures, autorisations d'absence) ainsi que le droit à la formation des élus locaux prévus par le code général des collectivités territoriales.

Toutefois, ce droits sont accordés sous réserve des « nécessités liées à la préparation et à la conduite des opérations » et de la « bonne exécution des missions des forces armées et formations rattachées », ceci afin de garantir l'impératif de libre disposition de la force armée. En outre, s'agissant plus particulièrement du droit à la formation, il ne pourra s'exercer que « lorsque les nécessités du fonctionnement du service ne s'y opposent pas ». Le présent article prévoie ainsi qu'un décret en Conseil d'État « détermine les adaptations rendues nécessaires par le statut de militaire à ces droits et garanties ».

Enfin, le IV du présent article renvoie l'entrée en vigueur de l'ensemble de ces dispositions, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, au 1 er janvier 2020, ou au prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date.

III - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté, outre deux amendements rédactionnels, trois amendements de fond .

En premier lieu, la commission de la défense a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur étendant aux communes comprenant jusqu'à 9 000 habitants ainsi qu'aux communautés de communes regroupant moins de 15 000 habitant, la possibilité de cumuler exercice d'une fonction militaire et mandat local .

Le chiffre de 9 000 habitants correspond au seuil au-delà duquel les conseillers municipaux sont électeurs de droit aux élections sénatoriales, qui, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, « peuvent être considérées comme plus politisées ». Selon Florence Parly, ministre des armées, qui s'est exprimée sur cet amendement à l'occasion de son examen par la commission de la défense, « ce seuil correspond à une dimension permettant de concilier l'exercice de fonctions électives locales avec les impératifs de neutralité et de disponibilité qui incombent aux fonctionnaires ».

Par cohérence avec le choix du seuil des 9 000 habitants, la commission de la défense a également adopté un amendement de M. Philippe Chalumeau et ses collègues du groupe LREM prévoyant que : « Les fonctions de militaire en position d'activité sont incompatibles avec la désignation des électeurs sénatoriaux et l'élection des sénateurs. 82 ( * ) »

S'agissant des communautés de communes, la possibilité d'y cumuler une fonction de conseiller communautaire et un emploi militaire ne s'éloigne pas, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, d'une conciliation équilibrée des exigences constitutionnelles exposées ci-dessus. En effet, les conseillers communautaires ne sont pas élus au suffrage universel direct, contrairement aux conseillers municipaux, ce qui contribue selon le rapporteur à limiter le risque de politisation des militaires en activité. En outre, le choix du seuil assez bas de 15 000 habitants va dans le même sens (il couvre, selon les données de l'INSEE, 34,2% des communautés de commune), d'autant que la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) a fixé à 15 000 habitants la population minimale des EPCI, avec toutefois des dérogations pour les zones à la démographie peu dense et les zones de montagne . Ainsi, la rédaction issue de l'Assemblée nationale a pour effet de maintenir la participation des militaires en activité aux organes délibérants des EPCI dans des limites étroites.

En outre, à des fins de coordination avec l'amendement ouvrant le droit aux militaires d'être élus conseillers communautaires dans certains EPCI et afin de préserver la neutralité politique de l'armée, la commission de la défense a adopté un amendement de son rapporteur visant à interdire que les militaires élus en deviennent président, vice-président ou membre du bureau, de manière symétrique aux dispositions du présent article excluant qu'un militaire élu conseiller municipal soit désigné maire ou adjoint au maire.

Enfin, les députés ont adopté en séance publique un amendement précisant le cas d'un militaire élu conseiller municipal dans une commune de moins de 9 000 habitants, auquel l'incompatibilité ne s'applique pas, qui serait également désigné ou élu conseiller communautaire dans une communauté de communes regroupant plus de 15 000 habitants ou dans un autre organe délibérant à fiscalité propre : comme les militaires en situation d'incompatibilité pour avoir été élus dans une commune de plus de 9 000 habitants, ils disposeront d'un délai de 10 jours pour opter.

IV - La position de votre commission

L'article 18, dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, tente de mettre en oeuvre de manière équilibrée la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, en assurant une conciliation entre le droit à être titulaire d'un mandat électif, la liberté et l'indépendance de choix de l'électeur et la libre disposition de la force armée. Votre commission partage l'objectif ainsi poursuivi. Il convient également de noter que, lors de son audition par votre commission, le chef d'état-major des armées s'est prononcé en faveur de cette réforme.

Votre commission a toutefois adopté plusieurs amendements pour améliorer la rédaction de ces dispositions ainsi que leur cohérence et pour ouvrir davantage, sur certains points particuliers, la possibilité pour les militaires d'exercer un mandat.

Votre commission a ainsi adopté trois amendements de votre rapporteur :

- un amendement visant à améliorer les dispositions relatives à l'incompatibilité entre les fonctions de militaire et l'exercice d'une fonction exécutive au sein de l'organe délibérant d'une commune ou d'un EPCI . En effet, le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit une incompatibilité entre les fonctions de militaire et les fonctions de maire, d'adjoint au maire ou de membre du bureau d'un EPCI. Ce faisant, il omet les syndicats mixtes . Or il ne serait pas logique qu'un militaire ne puisse pas participer à l'exécutif d'un petit EPCI mais puisse diriger un syndicat mixte, dont les compétences peuvent être très étendues. Le présent amendement tend donc à ajouter ce cas à la liste des incompatibilités prévues ;

- deux amendements rédactionnels, dont l'un identique à un amendement de la commission des lois.

En outre, considérant que fixer à 15 000 habitants le plafond pour le mandat de conseiller communautaire aurait pour effet de n'ouvrir la participation des militaires aux conseils des communautés de commune que de manière excessivement résiduelle, votre commission a adopté un amendement de M. Jean-Pierre Grand qui porte ce plafond à 30 000 habitants. L'incompatibilité ne concernera ainsi que le tiers des communautés de commune les plus peuplées.

Enfin, votre commission a également adopté un amendement de M. Jean-Pierre Grand ayant pour effet de supprimer la disposition interdisant aux militaires élus dans les communes de moins de 9 000 habitants d'être membres du collège électoral sénatorial et de participer à son élection . Elle a en effet considéré que les militaires, dans le cas où ils pourront être élus, devront pouvoir exercer la plénitude des fonctions liées à ce statut.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA CYBERDÉFENSE -

Article 19 (art. L. 33-14 [nouveau], L. 36-7, L. 36-14 [nouveau], L. 130, L. 131, L. 132 du code des postes et des communications électroniques, L. 2321-2-1 [nouveau], L. 2321-2-2[nouveau] L. 2321-3, L. 2321-5 [nouveau] du code de la défense) - Mise en oeuvre de dispositifs de détection des cyberattaques

L'article 19 du projet de loi vise à accroître la capacité de détection des cyber-attaques et à en prévenir les effets. Il se place dans la continuité des dispositions votées dans la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 de programmation militaire (2014-2019) imposant des obligations de protection aux administrations de l'Etat et aux organismes d'importance vitale.

I - Le droit en vigueur

L'article 21 de la loi de programmation militaire (2014-2019) codifié aux articles L. 2321-1 à L. 2321-3 du code de la défense a confié au Premier ministre, dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale et de la politique de défense, la définition de la politique et la coordination de l'action gouvernementale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information. Sous son autorité, l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) assure la fonction d'autorité nationale de défense des systèmes d'information.

Pour répondre à une attaque informatique, visant les systèmes d'information affectant le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation, les services de l'État peuvent, dans les conditions fixées par le Premier ministre, procéder aux opérations techniques nécessaires à la caractérisation de l'attaque et à la neutralisation de ses effets en accédant aux systèmes d'information qui sont à l'origine de l'attaque. Pour être en mesure de détecter une telle attaque, d'en identifier et d'en conserver les marqueurs techniques, les services de l'État peuvent détenir des équipements, des instruments, des programmes informatiques et toutes données susceptibles de la caractériser en vue d'en analyser la conception et d'en observer le fonctionnement.

Pour les besoins de la sécurité des systèmes d'information de l'État et des opérateurs d'importance vitale (OIV) 83 ( * ) , les agents de l'ANSSI habilités et assermentés peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques, en application du III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, l'identité, l'adresse postale et l'adresse électronique d'utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d'information vulnérables, menacés ou attaqués, afin de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système.

L'article 22 de la loi de programmation militaire (2014-2019) codifié aux articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-6 du code de la défense permet au Premier ministre de fixer les règles de sécurité nécessaires à la protection des systèmes d'information des OIV et des opérateurs publics et privés qui participent à ces systèmes. Les règles peuvent prescrire que les opérateurs mettent en oeuvre des systèmes qualifiés de détection des événements susceptibles d'affecter la sécurité de leurs systèmes d'information 84 ( * ) . Les OIV doivent informer sans délai le Premier ministre des incidents affectant le fonctionnement et la sécurité de ces systèmes d'information. Ils doivent soumettre leurs systèmes à des contrôles destinés à vérifier le niveau de sécurité et le respect des règles prescrites. En cas de crise majeure menaçant ou affectant la sécurité des systèmes, le Premier ministre peut décider des mesures que les opérateurs doivent mettre en oeuvre. Le décret n° 2015-351 du 27 mars 2015 relatif à la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale codifié aux articles R. 1332-41-1 à R. 1332-41-23 précise les conditions et limites dans lesquelles s'applique ce dispositif. Les obligations des OIV sont assorties d'un dispositif de sanctions pénales en cas d'infraction (article L. 1332-7).

Depuis l'adoption par le Parlement de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité, et notamment de ses articles 5 à 9, les opérateurs, publics ou privés, offrant des services essentiels au fonctionnement de la société ou de l'économie et dont la continuité pourrait être gravement affectée par des incidents touchant les réseaux et systèmes d'information nécessaires à la fourniture desdits services sont soumis à des règles de sécurité fixées par le Premier ministre. Ces règles ont pour objet de garantir un niveau de sécurité adapté au risque existant, de prévenir les incidents qui compromettent la sécurité des réseaux et systèmes d'information utilisés pour la fourniture des services essentiels. Les opérateurs sont également tenus, sous peine de sanctions pénales, à effectuer auprès de l'ANSSI la déclaration des incidents affectant les réseaux et systèmes d'information nécessaires à la fourniture de services essentiels, lorsqu'ils ont ou sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur la continuité de ces services. Le Premier ministre peut, en outre, soumettre les opérateurs à des contrôles destinés à vérifier le respect de ces obligations. Ces règles sont voisines de celles imposées pour les mêmes fins aux opérateurs d'importance vitale.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Compte tenu de l'importance croissante en nombre, en ampleur, en intensité et en sophistication des cyberattaques, l'article 19 du projet de loi propose de renforcer le dispositif de prévention et de protection en utilisant d'une part, les réseaux des opérateurs de communications électroniques aux fins de détection et de blocage des attaques, de prévention des incidents et d'alerte des victimes, d'autre part, de donner la capacité à l'ANSSI en cas de menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques ou des OIV d'installer ses propres moyens de détection sur le réseau d'un opérateur de communications électroniques ou sur le système d'information d'un fournisseur d'accès ou d'un hébergeur.

Ce dispositif est issu des travaux de la Revue stratégique de cyberdéfense rendue publique le 12 février 2018 85 ( * ) dans le but d'améliorer la protection des activités sensibles.

Renforcer le rôle des opérateurs de communications électroniques

« Les opérateurs de communications électroniques qui, au travers de leurs réseaux, connectent les systèmes d'information de leurs clients au réseau mondial, et voient passer par leurs réseaux l'ensemble des flux, ont un rôle clé à jouer dans la cyberdéfense des opérateurs essentiels à l'économie et à la société.

Les cyberattaques visant les systèmes de leurs clients peuvent en effet être détectées, bloquées, analysées et traitées au niveau des réseaux des opérateurs de communications électroniques. En outre, ces acteurs sont en mesure d'identifier et d'alerter les détenteurs de systèmes d'information vulnérables - par exemple, à partir des données techniques fournies par l'ANSSI, ce qui peut permettre de limiter drastiquement des effets d'une vague d'attaques informatiques. Les opérateurs de communications électroniques doivent donc être des partenaires majeurs de l'État dans la lutte contre la cybermenace.

Dans cette perspective, l'ANSSI a tissé de nombreux liens de partenariat avec ces opérateurs pour améliorer le niveau de cybersécurité de leurs réseaux, notamment au travers de conseils techniques et d'audit. Toutefois, compte tenu du développement de la cybermenace, un renforcement de la coopération de l'État avec les opérateurs de communications électroniques afin de renforcer l'utilisation de leurs réseaux à des fins de détection et de blocage des attaques, de prévention des incidents et d'alerte des victimes, éventuellement encadré par un nouveau cadre législatif, permettrait d'améliorer sensiblement la cybersécurité de l'ensemble des acteurs.»

SGDSN - Revue stratégique de cyberdéfense - p.64 - 12 février 2018

Il s'agit donc de mettre en oeuvre une protection de l'avant, en amont des administrations ou organisations cibles afin de détecter au plus tôt les signaux d'une cyberattaque et d'alerter les destinataires de cette attaque, grâce au déploiement de systèmes de détection chez les opérateurs qui reconnaîtront les identifiants des attaquants issus de différentes sources (catalogue de données recueillies lors d'attaques précédentes par l'ANSSI, par les services de renseignement ou par des éditeurs privés de logiciel de sécurité informatique).

L'objectif de ces dispositifs est la reconnaissance, dans le flux des données transportées par les réseaux des opérateurs, des signaux d'ores et déjà identifiés comme marqueurs techniques de sites ayant réalisé des cyberattaques, afin de donner l'alerte et d'entraver une attaque. Il ne s'intéresse, dans le contenu des correspondances échangées, qu'aux éléments techniques des liens ou des pièces jointes, porteurs de cyberattaques, répertoriés et faisant l'objet du marqueur technique installé par ou chez l'opérateur. Il ne s'agit aucunement d'une recherche de renseignements mais de la détection d'une information d'ores et déjà connue aux fins de prévention et de caractérisation d'une attaque. La ressemblance, parfois évoquée, avec certaines techniques de recueil d'information utilisée par les services spécialisés de renseignement dans le cadre de la loi du 24 juillet 2015 n'est qu'une apparence. Les dispositifs s'en différencient nettement par leur objectif et leurs finalités. Il s'agit donc d'un dispositif de protection.

Il est donc cohérent que l'organisation en soit confiée à une autorité placée au sein de la chaîne opérationnelle de la défense nationale sous la responsabilité du Premier ministre, en l'occurrence l'ANSSI, autorité nationale de sécurité des systèmes d'information , au titre de l'article L. 2321 du code de la défense, qui est un service à compétence nationale rattaché au SGDSN, et fasse l'objet d'une chaîne de contrôle spécifique.

Le Premier ministre est en effet compétent au titre de sa mission constitutionnelle de « responsable de la Défense nationale » (article 21 de la Constitution). Il dirige l'action du Gouvernement en matière de sécurité nationale et exerce la direction générale et la direction militaire de la défense (article L. 1131-1 du code de la défense) . Aux termes de l'article L. 2321 du code de la défense, il définit la politique et coordonne l'action gouvernementale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information et dispose à cette fin de l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information qui assure la fonction d'autorité nationale de défense des systèmes d'information. À la différence d'autres États, l'organisation de la cyberdéfense n'est pas confiée aux services de renseignement, mais à l'ANSSI pour la protection, compétence déléguée au Commandement de la cyberdéfense pour le périmètre du ministère des armées (à l'exception de certains services spécialisés de renseignement qui en dépendent).

Le dispositif proposé comporte deux volets, l'un de nature collaborative reposant sur un partenariat avec les opérateurs de communications électroniques, l'autre de nature plus coercitive.

Sur le plan juridique, le premier dispositif est conçu principalement dans le code des postes et des communications électroniques (alinéas 1 à 8), son contrôle sera assuré de facto par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans le cadre de ses compétences de droit commun, le second est conçu dans le code de la défense (alinéas 25 à 36), son contrôle est confié à la même Autorité de régulation, mais selon des modalités spécifiques inscrites dans le code des postes et télécommunication (alinéas 19 à 30).

Ces dispositifs étaient initialement présentés dans l'article 19. Pour la détermination des modalités selon lesquelles l'ARCEP, et plus particulièrement en son sein une formation spécialisée, veillait au respect par l'ANSSI des conditions d'application des dispositifs plus coercitifs conçus dans le code de la défense, le Gouvernement sollicitait, à l'article 20, l'habilitation du Parlement, afin de procéder par ordonnance prise dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi. La commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a précisé les conditions de ce contrôle dans l'article 19, l'article 20 n'ayant plus d'objet.

B. LES DISPOSITIFS MIS EN oeUVRE PAR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

1. Le nouvel article L. 33-14 du code des postes et des communications électroniques permet aux opérateurs l'installation de dispositifs de détection

Le volet collaboratif s'appuie sur des dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs aux seules fins de détecter des évènements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information de leurs abonnés que les opérateurs de télécommunications électroniques pourront installer et exploiter sur leurs réseaux (alinéa 3).

Les opérateurs n'ont pas l'obligation de mettre en place de tels dispositifs . L'instauration d'une obligation pour tous les opérateurs - ils sont environ 2000 - n'a pas été jugée nécessaire pour disposer d'une détection efficace. La reconnaissance par la voie législative de cette possibilité a été estimée suffisante pour que les plus importants d'entre eux soient amenés à installer ces dispositifs pour garantir une meilleure sécurité à leurs clients. Ces investissements seront financés par les opérateurs qui en seront propriétaires et pourront les configurer selon leurs besoins propres, et non par la puissance publique ( alinéa 3 ).

Les dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs (adresse IP d'attaquant, URL de site internet piégé, ....) qu'ils auront recueillis ou acquis auprès d'éditeurs de sûreté ou qui leur auront été communiqués par l'ANSSI seront installés et exploités par les opérateurs. Ils analyseront les flux transitant par leurs réseaux. Chaque fois que le marqueur circulera, il sera reconnu par le dispositif de détection et l'opérateur sera alerté. La mise en place et l'exploitation des dispositifs ne devrait avoir aucun impact sur le trafic ni sur la vitesse de circulation des données, ni sur leur intégrité.

L'ANSSI pourra demander aux opérateurs, aux fins de prévenir une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information, d'exploiter ces dispositifs. Elle pourra dans ce but fournir des marqueurs techniques (alinéa 4). L'ANSSI est, en effet, en mesure de constituer une base de marqueurs techniques issus des informations qu'elle recueille lors de l'analyse des cyberattaques affectant des administrations de l'État et les opérateurs d'importance vitale ou qui lui sont fournis par ses partenaires (autorité nationale d'États étrangers, services de renseignement, éditeur de sûreté....). Il doit être clair que les interventions réalisées à la demande de l'ANSSI constituent des obligations pour les opérateurs ayant installé un dispositif.

De fait, l'ANSSI devra néanmoins pouvoir vérifier la capacité du dispositif installé chez l'opérateur à accueillir ses marqueurs techniques, d'où l'importance de l'obligation de déclaration des dispositifs et la relation technique qui s'en suivra. Ce partenariat constituera, en outre, une incitation aux opérateurs pour proposer à leurs clients des services complémentaires de cyberdéfense ce qui renforcera la résilience des entreprises françaises aux cyberattaques.

Les données recueillies dans le cadre de l'exploitation de ces dispositifs, qu'ils utilisent ou non un marqueur fourni par l'ANSSI, autres que celles directement utiles à la prévention des menaces, sont immédiatement détruites ( alinéa 5 ).

En cas de détection d'événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information, les opérateurs en informent sans délai l'ANSSI (alinéa 6). Il s'agit là d'une obligation.

A partir de cette alerte, l'ANSSI pourra vérifier auprès des administrations et des opérateurs d'importance vitale s'ils sont affectés par cet événement et, dans ce cas, ses agents pourront obtenir de l'opérateur les données techniques strictement nécessaires à l'analyse de l'événement, sur le fondement d'un nouvel alinéa de l'article L. 2321- 3 du code de la défense ( alinéa 34 ).

En outre, l'ANSSI pourra demander aux opérateurs d'informer leurs abonnés de la vulnérabilité ou de l'atteinte subie par leurs systèmes d'information ( alinéa 7 ). Certains opérateurs ont montré une certaine réticence à cette obligation, estimant pour des raisons de concurrence qu'il serait plus judicieux que cette information soit réalisée sous le timbre de l'ANSSI, quitte à s'appuyer pour sa transmission sur les opérateurs. Tel n'est l'avis ni de l'ARCEP, ni de votre Rapporteur qui estiment que cette information aura plus de portée si elle vient de l'opérateur avec lequel les clients ont des relations fréquentes que de l'ANSSI et qu'elle contribuera également à responsabiliser les opérateurs qui ne peuvent se désintéresser complètement de la sécurité des données dont ils assurent le transport sur leurs réseaux.

Les modalités d'application du nouvel article (L. 33-14) ainsi créé dans le code des postes et des communications électroniques seront précisées par un décret en Conseil d'Etat ( alinéa 8 ) qui devra notamment préciser les caractéristiques des dispositifs mettant en oeuvre les marqueurs techniques, les conditions de fourniture et d'exploitation des marqueurs techniques fournis par l'ANSSI, les conditions de conservation et de destruction des données recueillies dans le cadre de l'exploitation de ces dispositifs, les modalités d'information de l'ANSSI en cas de détection d'événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information, notamment la nature des informations transmises (a minima le marqueur, la date et les cibles de l'attaque) et enfin, les modalités d'information des usagers.

2. Ce dispositif crée des obligations nouvelles pour les opérateurs

L'article L.33-14 crée un certain nombre d'obligations pour les opérateurs qui installeront et exploiteront sur leurs réseaux un système de détection :

• une obligation de déclaration ( alinéa 3 ) ;

• une obligation d'exploiter ces dispositifs à la demande de l'ANSSI et au besoin en recourant à des marqueurs techniques qu'elle leur fournira ( alinéa 4 ) ;

• une obligation d'information des événements détectés ( alinéa 6 ) ;

• une obligation d'informer les abonnés à la demande de l'ANSSI ( alinéa 7 ).

Les surcoûts identifiables et spécifiques des prestations réalisées à la demande de l'ANSSI pourraient donner lieu à compensation selon le principe de la garantie d'une juste rémunération (III de l'article 34-1 du code des postes et des communications électroniques) comme l'a rappelé l'avis de l'ARCEP n° 2018-0101 en date du 30 janvier 2018.

3. Ces obligations ne sont pas assorties de sanctions particulières

Il n'a pas été jugé utile de le faire, compte tenu de la base collaborative de ce volet, ce qui aurait pu avoir un effet dissuasif sur les opérateurs, cependant elles pourront faire l'objet d'un contrôle de l'ARCEP dans le cadre de ses missions actuelles.

Ce contrôle entre en effet dans la mission actuelle de l'ARCEP en application des articles L 32-1 (notamment au titre des 6° et 7° du II) et 36-7 (notamment du 3°) du code des postes et des communications électroniques .

POUVOIRS DE CONTRÔLE DE L'ARCEP

Art. L. 32-1

II. - Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d'atteindre les objectifs suivants : (...)

6° Le respect par les opérateurs de communications électroniques de la protection des données à caractère personnel, du secret des correspondances et du principe de neutralité vis-à-vis du contenu des messages transmis ;

7° L'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public et le respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;

Art. L. 36-7

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes :

3° Contrôle le respect par les opérateurs des obligations résultant des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables en vertu du présent code, (...) et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues aux articles L. 36-10 et L. 36-11. (...)

Elle dispose à cet effet des moyens juridiques (L. 32-4 86 ( * ) et L 36-13) pour recueillir les informations et procéder aux enquêtes nécessaires à l'exercice de ses missions. Elle peut, en outre, sanctionner les manquements qu'elle constate de la part des exploitants de réseau, des fournisseurs de services de communications électroniques, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des gestionnaires d'infrastructures d'accueil. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions fixées à l'article L. 36-11 87 ( * ) pouvant aller jusqu'au prononcé par la formation restreinte de mesure de suspension totale ou partielle d'autorisation et de sanctions pécuniaires.

B. LES CAPACITÉS DE RECUEIL DE DONNÉES TECHNIQUES PAR L'ANSSI

Ce volet crée des capacités d'intervention au profit de l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et des obligations pour les opérateurs. Il instaure un contrôle de l'ARCEP sur la mise en oeuvre de ces capacités.

1. L'article 19 instaure deux procédures dans le code de la défense

a) La mise en oeuvre par l'ANSSI de systèmes de détection

La première vise, dans un nouvel article L. 2321-2-1 du code de la défense, les cas où l'ANSSI a connaissance d'une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques ou des opérateurs d'importance vitale mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ( voir supra ).

Dans ce cas, le projet de loi autorise l'ANSSI à mettre en oeuvre sur le réseau d'un opérateur de communications électroniques ou sur le système d'information d'un fournisseur de services de communication au public en ligne, des dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques aux seules fins de détecter des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information. Ces dispositifs seront donc installés et exploités, à ses frais, par l'ANSSI sur le site des opérateurs et fournisseurs. Ils ne seront mis en oeuvre que pour la durée et dans la mesure strictement nécessaire à la caractérisation de la menace ( alinéas 26 et 27 ).

En utilisant le terme « autorité publique » plutôt que le terme « de l'Etat », utilisé à l'article L. 2321-3, le Gouvernement a souhaité étendre le périmètre de la prévention et les capacités de l'ANSSI.

Ces dispositifs pourront s'avérer très utiles pour déjouer une cyberattaque procédant par rebond à partir de serveurs loués ou détournés sur les sites d'opérateurs ou de fournisseurs de services de communication au public en ligne, notamment en analysant et en recueillant de nouveaux marqueurs et en identifiant les victimes.

Par ces dispositifs, l'ANSSI sera en mesure de procéder au recueil des seules données pertinentes et à leur analyse, à l'exclusion de toute autre exploitation ( alinéa 28 ).

b) Le recueil par l'ANSSI de données techniques auprès des opérateurs

La seconde procédure peut être mise en oeuvre lorsque l'ANSSI, en application de l'article L. 33-14 du code des postes et télécommunications, et grâce aux dispositifs installés par les opérateurs sur leurs réseaux, est informée de l'existence d'un événement affectant la sécurité des systèmes d'information d'une autorité publique ou d'un OIV.

Dans cette hypothèse, le projet de loi, au moyen d'un nouvel alinéa à l'article L. 2321-3 du code de la défense, permet aux agents de l'ANSSI, habilités par le Premier ministre et assermentés 88 ( * ) d'obtenir des opérateurs de communications électroniques, les données strictement nécessaires à l'analyse de cet événement. Il est précisé que les données ne peuvent être exploitées qu'aux seules fins de caractériser la menace affectant la sécurité de ces systèmes, à l'exclusion de tout autre exploitation ( alinéas 33 et 34 ).

S'agissant de ces « données strictement nécessaires », il s'agira de données parmi celles recueillies et conservées par les opérateurs au titre des dispositions visées à l'alinéa 4, « utiles à la prévention de la menace ».

2. Des obligations pour les opérateurs et pour les fournisseurs de services de communication en ligne

Le second volet crée des obligations pour :

• les opérateurs de communications électroniques tels que définis par le code des postes et des communications électroniques

Aux termes du Code des postes et des communications électroniques (CPCE), un opérateur de communications électroniques désigne « toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques » (article L. 32, 15° CPCE).

Cette définition met en lumière les deux types d'activité que peut exercer un opérateur de communications électroniques. Ces activités consistent soit en l'exploitation d'un réseau de communications électroniques ouvert au public, soit en la fourniture au public d'un service de communications électroniques 89 ( * ) .

• les fournisseurs de services de communication en ligne au titre des systèmes d'information de personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

I.-1. Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne (...) ;

2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services (...) .

Ces obligations ne font pas l'objet de sanctions spécifiques mais les manquements pourront être sanctionnés dans le cadre du contrôle général des services de communications électroniques confiés à l'ARCEP ( voir supra ).

3. Durée de conservation des données

Les données recueillies directement par l'ANSSI en application du nouvel article L. 2321-2-1 ou obtenues en application du second alinéa de l'article L. 2321-3 ne pourront être conservées plus de cinq ans 90 ( * ) ( alinéa 2 9).

La conservation des données techniques pertinentes est nécessaire afin d'alimenter une banque de marqueurs et de pouvoir, le cas échéant, les comparer avec des données recueillies ultérieurement, notamment dans les systèmes d'information des autorités ou des OIV.

Il est également précisé que les données recueillies autres que celles directement utiles à la prévention de la menace sont immédiatement détruites ( alinéa 30 ).

S'agissant des données obtenues au titre du nouvel alinéa de l'article L 2321-3, on rappellera qu'il ne s'agit, selon les dispositions de l'article L. 33-14 du code des postes et des communications électroniques que des données directement utiles à la prévention des menaces, les autres étant immédiatement détruites, strictement nécessaires à l'analyse de la cyberattaque. Ces données ne peuvent être exploitées qu'aux seules fins de caractériser la menace affectant la sécurité des systèmes visés, à l'exclusion de tout autre exploitation ( alinéa 34 ).

4. Un contrôle exercé par l'ARCEP en vertu de compétences nouvelles

En application d'un nouvel article L. 2321-5 du code de la défense, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est chargée de veiller au respect par l'ANSSI des conditions d'applications des deux dispositifs proposés ( alinéas 35 et 36 ).

En conséquence, il est créé des dispositions nouvelles dans le code des postes et des communications électroniques (en miroir, au 12° de l'article L.36-7 91 ( * ) pour compléter la liste des compétences de l'ARCEP et lui permettre de veiller au respect par l'ANSSI des conditions d'application des articles L. 2332-2-1 et L. 2321-3 du code de la défense ( alinéas 9 et 10 ), les modalités étant renvoyées à une ordonnance prévue à l'article 20 du projet de loi.

III. La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a précisé et complété le texte, notamment en définissant, dans l'article 19, les modalités de contrôle par l'ARCEP du respect par l'ANSSI des conditions d'application des dispositifs insérés dans le code de la défense et qui lui permettent d'installer des dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques (article L. 2321-2-1) ou de recueillir des données strictement nécessaires à l'analyse d'un événement affectant la sécurité des systèmes d'information d'une autorité publique ou d'un OIV (article L. 2321-3).

A. LES PRÉCISIONS APPORTÉES AU DISPOSITIF MIS EN oeUVRE PAR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

1. L'instauration d'une obligation de déclaration (alinéa 3)

Dans la rédaction initiale de l'article 19, il n'était pas fait obligation aux opérateurs de déclarer l'installation sur les réseaux qu'ils exploitent des dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques aux seules fins de détecter des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information de leurs abonnés. O r, cette déclaration est indispensable pour permettre à l'ANSSI de demander aux opérateurs disposant de ces capacités de les exploiter , en recourant, le cas échéant, à des marqueurs techniques qu'elle leur fournit, lorsqu'elle a connaissance d'une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information ( alinéa 4 ) et pour, dans les conditions prévues à l'article L. 2321-3 du code de la défense, recueillir des données strictement nécessaires à l'analyse d'un événement affectant la sécurité des systèmes d'information d'une autorité publique ou d'un OIV ( alinéas 33 et 34 ).

Elle est également indispensable pour permettre à l'ARCEP d'exercer le contrôle du respect de leurs obligations par les opérateurs (voir supra).

2. Trois amendements rédactionnels

L'Assemblée nationale a également adopté en commission trois amendements rédactionnels.

Le premier place l'alinéa relatif à la conservation et à la destruction immédiate des données inutiles à la prévention des menaces après l'alinéa 4 relatif à l'exploitation de dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques et non plus après l'alinéa relatif à l'information de l'ANSSI en cas de détection d'un événement, ce qui est logique puisque les dispositions de cet alinéa s'appliquent dès l'exploitation. Il doit également être entendu que ces dispositions s'appliquent à ces dispositifs quel que soit le marqueur utilisé et le mode d'exploitation retenu par l'opérateur ( alinéa 5 ).

Les deux autres ont pour objet de corriger une erreur de syntaxe ( alinéa 3 ) et une erreur typographique ( alinéa 7 ).

B. UN RENFORCEMENT DES CAPACITÉS D'INSTALLATION DE DISPOSITIFS TECHNIQUES PAR L'ANSSI

1. Un recentrage sur la détection des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques et des OIV

En commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, avec l'accord du Gouvernement, pour substituer la mention « des dispositifs mettant en oeuvre »  des marqueurs techniques utilisée dans l'article L. 33-14 ( nouveau ) du code des postes et télécommunications électroniques à la mention de « système de détection recourant à » figurant dans le texte du Gouvernement ( alinéa 27 ).

Outre un amendement purement rédactionnel, elle a également adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement de précision pour dire que les dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques n'ont pour finalité que la détection des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques et des OIV, répondant ainsi précisément et exclusivement aux termes de la menace énoncée au début de cet alinéa ( alinéa 27 ).

2. La qualification des agents de l'ANSSI autorisés à procéder au recueil et à l'analyse des données (alinéa 28)

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a, en commission avec l'accord du Gouvernement, adopté un amendement prévoyant d'encadrer le dispositif en précisant que les agents de l'A NSSI qui pourront recueillir et exploiter les données techniques fournies par les dispositifs de détection devront être individuellement désignés et spécialement habilités à cet effet. Ceci permettra d'assurer une meilleure traçabilité des opérations réalisées par l'ANSSI (alinéa 28) .

La solution consistant à aligner cette qualification sur celle prévue à l'article L. 2123-3 permettant, pour les besoins de la sécurité des systèmes d'information de l'État et des OIV à des agents de l'ANSSI, habilités par le Premier ministre et assermentés dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'État pour obtenir des opérateurs de communications électroniques, en application du III de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques l'identité, l'adresse postale et l'adresse électronique d'utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d'information vulnérables, menacés ou attaqués, afin de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système, n'a pas été retenue parce qu'il ne s'agit pas, dans le cas de l'article 19, du recueil de données personnelles mais de données techniques malveillantes, et parce que l'assermentation implique une organisation lourde peu compatible avec le nombre d'agents concernés au sein du centre d'opérations de l'ANSSI, lequel, au surplus, est confronté à une forte rotation, ce qui risquerait d'en altérer les capacités et représenterait une véritable contrainte.

3. L'allongement de la durée de conservation des données recueillies

L'Assemblée nationale a, en commission et avec l'accord du Gouvernement, porté de 5 à 10 ans la durée de conservation des données afin de renforcer l'efficacité du dispositif. En effet, la « mémoire » et l'historique des événements de sécurité passés sont essentiels à la prévention des cyberattaques ( alinéa 29 ).

Souvent les attaques ne sont pas lancées immédiatement après la pénétration d'un système : l'attaquant commence par analyser ce système, le cartographier, préparer les outils de destruction qu'il mettra en oeuvre au moment qu'il jugera opportun. Telle donnée saisie à un instant donné peut ne pas être identifiée comme malveillante à cet instant, mais sera caractérisée ultérieurement lors du déclenchement effectif de l'attaque. Plus la banque de données techniques sera enrichie et accessible dans le temps, plus grande sera l'efficacité de nos dispositifs de détection et la résilience de nos systèmes d'information.

La durée de dix ans est considérée comme la durée de validité des systèmes d'exploitation dans le secteur public, entre deux renouvellements.

4. L'extension de la finalité du recueil à la caractérisation des menaces

L'Assemblée nationale a adopté en commission un amendement de cohérence avec les dispositions dans le premier alinéa de l'article L. 2321-2-1 (nouveau) pour préciser que les données conservées sont celles directement utiles à la prévention et « à la caractérisation » des menaces ; les autres données étant immédiatement détruites ( alinéa 30 ).

5. L'introduction de sanctions pénales en cas d'obstacle mis par un opérateur à l'installation par l'ANSSI des dispositifs techniques de détection

Selon les termes d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en commission avec l'accord du Gouvernement, le fait pour un opérateur, un fournisseur de service ou leurs agents de faire obstacle à l'installation et à la mise en oeuvre par l'ANSSI des dispositifs recevant les marqueurs techniques afin de détecter des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques et des OIV (article L. 2321-2-1 du code de la défense) pourra être sanctionné pénalement en application de l'article L. 2321-2-2 ( nouveau ) du code de la défense, d'une peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ( alinéa 31 ) et les personnes physiques coupables de cette infraction encourent également un interdiction d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise pour une durée pouvant aller jusqu'à 5 ans ( alinéa 32 ).

Aucun mécanisme de sanction pénale n'était prévu dans le dispositif initial proposé par le Gouvernement. Les seuls mécanismes de sanction applicables relevaient du contrôle général de l'ARCEP selon les dispositions des articles L. 36-7 et L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques (voir supra).

Le niveau des sanctions a été calé sur celui figurant aux articles L. 39 et L. 39-3 du code des postes et des communications électroniques.

L'introduction de ces dispositions a suscité quelques interrogations chez les opérateurs. En permettant, si besoin, d'entamer une action directement sans passer par la procédure de constatation, recommandation et mise en demeure, classique mais nécessairement longue, de l'ARCEP, ce mécanisme répond également à de potentiels besoins d'intervention urgente qui pourraient s'avérer nécessaires pour répondre à certaines menaces. Le mécanisme aura un effet essentiellement dissuasif.

C. LES MODALITÉS DE CONTRÔLE PAR L'ARCEP DU RESPECT PAR L'ANSSI DES CONDITIONS D'APPLICATION DES DISPOSITIFS INSÉRÉS DANS LE CODE DE LA DÉFENSE

Par un nouvel article L. 36-14, adopté en commission, l'Assemblée nationale a détaillé les modalités d'organisation et de mise en oeuvre de ce contrôle ( alinéas 11 à 18 ).

Cet article nouveau prévoit que la mission sera confiée à la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction, prévue à l'article L. 130 du code des postes et des communications électroniques 92 ( * ) ( alinéa 32 ) qui sera également modifié à cet effet par coordination ( alinéas 20 et 21 ). Il est également prévu d'adapter les dispositions du code des postes et des communications électroniques relatives à la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP afin d'habiliter ses membres (article L.131) et ses personnels (article L.132) au secret de la défense nationale lorsque l'accomplissement de leur mission l'exige (alinéas 22 à 24 ).

Cette formation sera informée sans délai par l'ANSSI des mesures mises en oeuvre sur le site des opérateurs en application de l'article L. 2321-2-1 du code de la défense et des demandes de communication des données techniques strictement nécessaires à l'analyse des évènements affectant la sécurité des systèmes d'information d'une autorité publique ou d'un OIV en application de l'article L. 2321-3 du même code ( alinéa 13 ).

Elle disposera d'un accès complet aux données recueillies ou obtenues et pourra solliciter de l'ANSSI tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission ( alinéa 14 ).

Elle pourra adresser à l'ANSSI toute recommandation qu'elle juge nécessaire aux fins d'assurer la régularité des mesures mises en oeuvre et sera informée des suites données à ses recommandations ( alinéa 15 ). Si l'ANSSI ne donne pas suite à ces recommandations ou que la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction estime insuffisantes les suites données, elle pourra enjoindre à l'ANSSI d'interrompre des opérations ou la destruction des données ( alinéa 16 ).

L'ARCEP remettra chaque année au Gouvernement et au Parlement, dans le respect du secret de la défense nationale, un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats du contrôle exercé à ce titre ( alinéa 17 ).

IV - La position de votre commission

Si le dispositif dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale est opportun pour répondre aux menaces, sa mise au point par étapes successives et dans une certaine urgence, pour profiter de l'opportunité offerte par l'examen de la loi de programmation militaire, laisse des possibilités d'amélioration.

A. PRÉCISER LE RÉGIME DU RECUEIL DES DONNÉES PAR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Il convient de préciser certaines modalités relatives au recueil des données par les opérateurs de communications électroniques aux moyens des dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques.

1. Clarifier l'obligation d'exploitation des dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques à la demande de l'ANSSI

L' alinéa 4 prévoit que l'ANSSI puisse demander aux opérateurs d'exploiter leurs dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques, en recourant, le cas échéant, à des marqueurs qu'elle leur fournit, lorsqu'elle a connaissance d'une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information. Par ces termes, il est entendu que l'ANSSI dispose de la faculté de demander l'exploitation des dispositifs aux opérateurs, il doit être clair qu'à partir du moment où elle formule cette demande, l'opérateur est tenu d'y apporter une réponse positive en exploitant effectivement les dispositifs qu'il aura installés et déclarés préalablement ( alinéa 3 ).

Votre commission propose un amendement pour affirmer ce caractère obligatoire.

2. Fixer une durée pour la conservation, par les opérateurs, des données techniques strictement nécessaires à la caractérisation d'un évènement détecté

Il est prévu à l'alinéa 5 que les données recueillies dans le cadre de l'exploitation de ces dispositifs, autres que celles directement utiles à la prévention des menaces, sont immédiatement détruites. Cette rédaction est imprécise et n'encadre pas suffisamment cette action des opérateurs.

En effet, cette opération pourrait constituer une dérogation aux dispositions inscrites aux I et au II de l'article L. 34-1 relatif au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la fourniture au public de services de communications électroniques et qui prévoient notamment que les opérateurs de communications électroniques, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic sous réserve de dérogations. Des dérogations sont prévues par exemple au III du même article, notamment pour la recherche, la constatation et la poursuite des infractions pénales ou encore pour les besoins de la prévention des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données de permettre la mise à disposition à l'autorité judiciaire ou à l'ANSSI, qui permettent de différer d'une année les opérations d'effacement ou d'anonymisation. Il est souhaitable de fixer un terme à la conservation des données.

Cette durée permettra, en outre, à l'ANSSI de disposer de quelque délai pour effectuer les demandes de communication des données techniques strictement nécessaires à l'analyse d'un événement affectant la sécurité des systèmes d'information d'une autorité publique ou d'un OIV, prévu à l'article L. 2321-3 (alinéa 34), lesquelles, une fois obtenues, pourront être conservées pour une durée maximale de 10 ans.

Il est également utile, par cohérence avec la rédaction de cet article, que les données permettant de caractériser la menace affectant la sécurité de ces systèmes soient conservées et non les seules directement utiles à sa prévention.

Votre commission propose d'inscrire dans l'alinéa 5 cette durée maximale de conservation et de préciser que les données recueillies et conservées peuvent également être utiles à la caractérisation de la menace .

3. Améliorer la rédaction de l'alinéa 7

Votre commission propose à l'alinéa 7 un amendement rédactionnel.

4. Préciser le contenu des modalités qui seront incluses dans un décret en Conseil d'Etat

D'une façon générale, votre Rapporteur a eu quelques difficultés à se faire communiquer de façon précise et exhaustive les catégories de données recueillies par les dispositifs mettant en oeuvre des marqueurs techniques pouvant être conservés par les opérateurs. Il importe que le décret en Conseil d'Etat prévu à l'alinéa 8 détermine de façon exhaustive les catégories de données pouvant être conservées et par conséquent, celles devant être systématiquement et immédiatement détruites.

Tel est l'objet de l'amendement présenté par votre commission .

B. L'AMÉNAGEMENT DES CAPACITÉS D'INSTALLATION DE DISPOSITIFS TECHNIQUES PAR L'ANSSI

1. Étendre le périmètre de surveillance aux opérateurs de services essentiels

L'article 19 permet à l'ANSSI, lorsqu'elle a connaissance d'une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques ou des OIV, de mettre en oeuvre des dispositifs de détection sur le réseau d'un opérateur de communications électroniques ou sur le système d'information d'un fournisseur de communication au public en ligne afin de détecter des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information desdits autorités publiques et ou OIV (alinéas 27 et 28) et d'obtenir des opérateurs, lorsqu'elle est informée, en application de l'article L. 33-14 du code des postes et des communications électroniques, de l'existence d'un événement affectant la sécurité de ceux-ci, les données strictement nécessaires à l'analyse de cet événement ( alinéa 34 ).

Depuis l'adoption par le Parlement de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité, et notamment de ses articles 5 à 9, les opérateurs, publics ou privés, offrant des services essentiels au fonctionnement de la société ou de l'économie et dont la continuité pourrait être gravement affectée par des incidents touchant les réseaux et systèmes d'information nécessaires à la fourniture desdits services sont soumis à des règles de sécurité fixées par le Premier ministre. Ces règles ont pour objet de garantir un niveau de sécurité adapté au risque existant, compte tenu de l'état des connaissances, de définir les mesures appropriées pour prévenir les incidents qui compromettent la sécurité des réseaux et systèmes d'information utilisés pour la fourniture des services essentiels ou en limiter l'impact afin d'assurer la continuité de ces services. Elles peuvent aller jusqu'à la possibilité de prescrire que les opérateurs recourent à des dispositifs matériels ou logiciels ou à des services informatiques dont la sécurité a été certifiée. Les opérateurs sont également tenus, sous peine de sanctions pénales, d'effectuer auprès de l'ANSSI la déclaration des incidents affectant les réseaux et systèmes d'information nécessaires à la fourniture de services essentiels, lorsque ces incidents ont ou sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur la continuité de ces services. Le Premier ministre peut, en outre, soumettre les opérateurs à des contrôles destinés à vérifier le respect de ces obligations et, en cas de manquement, l'ANSSI peut mettre en demeure les dirigeants de l'opérateur concerné de se conformer aux obligations qui incombent à l'opérateur.

Ces règles sont voisines de celles imposées pour les mêmes fins aux opérateurs d'importance vitale visés par les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense.

Pour consolider le système mis en place par l'article 19, il est souhaitable d'étendre aux menaces susceptibles de porter atteinte à la sécurité des systèmes d'information des opérateurs de services essentiels, le le périmètre des conditions permettant à l'ANSSI de détecter (alinéas 27 et 28) ou de caractériser une cyberattaque (alinéa 34). Ces opérateurs dont le nombre est estimé à quelques centaines bénéficieront du dispositif de détection sans que cela représente pour eux une charge supplémentaire.

Enfin, par cohérence également, il est utile de modifier la rédaction du premier alinéa de l'article L. 2321-3 qui permet à l'ANSSI d'obtenir des opérateurs de communications électroniques pour les besoins de la sécurité des systèmes d'information de l'Etat et des OIV, des données concernant les utilisateurs ou détenteurs de systèmes vulnérables, menacés ou attaqués, afin de les alerter sur la vulnérabilité ou « la compromission » de leur système, aux « autorités publiques » et non au seul « État » ainsi qu'il est proposé dans la rédaction pour l'article L. 2321-2-1 ( alinéas 27 et 28 ) et pour le deuxième alinéa de l'article L. 2321-3 ( alinéa 34 ) et aux opérateurs de services essentiels, mais aussi, par cohérence avec la rédaction proposée à l'alinéa 7 , selon laquelle les opérateurs à la demande de l'ANSSI informent leurs abonnés de la vulnérabilité ou « de l'atteinte » à leurs systèmes d'information, il convient de remplacer le terme « compromission » qui figure au premier alinéa de l'article L. 2321-3 par « atteinte » qui est un terme plus juste dans la mesure où une cyberattaque peut dans un premier temps atteindre un système d'information sans entraîner de compromission, de corruption ou de destruction de données, pour préparer une action plus violente à l'encontre de ce système ou d'un système avec lequel il est en relation ou simplement aux fins d'espionnage.

Ces nouvelles dispositions renforceront le dispositif de prévention au profit de ces opérateurs sans créer, pour ceux-ci, de nouvelles obligations et la résilience globale de la Nation aux cyberattaques.

À cette fin, votre commission propose d'amender, en ce sens, les alinéas 27, 28, 33 et 34.

2. Préciser le contenu des modalités qui seront incluses dans un décret en Conseil d'État

De la même façon qu'un décret en Conseil d'État devra déterminer les catégories de données pouvant être conservées par les opérateurs de communications électroniques, il y a lieu de prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat détermine celles susceptibles d'être collectées par l'ANSSI au moyen des dispositifs qu'elle sera autorisée à installer sur le réseau d'un opérateur de communications électroniques ou sur le système d'information d'un fournisseur de communication en ligne afin de détecter des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information des autorités publiques et des OIV pour l'application de l'article L. 2321-2-1 ( alinéa 29 ).

Tel est l'objet de l'amendement présenté par votre commission .

3. Préciser la définition des infractions susceptibles d'être commises par les opérateurs pénalement sanctionnés et aménager le régime des sanctions

L'Assemblée nationale a introduit des dispositions pour sanctionner pénalement le fait pour un opérateur de communications électroniques, un fournisseur de services de communication au public en ligne ou leurs agents, de faire obstacle à la mise en oeuvre par l'ANSSI des dispositifs de détection prévus à l'article L. 2321-2-1 du code de la défense.

Elle n'a pas prévu de dispositions analogues pour sanctionner les opérateurs de communications électroniques ou leurs agents qui refuseraient de communiquer les données techniques strictement nécessaires à l'analyse des cyberattaques visées au deuxième alinéa de l'article L. 2321-3.

Cette abstention est justifiée par la volonté de ne pas dissuader les opérateurs d'installer des dispositifs de détection ce qui ne constitue pas en soi une obligation, mais est essentiel pour la mise en oeuvre du système de détection de l'article L. 33-14 du code des postes et communications électroniques.

Les sanctions prévues sont une peine d'emprisonnement d'un an, une amende de 75 000 euros et une interdiction d'exercice de l'activité professionnelle à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Même si l'objectif est essentiellement dissuasif, il aurait sans doute plus d'efficacité en augmentant le montant des amendes et en supprimant la peine d'emprisonnement qui n'aura guère de chance d'être effectivement appliquée. En cohérence avec les dispositions de l'article L. 1321-7 du code de la défense qui permettra de sanctionner les dirigeants des OIV en cas de manquement aux règles posées par les articles L. 1332-6-1 et suivants dudit code et avec celles inscrites à l'article 9 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité, s'agissant des opérateurs de services essentiels, il serait plus cohérent de prévoir un montant de 150 000 euros compte tenu de la gravité des dommages que ces manquements risquent d'avoir pour conséquence.

Votre commission présente un amendement afin de modifier les sanctions applicables.

4. Prévoir l'application du principe de la juste rémunération des opérateurs

Par une décision n° 2001-441 DC du 20 décembre 2000 93 ( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré que, « s'il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d'imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs ». Il a ainsi établi le principe de rémunération de ces concours.

Si ce principe est inclus dans le code des postes et télécommunications et permet, le cas échéant, de compenser les nouvelles charges résultant des obligations posées par le nouvel article L. 33-14. En revanche, il n'est pas prévu, dans le code de la défense, de dispositifs de compensation des charges induites par les obligations prévues aux articles L. 2331-2-1 et L. 2321-3 du code de la défense.

Votre Rapporteur aurait souhaité introduire un dispositif de cette nature dans le code de la défense afin de clarifier cette situation. En effet, s'il semble que l'article L. 33-14 permet de couvrir le cas de la fourniture des données techniques visées à l'article L. 2321-3 du code de la défense, en revanche, il est insuffisant, selon notre analyse, pour préciser les modalités de mise en oeuvre du principe de la compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations réalisées pour permettre à l'ANSSI de mettre en oeuvre ses dispositifs de détection sur les réseaux des opérateurs ou les systèmes d'information des fournisseurs dans les conditions prévues à l'article L. 2321-2-1 du code de la défense. Cependant, créant ainsi une dépense nouvelle pour l'Etat, et bien que celle-ci soit de droit selon la décision du Conseil constitutionnel, et que son coût pour le budget de l'Etat estimé par l'étude d'impact 94 ( * ) à un millier d'euros par opérateur et par an soit marginal, un amendement pour introduire ce mécanisme serait contraire à l'article 40 de la Constitution. Il reviendra donc au Gouvernement d'en définir en concertation avec les opérateurs et fournisseurs concernés les modalités.

3. LES CONSOLIDATIONS DES MODALITÉS DE CONTRÔLE PAR L'ARCEP DU RESPECT PAR L'ANSSI DES CONDITIONS D'APPLICATION DES DISPOSITIFS INSÉRÉS DANS LE CODE DE LA DÉFENSE

L'Assemblée nationale a précisé les modalités de contrôle par l'ARCEP du respect par l'ANSSI des conditions d'application des dispositifs insérés dans le code de la défense.

L'effectivité du contrôle reposera largement sur les moyens dont disposera l'ARCEP pour le mettre en oeuvre.

1. Faciliter l'accès de la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP aux données collectées

Il convient d'abord de faciliter son contrôle en précisant qu'elle pourra avoir un accès permanent aux données et aux dispositifs de traçabilité des données collectées par l'ANSSI au titre des articles L. 2321-2-1 et L. 2321-3 ce qui lui permettra d'accéder plus aisément aux données ( alinéa 14 ). L'ANSSI mettra en place un registre pour assurer cette traçabilité. La notion de permanence doit s'entendre comme la capacité de l'ARCEP de demander à tout moment les informations nécessaires pour exercer son contrôle a posteriori. Cela ne suppose pas une mise en oeuvre d'un contrôle en temps réel.

Tel est l'objet de l'amendement présenté par votre commission .

2. Donner à la formation spécialisée de l'ARCEP la capacité de se faire assister par des experts

Les compétences nouvelles attribuées à l'ANSSI ne devraient pas être excessivement lourdes. Le Gouvernement a indiqué à l'autorité qu'elle pourrait, à compter du 1 er janvier 2019, disposer de deux emplois supplémentaires au titre de leur exercice.

Cette évaluation est approximative et purement quantitative. Il faudra que l'ARCEP se dote des compétences techniques nécessaires et selon son volume d'activité, il n'est pas certain que l'emploi d'un fonctionnaire ou d'un contractuel à temps complet soit nécessaire. En revanche, sa capacité à se faire assister d'experts dans ses opérations de contrôle serait bienvenue.

Tel est l'objet de l'amendement présenté par votre commission qui prévoit que ces experts seront individuellement désignés et habilités au secret de la défense nationale .

3. Donner au président de l'ARCEP la possibilité de déposer un recours devant le Conseil d'État lorsque l'ANSSI ne se conformait pas à ses injonctions

L'article 19 ( alinéa 16 ) indique que lorsque l'ANSSI ne donne pas suite aux recommandations que lui adresse l'ARCEP ou lorsque la formation spécialisée estime insuffisantes les suites données par l'ANSSI à ces recommandations, elle peut enjoindre celle-ci d'interrompre les opérations et de détruire les données recueillies.

Ce dispositif graduel est cohérent, mais il demeure incomplet ou insuffisant en ce qu'il ne prévoit pas ce qu'il adviendrait si après avoir méconnu les recommandations de l'ARCEP, l'ANSSI n'obtempérait pas à ses injonctions.

Sans doute, l'ARCEP pourrait-elle saisir le juge administratif pour faire respecter sa décision, encore que cette question demeure incertaine s'agissant d'une autorité administrative indépendante si ce recours n'est pas fondé sur une disposition législative. Au surplus, la procédure administrative risque d'être longue pour trancher ce différend sauf à recourir au référé ce qui, dès lors, pourrait s'avérer très pénalisant pour l'ANSSI si les revendications de l'ARCEP étaient considérées comme exagérément contraignantes alors qu'une décision urgente est attendue. La solution serait de permettre une solution rapide de ce contentieux par la plus haute juridiction administrative et dans un délai compatible avec les circonstances potentiellement d'urgence, d'une intervention, en mettant rapidement un terme à une situation d'insécurité juridique.

Le projet de loi a, en outre, prévu que les membres et les personnels de la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction de l'ARCEP seraient habilités au secret de la défense nationale, car susceptibles de prendre connaissance d'informations classifiées dans l'exercice de leur mission. Dès lors, la juridiction en charge du contentieux éventuel entre l'ARCEP et l'ANSSI ne pourrait être que la formation spécialisée du Conseil d'État prévue au titre VII du livre VII du code de la justice administrative dont les membres sont habilités ès qualité. Pour ce faire, il convient d'insérer des dispositions tant dans le code des postes et des communications électroniques que dans le code de la justice administrative.

Votre commission propose d'insérer dans l'article 19 deux nouveaux alinéas : le premier pour prévoir, dans le code des postes et communications électroniques, la possibilité pour le président de l'ARCEP de saisir le Conseil d'État, le second pour prévoir, dans le code de la justice administrative, les modalités d'examen de ces recours compte tenu de la classification de certaines informations.

4. Préciser les modalités d'information du Parlement

L'article 19 envisage une information du Gouvernement et du Parlement par un rapport annuel d'activité de l'ARCEP sur les conditions d'exercice et les résultats du contrôle exercé du respect par l'ANSSI des conditions d'applications des dispositifs insérés dans le code de la défense.

Il est indiqué que ce rapport d'activité est remis « sous réserve du respect du secret de la défense nationale ». On imagine mal qu'une autorité administrative indépendante, dont les membres et les personnels en charge de ce contrôle sont habilités au secret de la défense nationale, puisse enfreindre les règles du secret de la défense à l'occasion de la publication d'un rapport d'activité dont le principal objet sera de retracer la façon dont l'ARCEP et sa formation spécialisée auront organisé le contrôle et de produire un certain nombre de statistiques : le nombre de contrôles réalisés, le nombre d'informations transmises par l'ANSSI, le nombre de recommandations émises et le nombre d'injonctions adressées à l'intention de l'ANSSI ainsi que les résultats de ces recommandations et injonctions...

En revanche, il peut être utile que le président de l'ARCEP puisse formuler auprès de hautes autorités de l'Etat, comme le Premier ministre et les présidents des assemblées parlementaires, les observations qu'elle juge utiles en ce domaine.

Tel est l'objet de l'amendement présenté par votre commission .

D. LE RENFORCEMENT DE LA CYBERDÉFENSE A UN COÛT

Si la préoccupation à laquelle répond l'article 19 n'est pas étrangère à la défense nationale, les organismes qui seront chargés de sa mise en oeuvre, à savoir l'ANSSI, d'une part, et l'ARCEP, d'autre part, n'entrent pas dans le périmètre de la loi de programmation militaire 2019-2025.

Si l'étude d'impact essaie de décrire les impacts économiques des dispositions de l'article 19, elle est très incomplète dans la mesure où elle ne présente aucune estimation globale des crédits nécessaires pour la rémunération des opérateurs lorsqu'ils demanderont, en application du I de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, la compensation des coûts de mise en oeuvre, mais une simple estimation du coût pour les opérateurs de la mise en place des dispositifs de détection de l'ANSSI (un millier d'euros par dispositif et du nombre (20) susceptible d'être installé par l'ANSSI).

Elle n'inclut pas le coût d'investissement pour la mise au point des dispositifs par l'ANSSI, ni le coût des personnels qui seront chargés de les mettre en place, de les exploiter et d'analyser les données techniques recueillies par ces dispositifs et celles transmises par les opérateurs de communications électroniques.

Enfin, s'il est prévu de créer 2 ETP au profit de l'ARCEP à raison de ces nouvelles missions, il est probable qu'il sera opéré un transfert à partir du plafond d'emplois de l'ANSSI.

Ces coûts s'ajouteront pour l'ANSSI à ceux nécessaires à la mise en oeuvre de la stratégie nationale de cyberdéfense du 12 février 2018 , les dispositions de l'article 19 ne constituant qu'un élément d'une stratégie de protection et de résilience dont le principal défaut est de ne pas être chiffrée et alors même que votre Commission avait observé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 la tension sur les effectifs et les moyens de l'agence.

« Sans anticiper sur les conclusions de la Revue de la stratégie Cyber, actuellement conduite par le SGDSN, et au vu des conclusions de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale publiée en octobre 2017, le renforcement des moyens de l'ANSSI sera à l'ordre du jour des prochaines années, compte tenu du développement des menaces et de la croissance des enjeux en raison de la numérisation croissante des activités humaines. »

« La croissance des effectifs a d'ores et déjà permis à l'agence de passer de 122 ETP en 2009 à 547 ETP fin 2017. Les évolutions opérationnelles prévisibles à l'horizon 2022 conduisent à autoriser le recrutement de 25 ETP an sur le schéma d'emplois. A la fin de l'année prochaine, l'agence devrait ainsi compter 572 ETP. L'ANSSI considère toutefois que son effectif devrait être d'une centaine d'agents supplémentaires pour être en mesure de réaliser l'ensemble de ses missions. Cet objectif ne sera atteint qu'en 2022 (675 ETP) ce qui n'est sans doute pas à la hauteur des enjeux. »

Avis n° 110 (2017-2018) de MM Olivier Cadic et Rachel Mazuir fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 23 novembre 2017.

Cette distorsion entre les missions et les moyens de l'agence est inquiétante et votre commission sera très vigilante à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 sur les solutions qui seront apportées à ces insuffisances. A l'heure des arbitrages budgétaires sur les crédits du programme 129 de la mission « Direction de l'action du gouvernement », elle attire l'attention du Premier ministre sur cette question.

Outre deux amendements communs avec la commission des lois saisie pour avis, pour améliorer le cadre de mise en oeuvre des dispositifs de détection par les opérateurs de communications électroniques et le contrôle de l'ARCEP sur l'ANSSI, d'une part, et pour préciser les dispositions relatives à l'installation de dispositifs de détection par l'ANSSI d'autre part, la commission a adopté un amendement de votre rapporteur pour étendre le périmètre de la protection aux opérateurs de services essentiels, et un amendement de la commission des lois relatif à la compensation des surcoûts pour les opérateurs.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 20 - (Supprimé) - Habilitation à légiférer par ordonnances pour la mise en oeuvre du contrôle confié à l'ARCEP par l'article 19

L'article 20 du projet de loi déposé par le Gouvernement avait pour objet d'habiliter le Gouvernement à définir, par ordonnance, le régime de contrôle du respect par l'ANSSI des conditions de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 2321-2-1 et du second alinéa de l'article L. 2321-3 du code de la défense, créées par l'article 19, ainsi que les modalités d'organisation de l'ARCEP pour la réalisation de cette mission le cas échéant, en créant, en son sein, une formation spécialisée.

L'Assemblée nationale, en commission, a estimé que le recours aux ordonnances n'est pas justifié et qu'il importait que ces modalités fussent déterminées par le Parlement dans le cadre de la présente loi de programmation et qu'au surplus la détermination du régime de contrôle par le texte permettrait une mise en oeuvre rapide des nouvelles dispositions.

La commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a précisé les conditions de ce contrôle dans l'article 19, l'article 20 n'ayant dès lors plus d'objet.

Votre commission a maintenu cette suppression.

Article 21 - (Art. L. 4123-12 du code de la défense) - Excuse pénale des cyber-combattants

L'article 21 du présent projet de loi tend à permettre aux cyber-combattants des forces armées de bénéficier du régime dit « d'excuse pénale » dans le cadre de leur participation à des opérations extérieures.

I - Le droit en vigueur

Le régime dit « d'excuse pénale »  des militaires, codifié à l'article L. 4123-12 du code de la défense, a été instauré par la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires. Il a été complété par l'article 31 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 de programmation militaire (2014-2019).

Il permet de prendre en compte la spécificité de l'action de combat, en autorisant les militaires, en l'état du droit et hors cas de légitime défense, à exercer des mesures de coercition, faire usage de la force armée ou à en donner l'ordre, sans que leur responsabilité pénale puisse être engagée :

• dans le cadre d'une opération mobilisant des capacités militaires « quels que soient l'objet, la durée ou l'ampleur de ladite opération y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer 95 ( * ) »,

• se déroulant à l'extérieur du territoire national « ou des eaux territoriales françaises 96 ( * ) »,

• sous réserve du respect des règles du droit international,

• lorsque cela est nécessaire à l'exercice de la mission conduite.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 21 du projet de loi prévoit d'ajouter à cette liste les actions numériques. Il permettra de faire bénéficier de ce régime protecteur, et par application des mêmes critères et limites, les cyber-combattants engagés, dans l'espace numérique, dans des actions de combats produisant leurs effets à l'étranger, dès lors que leurs actions seraient assimilées à un recours à la force afin de les prémunir contre toute interprétation restrictive des dispositions actuelles par les juridictions répressives.

La clarification apportée par le présent article est légitime, utile et nécessaire, dès lors que les capacités des armées dans ce domaine vont être considérablement renforcées et que la cyberdéfense est désormais présente dans l'ensemble des contrats opérationnels des armées.

Les personnels militaires concernés par les nouvelles dispositions relèvent fonctionnellement du Commandement de la cyberdéfense , créé par arrêté du 4 mai 2017, lequel est notamment responsable de la planification et de la conduite des opérations militaires de cyberdéfense, y compris en OPEX. Ils pourront bénéficier de ce régime dès lors que les actions qu'ils conduiront seront rattachables à une opération mobilisant des capacités militaires se déroulant à l'extérieur du territoire national, même s'ils agissent depuis le territoire national compte tenu de la spécificité du cyberespace.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'assemblée nationale adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE III BIS - QUALIFICATION DE CERTAINS APPAREILS ET DISPOSITIFS TECHNIQUES

Article 22 - (Article L. 2371-2 du code de la défense) - Essais des appareils et dispositifs techniques permettant la mise en oeuvre de techniques ou mesures de renseignement

L'article 22 du présent projet de loi tend à compléter l'article L. 2371-2 du code de la défense, afin de permettre aux personnels de la direction générale de l'armement (DGA) et aux militaires de certaines unités des forces armées définies par arrêté de procéder aux essais d'appareils ou de dispositifs permettant la mise en oeuvre de techniques et mesures de renseignement.

I - Le droit en vigueur

En l'état du droit, et en application d'une disposition introduite par l'article 18 de la récente loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, de tels essais ne sont autorisés que pour tester les appareils et dispositifs nécessaires à la mise en oeuvre de la seule technique, prévue à l'article L. 855-1 A du code de la sécurité intérieure 97 ( * ) , qui permet de réaliser des mesures de surveillance de communications dans le domaine hertzien « ouvert ». Ne peuvent être réalisées que des mesures d'interception. L'exploitation des renseignements recueillis dans le cadre de ces essais est expressément exclue.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'évolution des missions sur les théâtres d'opérations se traduit par un développement accru des activités de renseignement au soutien des forces armées. La maîtrise de l'ensemble du spectre en matière de renseignement électromagnétique, y compris lorsque sont concernés des réseaux d'opérateurs de communications électroniques ou des réseaux privatifs utilisés en dehors du territoire national est devenue indispensable aux armées, compte tenu de l'évolution observée dans les nouvelles formes de conflits armés, plus asymétriques, de la nature des émetteurs d'intérêt militaire employés, conduisant à l'émergence de nouveaux besoins.

En vertu des articles R. 226-7 à R. 226-9 du code pénal, le ministère des armées est autorisé à acquérir et détenir des appareils ou dispositifs techniques en matière de renseignement visés au 1° de l'article L. 226-3 dudit code à des fins de qualification de ces matériels. En revanche, hormis le cas de la technique visée à l'article 855-1-A précité, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'autorise à réaliser des opérations de qualification des essais sous peine de poursuites pénales.

Bien que des moyens de communication plastrons soient utilisés pour ces essais, ces opérations restent potentiellement attentatoires à la vie privée. Des communications privées peuvent être, de manière résiduelle ou fortuite, interceptées, même si ces communications ne sont, en tout état de cause, pas exploitées. L'utilisation de ces appareils ou dispositifs techniques susceptibles de capter, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel (art. 226-1 du code pénal) ou d'intercepter des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique (art. 226-15), voire leur simple installation, (art. 226-15) peut être réprimée pénalement.

Le ministère des armées souhaite donc sécuriser les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des campagnes de qualification de ce système d'arme et donc étendre à cette fin, les dispositions de l'article L. 2371-2 du code de la défense, aux techniques mentionnées aux articles suivants du code de la sécurité intérieure :

• L. 851-6, notamment pour les essais intégrant des moyens de recueil de données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur ainsi que des données relatives à la localisation des équipement terminaux utilisés ;

• L. 852-1 II, notamment pour les essais intégrant des moyens d'interception des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal ;

• L. 852-2, notamment pour les essais intégrant des moyens d'interception de correspondances échangées au sein d'un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n'impliquant pas l'intervention d'un opérateur de communications électroniques lorsque ce réseau est conçu pour une utilisation privative par une personne ou un groupe fermé d'utilisateurs (réseau dit « fermé ») ;

• et L. 854-1, notamment pour intégrer des moyens de surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l'étranger.

L'article 22 du projet de loi propose en conséquence une réécriture complète de l'article L. 2371-2 du code de la défense.

Outre son extension aux techniques susvisées, la nouvelle rédaction proposée en renforce le cadre de mise en oeuvre en prévoyant des conditions et garanties supplémentaires impliquant la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) requise en application de l'article L. 833-1 du code de la sécurité intérieure, et dont le champ d'intervention n'est pas limité aux seuls acteurs appréhendés par ce code, mais peut s'étendre à ceux relevant du code de la défense dès lors qu'ils ont recours aux techniques de renseignement, il prévoit  :

• le maintien de l'interdiction absolue d'exploitation des données recueillies (alinéa 2),

• la déclaration préalable de chaque campagne d'essai à la CNCTR, (alinéa 2), ce qui lui permettra de s'assurer que l'autorisation légale octroyée n'est pas utilisée à d'autres fins que celles assignées par la loi et que les données recueillies n'ont pas fait l'objet d'une exploitation,

• la réalisation des essais par des personnels individuellement désignés et habilités par leur autorité hiérarchique (alinéa 2),

• la limitation de la durée de conservation des données recueillies à la durée des essais et destruction à l'issue de la campagne de tests (alinéa 2),

• l'information de la CNCTR du champ et de la nature des essais effectués et mise à sa disposition d'un registre recensant les opérations réalisées dans le cadre de ces campagnes de qualification (alinéa 3),

• la fixation des conditions d'application de cet article en précisant notamment le contenu et les mentions de la déclaration préalable prévues à l'alinéa 2, par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNCTR (alinéa 4) .

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié en commission l'article 22 du projet de loi pour préciser que le registre recensant les opérations réalisées dans le cadre de ces campagnes de qualification serait communiqué « à sa demande » à la CNCTR, alors que l'étude d'impact annexée au projet de loi envisageait une communication trimestrielle ou semestrielle.

IV - La position de votre commission

Ni le Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de loi dans sa version initiale, ni la CNCTR consultée sur le texte issu de l'Assemblée nationale, n'ont émis de réserves.

Votre commission a adopté un amendement de la commission des lois saisie pour avis permettant à la CNCTR de se faire présenter sur place les capacités d'interception ayant fait l'objet d'un test et un amendement de M. Alain Richard et les membres du groupe La République En Marche prévoyant de fixer les conditions d'application de l'article 22 par arrêté du ministre de la défense pris après avis de la CNCTR.

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

CHAPITRE III TER-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES FONDS SPÉCIAUX

Votre commission a adopté un amendement de coordination de la commission des lois modifiant l'intitulé du Chapitre III Ter qui devient « dispositions relatives au contrôle parlementaire du renseignement »

Votre commission a adopté l'intitulé du chapitre III Ter ainsi modifié.

Article 22 bis - (article 154 de la loi de finances pour 2002 - n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) - Diverses dispositions relatives à la commission de vérification des fonds spéciaux

L'article 22 bis introduit par l'Assemblée nationale tend à modifier certaines dispositions de l'article 154 de la loi de finances n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 relative à la commission de vérification des fonds spéciaux.

I - Le droit en vigueur

Les fonds spéciaux sont des crédits inscrits au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Ils sont consacrés au financement de diverses actions liées à la sécurité extérieure et intérieure de l'État. Leurs montants s'élèvent à 67,4 millions d'euros en AE et CP dans le PLF 2018 (67,9 millions d'euros en PLF 2017).

a) Un système dérogeant aux règles de la comptabilité publique

Ces crédits répondent à une nécessité opérationnelle et tactique des services de renseignement. Ces derniers doivent pouvoir disposer de moyens financiers destinés à soutenir, dans les plus brefs délais et en parfaite confidentialité, des activités opérationnelles correspondant à leurs missions légales et aux instructions des autorités gouvernementales.

De fait, l'utilisation et le contrôle de ces crédits ne sauraient répondre aux règles traditionnelles de la comptabilité publique tant les informations fournies par des pièces comptables sont susceptibles de révéler la nature des missions conduites, les personnes qui y contribuent, les méthodes employées... Dès lors, ils ont donc été soustraits à deux règles majeures de la comptabilité publique :

• le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables : les services destinataires de ces crédits tiennent le compte d'emploi des fonds ainsi versés. Ils en assurent la gestion et le contrôle ;

• le principe de spécialité budgétaire : en loi de finances, le Parlement vote uniquement une enveloppe de crédits sans connaître leur affectation précise .

Cette spécificité justifie l'existence d'un contrôle externe particulier qui a échu au Parlement depuis 2001 98 ( * ) .

b) Un contrôle externe confié à un organe parlementaire

La Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) est chargée du contrôle de leur utilisation conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances.

Depuis le vote de la loi de programmation militaire du 13 décembre 2013, elle constitue une formation spécialisée au sein de la délégation parlementaire au renseignement (DPR). Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la DPR, désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. Le président de la commission de vérification est désigné chaque année par les membres de la délégation.

La commission effectue un contrôle sur pièces et sur place . Elle prend connaissance de tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les dépenses considérées et l'emploi des fonds correspondants. Elle se fait représenter les registres, états, journaux, décisions et toutes pièces justificatives propres à l'éclairer au cours de ses travaux de vérification. La commission doit avoir terminé ses travaux avant le 31 mars de l'année qui suit celle de l'exercice soumis à son contrôle.

A leurs termes, la commission établit un rapport sur les conditions d'emploi des crédits . Ce rapport est présenté aux membres de la DPR qui ne sont pas membres de la commission. Il est également remis, par le président de la délégation, aux présidents et rapporteurs généraux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ainsi qu'au Président de la République et au Premier ministre. Depuis 2016, elle publie un rapport public en annexe de celui de cette délégation.

La commission dresse un procès-verbal dans lequel elle constate que les dépenses réalisées sur les crédits sont couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal. Le procès-verbal est remis par le président de la commission au Premier ministre et au ministre chargé du budget qui le transmet à la Cour des comptes.

Les crédits nécessaires au fonctionnement de la commission sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». Le président est ordonnateur des dépenses de la commission. Il a autorité sur les agents de la commission. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables aux dépenses de la commission.

Ces travaux sont couverts par le secret de la défense national e . Les membres de la commission sont astreints au respect du secret de la défense nationale protégé en application des articles 413-9 et suivants du code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leur mandat 99 ( * ) .

II - Les modifications introduites par l'Assemblée nationale

L'article 22 bis a été introduit lors de l'examen du projet de loi en séance publique à l'initiative de M. Loïc Kervran, député, président en exercice de la CVFS. Il tend, à la lumière des travaux et recommandations de la commission depuis 2015 100 ( * ) , à en améliorer les modalités sans changer la nature de ce contrôle.

Il déplace la date butoir de fin des travaux de vérification actuellement fixée au 31 mars de l'année qui suit celle de l'exercice soumis à son contrôle. En effet, cette date n'a guère de sens, les documents ne pouvant être mis à disposition de la commission qu'après l'arrêté des comptes par les services au cours du premier semestre, laissant ainsi une période trop courte pour permettre un réel examen par la commission. De fait, cette disposition n'a jamais été respectée, le rapport de la commission est présenté à la fin de l'année qui suit celle de l'exercice soumis à son contrôle, laissant le temps à la commission de réaliser des contrôles sur pièces et sur place, de solliciter toutes les explications utiles et d'élaborer ses conclusions.

Il ajoute les présidents des assemblées parlementaires, aux autorités destinataires du rapport de la CVFS, soit les présidents et rapporteurs généraux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, le Président de la République et le Premier ministre. Il est utile d'apporter à ces hautes autorités, spécialement habilitées ès qualité à connaître les informations du rapport protégées par le secret de la défense nationale de la DPR, le même niveau d'information.

Enfin, il abroge l'alinéa relatif à la prise en charge des dépenses nécessaires au fonctionnement de la commission par les crédits du Premier ministre (programme 129 « Coordination du travail gouvernemental »). Il est en effet peu opportun que les crédits engagés par un organe de contrôle soient pris en charge par l'autorité hiérarchique des services contrôlés. Ces crédits seront pris en charge par le budget des assemblées parlementaires.

III - La position de votre commission

Cet article nouveau est issu des recommandations de la commission de vérification des fonds spéciaux. Votre commission est naturellement favorable à son adoption par le Sénat .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 22 bis - Renforcement des moyens de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement (DPR)

Considérant que les services de renseignement ont vu leurs capacités juridiques, budgétaires et en personnel sensiblement accrues au cours des dernières années, ce dont elle se félicite, et qu'il est dès lors de bonne gouvernance que le contrôle parlementaire qui incombe à la délégation parlementaire soit renforcé, votre commission a adopté un article additionnel après l'article 22 bis, proposé par votre rapporteur et commun avec la commission des lois pour donner de nouveaux moyens à la DPR :

- en lui permettant d'avoir accès à certains documents auxquels elle ne pouvait avoir accès jusqu'à maintenant, tout en préservant la capacité pour l'exécutif de restreindre ce droit d'accès pour certaines informations à condition de le motiver,

- en lui transmettant la liste des rapports des inspections générales des ministères portant sur les services de renseignement dont ils dépendent,

- en lui donnant la possibilité d'entendre les personnels de ces services, sur le site des services afin de préserver leur anonymat,

- en prévoyant la possibilité, pour la délégation, de désigner en son sein un rapporteur, auquel elle pourrait confier des missions d'évaluation et de contrôle sur des thématiques définies.

Cet amendement reprend les termes de la proposition de loi n°470 de MM. Philippe Bas, Christian Cambon et François-Noël Buffet tendant à renforcer le contrôle du renseignement.

Votre commission a inséré un article additionnel ainsi rédigé.

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AUX OPÉRATIONS, À LA COOPÉRATION ET À L'ENTRAÎNEMENT DES FORCES

Article 23 - (art. L. 2381-1 du code de la défense) - Prélèvements biologiques en opération

L'article 23 du présent projet de loi tend à compléter le régime juridique des prélèvements biologiques réalisés par les militaires en opération extérieure en ajoutant y une nouvelle finalité et en élargissant le champ des personnes qui peuvent faire l'objet de tels prélèvements.

I - Le droit en vigueur

Actuellement, l'article L. 2381-1 du code de la défense prévoit que les membres des forces armées et des formations rattachées peuvent, dans le cadre d'opérations extérieures, procéder sous certaines conditions à des opérations de relevés signalétiques (empreintes digitales et palmaires, reconnaissance faciale et de l'iris) ainsi qu'à des prélèvements biologiques (prélèvements sanguins, salivaires et génétiques) :

- sur des personnes décédées lors d'actions de combat ou des personnes capturées par les forces armées, aux fins d'établir leur identité, dès lors que celle-ci est inconnue ou incertaine, ou leur participation antérieure aux hostilités (I de l'article L. 2381-1) ;

- sur les personnels civils recrutés localement sur le théâtre d'opérations et sur les personnes accédant à une zone protégée ou placée sous le contrôle des forces armées françaises, afin de vérifier leur identité et leurs antécédents (II du même article).

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le 1° de l'article 23 tend à ajouter une troisième catégorie de personnes pouvant faire l'objet de relevés et de prélèvements : les personnes « dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles ».

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, cette nouvelle possibilité constituerait une alternative avantageuse par rapport à la capture des personnes considérées, légale selon le droit international et sous le régime des mandats encadrant les interventions françaises, mais utilisée avec parcimonie par des armées à la fois soucieuses de limiter leur impact sur les populations et confrontées à des théâtres d'opérations dont les dimensions rendent de telles opérations difficiles.

L'étude d'impact fournit plusieurs exemples d'utilisations possibles de ce nouveau dispositif :

- après le déclenchement d'un engin explosif improvisé, sur les personnes se trouvant aux abords de l'explosion, ayant un comportement anormal et dont on peut soupçonner qu'elles sont impliquées dans la préparation de cette attaque ;

- lors de la découverte d'une cache d'armes ou d'un laboratoire de fabrication d'engins explosifs improvisés ;

- sur les personnes découvertes alors qu'elles collectent du renseignement sur les forces armées, leurs emprises ou leurs déplacements ;

- sur les personnes qui se seraient introduites sans autorisation dans une zone placée sous le contrôle des forces françaises (emprises, camps...) ;

- sur les personnes qui portent ou circulent avec des armes ou des munitions sans respecter les procédures en vigueur localement (relatives au titre de détention de l'armement, aux interdictions de certaines armes, aux accords de démilitarisation, au désarmement et à la réinsertion...) et qui sont interceptées et contrôlées lors d'un contrôle de zone.

Comme l'ont souligné les représentants de la direction du renseignement militaire (DRM) lors de leur audition par votre rapporteur, les modalités du recours à ces prélèvements devront être inscrites dans les règles opérationnelles d'engagement (ROE) des armées pour chaque théâtre d'opération. Les prélèvements seront réalisés par des sous-officiers formés par la DRM et expressément habilités à cette fin. Les résultats alimenteront le fichier BIOPEX, créé par un décret du 2 août 2017 non publié, et dont le contenu, les modalités d'accès et la durée de conservation des données sont couverts par le secret de la défense nationale.

Par ailleurs, le 2° et le 3° du présent article ajoutent deux conditions de mise en oeuvre du dispositif de relevés signalétiques et de prélèvements biologiques :

- les prélèvements biologiques seront limités aux seuls prélèvements salivaires, à l'exclusion de tout autre type de prélèvement plus intrusif (prélèvement sanguin par exemple) ;

- les personnes qui seraient soumises à ces relevés et prélèvements doivent être informées au préalable des motifs et des finalités de ces opérations.

Notons que le présent article a aussi pour effet d'élargir le champ d'application de l'article 16-11 du code civil, en vertu duquel l'identification d'une personne physique par ses empreintes génétiques ne peut avoir lieu que dans un nombre de cas limitatifs, dont ceux prévus par l'article L. 2381 du code de la défense.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV - La position de votre commission

La compatibilité avec les grands principes de notre droit

Dans sa décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 portant sur le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), le conseil constitutionnel a dégagé certaines des conditions nécessaires pour que le prélèvement des empreintes génétiques soit compatible avec les droits de la personne et ne portent pas atteinte « à l'inviolabilité du corps humain, au principe du respect de la dignité de la personne humaine et à la liberté individuelle ».

Il faut ainsi notamment que « le prélèvement n'implique aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comporte aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes », et que « la disposition contestée n'autorise pas l'examen des caractéristiques génétiques des personnes ayant fait l'objet de ces prélèvements mais permette seulement leur identification par les empreintes génétiques », toutes conditions respectées par le dispositif du présent article, qui n'autorise que les prélèvements salivaires.

Plusieurs des autres conditions fixées par le Conseil se réfèrent par ailleurs à la distinction entre police administrative (préventive) et police judiciaire (répressive). Si les cas actuellement prévus par l'article L. 2381-1 relèvent plutôt selon cette distinction de la police administrative et préventive, en revanche les nouvelles dispositions semblent plutôt se rattacher, selon l'étude d'impact, à une forme d'enquête intervenant après les événements (comme l'explosion d'un IED). Dès lors, l'on pourrait estimer que des garanties supplémentaires sont nécessaires. Toutefois, comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans son analyse, il s'agit là de dispositions qui s'appliquent, selon les termes du présent article, « dans le cadre d'une opération mobilisant des capacités militaires se déroulant à l'extérieur du territoire français », c'est-à-dire par hypothèse, selon le Conseil, dans une zone de guerre. Dès lors, les garanties de procédure n'ont pas besoin d'être aussi fortes qu'elles le seraient sur le territoire national.

De même, la Cour européenne des droits de l'homme procède à une application extraterritoriale de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et juge que, pour ne pas méconnaître le droit à la vie privée garanti par son article 8 , la collecte de données personnelles doit poursuivre un but légitime et avoir un caractère proportionné au but ainsi identifié, ce qui est bien le cas en l'espèce.

L'utilité incontestable du dispositif

Votre commission a estimé que l'ouverture de cette nouvelle possibilité de recueillir des éléments permettant d'identifier des personnes dont il y a de fortes raisons de penser qu'elles représentent un danger constitue une avancée importante tant pour la sécurité des militaires français que pour celle des populations des pays concernés.

Votre commission a adopté l'article 23 sans modification.

Article 24 - (art. 689-5, 689-6, 689-14 [nouveau] du code de procédure pénale) - Extension du champ de la compétence quasi-universelle des juridictions françaises

L'article 24 du présent projet de loi tend à modifier le code de procédure pénale afin de le rendre conforme à plusieurs protocoles et conventions relatifs à la répression d'actes illicites en matière de sécurité maritime, d'aviation civile internationale et de protection des biens culturels en cas de conflit armé. Il étend ainsi la compétence universelle des juridictions françaises à de nouvelles infractions.

En premier lieu, le présent article tend à modifier l'article 689-5 du code pénal pour tenir compte du protocole relatif à la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, adoptés à Londres le 14 octobre 2005, signés par la France le 14 février 2006, entrés en vigueur le 28 juillet 2010 et dont la ratification a été autorisée par la loi n° 2017-1576 du 17 novembre 2017.

Ces deux protocoles modifient deux textes de 1988, adoptés à la suite du détournement, en 1985, par un commando du Front de libération de la Palestine, du paquebot italien Achille Lauro. Les modifications adoptées en 2005 visent les infractions à caractère terroriste commises depuis ou à l'encontre d'un navire, ainsi que les infractions de prolifération par mer d'armes biologiques, chimiques ou nucléaires (BCN) .

En second lieu, le présent article effectue les modifications nécessaires à l'application de la Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et le protocole complémentaire à la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, adoptés à Pékin le 10 septembre 2010. La convention se substitue à la convention de Montréal du 23 septembre 1971 et le protocole complémentaire modifie la convention signée à La Haye le 16 décembre 1970.

La France a signé la Convention et le protocole le 15 avril 2011 et leur ratification a été autorisée par la loi n° 2016-1323 du 7 octobre 2016. Ces textes créent notamment de nouvelles infractions visant à incriminer, par exemple, l'utilisation d'aéronefs civils comme armes dans le but de donner la mort ou répandre des substances BCN . Ils précisent également les règles de compétences de l'État pour connaître des infractions qu'ils définissent ainsi que les conditions d'extradition et de coopération judiciaire internationale.

Enfin, le présent article tire les conséquences de l'adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, signé à La Haye le 26 mars 1999. L'adhésion de la France à ce protocole a été autorisée par la loi n° 2017-226 du 24 février 2017.

Ce texte définit les violations graves commises à l'encontre des biens culturels et précise les conditions de poursuite de leurs auteurs par les États parties. Il s'agit de lutter contre l'impunité dans ce domaine en engageant des poursuites pénales contre toute personne qui accomplirait un acte grave.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'application de ces protocoles et conventions suppose certaines modifications du code de procédure pénale :

- le 1° du présent article modifie l'article 689-5 du code de procédure pénale pour actualiser les références à la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et au protocole relatif à la sécurité des plates-formes fixes. Par ailleurs, il complète la liste des infractions pouvant en conséquence faire l'objet de poursuites pénales au titre de l'article 689-1 du code de procédure pénale, c'est-à-dire selon le principe de la compétence quasi-universelle (possibilité pour les juridictions françaises de poursuivre des infractions commises par toute personne hors du territoire national, dès lors que cette personne se trouve en France) ;

- le 2° modifie l'article 689-6 du même code pour actualiser les références des protocoles (Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et le protocole complémentaire à la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs) et compléter les infractions pouvant faire l'objet de poursuites pénales en vertu de ces protocoles et de l'article 689-1 du code de procédure pénale précité ;

- le 3° de l'article, enfin, introduit un article 689-14 dans le code de procédure pénale, afin d'ajouter un nouveau chef de compétence quasi-universelle du juge français pour juger les auteurs des violations graves au protocole sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a approuvé les dispositions du présent article, n'adoptant que quatre amendements rédactionnels.

IV - La position de votre commission

Votre commission a également approuvé ces modifications du code de procédure pénale, qui permettront aux juridictions françaises de poursuivre des faits particulièrement grave, à l'encontre des personnes mais également des trésors du patrimoine mondial, particulièrement visés par des destructions au cours des dernières années. Le présent article constitue ainsi une importante avancée en matière de lutte contre l'impunité.

Votre commission a adopté un amendement de coordination de la commission des lois.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 24 bis A - (art. L. 214?2 du code de la sécurité intérieure) - Normes relatives aux dispositifs militaires d'immobilisation des véhicules

L'article 24 bis A du présent projet de loi tend à préciser que le ministre de la défense peut définir, par arrêté, les normes techniques relatives aux matériels spécifiques des armées permettant d'immobiliser les moyens de transport, dès lors que leur emploi est nécessaire pour la protection des installations militaires.

I - Le droit en vigueur

L'article 1 er de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique 101 ( * ) a introduit la possibilité, pour les militaires chargés de la protection des installations militaires situées sur le territoire national, d'immobiliser les moyens de transport dans les conditions prévues à l'article L. 214?2 du code de la sécurité intérieure. Cet article prévoit que les matériels utilisés pour immobiliser les moyens de transports doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de l'intérieur.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Issu d'un amendement des députés adopté en séance publique avec un avis favorable du Gouvernement, le présent article prévoit que le ministre de la défense puisse également définir, par arrêté, les normes techniques relatives aux matériels spécifiques des armées, dont l'emploi est nécessaire pour la protection des installations militaires.

Votre commission a adopté un amendement de notre collègue Philippe Paul permettant d'améliorer la rédaction du présent article.

Votre commission a adopté l'article 24 bis A ainsi modifié.

Article 24 bis - (art. L. 3211-3 du code de la défense ; art. L. 421-1 du code de la sécurité intérieure) - Exercice des missions de la gendarmerie nationale à bord des navires battant pavillon français

L'article 24 bis du projet de loi, introduit à l'Assemblée nationale, tend à étendre le champ des missions militaires et civiles de la gendarmerie nationale aux navires battant pavillon français.

I - Le droit en vigueur

L'article L. 3211-32 du code de la défense prévoit que les missions militaires de la gendarmerie nationale s'exécutent sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées.

Par ailleurs, l'article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que les missions civiles de la gendarmerie nationale s'exécutent sur toute l'étendue du territoire national et hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France.

II - La position de l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement des membres du groupe La République en Marche, adopté par la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Il étend l'exécution des missions militaires et civiles de la gendarmerie nationale, au-delà de la mer territoriale, aux navires battants pavillon français, bâtiments de l'Etat aussi bien que navires à passagers.

Ce faisant, selon le rapport du rapporteur de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, le présent article vise à « sécuriser juridiquement la possibilité de déployer des gendarmes sur des navires battants pavillon français, afin d'en assurer la protection et celle de leurs passagers, en particulier dans le cadre de la création des équipes de protection des navires à passagers (EPNAP) associant gendarmes maritimes et fusiliers-marins, constituées depuis le 1er août 2016 . »

III - La position de votre commission

Votre commission a adopté un amendement de notre collègue Philippe Paul permettant de maintenir le parallélisme de rédaction entre le code de la défense et le code de la sécurité intérieure pour l'exercice des missions de gendarmerie en haute mer.

Votre commission a adopté l'article 24 bis ainsi modifié.

CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE L'ARMEMENT

Article 25 - (art. L2331-1, L. 2332-1, L. 2335-3, L. 2335-18, L.2339-2 du code de la défense) - Adaptation du droit de l'armement aux évolutions économiques et au droit de l'Union européenne

L'article 25 comprend un certain nombre de dispositions techniques relatives au droit de l'armement, relevant de trois domaines distincts.

I. DROIT EN VIGUEUR ET MODIFICATIONS PROPOSEES
PAR LE PROJET DE LOI

1. L'extension de l'application du régime européen des transferts de produits liés à la défense aux flux d'armement à destination ou en provenance d'Islande ou de Norvège

a) Le droit en vigueur

Depuis la transposition, en 2011 102 ( * ) , de la directive 2009/43/CE du Parlement et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, le code de la défense distingue le régime des importations et exportations des matériels de guerre et assimilés vers des Etats non membres ainsi que les territoires exclus du territoire douanier de l'Union européenne (article L. 2235-1 à L. 2335-7), du régime des transferts de produits liés à la défense au sein de l'Union européenne (article L. 2335-8 à L. 2335-18).

Ces régimes, similaires en ce qu'ils soumettent importations, exportations et transferts à autorisation préalable sous forme de licences délivrées par l'autorité administrative, en l'espèce le Premier ministre, et dans leur organisation, comportent des différences  s'agissant notamment :

• de la liste des matériels de guerre et matériels assimilés qui est définie par l'autorité administrative s'agissant des importations et des exportations, alors que, s'agissant des transferts, la liste des produits liés à la défense doit se conformer à l'annexe à la directive 2009/43/CE ;

• du périmètre des licences de transfert qui inclut l'autorisation d'entrée et de passage au sein de la Communauté, sous certaines réserves, alors que des autorisations d'importation ou des autorisations de transit sont souvent nécessaires pour les exportations et les importations. En revanche, selon le principe de réciprocité qui prévaut au sein de l'Union européenne, la licence délivrée par l'Etat d'origine suffit, sauf circonstances particulières ;

• du régime des capacités pour l'autorité administrative de déroger à l'obligation d'autorisation préalable (art. L. 2335-11) ;

• du délai minimum de déclaration, au ministre de la défense, de première utilisation d'une licence générale et du délai d'examen par le ministre, fixé à 30 jours avant la date envisagée de début des opérations de transferts (R. 2335-22-II), contre 3 mois s'agissant des exportations (R. 2235-10-II) ;

• de la limitation à 30 jours ouvrables de la durée de suspension d'une licence individuelle ou d'une licence globale de transfert par le Premier ministre en cas d'urgence (R. 2335-27), alors qu'elle n'est limitée, s'agissant de l'exportation, que lorsque l'opération d'exportation concerne des matériels de guerre ou des matériels assimilés provenant d'un autre Etat membre de l'Union européenne au titre d'une licence de transfert et incorporés dans un autre matériel de guerre ou matériel assimilé (R. 2335-15).

b) Les modifications proposées par le projet de loi

En 2013, le comité mixte de l'Espace économique européen a intégré la directive 2009/43/CE dans le corpus des règles applicables à l'ensemble des Etats parties à cet accord, à l'exclusion du Liechtenstein 103 ( * ) . Cette décision étend ainsi l'application de ce dernier texte à l'Islande et à la Norvège, alors même que ces deux Etats ne sont pas membres de l'Union européenne.

En application de l'article 9 du règlement (CE) n° 2894/94 du Conseil du 28 novembre 1994 104 ( * ) , les Etats membres de l'Union européenne sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre des obligations qui découlent de l'accord sur l'Espace économique européen 105 ( * ) .

En conséquence, les opérations d'exportation et d'importation à destination ou en provenance d'Islande et de la Norvège portant sur des matériels figurant sur la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne devront être régies par le régime spécifique des transferts au sein de l'Union européenne.

Tel est l'objet des alinéas 2, 3 et 25 à 27 de l'article 25.

Cette mesure n'aura toutefois qu'un impact limité au regard du nombre restreint d'opérations à destination de la Norvège. En 2016, l'Etat a en effet accepté 38 licences d'exportation, portant sur un total de plus de 4,2 milliards d'euros. Quant à l'Islande, seule une licence a été délivrée au cours de cette même période, d'un montant de 7 182 euros.

Les alinéas 2 et 3 modifient le chapitre premier du titre III du livre III de la partie du code de la défense portant dispositions générales relatives aux matériels de guerre, armes et munitions en ajoutant un alinéa de principe à l'article L. 2331-1 prévoyant que : « IV. - Les dispositions relatives aux importations, aux exportations et aux transferts à destination ou en provenance des États membres de l'Union européenne sont applicables à l'Islande et à la Norvège. »

Les alinéas 25 à 27 excluent une application rétroactive du nouveau régime aux autorisations d`exportation et d'importation accordées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, lesquelles conserveront donc leur validité jusqu'à leur terme.

2. L'extension du périmètre des autorisations de fabrication et de commerce des armes et des matériels de guerre aux prestations de service

a) Le droit en vigueur

Le code de la défense (article L. 2332-1-I) soumet la fabrication et le commerce des matériels de guerre, d'armes et munitions de défense des catégories A et B 106 ( * ) à la délivrance d'une autorisation de l'Etat. Il soumet également la création, ou l'utilisation d'un établissement « pour se livrer à la fabrication ou au commerce, autre que de détail, des matériels de guerre, armes, munitions ou de leurs éléments essentiels des catégories A, B, C ainsi que des armes de catégorie D énumérées par décret en Conseil d'Etat » à une déclaration préalable au préfet du département où est situé l'établissement (Article L. 2332-1-II).

S'agissant des matériels de la catégorie A2, l'autorisation adressée au ministre de la défense est soumise à des conditions (article R. 2332-6) de capacités, de nationalité française des propriétaires, associés ou gérants, commandités, membres des conseils d'administration, directoire et conseil de surveillance et pour les sociétés par actions ou à responsabilité limitée) à la détention majoritaire du capital par des Français, à la réalisation de travaux nécessaires au respect des modalités de conservation des matériels de guerre, d'absence de condamnation pénale. L'autorisation peut être refusée ou retirée pour des raisons d'ordre public ou de sécurité nationale.

Ces règles peuvent faire l'objet de contrôle sur place et sur pièces par des agents habilités de l'Etat (article L. 2332-4) qui porte sur les opérations techniques et comptables. Les manquements aux obligations peuvent faire l'objet de sanctions administratives allant jusqu'au retrait de l'autorisation.

Le titulaire est tenu de tenir un registre (articles R. 2332-17 et R. 2332-18) dans lequel sont consignées toutes les opérations de fabrication, réparation, transformation, achat, vente, location, conservation, destruction et pour les opérations d'intermédiation, dès les premiers contacts, le nom des entreprises mises en relation et des participants à l'opération, le contenu et les étapes de celles-ci, les opérations d'achats et de ventes de matériel à l'étranger...et de compte rendu semestriel pour certaines catégories (article R. 2332-20). Il est tenu de respecter un certain nombre de conditions pour la cession de matériels (articles R. 2332-21 et R. 2332-22).

Cette autorisation est également requise pour obtenir une licence d'exportation des matériels de guerre et matériels assimilés définis par ce code hors du territoire de l'Union européenne (articles L. 2335-2 et L. 2335-3-V) ou de transfert au sein de l'Union européenne sous réserves que le matériel figure sur la liste des produits liés à la défense établie conformément à l'annexe à la directive 2009/43/CE.

Dès lors, le titulaire peut solliciter une autorisation d'exportation ou de transfert, s'il répond aux conditions fixées par les articles L. 2335-2 à L. 2335-18 du code de la défense et respecte les obligations afférentes d'informations, de tenue de registre, et les restrictions à l'exportation qui lui sont imposées.

L'application de l'ensemble de ces règles peut faire l'objet de contrôle par des agents de l'Etat habilités qui disposent de larges pouvoirs d'enquêtes et de contrôles (articles L. 2339-1 et L. 2339-1-1) pouvant porter sur les procédures de contrôle interne mises en oeuvre par les exportateurs et fournisseurs (article L. 2339-1-1). Les carences, défaillances ou inexécutions de mise en demeure, sont des sanctions pouvant aller jusqu'au retrait des autorisations ou des licences et le fait de contrevenir à certaines règles peut donner lieu à de lourdes sanctions pénales (articles L. 2939-2 à L. 2339-12).

b) Les modifications proposées par le projet de loi

(1) Une couverture complète du périmètre des prestations commerciales proposées par les entreprises du secteur de l'armement

Or, ces dispositions ne permettent plus de couvrir l'ensemble du périmètre des prestations commerciales proposées par les entreprises du secteur de l'armement en rapport avec les armes et les matériels de guerre.

D'abord, le régime des autorisations de fabrication et de commerce ne s'applique pas à l'ensemble des éléments de la liste des matériels de guerre et matériels assimilés dont l'exportation est soumise à autorisation préalable de l'Etat , ce qui crée des difficultés d'articulation entre les deux dispositifs dans la mesure où, par principe, la délivrance d'une licence d'exportation suppose l'existence d'une autorisation de fabrication et de commerce. Ainsi, le périmètre des autorisations de fabrication et de commerce défini à l'article L. 2332-1 du code de la défense ne couvre aujourd'hui que les matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments des catégories A et B de la nomenclature nationale, à l'exclusion de tous les autres « matériels de guerre et matériels assimilés » figurant en annexe de l'arrêté du 27 juin 2012 107 ( * ) pris en application du second alinéa de l'article L. 2335-2. En outre, si les formations opérationnelles figurent parmi les matériels assimilés aux matériels de guerre, en application du 4 de la deuxième partie de l'annexe précitée, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 2332-1.

Il convient dès lors d'ajuster les deux dispositifs.

Ensuite, la rédaction des dispositions de l'article L. 2332-1 issue d'un décret-loi du 18 avril 1939 ne correspond plus aux exigences contemporaines du secteur de l'armement. La simple référence au « commerce » ne semble pas permettre de régir l'ensemble des prestations commerciales fondées sur l'exploitation ou sur l'utilisation de matériels de guerre 108 ( * ) .

Enfin, ces dispositions ne couvrent pas l'activité des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) qui proposent, le cas échéant dans un cadre international, des prestations commerciales qui ne correspondent ni à la fabrication d'armes, ni à leur commerce , telles que :

• la fourniture de services de défense reposant sur la délivrance directe d'une capacité opérationnelle impliquant la mise en oeuvre de matériels de guerre ou sur la transmission d'un savoir-faire opérationnel. Il peut s'agir en l'espèce de prestations de formation opérationnelle et d'entraînement, d'exploitation ou de maintenance d'un équipement, de la transmission de méthodes ou de techniques militaires.... dans la limite des dispositions de la loi n° 23003-240 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de mercenaire.

• les activités de sous-traitance liées au stockage ou au transport de matériels de guerre. Les sous-traitants des exportateurs d'armement seront désormais soumis au régime des exportations.

Ces services et activités ne font pas aujourd'hui l'objet d'un contrôle de la part de l'Etat.

Néanmoins, on observera, que nombre de ces entreprises sont déjà soumises aux dispositions de droit commun concernant l'acquisition et la détention de matériels de guerre (détention d'une autorisation d'acquisition, de commerce et d'intermédiation, les possibilités d'acquisition de matériels de guerre de la catégorie A2). Cependant, l'exercice de ces activités ne nécessite pas forcément l'acquisition et la détention de matériels de guerre. Dès lors, de telles sociétés ne sont soumises à aucun contrôle de l'Etat.

(2) La néce s sité d'instaurer un contrôle sur les entreprises de services de sécurité et de défense

La présence croissante de ces sociétés sur le marché national, dont le nombre est estimé à 130 109 ( * ) , impose de mettre en place un encadrement permettant tout à la fois leur développement économique (par la sécurisation juridique de leur activité) et leur contrôle par l'Etat, ainsi que le préconisaient, dès 2012, un rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les sociétés militaires privées 110 ( * ) .

(3) Une intervention en cohérence avec l'évolution du droit international

Cette intervention législative est, en outre, cohérente avec les développements du droit international. Le « Document de Montreux » 111 ( * ) , aujourd'hui signé par 54 États, dont la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, et trois organisations internationales (l'Union européenne, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe/OSCE et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord /OTAN), constitue l'une des démarches multilatérales de régulation les plus abouties. Bien que non contraignant, il rappelle les obligations et responsabilités incombant à chacun, présente des pratiques de référence permettant de les respecter et préconise des modalités de surveillance et de contrôle stricts de l'activité de ces entreprises. Selon ce texte, il appartient aux États de s'assurer que les sociétés avec lesquelles ils contractent respectent les règles du droit international humanitaire et des droits de l'homme, en adoptant les mesures nécessaires afin de prévenir ou de punir toute violation de ces règles.

Dans la continuité de ce document, un Code de conduite international des entreprises de sécurité privées a été signé par 58 entreprises du secteur, le 9 novembre 2010 112 ( * ) . En septembre 2013, après avoir été négocié entre toutes les parties prenantes, un mécanisme de gouvernance et de contrôle indépendant, l'Association du Code de conduite international des entreprises de sécurité privée 113 ( * ) , a été créé. Les Etats, organisation internationales et entreprises qui contractent avec des entreprises de sécurité privées exigent de plus en plus l'adhésion de leurs prestataires à cette association.

En cohérence avec ce cadre multilatéral, plusieurs Etats dont les États-Unis 114 ( * ) et le Royaume-Uni 115 ( * ) ont institué des procédures détaillées, soumises au contrôle des autorités publiques, afin de réguler l'activité des « Private security companies ».

(4) Une évolution souhaitable de la législation existante

Pour répondre à ces nouveaux enjeux, une évolution législative est indispensable afin de garantir un contrôle effectif du secteur économique de l'armement, selon des considérations de sécurité nationale et de respect des engagements internationaux de la France. Plutôt que d'opérer par la création d'un statut spécifique, comme il a été procédé antérieurement pour les activités privées de sécurité (Livre VI du code de la sécurité intérieure) ou pour les activités privées de surveillance des navires (article L. 5441-1 du code des transports et L. 616-1 du code de la sécurité intérieure) qui sont exercées sur le territoire national ou en haute mer sur des navires battant pavillon français, il a paru préférable d'élargir le périmètre des activités commerciales couvertes par le régime des autorisations de fabrication et de commerce des armes et des matériels de guerre.

A cette fin, il est proposé de soumettre les entreprises en cause à un régime d'autorisation, à l'instar de celles qui se livrent à la fabrication ou au commerce de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A, B, C et qui emportent un certain nombre d'obligations ( voir supra ).

Les nouvelles dispositions législatives créeront, à la charge de ces entreprises, l'obligation de solliciter une autorisation préalable afin d'exercer ce type d'activités et de respecter les obligations qui en découlent. A l'heure actuelle, la plupart des sociétés qui proposent ce type de services comptent parmi les plus grosses entreprises du secteur et bénéficient d'ores et déjà d'autorisations de fabrication et de commerce accordées au titre d'autres activités. Il suffira alors d'actualiser le champ de ces autorisations pour se conformer à la nouvelle législation, ce qui limitera la charge de travail résiduelle induite. En outre, si la création d'un cadre juridique sécurisé devrait permettre le développement de ce secteur économique, celui-ci devrait principalement concerner des industriels déjà détenteur d'autorisations souhaitant diversifier leur offre. En contrepartie, les entreprises bénéficieront, d'une forme de reconnaissance qui élèvera leur réputation sur un marché en croissance mais fortement concurrentiel et d'une forme d'accompagnement juridique et prudentiel de l'Etat à travers l'examen des demandes d'autorisation et de licences. On peut en effet s'attendre à ce que l'Etat assure un contrôle exigeant sur la nature et la destination des prestations exportées évitant à ces entreprises de se porter sur des marchés à haut risque ou sous sanctions.

En revanche, le dispositif n'impose aucune mesure de certification ou d'agrément par une instance professionnelle interne ou internationale, ni la délivrance de cartes professionnelles attestant la qualification des personnels, ni de règle concernant les tenues du personnels, distinctes de celle des forces armées par exemple, comme cela avait été le cas pour les activités privées de surveillance des navires. S'agissant de prestations délivrées hors du territoire national, il appartient plutôt à l`importateur de s'assurer de ces éléments attestant la qualité du service.

On rappellera cependant que l'Etat n'est pas dépourvu de moyens d'investigation, de contrôle et de sanction notamment à travers les dispositifs renforcés par l'ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016, dont la ratification est proposée à l'article 36 du présent projet de loi.

(5) Le dispositif proposé

Les alinéas 4 à 7 de l'article 25 procèdent, par une nouvelle rédaction du I relatif au principe de l'autorisation ( alinéa 6 ) et un complément du II relatif à l'obligation de déclaration d'établissement ( alinéa 7 ), à l'élargissement du périmètre d'application de l'article L. 2332-1 du code de la défense à certains « matériels de guerre et matériels assimilés ce qui permet de couvrir les prestations de transmission d'un savoir-faire opérationnel menées par les entreprises de services de sécurité et de défense. De même, pour clarifier la portée des prestations commerciales couvertes par ce régime d'autorisation, cet article est modifié pour faire référence aux entreprises « qui utilisent ou exploitent » de tels matériels, « dans le cadre des services qu'elles fournissent ».

Ces termes sont repris à l'article L. 2335-3 du même code, qui conditionne l'octroi d'une licence d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés à la détention d'une autorisation de fabrication et de commerce de matériels de guerre, armes et munitions des catégories A ou B ( alinéa 8 à 10 ). Cette disposition n'est pas applicable aux transferts au sein de l'Union européenne qui est soumise à un dispositif particulier en application de la directive 2009/43/CE précitée.

Les entreprises seraient alors soumises au dispositif de contrôle sur pièces et sur place défini aux articles L. 2339-1 et L. 2339-1-1 du code de la défense et en cas de non-respect des règles au même régime de sanctions pénales (articles L. 2339-2 et suivants). Il est proposé, à cette fin, de modifier les articles L. 2339-2 et L. 2339-4-1 de ce code. L'alinéa 21 procède à une coordination à l'article L. 2339-2 du code de la défense relatif aux sanctions pénales applicables en cas de méconnaissance des obligations posées par L. 2332-1 du même code. Dès lors que, en vertu des alinéas 7 et 8, cet article encadrera l'activité de fourniture de services fondés sur l'utilisation ou l'exploitation de matériels de guerre et assimilés, il est normal que les mêmes sanctions s'appliquent à toute personne qui se livrerait à une telle activité en méconnaissance du cadre légal 116 ( * ) . L'alinéa 24 opère une coordination de même objet au sein de l'article L. 2339-4-1 du code de la défense s'agissant des sanctions applicables en cas de défaut de tenue du registre spécial dans lequel devront être enregistrées les prestations de services fondées sur l'utilisation ou l'exploitation de matériels de guerre et assimilés 117 ( * ) . L'alinéa 23 supprime, au même article, la référence aux « armes et munitions » afin d'étendre le champ de ces mêmes sanctions aux activités couvrant l'ensemble des produits dorénavant visés par la nouvelle rédaction de l'article L. 2332-1 du code de la défense 118 ( * ) , telles que prévue par l'alinéa 6 du présent article (soit la fabrication ou le commerce « de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l'article L. 2331-1 » et non des seules « armes et munitions »).

(6) Un travail réglementaire important nécessaire à sa mise en oeuvre effective

Les dispositions réglementaires du code de la défense devront être modifiées afin de tenir compte de cette nouvelle définition et d'étendre les obligations de traçabilité des opérations menées à la charge des industriels. Les entreprises dont les activités entreront dans le nouveau périmètre d'application de l'article L. 2332-1 du code de la défense seront soumises aux formalités et aux obligations prévues aux articles R. 2332-4 à R. 2332-23. Cela supposera notamment l'adaptation des articles R. 2332-5 et R. 2332-17 pour tenir compte de l'extension du champ du contrôle de l'Etat. Cela conduira également à compléter l'annexe de l'arrêté du 27 juin 2012 pris en application du second alinéa de l'article L. 2335-2.

Afin de ne pas alourdir inutilement la charge de cette disposition pour l'administration et pour les entreprises, un décret en Conseil d'Etat devra affiner le périmètre des matériels dont l'utilisation ou l'exploitation serait ainsi soumise à autorisation, en excluant les éléments dont la mise en oeuvre par des acteurs privés ne présente pas, par elle-même, un risque pour l'ordre public ou la sécurité nationale.

Compte tenu de l'importance de ce travail réglementaire 119 ( * ) , l'entrée en vigueur effective de cette mesure sera différée jusqu'à la publication d'un texte réglementaire, conformément aux dispositions du V de l'article L. 2332-1 du code de la défense.

3. Actualisation du régime de contrôle des transferts au sein de l'Union européenne de certains matériels sensibles soumis à une procédure spécifique

a) Le droit en vigueur

Afin de protéger les moyens stratégiques de la France et de maîtriser certaines technologies proliférantes, le législateur a inclus dans le champ du contrôle des transferts de produits liés à la défense certains matériels ne figurant pas sur la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne précitée 120 ( * ) .

Le nouvel article L. 2335-18 du code de la défense 121 ( * ) prévoit que le transfert vers des pays de l'Union européenne des satellites de détection ou d'observation, des véhicules spatiaux et satellites spécialement conçus ou modifiés pour un usage militaire, des fusées à capacité balistique militaire ainsi que leurs composants et moyens de production et d'essai, demeure également soumis à une autorisation préalable spécifique.

A titre indicatif, en 2016, 23 licences de transfert ont été délivrées sur ce fondement pour des opérations à destination d'autres États européens, pour un montant total de près de 150 milliards d'euros.

Par ailleurs, cet article dispose que les articles précédents relatifs au retrait de l'autorisation, ou encore à l'obligation de tenue d'un registre sont applicables aux transferts intervenant dans le domaine spatial.

L'examen des demandes de licences de transfert spécifiques de matériels spatiaux obéit aux règles du droit commun des transferts au sein de l'Union européenne, décrites aux articles L. 2335-8 à L. 2335-16 et R. 2335-39 à R. 2335-41-1 du code de la défense. La demande d'autorisation de transfert, dénommée licence, est ainsi déposée auprès du ministre des armées, avant d'être examinée par la commission interministérielle pour l'étude de l'exportation des matériels de guerre (CIEEMG), qui rend un avis sur la base duquel le Premier ministre peut autoriser la délivrance de cette licence. Cette autorisation peut, en outre, comporter des conditions et restrictions de mise en oeuvre. Les opérations menées dans le cadre de ces licences sont ensuite soumises au contrôle de l'Etat, dans les mêmes conditions que les autres activités soumises à autorisation ( voir supra ).

b) Les modifications proposées par le projet de loi

La mesure proposée à l'article 25 poursuit un double objectif :

• d'une part, un objectif d'harmonisation et de coordination, en adaptant la liste des matériels spatiaux soumis à la procédure spécifique de transfert au sein de l'Union européenne prévue au nouvel article L. 2335-18 à la liste des matériels assimilés aux matériels de guerre mentionnée au second alinéa de l'article L. 2335-2 du code de la défense 122 ( * ) . En effet, la liste des matériels spatiaux dont l'exportation hors du territoire de l'Union européenne est soumise à autorisation sur le fondement de l'article L. 2335-2 a récemment évolué afin de tenir compte des considérations techniques liées à l'utilisation concrète des technologies considérées. Tel est l'objet des alinéas 11 à 19 qui complètent et précisent la liste des matériels et connaissances soumis à ce régime spécifique de contrôle. Ainsi, les satellites de renseignement ou de télécommunication, de même que les sous-ensembles relatifs à ces différents équipements satellitaires seront dorénavant couverts par le dispositif alors que dans la rédaction actuelle, seuls les satellites de détection ou d'observation étaient mentionnés. L'alinéa 19 vise à inclure dans ce champ du contrôle des transferts les prestations de nature intellectuelle, à savoir « les connaissances requises pour le développement, la production ou l'utilisation » de ces matériels sensibles , « transmises sous la forme de documentation ou d'assistance technique » ce qui constitue une nouvelle catégorie d'éléments soumis à ce régime particulier.

• d'autre part, la correction d'une référence erronée qui a exclu du champ d'application de cet article les dérogations au régime des transferts prévus à l'article L. 2335-11 du code de la défense 123 ( * ) . En effet, pour traiter efficacement ces transferts spécifiques, le législateur a institué des dérogations à l'obligation de licence pour les matériels les moins sensibles, dans les cas limitativement énumérés. Afin d'assurer la sécurité juridique de ces dérogations, il convient d'inclure l'article L. 2335-11 dans le champ des dispositions applicables aux transferts soumis à une procédure spécifique.

B. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a apporté en commission plusieurs amendements rédactionnels.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Une lecture attentive du texte proposé a révélé une contradiction entre la rédaction de l'alinéa 13 et celle de l'alinéa 20. L'objet de l'article 25 est l'harmonisation d'une liste des matériels soumis à une procédure de transfert intracommunautaire avec celle des mêmes matériels soumis à autorisation d'exportation en dehors de l'Union européenne. Cette liste est limitée, pour ce qui concerne le champ des connaissances requises pour le développement, la production ou l'utilisation de matériels, à certains matériels limitativement énumérés à l'alinéa 20. En étendant le champ des connaissances concernées à d'autres matériels, l'alinéa 13 s'écarte de l'objectif recherché.

Votre commission a adopté un amendement de suppression de l'alinéa 13.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS IMMOBILIÈRES ET FINANCIÈRES

Article 26 - (art. 6, 16, 47, 56 et 59 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics) - Conditions d'attributions de marchés publics de défense ou de sécurité

L'article 26 du présent projet de loi tend à revenir sur les « surtranspositions » du droit communautaire introduit en droit français par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015.

I - Le droit en vigueur

L'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 a transposé en droit français la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

Il est apparu que le cadre défini par cette ordonnance était en définitive plus restrictif que celui porté par la directive à transposer, ce qui est d'autant plus regrettable que le contenu de cette directive avait été négocié pour l'essentiel sous présidence française, au second semestre 2008, de telle sorte que des souplesses soient au contraire prévues, dans l'objectif de préserver les achats de souveraineté et l'existence d'une BITD solide.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le texte initial du projet de loi proposait de revenir sur les surtranspositions présentes aux articles 6 et 47 de l'ordonnance du 23 juillet 2015.

L'article 7 de l'ordonnance tend en effet à écarter tous les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) de la possibilité d'intervenir comme adjudicateurs de marchés publics de défense ou de sécurité, alors même que la directive laissait cette possibilité ouverte pour des EPIC qui auraient des activités non commerciales. Ont ainsi été exclus du dispositif le Centre national des études spatiales (CNES), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

L'article 47 de l'ordonnance a ajouté, par rapport aux stipulations de la directive, deux conditions supplémentaires pour qu'une entreprise puisse bénéficier d'une dérogation à une interdiction préalable de soumissionner. L'article 26 du projet de loi propose donc, en ses alinéas 3 à 6, d'écarter ces conditions supplémentaires.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a élargi le dispositif de l'article 26 en adoptant un amendement présenté par le Gouvernement en commission pour traiter également des articles 56 et 59 de l'ordonnance. Il s'agit d'un sujet différent, puisqu'il s'agissait là de dispenser les acheteurs publics de rendre accessibles en open data les données essentielles des marchés publics, lorsqu'il s'agit de marchés de défense et de sécurité.

IV - La position de votre commission

Votre commission propose de poursuivre dans cette logique d'allègement de contraintes excessives pesant sur les achats publics en matière de défense et de sécurité. A cette fin, elle a adopté un amendement réintroduisant à l'article 16 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 les éléments de prise en compte des spécificités des achats en matière de défense et de sécurité. Cet ajout se fait naturellement dans le respect du droit communautaire, qui prévoit notamment le régime des « exclusions spécifiques » à l'article 13 de la directive 2009/81/CE précitée.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 27 - (Article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) - Prorogation du régime de cession des immeubles du ministère des armées

L'article 27 tend à proroger jusqu'en 2025 le régime dérogatoire des cessions d'immeubles affectés au ministère des armées sans que ces immeubles aient été reconnus comme définitivement inutiles pour les autres services de l'Etat.

I - Le droit en vigueur

Le régime général d'aliénation des dépendances du domaine privé de l'Etat est fixé par l'article L. 3211-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que : « Lorsqu'ils ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'État ou un établissement public de l'État, les immeubles du domaine privé de l'État peuvent être vendus dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État ».

Ainsi, avant l'engagement d'une procédure de cession d'un bien du domaine privé de l'Etat, le principe général est celui de sa réutilisation en priorité par les autres services de l'Etat.

Dans le cadre de la politique active de cession des emprises du ministère des armées, en conséquence des restructurations réalisées au cours de la dernière décennie, et afin de favoriser l'accroissement de l'offre foncière, des dispositions dérogatoires ont été instituées pour les cessions d'immeubles affectés au ministère en charge de la défense. Ces dispositions visent à dispenser ces cessions de la longue procédure interministérielle d'examen de l'éventuelle utilité du bien pour d'autres services de l'Etat. L'étude d'impact ajoute que « ce dispositif se justifie notamment par le souci d'assurer au mieux la reconversion de certains sites ». Le constat d'inutilité relève ainsi d'une procédure interne au ministère des armées. La cession demeure, toutefois, quant à elle, de la compétence de la direction de l'immobilier de l'Etat (DIE), ex- France Domaine, relevant de la direction générale des finances publiques (DGFIP) du ministère en charge de l'économie et des finances.

On notera qu'il reste évidemment possible, pour le ministre des armées, de procéder à une remise aux domaines d'un bien donné, qui lui est inutile, au profit d'un autre service ou d'un établissement public de l'Etat, dans le cadre d'un changement d'utilisation qui s'effectue alors soit à titre gratuit, soit à titre onéreux. Cette procédure a été mise en oeuvre récemment, par exemple, lors du changement d'utilisation de la Caserne Reymond à Montigny-lès-Metz, au profit du ministère de l'Intérieur, à titre gracieux.

Ce régime dérogatoire de cession des immeubles du ministère des armées a été institué puis prorogé par les deux précédentes LPM :

- L'article 7 de la LPM 2009-2014 124 ( * ) l'a institué pour la durée de la loi de programmation, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2014.

- L'article 47 de la LPM 2014-2019 125 ( * ) l'a prorogé jusqu'au 31 décembre 2019.

Ainsi, à l'heure actuelle, le III de l'article 73 de la loi 126 ( * ) du 23 décembre 1986 dispose :

« Jusqu'au 31 décembre 2019, par dérogation à l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles utilisés par le ministère de la défense peuvent être remis à l'administration chargée des domaines en vue de leur cession, sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles pour les autres services de l'Etat. »

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le présent projet de loi propose de proroger jusqu'au 31 décembre 2025 le régime dérogatoire de cession des immeubles utilisés par le ministère en charge de la défense sans qu'ils aient été reconnus inutiles à l'Etat.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

La disposition prévue au III de l'article 73 de la loi du 23 décembre 1986 s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de dispositions permettant, d'une part, de faciliter la cession des emprises du ministère des armées et, d'autre part, de permettre l'utilisation des recettes ainsi dégagées pour le financement des infrastructures de la défense.

Outre la disposition prorogée par le présent article, ce régime inclut en effet :

- Le retour intégral au ministère des armées des produits de cession de ses immeubles. Le rapport annexé (paragraphe n°465) prévoit la prolongation de ce dispositif : « Hors périmètre de la loi de programmation militaire, le budget des armées bénéficiera d'un taux de retour de l'intégralité du produit des cessions immobilières du ministère » . L'étude d'impact ajoute que ce principe de retour intégral sera proposé dans le projet de loi de finances pour 2019.

- L'affectation des recettes issues du CAS au financement d'infrastructures tant immobilières qu'opérationnelles du ministère de la défense. L'article 42 de la loi de finances pour 2017 127 ( * ) prévoit en effet que les opérations éligibles au CAS incluent les dépenses d'investissement ou d'entretien du propriétaire réalisées par l'Etat sur les infrastructures opérationnelles de la défense nationale. L'étude d'impact du présent projet de loi précise qu'il sera également proposé au Parlement de proroger ce dispositif, dont le terme est aujourd'hui fixé au 31 décembre 2019, dans le projet de loi de finances pour 2019.

D'après les informations fournies par le Gouvernement, la disposition prorogée par le présent article se justifie par le besoin d'assurer au mieux la reconversion de certains sites , par ailleurs difficiles à valoriser en raison de leur situation géographique et/ou patrimoniale. Elle permet alors de simplifier et d'accélérer l'opération de cession, en la dispensant de la procédure interministérielle d'examen de l'utilité du bien en cause.

Les produits de cessions immobilières attendus sur la période 2019-2025 sont évalués à 500 millions d'euros environ. Le produit financier espéré doit pouvoir venir accentuer rapidement l'effort au profit de l'offre de logements et de l'entretien des infrastructures du ministère.

La reconduction jusqu'au 31 décembre 2025 du régime dérogatoire de cession existant au profit du ministère des armées est donc bienvenue.

Votre commission a adopté l'article 27 sans le modifier.

Article 28 - (art. L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques) - Réalisation par l'acquéreur d'immeubles de l'État de certaines opérations contre déduction de leur coût sur le prix de cession

L'article 28 tend à sécuriser le dispositif de réalisation par l'acquéreur d'immeubles de l'État de certaines opérations contre déduction de leur coût sur le prix de cession.

I - Le droit en vigueur

L'article L3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) est relatif à la vente des immeubles du domaine privé de l'État.

Il a été complété par l'article 126 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie 128 ( * ) qui lui a ajouté un second alinéa, prévoyant la possibilité pour l'État de confier à l'acquéreur d'un bien immobilier de son domaine privé le soin de procéder :

- aux mesures de dépollution prévues à l'article L. 541-2 du code de l'environnement (« Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale ... ») ;

- ou à l'élimination des pollutions pyrotechniques.

L'article 126 de la loi du 4 août 2008 précise :

- que le coût de la dépollution s'impute sur le prix de vente ;

- que ce coût « peut être fixé par un organisme expert indépendant choisi d'un commun accord par l'État et l'acquéreur ».

Il s'agit pour l'État d'éviter de supporter l'avance des frais de dépollution et d'accélérer la disponibilité des emprises concernées.

L'article 8 de la LPM 2009-2014 129 ( * ) a clarifié la rédaction de ce second alinéa de l'article L. 3211-1 du CGPPP, qui est aujourd'hui ainsi rédigé :

« Lorsque la cession de ces immeubles implique l'application des mesures prévues à l'article L. 541-2 du code de l'environnement ou l'élimination des pollutions pyrotechniques, l'État peut subordonner la cession à l'exécution, dans le cadre de la réglementation applicable, par l'acquéreur, de ces mesures ou de ces travaux, le coût de la dépollution s'imputant sur le prix de vente. Dans cette hypothèse, le coût de la dépollution peut être fixé par un organisme expert indépendant choisi d'un commun accord par l'État et l'acquéreur. »

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 28 du présent projet de loi propose d'améliorer la rédaction du second alinéa de l'article L. 3211-1 du CGPPP, dont l'application s'est révélée délicate.

D'après l'étude d'impact, les objectifs poursuivis sont les suivants :

- Sécuriser la réalisation effective des opérations de dépollution par l'acquéreur dans le respect des règles de sécurité applicables , s'agissant tant de la gestion des déchets que des obligations qui s'imposent normalement au ministère des armées en matière de dépollution pyrotechnique 130 ( * ) ;

- Protéger les intérêts financiers des parties , en précisant expressément que la déduction sur le prix de vente du coût réel des travaux réalisés ne doit pas excéder la limite du plafond contractuel, qui sera désormais systématiquement déterminé à dire d'expert. Tandis que le recours à l'expert n'est que facultatif dans le dispositif actuel, il devient obligatoire et doit permettre l'exercice du contradictoire entre les parties. En outre, toute dépollution complémentaire que nécessiterait l'adaptation du terrain à son usage futur serait, après la cession, à la charge de l'acquéreur. Enfin, pour conserver la mémoire des opérations réalisées, il est prévu d'annexer à l'acte de vente « le diagnostic de dépollution, le rapport d'expertise et le relevé des mesures de dépollution réalisées ».

L'article 28 du présent projet de loi propose, pour ce faire, de rédiger ainsi le second alinéa de l'article L. 3211-1 du CGPPP :

« Lorsque la cession de ces immeubles implique l'application des mesures prévues à l'article L. 541-2 du code de l'environnement ou, en fonction de l'usage auquel le terrain est destiné, la réalisation d'une opération de dépollution pyrotechnique, l'État peut subordonner la cession à l'exécution, par l'acquéreur, de ces mesures ou de ces travaux. Dans ce cas, les opérations de dépollution pyrotechnique sont exécutées conformément aux règles de sécurité définies par voie réglementaire. Le coût réel de ces mesures ou travaux s'impute sur le prix de vente à concurrence du montant fixé à ce titre dans l'acte de cession, déterminé par un expert indépendant choisi d'un commun accord par l'État et l'acquéreur. Cette expertise est contradictoire. Le diagnostic de dépollution, le rapport d'expertise et le relevé des mesures de dépollution réalisées sont annexés à l'acte de vente. Une fois la cession intervenue, l'acquéreur supporte les dépenses liées aux mesures supplémentaires de dépollution nécessaires à l'utilisation future de l'immeuble cédé. »

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Le ministère des armées n'est pas actuellement en mesure de fournir un bilan précis de ses cessions avec réalisation par l'acquéreur d'opérations de dépollution contre déduction du prix de vente. Pour l'avenir, il a néanmoins engagé un travail de connaissance et de fiabilisation de ses coûts de dépollution, afin de les provisionner sur son bilan comptable. Un audit est en cours de réalisation en ce sens.

Le mécanisme de réalisation par l'acquéreur d'immeubles de l'État de certaines opérations de dépollution, contre déduction de leur coût sur le prix de cession, est de nature à faciliter et accélérer les cessions immobilières du ministère des armées.

Votre commission est donc favorable à l'amélioration de ce dispositif dans les deux directions proposées :

- D'une part, afin de sécuriser la réalisation effective des opérations de dépollution par l'acquéreur dans le respect de la réglementation applicable. Ce point est particulièrement sensible, pour le ministère des armées, s'agissant des opérations de dépollution pyrotechnique qui présentent des risques importants pour la sécurité et sont soumises à une réglementation particulière.

- D'autre part, pour protéger les intérêts financiers du ministère en précisant que la déduction du prix de vente ne pourra pas dépasser un plafond contractuel estimé à dire d'expert de façon contradictoire entre les parties.

Votre commission vous propose un amendement de clarification du dispositif, s'agissant de la nature des documents qui devront être annexés à l'acte de vente, la rédaction du projet de loi ne semblant pas cohérente avec le principe d'une dépollution réalisée postérieurement à la vente.

Votre commission a adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 28 - (art. L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques) - Exonération du mécanisme de décote sauf pour la réalisation de programmes de logements sociaux réservés aux agents du ministère des armées

L'article additionnel après l'article 28 tend à exonérer le ministère des armées du mécanisme de décote prévu par la loi du 18 janvier 2013, sauf pour la réalisation de programmes de logements sociaux intégralement réservés aux agents de ce ministère.

I - Le droit en vigueur

La loi du 18 janvier 2013 131 ( * ) , dite "loi Duflot" a introduit la possibilité d'appliquer une décote pouvant aller jusqu'à 100 % de la valeur vénale du prix des terrains cédés par l'État et ses établissements publics lorsque ces terrains sont affectés à la construction de logements dont une partie au moins est constituée de logements locatifs sociaux. Cette loi prévoit également, au profit de l'administration qui subit cette décote, une possibilité de réservation, à titre gratuit, d'une partie de ces logements sociaux (plafonnée à 10 %). Ces dispositions figurent respectivement aux I, II et V de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

À l'initiative de la commission, la loi du 28 juillet 2015 132 ( * ) actualisant la programmation militaire avait limité le taux de décote à 30 % pour les terrains occupés par le ministère de la défense. Cette disposition, fruit d'un accord en CMP avec l'Assemblée nationale, a toutefois été, par la suite, abrogée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016.

II - Le dispositif proposé

La commission n'est pas favorable au mécanisme de décote , qui entraîne des moins-values importantes pour le ministère des armées.

Ces moins-values se sont élevées à 25 millions d'euros depuis la mise en oeuvre de la loi « Duflot », avec des taux de décote compris entre 27 % et 100 %. A ce montant, il faut ajouter environ 50 millions d'euros de décote estimée , dans le cadre de la vente en cours d'une partie de l'Ilot Saint-Germain à Paris (pour 29 millions d'euros au lieu de 80 millions d'euros estimés), qui doit permettre, en contrepartie, la réservation de 50 logements sur 250 pour le personnel militaire.

Toutefois, la commission est préoccupée par la question du logement des militaires , particulièrement en Ile-de-France et à Paris où le marché est très tendu. C'est pourquoi elle propose cet amendement, qui tend à supprimer à nouveau le mécanisme de décote dans le cadre des cessions de terrains occupés par le ministère des armées, sauf s'il s'agit de réaliser un programme de logement social réservé intégralement aux agents de ce ministère .

Le dispositif dérogatoire, introduit par cet amendement, est prévu à titre temporaire pendant la durée de la programmation. Il se justifie par la situation particulière du ministère des armées au regard de la question du logement de ses agents et de leur mobilité, dans un contexte où ils sont sur-sollicités et déployés y compris sur le territoire national .

Le gouvernement a choisi de poursuivre les cessions immobilières, malgré la remontée en puissance des effectifs ; la question du logement, qui est un enjeu central de la fidélisation, doit être pleinement intégrée à la réflexion sur les cessions futures.

Votre commission a donc inséré cet article additionnel.

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS RELATIVES AU MONDE COMBATTANT

Article 29 - (Loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ») - Évolution du Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » devenant « Ordre de la Libération »

L'article 29 modifie la composition du conseil d'administration de l'Ordre de la Libération, sa dénomination et en compléte la liste de ses ressources par les produits du mécénat.

I - Le droit en vigueur

Créé en novembre 1940 133 ( * ) par le Général de Gaulle, l'Ordre de la Libération, deuxième ordre national français après l'ordre de la légion d'honneur, visait à distinguer les personnes physiques ou les collectivités qui allaient oeuvrer pour la Libération de la France lors de la Seconde Guerre mondiale. Son admission ne fut accordée qu'à un nombre réduit de personnes, d'unités militaires et de communes pour des hauts-faits lors de la Libération. La croix de la Libération a été attribuée à 1036 personnes physiques entre janvier 1941 et janvier 1946, date à laquelle a été pris un décret de forclusion 134 ( * ) . En 1945, l'ordre a reçu un statut inspiré de celui de la Légion d'honneur et a été doté d'une personnalité morale et de l'autonomie financière, sous la forme d'un budget annexe du ministère de la Justice. Le Conseil de l'ordre de la Libération assurait alors le fonctionnement de l'institution aux côtés du chancelier.

Puis, l'ordre a vu s'éteindre ses récipiendaires physiques, compagnons de la Libération, sans possibilité de renouvellement. De même, les 18 unités militaires 135 ( * ) ayant été distinguées n'étaient pas assurées de perdurer en l'état. Il ne restait donc que les cinq communes titulaires de la Croix de la Libération, soit par ordre d'admission à l'ordre : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile de Sein, pour assurer à la fois l'incarnation des valeurs de la Résistance et de la Libération et les missions mémorielles et sociales de l'ordre. Ces missions concernent, sur le plan de la mémoire, l'organisation des cérémonies du 18 juin au Mont Valérien, l'administration du musée de l'Ordre de la Libération, et le service des médaillés de la Résistance. Sur le plan social, l'ordre veille aux secours apportés aux compagnons de la Libération, aux médaillés de la Résistance et à leurs familles.

Le statut de l'ordre de la Libération a évolué pour permettre d'assurer la continuité des missions assurées. En conséquence, la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 136 ( * ) a créé le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » , établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du garde des sceaux, ministre de la Justice 137 ( * ) . Aux termes de l'article 1 er de la loi du 26 mai 1999, ce Conseil national devait se substituer au Conseil de l'Ordre lorsque que celui-ci ne pourrait plus réunir quinze membres 138 ( * ) . La transition a eu lieu le 16 novembre 2012. L'article 3 de la loi du 26 mai 1999, modifiée, prévoyait que le Conseil national se compose, à compter de cette date, des cinq maires en exercice des communes titulaires de la Croix de la Libération, du délégué national nommé dans les mêmes conditions que précédemment et des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération.

L'article 2 définissait les missions du Conseil national, présentées dans l'encadré ci-dessous.

Le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » a pour mission :

- d'assurer la pérennité des traditions de l'Ordre de la Libération et de porter témoignage de cet Ordre devant les générations futures, en liaison avec les unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération ;

- de mettre en oeuvre toutes les initiatives qu'il juge utiles, dans les domaines pédagogique, muséographique ou culturel, en vue de conserver la mémoire de l'Ordre de la Libération, de ses membres et des médaillés de la Résistance française ;

- de gérer le musée de l'Ordre de la Libération* et de le maintenir, ainsi que les archives de l'Ordre, en leurs lieux dans l'Hôtel national des Invalides ;

- d'organiser, en liaison avec les autorités officielles, les cérémonies commémoratives de l'Appel du 18 juin et de la mort du général de Gaulle ;

- de participer à l'aide morale et matérielle aux Compagnons de la Libération, aux médaillés de la Résistance française et à leurs veuves et enfants.

*Créé en 1970 par Claude Hettier de Boislambert, compagnon de la Libération et chancelier de l'Ordre.

Les articles 4 et 5 de la loi du 26 mai 1999 précisaient les modalités de fonctionnement du Conseil national, l'article 6 définissait les missions du délégué national. L'article 9 soumettait le Conseil au contrôle administratif et financier de l'État.

Enfin, l'article 7 confiait au Conseil national la responsabilité, sous la présidence du délégué national, d'assurer le service de la médaille de la Résistance française. Et l'article 8 énumérait les ressources de l'établissement qui sont, selon une typologie classique : les subventions accordées par l'État ou d'autres personnes physiques, les produits des droits d'entrée du musée, les rémunérations des services rendus, les produits financiers résultat des placements de ses fonds, les dons et legs.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le présent projet de loi améliore la visibilité de l'ordre de la Libération en modifiant le nom de l'établissement public. Il rénove la gouvernance de l'établissement et complète partiellement la liste de ses ressources pour pérenniser son action.

Pour accroître la notoriété et le rayonnement de l'ordre et de l'établissement public trois mesures sont prévues.

Il est proposé de réintégrer le nom « Ordre de la Libération » sans pourtant faire disparaître l'évocation des communes qui demeurent, selon l'étude d'impact, les acteurs animant désormais l'ordre national. Ainsi la loi du 26 mai 1999 précitée est modifiée par les 1°, 2°, 5° et 6° du présent article afin de remplacer le nom « Conseil national des communes - Compagnons de la Libération » par le nom « Ordre de la Libération (Conseil national des communes « Compagnons de la Libération ») » . L'intitulé de la loi, les articles 1, 2, 4, 5, 7 et 8 de la loi de 1999 sont ainsi modifiés.

Le 3° du projet de loi confie une nouvelle mission à l'établissement public ainsi renommé : celle de « faire rayonner l'Ordre de la Libération afin de développer l'esprit de défense à travers l'exemple de l'engagement des Compagnons de la Libération ». Cette mission est de fait déjà exercée par l'établissement public, et la modification vise à prendre acte de son action, notamment à destination de la jeunesse, qui renforce l'esprit de défense, et le lien armée-Nation .

Enfin, le 7° du présent article complète l'article 7 de la loi du 26 mai 1999 et reconnaît à la Commission nationale de la médaille de la Résistance française, présidée par le délégué national , et dont le service est assuré par l'Ordre de la Libération, compétence pour rendre un avis sur l'attribution à titre posthume la médaille de la Résistance . La médaille de la Résistance française ne peut plus être attribuée, par décret du Président de la République, qu'à titre posthume depuis le 31 décembre 1947. En sont titulaires 65 295 personnes, dont 25 000 l'ont reçu à titre posthume , dix-huit collectivités territoriales, vingt-et-une unités militaires des trois armées et quinze autres entités telles que des lycées, hôpitaux, couvents, etc.

Le second objectif du présent article est de rénover la gouvernance de l'établissement . Le 4° du présent projet de loi modifie l'article 3 de la loi du 26 mai 1999 :

- il permet aux maires des communes « Compagnons de la Libération » d'être représentés au sein du conseil d'administration,

- il ajoute de nouveaux membres au conseil d'administration. Outre, les personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération, le délégué national et les représentants des cinq communes « Compagnons de la Libération », siègeront désormais : des représentants de l'État , des représentants des armées d'appartenance des unités combattantes titulaires de la Croix de la Libération , des représentants d'associations oeuvrant dans le domaine de la mémoire et de l'histoire de la Résistance et de la Libération , et des personnes qualifiées .

Enfin, le 8° du présent projet de loi complète l'article 8 de la loi du 26 mai 1999 pour ajouter les produits du mécénat à la liste des ressources du Conseil national . Le Conseil national recevait déjà des recettes de mécénat, soit 160 000 euros en 2017, représentant 7 % des recettes encaissées 139 ( * ) . Le présent projet de loi clarifie le droit en vigueur sur ce point, mais n'inclut pas d'autres recettes , notamment des recettes commerciales. Votre commission propose un amendement pour y remédier et lever toute ambiguïté sur la possibilité pour l'établissement public de bénéficier de la vente des produits proposés par le musée ou dans le cadre d'une opération de mécénat.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, en commission, deux amendements rédactionnels.

IV - La position de votre commission

Votre commission vous propose un amendement tendant à achever de sécuriser les ressources de l'établissement public en incluant les recettes annexes du musée et les recettes annexes du mécénat .

Lorsque le mécénat aboutit à la vente de brochures, de médailles souvenirs ou tout autre produit conçu lors d'un évènement spécifique, ou que le musée vend ce type de produits aux visiteurs, ou reçoit un loyer pour avoir prêté une pièce dans le cadre de la production d'une oeuvre télévisuelle ou cinématographique par exemple, la perception des recettes ainsi acquises serait prévue explicitement , ce qui n'est pas le cas actuellement, ni pour les produits de mécénat, ni pour les recettes annexes.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 30 - (art. L. 113-6, L. 164-1, L. 612-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre) - Mises en conformité constitutionnelle et organique de certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

L'article 30 du présent projet de loi tend à modifier le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre afin, d'une part, d'assurer la conformité du droit en vigueur à une décision QPC du Conseil constitutionnel, d'autre part, afin de tirer les conséquences de la modification du code électoral opérée par la loi organique n°2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

I - Le droit en vigueur

La prise en compte de la décision n°2015-530 QPC du 23 mars 2016

L'article 13 de la loi n°63-778 du 31 juillet 1963 de finances pour 1963 a instauré un régime d'indemnisation ouvrant droit à pension pour les victimes civiles, de nationalité française à la date de la promulgation de la loi, ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie.

L'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 1963 indiquait qu'« une décision de l'Assemblée algérienne, homologuée par un décret du 30 juillet 1955, ayant mis à la charge de l'Algérie la réparation des dommages physiques subis par les victimes civiles des événements survenus sur ce territoire depuis le 1 er novembre 1954, un régime spécial d'indemnisation avait été créé par des arrêtés d'applications. Les rentes versées, au titre de cette réglementation, aux victimes ou à leurs ayants cause, ainsi que les dossiers non encore liquidés, devraient, en vertu des accords d'Évian, être pris en charge par l'Etat Algérien. Mais celui-ci n'assure plus le paiement des rentes dues aux victimes ou à leurs ayants cause. Ainsi, compte tenu de la situation souvent précaire des intéressés, le Gouvernement a-t-il estimé opportun que, dans un souci de solidarité nationale, l 'Etat français prenne l'initiative de mesures susceptibles de remédier à cette situation ».

Toutefois, dès l'examen de la loi, avait été souligné le caractère trop restrictif de ces dispositions, notamment à l'égard de réfugiés politiques algériens qui n'auraient pas été en mesure d'acquérir la nationalité française à temps pour bénéficier du droit à pension.

Dès lors, l'article 1 er du décret n° 69-402 du 25 avril 1969 a ouvert le bénéfice du droit à pension aux « personnes qui ont subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques dans les conditions définies à l'article 13 modifié de la loi (...) du 31 juillet 1963 et qui n'avaient pas la nationalité française à la date de promulgation de cette loi (...) lorsqu'elles ont été admises au bénéfice des dispositions du décret (...) du 4 septembre 1962 », à savoir les personnes qui avaient quitté l'Algérie en raison des évènements politiques et avaient servi dans l'armée française, fait preuve de dévouement à l'égard de la France ou rendu des services exceptionnels, ou encore perdu un descendant, un ascendant ou conjoint mort pour la France.

L'article 12 de la loi n°64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits en avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie a modifié les dispositions de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 afin de préciser que la condition de nationalité française était également applicable aux ayants cause des victimes.

L'ordonnance n°2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du CPMIVG a abrogé à compter du 1 er janvier l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 mais ses dispositions ont été reprises par les articles L. 113-6, L.115-1, L. 124-11 et L.124-17 du code.

Toutefois, dans sa décision QPC du 23 mars 2016, le Conseil constitutionnel a estimé que la différence de traitement opérée par la loi entre les victimes ou leurs ayants cause de nationalité française et ceux qui ne possédaient pas cette nationalité à la date de la promulgation de la loi était contraire à la Constitution . En effet, selon le Conseil, au regard de l'objet de la loi, ces personnes ne sont pas dans une situation différente selon qu'elles possédaient ou non la nationalité française à la date de la promulgation de la loi, dès lors qu'elles satisfont aux autres conditions posées par celle-ci : la différence de traitement n'est donc pas justifiée. En conséquence, le Conseil a censuré les mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » et les mots « à la même date » au sein de la loi du 31 juillet 1963.

Par ailleurs, plus récemment, le Conseil constitutionnel a également été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le même article 13 de la loi du 31 juillet 1963, portant sur le respect par celui-ci du principe d'égalité entre les nationaux français et les non français. Dans sa décision n°2017-690 du 8 février 2018, il a estimé que « le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, établir, au regard de l'objet de la loi, une différence de traitement entre les victimes françaises et celles de nationalité étrangère résidant sur le territoire français au moment du dommage qu'elles ont subi . » En conséquence, le Conseil a censuré l'application en l'espèce du critère de nationalité. Toutefois, cette décision étant encore récente et postérieure à la présentation du présent projet de loi en Conseil des ministres, le Gouvernement n'a pu encore à ce stade en intégrer d'ores et déjà les effets dans ce texte.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le 1° du présent article tire les conséquences de la décision QPC du 23 mars 2016 du Conseil constitutionnel en modifiant l'article L. 113-6 du CPMIVG pour y supprimer la condition de la date d'obtention de la nationalité française.

Par ailleurs, le 2° tend à modifier le premier alinéa de l'article L. 164 1 du même code afin de rendre impossible l'obtention d'une pension pour les personnes ayant perdu la nationalité française à la suite de l'accession à l'indépendance d'un territoire antérieurement français. En revanche, ceux qui, dans la même situation, en bénéficient déjà, pourront continuer à en bénéficier. Il s'agit ainsi d'éteindre progressivement ce régime d'indemnisation.

La mise en conformité organique

L'article L. 612-1 du CPMIVG prévoit que le conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre compte au titre du premier de ses trois collèges des représentants des assemblées parlementaires et de l'administration.

L'article 13 de la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a prévu que toute nomination de parlementaires au sein d'une institution ou d'un organisme extérieur à sa chambre d'appartenance (c'est-à-dire un organisme extra-parlementaire) soit faite en vertu d'un fondement législatif.

Ainsi, le 3° du présent article tend à préciser, au 1° de l'article L. 612-1 du CPMIVG, que le premier collège du conseil d'administration de l'ONAC-VG est composé d'un député et d'un sénateur, désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, et de représentants de l'administration.

III - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Philippe Chalumeau, prévoyant que les parlementaires désignés par chaque chambre pour siéger au Conseil d'administration de l'ONACVG seront alternativement un homme et une femme.

IV - La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE VIII - MESURES DE SIMPLIFICATION

Article 31 - Application du SOFA OTAN pour les activités internationales se déroulant en France

L'article 31 tend à étendre les règles de l'accord sur le statut des forces de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord (SOFA OTAN), qui s'appliquent à la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères chargés de la défense des forces alliées, aux activités de coopération bilatérales ou multilatérales dans le domaine de la défense ou de la sécurité civile, conduite sur le territoire national, à bord d'aéronefs ou sur des navires français, avec les forces armées de membres de l'Alliance atlantique ou du Partenariat pour la paix.

I - Le droit en vigueur

Le SOFA OTAN a été signé le 19 juin 1951. Il s'agit d'une convention régissant la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères de la défense des membres de l'Alliance atlantique, la fiscalité, le régime douanier et les questions de juridictions pénales qui les régissent.

Or, actuellement, les règles de ce statut des forces de l'OTAN ne s'appliquent pas lors des activités de coopération dans le domaine de la défense et dans celui de la sécurité civile et de la gestion des crises conduite sur le territoire national, à bord des aéronefs ou des navires d'Etat, dès lors que ces activités sont bilatérales et non multilatérales. De ce fait, les exercices opérationnels comme des insertions d'officiers dans les états-majors se font dans le cadre de simples « arrangements techniques » qui ne permettent pas de régler les questions de privilèges fiscaux ponctuels, des privilèges de juridiction et des immunités.

II - Les dispositions du projet de loi

L'article 31 du projet de loi remédie à cette lacune en prévoyant, dans les cas précités, l'application des règles de fond du statut des forces de l'OTAN.

La mention des aéronefs d'Etat vise, en conformité avec l'article 3 de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, les aéronefs militaires, les avions et hélicoptères de la sécurité civile et des douanes. La mention des navires d'Etat vise quant à elle, en application de la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, les navires de guerre et les patrouilleurs des douanes et des affaires maritimes.

Enfin, il est précisé que les dispositions du SOFA ne pourront s'appliquer que « sous réserve des dispositions de l'article 696-4 du code de procédure pénale », ce qui permet d'écarter toute possibilité d'extradition vers un pays qui appliquerait toujours la peine de mort.

III - La position de votre commission

Votre commission a approuvé le dispositif qui constitue une simplification utile pour les activités de coopération de nos armées avec celles des pays alliés.

Votre commission a adopté l'article 31 sans modification.

Article 32 - (art. L. 151-4, L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre) - Réforme du contentieux des pensions militaires d'invalidité

L'article 32 du présent projet de loi tend à réformer le contentieux des pensions militaires d'invalidité (PMI) en supprimant les tribunaux des pensions, les cours régionales des pensions et, outre-mer, les cours des pensions. Les litiges correspondants seraient transférés aux juridictions administratives : tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. L'article 32 opère également une coordination concernant les recours contentieux formés par les militaires.

I - Le droit en vigueur

Les juridictions chargées des pensions, qui sont des juridictions administratives spéciales, siègent actuellement au sein des tribunaux de grande instance. Elles sont présidées par des magistrats de l'ordre judiciaire, assistés de deux assesseurs, un médecin et un pensionné.

Le contentieux des pensions est d'un volume limité : 721 décisions rendues par les tribunaux des pensions en 2016. Le volume était sensiblement plus important jusqu'en 2011 mais la fin d'un contentieux de série et celle du contentieux de la « décristallisation » des pensions ont conduit à une forte diminution des recours.

Jusqu'au 1 er juillet 2011, il existait un tribunal des pensions par département siégeant dans la même ville que le tribunal de grande instance dans le ressort duquel était compris le chef-lieu du département. À partir du 1 er juillet 2011, le nombre de tribunaux des pensions a été réduit à 37, correspondant à la carte des cours d'appel.

Actuellement, le contentieux des pensions militaires d'invalidité présente de nombreux dysfonctionnements . D'abord, les assesseurs pensionnés sont parfois difficiles à trouver. En outre, tant les magistrats, souvent honoraires, que les assesseurs, d'ailleurs faiblement rémunérés et de bénéficiant pas d'une formation spécifique, ne peuvent pas toujours prendre connaissance des dossiers dans de bonnes conditions. De plus, le contentieux des pensions militaires n'est pas concerné par les processus de dématérialisation et de diffusion de la jurisprudence en cours dans les juridictions administratives et judiciaires, d'où un risque de disparité des pratiques procédurales pouvant faire obstacle à l'égalité d'accès à la justice.

Surtout, le délai moyen de traitement constaté, qui s'allonge depuis plusieurs années, est aujourd'hui d'environ deux ans, de sorte que l'État a été condamné à plusieurs reprises par le Conseil d'Etat . La Cour européenne des droits de l'homme a également conclu à une violation par la France de l'article 6§1 de la convention, relatif au droit à un procès équitable, du fait de ce délai de jugement excessif 140 ( * ) .

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'instauration d'un recours administratif préalable

Actuellement, la Commission de réforme des pensions militaires d'invalidité (CRPMI) peut être saisie par le demandeur au cours de l'instruction de la demande de pension. Cette saisine intervient, en cas de désaccord, au stade du constat provisoire. La CRPMI est composée de militaires (officiers ou sous-officiers, médecin militaire) et peut entendre le demandeur. Son avis, consultatif, ne diffère que rarement de la décision de la sous-direction des pensions.

Le présent article tend à supprimer ce dispositif en abrogeant l'article L. 151-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui dispose que : « Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. ».

Il crée au titre I er du livre VII du même code l'article L. 711-2 disposant que : « Les recours contentieux contre les décisions individuelles [...] sont précédés d'un recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État . ».

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une commission ad hoc , adossée à la commission de recours des militaires, sera ainsi créée. Elle comprendra un médecin, des représentants de l'administration (service des retraites de l'État, sous-direction des pensions) et un représentant des pensionnés et sera dotée d'un pouvoir décisionnel. La procédure serait écrite mais le demandeur pourrait être entendu à sa demande et être accompagné d'une personne de son choix. Une expertise médicale pourra être sollicitée. Cette commission se réunira deux fois par mois.

Par coordination avec la création de ce recours administratif préalable obligatoire en matière de pensions militaires d'invalidité, le présent article tend à l'abrogation du premier alinéa de l'article 23 de la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, qui pose le principe suivant lequel les recours contentieux exercés par les militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle sont précédés d'un recours administratif préalable. En effet, la création de l'article L. 4125-1 du code de la défense, codifiant ces dispositions, par le II de l'article 11 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ne s'est pas accompagnée de leur abrogation. Le présent projet tend ainsi à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les cas dans lesquels, eu égard à l'objet du litige, les recours contentieux n'ont pas à être précédés d'un recours administratif préalable obligatoire.

Le transfert du contentieux aux juridictions administratives

L'article 32 tend à remplacer le chapitre unique du titre 1 er du livre VII du CPMIVG par trois nouveaux articles concernant le transfert du contentieux, la création précitée du recours administratif préalable et le bénéfice de l'aide juridictionnelle. L'article L. 711-1 est ainsi rédigé : « Les recours contentieux contre les décisions individuelles [...] sont introduits, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de justice administrative. ». Les titres II à IV du livre VII concernant les dispositions traitant de tribunaux des pensions sont abrogés.

Enfin, le projet de loi dispose que le transfert des procédures en cours aura lieu, au plus tard, le 1 er janvier 2020.

III - La position de l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté en séance publique un amendement de M. Gouttefarde soumettant au filtre du recours administratif préalable obligatoire non seulement les contestations relatives aux décisions portant sur le droit à la PMI mais également aux droits annexes qui en résultent (prévus aux titre I « prise en charge des soins médicaux et de l'appareillage », titre II « régime des personnes hospitalisées en établissement de santé autorisé en psychiatrie » et au titre III « reconversion et affiliation à la sécurité sociale » du livre II « Droits annexes à la pension »).

IV - La position de votre commission

Lors de leur audition par votre rapporteur, les associations de défense des intérêts des pensionnés ont fait valoir que cette réforme tendait à supprimer la spécificité du droit à réparation prévu par le code des pensions, dont l'article L2 dispose que « Les dispositions du présent code déterminent le droit à réparation des militaires servant en temps de paix comme en temps de guerre et de leurs conjoints survivants, orphelins et ascendants . » En effet, la juridiction administrative statue éventuellement sur des indemnités à verser par l'Etat en raison de mise en jeu de la responsabilité de celui-ci, non sur un droit à réparation qui correspond à la reconnaissance de la Nation exprimée par l'article L. 1 du même code : « La République française, reconnaissante envers les combattants et victimes de guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s'incline devant eux et devant leurs familles . »

Elles craignent en outre que la procédure très particulière qui s'applique devant la juridiction administrative, qui ne laisse que peu de place à l'oralité, ne soit défavorable au demandeur.

Reconnaissant le bien-fondé de certaines de ces craintes et soucieuse de préserver le principe intangible de la reconnaissance de la Nation, votre commission a adopté plusieurs amendements, visant à conserver une certaine spécificité du contentieux des pensions militaires d'invalidité malgré son transfert à la juridiction administrative.

Votre commission a ainsi adopté deux amendements tendant à préserver des éléments qui figurent actuellement dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre auxquels sont attachés les intéressés : le caractère largement oral de la procédure et la possibilité de se faire assister par la personne de son choix, la possibilité pour le président de la juridiction d'exercer une mission de conciliation et le fait que l'audience puisse se tenir à huis-clos à la requête du demandeur.

Dans le même esprit, elle a adopté un amendement de Mmes Gisèle Jourda et Isabelle Raimond-Pavero, ayant pour objet de prévoir un rapport annuel remis par le Gouvernement au Parlement sur le suivi du transfert à la juridiction administrative du contentieux des pensions et sur la mise en place du RAPO.

Enfin, votre commission a adopté un amendement de la commission des lois supprimant le renvoi à un décret pour les exceptions au RAPO en ce qui concerne les militaires.

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33 - (art. L. 2332-6 du code de la défense) - Allègement des obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de brevets concernant des matériels de guerre ou des biens à double usage

L'article 33 du présent projet de loi tend à simplifier les obligations des entreprises pour les déclarations de brevets concernant matériels de guerre et des armes et munitions de défense des catégories A et B, des matériels assimilés à des matériels de guerre ou des biens dits à « double usage », c'est-à-dire ceux susceptibles d'avoir une utilisation tant civile que militaire.

I - Le droit en vigueur

En effet dans ce cas, les entreprises souhaitant breveter une invention sont soumises à une double obligation .

Elles doivent d'une part déposer une demande à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI ) selon les règles prévues aux articles L. 612-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle. La demande doit comprendre une requête en délivrance de brevet, une description de l'invention qui présente l'état de la technologie, le problème à résoudre et le contenu scientifique de l'invention, une ou plusieurs revendications, un résumé du contenu technique de l'invention, le cas échéant, une copie des dépôts antérieurs, et enfin, les informations permettant d'identifier ou de communiquer avec le demandeur.

Afin de prévenir la divulgation de technologies sensibles, elles doivent, d'autre part, en application de l'article L. 2332-6 du code de la défense 141 ( * ) , transmettre au ministre des armées 142 ( * ) , dans un délai de huit jours à compter du dépôt à l'INPI, une « description de la découverte, invention ou application faisant l'objet du brevet ou de l'addition demandée ».

Cette déclaration doit obligatoirement faire apparaître l'indication de la date de dépôt de la demande de brevet auprès de l'INPI et du numéro d'enregistrement de l'invention. A partir de celle-ci, les services de la direction générale de l'armement identifient les inventions qui revêtent un caractère stratégique. Plus d'une centaine d'experts de cette direction sont ainsi sollicités.

Cette double déclaration concerne potentiellement un peu moins de trois mille entreprises qui interviennent dans le domaine des matériels de guerre et des biens à double usage, essentiellement des petites et moyennes entreprises. En pratique, les services du ministère des armées choisissent d'examiner une trentaine de demandes de brevets, sur une moyenne de cinq cents déposées chaque semaine.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Cette double déclaration imposée aux entreprises répond à des exigences différentes : la protection de la propriété intellectuelle, d'une part, et la protection des intérêts de la défense nationale, d'autre part. Pour autant ce dispositif peut être simplifié :

• dans les deux cas, les mêmes informations sont transmises, mais selon des modalités différentes ;

• en outre, l'article L. 612-8 du code de la propriété intellectuelle permet aux agents du ministère des armées d'accéder, à titre confidentiel, à la description fournie lors de la demande de dépôt de brevet auprès de l'INPI grâce au numéro d'enregistrement du dossier ;

• en pratique, les informations déposées à l'INPI sont souvent plus complètes que la description envoyée au ministère des armées.

Aussi le projet de loi propose-t-il de supprimer la référence à la transmission, au ministère des armées, de la description de l'invention dans l'article L.2332-6 du code de la défense.

Ainsi, les services du ministère des armées pourront optimiser leur choix d'examen en raison d'une prise de connaissance des demandes de dépôt de brevets plus rapide en raison de dossiers déposés moins volumineux, le traitement de ces derniers par l'administration se trouvera ainsi simplifié et le travail de vérification des demandes de dépôt de brevet, facilité.

Il en résultera également un allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises.

Par cohérence, le projet de loi supprime également les références à « l'addition à un brevet », un concept qui n'existe plus dans le code de la propriété intellectuelle.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cette mesure de simplification. Il restera toutefois à en optimiser la mise en oeuvre en améliorant la coordination entre l'INPI et la DGA afin de rendre les dossiers accessibles dans des délais plus rapides (actuellement deux semaines).

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 34 - Habilitation à simplifier, par ordonnances, les dérogations aux procédures d'information et de participation du public dont bénéficie la défense

L'article 34 tend à habiliter le gouvernement à simplifier, par ordonnances, un ensemble hétérogène de règles dérogatoires à diverses procédures d'information et de participation du public dont bénéficie le ministère des armées pour des motifs liés aux impératifs de la défense nationale.

I - Le droit en vigueur

L'étude d'impact justifie la nécessité de légiférer de la façon suivante :

« En l'état actuel du droit, il existe de nombreuses règles procédurales permettant de déroger aux règles d'information et de participation du public ou à d'autres règles de transparence. Fondées pour la plupart sur des dispositions anciennes, modifiées à de multiples reprises, elles constituent aujourd'hui un ensemble hétérogène fondé sur des dispositifs segmentés, qui s'appuient sur des terminologies différentes et des conditions de mise en oeuvre très diverses ».

L'une des difficultés provient du fait que ces dispositions dérogatoires s'appliquent au regard de qualifications parfois distinctes de celles prévues aux articles 413-7 (zones protégées) et 413-9 (secret de la défense nationale) du code pénal. Les notions employées sont disparates : plans et projets « nécessitant le secret pour des raisons de sûreté », ou portant sur des « installations réalisées dans le cadre d'opérations secrètes intéressant la défense nationale », « afin de tenir compte des impératifs de la défense nationale », ou encore « soumis à des règles de protection » ou « couverts » ou « protégés » par le secret de la défense nationale...

Ces dispositions hétérogènes sont les suivantes 143 ( * ) :

- Dans le code de l'urbanisme : article L. 421-5, L. 421-6 et L. 421-8 ;

- Dans le code de l'environnement : article L. 120-1, L. 123-2, L. 217-1, L. 517-1 ;

- Dans le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : article L. 122-4 ;

- Dans le code des relations entre le public et l'administration : article L. 134-33 et L. 134-34 ;

- Dans le code de la défense, qui renvoie à certains des articles susmentionnés.

L'hétérogénéité des dispositifs suscite des difficultés d'interprétation et des confusions, avec des risques :

- d'utilisation abusive de certaines dérogations ou d'omissions de certaines formalités indispensables ;

- de protection insatisfaisante de la confidentialité des plans et projets concernés.

Les services juridiques du ministère ont ainsi été saisis de nombreuses difficultés concrètes, survenues à l'occasion de situations très diverses.

En raison du caractère ponctuel et par nature confidentiel des dérogations accordées, le ministère des armées n'est pas en mesure de fournir une évaluation du nombre de dérogations ou d'aménagements de procédures utilisés ou sollicités chaque année.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Dans un objectif de simplification et de meilleure lisibilité de la loi, il paraît utile :

- d'harmoniser les termes utilisés pour qualifier les situations justifiant la mise en oeuvre d'un dispositif dérogatoire ;

- d'articuler et de coordonner entre eux les différents dispositifs, grâce à la création d'une procédure unique permettant de garantir la confidentialité des plans et projets concernés.

L'étude d'impact précise que « cette nouvelle articulation entre les procédures dérogatoires existantes sera fondée sur une conciliation équilibrée entre, d'une part, « la protection de la confidentialité (...) nécessaire à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation », constitutionnellement protégés au titre du sixième considérant de la Charte de l'environnement de 2004 et, d'autre part, le principe d'information et de participation du public, issu de l'article 7 de cette Charte, dont les modalités pratiques de mise en oeuvre incombent au législateur ».

Par ailleurs, il sera nécessaire de « distinguer clairement les dispositions destinées à instituer une protection pénale renforcée de certains éléments, moyennant une procédure de classification extrêmement lourde, de celles simplement conçues pour permettre des aménagements de procédure, dont la vocation est de soustraire à la connaissance du public des éléments qui, bien qu'étant revêtus d'une sensibilité particulière, ne sont pas nécessairement classifiés » (étude d'impact).

Étant donné la multitude de dispositions concernées, dans une diversité de champs législatifs et réglementaires, et la nécessité d'assurer une coordination entre les différents services qui seront chargés de mettre en oeuvre la réforme, il est proposé de procéder par voie d'habilitation à légiférer par ordonnance, en application de l'article 38 de la Constitution.

La durée proposée pour l'habilitation est de dix-huit mois.

III - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a introduit trois modifications rédactionnelles au présent article.

L'article 34 ainsi modifié a ensuite été adopté, sans changement, en séance publique.

IV - La position de votre commission

Votre commission approuve la volonté du gouvernement de simplifier, d'harmoniser et de clarifier la législation en vigueur en matière de dérogations aux procédures d'information, de consultation ou de participation du public, dans l'intérêt de la défense nationale.

Au fil des ans, un ensemble hétérogène de règles juridiques éparses s'est constitué, au risque d'interprétations divergentes, et d'une insuffisante sécurité juridique pour toutes les parties concernées par les procédures en question.

La conciliation entre le principe d'information/participation du public et celui de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation nécessite une législation équilibrée, lisible, appliquée de la même façon sur l'ensemble du territoire.

Étant donné la technicité du travail à mener, qui relève essentiellement de la simplification, de la coordination et d'ajustements du droit existant, plutôt que de la mise en oeuvre de dispositions nouvelles, il ne paraît pas inapproprié de procéder par voie d'ordonnances.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 35 - (art. L. 121-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre) - Présomption d'imputabilité au service en cas de blessures ou maladies survenues pendant le service

L'article 35 du présent projet de loi tend à instaurer une présomption d'imputabilité au service des blessures ou des maladies ayant entraîné des séquelles faisant l'objet d'une demande de pension militaire d'invalidité (PMI).

I - Le droit en vigueur

Actuellement, il revient au demandeur d'une pension militaire d'invalidité (PMI) d'établir le lien entre le fait générateur d'une blessure ou d'une maladie et le service accompli. À cette fin, il doit produire le constat de sa blessure et démontrer qu'elle trouve bien sa cause dans le service ou dans un acte accompli à l'occasion de celui-ci. Il doit également démontrer la relation médicale entre le fait constaté et son infirmité. Le fait de réunir l'ensemble des documents nécessaires peut constituer une tache particulièrement complexe, notamment si la demande est faite plusieurs années après le fait générateur de l'infirmité.

Toutefois, l'article L. 121-2 du CPMVG prévoit une exception où la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé :

- s'il s'agit d'une blessure constatée avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ou au cours d'une OPEX, avant sa date de retour ;

- s'il s'agit d'une maladie constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant la fin du service.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le présent article tend à réécrire totalement l'article L. 121-2 précité et à y ajouter trois articles complémentaires afin de prévoir une présomption d'imputabilité au service des blessures ou maladies ayant entraîné des séquelles justifiant une demande de PMI . Selon l'étude d'impact, le Gouvernement entend ainsi appliquer aux militaires les II et IV de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issus de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, qui définissent pour les fonctionnaires une présomption d'imputabilité des blessures survenues ou des maladies contractées en service, ou à l'occasion de celui-ci s'agissant du congé pour invalidité temporaire. Par ailleurs, le III de l'article 21 bis précité définit l'accident de trajet et prévoit une imputabilité au service par preuve à la charge du fonctionnaire ou de ses ayants-droit, également repris par le présent article.

Ce faisant, le présent article maintient cependant une distinction entre le service habituel et le service en OPEX.

En service habituel, le 1° du nouvel article L. 121-2 dispose qu'est désormais imputable au service « toute blessure constatée par suite d'un accident, qu'elle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ».

Par ailleurs, le 3° du présent article établit une présomption d'imputabilité au service des maladies professionnelles figurant sur les tableaux mentionnés par les articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, dès lors que cette maladie a été contractée « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées dans les conditions mentionnées à ces tableaux ».

En opérations extérieures, comme auparavant, le militaire bénéficiera d'une présomption d'imputabilité au service de ses blessures ou maladies, dans les mêmes limites temporelles qu'indiquées ci-dessus.

Par ailleurs, le présent article tend à insérer au sein du CPMIVG trois articles L. 121-2-1 à L. 121-2-3 relatifs au régime d'imputabilité par preuve, qui subsiste dans certains cas aux côté du nouveau régime de présomption d'imputabilité.

L'article L. 121-2-1 nouveau dispose ainsi que, lorsqu'une ou plusieurs conditions prévues aux tableaux des maladies professionnelles, tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux, ne sont pas remplies, ou dans le cas d'une maladie non prévue dans les tableaux, la preuve est établie par le militaire ou ses ayants-cause.

Enfin, le nouvel article L. 121-2-2 définit l'accident de trajet et son mode d'imputabilité par preuve.

III - La position de l'Assemblée nationale

Les députés ont pleinement approuvé ce dispositif, n'adoptant qu'un amendement rédactionnel en séance publique.

IV - La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'introduction de ce dispositif qui constituait une demande de longue date et qui permettra une simplification considérable des démarches à mener par les militaires victimes de blessures ou de maladies liées au service.

Votre commission a adopté l'article 35 sans modification.

CHAPITRE IX - DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 36 - (ordonnances n° 2051-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l'action de l'État en mer, n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense) - Ratification d'ordonnances

1° - Ratification de l'ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015

I - Le droit en vigueur

Cette ordonnance a été prise en application de l'article 30 de la loi précitée n° 2015-917 du 28 juillet 2015.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Les dispositions de chapitre Ier ont pour objet d'améliorer l'efficacité du contrôle de la fabrication et du commerce des matériels de guerre en renforçant à l'article L. 2232-6 du code de la défense, l'obligation faite aux entreprises d'informer l'autorité administrative de tout dépôt de brevet relatif à des matériels de guerre, armes et munitions auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), en incluant dans son champ d'application les biens à double usage au sens communautaire et en procédant en conséquence à un certain nombre de coordination au sein du même code.

Le décret n° 2017-533 du 14 avril 2017 a inséré, dans le code de la défense, les articles D. 2332-2 et D. 2332-3 qui explicitent l'obligation d'information à destination du ministère des armées par les entreprises déposant un brevet.

Actuellement, les entreprises doivent faire connaître la description de leur découverte auprès de l'INPI et auprès de la sous-direction de la propriété intellectuelle et des affaires générales de la direction générale de l'armement. Avec la réforme prévue à l'article 33 du projet de loi, seul l'INPI sera destinataire de la description de cette découverte. La direction générale de l'armement sera informée du dépôt et de son numéro d'enregistrement.

III - La position de votre commission

Votre commission a adopté le 1° sans modification.

2°. Ratification de l'ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

I - Le texte proposé par le projet de loi

Le 2° du présent article tend à ratifier l'ordonnance n°2015-1781 du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre .

Cette ordonnance a été prise en application de l'article 55 de la loi du 18 décembre 2013 précitée relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, dont le 8° habilitait le Gouvernement à refondre par ordonnance la partie législative du code afin :

«a) d'y insérer les dispositions pertinentes qui n'ont pas encore été codifiées, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l'ordonnance concernée ;

« b) d'améliorer le plan du code ;

« c) de corriger les éventuelles erreurs ou insuffisances de codification ;

« d) d'assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence des textes faisant l'objet de la codification ;

« e) d'harmoniser l'état du droit ;

« f) d'abroger les dispositions devenues sans objet . »

La publication de l'ordonnance du 28 décembre 2015 a été suivie en 2016 par les travaux relatifs à la partie réglementaire du code, de sorte que les deux parties, législative et réglementaire, sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2017.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi de ratification de cette ordonnance, déposé au Sénat le 1 er juin 2016, « le code devait s'adapter à la professionnalisation des armées et à un contexte marqué par les opérations extérieures et les actes de terrorisme. Il s'applique non seulement aux militaires en temps de guerre et durant les opérations extérieures, mais aussi aux militaires victimes d'accidents ou de maladies imputables au service en temps de paix et à leurs ayants cause, soit environ 250 000 pensionnés au 1 er janvier 2015. Par ailleurs, et compte tenu des événements tragiques qui ont endeuillé la France en 2015, il était en outre nécessaire que la notion de victimes d'actes de terrorisme, pour lesquelles la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État a prévu qu'elles bénéficient des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicables aux victimes civiles de guerre, soit explicitement intégrée dans le code. »

La composition du nouveau code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est la suivante :

- le livre I er reprend les dispositions relatives à l'ouverture du droit à pension et à la fixation du taux de pension pour les militaires et victimes civiles de guerre invalides et leurs ayants cause, ainsi que les dispositions relatives aux allocations rattachées à la pension principale. Un titre I er , qui n'existait pas dans la version antérieure du code, détermine les bénéficiaires ;

- le livre II regroupe les dispositions relatives aux droits annexes au droit à pension. Il s'agit des soins médicaux et de l'appareillage au profit des pensionnés, du droit à la reconversion professionnelle des pensionnés, des emplois réservés dans la fonction publique ainsi que des cartes d'invalidité attribuées aux pensionnés et dans certains cas à leurs accompagnateurs, permettant notamment des réductions sur les transports SNCF ;

- le livre III traite des cartes et titres attribués aux combattants, aux victimes civiles de guerre, de la retraite du combattant et des décorations. Ces domaines ont en commun de constituer le témoignage de la reconnaissance de la Nation envers les combattants pour leur action au service de la France et la reconnaissance des souffrances endurées par les victimes civiles de guerre, indépendamment du droit à pension ;

- le livre IV traite de la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation, de la protection et des avantages reconnus aux pupilles. Ces dispositions n'ont pas fait l'objet de modifications substantielles. Leur rédaction a été mise en cohérence avec les procédures judiciaires actuelles, puisque la reconnaissance de la qualité de pupille est prononcée par jugement, ou en accord avec les règles applicables aux tutelles, après concertation avec le ministère de la Justice ;

- le livre V se décompose en deux titres. Le titre I er traite des mentions attribuées aux militaires décédés en temps de guerre ou en opérations extérieures ou à des victimes civiles de guerre (mention « mort pour la France ») ou attribuées aux militaires et aux agents publics décédés dans des circonstances particulières de service (mention « mort pour le service de la Nation »). Le titre II traite des sépultures de guerre et des procédures de restitution des corps ;

- le livre VI est également divisé en deux titres. Le titre I er traite de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Le titre II traite de l'Institution nationale des invalides ;

- le livre VII est relatif au contentieux des pensions et aux juridictions spéciales compétentes en la matière.

II - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a approuvé cette ratification et n'a adopté aucun amendement.

III - La position de votre commission

La refonte du CPMIVG résulte d'un très important travail mené en concertation avec des représentants des justiciables et des praticiens.

La ratification de la présente ordonnance est toutefois l'occasion de clarifier les points qui n'ont pu l'être du fait de la nature de l'habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement, voire d'apporter certaines améliorations.

En premier lieu , ni dans sa version issue de la refonte, ni dans sa version précédente, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne précise la date à laquelle doit être évaluée l'infirmité qui justifie la demande de pension de l'intéressé. Cette imprécision est à l'origine d'un important contentieux.

En effet, il arrive que l'expertise demandée par l'Etat intervienne assez tardivement, et que l'infirmité concernée ait alors régressé, de sorte que le blessé ou le malade ne sera jamais indemnisé pour la période où son infirmité était maximale, contre l'esprit même du code des pensions militaires, qui prévoit que la jouissance de la pension, elle, démarre bien au jour de la demande. A l'inverse, l'invalidité peut s'être aggravée depuis la demande.

Par ailleurs, le retard de la prise en compte de l'infirmité va à l'encontre du principe même de l'existence d'une pension temporaire, censée, précisément, indemniser la phase la plus aiguë de l'atteinte. Rappelons en outre qu'en tout état de cause, l'invalidité est réévaluée au bout de trois ans.

Or, par extension de la règle fixée pour l'entrée en jouissance de la pension, le Conseil d'État a jugé à plusieurs reprises qu'il convenait bien de se placer, au besoin rétroactivement, à la date de la demande de pension ou de révision de celle-ci pour évaluer l'invalidité 144 ( * ) .

En conséquence, votre commission a adopté un amendement tendant à remédier à cette dommageable imprécision du code des pensions en fixant une date d'évaluation de l'infirmité au jour de la demande de pension.

3°. Ratification de l'ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 concernant la défense

Le 3° du présent article prévoit la ratification de l'ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

L'ordonnance comporte six chapitres et constitue le dernier volet de mise en oeuvre des habilitations données par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019.

a. Chapitre premier : contrôle a posteriori des exportations et des transferts en matière d'armement

Le chapitre premier de l'ordonnance modifie le code de la défense (chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense) pour accroître le contrôle a posteriori des exportations et des transferts en matière d'armement, conformément à l'habilitation prévu par le 3° c) de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015.

I - Le droit en vigueur

Le contrôle a posteriori des opérations d'exportation de matériels de guerre et de transferts intracommunautaires d'armement consiste en un contrôle de conformité des opérations effectuées au regard des licences délivrées.

Il paraît nécessaire de compléter ce dispositif par un contrôle des procédures internes des entreprises , afin d'améliorer la sécurité de ces opérations, et de permettre à l'autorité administrative de prononcer des mises en demeure correctives susceptibles de faire l'objet de sanctions administratives, en cas d'inexécution.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

La réforme du contrôle a posteriori issue de l'ordonnance du 20 juillet 2016 soumise à la ratification du Parlement vise à doter l'autorité administrative des moyens de s'assurer de la viabilité des mesures de contrôle interne mises en place par les exportateurs de matériels de guerre et matériels assimilés ainsi que par les fournisseurs de produits liés à la défense.

Concrètement, les nouveaux articles L. 2339-1-1 et L. 2339-1-2 confèrent à l'administration le pouvoir d'enjoindre à toute entreprise défaillante de modifier ses règles internes d'organisation et de fonctionnement afin de se conformer aux obligations posées par le code de la défense en matière d'armement.

Aux termes du dispositif proposé, qui inclut dans le code de la défense du nouvel article L. 2339-1-1 (article 1 de l'ordonnance) les agents des contributions indirectes et des douanes, les autorités de police judiciaire et les agents du ministère de la défense habilités 145 ( * ) peuvent mener des investigations sur les procédures de contrôle interne mises en oeuvre par les exportateurs et les fournisseurs dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État 146 ( * ) .

Le décret n° 2017-151 du 8 février 2017 a introduit un nouvel article R. 2339-3 dans le code de la défense afin de déterminer les modalités selon lesquelles les agents habilités du ministère des armées peuvent mettre en demeure l'entreprise titulaire d'une licence d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés ou de transfert de produits liés à la défense « de prendre des mesures d'organisation, de formation du personnel ou de contrôle interne » nécessaires au bon respect des obligations légales prévues au titre III du livre III de la deuxième partie de ce code.

NORMES DE CONTRÔLE INTERNE DES OPERATIONS D'EXPORTATION

Les normes de référence en matière de contrôle interne sont définies aux articles 5 et 6 de l'arrêté du 30 novembre 2011, dans sa rédaction actuellement en vigueur. Celui-ci porte sur le contrôle interne des opérations d'exportation et de transfert de matériels et de technologies effectivement réalisées, les procédures internes de demande et de gestion des licences, les règles et les procédures d'archivage des registres. L'arrêté identifie, de manière exhaustive, le champ des domaines pour lesquelles des mesures internes doivent être définies et appliquées, à savoir : une chaîne des responsabilités dans la structure de l'entreprise clairement établie, des procédures effectives de vérifications internes relatives  au classement des matériels, à la maîtrise des conditions et restrictions précisées dans les licences d'exportation et de transfert, aux traitements des anomalies et non-conformités vis-à-vis de ces mêmes licences, à la tenue des registres susmentionnés, en vue d'assurer la traçabilité des opérations réalisées, et l'exportation et au transfert de technologies soumises à autorisation, un programme de formation des salariés portant sur la réglementation des exportations et des transferts.

Dans un souci d'effectivité, ce pouvoir est assorti de la faculté de prononcer, en cas d'inexécution des mesures correctrices demandées, une sanction pécuniaire proportionnée et/ou la suspension, la modification ou l'abrogation de la licence pour la mise en oeuvre de laquelle des carences ont été constatées. Il s'agit d'amener les industriels au standard de conformité le plus élevé et, par conséquent, de prévenir toute commission de l'une des infractions pénales prévues aux articles L. 2339-10 et suivants du code de la défense.

Ainsi, en tant qu'elles répondent à une logique préventive, les sanctions administratives introduites par cette réforme ont une finalité différente de celle des sanctions pénales qui préexistaient au sein du code de la défense. Comme l'indique la lettre de l'article L. 2339-1-1, il ne s'agit que de constater des « défaillances » internes à l'entreprise qui, en elle-même, ne sont pas passibles de sanctions, afin d'y remédier et d'éviter tout « manquement » à des règles prévues par le code de la défense qui, pour leur part, peuvent faire l'objet de poursuites pénales. En outre, ce ne sont pas lesdites « défaillances » qui fondent le nouveau régime de sanctions administratives, mais le non-respect des injonctions émises par l'administration pour y mettre fin.

En tout état de cause, si, malgré l'intervention de l'administration, les agents habilités constatent des faits constitutifs d'une telle infraction, il leur appartient de les signaler au procureur de la République. Le nouvel article L. 2339-1-2 (section nouvelle 1 bis intitulée « sanctions administratives ») (article 1 de l'ordonnance) prévoit que l'autorité administrative constatant des manquements peut mettre en demeure l'exportateur ou le fournisseur de prendre des mesures coercitives, dans un délai fixé, et énumère les sanctions applicables :

- une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu'à 150 000 euros,

- et/ou une suspension, modification ou abrogation d'une licence d'exportation de matériels de guerre (ou assimilés) ou de transfert intracommunautaire de produits liés à la défense.

Le délai de prescription est fixé à deux années révolues à compter du terme du délai de mise en conformité fixé par la mise en demeure.

b. Chapitre II : dispositions relatives aux ressources humaines militaires

Le chapitre II de l'ordonnance modifie le code de la défense, chapitre III du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense pour :

1- mieux garantir la santé et la sécurité au travail des militaires durant leur service, en particulier de ceux qui ne sont pas placés sous l'autorité du ministre de la défense (3° f) de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015, article 3 de l'ordonnance).

2- permettre à l'État de subordonner un engagement de souscrire un contrat en qualité de militaire le versement d'aides financières aux élèves et étudiants et de tirer les conséquences d'une méconnaissance de cet engagement (3° e) de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015, article 4 de l'ordonnance),

3- clarifier les dispositions concernant la prise en compte, au titre de l'avancement, du temps passé dans certaines positions de non-activité (3° d) de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015, article 5 de l'ordonnance).

b-1- Garantir la santé des militaires

La directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs n'est pas applicable à certaines activités spécifiques, par exemple dans les forces armées ou la police. Il y a néanmoins lieu, dans ces cas, de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la directive.

Les militaires placés auprès d'une autre autorité 147 ( * ) ne bénéficient d'aucun cadre légal en matière de santé et de sécurité au travail. Le ministère de la défense - et le ministère de l'Intérieur pour les gendarmes - disposent d'un cadre réglementaire, ne reposant sur aucun fondement législatif, visant à assurer la santé et la sécurité au travail du personnel civil et militaire.

Pour pallier le manque de base juridique, une nouvelle section 5 « Santé et sécurité au travail » est créée. Elle contient un article L. 4123.19 nouveau prévoyant qu'un décret en Conseil d'État définit les conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver la santé et l'intégrité physique des militaires durant leur service.

b-2- Permettre à l'État de subordonner le versement d'aides financières aux élèves et étudiants à la souscription d'un contrat en qualité de militaire

Le haut niveau de technicité requis dans les armées, afin de répondre aux orientations fixées par le Livre blanc, implique un effort de recrutement de militaires qualifiés dans certaines spécialités. D'après les informations fournies par le Gouvernement lors de la préparation de la loi d'habilitation, ces spécialités sont les suivantes :

- la cybersécurité, l'énergie nucléaire, l'aéronautique et l'architecture, qui nécessitent le recrutement d'officiers sous contrat ;

- la maintenance des équipements industriels, l'électrotechnique, l'énergie et les équipements communicants, les systèmes électroniques numériques, qui requièrent le recrutement de militaires qualifiés.

Il s'agit donc de permettre d'accorder des aides et bourses d'études aux élèves et étudiants lorsque ceux-ci s'engagent à souscrire, à l'issue de leurs études, un contrat en qualité de militaire. En l'état actuel du droit, aucune disposition législative ne le permet.

Le code de la défense devait être modifié afin de lier au service de l'institution militaire, pour une période déterminée, un élève qui aura bénéficié d'une aide spécifique accordée par l'État au titre d'un programme de formation reconnu par l'éducation nationale.

Les objectifs du gouvernement dans ce domaine étaient les suivants :

- 30 bourses par an, accordés à de futurs officiers sous contrat, recrutés après un mastère spécialisé, pour un coût estimé à 300 000 euros par an ;

- 1 000 bourses par an, accordés à de futurs militaires engagés, recrutés après un baccalauréat professionnel, pour un coût estimé à 800 000 euros par an.

Le dispositif soumis à ratification complète l'article L. 4132-6 du code de la défense et prévoit qu'une allocation financière spécifique peut être accordée au titre d'une formation « visant l'acquisition des qualifications professionnelles requises pour l'exercice de contrats opérationnels », ce qui semble assez large. En revanche, aucune précision n'est apportée sur les conséquences qu'aurait la méconnaissance de l'engagement souscrit en contrepartie de l'allocation financière. Un décret en Conseil d'État doit préciser les modalités d'application du dispositif.

b-3- clarifier les dispositions concernant la prise en compte, au titre de l'avancement, du temps passé dans certaines positions de non-activité

La prise en compte, au titre de l'avancement, du temps passé par les militaires dans certaines positions de non activité, n'est pas clairement établie. C'est notamment le cas, s'agissant du congé de longue durée pour maladie, du congé de longue maladie et du congé parental. Aucune disposition ne précise si le temps passé au titre de l'un de ces congés est pris en compte pour l'avancement. Il paraît donc nécessaire de modifier le code de la défense afin de clarifier les droits associés à chacune de ces situations de non-activité.

L'ordonnance soumise à ratification modifie les articles L. 4138-12 et L. 4138-13 du code de la défense et prévoit que le congé de longue durée pour maladie et le congé de longue maladie sont pris en compte au titre de l'avancement.

c. Chapitre III : dispositions relatives à la définition de la notion de « forces armées et formations rattachées »

Le chapitre III de l'ordonnance modifie le code de la défense pour préciser et harmoniser la définition de « forces armées et formations rattachées », conformément au 3°g) de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015 précitée.

L'expression « les armées et formations rattachées » désigne aujourd'hui parfois dans le code de la défense improprement les trois armées ainsi que la gendarmerie nationale, qui n'est pourtant ni une armée ni une formation rattachée, mais constitue une « force armée ». Il convient donc de remplacer cette expression par celle de « forces armées et formations rattachées », selon les termes employés tant par le dernier Livre Blanc que par le rapport de M. Bernard Pêcheur sur le droit d'association professionnelle des militaires.

Les articles 6,7 et 9 de l'ordonnance comportent des mesures de coordinations et de précision lexicale qui n'appellent pas de commentaires.

L'article 8 pour sa part modifie l'article L. 3211-1 du code de la défense, détaillant la composition des forces armées, et crée un nouvel article L. 3211-1-1 au sein du même code pour définir ce que sont les « formations attachées ». Il s'agit : des « services exerçant des attributions spécifiques nécessaires à l'accomplissement des missions des forces armées et dont l'autorité responsable est, de ce fait, chargée d'exercer, au nom du ministre de la défense, une autorité statutaire sur des corps militaires ». Le décret n° 2017-744 du 4 mai 2017 148 ( * ) en Conseil d'État fixe la liste des formations rattachées. Son article 3 crée au sein du code de la défense le nouvel article R.  3211-2 ainsi rédigé : « Les formations rattachées mentionnées à l'article L. 3211-1-1 sont :

1° Le contrôle général des armées ;

2° La direction générale de l'armement ;

3° Le service d'infrastructure de la défense ;

4° Le service de la justice militaire ;

5° Les affaires maritimes. » .

d. Chapitre IV : Dispositions relatives à la suppression des commissions de bonification

Le chapitre IV de l'ordonnance prévoit la suppression des commissions de bonification conformément au 5° de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015 précitée.

Le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique a préconisé, le 2 avril 2013, la suppression de deux commissions relatives aux anciens combattants :

- la commission d'experts (anciens combattants d'Afrique française du Nord), prévue à l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui est chargée de déterminer les modalités de reconnaissance de la qualité de combattant à d'autres personnes que les militaires des armées françaises, les membres des forces supplétives françaises et les personnes ayant pris part à des actions de feu ou de combat au cours de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1 er janvier 1959 et le 2 juillet 1962 ;

- la commission centrale relative aux bonifications et avantages de carrière des fonctionnaires ayant accompli des services de la Résistance , prévue à l'article 3 de la loi n° 51-1124 du 26 septembre 1951, qui est chargée d'établir la liste des fonctionnaires et agents admis à bénéficier d'une majoration d'ancienneté de service en raison d'une participation active et continue à la Résistance.

Les articles 10 et 11 de la présente ordonnance transfèrent l'exercice des missions de ces commissions supprimées au ministre chargé des anciens combattants et des victimes de guerre, ou au directeur, qu'il aura habilité, de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Ils modifient la loi n° 56-334du 27 mars 1956 tendant à rendre applicable aux personnels des cadres algériens la loi n° 57-1124 du 26 septembre1951 et la loi n° 58-347 du 4 avril 1958erlative à l'application aux personnels militaires des majorations d'anciennetés prévues par la loi n° 50-729 du 24 juin 1950 modifiant l'article 8 de la loi n° 48-1251 du 6 août 1948 et par la loi n° 51-1124 du 262 septembre 1951.

e. Chapitre V : dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement qui relèvent du ministre de la défense

Le chapitre V de l'ordonnance modifie le second alinéa de l'article L. 517-1 du code de l'environnement conformément au 1° de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015 précitée.

Certaines ICPE relevant du ministère de la défense, telles que les dépôts militaires d'essence, présentent des caractéristiques justifiant l'établissement de telles servitudes pour garantir la santé et la sécurité des populations voisines.

En conséquence, l'article 12 de l'ordonnance :

- supprime le second alinéa de l'article L. 517-1 du code de l'environnement, qui prévoit que les dispositions des articles L. 515-8 à L. 515-11, relatives aux ICPE susceptibles de donner lieu à des servitudes d'utilité publique, ne sont pas applicables aux ICPE qui relèvent du ministre chargé de la défense. Il sera donc permis d'instituer des servitudes d'utilité publique dans le voisinage des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) relevant du ministère de la défense. L'institution de servitudes d'utilité publique est décidée à l'intérieur d'un périmètre délimité autour de l'installation, après enquête publique et avis des conseils municipaux concernés. Ces servitudes peuvent concerner l'utilisation du sol ainsi que l'exécution de travaux soumis au permis de construire. Il est précisé que les éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique ne peuvent être mis à la disposition du public, ni être soumis à consultation ou à participation du public.

- crée un nouveau second alinéa pour exclure de l'application du titre Ier « Installations classées pour la protection de l'environnement » les installations mise en oeuvre à titre temporaire, sur une période inférieure à six mois consécutifs sur un même site, à partir de matériels et d'équipements opérationnels des forces armées déployées pour des missions de la défense nationale. Ceci permet de tenir compte des particularités de certaines ICPE relevant du ministère de la défense, qui contribuent aux opérations militaires extérieures menées par la France à partir du territoire national (par exemple, l'opération Harmattan menée en Libye en 2011). Ces OPEX peuvent imposer des mesures exceptionnelles, telles que l'entreposage de munitions et d'hydrocarbures. Il est précisé que ces installations sont mises en oeuvre en limitant les atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement (la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique).

f. Chapitre VI : dispositions relatives à l'outre-mer

Les articles 13 à 18 de la présente ordonnance, regroupés au sein du chapitre VI, modifient le code de la défense (article 13 à 16) et le code de l'environnement (article 17) pour préciser les modalités d'application des dispositions prévues par l'ordonnance à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités d'outre-mer, relevant de l'article 74 de la Constitution. Ces dispositions n'appellent pas de commentaire.

g. La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet alinéa sans modification.

h. La position de votre commission

Votre commission propose d'adopter cet alinéa sans modification.

Votre commission a adopté l'article 36 sans modification.

Article 37 - Abrogation de l'article 48 de la loi de programmation militaire 2014-2019

L'article 37 tend à abroger l'article 48 de la précédente LPM qui permet de céder de gré à gré, sans publicité préalable ni mise en concurrence, des biens du ministère des armées compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration.

I - Le droit en vigueur

L'article 48 de la LPM 2014-2019149 ( * ) dispose :

« Jusqu'au 31 décembre 2019, l'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense avant le 31 décembre 2008 a lieu soit par adjudication publique, soit à l'amiable, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. L'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense après le 31 décembre 2008 et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par ce ministre a lieu dans les mêmes conditions jusqu'au 31 décembre 2019. Le décret mentionné à la première phrase du présent article précise les cas dans lesquels cette aliénation peut être consentie sans publicité ni mise en concurrence. »

Ce dispositif a été introduit dans la précédente LPM, lors de sa première lecture au Sénat, par un amendement de notre ancien collègue sénateur Yves Krattinger, au nom de la commission des finances, avec les avis favorables de la commission et du gouvernement.

Il s'agissait de proroger une procédure utilisée par la mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI) du ministère de la défense, dont le terme était fixé au 31 décembre 2014. Cette procédure était justifiée de la façon suivante : « Compte tenu de l'ampleur et de la complexité du programme de restructuration immobilière du ministère, ainsi de la nature des emprises à céder, il est nécessaire, afin de garantir la réalisation, en temps et en heure, des cessions immobilières prévues par le présent projet de loi, de conserver les adaptions dont bénéficie le ministère de la défense par rapport à la procédure de cession de droit commun » 150 ( * ) .

Cette disposition était d'autant plus importante que les recettes de cessions immobilières faisaient partie intégrante de la précédente LPM. De leur encaissement en temps voulu dépendait la bonne réalisation d'une partie de la trajectoire financière inscrite dans la loi.

L'application dudit article 48 a été précisée par un décret 151 ( * ) du 23 juin 2015 (article R. 3211-26 du CGPPP), énumérant les cas dans lesquels la cession d'un bien utilisé par le ministère de la défense peut être consentie à l'amiable, sans appel à la concurrence (voir encadré). Même lorsqu'elle est réalisée à l'amiable, la cession est toujours précédée d'une publicité, « adaptée à la nature et à l'importance de l'immeuble dont la cession est envisagée ».

Article R. 3211-26 du CGPPP (spécifique à la défense)

En application de l'article 48 de la LPM 2014-2019, jusqu'au 31 décembre 2019, l'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense peut être consentie à l'amiable, sans appel à la concurrence dans les cas suivants :

1° Lorsque la valeur vénale de l'immeuble n'excède pas 150 000 euros ;

2° Lorsqu'une précédente adjudication a été infructueuse ;

3° Lorsque la commune sur le territoire de laquelle est situé l'immeuble, le département ou la région de la situation du bien ou encore un établissement public de coopération intercommunale agissant dans le cadre de ses compétences s'engage à acquérir l'immeuble et à en payer le prix dans un délai fixé en accord avec le ministre de la défense ;

4° Lorsque l'occupant de l'immeuble, exerçant une activité en rapport avec les besoins de la défense nationale, s'engage à l'acquérir et à en payer le prix, dans un délai fixé en accord avec le ministre de la défense.

Ces dispositions particulières sont à comparer à celle du droit commun d'après lequel, « lorsqu'ils ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'État ou un établissement public de l'État, les immeubles du domaine privé de l'État peuvent être vendus dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État » (article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques »), la cession d'un immeuble pouvant être faite à l'amiable sans appel à la concurrence, dans les cas énumérés à l'article R.3211-7 du même code.

Article R. R3211-7 du CGPPP (droit commun)

La cession d'un immeuble peut être faite à l'amiable sans appel à la concurrence :

1° Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires spéciales impliquent la cession de l'immeuble au profit d'un acquéreur ou d'une catégorie d'acquéreurs déterminés (...) ;

2° Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires spéciales permettent la cession de l'immeuble au profit d'un acquéreur ou d'une catégorie d'acquéreurs déterminés ;

3° Lorsque l'adjudication publique a été infructueuse ;

4° Lorsque l'immeuble est nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public ou à la réalisation d'une opération d'intérêt général (...) ;

5° Lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient ;

6° Lorsque l'immeuble fait l'objet d'une convention d'utilisation mentionnée à l'article R. 2313-1 ou est confié en gestion à un établissement public à caractère industriel et commercial qui souhaite l'acquérir.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Dans sa version initiale, avant avis du Conseil d'État, il était prévu de conférer un caractère permanent au dispositif de l'article 48 de la précédente LPM.

Toutefois, dans son avis 152 ( * ) sur le présent projet de loi, le Conseil d'État a estimé que cette disposition revêtait un caractère réglementaire : « dès lors qu'elle ne concerne que des procédures applicables à des opérations relevant de l'État ». Le Conseil d'État « invite donc le Gouvernement à prendre par décret les mesures envisagées, en en subordonnant l'entrée en vigueur à la date d'abrogation de la disposition correspondante de la loi du 18 décembre 2013. »

En conséquence, l'article 37 du présent projet de LPM abroge l'article 48 de la précédente, avec effet immédiat à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV - La position de votre commission

Votre commission a déjà déploré, à de multiples occasions, les pertes de recettes conséquentes engendrées, pour le ministère des armées, par l'application de diverses dispositions législatives et réglementaires empêchant la réalisation des cessions au prix du marché . C'est notamment le cas lorsqu'est appliqué le dispositif de décote de la loi du 18 janvier 2013 153 ( * ) dite « loi Duflot ».

C'est également le cas lors de cessions réalisées de gré à gré , comme ce fut le cas lors de la vente de l'Hôtel de l'Artillerie (Immeuble Saint Thomas d'Aquin, Paris 7 ème ) à la Fondation nationale des sciences politiques, en raison du caractère d'intérêt général du maintien dans un arrondissement parisien d'une activité d'enseignement supérieur et de recherche. La cession s'est effectuée pour 87 millions d'euros, alors qu'elle aurait pu rapporter bien davantage, le bien ayant été évalué à 104 millions d'euros par France Domaine en 2009. Le montant total des cessions de gré à gré réalisées par le ministère de la défense entre 2013 et 2019 s'élève à 152 millions d'euros (pour un montant total de cessions de 670 millions d'euros).

Pour mémoire, les ensembles Bellechasse/Penthemont (Paris 7 ème ) et La Pépinière (Paris 8 ème ) ont, au contraire, été cédés au prix du marché, pour respectivement 137 millions d'euros et 119 millions d'euros.

La moins-value constatée à l'occasion de la cession de l'Hôtel de l'Artillerie résulte de l'application des dispositions réglementaires qui permettent la mise en oeuvre d'une procédure de gré à gré pour des motifs d'intérêt général (article R. R3211-7 du CGPPP précité), les modalités d'aliénation du domaine privé de l'État relevant du pouvoir réglementaire, comme le note l'avis du Conseil d'État, repris par l'étude d'impact annexée au présent projet de loi.

Cette étude d'impact estime néanmoins nécessaire de pérenniser l'existence d'un dispositif spécifique au ministère des armées. En effet, le dialogue que permet la procédure de gré à gré peut « donner lieu à la réalisation, par ce ministère, d'études de reconversion de ces mêmes emprises avec, le cas échéant, des propositions d'évolution du droit des sols visant à démontrer leurs potentialités d'intégration urbaine et paysagère et à maximiser, pour l'État, la valorisation de ces biens ».

La pérennisation du dispositif de cession de gré à gré de l'article 48 de la LPM 2014-2019 devra être effectuée par décret en Conseil d'État. Il apparaît toutefois nécessaire de laisser le temps au gouvernement de procéder à cette prorogation et d'adapter en conséquence les dispositions réglementaires existantes , avant l'abrogation du dispositif actuel, qui interviendrait de toute façon au 31 décembre 2019, en l'état actuel du droit.

C'est pourquoi il est proposé de repousser l'entrée en vigueur du présent article en le complétant par les mots « à compter d'une date définie par décret en Conseil d'État et au plus tard au 31 décembre 2019 ».

La commission a adopté l'article 37 ainsi modifié.

Article 38 - (articles L. 217-1 et L. 517-1 du code de l'environnement) - Dérogations à certaines procédures prévues par le code de l'environnement

L'article 38 tend à établir, au bénéfice de la défense, des dérogations à certaines procédures d'information et de participation du public (1°) ainsi qu'aux procédures d'autorisation d'installations classées (2°).

I - Le droit en vigueur

L'article 38 s'inscrit dans le cadre fixé par Charte de l'environnement, dont le sixième considérant dispose que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ».

Conformément à l'article 7 de cette Charte, le code de l'environnement impose des règles et procédures destinées à assurer l'information et la participation du public lors de l'élaboration de projets ayant une incidence sur l'environnement.

Ces obligations trouvent notamment à s'appliquer au cours des procédures d'autorisation ou de déclaration des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l'eau 154 ( * ) . L'article L. 214-3 du code de l'environnement dispose que sont soumis à autorisation les IOTA « susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles ».

L'autorisation environnementale requise est de même type que celle exigée pour certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Elle est régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre I er du code de l'environnement.

En application de l'article L. 181-9 du même code, cette autorisation comporte une phase d'enquête publiqu e. Cette enquête publique « a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement (...) » (article L. 123-1 du code de l'environnement).

D'après les précisions fournies par le ministère des armées, les obligations d'information et de participation instituées par le code de l'environnement « se formalisent notamment par les enquêtes publiques au cours desquelles sont communiqués les dossiers de demandes d'autorisation, comprenant, entre autres documents, les études d'impact ; par l'accès aux rapports de l'inspection des installations classées ; la consultation des arrêtés préfectoraux d'autorisation environnementale en mairie et leur mise en ligne sur le site internet de la préfecture ou bien par la communication de documents des commissions de suivi de site. Ces documents sont riches en informations en présentant tant des cartes, photos, plans du site, que des descriptions de l'organisation ou des moyens de protection ou de gestion du site, des informations sur les dispositifs de surveillance ou de la chaîne de secours, par exemple » 155 ( * ) .

La question se pose donc, dans le cadre de ces procédures prévues par le code de l'environnement, de la possible révélation d'informations qui, même si elles ne sont pas classifiées au titre de la protection du secret de la défense nationale (article 413-9 du code pénal), sont susceptibles de faciliter la commission d'actes de malveillance portant atteinte à la défense et à la sécurité nationales.

S'agissant des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) , cette question est traitée par l'article L. 517-1 du code de l'environnement, qui dispose : « Pour l'application des dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier et du présent titre aux installations classées pour la protection de l'environnement relevant du ministère de la défense, les éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique ne peuvent être mis à disposition du public, ni être soumis à consultation ou à participation du public. »

Ce paragraphe est complété par une dérogation au principe de l'autorisation environnementale, spécifique aux installations mobiles de la défense, c'est-à-dire aux installations « mises en oeuvre à titre temporaire, sur une période inférieure à six mois consécutifs sur un même site, à partir de matériels et d'équipements opérationnels des forces armées déployés pour des missions de la défense nationale ». Cette dérogation ne couvre que la mise en oeuvre d'installations mobiles , à l'exclusion de l'augmentation de la capacité d'installations fixes.

S'agissant des IOTA de la législation sur l'eau , l'article L. 217-1 du code de l'environnement prévoit des conditions particulières d'application « aux opérations, travaux ou activités concernant des installations ou enceintes relevant du ministre chargé de la défense ou soumises à des règles de protection du secret de la défense nationale » :

- des articles L. 214-1 à L. 214-6 : qui soumettent les IOTA à un régime d'autorisation ou de déclaration ;

- de l'article L. 214-8 : qui impose des « moyens de mesure ou d'évaluation appropriés » à toutes les installations permettant d'effectuer des prélèvements ou déversements d'eau superficielle ou des pompages d'eau souterraine.

- ainsi que du chapitre II du titre VII du livre Ier qui régissent la recherche et la constatation des infractions.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Des aménagements sont proposés, avec deux objectifs.

Le 1°) de l'article 38 tend à permettre au ministère d'empêcher la communication au public de certaines données considérées comme sensibles .

Il est envisagé d'introduire pour les IOTA, à l'article L. 217-1 du code de l'environnement, une disposition « miroir » de celle qui figure à l'article L. 517-1 pour les ICPE et qui exclut la communication au public d' « éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique ».

Cette dérogation concerne l'application :

- du titre Ier du livre II du code de l'environnement, relatif à la protection de l'eau et des milieux aquatiques et marins (article L. 210-1 à L. 219-18 du code de l'environnement) ;

- et du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement relatif à la procédure d'autorisation environnementale, dont les articles L. 181-19 à L. 181-23 sont en particulier relatifs aux IOTA susceptibles d'avoir des incidences sur l'eau et les milieux aquatiques.

Le ministère des armées indique vouloir faire de ces dispositions nouvelles « un usage raisonné et strictement limité à ce qui est nécessaire à la préservation de ses intérêts » 156 ( * ) . L'objectif du ministère est de « pouvoir filtrer les données considérées comme sensibles pour la défense nationale, au cas par cas, dans le cadre des procédures de communication et de diffusion au public d'informations relatives à son environnement imposées par le code de l'environnement » 157 ( * ) .

En effet, le ministère des armées exploite directement 1209 IOTA, dont environ 120 captages d'eau destinée à la consommation humaine en métropole. Bien que les informations relatives à ces IOTA ne soient pas classifiées au titre de la protection du secret de la défense nationale, leur communication est susceptible de fournir des informations sur le dimensionnement et la disposition des installations du ministère des armées, et donc de nuire à la protection de ses emprises et de ses personnels.

Par ailleurs, le 2°) de l'article 38 complète l'article L. 517-1 afin de permettre au ministère des armées d'exploiter ses ICPE au-delà de leurs capacités autorisées, dans des circonstances exceptionnelles et pour une durée limitée , pour « l'exécution de missions opérationnelles menées sur ou à partir du territoire national » et « la réalisation de missions de service public en situation de crise sur le territoire national ». Cette dérogation viendrait compléter celle, déjà existante, qui ne vise que les installations mobiles. À la différence de celle-ci toutefois, elle ne comporterait pas de limitation fixe de durée, puisqu'elle resterait valable « pendant la durée des missions opérationnelles ou de la situation de crise ».

Le gouvernement précise que « cette dérogation ne sera mise en oeuvre que dans des situations d'urgence opérationnelle ou de crise sur le territoire, par essence non planifiables, et exclusivement pour leur durée. Le droit commun restant le principe en dehors de ces cas spécifiques. ». Il s'agit de résoudre des difficultés qui émergent, par exemple, lors d' « opérations menées par les armées dans des délais très contraints sur ordre de l'autorité politique, telles que l'opération « Harmattan » décidée en 2011 par le Président de la République et réalisée en partie à partir du territoire national. En effet, dans ce cas précis, des avions de combat, embarquant un armement particulier, nécessitant l'augmentation temporaire des capacités de stockage de munitions et de carburant de la base aérienne de Solenzara en Corse, ont dû décoller rapidement pour exécuter la mission ordonnée par le chef des armées » 158 ( * ) .

III - La position de l'Assemblée nationale

L'article 38 était initialement, lors du dépôt du présent projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale, un article d'habilitation, en application de l'article 38 de la Constitution. Le gouvernement proposait donc de légiférer par ordonnance.

Après échange avec le rapporteur de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé d'insérer directement les dispositions souhaitées dans le code de l'environnement. Un amendement déposé en ce sens a été adopté par la Commission. Puis l'Assemblée nationale a adopté l'article 38 ainsi modifié.

IV - La position de votre commission

L'article 38 comporte deux dispositions :

- l'une visant à empêcher la communication au public de certaines données considérées comme sensibles, dans le cadre de procédures d'information et de consultation du public prévues par le code de l'environnement ;

- l'autre, tendant à accroître la réactivité des forces armées lorsqu'elles doivent intervenir en opération, dans des délais très brefs, à partir du territoire national .

Votre commission approuve ces orientations. Elle a adopté l'article 38 sans modification.

Article 38 bis - (art. L. 1333-18 du code de la défense ; art. L. 181-2 du code de l'environnement) - Extension de la compétence du DSND aux activités nucléaires

L'article 38 bis du présent projet de loi tend à préciser de façon explicite que les compétences du Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense (DSND) couvrent aussi les activités nucléaires intéressant la défense (et non les seules installations).

I - Le droit en vigueur

Le code de la défense fait référence au code de l'environnement pour confier au DSND le rôle d'autorité compétente en matière de sûreté et de radioprotection en matière d'installations et activités nucléaires intéressant la défense.

Toutefois les activités ne figuraient pas dans le titre de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre III du titre III du livre III du code de la défense, ni dans l'intitulé du chapitre II du titre I er du livre IV même code, ni enfin dans le 4° du II de l'article L 181-2 du code de l'environnement.

De même le second article de cette sous-section (l'article L. 1333-18) ne faisait pas référence aux dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre I er du code de l'environnement.

II - La position de l'Assemblée nationale

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inscrit à l'article 38 bis du projet de LPM les mesures de précision et de coordination juridique tendant de prendre en compte, au-delà des seules installations nucléaires intéressant la défense, les activités de même nature, que le Gouvernement avait initialement prévu de prendre par ordonnance, pour laquelle une autorisation était sollicitée à l'article 41 du projet de loi.

En conséquence, la demande d'autorisation à prendre une ordonnance sur ce sujet a été supprimée au 2° de l'article 41.

IV - La position de votre commission

Votre commission vous propose un amendement d'amélioration rédactionnelle à cet article.

Votre commission a adopté l'article 38 bis ainsi modifié.

Article 39 - Mise en place d'un régime spécifique de contrôle de l'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des établissements relevant du ministère des armées

L'article 39 habilite le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de nature à adapter le régime de contrôle de l'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite de ses établissements

I - Le droit en vigueur

Les articles L. 111-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation précisent les objectifs et les modalités de l'accessibilité des bâtiments 159 ( * ) aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.

L'article L. 111-7-3 prévoit qu'un propriétaire ou exploitant qui n'aurait pu se conformer avant le 31 décembre 2014 aux exigences relatives à l'accessibilité des établissements recevant du public (ERP) devra élaborer et transmettre à l'autorité administrative « un agenda d'accessibilité programmé » (Ad'AP).

Le ministère des armées a mis en place ces Ad'AP pour ses 1 200 ERP. En métropole, cinq agendas, correspondant à chaque état-major de zone de défense, ont ainsi été déposés en 2016, ainsi que trois autres outre-mer. D'après les informations fournies par le ministère des armées, ces agendas programment la mise en oeuvre de travaux d'accessibilité sur neuf années (2016-2024) pour un coût global de 90 millions d'euros. Pour les années 2016 et 2017, 7 millions d'euros ont été consacrés à ces travaux.

Il ressort, en outre, des dispositions réglementaires du code que le ministre des armées peut fixer, par arrêté conjoint avec le ministre chargé de la construction, les règles d'accessibilité spécifiques aux établissements militaires recevant du public ou aux installations militaires ouvertes au public.

Toutefois, malgré ces dispositions particulières, la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA) demeure compétente pour émettre un avis sur les demandes d'autorisation ou de dérogation correspondantes et sur les agendas d'accessibilité programmée qui lui sont soumis ainsi que pour procéder à la visite des établissements recevant du public ou des installations ouvertes au public au regard des règles d'accessibilité aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite.

Les commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité (CCDSA)

La commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA) est l'organe compétent au niveau du département ayant notamment pour mission de formuler des avis sur dossiers mais également lors de visites dans les domaines suivants :

- sécurité contre les risques incendie ;

- accessibilité aux personnes handicapées ;

- conformité à la réglementation des dossiers techniques amiante ;

- dérogation aux règles de prévention d'incendie ;

- homologation des enceintes destinées à recevoir des manifestations sportives ;

- prescription d'information, d'alerte et d'évacuation permettant d'assurer la sécurité des occupants des terrains de campings.

Compte tenu des nombreuses attributions de cette commission et du nombre important de ses membres, la réglementation prévoit la possibilité de créer des sous commissions spécialisées et dont de rayon d'action est plus restreint (sous-commission départementale d'accessibilité mais aussi, par exemple, sous-commission communale d'accessibilité). C'est au préfet que revient la mission d'organisation locale de ces commissions.

Concernant le domaine de l'accessibilité, la commission (ou sous-commission) a pour mission d'émettre des avis :

- Sur les dossiers de demandes d'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public (ERP) ou un immeuble de grande hauteur (IGH) ;

- Sur les demandes de dérogations concernant la réglementation, que cette demande soit intégrée dans une demande d'autorisation de travaux pour un ERP ou un IGH ou qu'elle soit faite seule dans le cas d'une construction de logements ;

- Après visite d'ouverture des établissements recevant du public dont les travaux n'ont pas fait l'objet d'une demande de permis de construire.

Les attributions, la composition et le fonctionnement des CCDSA sont précisés par le décret n° 95-260 du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité.

Source : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/

Contrairement à ses prérogatives en matière d'accessibilité, les prérogatives de la CCDSA dans le domaine des risques d'incendie et de panique , au sein des établissements recevant du public, sont définies non par la loi mais par des dispositions réglementaires. En application de ces dispositions réglementaires (articles R. 123-16 et R. 123-17 du CCH), l'article 2 de l'arrêté du 3 novembre 1990 160 ( * ) institue une instance spécifique : la commission militaire de sécurité . Celle-ci est chargée d'émettre un avis sur les décisions d'ouverture et de fermeture de ces établissements, en lieu et place de la CCDSA.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Des difficultés sont apparues dans la mise en oeuvre par le ministère des armées des règles relatives à l'accessibilité.

En effet, comme le précise l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, le ministère des armées s'est vu, à plusieurs reprises, opposer un refus de contrôle de la part de la CCDSA , au motif que les établissements concernés se trouvaient dans des bâtiments dont l'accès est réglementé pour des raisons de sécurité et de défense.

Des dispositifs particuliers existent en effet, comportant des restrictions d'accès, afin de protéger les activités du ministère et de préserver le secret de la défense nationale (articles 413-5, 413-7, 413-8, 413-9 du code pénal). Il en résulte une hétérogénéité des pratiques de contrôle et de suivi des ERP dans le domaine de l'accessibilité.

Le ministère souhaiterait, en conséquence, pouvoir bénéficier dans cette matière d'une procédure spécifique, telle que celle applicable en matière de risque d'incendie et de panique. Il s'agirait de confier les prérogatives de la CCDSA en matière d'accessibilité à une instance spécifique au ministère des armées . Le dispositif devrait, par ailleurs, permettre la désignation, au sein du ministère, des autorités compétentes pour prendre les décisions relatives à l'accessibilité et, d'autre part, de confier le contrôle de l'application de ces mesures à des agents spécialement habilités.

L'étude d'impact précise que le dispositif prévoira que la composition et le fonctionnement de la commission compétente seront définis par décret en Conseil d'État, après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

La technicité des mesures envisagées, et la nécessité de les coordonner avec les règles applicables en matière de protection contre les risques d'incendie et de panique, justifient la volonté de procéder par ordonnance, dans un délai d'habilitation de douze mois.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article, dont la rédaction a été modifiée à la marge par sa commission de la défense.

IV - La position de votre commission

Le ministère des armées souhaiterait pouvoir aligner le régime de contrôle de l'accessibilité de ses établissements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite sur celui dont il bénéficie en matière de protection contre les risques d'incendie et de panique . Cette adaptation est rendue nécessaire par les activités spécifiques exercées dans les bâtiments du ministère des armées, susceptibles d'impliquer la mise en oeuvre de régimes de protection et de préservation du secret. Les règles d'accessibilité applicables ne sont, quant à elles, pas modifiées.

La commission vous propose de remplacer l'habilitation à légiférer par ordonnance par les dispositions législatives correspondantes , dont la rédaction a pu être arrêtée depuis la présentation du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 39 ainsi modifié.

Article 40 - Autorisation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi en matière de police en mer

L'article 40 du présent projet de loi tend à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi en matière de police en mer.

Le 14 octobre 2005 ont été établis à Londres deux protocoles modifiant la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime de 1988, dite convention SUA (suppression of unlawful acts) : le protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et le protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixées sur le plateau national. La France les a signés le 14 février 2006 et ils sont entrés en vigueur le 28 juillet 2010. Leur ratification a été autorisée par la loi n°2017-1576 du 17 novembre 2017 161 ( * ) .

Notons que l'article 24 du présent projet de loi modifie l'article 689-5 du code de procédure pénale afin de le rendre conforme à ces protocoles.

Quant au présent article, il tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer. Cette modification vise à préciser les conditions dans lesquelles les commandants militaires des navires de l'État pourront, en haute mer, procéder aux opérations de contrôle qui résultent de la nouvelle rédaction de l'article 8 bis de la Convention.

L'ordonnance devra être prise dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.

La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur au présent article.

Votre commission a adopté l'article 40 sans modification.

Article 41 - Habilitation à prendre des ordonnances de clarification juridique

L'article 41 du présent projet de loi tend à autoriser le Gouvernement à prendre des ordonnances pour harmoniser les terminologies en matière de matériel de guerre, armes et munitions (1°), et pour réorganiser les dispositions du code de la défense relative à l'outre-mer (3°).

I - Les modifications proposées par le projet de loi

a) Le droit français comprend des terminologies imparfaitement coordonnées en matière de dénomination et classification de matériels de guerre, d'armes et de munitions, notamment à travers les articles L. 2331-1 du code de la défense et l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure et L. 2335-2 et L. 2335-9 du code de la défense.

Ces recoupements et chevauchements sont sources d'incertitudes et nuisent à l'intelligibilité de la loi. Le Gouvernement demande donc, au 1° de cet article (al. 2) l'autorisation de modifier ces dispositions pour proposer une définition et une classification plus claire de ces différents matériels, ce qui permettra également d'en assurer un meilleur contrôle.

b) Le Gouvernement demande, au 3° de cet article (al. 4) l'autorisation de réorganiser les dispositions relatives à l'outre-mer dans le code de la défense, afin de mieux mettre en évidence la distinction entre les dispositions applicables de plein droit et celles qui ne le sont qu'après extension ou adaptation expresse aux DOM, COM et TOM.

c) Le Gouvernement demandait également, au 2° (al. 3) l'autorisation de procéder par ordonnance à la clarification des compétences du DSND en matières d'activités nucléaires intéressant la défense.

II - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a intégré les dispositions pour lesquels une ordonnance était demandée au 2° dans le projet de loi, sous le nouvel article 38 bis 162 ( * ) . Elle a donc supprimé le 2° qui n'avait plus lieu d'être. Elle a également adopté des modifications rédactionnelles à cet article.

III - La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 42 - Applicabilité outre-mer

L'article 42 du présent projet de loi tend à fixer les règles d'applicabilité des dispositions du projet de loi aux territoires français des outre-mer, conformément aux dispositions des articles 73 et 74 de la Constitution.

Le I du présent article (aliénas 1 et 2) insère dans le code des communes de la Nouvelle-Calédonie un article L. 122-8-1. Celui-ci comporte une disposition identique à celle de l'article qui pose une incompatibilité entre les fonctions de militaire en activité et celles de maire ou d'adjoint au maire. Au XII du présent article, l'alinéa 38 précise que les dispositions de ce paragraphe entreront en vigueur « à compter du 1 er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date ».

Le II de l'article (alinéa 3) tend à rendre applicable aux territoires ultramarins différentes dispositions du code de la défense.

Le 1° du II (alinéas 4 et 5) tend donc à rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna 163 ( * ) , en Polynésie française 164 ( * ) , en Nouvelle-Calédonie 165 ( * ) et dans les Terres australes et antarctiques françaises 166 ( * ) les articles :

? L. 2321-2-1, L. 2321-2-2, L. 2321-3 et L. 2321-5 dans leur rédaction proposée par l'article 19, relatif aux compétences de l'ANSSI ;

? L. 2331-1, L. 2332-1, L. 2332-6, L. 2335-3, L. 2339-2 et L. 2339-4-1 dans leur rédaction issue des articles 25 et 33, réformant le droit de l'armement et les procédures de dépôt de brevets dans ce domaine.

Un amendement du Gouvernement adopté par la commission de la défense de l'Assemblée nationale est venu articuler les mesures d'applicabilité outre-mer de l'article 25 du présent projet de loi avec celles issues de l'article 24 de la n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité, qui modifie également les articles L. 2331-1 et L. 2339-4-1 du code de la défense. Il a également actualisé certaines références figurant au premier alinéa des articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du même code, tout en y insérant celle du nouvel article L. 2321-5, créé par l'article 19 du projet de loi.

Dans le 2° (alinéa 9) du II :

- le a) tend à supprimer, dans l'énumération de dispositions applicables aux mêmes territoires dans leur rédaction issue d'une ordonnance prévue par la loi du 28 juillet 2015 précitée actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, la référence à l'article L. 4139-16, qui fixe les limites d'âge de certains militaires, et qui est modifié par les articles 8 et 9 du présent projet de loi. Ceux-ci doivent entrer en vigueur, respectivement, le 1 er janvier 2019 et « le premier jour du mois suivant celui de l'entrée en vigueur de la présente loi ». Une articulation devait donc être effectuée entre, d'une part, l'entrée en vigueur immédiate de la suppression de la référence à l'article L. 4139-16 du code de la défense dans l'alinéa qui le rend applicable outre-mer dans sa rédaction issue de l'ordonnance susmentionnée et, d'autre part, l'entrée en vigueur différée des dispositions de cet article L. 4139-16. L'amendement précité du gouvernement adopté par la commission de la défense de l'Assemblée nationale a opéré cette articulation ;

- le b) du 2° (alinéas 11 à 15) tend à rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les articles L. 4123-12, relatif à la cyberdéfense, L. 4125-1, relatif au contentieux des pensions, L. 4138-16, relatif au congé pour convenances personnelles des militaires, L. 4139-5, relatif au congé de reconversion, et les articles L. 4139-7, L. 4139-16 et L. 4141-5, relatifs aux limites d'âge, les articles L. 4143-1, L. 4211-1, L. 4221-2, L. 4221-4, L. 4221-6, L. 4251-2 et L. 4251-7, relatifs au statut, à la promotion et aux conditions d'emploi et aux avantages des réservistes. Pour ces dispositions, la même nécessité d'articulation se présentait. En effet, la rédaction de l'article L. 4141-5 proposée par l'article 8 doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2019 et la nouvelle rédaction de l'article L. 4139-7 doit entrer en vigueur pour une part à la même date, et pour une autre le 1 er janvier 2027. L'amendement précité du Gouvernement a opéré l'articulation nécessaire.

Outre cette articulation, l'article visait à rendre applicables aux territoires ultramarins précités les articles L. 4138-2 et L. 4138-7-1 à L. 4138-7-3 « dans leur rédaction résultant de la loi n° du relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense », alors que le projet de loi ne propose pas de modifier leur rédaction. L'amendement précité a donc supprimé ces mentions. La même difficulté se posait au c) de ce II (alinéas 13 à 16), qui tend à rendre applicables aux Terres australes et antarctiques françaises les articles L. 4123-12, L. 4125-1, L. 4138-2, L. 4138-7-1 à L. 4138-7-3, L. 4138-16, L. 4139-5, L. 4139-7, L. 4139-16, L. 4141-5 et L. 4143-1 susmentionnés. L'amendement précité a donc supprimé les mentions inutiles.

Le d) du II (alinéa 28) tend à étendre aux îles Wallis et Futuna (par une insertion à l'article L. 4341-1 de ce code), en Polynésie française (à l'article L. 4351-1), en Nouvelle-Calédonie (à l'article L. 4161-1) et dans les Terres australes et antarctiques françaises (à l'article L. 4171-1) l'article L. 4121-3-1 du code de la défense, que crée l'article 18 pour fixer les conditions dans lesquelles les militaires élus conseillers municipaux pourront bénéficier des garanties et avantages accordés aux élus, ainsi que l'article L. 4123-12, modifié par l'article 21.

Le III (alinéas 29 à 31) tend pour sa part à étendre outre-mer l'application de modifications que tend à opérer l'article 18 dans le code électoral. Il s'agit de :

? la nouvelle rédaction prévue pour l'article 46 de ce code, cet article appartenant au titre Ier de son livre Ier, que l'article L. 388 du même code rend applicable aux conseils municipaux de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française ;

? la rédaction nouvelle proposée pour les articles L. 231 et L. 237 du même code, appartenant au titre IV de son livre Ier, que l'article L. 428 rend applicable en Nouvelle-Calédonie.

Compte-tenu de l'entrée en vigueur différée de l'article 18, le XII du présent article (alinéa 48) prévoit que les dispositions de ce paragraphe entreront en vigueur « à compter du 1 er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date ».Le IV (alinéas 32 à 36) propose d'étendre les mesures prévues par l'article 27 à l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques en vue de permettre la cession d'immeubles devenus inutiles à la défense sans être reconnus comme définitivement inutiles à d'autres services de l'État, à la Nouvelle-Calédonie, par une insertion à l'article L. 5511-4 de ce code et aux îles Wallis et Futuna, par une insertion à l'article L. 5711-2 du même code.

Le V (alinéas 37 à 39) tend à étendre aux conseils municipaux de Polynésie française l'incompatibilité instituée par l'article 18 à l'article L. 2122-5-2 du code général des collectivités territoriales entre, d'une part, les fonctions de maire et d'adjoint au maire et, d'autre part, celles de militaire en position d'activité. Au XII du présent article, l'alinéa 48 précise que les dispositions de ce paragraphe entreront en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date ».

Le VI (alinéas 40 et 41) tend à rendre applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie l'article 33-14 du code des postes et des communications électroniques, inséré par l'article 19 du projet de loi (renforcement des dispositifs de détection des événements susceptibles d'affecter la sécurité des systèmes d'information).

Le VII (alinéa 42) tend ensuite à rendre applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie les modifications proposées par l'article 24 dans le code de procédure pénale (compétence quasi-universelle des juridictions françaises).

Le VIII (alinéas 43 et 44) propose d'étendre à la Nouvelle-Calédonie la prorogation jusqu'en 2025 de la possibilité laissée au ministère des Armées de céder les immeubles qui lui sont devenus inutiles sans pour autant être reconnus sans utilité pour d'autres ministères.

Le IX (alinéa 45) tend à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et sur les Terres australes et antarctiques françaises les corrections de sur-transpositions de normes européennes opérées par l'article 26 dans l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

Le X (alinéa 46) avait pour objet d'apporter deux modifications à l'article 15 de la loi n° 2016-1048 susmentionnée du 1 er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, dont :

? le a) du 3° tend à rendre applicable à divers scrutins énumérés à l'article L. 388 du code électoral les mesures prévues par cette loi dans le titre Ier du livre V du code électoral à compter du 31 décembre 2019, sa date d'entrée en vigueur ;

? le 5° vise à étendre aux élections municipales en Polynésie française, par une insertion à l'article L. 437 du code électoral, les dispositions prises par cette même loi au chapitre Ier du titre IV du livre Ier du même code ; cette disposition entre également en vigueur le 31 décembre 2019.

Le XII du présent article précisait que le présent X entrera en vigueur dans « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date ».

C'est à des fins de coordination avec les modifications prévues par l'article 18 au code électoral que ces dispositions étaient prises : à l'article L. 388 qu'à l'article L. 437, il s'agissait de préciser que la rédaction des dispositions du code électoral étendues à des territoires ultramarins était celle résultant de la loi de programmation militaire 2019?2025. Pourtant, ces dispositions ne s'articulaient pas bien avec celles proposées par l'alinéa 19.

En effet, il est proposé de modifier le a) du 3° de l'article 15 de cette loi du 1 er août 2016 avec entrée en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date », mais ledit a) du 3° de l'article 15 de la loi du 1er août 2016 entre en vigueur, aux termes de l'article 16 de cette loi, le 31 décembre 2019. Ainsi, pour le cas où le prochain renouvellement général des conseils municipaux interviendrait à la date prévue, postérieure 1 er janvier 2020, la disposition prévue par l'alinéa 35 serait donc inutile. Et en cas de scrutin anticipé, le texte de l'article L. 388 du code électoral aura été modifié par l'alinéa 19 du présent article : le dispositif du a) du 3° de l'article 15 de la loi du 1er août 2016 serait alors inopérant.

Le 5° de l'article 15 de la loi précitée du 1 er août 2016 posait une difficulté de même nature : l'alinéa 36 du présent article, qui propose de le modifier, doit entrer en vigueur selon l'alinéa 38 « à compter du 1 er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date », mais le 5° de l'article 15 de cette loi du 1 er août 2016 n'entrera en vigueur, lui-même, que le 31 décembre 2019. Ainsi, l'extension des dispositions de l'article 18 du présent projet de loi à la Polynésie française serait inopérante si les élections municipales ont lieu avant cette date.

En tout état de cause, une convocation des élections municipales avant la date prévue suppose une loi.

Ainsi, l'amendement du Gouvernement précité a supprimé le X .

Le XI (alinéa 47) prévoit l'extension aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises des dispositions suivantes :

? le II de l'article 25, relatif aux licences d'exportation et aux autorisations d'importation d'armements ;

? l'article 31, qui propose d'étendre aux exercices bilatéraux ou multilatéraux l'application des règles de l'accord sur le statut des forces de l'OTAN ;

? l'article 37 abrogeant des dispositions de l'article 48 de la loi de programmation militaire 2014?2019 revêtant un caractère réglementaire.

Enfin le XII (alinéas 48 à 56), modifié par l'amendement précité du Gouvernement, vise à organiser l'entrée en vigueur différée, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, des dispositions de l'article 18 du présent projet de loi relatives à l'élection des militaires aux scrutins locaux dans les collectivités d'outre-mer, dont l'entrée en vigueur est prévue « à compter du 1 er janvier 2020 ou du prochain renouvellement général des conseils municipaux s'il intervient avant cette date ». En effet, les articles L. 388 et L. 437 du code électoral qui règlement l'élection des conseillers municipaux dans ces deux collectivités seront modifiés par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, « selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le 31 décembre 2019 ». En conséquence, il convenait à la fois de tenir compte, d'une part, de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1948 précitée, qui sera susceptible d'être fixée par décret, et, d'autre part, de l'éventualité d'un renouvellement général des conseils municipaux antérieur au 1 er janvier 2020.

III - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense a adopté un amendement de précision du Gouvernement, dont l'objet a été détaillé ci-dessus.

IV - La position de votre commission

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 43 - (article L. 1541-2 du code de la santé publique) - Permettre au service de santé des armées de pouvoir échanger des informations médicales sans recueillir au préalable l'avis du malade

L'article 43, introduit par l'Assemblée nationale, tend à permettre au service de santé des armées de pouvoir échanger des informations médicales sans recueillir au préalable l'avis du malade

I - Le droit en vigueur

Le code de la santé publique précise dans son article L. 1110-12 la composition des équipes de soin. Sa rédaction est la suivante :

« l'équipe de soins est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes, et qui :

1° Soit exercent dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans le cadre d'une structure de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;

2° Soit se sont vu reconnaître la qualité de membre de l'équipe de soins par le patient qui s'adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge ;

3° Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé. »

L'appartenance à une même équipe de soin conditionne notamment la possibilité d'échanger des informations médicales sans recueillir au préalable l'avis du malade aux termes de l'article L. 1110-4 (III) du code de la santé publique : Lorsque des professionnels « appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l'article L. 1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l'ensemble de l'équipe. Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d'informations nécessaires à la prise en charge d'une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

Le III du même article prévoit des dispositions spécifiques aux professionnels de santé exerçant au sein du service de santé des armées :

« III bis.- Un professionnel de santé, exerçant au sein du service de santé des armées ou dans le cadre d'une contribution au soutien sanitaire des forces armées prévue à l'article L. 6147-10, ou un professionnel du secteur médico-social ou social relevant du ministre de la défense peuvent, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, échanger avec une ou plusieurs personnes, relevant du ministre de la défense ou de la tutelle du ministre chargé des anciens combattants, et ayant pour mission exclusive d'aider ou d'accompagner les militaires et anciens militaires blessés, des informations relatives à ce militaire ou à cet ancien militaire pris en charge, à condition que ces informations soient strictement nécessaires à son accompagnement. Le secret prévu au I s'impose à ces personnes. Un décret en Conseil d'État définit la liste des structures dans lesquelles exercent les personnes ayant pour mission exclusive d'aider ou d'accompagner les militaires et anciens militaires blessés. »

L'ordonnance n° 2003-166 du 27 février 2003 prise pour l'application outre-mer de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé l'article L.1541-2 du code de la santé publique pour prévoir l'application de l'article L.1110-4 précité en outre-mer.

L'article 13 de l'ordonnance n° 2017-1179 du 19 juillet 2017 portant extension et adaptation outre-mer de dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a modifié l'article L. 1541-2 du code de la santé publique qui traite donc des modalités d'application de la première partie du code de la santé publique en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française Cet article a adapté la disposition L. 1110-2 sur les équipes de soins pour en exclure le service de santé des armées (SSA).

Cette exclusion, initiée sans concertation avec le ministère, est injustifiée et a été reconnue inappropriée par le Conseil d'Etat lors de l'examen de l'ordonnance n° 2018-20 du 17 janvier 2018 relative au service de santé des armées et à l'Institution nationale des invalides. Le champ de l'habilitation ne permettait pas de remédier à l'exclusion du SSA des équipes de soins.

II - La position de l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission de la défense et du gouvernement, un amendement réintégrant le service de santé des armées au sein des équipes de soins en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, comme c'est déjà le cas en métropole.

Pour cela, il modifie le code de la santé publique. Il supprime au c du III de l'article L. 1541-2 du code de la santé publique les mots « au sein du service de santé des armées » qui lui-même supprimait la mention « au sein du service de santé des armées » de l'article L. 1110-12 du code de la santé publique relatif à la composition des équipes de soin.

Ceci permet concrètement au service de santé des armées, à l'instar des forces armées qu'il soutient, d'avoir des modalités d'action uniformes sur l'ensemble du territoire national . De plus, grâce à cette disposition, les médecins du SSA présents en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pourront échanger des informations médicales nécessaires à la prise en charge d'un patient sans obstacle avec leurs homologues des hôpitaux des armées exerçant en métropole en tant que membres d'une même équipe de soins , ce qui est essentiel pour la sécurité des militaires et la réussite des missions opérationnelles.

III - La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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*

Votre commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 mai 2018, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du projet de loi n° 383 (2017-2018) relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

M. Christian Cambon, président, rapporteur du projet de loi. - Mes chers collègues, je me limiterai à quelques observations générales, avant de laisser la parole aux rapporteurs délégués, que je tiens vraiment à remercier, car chacun a beaucoup auditionné et travaillé ces dernières semaines.

Notre commission attendait avec impatience cette loi de programmation militaire. Nous en avions même fixé le cahier des charges, en mai 2017, dans le fameux rapport « 2% du PIB pour la défense ». C'est donc en toute liberté, et éclairés par nos précédents travaux, que nous allons nous prononcer ce matin.

Il y a deux façons d'analyser cette loi, selon que l'on regarde le verre à moitié plein ou le verre à moitié vide.

Si l'on regarde le verre à moitié plein, c'est la fin de l'érosion des moyens des armées, des régiments qui ferment, des dizaines de milliers d'emplois supprimés, la fin de décennies d'éreintement, faites de sous-investissement et de sur-engagement. C'est la remontée en puissance qui s'amorce. Inutile de dire combien elle était indispensable, comme l'a bien montré la revue stratégique. La loi affiche la volonté de réparer le passé, de préparer l'avenir, tout en améliorant les conditions de vie des soldats et des familles.

Je le dis d'emblée : c'est pour ces raisons que je vous proposerai de voter ce texte, après l'avoir amélioré par nos amendements.

Si l'on regarde le verre à moitié vide, la prise en compte des besoins des armées n'est que partielle. La crédibilité de la trajectoire est douteuse, les 2/3 de l'effort financier pesant sur le dernier tiers de la programmation, avec des marches quasi infranchissables de 3 mds d'euros de hausse par an, après 2022, au moment où il faudra aussi renouveler les sous-marins nucléaires lanceurs d'engin. La première marche a été ratée puisque 2018, entre annulations de crédits et mise sous enveloppe des OPEX, a finalement été une année « blanche ».

Ce projet de loi comporte d'autres faiblesses :

Nous n'avons pas pu obtenir le détail précis année par année des livraisons d'équipements, des répartitions détaillées des crédits d'études amont, non plus que de la remontée des taux d'entrainement anormalement bas ; le Parlement doit se contenter d'indicateurs globaux en 2025 et 2030. C'est inquiétant et surtout insuffisant pour nous permettre d'asseoir un contrôle parlementaire vigilant sur l'exécution. Car c'est à sa bonne exécution que nous jugerons in fine cette LPM ! Et le rôle du Parlement est bien évidemment essentiel en la matière.

J'ajoute que la modernisation des équipements, le comblement des lacunes capacitaires et du déficit d'entrainement ne seront que très progressifs. Les recrutements seront assez limités et concentrés sur la fin de la période. Le fameux volet « à hauteur d'homme » sur la condition du personnel, est finalement modeste, avec très peu d'effort sur des services de soutien pourtant exsangues. Il faudra donc gérer l'attente qu'aura fait naitre une communication très optimiste de la part du gouvernement sur cette LPM. Rien ne serait pire que de décevoir !

Les objectifs politiques de cette LPM sont ambitieux : garder un modèle complet d'armée, agir en autonomie, pouvoir entrer en premier, intégrer l'innovation. Leur réalisation repose toutefois sur des coopérations européennes. Or, c'est un pari ! On ne peut être que très prudent, voire inquiet. Notre partenaire traditionnel (le Royaume-Uni) est affaibli et marginalisé par le Brexit ; le partenariat avec l'Allemagne repose aujourd'hui plus sur une affirmation politique que sur une réalité, pour plusieurs raisons :

- La seule armée européenne comparable à l'armée française est celle du Royaume-Uni, par son format, par sa culture militaire de projection et d'engagement au sol, par le caractère structurant de la dissuasion nucléaire ;

- Sur le plan doctrinal et politique, l'approche allemande est très différente de la nôtre. On le voit bien avec la question cruciale des restrictions à l'exportation ; ou avec l'armement des drones ; ou encore avec nos différences de conception sur l'artillerie du futur.

Ainsi, la LPM fait le pari d'un développement franco-allemand du futur avion de combat européen, le SCAF. Quand on regarde la position allemande sur le raid en Syrie, quand on sait que cet avion devra pouvoir emporter des charges nucléaires, on a des doutes légitimes sur une coopération industrielle qui ne serait pas portée par une vision politique partagée. Bien sûr notre commission va y travailler : notre réunion franco-allemande est fixée à la rentrée parlementaire d'octobre. Mais enfin, il reste du chemin.

Nos rapporteurs vous présenteront des amendements avec 5 priorités :

- Sanctuariser les crédits de la LPM : en traçant une ligne de séparation claire d'avec le SNU ; en neutralisant le mécanisme malthusien de limitation des « restes à payer » ; en sécurisant le retour à la défense de ses recettes immobilières ;

- Prévoir un volet « logement » pour nos soldats, la LPM n'en comportant pas ;

- Affirmer le contrôle du Parlement : en renforçant les outils de suivi de l'exécution de la LPM et en raffermissant les pouvoirs de la délégation au renseignement ;

- Rendre plus agiles les processus d'acquisition pour une diffusion plus rapide et moins chère de l'innovation, de plus en plus issue du civil ; et repenser un cadre juridique parfois éloigné des besoins des forces armées et des réalités industrielles ;

- préserver les droits des pensionnés dans le contexte de la réforme du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Maintenant, la parole est aux rapporteurs !

M. Cédric Perrin. - Monsieur le Président, mes chers collègues, avec Hélène Conway-Mouret, nous avons examiné ces dernières semaines les aspects de ce projet de LPM qui se rattachent au programme 146 et à l'équipement des forces.

Il faut le reconnaître, notre travail sur le texte nous conduit à la plus grande prudence, pour ne pas dire à une certaine préoccupation.

Certes, pour la première fois depuis 30 ans, les crédits de la défense vont prendre une trajectoire ascendante jusqu'en 2025. Il faut le reconnaître, et les nombreuses auditions d'industriels que nous avons menées nous ont permis de mesurer le soulagement de la BITD à l'idée d'une fin de l'érosion des moyens de la défense.

Mais enfin, nous sommes loin, malheureusement, des perspectives que le rapport de notre commission « 2% du PIB pour la défense » avaient proposées. En effet, au lieu d'une progression régulière, l'essentiel de l'effort (57 %) portera sur les années 2023 à 2025. La progression des crédits de la mission « Défense » serait en effet de 1,7 Md€ de 2019 à 2022, puis de 3 Mds€ à partir de 2023. Est-ce crédible ? On peut avoir de sérieux doutes. Mais ce sera la responsabilité du Gouvernement d'atteindre ces objectifs, ou du moins d'en avoir pris le chemin avant les élections de 2022.

Notre responsabilité à nous sera d'être très vigilants sur l'exécution de cette LPM, quelles que soient les déceptions dont elle peut aussi être porteuse, en plus des grands espoirs que des annonces ont fait naître.

Alors, concrètement, que prévoit cette LPM en matière d'équipement ? Nous prendrons naturellement la voie de la modernisation des matériels, par exemple avec le programme Scorpion ou avec la livraison des A330 MRTT. Mais l'essentiel se déroulera dans la seconde phase de la LPM après 2022, sur laquelle pèsent les plus grandes incertitudes budgétaires, comme nous le savons.

Sur le programme Scorpion, par exemple, il faut mettre en regard le fait que, d'un côté, les Griffon n'arriveront réellement qu'à partir de 2019, et les 4 premiers Jaguar ne seront livrés qu'en 2020 ; et que de l'autre côté, la plupart des VAB, dont l'usure est connue, resteront en service encore des années.

Le Gouvernement a fait une présentation habile du programme Scorpion. Mais la réalité concrète est qu'en 2025, dans le meilleur des cas, 58 % des VAB actuels seront encore en service !

A côté de ça, on trouve certaines impasses lourdes : c'est le cas des hélicoptères interarmes léger (HIL), par exemple, qui sont repoussés à la LPM suivante : on revient donc sur les annonces de mars 2017. Du coup, la Marine devra louer des hélicoptères pour remplacer les Alouettes III. La déception est là aussi pour les drones de la marine (SDAM). Pour ce qui est du drone MALE européen, il faudra attendre... 2025, la dernière année de la LPM.

Quant à la question difficile des patrouilleurs, elle n'est pas vraiment résolue, puisque ce qui est proposé est d'avancer la résorption du trou capacitaire à 2024 en outre-mer (au vu notamment de l'expérience de l'ouragan Irma) au lieu de 2030. En métropole, la réduction capacitaire ne serait comblée que dans 12 ans, en 2030...

Alors, quelle attitude adopter face à ce bilan assez mitigé du projet de loi ? Eh bien, nous avons travaillé dans trois directions, qui nous amèneront à vous présenter plusieurs amendements :

- Sécuriser, autant que faire se peut, les crédits de la défense, que ce soit dans l'impact du surcoût des OPEX (Hélène Conway-Mouret y reviendra) ou du coût des facteurs, notamment les carburants ;

- Définir des outils de contrôle et de suivi pour nous permettre, au cours de la programmation, de savoir si les promesses du Gouvernement sont en voie d'être tenues, et de pouvoir en débattre avec lui si ce n'est pas le cas. A ce titre, nous vous présenterons des amendements assez ambitieux, qui seront peut-être jugés excessifs par le Gouvernement, mais qui nous semblent important pour donner au Parlement des moyens efficaces et simples d'accéder à l'information. C'est d'autant plus important qu'en réalité tout va se jouer en 2021, au moment de l'actualisation. En effet, peu de matériels auront été livrés d'ici-là et c'est à ce moment qu'il faudra confirmer la trajectoire, et faire de cette LPM une vraie loi de remontée en puissance ;

- Commencer à défricher le lourd dossier des processus d'acquisitions, qui manquent terriblement d'agilité et parfois, de pragmatisme, que ce soit à travers de longues procédures de qualifications de matériels déjà utilisés par nos partenaires, ou au travers d'une approche très conservatrice des marchés publics de défense et de sécurité. Nous ne résoudrons pas tous les problèmes sur ce point, mais nous voulons déjà entamer la discussion avec le Gouvernement, autour d'une proposition concrète.

Avant de céder la parole à Hélène Conway-Mouret, j'évoquerai brièvement deux dispositifs prévus par le texte et qui viennent améliorer le cadre juridique de nos forces.

L'article 23 répond à une forte demande de nos militaires engagés en OPEX, en particulier au Sahel où ils sont confrontés à des ennemis mal identifiés qui mènent des actions imprévisibles et meurtrières, à l'exemple des explosions d'engins explosifs improvisés. En réponse à cette problématique, le texte de l'article 23 crée une nouvelle possibilité d'effectuer des relevés d'empreintes et des prélèvements biologiques sur des personnes « dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles ». Concrètement, il s'agit par exemple d'identifier des personnes se trouvant à proximité d'une explosion ou qui suivent et espionnent un convoi militaire.

Je souligne que seuls les prélèvements salivaires seront autorisés, à l'exclusion des prélèvements sanguins, et qu'en outre, les personnes concernées devront être informées des motifs et finalités de ces opérations. Enfin, d'autres garanties importantes sur un plan concret ont vocation à être intégrées aux « règles opérationnelles d'engagement » qui préciseront les cas dans lesquels il est souhaitable d'utiliser cette nouvelle faculté. Ce dispositif, très utile pour nos armées, et très attendu notamment par Barkhane, est donc bien encadré et nous vous proposons de l'adopter.

Quant à l'article 21, il permettra, par l'application des règles du SOFA OTAN, de simplifier tous les exercices bilatéraux menés sur notre territoire avec nos alliés.

Je vous remercie.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le Président, mes chers collègues, les perspectives de cette LPM marquent un progrès, mais nous sommes loin du bouleversement radical que les premières déclarations du Gouvernement pouvaient laisser attendre, et ceci essentiellement pour trois raisons :

- Tout d'abord, cette LPM s'inscrit en réalité dans le prolongement du virage amorcé dès 2015, qui a consisté à stopper la chute des moyens et des effectifs. On le voit aussi dans le fait que beaucoup de programmes essentiels, comme Scorpion, n'évolueront en réalité, pendant plusieurs années, pas fondamentalement différemment de ce qui était prévu (Cédric Perrin a montré comment les réductions de trous capacitaires étaient plus modestes qu'espéré) ;

- La deuxième raison, ce sont les zones de flou dans lesquelles les difficultés pourraient apparaître. Je prendrai en particulier l'exemple du financement des OPEX. Vous le savez, la LPM prévoit de poursuivre la budgétisation progressive dans les crédits de la mission « Défense » du coût des OPEX. Au-delà de la provision inscrite, le surcoût sera financé par la solidarité interministérielle. Or l'expérience a montré que cette solidarité interministérielle pèse surtout, en réalité, sur un ministère : celui des armées ! Il faut donc prévoir une clause prémunissant les crédits de la défense et rétablissant une réelle solidarité interministérielle : nous vous présenterons un amendement en ce sens.

En outre, le calcul du coût des OPEX peut être amélioré, notamment pour intégrer les coûts indirects qui résulte de l'usure prématurée des matériels, dont nous savons qu'ils sont sur-sollicités dans les OPEX : nous aurons également un amendement sur ce point ;

- La troisième raison qui fait que cette LPM ne constitue pas, en elle-même, le tournant fondamental annoncé, c'est que cette programmation repose sur des paris :

o Le pari financier, tout d'abord : en gros, le Gouvernement présente sa trajectoire pour 2019-2021 ; pour 2022-2023, la copie sera revue en fonction de la situation économique, dans le cadre de la clause de revoyure prévue à l'article 6 du texte ; et pour 2024-2025, il y a une perspective de poursuivre sur la même lancée, mais plus hypothétique encore. Nous avons donc, en quelque sorte, 3 LPM en une, de moins en moins assurées au fur et à mesure qu'on s'éloigne dans le temps. Or la communication du Gouvernement en termes d'équipement des forces repose bien sur des objectifs théoriques en 2025 ;

o Second pari : celui des coopérations européennes. Celles-ci existent bien sûr déjà, mais la LPM explique qu'elles seront renforcées, et surtout qu'elles seront la solution à la rareté des crédits. L'idée paraît bien sûr séduisante. Mais il ne faut pas oublier que le succès n'est pas toujours au rendez-vous. A ce titre, je vous invite, mes chers collègues, à prendre connaissance du très récent rapport public thématique de la Cour des Comptes sur la coopération européenne en matière d'armement. Ce rapport, outre le fait qu'il offre une présentation claire des enjeux, rappelle aussi les nombreux écueils que la coopération européenne devrait éviter : il s'agit en particulier de fonder ces coopérations sur des négociations politiques claires et détaillées dès le départ, pour éviter de devoir renégocier en permanence de nombreux aspects des programmes, notamment le calendrier, les spécifications et la répartition des tâches.

Je souhaite développer ce point, car il nous paraît, au terme des auditions que nous avons menées, tout à fait fondamental : l'Exécutif ne ménage pas sa peine pour relancer la coopération européenne en matière d'armement. De facto, cette relance prend essentiellement la forme d'un rapprochement avec l'Allemagne, symbolisé il y a 15 jours par l'accord franco-allemand sur le Système de combat aérien du futur (SCAF). Certes, depuis le Brexit, nos coopérations capacitaires avec le Royaume-Uni n'ont plus le même dynamisme.

A l'inverse, l'Allemagne opère en ce moment une remontée en puissance militaire, symbolisée par son activisme en matière d'exportations de sous-marins, ou par les succès à l'export de ses matériels roulants. Mais, comme l'a dit notre président, la culture militaire et les objectifs de l'Allemagne restent très différents de ceux de la France. La coopération avec l'Allemagne pourra-t-elle être équilibrée sur le plan industriel, c'est-à-dire garantissant tout à la fois :

- La préservation de nos intérêts, et à ce titre, la question du partage des technologies doit être examinée avec attention ;

- La préservation de notre autonomie industrielle ;

- La définition d'objectifs communs, surtout en matière d'exportation des matériels, où l'accord de coalition allemand nous incite à la prudence ;

- La promotion de l'Europe de la défense dans la conception française, c'est-à-dire dépassant les égoïsmes nationaux qui aboutissent à l'exigence sourcilleuse du « retour géographique » (chaque pays voulant obtenir une partie du développement et de la production, en contrepartie de son engagement financier, quitte à ce que cette répartition ne corresponde pas à la réalité des compétences et se fasse donc au détriment de l'efficacité). C'est un des dangers bien soulignés par le rapport de la Cour des Comptes.

En conclusion, je dirais que ce texte contient certains aspects positifs, mais qu'il renvoie chacun à ses responsabilités : au Gouvernement, la responsabilité de tenir cette trajectoire de remontée en puissance qui pose question ; et au Parlement de s'assurer, par un suivi continu, que nous restons bien sur cette trajectoire.

Je vous remercie

M. Joël Guerriau. - Mes chers collègues, en tant que rapporteur du programme 212, je commencerai par aborder le volet « ressources humaines ».

S'agissant des effectifs, la LPM s'inscrit dans le mouvement de hausse décidé à la suite des attentats de 2015 pour permettre la remontée en puissance de nos forces armées. Elle prévoit une augmentation nette de 6 000 équivalents temps plein (ETP) sur la programmation, ce qui met fin à dix ans de très forte attrition des effectifs puisque le ministère aura perdu 50 000 emplois sur la période 2008-2019, un effort considérable et sans comparaison dans les autres ministères.

Les priorités pour l'affectation de ces renforts sont connues : renseignement (+1 500 emplois), cyberdéfense (+1 500), sécurité-protection (+750), soutien aux exportations (+400), le solde (1 850) étant destiné aux unités opérationnelles et à leur environnement. Cette évolution globalement favorable appelle à mon sens trois réserves :

- les soutiens interarmées ne bénéficieront pas (ou très peu) de marges de manoeuvre et devront poursuivre leurs restructurations alors qu'ils ont été très éprouvés par les déflations d'effectifs des dix dernières années ;

- l'effort de créations nettes de postes est inégalement réparti dans le temps, les ¾ (4 000 sur les 6 000) devant intervenir entre 2023 et 2025, avec tous les doutes que cela implique sur la réalisation de cet objectif. Il s'agit donc en partie d'une hausse « en trompe-l'oeil » ;

- enfin, comme l'ont souligné nos collègues Jean-Marie Bockel et Jean-Marc Todeschini dans leurs récents travaux, il y a l'épée de Damoclès du SNU, qui pourrait annuler toutes les évolutions positives si ce projet devait impliquer un encadrement militaire pour toute une classe d'âge. Pour s'en prémunir, nous vous présenterons un amendement à l'article 5 sur les effectifs, qui est de coordination avec celui présenté à l'article 3 par MM. Bockel et Todeschini sur la programmation financière.

Pour le reste, la LPM et son rapport annexé prennent en compte les différents enjeux d'une « manoeuvre RH » toujours aussi complexe. Une attention particulière est accordée au recrutement et à la fidélisation, problématiques qui, au fil des auditions, nous sont devenues familières. Pour faire face aux difficultés rencontrées dans certains métiers et certaines régions, l'article 16 du projet de loi tend ainsi à élargir, à titre expérimental, les possibilités de recrutement de fonctionnaires sans concours et de contractuels. Dans la mesure où ce recours reste encadré, nous y sommes favorables et proposerons un amendement visant à assouplir le dispositif. Nous reviendrons en revanche sur une mesure adoptée par l'Assemble nationale qui nous semble aller au-delà de ce qui est nécessaire.

Un autre enjeu RH est le maintien d'un flux de départs suffisant pour permettre le recrutement de personnels jeunes ou dotés de compétences adaptées aux nouveaux besoins. Pour ce faire les leviers d'incitation au départ (pécule, promotion fonctionnelle, indemnité de départ volontaire...) doivent être maintenus. Ils feront l'objet d'une ordonnance, le gouvernement souhaitant attendre les résultats d'une évaluation en cours pour les pérenniser. Nous serons, bien sûr, attentifs à ce que l'ordonnance soit prise dans les délais impartis car de nombreuses décisions individuelles des personnels de la défense en dépendent.

Enfin, l'accent est mis sur la reconversion, indispensable à l'accompagnement des militaires dans leur transition vers l'emploi civil après une carrière par nature courte. A ce sujet, le projet de loi prévoit notamment une rénovation par ordonnance des procédures de reclassement des militaires dans la fonction publique.

Je vais également aborder brièvement la question du code des pensions militaires d'invalidité.

Le ministère de la défense a conduit, en concertation avec les associations du monde combattant, un travail de refonte du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui s'est traduit par la rédaction d'une ordonnance publiée le 28 décembre 2015. Dans ce cadre, les associations avaient obtenu une amélioration de la procédure contentieuse devant les tribunaux des pensions. Or le Gouvernement a finalement décidé le transfert de ce contentieux aux juridictions administratives, ce qui a causé un certain émoi.

Quelle est, objectivement, la situation ? Tout le monde est d'accord pour constater que le système actuel fonctionne très mal, avec notamment un délai de jugement très excessif. Mais la nécessité de réformer le système ne doit pas conduire à abandonner le principe énoncé solennellement au premier article du code des pensions militaires d'invalidité : « La République française, reconnaissante envers les combattants et victimes de guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s'incline devant eux et devant leurs familles. »

C'est pourquoi nous vous proposerons des amendements visant à préserver cette singularité du droit à réparation prévu par le code des pensions. Avec cette volonté d'amélioration, nous sommes sur la même ligne que les associations, qui sont désormais d'accord entre elles pour améliorer et accompagner de manière très vigilante la réforme en cours, plutôt que d'en remettre en cause le principe même. C'est dire qu'au-delà de ce rendez-vous législatif, il nous faudra rester vigilants sur les phases ultérieures, car beaucoup dépendra des décrets qui seront pris dans les prochains mois. Nous en parlerons de façon plus approfondie lors de la présentation des amendements.

Enfin, je terminerai par quelques mots sur le volet « immobilier » de cette LPM qui nous paraît notoirement insuffisant.

J'évoquerai ici la question des recettes de cessions et autres produits immobiliers du ministère. Vous savez que cette LPM poursuit un objectif de « sincérisation », qui doit être approuvé. Elle ne repose donc pas, et c'est heureux, sur des recettes exceptionnelles aléatoires. Toutefois cela ne signifie pas que le ministère des armées doive être privé de ce type de recettes. Les produits de cessions immobilières attendus sur la période 2019-2025 sont très importants : environ 500 millions d'euros. La dynamisation des redevances et recettes locatives représente également un potentiel considérable.

Nous vous proposerons à ce sujet plusieurs amendements, notamment un amendement à l'article 3, afin de sécuriser le retour au ministère des armées de l'intégralité de ses produits immobiliers.

Nous vous proposerons également des aménagements à la décote dite « Duflot » qui entraîne des pertes de recettes considérables pour le ministère des armées. Cette décote peut aller jusqu'à 100 % de la valeur vénale des terrains cédés, destinés à la réalisation de logements sociaux. Nous l'avions limitée à 30 %, lors de l'actualisation de la précédente LPM. Mais le compromis que nous avions trouvé en CMP avec l'Assemblée a été abrogé dans la loi de finances qui a suivi. Nous le regrettons.

Le mécanisme de décote a déjà entraîné un manque à gagner pour la défense de 25 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 50 millions d'euros de pertes de recettes prévisibles, dans le cadre de la cession en cours de l'îlot Saint-Germain. Si l'on y ajoute la moins-value née de la vente de l'Hôtel de l'Artillerie de gré à gré à Sciences po (évaluée à au moins 30 millions d'euros), ce sont déjà 105 millions d'euros qui ont été perdus, au total, pour la défense. Et la cession du Val de Grâce pourrait accroître ce manque à gagner.

Il est temps de cesser de brader ainsi le patrimoine du ministère des armées, alors que le contexte a changé, et que les besoins sont considérables.

Je laisse à présent la parole à Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. - Mes chers collègues, pour compléter les propos de mon collègue sur le volet RH, je voudrais dire quelques mots des dispositions prévues par le projet de loi pour améliorer la situation des personnels.

Il comporte, tout d'abord, des mesures visant à faciliter l'accès des militaires blessés au congé du blessé et, pour ceux qui font le choix de quitter l'institution, au congé de reconversion.

Rien n'est prévu dans le texte concernant les associations professionnelles nationales de militaires (APNM) et le dispositif de concertation, qui nous avaient particulièrement mobilisés en 2015. Tout cela monte gentiment en puissance. L'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi une garantie consistant à interdire toute mention d'appartenance d'un militaire à une APNM dans son dossier administratif, à laquelle nous ne voyons pas d'objection.

Enfin, le projet de loi comporte des mesures plus particulièrement destinées aux familles de militaires, comme le rétablissement de la possibilité pour les conjoints n'exerçant pas d'activité professionnelle de s'affilier à la caisse nationale de sécurité sociale des militaires, ce qui leur épargne des formalités administratives lors des mutations, ou encore l'attribution d'une bonification de retraite pour les militaires ayant élevé un enfant lourdement handicapé, au même titre que les fonctionnaires. Nous sommes, à cet égard, très attentifs au respect de l'équité entre les fonctionnaires et les militaires et vous proposerons un amendement au rapport annexé tendant à préciser que la transposition aux militaires des mesures indiciaires ou indemnitaires affectant la rémunération des fonctionnaires civils doit intervenir sans délai. Ceci pour éviter tout décrochage.

Quelques mots à présent sur l'article 18. Il tire les conséquences de la décision QPC du 28 novembre 2014 du Conseil constitutionnel, qui a déclaré inconstitutionnelle l'incompatibilité absolue prévue par le code électoral entre les fonctions de militaire et le mandat de conseiller municipal. Le Conseil exige une conciliation entre le droit à exercer un mandat électif, la liberté du choix de l'électeur et l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts, et la libre disposition de la force armée. Il s'agit en même temps de préserver la neutralité politique de l'armée, à laquelle nous sommes tous attachés. Afin d'assurer cette conciliation, le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit que les militaires pourront être élus conseillers municipaux, mais non maires ni adjoints, dans les communes de moins de 9 000 habitants. Le Gouvernement avait fixé ce seuil à 3 500 habitants, l'Assemblée nationale l'a élevé à 9 000, ce qui correspond à la limite au-dessus de laquelle tous les conseillers municipaux sont électeurs aux élections sénatoriales, ce qui d'après l'Assemblée entraînait une certaine « politisation ». En outre, les députés ont ouvert aux militaires l'accès aux fonctions de conseiller communautaire dans les EPCI à fiscalité propre de moins de 15 000 habitants, sans possibilité d'élection au bureau. Nous aurons à discuter de ce plafond à propos d'un amendement de M. Grand que je vous proposerai d'adopter.

Le texte que nous examinons fixe ainsi des seuils qui nous semblent assurer une conciliation équilibrée des différents principes en présence. Il souffre néanmoins d'une lacune : qu'en est-il en de la possibilité pour un militaire d'être élu à une fonction exécutive dans un syndicat mixte, parfois doté de responsabilités importantes ? Ce ne serait pas cohérent avec le reste du texte. Nous vous proposerons donc un amendement sur ce point.

J'en viens, pour terminer, au volet immobilier de cette LPM.

Le premier axe de l'« Ambition 2030 », déclinée par la LPM, est relatif à l'amélioration des conditions d'exercice du métier militaire, avec une attention portée, en particulier, aux conditions de vie et de travail du personnel et des familles.

Or que trouve-t-on à ce sujet dans la LPM, au-delà des déclarations d'intention ? Assez peu d'éléments concrets. Un plan est annoncé en faveur des lycées militaires, mais les engagements, pour le reste, sont vagues.

Le redressement de la fonction « infrastructure » est pourtant urgent. D'importants investissements sont indispensables pour transformer en profondeur l'environnement de vie des soldats. Je n'ai pas besoin d'argumenter ce point : nous avons tous pu constater la vétusté, voire le délabrement de nombreuses installations, lors de nos déplacements sur le terrain.

À cet égard, l'introduction du « wifi gratuit en garnison », annoncée par la ministre lors de la présentation du plan Familles le 31 octobre 2017, ne saurait nous satisfaire à lui seul...

Il est regrettable que la LPM, ou du moins son rapport annexé, ne comporte pas de chiffrage, et n'explicite pas davantage l'effort envisagé. Nous proposerons donc un amendement tendant à inscrire dans la programmation l'effort financier en faveur de la politique immobilière.

C'est d'autant plus important que l'effort budgétaire envisagé de suffira pas à combler l'ensemble des besoins. Le ministère estime, en effet, que si la proportion du patrimoine à risque « très élevé » devrait diminuer sur la durée de la programmation, celle du patrimoine à risque « seulement » « élevé » devrait, quant à elle, presque doubler.

L'effort inscrit en programmation devra donc être considéré comme un minimum, à compléter grâce à un dispositif de retour intégral au ministère de ses produits immobiliers. Mais je ne reviendrai pas sur ce point, évoqué par Joël Guerriau.

M. Jean-Marie Bockel. - Mes chers collègues, pour la préparation et l'emploi des forces, le programme 178, si vous me permettez une formule un peu vive : la programmation qui nous est soumise est particulièrement décevante. Lorsqu'on s'intéresse au « coeur » de nos armées que sont la préparation opérationnelle des soldats et à la disponibilité des équipements qu'ils utilisent, la LPM qui nous est présentée manque, si ce n'est d'ambition, tout au moins d'objectifs précis, fixés et quantitatifs ! Je vais illustrer mon propos en me penchant rapidement sur quatre thèmes.

Le premier est évidemment l'effet de ciseaux entre les moyens de l'armée française, surutilisés depuis plusieurs années, et l'inclusion sous enveloppe des OPEX qui va accentuer encore la pression.

Évidemment, j'ai bien noté que la provision OPEX montait de 450 millions à 1,1 milliard d'euros. De même, la commission a dit qu'elle n'était pas en soi défavorable au financement sincère et entier des OPEX dès la loi de finances initiale. Mais la solidarité interministérielle qui prévalait jusqu'ici était somme toute logique s'agissant d'une décision politique du Président de la République. En outre, nous avions demandé que la sincérisation s'accompagne d'une hausse de l'enveloppe. Enfin, je m'inquiète, dans un contexte budgétaire contraint que ce choix d'intégrer à l'enveloppe budgétaire les OPEX ait été fait alors même que la LPM n'a pas prévu la remontée des contrats opérationnels à hauteur des besoins constatés.

En effet, depuis 2014, les contrats opérationnels ont été si amplement dépassés que la nécessité de leur évolution semblait s'imposer d'elle-même. Le niveau d'engagement des armées a ainsi été d'environ 30 % supérieur aux contrats opérationnels définis dans le Livre blanc de 2013.

Pourtant la LPM n'apporte que des changements modestes aux contrats opérationnels fixés en 2013, plus limités que ce que l'on pouvait espérer. Nos armées vont donc durablement rester dans ce format « juste insuffisant » que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dénonce depuis plusieurs années.

Pourquoi un tel choix ? Pour des raisons budgétaires. Le niveau de ces contrats détermine pour le format d'armée, et notamment les équipements. La forte pression budgétaire que cela représente a eu raison de l'ambition qui aurait consisté à mettre les contrats opérationnels au niveau des besoins constatés depuis 4 ans. Ce choix peut s'expliquer, mais est-il réaliste, dans le contexte géostratégique décrit par la Revue stratégique, de ne rendre possible aucune nouvelle marge de manoeuvre d'engagement des armées, en restant à trois théâtres d'opérations, à la capacité à être nation cadre sur un seul théâtre et à être contributeur majeur au sein d'une seule coalition ? Peut-on ainsi exclure d'emblée l'ouverture de tout nouveau théâtre pendant toute la période de programmation, ou bien escompte-t-on pouvoir se désengager d'un des théâtres d'opérations ? Et si c'est le cas, lequel ?

Je tire de cette constatation deux conclusions. D'une part, la suractivité qui découle déjà du dépassement des contrats opérationnels ne devrait guère diminuer et doit nous conduire à la plus grande vigilance sur l'évolution de la disponibilité technique opérationnelle des équipements. D'autre part, nous devrons être particulièrement vigilants lors du rendez-vous d'actualisation qui nous est fixé en 2021.

Je vous présente maintenant rapidement l'esprit des amendements que je détaillerai tout à l'heure. Pour prendre en compte les éventuels dépassements des contrats opérationnels taillés « au plus juste », je vous proposerai un amendement afin que les conséquences des décisions prises lors des sommets de l'OTAN, soient prises en compte dans l'actualisation de la LPM devant intervenir avant 2021. De plus, il faudra prendre en compte les répercussions des actions de soutien de nos armées aux grands contrats d'armement, le fameux SOUTEX. La précédente LPM a été construite sur des hypothèses ambitieuses d'exportation. Pari gagné certes, mais le poids que représente le SOUTEX pour nos armées n'est pas complètement pris en compte, alors que les décalages de livraison et l'usure supplémentaire des matériels maintenus en activité est bien loin d'être négligeable.

Le lien avec la disponibilité technique opérationnelle est évident. Le projet de loi prévoit une augmentation très conséquente des crédits dédiés à l'entretien programmé des matériels. Plus d'un milliard d'euros supplémentaire par an par rapport à la précédente loi de programmation. Je vous présenterai un amendement pour que nous soyons mieux informés du détail de cet effort. Nous ne pouvons plus accepter le principe du « tonneau des danaïdes », avec des crédits d'EPM qui augmentent, les coûts unitaires d'entretien aussi, et à l'inverse la disponibilité technique opérationnelle des équipements qui reste en berne.

Enfin, et c'est le dernier thème que je voulais évoquer devant vous, la réserve militaire opérationnelle fait l'objet de plusieurs articles dans le présent projet de loi. Plusieurs mesures vont dans le bon sens. Il s'agit notamment de permettre aux militaires aux compétences rares qui souhaitent prendre un congé pour élever leurs jeunes enfants, de rester disponibles pour l'armée en souscrivant un engagement dans la réserve opérationnelle, de rationaliser l'articulation des différents régimes de réserve, de les rendre plus lisibles pour les employeurs, de renforcer l'attractivité en améliorant les conditions d'avancement, en augmentant la limite d'âge et en améliorant la protection sociale des réservistes.

S'agissant de la durée de la réserve opérationnelle, l'article 10 la double pour atteindre soixante jours au minimum (au lieu de trente jours actuellement). Un amendement de nos collèges députés a augmenté de 5 à 10 jours la durée de l'autorisation d'absence qu'un salarié peut opposer à son employeur pour satisfaire son engagement dans la réserve opérationnelle. Je vous proposerai 8 jours, en effet, notre commission dans son rapport de 2016 sur la « Garde nationale » (que j'ai eu le plaisir de préparer avec Gisèle JOURDA) recommandait avant tout une concertation avec les organisations patronales. Nous en reparlerons tout à l'heure.

Mme Christine Prunaud. - Monsieur le Président, mes chers collègues, le dépassement des contrats opérationnels, avec des OPEX particulièrement éprouvantes, l'opération Sentinelle et les renoncements qu'elle a impliqués sur l'entraînement, ainsi que l'effort de formation de la remontée de la force opérationnelle terrestre ont tous contribué à la réduction de la préparation opérationnelle de nos armées. Or, l'entraînement est le gage de la réactivité et de l'efficacité de l'armée et, avant tout, de la sécurité des hommes et des femmes qui la composent.

Durant la précédente programmation, le cycle de préparation opérationnelle de l'Armée de Terre a été durement affecté. La Marine a connu des répercussions sur la formation de ses personnels engagés dans la lutte anti-sous-marine et la surveillance maritime. Enfin, l'Armée de l'air a connu, hors OPEX, un déficit d'activité aérienne qui a allongé la durée de formation des équipages de près de 30 % en moyenne, alors que dans le même temps, les équipages les plus expérimentés étaient confrontés à un surengagement. Votre commission a regretté année après année, que les normes d'entraînement de nos armées soient inférieures de 10 % en moyenne aux objectifs fixés. Alors que la coopération avec nos Alliés est une réponse à certains choix ou à certaines contraintes de la période de programmation à venir, la nécessité de respecter les normes d'entraînement international auxquelles nous avons souscrit s'affirme pourtant encore plus. C'est dans ce sens que deux amendements vous seront proposés l'un au rapport annexé et l'autre à l'article relatif au rendez-vous d'actualisation en 2021. Nous avons demandé que nous soient communiqués des objectifs chiffrés de remontée de la préparation opérationnelle sur la durée de la programmation, car nous ne pouvons pas nous contenter de la « remontée » progressive annoncée à l'horizon 2023 qui est le seul élément tangible de la LPM sur ce sujet. Mais nous n'avons pas obtenu le détail de cette remontée ce qui nous conforte dans la crainte qu'elle n'intervienne que très tardivement, au-delà de 2023.

Le second thème que je souhaite aborder est dans la même logique : reconnaître que les hommes et les femmes des armées sont le coeur de nos préoccupations. Quel meilleur exemple, en l'occurrence, que le service de santé des armées ? Jean-Marie Bockel et moi-même nous vous avons alerté pendant le débat budgétaire sur la tension extrême que subissait ce service. La récente visite du Président Larcher et du Président Cambon à hôpital d'instruction des armées Bégin a confirmé cette analyse. Nous le savons, la capacité des troupes françaises à entrer en premier sur un terrain d'opérations extérieures et la sécurité des soldats reposent sur le Service de santé des armées.

Or, la mise en place du modèle « SSA 2020 » a demandé de lourds efforts à ce service, premier contributeur, au même titre que les autres services de soutien, aux réductions d'effectifs drastiques pratiquées depuis la révision générale des politiques publiques.

Le plafond d'emplois autorisés du SSA est ainsi passé de 16 529 effectifs en 2014 à 15 626 en 2018. L'effectif moyen annuel est encore inférieur de 600 au plafond d'emploi. Depuis le début de la LPM actuelle, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs. La remontée de la force opérationnelle terrestre et le niveau élevé de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs, supérieur aux objectifs de construction de la LPM et du modèle SSA 2020, ont induit un effet de ciseaux puisque mécaniquement les besoins de soutien par le SSA augmentaient. Alors que le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque une centaine, ce qui conduit à concentrer sur les mêmes personnels la charge de la projection en OPEX du service : ainsi les personnels projetés effectuent 200 % du contrat opérationnel.

Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes, les dentistes, les infirmiers en soins spécialisés de bloc opératoire diplômés d'État et les masseurs kinésithérapeutes, la surprojection des mêmes personnels finit par les pousser à quitter le service. Il est essentiel de veiller à stabiliser les effectifs du SSA, afin de tenir compte de l'usure qu'a subie ce service, et ceci durant toute la période de programmation.

En conséquence, un amendement vous sera proposé afin de rappeler que les évolutions des effectifs du SSA doivent tout au long de la période de programmation garantir la sécurité de nos forces et leur capacité à entrer en premier.

M. Pascal Allizard. - Monsieur le Président, mes chers collègues, concernant le programme 144, je m'attacherai plus particulièrement au point essentiel des études amont.

Mon appréciation à ce sujet est nuancée, puisque le projet de loi comporte un élément positif, à savoir l'augmentation des crédits d'études amont de 730 M€ par an en moyenne à 1 Md ; mais d'autre part, cette augmentation s'inscrit dans un contexte très flou, ce qui n'est pas sans conséquences.

Concernant en premier lieu cette hausse prévue de 37 %, elle est significative et elle correspond aux demandes passées de notre commission, exprimées notamment dans le rapport de l'année dernière « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale ». Il est vrai qu'on peut toujours se demander si, dans le même temps, l'accélération en R&T et R&D des autres pays n'est pas plus forte encore. La montée en puissance de l'effort d'armement chinois, mais aussi celui de pays comme l'Inde, la Turquie, la Corée du Sud se retrouve très directement dans la concurrence pour les marchés d'export. Or, bien évidemment, les résultats d'aujourd'hui à l'export sont le fruit des efforts d'hier (ou plutôt, en matière d'armement, d'avant-hier) en matière de recherche.

Plus près de nous, on assiste aussi à un réinvestissement très fort de l'Allemagne dans le secteur de l'armement.

Or la vitalité de notre BITD repose de façon importante sur ces crédits d'études amont. Ainsi, dans le cas de grands acteurs industriels qui sont présents dans le monde entier, comme Thalès, ces crédits contribuent de façon importante à l'attractivité de notre pays comme lieu de localisation des centres de recherche.

A l'autre bout de l'échelle industrielle, la question de l'accès des PME et ETI à ces crédits d'études amont est tout aussi cruciale. Le rapport annexé évoque ce sujet, qui fait toujours l'objet de débats entre les PME et ETI et les grands groupes. Il y a là un point de vigilance, et ce d'autant plus que l'on sait le rôle que jouent les PME et ETI dans l'innovation et la capacité à capter rapidement l'innovation duale pour l'adapter au secteur de la défense.

Une fois rappelée l'importance des crédits d'études amont, il faut tout de même bien reconnaître que le texte est assez flou. Le rapport annexé comporte ainsi des développements assez généraux sur l'innovation, mais pas d'éléments de calendrier sur le relèvement de crédits. Dans le cadre du questionnaire adressé par notre commission au ministère des armées, nous avons donc souhaité connaître la ventilation de ces crédits d'études amont, et leur évolution sur la période de programmation.

Nous avons posé la question à la mi-février, et n'avons reçu la réponse (incomplète) que fin avril !

Du moins sommes-nous en mesure de vous donner aujourd'hui le cadencement de la montée en puissance de ces études amont : de 730 M€ actuels, on passerait à 762 M€ l'an prochain, 832 M€ en 2020, 901 M€ en 2021, 1 Md€ en 2022 et 1,02 Md€ en 2023. Nous vous proposerons donc d'intégrer cette trajectoire dans le rapport annexé, afin de consolider les intentions du Gouvernement.

Quant à l'autre question qui nous intéresse, la répartition des crédits, le Gouvernement n'y a pas répondu, et ne semble pas particulièrement désireux de le faire, malgré la lettre de relance que Michel Boutant et moi-même lui avons adressée. Heureusement, il se trouve que cette information figure dans le récent rapport de la Cour des Comptes sur les coopérations européennes en matière de défense. De façon assez paradoxale, cette information que ni la DGA ni le ministère ne semble disposés à fournir aux Sénateurs, se trouve donc dans un rapport public...

On y trouve donc les principaux bénéficiaires des études amont en 2015, et on observe du reste que, selon la Cour des Comptes, le total des études amont du programme 144 s'élève, pour cette année 2015, à 852 M€, ainsi répartis : Thalès, avec 222 M€, soit un gros quart du total. Cela s'explique par la présence des équipements de Thalès dans les matériels des trois armées ; viennent ensuite Naval Group (109 M€), Safran (97 M€), Airbus (83 M€) et l'addition des établissements publics (CEA et CNES) avec 70 M€.

Dassault a reçu 59 M€ et MBDA 34 M€, ce qui est sans doute moins que ce que l'on aurait pu imaginer vu les enjeux technologiques associés à l'activité missilière.

Naturellement, on ne peut que remarquer la situation des entreprises de l'armement terrestre : Nexter ne reçoit que 13 M€ et Renault Trucks Defense... 4 M€, soit 17 M€ pour les deux principaux fabricants de matériels roulant, d'artillerie et de munitions terrestres. Cette disproportion au détriment du terrestre peut s'expliquer, naturellement, par le contenu technologique des différents matériels. Mais elle reste assez spectaculaire.

Sur la base de ces informations pour 2015, nous allons naturellement, dans les mois qui viennent et au cours de l'exécution, suivre cette question de près.

Comme pour les autres programmes, tout se jouera, pour le 144, dans l'exécution, c'est-à-dire finalement dans les lois de finances successives. Il nous faudra être mobilisés et vigilants dès cet automne.

Je vous remercie.

M. Michel Boutant. - Mes chers collègues, la fonction « connaissance et anticipation » est une priorité de la LPM. On ne peut qu'approuver cette orientation : l'autonomie d'appréciation est déterminante pour l'action diplomatique et militaire.

Un effort conséquent est consenti avec une augmentation des effectifs de 1500, soit le quart du total de l'augmentation prévue pour l'ensemble des effectifs du ministère des armées, et la commande de nombreux équipements.

Toutefois, si la priorité est affichée la réalisation tant pour les ressources humaines que pour les moyens matériels, sera échelonnée.

60% des créations de postes sont concentrées sur les trois dernières années de la programmation. Ces postes seront répartis entre les fonctions « renseignement » des Armées (près de 40%), de la DRM et la DRSD (environ 15% chacune) et la DGSE pour le tiers restant. L'un des enjeux est de donner aux services la capacité de traiter la masse des données techniques qu'ils recueillent grâce à des capteurs en nombre croissant et plus performants. L'effort devra donc être porté sur l'analyse et l'exploitation avec l'arrivée de compétences et d'expertises nouvelles.

Cette montée en puissance nécessite des rémunérations adaptées au marché de l'emploi pour recruter, et surtout fidéliser, ces spécialistes recherchés. La LPM prévoit des assouplissements bienvenus.

S'agissant des équipements, 4,6 milliards d'euros seront investis.

La première période, d'ici 2021, verra la mise en service de plusieurs capteurs déjà commandés :

- Résultat d'une initiative européenne MUSIS, renforcera les moyens d'observation optique et radar fin 2018. Deux satellites supplémentaires devraient être livrés en 2020 et 2021 ;

- CERES, constellation de trois satellites, renforcera la capacité électromagnétique, à partir de 2020.

- des moyens aéroportés, seront livrés : fin 2019 et en 2020 : 2 avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), en 2019, les deux derniers systèmes de drones MALE REAPER qui pourront, à l'horizon 2020-2021, être dotés d'une charge électromagnétique.

A partir de 2025 :

- les successeurs de MUSIS et de CERES devraient être commandés pour l'horizon 2030,

Au sein des moyens aéroportés, la première charge utile de guerre électronique (CUGE) entrera en service en 2025 en remplacement des 2 C160 Gabriel. Nous serons très vigilants sur ce programme car tout retard risque de créer un trou capacitaire très préjudiciable. 6 ALSR devraient être commandés pour atteindre 8 appareils en 2030. Je rappelle lancement en 2019 et la livraison en 2025 d'un drone MALE européen avec un objectif de 8 systèmes en 2030.

Pour le renseignement naval, un bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignement sera commandé en complément du « Dupuy de Lôme » et 15 systèmes de drones aériens mais très tardivement, rien avant 2028.

Dans le domaine terrestre, 5 systèmes de drones tactiques seront en service à l'horizon 2026-2027.

Enfin, s'agissant des « technologies de traitement des données massives » et de l'intelligence artificielle, mais aussi de la sécurité des flux, la mise en service d'un système optimisé du renseignement interarmées (SORIA) est prévue d'ici à 2025, là encore tardivement par rapport aux besoins de la DRM. Les efforts seront également amplifiés dans le cadre de la modernisation des capacités interministérielles mutualisées entre les services, et des capacités propres de la DGSE avec l'objectif d'n doublement du budget d'investissement.

Les services auront également besoin d'infrastructures nouvelles. Un programme immobilier important est en cours à la DGSE, la DRSD a un programme de réaménagements et de modernisation et la DRM un projet de regroupement sur la base de Creil.

M. Olivier Cadic. - Si un conflit à grande échelle devait avoir lieu, il commencerait par des opérations dans le cyberespace et l'espace.

La cyberdéfense est une des priorités de la LPM.

Dans le cyberespace se développent de nouveaux modes de confrontation avec une asymétrie au profit des attaquants : une grande hétérogénéité des acteurs (États, entreprises, organisations, parfois criminelles ou terroristes), une capacité d'acquisition des technologies moins onéreuse et plus accessible que pour les armements traditionnels, et une grande vulnérabilité des sociétés développées, hyper connectées, et fondées sur un modèle libéral et ouvert. L'importance des dommages infligés dépend autant de la puissance des attaques que de la vulnérabilité de la cible.

Pour le Pentagone, les « fake news » sont le principal risque en matière de guerre hybride. Le cyberespace est aussi devenu le lieu de la confrontation informationnelle où certaines puissances, comme la Russie, mènent des actions massives et répétées de désinformation et de propagande, - actions dont l'efficacité est redoutable par la diffusion de messages ciblés par l'utilisation des données personnelles acquises auprès des grands opérateurs de l'Internet - avec pour objet la manipulation de l'opinion publique et l'affaiblissement des démocraties paradoxalement fragilisées, par leurs règles de protection des libertés publiques.

Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, « Les cyberattaques peuvent être plus dangereuses pour les démocraties que les armes et les chars ». Cette menace, qui participe des « capacités d'agression nouvelles » est à peine esquissée dans la LPM et les réponses assez absentes, hormis les missions très spécifiques confiées au Commandement cyber en accompagnement des OPEX.

Or notre résilience est régulièrement éprouvée, notre vulnérabilité est élevée et notre arsenal de protection est très faible. Les réponses ne sont probablement pas militaires, mais c'est un enjeu de sécurité nationale. C'est pourquoi nous proposerons un amendement au rapport annexé.

La cyberdéfense est devenue un élément de notre autonomie stratégique.

La revue stratégiques d'octobre 2017 et la revue de cyberdéfense de février 2018, constatent la multiplication et l'intensification des attaques, la dissémination et la sophistication des moyens d'agression et la vulnérabilité croissante des sociétés numérisées et interconnectées. Dans ce domaine, il faut prendre conscience, que nous sommes en guerre.

Quelles réponses la France a-t-elles apportées ?

Contrairement aux modèles anglo-saxons qui confient la cyberdéfense aux services de renseignement, le modèle français repose sur deux piliers :

• la défense, qui recouvre la prévention, la détection, la résistance, la remédiation, voire la neutralisation des effets d'une attaque dont la chaîne opérationnelle relève du Premier ministre (SGDSN et ANSSI) avec une délégation au commandement de la cyberdéfense pour le ministère des armées. Il s'agit de protéger en priorité les autorités publiques, y compris nos armées, et les opérateurs d'importance vitale ;

• et deuxième plier, la lutte informatique « offensive » assumée dès 2008, dont les grandes lignes de doctrine ont été exposées dans un discours du ministre de la défense, le 12 décembre 2016. Le commandement de la cyberdéfense agit alors dans le cadre de la chaîne des opérations militaires, sous la responsabilité du président de la République.

Enfin, les services de renseignement (DGSE et DGSI) appuient ces deux piliers notamment afin de permettre d'attribuer aux auteurs, avec une certitude suffisante, les attaques, d'évaluer les capacités offensives des adversaires potentiels et, si nécessaires, d'y réagir.

La force de cette organisation réside dans sa capacité à mobiliser les acteurs de la société civile pour accroître leur résilience, mais sa faiblesse est dans l'absence de concentration et donc le besoin d'une coordination efficace.

Nous avons aussi besoin de maîtriser les technologies essentielles à notre souveraineté numérique, et donc d'une base industrielle et technologique cyber forte.

La LPM renforce le volet militaire de la cyberdéfense :

- la cyberdéfense est désormais présente dans tous les contrats opérationnels

- une posture permanente cyber (PPC) est créée sous le contrôle du commandement de cyberdéfense, comportant les mesures de défense des forces armées, avec trois missions principales : la surveillance de l'espace numérique, la capacité de se déployer en sécurité au regard des menaces provenant du cyberespace et d'accomplir leur mission, et la réaction aux agressions informatiques ou informationnelles.

Enfin, en matière de lutte informatique offensive, de nouvelles capacités d'action, intégrées à la chaîne de planification et de conduite des opérations, seront systématiquement déployées en appui de la manoeuvre des armées.

M. Rachel Mazuir. - S'agissant maintenant des moyens, la LPM permettra de multiplier par trois le montant des crédits affectés à la cyberdéfense par rapport à la précédente LPM puisque les crédits passent de 573 millions à 1,57 milliard d'euros.

1 123 emplois seront créés, soit près de 20% du total des créations de postes d'ici 2025. Ils s'ajouteront aux 2900 existants dans les armées.

Le cadencement de ces créations fait néanmoins apparaitre que moins de 40% seront créés avant 2022. Cette progressivité contraste nettement avec la priorité affichée. Toutefois les structures sont en fortes croissances depuis plusieurs années. L'effort de formation et de transformation des emplois est très important. Les assouplissements annoncés dans le volet ressources humaines de la LPM bénéficieront à la réalisation de cet objectif.

La cyberdéfense peut également s'appuyer sur les réserves citoyennes et opérationnelles. Les objectifs cibles (400 réservistes opérationnels et 4000 réservistes citoyens) sont encore loin d'être atteints. Cela suppose un pilotage encore plus efficace.

Avec un volume global d'investissement de l'ordre de 1,6 milliard d'euros, la LPM renforcera les capacités des armées en matière de prévention, de protection, de détection, de caractérisation et d'attribution des cyberattaques. Elle les dotera à l'horizon 2025, de moyens de réaction plus rapides, plus efficaces et mieux coordonnés.

L'intégration de l'enjeu cyber nécessite des modes de développement d'équipements plus souples et plus rapides et un fort investissement dans les domaines de l'intelligence artificielle et des technologies des données massives.

Se doter de capacités souveraines exige la maîtrise de cinq technologies si possible au niveau européen : chiffrement, détection, radio-mobile, cloud et intelligence artificielle. Cet effort devrait bénéficier pleinement et prioritairement des dispositions de la LPM concernant l'innovation, la mise en place de nouveaux processus d'achat, le maintien d'une BITD d'excellence et la transformation numérique du ministère.

Une partie des investissements, de l'ordre de 200 millions d'euros ira à l'infrastructure, avec un effort de mutualisation autour de deux grands sites à Balard et à Rennes-La Maltière mais aussi à la localisation du CALID au sein des locaux de l'ANSSI, qui doit impérativement être maintenue.

Enfin les partenariats sont essentiels. Dans le cyberespace physiquement plus ouvert et moins contraint que les espaces traditionnels de manoeuvre, la sécurité ne peut se concevoir de façon efficace par les seuls moyens nationaux. Le partage en temps réels des incidents avec nos alliés, la constitution d'un cercle européen de partenaires de confiance et la mise en réseau de leurs centres opérationnels devront être recherchés. Des efforts considérables restent encore à faire au sein de l'Union européenne.

Ce volet « cyber » est en perpétuelle construction et demandera du temps, des efforts budgétaires et des évolutions profondes des métiers et de la culture militaire. La LPM engage de façon claire ce processus structurant, qui est loin d'être achevé.

La LPM compte enfin un volet législatif sur lequel nous reviendront au cours de l'examen des articles notamment à l'article 19 pour renforcer les moyens de détection des cyberattaques par l'ANSSI et à l'article 21, pour faire bénéficier les cyber-combattants du régime dit « d'excuse pénale » dans le cadre de leur participation à des opérations.

M. Christian Cambon, président. - Je remercie les rapporteurs pour ce travail très approfondi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2

M. Christian Cambon, président. - Nous passons à l'examen des articles et des amendements. Comme c'est l'habitude, et pour la clarté du débat, je vous propose de réserver la discussion de l'article 2 et du rapport annexé jusqu'à la fin du texte. Nous pouvons ainsi commencer la discussion directement par la programmation, et cela facilite la mise en cohérence du rapport annexé avec les amendements adoptés sur les articles. Il n'y a pas d'opposition ?

L'article 2 est réservé.

Article 1er

M. Bernard Cazeau. - L'amendement COM-93 rectifié ajoute la notion d'évaluation au contrôle parlementaire des objectifs de la politique de défense et de la programmation financière. Contrôler signifie vérifier la légalité de la mise en oeuvre de la loi, tandis qu'évaluer consiste à vérifier si les moyens utilisés sont pertinents au regard des objectifs initiaux.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Au vu de l'omission du rôle du Parlement dans le texte initial, rajouter la mission d'évaluation au contrôle parlementaire est opportune. Avis favorable.

L'amendement COM-93 rectifié est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Jean-Marc Todeschini. - L'amendement COM-72 sécurise les crédits de la loi de programmation militaire (LPM) en cas de mise en place du service national universel (SNU).

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - L'amendement COM-50 reprend l'engagement pris par le président de la République lors de ses voeux aux armées le 19 janvier 2018. Il a déclaré que le SNU aurait « un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire. » Inscrivons cet engagement présidentiel dans la loi.

Avec Jean-Marc Todeschini, nous avons évoqué dans une communication les risques que le projet de SNU fait peser sur nos armées. Garantissons une séparation étanche. Il y a l'amour et les preuves d'amour... Je suggère le retrait de l'amendement 72 au profit de l'amendement 50 de la commission.

M. Christian Cambon, président. - Monsieur Todeschini, retirez-vous votre amendement au profit de l'amendement COM-50 ?

M. Jean-Marc Todeschini. - Non. Ne pouvons-nous pas adopter les deux ?

M. Christian Cambon, président. - Ils ne sont pas compatibles.

L'amendement COM-72 n'est pas adopté.

L'amendement COM-50 est adopté.

M. Yannick Vaugrenard. - L'amendement COM-73 utilise le PIB comme un même indicateur des objectifs budgétaires de la défense et de la LPM. Comme la majorité de la hausse des crédits est prévue à partir de 2023, l'amendement COM-74 sécurise la trajectoire budgétaire en augmentant substantiellement les crédits annuels entre 2019 et 2023 afin d'opérer un lissage entre 2019 et 2025, et éviter la très forte augmentation hasardeuse envisagée sur les années 2023, 2024 et 2025.

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - L'amendement COM-73 pose trois difficultés. Il repose sur un pourcentage brut du PIB - ce chiffre ne signifie pas grand-chose en lui-même, comme nous l'avions rappelé dans notre rapport sur les « 2% du PIB pour la défense ». C'est surtout un élément de mobilisation politique et de cadrage des débats. Ce critère du PIB calque les ressources des armées sur la situation économique, alors qu'elles répondent à des menaces exogènes décorrélées du PIB. Ce sera un sujet majeur de l'actualisation de 2021.

Deuxième difficulté, la trajectoire proposée n'est pas cohérente avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP) - même si c'est techniquement possible. Enfin, quel est le moyen politique le plus efficace pour apporter aux armées les crédits dont elles ont besoin ? Est-ce de réécrire la LPM, ou n'est-ce pas plutôt d'utiliser ce moment pour obtenir du Gouvernement des engagements politiques et publics qu'il lui sera plus difficile de ne pas honorer ? Avis défavorable aux amendements COM-73 et COM-74.

M. Bernard Cazeau. - Entre 2019 et 2022, la hausse annuelle sera de l'ordre de 5% sur chaque budget, puis de 7,5% sur les trois années suivantes. Cette progressivité est favorable à l'ensemble de l'évolution, qui pourra se faire normalement, même si le Gouvernement change.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Fin 2022, sous réserve de réalisation parfaite de la LPM, seul un tiers de l'effort budgétaire promis sera réalisé. Ces amendements crédibilisent le projet de loi en équilibrant l'effort budgétaire et humain.

M. Richard Yung. - Corréler le budget de la défense avec le PIB est dangereux. Personne ne peut prévoir comment évoluera le PIB en 2021, 2022 ou 2023. S'il baisse, le budget de la défense sera-t-il réduit ?

M. Yannick Vaugrenard. - Cet argument est pertinent, mais l'évolution en euros courants pose également problème : préférons des euros constants, car l'inflation est aussi incertaine...

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - Je suis d'accord, mieux vaudrait raisonner en euros constants que par rapport à un pourcentage du PIB. Mais notre commission prend le Gouvernement au mot et renforce ses capacités de contrôle pour que la LPM soit tenue.

Les amendements COM-73 et COM-74 ne sont pas adoptés. L'amendement COM-75 devient sans objet.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'amendement COM-27 sécurise le retour au ministère des armées de l'intégralité de ses produits immobiliers - cessions immobilières et loyers. Cela représente environ 500 millions d'euros.

L'amendement COM-27 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - L'amendement COM-28 inclut, dans le calcul des surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et missions intérieures (Missint), l'impact indirect des dépenses d'investissement rendues nécessaires par l'usure accélérée des matériels en opération. Nous souhaitons disposer d'un budget sincère, reposant sur des coûts réels et sans factures cachées qui poseraient problème pour l'évaluation du matériel et des effectifs.

M. Christian Cambon, président. - Nous nous soucions toujours de la vérité de l'application de la LPM.

L'amendement COM-28 est adopté.

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - Le Gouvernement reconnaît que le financement du surcoût des OPEX et Missint au-delà de la provision doit être assuré par un financement interministériel, car ces opérations résultent directement des décisions politiques du Président de la République. Mais évitons la pratique fréquente auparavant d'appel des crédits de la mission « Défense », et singulièrement ceux du programme 146, bien plus que proportionnellement, dans cette solidarité interministérielle. Le ministère des armées doit participer à la solidarité interministérielle, mais à proportion de son poids. La Cour des comptes a plusieurs fois souligné à quel point le rabotage des programmes d'investissements pour cause de régulation budgétaire, s'il dégage à court terme des crédits, se révèle coûteux sur moyen et long terme. L'amendement COM-30 plafonne donc la part de la mission « Défense » dans le financement du surcoût des OPEX et Missint.

M. Richard Yung. - A partir du moment où les OPEX sont remises à niveau en 2017-2018, quel est le sens de cet amendement ?

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - Il faut arrêter de prendre sur le programme 146 et rétablir équitablement la solidarité interministérielle.

M. Christian Cambon, président. - Le rapporteur de la commission des finances acquiesce...

L'amendement COM-30 est adopté.

Mme Christine Prunaud. - L'amendement COM-1 réécrit l'alinéa 4 : « les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font chaque année, au plus tard le 30 septembre, l'objet d'un débat suivi d'un vote du Parlement. Pour ce faire, le Gouvernement communique en amont aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et ces missions intérieures. »

M. Gilbert-Luc Devinaz. - L'amendement COM-76 reprend l'amendement de Mme Prunaud mais prévoit que le débat sur les OPEX et les Missint se tient avant le 30 juin et qu'un débat soit organisé à l'issue d'une opération extérieure décidée par le Gouvernement. On renforcerait alors le contrôle parlementaire sur les OPEX et les Missint. Cela s'inscrit dans le débat constitutionnel.

Le groupe socialiste et républicain proposera de modifier l'article 35 de la Constitution, ce qui rejoint une proposition de subordonner l'intervention des forces armées à l'étranger à une autorisation régulière du Parlement en organisant un débat suivi d'un vote. Cet amendement comble une lacune. La Constitution oblige le gouvernement à informer le Parlement de l'engagement des forces et à soumettre à un vote la prolongation de cet engagement lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois. Mais passé ce délai, la poursuite de l'intervention n'est plus soumise à une nouvelle autorisation. Ces éléments sont rappelés dans le rapport sénatorial de 2013 de nos collègues Gilbert Roger et Jean-Marie Bockel.

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - L'article 35 de la Constitution définit les conditions d'intervention des forces à l'étranger et l'approbation, ou non, par le Parlement, des interventions. Elles donnent lieu à un débat sans vote dans les trois jours suivant le début de l'intervention, puis à un vote du Parlement lorsque l'intervention dépasse quatre mois. L'article 35 est aussi à rapprocher des articles 15 disposant que « le Président de la République est le chef des armées » et surtout 20, selon lequel le Gouvernement « dispose de la force armée ».

Nous pouvons naturellement toujours débattre des moyens de contrôle que la Constitution donne au Parlement, mais ce n'est pas dans le cadre d'une LPM que nous pourrons modifier la Constitution. Il serait plus opportun d'examiner ces amendements lors du projet de révision constitutionnelle. Avis défavorable à l'amendement COM-1, ainsi qu'à l'amendement COM-76.

M. Bernard Cazeau. - C'est en effet un problème constitutionnel !

M. Christian Cambon, président. - L'intention est louable mais effectivement cela relève de la Constitution. Dans le cadre de la révision constitutionnelle, le président de la Commission des lois m'a justement demandé de lui faire part de nos propositions.

Les amendements COM-1 et COM-76 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 4

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - L'amendement COM-17 reprend la clause de sauvegarde sur le coût des carburants qui figurait dans la précédente LPM. Interrogé sur la couverture du risque éventuel pesant sur les variations de prix des carburants, le Gouvernement a fourni à votre commission une réponse précise, tendant à montrer que ce risque est évalué et suivi. Posons cependant le principe que des hausses significatives du coût des carburants ne viendront pas amputer les crédits prévus par la LPM pour la mission « Défense ».

M. Ladislas Poniatowski. - Le baril est à 70 euros aujourd'hui.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Mais le prix du baril pourrait fluctuer de façon significative sur la période, notamment en raison des tensions nombreuses au Moyen-Orient. C'est une manière de préserver le programme 146.

M. Bernard Cazeau. - Si le prix du baril baisse, réduit-on les crédits ?

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Il n'y a pas d'amputation sur le budget du programme 146, des économies seront alors réalisées...

L'amendement COM-17 est adopté et devient article additionnel.

Article 5

L'amendement COM-9, rédactionnel, est adopté.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - L'amendement COM-77 répartit l'augmentation des effectifs sur la durée de la programmation. L'augmentation prévue est brutale, voire hasardeuse : plus de 75% de la hausse est prévue à partir de 2023. On peut donc voir les choses autrement. Cela permettrait également de mieux gérer les nouvelles recrues, notamment celles venues du SNU. La majorité des recrutements concerne les services de renseignement, or il faut deux à trois ans pour former un agent autonome. L'échéance de 2025-2027 est donc un peu tardive... La LPFP 2018-2022 n'évoque pas ces recrutements, elle fixe un plafond annuel des dépenses à ne pas dépasser, qui devrait être remis en cause par l'augmentation budgétaire à partir de 2023.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Je salue l'intention de cet amendement, mais il ne sert à rien de fixer des objectifs qui ne seront pas atteints, au risque de décevoir. Corollaire malheureux, nous risquerions alors d'accepter de faire moins d'équipements les années où nous voulons plus d'effectifs. Avis défavorable.

L'amendement COM-77 n'est pas adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'amendement COM-10 vise à exclure explicitement des effectifs visés à l'article 5 les apprentis, les volontaires du service militaire volontaire (SMV) et les personnels militaires susceptibles d'être mobilisés pour l'encadrement du SNU. Veillons à ce qu'il n'y ait aucune confusion dans l'appréciation des effectifs. Il s'agit de sanctuariser les moyens alloués par la présente LPM à la défense, sur lesquels la mise en place du SNU fait peser un risque majeur : l'encadrement par des militaires de l'ensemble d'une classe d'âge, soit 800 000 jeunes par an, pendant un mois, requerrait 20 000 ETP, soit plus de trois fois la hausse des effectifs prévue par la programmation 2019-2025.

M. Bernard Cazeau. - La ministre a affirmé qu'il n'en serait rien. Pour ne pas paraître croire que ce serait le cas en votant contre l'amendement, je m'abstiens.

L'amendement COM-10 est adopté.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. - L'amendement COM-122 rectifié précise que les éventuelles augmentations d'effectifs du Service industriel de l'aéronautique (SIAé) ne sont pas prises en compte dans l'augmentation globale des effectifs, pour éviter un effet d'éviction. Il est indispensable que le SIAé puisse avoir une certaine souplesse. Cette rédaction est cohérente avec l'alinéa 259 du rapport annexé qui prévoit que l'augmentation des effectifs et du plafond d'emplois du ministère des armées s'entend hors SIAé. Cette disposition avait été introduite lors de la précédente LPM en 2015.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Je souscris à cette proposition qui préserve les effectifs du SIAé.

L'amendement COM-122 rectifié est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - La préparation opérationnelle et la remontée de la disponibilité technique opérationnelle des équipements doivent être des priorités de la LPM. L'amendement COM-42 profite du rendez-vous d'actualisation prévu par le présent projet de loi pour fixer des objectifs annuels d'évolution de ces deux indicateurs essentiels de l'état de santé de nos armées. Le Parlement pourra ainsi avoir une meilleure visibilité sur ces sujets.

M. François Patriat. - Je suis défavorable à cet amendement qui contraindrait le Gouvernement à inclure les coûts d'amortissements du matériel militaire dans la LPM. Ce n'est pas raisonnable.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Je comprends votre remarque, mais l'amendement n'a pas cette conséquence.

L'amendement COM-42 est adopté.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - L'amendement COM-43 précise que l'actualisation de la LPM prend en compte les engagements souscrits à l'issue des sommets de l'OTAN. L'amendement proposé prévoit d'ajuster, si nécessaire, les contrats opérationnels, les effectifs et les équipements aux décisions prises lors de ces sommets. Il ne s'agit en aucun cas de se soumettre à l'OTAN, mais on ne peut pas ignorer un accord survenu lors d'un sommet...

M. Bernard Cazeau. - Le Gouvernement y est favorable, mais Bercy s'y oppose. Je m'abstiens : je ne suis pas à la solde de Bercy...

L'amendement COM-43 est adopté.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Lors de toutes nos auditions, je suis revenu sur le soutien aux exportations et à ses conséquences. Le diable est dans les détails : nous nous réjouissons tous lors de la signature de grands contrats, mais cela a des conséquences. L'amendement COM-44 prévoit que les actualisations de la LPM prennent en compte la rétribution de la participation des armées au soutien des grands contrats d'exportation (Soutex). En effet, les contrats des frégates Fremm et des Rafale conclus avec l'Égypte en 2015 ont entraîné des dépenses de plus d'un milliard d'euros dont 300 millions d'euros sont demeurés à la charge des armées.

L'amendement COM-44 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6 bis (nouveau)

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - L'Assemblée nationale a réintroduit par un nouvel l'article 6 bis la disposition que le Sénat avait souhaité apporter à la LPFP. Réjouissons-nous : les quelques mois qui nous séparent de l'adoption de cette loi ont convaincu les députés de la justesse de la position du Sénat, qui avait été adoptée sur proposition de votre commission. Il y a lieu toutefois de coordonner cet ajout, qui aurait naturellement trouvé à s'insérer dans le texte même de la LPFP, par cet important amendement COM-14, de clarté et d'affirmation politique.

M. Christian Cambon, président. - C'est très important.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 6 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6 ter (nouveau)

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - En 2013, notre commission a accru les pouvoirs parlementaires de contrôle de l'exécution de la LPM. Les députés ont recopié ce dispositif dans le présent projet de loi. Pour une meilleure coordination, l'amendement COM-41 supprime le dispositif initial pour éviter toute redondance législative.

L'amendement COM-41 est adopté.

L'article 6 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6 quater (nouveau)

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale prévoit un bilan en avril. L'amendement COM-65 le prévoit en mars, pour le coordonner avec le dispositif du Sénat.

L'amendement COM-65 est adopté.

L'article 6 quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 6 quater (nouveau)

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale à l'article 6 quater va dans le bon sens. Complétons-le par un instrument simple et d'une grande clarté : l'actualisation des tableaux présentés par le Gouvernement aux alinéas 347 et 348 du rapport annexé. Les commissions doivent pouvoir suivre l'évolution de la trajectoire d'équipement. À cette fin, ces tableaux très utiles devront être complétés pour toutes les années jusqu'au terme de la programmation en 2025.

M. Christian Cambon, président. - Cela va toujours dans le sens d'un meilleur contrôle du Parlement.

L'amendement COM-16 est adopté et devient article additionnel.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - L'amendement COM-18 définit les meilleurs outils pour le suivi de l'exécution de la LPM : la version actualisée du référentiel (VAR), qui enregistre les modifications des programmes intervenues depuis le dépôt du PLF, pourrait être un outil utile. Ce document, qui contient de nombreuses informations sensibles, ne peut être largement diffusé. À travers cet amendement, engageons un débat de fond avec le Gouvernement sur les outils de suivi de la LPM.

L'amendement COM-18 est adopté et devient article additionnel.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 9

M. Claude Haut. - L'amendement COM-101 harmonise les notions de « forces armées » et « formations rattachées » dans le code de la défense. Cet article additionnel est en quelque sorte rédactionnel ; il ne modifie en rien la LPM.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Avis favorable.

L'amendement COM-101 est adopté et devient article additionnel.

Article 10

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 10 bis

M. Ronan Le Gleut. - L'augmentation de cinq à dix jours de l'autorisation d'absence des réservistes dans les entreprises au-delà d'un certain nombre de salariés est une fausse bonne idée. Sous l'apparence de renforcer les droits des salariés engagés dans la réserve opérationnelle, elle freinera leur progression professionnelle voire constituera un frein à l'embauche, selon les associations de réservistes, qui craignent un effet pervers. L'amendement COM-90 propose de revenir aux cinq jours actuellement en vigueur.

L'amendement COM-95 est retiré.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Le doublement des jours d'absence des réservistes sans concertation avec les organisations patronales pourrait être contreproductif, et créera des réservistes « clandestins », qui ne se déclarent pas comme tels à leur employeur.

L'amendement COM-40 ramène ce congé à huit jours, un moyen terme qui fera consensus. Il remplace également le seuil de 200 salariés par celui de 250, qui est le seuil Insee pour les PME. Mieux vaut choisir une solution applicable que de crisper tout le monde...

M. Jean-Pierre Grand. - En modifiant l'article L. 3142-89 du code du travail, il serait logique de fixer les règles générales pour l'ensemble des entreprises puis de prévoir une dérogation facultative pour les PME. La rédaction actuelle laisse un vide juridique pour les entreprises dont le nombre de salariés est exactement de 200 ou de 250 selon le seuil fixé. L'amendement COM-82 et le sous-amendement COM-109 à l'amendement COM-40 y remédient.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je suis favorable à l'amendement COM-90. Lors de la préparation du rapport d'information que M. Michel Boutant et moi-même avions présenté en vue de la création d'une réserve de sécurité nationale, de nombreuses entreprises nous avaient fait part des difficultés que posaient déjà les cinq jours d'absence autorisés pour les réservistes. C'était un obstacle au recrutement. Néanmoins, les circonstances que vit notre pays justifient l'augmentation de cette durée.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Mme Gisèle Jourda et moi-même avions, en 2016, présenté un rapport d'information sur le même thème, au demeurant très inspiré de vos excellents travaux. Nos auditions avaient mis en évidence un consensus autour d'une période de huit jours.

L'amendement COM-90 n'est pas adopté.

Le sous-amendement COM-109 est adopté, ainsi que l'amendement COM-40 ainsi sous-amendé.

Les amendements nos COM-82 et COM-123 deviennent sans objet.

L'article 10 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'amendement rédactionnel COM-55 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 11

M. Ronan Le Gleut. - Les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir intégrer la réserve opérationnelle, dont l'accès est facilité par la période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale (PMI-PDN).

Mon amendement COM-110 rectifié porte l'âge maximum d'accessibilité à la PMI-PDN de 30 à 45 ans. En effet, la population dans la tranche d'âge 35-45 ans, déjà établie professionnellement, est une cible de choix pour la réserve : elle peut envisager de servir au moins cinq ans alors que la durée moyenne d'engagement est aujourd'hui d'un peu moins de trois ans. Cette mesure s'appliquerait à enveloppe constante, sans conséquences sur les dépenses de l'État.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Avis favorable. Il serait cependant souhaitable que le Gouvernement nous rassure en séance sur le risque d'éviction que pourrait présenter cette mesure.

L'amendement COM-110 est adopté et devient article additionnel.

Article 11 bis (nouveau)

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Le Président du Sénat a déposé une proposition de loi garantissant la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et simplifiant les modalités de leur nomination. Il me semble judicieux d'insérer les modalités de représentation des parlementaires au Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) dans ce cadre global, plutôt que dans la loi de programmation militaire. C'est le sens de l'amendement de suppression COM-126.

M. Bernard Cazeau. - L'amendement COM-96 assure la représentation alternative des parlementaires au CSRM par un homme et une femme.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Avis défavorable, puisque l'adoption de l'amendement COM-126 des rapporteurs rendrait celui-ci sans objet.

L'amendement COM-126 est adopté ; le COM-96 devient sans objet.

L'article 11 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11 ter (nouveau)

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Dans la même logique que l'amendement COM-126, le COM-127 supprime une disposition relative à la représentation parlementaire au conseil consultatif de la garde nationale.

M. Bernard Cazeau. - Le COM-97 rectifié est lui aussi analogue au COM-96, assurant une rotation entre hommes et femmes au sein de ce conseil.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Avis défavorable.

L'amendement COM-127 est adopté ; le COM-97 rectifié devient sans objet.

L'article 11 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 11 ter

M. Hugues Saury. - L'amendement COM-81 donne à tout salarié la possibilité de renoncer à un jour de repos non pris au profit d'un autre salarié de l'entreprise ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ; son objectif est de contribuer à la montée en puissance de cette réserve. C'est une disposition inspirée de celles qu'ont instaurées les lois du 9 mai 2014 et du 13 février 2018 au profit d'un collègue ayant un proche malade ou en perte d'autonomie.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Avis favorable. Cet amendement contribue à l'augmentation du vivier de la réserve. De plus, le dispositif est non coercitif et renforce la cohésion de la communauté de défense.

L'amendement n° COM-81 est adopté et devient article additionnel.

Les articles 12, 13 et 13 bis (nouveau) sont adoptés sans modification.

Article 14

M. Claude Haut. - L'amendement COM-102 est de nature technique. Il s'agit d'un ensemble d'ajustements au code de la défense pour le mettre en cohérence avec d'autres dispositions de ce code modifiées par la loi du 9 décembre 2016 relative aux lanceurs d'alerte.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Avis favorable.

L'amendement COM-102 est adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14 bis (nouveau)

M. Bernard Cazeau. - L'amendement COM-104 interdit la mention de l'orientation sexuelle dans le dossier individuel du militaire, nécessaire à son évolution socio-professionnelle.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Votre amendement est satisfait par les règles applicables au traitement du dossier individuel, aux termes de la loi Informatique et libertés. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeau. - Ce règlement s'applique aux agents de la fonction publique, mais pas nécessairement aux militaires.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Les services du ministère des armées nous ont assuré que c'était le cas.

M. Bernard Cazeau. - Dans ce cas, je le retire.

L'amendement COM-104 est retiré.

L'article 14 bis est adopté sans modification.

Article 14 ter (nouveau)

L'amendement rédactionnel COM-53 est adopté.

L'article 14 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 15 est adopté sans modification.

Article 16

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - En accord avec les services du ministère, l'amendement COM-66 exclut les secrétaires administratifs du champ des expérimentations de recrutement dérogatoire, sans concours, de personnels civils. Leur introduction à l'Assemblée nationale avait provoqué un certain émoi. Le COM-98 a le même objet, c'est pourquoi j'en demanderai le retrait.

L'amendement COM-98 est retiré.

L'amendement COM-66 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-48 est adopté.

M. Bernard Cazeau. - Mon amendement COM-92 étend à la Nouvelle-Aquitaine le dispositif expérimental de recrutement dérogatoire pour les personnels civils. Je soutiens ma région...

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Malheureusement, avis défavorable !

L'amendement COM-92 n'est pas adopté.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - L'amendement COM-46 réduit la proportion de personnes extérieures dans la commission de sélection dans le cadre du recrutement de fonctionnaires sans concours.

L'amendement COM-46 est adopté.

M. Bernard Cazeau. - L'amendement instaure un quota de 10 % de personnes handicapées dans les recrutements hors concours à titre expérimental, afin de souligner l'importance de cette problématique auprès des agents de la fonction publique.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Avis défavorable : le ministère des armées se conforme très largement à l'obligation légale d'emploi de personnes handicapées. N'ajoutons pas une contrainte.

L'amendement COM-105 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 17

M. Jean-Pierre Grand. - Mon amendement COM-83 prévoit l'encadrement des volontaires stagiaires du service militaire volontaire (SMV) par des militaires retraités.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'intention est louable, mais cet encadrement est déjà possible à travers le service dans la réserve, qui est ouvert aux militaires retraités.

L'amendement COM-83 est retiré.

L'article 17 est adopté sans modification.

Article 18

L'amendement rédactionnel COM-58 est adopté.

M. Jean-Pierre Grand. - L'article 18 ouvre la possibilité pour les militaires d'accepter un mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants et de conseiller communautaire dans les communautés de communes de moins de 15 000 habitants, tout en restant en position d'activité.

Ces limitations démographiques sont justifiées par le fait que le mandat de conseiller municipal d'une ville de plus de 9 000 habitants suppose, en règle générale, un engagement partisan avéré susceptible de remettre en cause le principe de neutralité et l'obligation de loyalisme imposés au militaire. Ce faisant, elles remettent en cause la capacité des militaires à faire preuve de discernement, de retenue, de réserve et de respect de leurs obligations militaires.

Dans toutes les communes, même les grandes villes, il y a des conseillers municipaux issus de la société civile et non d'une formation politique. Ce n'est pas la taille de la commune qui modifie le comportement d'un citoyen, fût-il militaire. C'est pourquoi mon amendement COM-84 supprime ces limitations démographiques.

À défaut, mon amendement COM-85 porte le seuil de 15 000 à 30 000 habitants - ainsi les militaires pourraient entrer dans les conseils communautaires de 77 % de ces EPCI, contre 34 % aujourd'hui.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - L'amendement COM-21 est rédactionnel.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'amendement de notre commission COM-119 est identique au COM-21.

La commission des lois s'est placée dans la logique du Gouvernement consistant à appliquer a minima des conséquences de l'arrêt du Conseil constitutionnel sur l'exercice de fonctions électives par des militaires. La tradition républicaine veut en effet que les fonctionnaires militaires aient une part minimale à la représentation politique.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Avis favorable au COM-119. Je demande le retrait du COM-84, en donnant un avis favorable au COM-85.

L'amendement COM-84 est retiré.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Les interdictions faites aux militaires d'exercer certains mandats électifs s'appliquent aux officiers supérieurs. Qu'arrive-t-il si un officier élu alors qu'il était capitaine connaît, dans l'exercice de son mandat, un avancement de grade ?

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Il est alors démissionné par le Préfet. Le cas est prévu par les textes.

Les amendements COM-21 et COM-119 sont adoptés, ainsi que l'amendement no 85 ; l'amendement COM-20 devient sans objet.

M. Jean-Pierre Grand. - Mon amendement COM-86 supprime une disposition adoptée par amendement à l'Assemblée nationale, interdisant aux militaires en position d'activité d'être membres du collège électoral sénatorial et même de participer à l'élection des délégués au sein des conseils municipaux. D'après l'Assemblée nationale, l'élection des sénateurs ne serait pas compatible avec les exigences d'impartialité imposées aux militaires. Autrement dit, il leur est autorisé d'élire les députés mais pas les sénateurs... Or, on ne peut nier l'impact électoral des militaires lors des législatives, dans les circonscriptions où sont regroupés des casernements ou des logements. Il suffit de consulter les résultats des bureaux de vote à proximité de ces lieux... Cette discrimination est une atteinte à la démocratie. En leur interdisant de participer à l'élection des sénateurs, on crée une catégorie de sous-conseillers municipaux. C'est tout à fait démoralisant pour nos troupes. Amendement de repli, le COM-87 restreint l'interdiction à l'appartenance au collège électoral.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Les conseillers municipaux ressortissants d'un autre pays de l'Union européenne sont eux aussi exclus du collège sénatorial. Retrait ou avis défavorable à l'amendement COM-86.

M. Pascal Allizard, rapporteur délégué. - Je souhaite revenir sur le vote précédent. C'est un sujet très important dont nous ne mesurons pas pleinement les conséquences. L'amendement COM-21 remplace, dans la définition des seuils, les communautés de communes par les EPCI. Quant au seuil de 15 000 habitants, la loi NOTRe avait, entre autres, pour objectif de supprimer l'ensemble des EPCI de moins de 15 000 habitants... Dans ces conditions, offrir la possibilité aux militaires de devenir conseillers municipaux dans les EPCI de moins de 15 000 habitants perd de son intérêt. Je suis donc favorable à l'amendement COM-87 qui place le seuil à 30 000, en observant toutefois que tous les EPCI à fiscalité propre sont des communautés de communes... De plus, nous ne réglons pas la problématique des syndicats mixtes. Nous ouvrons une boîte de Pandore : si ces dispositions prospèrent, nous nous exposons à une censure.

Les propositions de M. Grand sont intéressantes. Les militaires participent à toutes les séquences électorales, y compris départementales. Je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas, au moins en tant que conseillers municipaux, désigner les grands électeurs. C'est se tirer une balle dans le pied. Nous risquons de donner davantage de droits aux citoyens ressortissants de l'Union européenne qu'aux militaires français à qui nous devons la plus grande reconnaissance ! C'est pourquoi je suis tenté de voter ces amendements.

M. Christian Cambon, président. - Je ne suis pas surpris par ces échanges. Je ne suis moi-même pas favorable à ce statut de conseiller municipal partiel...

M. Cédric Perrin, rapporteur délégué. - Je partage l'avis de M. Allizard. Ne multiplions pas les exclusions de ce type, sous peine de multiplier les contentieux, déjà nombreux, autour des conseils municipaux. Je suis moi aussi tenté de voter ces amendements.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Je propose de retenir l'amendement COM-87 permettant aux militaires membres de conseils municipaux de participer à la désignation des grands électeurs. Rappelons qu'un militaire ne peut être membre de droit du collège électoral, puisqu'il ne peut être élu conseiller municipal dans une commune de plus de 9 000 habitants.

M. Raymond Vall. - Peut-on être membre d'un collège électoral sans être soi-même éligible ?

M. Christian Cambon, président. - Oui : pour le Sénat, c'est le cas des conseillers municipaux ressortissants d'un autre pays de l'Union européenne. De même, un colonel allemand ayant une résidence secondaire en France peut être élu conseiller municipal et devenir maire adjoint.

M. Jean-Pierre Grand. - Je maintiens l'amendement COM-86. Il convient d'essayer de remporter la victoire avant d'envisager un repli !

L'amendement COM-86 est adopté ; les COM-87 et COM-88 deviennent sans objet.

M. Jean-Pierre Grand. - Aux termes du code général des collectivités territoriales, tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif.

Or l'exigence de disponibilité permanente pour l'armée peut empêcher un militaire d'exercer la fonction d'assesseur lors d'une élection dans la commune où il est conseiller municipal. Mon amendement COM-89 pare à ce risque en rendant inapplicable aux militaires en activité la disposition en question. Ainsi sera mieux précisée la volonté du législateur, chère à la justice administrative.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - C'est une exemption trop générale : les militaires doivent exercer normalement le mandat qui leur est confié. Avis défavorable.

L'amendement COM-89 est retiré.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - L'amendement COM-22 interdit aux militaires d'exercer le mandat de président de syndicat mixte.

L'amendement COM-22 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

M. Olivier Cadic, rapporteur délégué. - L'article 19 comprend trois volets.

Le premier précise les dispositifs de détection que les opérateurs de communications électroniques pourront mettre en place sur leur réseau. Le second définit les modalités du contrôle exercé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) sur l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), lorsque celle-ci est autorisée à mettre en oeuvre ses dispositifs de détection sur les réseaux des opérateurs et sur les systèmes d'information des fournisseurs de service de communication au public en ligne et à obtenir des opérateurs les données techniques recueillis par leurs dispositifs.

Ces deux capacités de l'Anssi font l'objet de dispositions nouvelles du code de la défense qui constituent le troisième volet. L'amendement COM-56 porte sur les deux premiers volets.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - La commission des lois approuve pleinement la priorité donnée à la cyberdéfense. Le dispositif prévu par le texte pour donner davantage de moyens de défense aux autorités civiles et militaires est bienvenu. Toutefois, le mécanisme des sondes présente des aspects attentatoires à la vie privée. C'est l'esprit de l'amendement COM-114, identique au précédent. Il prévoit des atteintes proportionnées, assorties de garanties quant aux moyens techniques de l'Arcep, et notamment au niveau d'accès de l'agence aux données recueillies et conservées par l'Anssi. Il améliore également le contrôle du Parlement.

Enfin, il équilibre les forces et moyens d'action de l'Arcep vis-à-vis de l'Anssi, en lui donnant la possibilité d'adresser à celle-ci des injonctions en cas de dévoiement constaté dans la captation des informations. Le texte du Gouvernement ne prévoit rien à ce sujet.

En cas de non-respect de l'injonction, notre amendement prévoit également des procédures d'arbitrage - qui ne seront sans doute pas utilisées - entre les deux agences par une chambre spécialisée du Conseil d'État.

M. Richard Yung. - Je ne suis pas convaincu par ces amendements. Charger l'Arcep de contrôler l'Anssi, ce qui n'est pas dans ses attributions, est déjà un pas considérable ; prévoir des procédures de contentieux me semble excessif. Il suffirait de donner la possibilité à l'Arcep de rendre publiques ses injonctions si, par extraordinaire l'Anssi n'y accédait pas ; mettre en contentieux devant le Conseil d'État les discussions entre ces deux autorités me paraît peu raisonnable.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - Le mécanisme proposé est un décalque de celui qui est appliqué à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dans ses relations avec l'Anssi.

M. Pascal Allizard, rapporteur délégué. - Je suis favorable à ces amendements. Il existe une forte tentation au niveau européen d'exercer une véritable autorité sur les agences nationales de régulation des télécommunications. Or la France est très performante dans ce domaine ; en acceptant de donner un poids plus grand à l'Union européenne sur ce sujet, nous risquons de moyenner les efforts.

Les amendements nos COM-56 et COM-114 sont adoptés.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-116 prévient un risque d'inconstitutionnalité. La mise en place des sondes sur les réseaux des opérateurs de télécommunications peut être volontaire ou contrainte, en cas de menace spécifique. Or cette mise en place est complexe, et engendre pour ces opérateurs des dépenses importantes en termes de ressources humaines. Une telle mesure pourrait provoquer de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) si aucune compensation du surcoût pour les opérateurs n'est prévue lorsque la mise en oeuvre est contrainte. C'est l'objet de l'amendement.

M. Rachel Mazuir, rapporteur délégué . - Avis favorable.

L'amendement COM-116 est adopté.

M. Rachel Mazuir, rapporteur délégué. - L'amendement COM-62 étend le champ de la détection opérée par l'Anssi, aujourd'hui limité aux autorités publiques, aux opérateurs de services essentiels. L'Anssi organise déjà la détection dans ces domaines - eau, électricité, rail notamment - mais l'amendement officialise et sécurise cette détection. La mention « État » remplace également la mention « autorités publiques ».

L'amendement COM-62 est adopté.

L'amendement COM-106 rectifié est retiré.

M. Olivier Cadic, rapporteur délégué. - L'amendement COM-57 renvoie tout d'abord à un décret en Conseil d'État la définition des catégories de données techniques susceptibles d'être recueillies par l'Anssi dans le cadre de la mise en place de ses sondes de détection. Cette précision vise à garantir un paramétrage adéquat des dispositifs, qui ne saurait permettre de collecter et d'exploiter des données au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour les finalités prévues par la loi.

L'amendement supprime également la peine d'emprisonnement prévue en cas d'obstacle d'un opérateur de communications électroniques ou d'un hébergeur à l'installation par l'Anssi de ses propres sondes de détection sur leur réseau ou système d'information, tout en doublant la peine d'amende, de manière à en conserver le caractère dissuasif.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-115 de la commission des lois est identique au précédent. Il parachève l'ensemble des garanties apportées dans la rédaction de l'article 19, en prévoyant un décret en Conseil d'État précisant la nature des données collectées et conservées par l'Anssi. C'est d'autant plus nécessaire que dans la rédaction votée par l'Assemblée nationale, l'Anssi a la possibilité de conserver ces données pendant dix ans. Enfin, doubler les amendes est conforme au principe de proportionnalité : il n'est pas nécessaire de menacer les opérateurs d'embastillement.

Les amendements COM-57 et COM-115 sont adoptés.

L'amendement n° COM-117 est retiré.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 20 demeure supprimé. L'article 21 est adopté sans modification.

Article 22

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-117 est de précaution. La CNCTR n'intervient pas au niveau de la mise au point des dispositifs d'interception. Cet amendement lui donne la possibilité d'observer les essais.

M. Christian Cambon, président. - Michel Boutant y siège...

M. Michel Boutant, rapporteur délégué. - Cet amendement m'en rappelle un autre, qui portait sur la surveillance du réseau hertzien, et qui avait été adopté.

M. Christian Cambon, président. - Souvenir ému !

M. Michel Boutant, rapporteur délégué. - Et douloureux... Personnellement, mon avis est favorable, mais je sens que celui de la commission sera défavorable. C'est un vrai dilemme ! Retrait, ou avis défavorable.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - Comme c'est un amendement de la commission des lois, je ne puis le retirer, même si je partage l'avis de la commission. Même dilemme, donc !

M. Christian Cambon, président. - Notre commission s'en remet donc à votre sagesse.

L'amendement n° COM-117 est adopté.

M. Richard Yung. - L'amendement n° COM-103 rectifié, déposé par Alain Richard, membre du Conseil d'État, résulte du fait qu'un décret en Conseil d'État n'apparaît pas nécessaire, puisqu'un simple arrêté du ministre de la défense, pris après avis de la CNCTR, suffit pour définir les mentions devant figurer dans le formulaire de déclaration auprès de la CNCTR ou dans le registre recensant les opérations techniques.

M. Michel Boutant, rapporteur délégué. - Avis favorable, sans dilemme cette fois, puisqu'il s'agit d'un simple aménagement technique du pouvoir réglementaire. De plus, la CNCTR sera consultée pour avis.

L'amendement n° COM-103 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° COM-120.

L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission, et l'article 22 bis est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 22 bis

M. Christian Cambon, président. - L'amendement n° COM-63 reprend les dispositions d'une proposition de loi que j'ai déposée avec Philippe Bas, président de la commission des lois, afin de renforcer le contrôle du Parlement par le biais de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), dont nous faisons partie. Les services de renseignement ont vu leurs capacités juridiques et budgétaires sensiblement accrues au cours des dernières années. Il convient donc de renforcer parallèlement le contrôle parlementaire dont ils font l'objet. C'est pourquoi cet amendement donne de nouveaux moyens à la DPR, en lui donnant accès à certains documents auxquels elle ne pouvait avoir accès jusqu'à maintenant, tout en préservant la capacité du pouvoir exécutif de restreindre ce droit d'accès pour certaines informations - à condition de motiver cette restriction - ; en lui faisant transmettre la liste des rapports des inspections générales des ministères portant sur les services de renseignement dont ils dépendent ; en lui donnant la possibilité d'entendre les personnels de ces services sur le site des services afin de préserver leur anonymat, et en autorisant la DPR à désigner en son sein un rapporteur, auquel elle pourrait confier des missions d'évaluation et de contrôle sur des thématiques définies.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-118 est identique. Il est superflu pour moi de commenter le contenu d'une proposition de loi déposée par vous-même et par Philippe Bas. Notre commission des lois a adopté à l'unanimité cet amendement.

M. Ladislas Poniatowski. - Le sujet est d'importance, et il y aura un débat en séance, qui fera suite à celui que vous avez sans doute déjà avec le Gouvernement. La réforme institutionnelle qui s'annonce restreindra le pouvoir du Parlement. Demander un renforcement du contrôle parlementaire est donc particulièrement opportun. Je vous en félicite et vous soutiens totalement.

M. Christian Cambon, président. - Merci, nous avons reçu beaucoup d'encouragements. Nous avons accepté une légère modification demandée par le ministère, qui a souhaité que l'audition des agents se fasse sur site, ce qui est bien normal. Notre seul but est que le Parlement exerce son contrôle légitime.

M. Michel Boutant, rapporteur délégué. - Je suis heureux de constater cette évolution : en 2015, lors de la discussion de la loi sur le renseignement, un amendement qui demandait que la DPR puisse entendre une plus large catégorie du personnel n'avait pas été retenu... La réflexion a mûri ! Je m'en félicite, car nous ne serons plus confrontés, sur site, à des personnes qui ne sont pas autorisées à nous parler. Cette évolution est très positive.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Notre groupe soutient cette initiative, comme tout ce qui renforce le rôle des parlementaires dans le contrôle du pouvoir exécutif.

Les amendements identiques nos COM-63 et COM-118 sont adoptés, et un article additionnel est inséré après l'article 22. L'article 23 est adopté sans modification.

Article 24

L'amendement de coordination n° COM-112 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° COM-59. L'article 24 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 24 bis A

M. Philippe Paul. - L'amendement n° COM-80 permet au ministre des Armées de définir lui-même les normes applicables à certains matériels.

M. Christian Cambon, président. - Avis favorable de la commission.

L'amendement n° COM-80 est adopté.

L'article 24 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 24 bis

M. Philippe Paul. - L'amendement n° COM-78 établit un cadre juridique pour couvrir les gendarmes lors de transports maritimes sensibles.

M. Christian Cambon, président. - Avis favorable de la commission.

L'amendement n° COM-78 est adopté.

L'article 24 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 25

M. Rachel Mazuir, rapporteur délégué. - L'amendement n° COM-52 supprime l'alinéa 13 pour harmoniser la liste des matériels soumis aux procédures de transfert intracommunautaire avec celle des mêmes matériels actuellement soumis à autorisation d'exportation en dehors de l'Union européenne. L'établissement d'une différence entre les régimes applicables aux exportations de matériels spatiaux au sein de l'Union européenne et en dehors de l'Union européenne est contraire à l'objectif d'harmonisation de ces régimes poursuivi par l'article.

L'amendement n° COM-52 est adopté.

L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 26

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Le sujet abordé par l'amendement n° COM-19 a déjà été traité, notamment dans le rapport sénatorial n° 525 : il s'agit d'introduire plus de souplesse et de rapidité dans les marchés publics. Cela s'inscrit dans le cadre de la réforme de la DGA.

L'amendement n° COM-19 est adopté.

L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 27

Mme Christine Prunaud, rapporteure déléguée. - Notre amendement de suppression n° COM-2 rappelle que la question de l'immobilier reste très sensible chez les militaires. La mobilisation en urgence, suite aux attentats de Paris, a montré de graves défaillances dans les conditions d'hébergement des soldats. Ce besoin en infrastructures risque d'être encore aggravé en cas de généralisation d'un service national universel, quelle que soit sa forme. Il est donc urgent que le Gouvernement freine sa politique de vente de l'immobilier de Défense.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Avis défavorable. Cet article a été prorogé à trois reprises, car il apporte de la souplesse en évitant de longues réunions interministérielles. Avec l'objectif d'atteindre 500 millions d'euros de recettes pour le ministère des Armées, c'est précieux.

M. Bernard Cazeau. - Souvent, la vente des immeubles militaires a permis de construire des logements sociaux.

L'amendement n° COM-2 n'est pas adopté.

L'article 27 est adopté sans modification.

Article 28

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - L'amendement n° COM-36 clarifie la nature des documents qui devront être annexés à l'acte de vente dans les affaires de dépollution.

L'amendement n° COM-36 est adopté.

L'article 28 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 28

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - La loi Duflot a introduit la possibilité d'appliquer une décote pouvant aller jusqu'à 100 % de la valeur des biens. L'amendement n° COM-26 exonère de la décote sauf pour la réalisation de programmes de logements sociaux réservés aux agents du ministère des armées.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-124 de la commission des finances va dans le même sens, mais est plus systématique, car nous devons atteindre le montant de 500 millions d'euros, ce que la décote Duflot rend plus difficile. Puis, on ne peut pas financer deux politiques différentes avec une seule recette !

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Notre amendement va plus loin : il prend en considération le besoin de logement des militaires et laisse la possibilité d'une décote.

M. Christian Cambon, président. - Nous saluons naturellement le travail de la commission des finances sur ce sujet.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. - Notre amendement ayant été adopté par la commission des finances, je ne puis le retirer. Et, dans le cas de l'ilot Saint-Germain, je doute que votre amendement ait opéré. Oui, nos armées ont besoin de logements sociaux mais, dans ce cas, la décote Duflot a coûté cher. Nous aurons le débat en séance publique.

M. Ladislas Poniatowski. - L'amendement n° COM-26 fait tomber l'amendement n° COM-124... Il y a matière à réflexion !

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Les militaires de Sentinelle sont de plus en plus sur-employés et répartis sur l'ensemble du territoire. Le problème de leur logement est crucial.

M. Christian Cambon, président. - Nous avons le même but : favoriser la construction de logements sociaux pour les militaires, notamment à Paris - où un bien du Ministère des Armées estimé à 85 millions d'euros a été vendu pour 29 millions d'euros, pour satisfaire la maire ! Sur les 450 logements sociaux construits, seuls 50 bénéficieront aux militaires... Nous cherchons donc la meilleure méthode pour parvenir à cet objectif commun.

L'amendement n° COM-26 est adopté. Un article additionnel est inséré après l'article 28. L'amendement n° COM-124 devient sans objet.

Article 29

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - L'amendement n° COM-38 achève de sécuriser les ressources de l'établissement public Conseil national des communes "Compagnons de la Libération" en incluant les éventuelles recettes annexes du musée et les recettes annexes du mécénat - en plus des recettes directes du mécénat, prévues par cet article. Les recettes annexes résultent de la vente de brochures, de médailles-souvenirs...

M. Bernard Cazeau. - C'est un amendement de bon sens !

L'amendement n° COM-38 est adopté.

L'article 29 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les articles 30 et 31 sont adoptés sans modification.

Article 32

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Les associations de pensionnés et d'invalides souhaitaient garder une juridiction spécifique. L'amendement n° COM-23 trouve un compromis et accepte le transfert à la juridiction administrative moyennant quelques réserves.

M. Christian Cambon, président. - Il conserve en particulier l'huis-clos, la possibilité de se faire représenter et le droit de conciliation - nous avons tous été informés par les associations.

L'amendement n° COM-23 est adopté. L'amendement de coordination n° COM-24 est adopté.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-113 ne concerne pas les pensions militaires mais le deuxième RAPO obligatoire : sur ce point, il revient au texte initial, car l'Assemblée nationale a voulu que les exceptions soient déterminées par voie réglementaire. Or, celles-ci doivent être fixées par la loi.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Avis favorable.

L'amendement n° COM-113 est adopté.

Mme Gisèle Jourda. - L'émoi suscité dans les associations par nos débats en commission nous a amenées à revoir le SGA. Nous avons décidé de demander un rapport annuel sur le RAPO et le transfert à la juridiction administrative. Cela permettrait de rassurer les associations, qui n'ont pas toutes été consultées, et de contrôler l'efficacité du dispositif. Les tribunaux administratifs sont engorgés... Les militaires victimes de guerre doivent bénéficier d'un accompagnement adapté. Quid, d'ailleurs, de l'indemnisation des personnes qui devront les accompagner ?

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Excellent plaidoyer ! Avis favorable : cette réforme inquiète.

L'amendement n° COM-91 est adopté.

L'article 32 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les articles 33, 34 et 35 sont adoptés sans modification.

Article additionnel après l'article 35

M. Bernard Cazeau. - L'amendement n° COM-108 inscrit dans la loi qu'une personne séropositive ne peut se voir interdire l'accès à la fonction militaire du fait d'un sérodiagnostic positif. L'état actuel de nos connaissances rend inexplicable un tel refus, qui s'est encore produit récemment dans la marine.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Je comprends votre préoccupation, mais les personnes séropositives ne sont pas en tant que telles privées de la possibilité d'accéder à la fonction militaire. En revanche, elles doivent remplir - comme tout autre candidat recruté - les conditions d'aptitude physique requises pour servir, qui s'apprécient au cas par cas. Cette question ne peut pas être réglée par une disposition générale dans la loi. Nous n'avons pas eu le temps, malgré notre souhait, d'examiner le cas spécifique que vous évoquez. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-108 n'est pas adopté.

Article 36

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'amendement n° COM-25 précise la fixation de la date de détermination de l'invalidité au jour de la demande de pension.

L'amendement n° COM-25 est adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'amendement n° COM-79 autorise la mention « Mort pour la France » pour les personnes décédées dans une opération terroriste sur le territoire national. La nomenclature actuelle empêche, par exemple, le colonel Beltrame de bénéficier de cette mention - alors qu'on peut l'avoir si l'on meurt, par exemple, du paludisme dans le cadre d'une opération extérieure !

M. Christian Cambon, président. - Cet amendement a potentiellement des conséquences financières indirectes même s'il est recevable ; il devrait donc être déposé en séance pour en débattre avec la ministre : cette mention fait que l'État prend en charge, à perpétuité, les frais de sépulture.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Le cadre juridique actuel ne prévoit-il pas déjà cette possibilité ?

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Pour un mort sur le territoire, ce n'est possible qu'en temps de guerre.

Mme Sylvie Goy-Chavent. - J'ai été saisie, dans mon département, pour qu'un tel amendement soit déposé. C'est aussi ouvrir la boîte de Pandore vis-à-vis des sapeurs-pompiers, par exemple. Il faudra bien préciser la formulation juridique. Je soutiens le principe de cet amendement, en tous cas.

L'amendement n° COM-79 est retiré.

M. Jean-Pierre Grand. - Ne pourrions-nous pas demander un rapport sur la question des 74 supplétifs, à qui nous devons donner 3 663 euros par an, faute de pouvoir déposer un amendement du fait de l'article 40 de la Constitution ? Nous nous honorerions de régler une fois pour toute ce problème.

M. Christian Cambon, président. - En effet. Déposez un amendement en vue de la séance publique.

M. Jean-Pierre Grand. - Je le ferai, mais sous la forme d'une demande de rapport, qui sera recevable.

L'article 36 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 37

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'amendement n° COM-39 est technique, et reporte la date d'effet de l'abrogation à la publication du décret.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-125 est identique.

Les amendements identiques nos COM-39 et COM-125 sont adoptés. L'article 37 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission. L'article 38 est adopté sans modification.

Article 38

L'article 38 est adopté sans modification.

Article 38 bis (nouveau)

L'amendement rédactionnel COM-68 est adopté.

L'article 38 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 39

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - L'amendement COM-51 remplace l'habilitation de légiférer par ordonnance prévue à l'article 39 du projet de loi par les dispositions législatives correspondantes, dont la rédaction a pu être arrêtée depuis la présentation du projet de loi. Cet amendement, conforme à l'objet et aux modalités de la mesure présentées dans l'étude d'impact, est relatif à l'accessibilité des établissements placés sous la responsabilité du ministère.

L'amendement COM-51 est adopté.

L'article 39 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 40

L'article 40 est adopté sans modification

Article 41

L'article 41 est adopté sans modification.

Article 42

L'amendement rédactionnel COM-61 est adopté.

Article 43 (nouveau)

L'article 43 est adopté sans modification.

Article 2-Rapport annexé (précédemment réservé)

M. Olivier Cadic, rapporteur délégué. - Tout le monde connait l'affaire Cambridge Analytica, qui a vu une puissance étrangère annexer l'élection américaine. Sans parler de ce que les Britanniques ont découvert dans l'affaire du Brexit. Dans la guerre de l'information, le cyberspace permet d'exploiter les vieilles tactiques de désinformation et de propagande, pour manipuler les populations.

Pour envisager un effort concerté au niveau de l'information, il faut s'en donner les moyens au niveau européen, car au-delà de la France, c'est toute la construction européenne que certains cherchent à déstabiliser. Le Sénat doit faire prendre conscience que certains nous mènent une guerre au quotidien, comme l'a souligné mon collègue Rachel Mazuir. Le Pentagone a été sollicité par les membres du Congrès et du Sénat américains pour travailler sur cette question, mais l'Amérique est limitée par le Premier amendement : tel n'est pas notre cas. Nous avons les moyens d'apporter une réponse. C'est le but de la modification proposée par notre amendement COM-33.

L'amendement COM-33 est adopté.

M. Philippe Paul, rapporteur délégué. - Les forces prépositionnées et les forces de souveraineté doivent être dotées des effectifs suffisants et des équipements adéquats, ainsi que l'on a pu le constater à Djibouti. Tel est l'objet de la précision apportée par notre amendement COM-29.

L'amendement COM-29 est adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - La Garde nationale tend à englober l'ensemble des forces de sécurité et des citoyens qui y participent. Rappeler son existence participe de l'esprit de défense. Je rappelle que notre commission, par le truchement de M. Bockel et de Mme Jourda, a beaucoup travaillé sur le sujet. Tel est l'objet de l'amendement COM-4.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur déléguée. - Favorable.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. - J'ai pu constater, en me rendant sur place, qu'un certain nombre de nos aéronefs ne pouvaient être entretenus dans de bonnes conditions le SIAé, faute de moyens pour l'acquérir, m'a-t-on dit, ne disposant pas de la documentation technique. Mon amendement COM-121 tend à y remédier.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Favorable. Tous les moyens de développer la compétence technique du SIAé méritent d'être soutenus.

L'amendement COM-121 est adopté.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Notre amendement COM-32 que le ministère des armées et Bercy présentent de façon explicite, au sein des documents budgétaires, l'utilisation des crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) afin que l'augmentation des moyens financiers - de 1,1 milliard par an par rapport à la précédente LPM - soit suivi de près par le Parlement.

On ne peut pas accepter de ne pas savoir comment sont utilisées les ressources alors que les taux de disponibilité de certains équipements sont aussi bas.

M. Bernard Cazeau. - Je m'abstiendrai.

L'amendement COM-32 est adopté.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - La préparation opérationnelle reste inférieure de 10 % en moyenne aux objectifs fixés et aux normes de l'Otan. Prévoir sa remontée progressive à partir de 2025 est très insuffisant.

Par notre amendement COM-35, nous demandons que lors de l'actualisation prévue en 2021 un état de la préparation opérationnelle nous soit présenté, et que des objectifs soient fixés en la matière jusqu'à la fin de la période de programmation. Encore une fois, ayant été échaudés par le passé, nous sommes dans une démarche d'évaluation.

L'amendement COM-35 est adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Notre amendement COM-45 vise à muscler le volet immobilier de la LPM, afin de sécuriser le retour au ministère des armées de l'intégralité de ses produits immobiliers et de préciser qu'en cas de transfert d'immeubles vers d'autres départements ministériels, le ministère devra bénéficier d'une indemnisation substantielle.

Enfin, il s'agit de reprendre un engagement que le gouvernement avait choisi de faire figurer dans l'étude d'impact annexée au projet de LPM, concernant les règles de fonctionnement du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

L'amendement COM-45 est adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Notre amendement COM-49 vise à réévaluer la possibilité de cession de la partie historique du Val-de-Grâce, qui accueille encore aujourd'hui l'école du service de santé des armées et un bâtiment récent, libéré depuis que les activités de l'hôpital d'instruction des armées ont été redistribuées.

L'amendement COM-49 est adopté.

M. Bernard Cazeau. - L'amendement COM-99 rectifié ter vise à combattre le harcèlement sexuel dans l'armée via la promotion de la cellule Thémis.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Favorable à cette rédaction plus précise que le texte d'origine.

L'amendement COM-99 rectifié ter est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-11 rectifié est adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Pour éviter les problèmes du passé, notre amendement COM-15 vise à transposer « sans délai » aux militaires des mesures indiciaires ou indemnitaires affectant la rémunération des personnels civils.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-12 est adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Même si le ministère des Armées participe des exportations d'armements, ce n'est néanmoins pas sa vocation première. Il n'est pas certain que consacrer 400 emplois sur 6 000 créés soit pertinent au regard des besoins opérationnels et de ceux d'autres services. De nombreuses unités et régiments souffrent d'un déficit en matière d'effectifs. Notre amendement COM-5 y remédie.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Défavorable. La suppression des emplois affectés aux exportations ne fera pas disparaître la mission Soutex elle-même. Ces 400 emplois sont indispensables à la mise en oeuvre du contrat du siècle, c'est-à-dire la vente des sous-marins français à l'Australie. Le renforcement des effectifs de la DGA, qui seconde Naval Group, était annoncé comme nécessaire dès la signature du contrat 2016.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Mme Christine Prunaud, rapporteure déléguée. - Depuis le début de la LPM, en cours de réalisation, le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs. Il lui manque une centaine de médecins des forces. Les personnels projetés effectuent 200 % du contrat opérationnel. Il s'agit donc, par notre amendement COM-37, de rappeler que les évolutions des effectifs du SSA doivent tout au long de la période de programmation garantir la sécurité de nos forces et leur capacité à entrer en premier.

M. Bernard Cazeau. - Le problème davantage lié au refus des médecins de rester au service de santé qu'à un problème budgétaire.

Mme Christine Prunaud, rapporteure déléguée. - Sur le terrain, on constate que les médecins vont vers le privé à cause du manque de soutien financier, qui crée des tensions. Nous voulons leur permettre d'exercer leur profession dans des conditions normales, vu le service qu'ils rendent à l'armée.

M. Christian Cambon, président. - C'est un amendement attendu par le service de santé des armées.

L'amendement COM-37 est adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret. - La Journée Défense et Citoyenneté (JDC) revêt une importance particulière pour les Français établis hors de France. Elle permet de maintenir ou de renouer le lien avec la France.

Or, les modalités précises de mise en oeuvre du Service national universel (SNU), appelé à la remplacer, sont encore floues. Le groupe de travail chargé de fixer les contours de ce dispositif ne rendra pas ses conclusions avant la fin du printemps.

Notre amendement COM-6 vise à maintenir la JDC pour les jeunes Français établis hors de France, jusqu'à son remplacement effectif par le SNU.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Notre sous-amendement COM-111 retient une formulation qui ne tienne pas pour acquise la mise en place du SNU, étant donné les nombreuses réserves émises par la commission sur ce projet. Favorable à l'amendement sous réserve de cette modification.

M. Robert del Picchia. - On peut être favorable à cet amendement, mais il faut reconnaître que la JDC fonctionne de moins en moins, dans beaucoup d'endroits.

Mme Christine Prunaud, rapporteure déléguée. - Je m'abstiendrai sur le sous-amendement.

Le sous-amendement COM-11 est adopté. L'amendement COM-6, ainsi modifié, est adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Le service militaire volontaire s'est révélé un vrai succès. Si ce dispositif était reconduit, il serait intéressant de prévoir une augmentation du nombre de places offertes. Ce serait un signal fort, d'autant que le SMV est une réserve de recrutement pour nos armées.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - Le SMV est effectivement un succès puisqu'on enregistre 72 % d'insertion à sa sortie. Nous avons cependant adopté un amendement à l'article 5 pour éviter de prévoir de telles augmentations, tant pour le SMV que pour le SNU, dans le cadre de la LPM, pour préserver la trajectoire des effectifs. D'où un avis défavorable.

Mme Hélène Conway-Mouret. - La LPM établit des orientations, ce n'est pas une loi de finances. L'amendement n'a pas d'impact financier, il ne s'agit que d'ouvrir la possibilité d'une augmentation du recrutement.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Les dépenses nucléaires vont pratiquement doubler entre 2019 et 2025 : elles vont passer d'une moyenne annuelle de 3,2 milliards entre 2014 et 2019, à 5 milliards entre 2019-2023 et approcher les 7 milliards en fin de LPM.

Ces dépenses sont contraintes et dépassent en volume le budget de nombreuses politiques publiques ; il est nécessaire qu'une sensibilisation soit menée et qu'un débat national soit organisé.

La décision de renouveler cet arsenal a été prise dans des cercles par trop restreints. Alors que la France fait partie des pays se prononçant contre la prolifération nucléaire, ce doublement du budget envoie un signal un peu contradictoire. Il serait bon d'élargir le débat pour sensibiliser les français à ce que nous entendons encore par « dissuasion ». Tel est l'objet de l'amendement COM-69.

Mme Christine Prunaud. - Je soutiens l'amendement de ma collègue. Ce débat est nécessaire.

M. Christian Cambon, président. - La commission n'est pas favorable. Le débat a eu lieu lors de la campagne présidentielle, et il reste permanent dans la presse et au sein de l'opinion publique. Alors que nous allons entamer, à partir de 2020, la rénovation des deux composantes de la force nucléaire, notre commission sera amenée à retravailler sur ce sujet, dans le prolongement des importants travaux que nous avions menés avec nos collègues MM. Pintat, Lorgeoux, Trillard, Allizard et Haut. J'ajoute que relancer un débat dès après s'être prononcés sur la LPM serait paradoxal.

L'amendement COM-69 n'est pas adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Au vu des expériences passées, il convient de respecter quelques conditions pour que les coopérations européennes en matière d'armement soient des succès. Il est essentiel que des arbitrages politiques structurants soient validés au plus haut niveau, dès le début des projets. A ce titre, le principe du retour géographique, qui veut que chaque pays participant bénéficie de son investissement pour stimuler sa propre industrie, doit pouvoir être dépassé pour laisser place au critère principal des compétences et de l'efficacité industrielle. Tel est l'objet de notre amendement COM-34.

L'amendement COM-34 est adopté.

Mme Hélène Conway-Mouret. - L'amendement COM-70 est de coordination avec celui que nous avons présenté sur l'alinéa 261. Le ministère participe aux exportations d'armement, mais ce n'est pas sa vocation première.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué. - Avis défavorable. Les exportations ne sont pas une activité accessoire de nos armées, même s'il faut veiller à en couvrir les coûts.

L'amendement COM-70 n'est pas adopté.

M. Pascal Allizard, rapporteur délégué. - En cohérence avec ce que j'indiquais dans mon propos liminaire, puisque l'on a eu une réponse, même si elle reste partielle, du ministère sur le cadencement de la montée en charge des études amont, il est bon de l'inscrire dans le texte. Tel est l'objet de notre amendement COM-64.

M. Bernard Cazeau. - L'amendement COM-100 vise à supprimer la mention de la maintenance et des services aux satellites en orbite, sujets qui ne relèvent pas tout à fait du domaine de l'innovation de rupture, ni du ministère des armées.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure déléguée. - Avis favorable. L'Assemblée nationale a déjà complété la liste d'exemples d'éléments d'innovation de rupture, mais la maintenance des satellites en orbite n'en relève sans doute pas.

L'amendement COM-100 est adopté.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Notre amendement COM-47 tend à intégrer au rapport annexé la programmation financière en faveur de la politique immobilière.

L'amendement COM-47 est adopté.

L'amendement de coordination COM-31 est adopté.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Le contenu de cet amendement est identique à celui de l'amendement COM-116 présenté à l'article 4. Il vise à combler une lacune en renforçant le contrôle parlementaire sur les Opex.

M. Christian Cambon, président. - Aussi louable que soit l'intention, il modifie le dispositif prévu à l'article 35 de la Constitution : nous ne pouvons pas l'accepter.

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La réunion est close à 13 h 10.

TABLEAU RÉCAPITULATIF SUR LE SORT DES AMENDEMENTS

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAZEAU

93 Rect.

rajouter la notion d'évaluation au contrôle parlementaire des objectifs de la politique de défense et de la programmation financière qui lui est associée.

Adopté

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. TODESCHINI

72

Exclusion du SNU du périmètre de la LPM

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

50

Exclusion du SNU du périmètre de la LPM

Adopté

M. VAUGRENARD

73

Faire progresser la part du PIB des crédits de la mission "Défense" de 5 points de base par an.

Rejeté

M. VAUGRENARD

74

Lisser la trajectoire d'augmentation des crédits de la mission "Défense"

Rejeté

M. VAUGRENARD

75

Amendement de cohérence avec l'amendement n° 74

Satisfait ou sans objet

M. CAMBON, rapporteur

27

Sécurisation du retour au ministère des armées de l'intégralité de ses produits immobiliers

Adopté

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

28

? Prise en compte de l'usure des matériels dans les coûts d' OPEX

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

30

Plafonnement de la part de la mission "Défense" dans le financement du surcoût des OPEX/MISSINT

Adopté

Mme PRUNAUD

1

Prévoir un débat annuel suivi d'un vote sur les OPEX et MISSINT

Rejeté

M. DEVINAZ

76

Prévoir un vote annuel sur les OPEX et MISSINT devant être prolongées

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

17

Clause de sauvegarde "Carburants"

Adopté

Article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

9

Rédactionnel

Adopté

M. DEVINAZ

77

Lissage de l'augmentation des effectifs sur la durée de la programmation

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

10

Exclusion des apprentis, volontaires du SMV et personnels militaires nécessaires à la mise en oeuvre du SNU de l'augmentation des effectifs prévue à l'article5

Adopté

M. de LEGGE

122 Rect.

Exclusion des éventuelles augmentations d'effectifs du service industriel de l'aéronautique des augmentations d'effectifs prévues à l'article 5

Adopté

Article 6

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

42

Fixer des objectifs d'activité opérationnelle et de DTO

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

43

Prise en compte des sommets de l'OTAN dans l'actualisation

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

44

Prise en compte du SOUTEX dans l'actualisation de la LPM

Adopté

Article 6 bis(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

14

Coordination juridique dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP)

Adopté

Article 6 ter(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

41

Suppression des redondances dans le contrôle parlementaire de l'exécution de la LPM

Adopté

Article 6 quater(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

65

Remplacement du mois d'avril par le mois de mars pour la premier bilan semestriel d'exécution de la LPM

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 6 quater(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

16

Transmission au Parlement des tableaux d'équipements actualisés de la LPM

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

18

Information du Parlement sur la version actualisée du référentiel (VAR)

Adopté

Article 8

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

8

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 9

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RICHARD

101

Harmonisation des notions de "forces armées" et "formations rattachées"

Adopté

Article 10 bis(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LE GLEUT

90

Suppression de l'article 10 bis

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

40

Ramener à 8 jours l'autorisation d'absence des réservistes, remonter à 250 salariés

Adopté

M. GRAND

109

Généralisation du dispositif de l'article 10 bis, hors dérogation facultative (250 salariés)

Adopté

M. GRAND

82

Généralisation à toutes les entreprises du dispositif de l'article 10 bis, hors dérogation facultative (200 salariés)

Satisfait ou sans objet

M. de LEGGE

123

Rehausser le seuil d'application de l'article 10 bis au PME de 205 salariés

Satisfait ou sans objet

Article 11

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

55

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 11

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LE GLEUT

110 Rect.

Rehaussement de l'âge d'accessibilité à la période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale

Adopté

Article 11 bis(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

126

Suppression

Adopté

M. CAZEAU

96

Instaurer la parité dans la représentation parlementaire au sein du conseil supérieur de la réserve militaire

Satisfait ou sans objet

Article 11 ter(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

127

Suppression

Adopté

M. CAZEAU

97 Rect.

Instaurer la parité des parlementaires au sein du conseil consultatif de la garde nationale

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 11 ter(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SAURY

81

Cession de jours de repos à un réserviste

Adopté

Article 14

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RICHARD

102

Rectification d'une erreur matérielle concernant le régime de protection des lanceurs d'alerte créé par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

Adopté

Article 14 bis(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAZEAU

104

Interdiction de faire état de l'orientation sexuelle dans le dossier individuel du militaire

Retiré

Article 14 ter(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

53

Rédactionnel

Adopté

Article 16

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

66

Suppression des secrétaires administratifs du champ des expérimentations de recrutements dérogatoires de personnels civils

Adopté

M. CAZEAU

98

? Suppression des secrétaires administratifs du champ de l'expérimentation de recrutement de fonctionnaires sans concours

Satisfait ou sans objet

M. CAMBON, rapporteur

48

rédactionnel

Adopté

M. CAZEAU

92

Extension à la région Nouvelle-Aquitaine du dispositif expérimental de recrutements dérogatoires au droit commun pour les personnels civils du ministère des armées

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

46

? Composition de la commission de sélection dans le cadre du recrutement de fonctionnaires sans concours

Adopté

M. CAZEAU

105

? Instauration d'un quota de travailleurs handicapés pour les recrutements dérogatoires prévus à titre expérimental à l'article 16

Rejeté

Article 17

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GRAND

83

Participation de militaires retraités à l'encadrement du SMV

Retiré

Article 18

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

58

Rédactionnel

Adopté

M. GRAND

84

Suppression des limitations démographiques pour le cumul entre emploi militaire et fonction élective

Retiré

M. CAMBON, rapporteur

21

Rédactionnel

Adopté

M. BONNECARRÈRE

119

rédactionnel

Adopté

M. GRAND

85

Seuil démographique porté à 30 000 habitants pour les EPCI.

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

20

Rédactionnel

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

86

Suppression de l'incompatibilité entre fonctions électives et participation au collège des grands électeurs.

Adopté

M. GRAND

87

Possibilité de participer à l'élection du collège électoral sénatorial.

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

88

Amendement de repli.

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

89

Exemption du militaire en activité de la démission d'office du conseil municipal

Retiré

M. CAMBON, rapporteur

22

Exclusion militaires présidence syndicat mixte.

Adopté

Article 19

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

56

Mise en oeuvre des dispositifs de détection par les opérateurs de communications électroniques et contrôle de l'ARCEP sur l'ANSSI

Adopté

M. BONNECARRÈRE

114

Mise en oeuvre des dispositifsde détection par les opérateurs de communications électroniques et contrôle de l'ARCEP sur l'ANSSI

Adopté

M. BONNECARRÈRE

116

Compensation des surcoûts pour les opérateurs

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

62

Extension du périmètre de protection aux opérateurs de services essentiels

Adopté

M. CAZEAU

106 Rect.

Augmenter la peine encourue en cas d'obstacle à la mise en place des dispositifs de détection.

Retiré

M. CAMBON, rapporteur

57

Application des dispositions autorisant l'ANSSI à installer des dispositifs

Adopté

M. BONNECARRÈRE

115

Application des dispositions autorisant l'ANSSI à installer des dispositifs

Adopté

M. CAZEAU

107

Peine complémentaire encourue en cas d'obstacle mis à l'installation de dispositifs de détection par l'ANSSI.

Retiré

Article 22

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. BONNECARRÈRE

117

Moyen de contrôle de la CNCTR

Adopté

M. RICHARD

103 Rect.

Fixer les conditions d'application du présent article  par arrêté du ministre de la défense

Adopté

Chapitre III ter : Dispositions relatives à la commission de vérification des fonds spéciaux(Division et intitulé nouveaux)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. BONNECARRÈRE

120

Modification de l'intitulé du chapitre III ter

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 22 bis(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

63

Renforcement des moyens de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement.

Adopté

M. BONNECARRÈRE

118

Renforcement des moyens de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement.

Adopté

Article 24

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. BONNECARRÈRE

112

Coordination

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

59

rédactionnel

Adopté

Article 24 bis A(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. PAUL

80

Amélioration rédaction?

Adopté

Article 24 bis(nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. PAUL

78

Missions des gendarmes en haute mer

Adopté

Article 25

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

52

Régimes de transferts intracommunautaire et des exportations de matériel militaire. ? ?

Adopté

Article 26

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

19

Correction de surtranspositions de la directive 2009/81/CE

Adopté

Article 27

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme PRUNAUD

2

Suppression de l'article 27

Rejeté

Article 28

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

36

Clarification du dispositif?

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 28

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

26

Exonération de la décote sauf pour la réalisation de programmes de logements sociaux réservés aux agents du ministère des armées

Adopté

M. de LEGGE

124

Exonération de la décote en faveur du ministère des armées

Satisfait ou sans objet

Article 29

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

38

Sécuriser les recettes du Conseil national des communes "compagnon de la Libération"

Adopté

Article 32

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

23

Aménagement du transfert du contentieux des pensions

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

24

Coordination avec l'aménagement du transfert des pensions

Adopté

M. BONNECARRÈRE

113

Compétence de la loi pour les exceptions au RAPO

Adopté

Mme Gisèle JOURDA

91

Remise d'un rapport sur le transfert du contentieux

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 35

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAZEAU

108

Inscrire dans la loi qu'une personne séropositive ne peut se voir interdire l'accès à la fonction militaire du fait d'un sérodiagnostic positif

Rejeté

Article 36

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

25

Date de détermination de l'invalidité

Adopté

M. GUERRIAU

79

Extension de "Mort pour la France" aux opérations intérieures

Retiré

Article 37

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

39

Report d'effet?

Adopté

M. de LEGGE

125

report d'effet

Adopté

Article 38 bis (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

68

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 39

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

51

Remplacement d'une habilitation à légiférer par les dispositions législatives correspondantes

Adopté

Article 42

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

61

Rédactionnel

Adopté

RAPPORT ANNEXÉ

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. CAMBON, rapporteur

33

Nouvelles menaces

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

29

Soutenir les moyens des forces prépositionnées et des forces de souveraineté

Adopté

Mme CONWAY-MOURET

4

Inclure la garde nationale dans l'alinéa sur le lien armées-Nation

Adopté

M. de LEGGE

121

Acquisition des liasses par le SIAé

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

32

Donner au Parlement les moyens de veiller à l'utilisation des crédits d'EPM

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

35

Poser la remontée de la préparation opérationnelle comme une urgence

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

45

Renforcement du volet immobilier de la LPM

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

49

Réévaluation de l'opportunité de la cession d'une partie du site du Val de Grâce

Adopté

M. CAZEAU

99

Mention de la cellule de lutte contre les discriminations et le harcèlement Thémis et des moyens qu'il convient de lui accorder dans le rapport annexé

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

11

rédactionnel

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

15

Transposition sans délai aux militaires des mesures indemnitaires et indiciaires prévues pour les fonctionnaires

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

12

Rédactionnel

Adopté

Mme CONWAY-MOURET

5

Suppression des emplois affectés au soutien aux exportations (SOUTEX)

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

37

Préserver le Service de santé des armées

Adopté

Mme CONWAY-MOURET

6

Maintien de la JDC pour les jeunes Français établis hors de France

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

S/Amt n° 111

Coordination avec la position de la commission sur le SNU

Adopté

Mme CONWAY-MOURET

7

Augmentation du nombre de places en SMV

Rejeté

Mme CONWAY-MOURET

69

Débat national sur la dissuasion nucléaire

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

34

Rappel des conditions nécessaires au succès des coopérations européennes en matière d'armement

Adopté

Mme CONWAY-MOURET

70

Suppression d'une mention relative à l'exportation d'armement dans le rapport annexé

Rejeté

M. CAMBON, rapporteur

64

Insertion de la trajectoire d'augmentation des crédits d'études amont

Adopté

M. CAZEAU

100

Supprime la maintenance et les services aux satellites dans l'énumération des éléments d'innovation de rupture.

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

47

Inscription dans la programmation de l'effort financier en faveur de la politique immobilière

Adopté

M. CAMBON, rapporteur

31

Amendement de coordination de l'amendement n° 28

Adopté

M. DEVINAZ

71

?[ Organisation chaque année d'un vote sur les OPEX/MISSINT devant être prolongées

Rejeté

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

1. Auditions en commission

- Mme Florence Parly, ministre des armées

- Général François Lecointre, chef d'état-major des armées

- M. Joël Barre, délégué général à la direction générale de l'armement, ministère des armées

- M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration, ministère des armées

- Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre

- Amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la marine,

- Général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air,

- M. Eric Trappier, président du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF).

2. Auditions des rapporteurs délégués

A. Sur le volet « Soutien de la politique de défense » (programme 212)

Rapporteurs : M. Joël Guerriau et M. Gilbert Roger

- Commissaire général des armées Patrick Macary, secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), ministère des armées.

- Général de division Vianney Pillet, commandant du service militaire volontaire, ministère des armées.

- M. Olivier Robert, président de l'Association professionnelle nationale de militaires (APNM) France Armement et M. Edouard Galland, vice-président de France-Armement.

- Mme Anne-Sophie Avé, directrice des ressources humaines du ministère des armées.

- Général Patrick Destremau, sous-chef d'état-major « Performance », état-major des armées, ministère des armées.

B. Sur le volet « Equipement des forces » (programme 146)

Rapporteurs : M. Cédric Perrin et Mme Hélène Conway-Mouret

- M. Hervé Guillou, président-directeur général de Naval group et du GICAN, M. Fabien Menant, vice-président de Naval group, M.  François Lambert, délégué général du GICAN.

- M. Christian Cusset, directeur financier de Renault Trucks Defense, M. François Deloumeau, responsable de la recherche avancée, et M. Charles Maisonneuve, directeur des relations extérieures.

- M. Antoine Bouvier, président-directeur général de MBDA, Amiral Xavier Païtard, conseiller défense, Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement, M. Pierre Muller, directeur du Business France développement.

- M. Thierry Gaiffe, président de la commission défense, M. Nicolas Corouge, vice-président, M. Jean Delalandre, délégué général, Comité Richelieu.

- M. Patrice Caine, président-directeur général de Thalès et Mme Isabelle Caputo, vice-présidente chargée des relations institutionnelles ;

- M. Stéphane Mayer, président du GICAT et président-directeur général de Nexter.

- M. Joël Barre, Délégué général à la direction générale de l'armement, ministère des armées.

- M. Eric Trappier, président du GIFAS et président-directeur général de Dassault Aviation.

- M. Philippe Coq, secrétaire permanent des affaires publiques d'Airbus, Général Jean-Tristan Verna, conseiller défense du Président, et Mme Annick Perrimond-Dubreuil, directeur des relations avec le Parlement.

C. Sur le volet « Renseignement » (programme 144)

Rapporteurs : M. Michel Boutant et M. Pascal Allizard

- M. Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire (DRM), ministère des armées.

- M. Paul Chiappore, sous-directeur de la stratégie et des ressources à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), ministère des armées.

- M. Charles Moreau, directeur de l'administration de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

D. Sur le volet « Cyber » (programme 129)

Rapporteurs : M. Olivier Cadic et M. Rachel Mazuir

- M. Jean-Luc Moliner, président de la commission sécurité de la Fédération française des télécoms, directeur de la sécurité du groupe Orange, M. Anthony Colombani, directeur des affaires publiques de Bouygues Telecom, M. Thomas Puijalon, responsable des affaires publiques de SFR, Mme Carole Gay, responsable des affaires institutionnelles du groupe Orange, M. Alexandre Galdin, rapporteur de la commission sécurité, responsable des affaires réglementaires et études économiques.

- Général Olivier Bonnet de Paillerets, commandant de la cyberdéfense, ministère des armées.

- Mme Cécile Dubarry, directrice générale de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

- M. Guillaume Poupard, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

E. Sur le volet juridique

Rapporteurs : MM. Joël Guerriau, Gilbert Roger, Cédric Perrin et Mme Hélène Conway-Mouret

- Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des armées

- MM. Pierre Tricot, Richard Pernod, Alain Cuinet, Florent Richard, Raymond Casal, coordination « Entente des Grands invalides de guerre ».

- Colonel Ronan Haicault de la Regontais et Colonel Christophe David, Direction du Renseignement Militaire (DRM), ministère des armées.

- Général Bertrand de Lapresle, Général Henri Pinard Legry, Mme Véronique de Tienda-Jouhet, Association de soutien à l'armée française (ASAF).

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA COMMISSION

Mme Florence PARLY
Ministre des Armées
20 février 2018

M. Christian Cambon, président. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui sur la loi de programmation militaire 2019-2025, la LPM.

Mme Florence Parly, ministre des armées. - Voilà huit mois que j'ai la responsabilité du ministère des armées. Pendant ces huit mois, j'ai rencontré nos services, nos forces et leurs familles. Je me suis rendue, avec certains d'entre vous, sur le terrain d'opérations extérieures, comme dans les régiments ou auprès des soldats de Sentinelle.

Au cours de ces huit mois, j'ai entendu un appel - toujours le même -, un appel sans équivoque : « cela ne peut plus durer », « on ne peut pas sans cesse demander plus en donnant toujours moins. » Ce projet de loi de programmation militaire est une forme de réponse à cet appel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis huit mois, nous avons appris à nous connaître, à travailler ensemble. Monsieur le président, vous avez innové en demandant l'organisation d'un débat, dans l'hémicycle, sur la revue stratégique de défense et de sécurité nationale. Je souhaite encore développer les liens de confiance qui se sont tissés entre nous dans le cadre du travail que nous allons mener conjointement pour l'examen du projet de LPM, qui est très important pour le ministère des armées.

Nous avons passé beaucoup de temps à discuter, ensemble, des sujets budgétaires. On dit que les bons comptes font les bons amis, mais nos relations ont dépassé ce stade ! Nous avons passé du temps sur le projet de loi de finances pour 2018, qui était la première étape de remontée en puissance de notre effort militaire, avec une progression de 1,8 milliard d'euros du budget de la mission Défense. À mes côtés, vous avez été très attentifs à la manière dont l'exécution de l'année 2017 se dénouerait, ce dont je vous remercie. Je ne regrette pas de m'être battue pour les dégels de crédit que le ministère des armées a finalement obtenus en fin d'année, après un premier dégel de 1,2 milliard d'euros. Nous n'aurions peut-être parié sur cette réussite, monsieur le président, mais, finalement, nous l'avons obtenue, et ce fut un travail d'équipe.

M. Christian Cambon, président. - Nous nous sommes bien battus, tous ensemble !

Mme Florence Parly, ministre. - Le temps de la gestion est maintenant terminé. Nous entrons dans l'ère de la construction, de la vision, de l'ambition. J'ai présenté, le 8 février dernier, en conseil des ministres, le présent projet de loi de programmation militaire, qui couvre la période 2019-2025. Ce texte marque le renouveau de nos armées et met fin au grand écart croissant qui pèse sur notre défense depuis tant d'années, avec, d'un côté, des budgets toujours plus contraints, des effectifs toujours plus réduits, des programmes retardés, voire arrêtés et, de l'autre, un besoin et un engagement sans cesse croissants de nos armées, en opérations extérieures comme sur le territoire national. Notre défense a été particulièrement sollicitée au cours des dernières années.

Face à des demandes si opposées et à des signaux si contradictoires, peu auraient tenu. Nos forces armées, elles, ont tenu. Elles ont accompli leur mission. Elles sont intervenues partout où c'était nécessaire, au Sahel, en République centrafricaine, au Levant. Elles ont également réussi à relever le défi de l'opération Sentinelle, pour se battre contre le terrorisme et assurer la sécurité au quotidien de nos concitoyens.

Nos armées ont donc toujours répondu présentes. Elles l'ont fait avec rigueur, efficacité et talent. Je veux à nouveau leur rendre hommage.

Mais ces tendances contraires n'avaient que trop duré. Le Président de la République a donc été extrêmement clair : les armées devaient retrouver les moyens d'accomplir leur mission. Le chef de l'État m'a chargée de lancer une revue stratégique de défense et de sécurité nationale. Ce document, dont les conclusions ont été approuvées en octobre dernier, a permis une analyse fine, précise, de la situation internationale et de l'évolution des conflits.

En bref, le monde dans lequel nous évoluons est imprévisible, plus instable, plus violent. Les conflits ont définitivement changé de visage : ils sont plus déséquilibrés, plus numériques et plus durs. La menace terroriste ne perd rien de son intensité, malgré la défaite de Daech sur le terrain. Les grandes puissances continuent de s'armer et d'affirmer leur autorité par tous les moyens. Les attaques cyber sont de plus en plus nombreuses, plus vastes et plus difficiles à parer.

Dans ce monde et face à ces guerres nouvelles, la France doit tenir son rang. Elle doit faire entendre sa voix. Elle doit être en mesure d'intervenir partout où ses intérêts sont menacés, partout où la stabilité internationale est en jeu. Il fallait une réaction forte et rapide.

Ce projet de loi de programmation militaire a été élaboré dans un délai exceptionnellement court, puisque six mois seulement se sont écoulés depuis le lancement des travaux de programmation et trois mois à peine depuis le dépôt des conclusions de la revue stratégique.

Le texte est désormais entre vos mains et celles de vos collègues députés. Le calendrier, tel qu'il a été fixé, devrait permettre son adoption définitive autour du 14 juillet prochain, cette date ayant évidemment une valeur symbolique très forte. Il se sera alors écoulé moins de dix mois entre la conception et l'adoption du projet de loi ! Par comparaison, ce délai avait été de dix-huit mois pour la LPM 2009-2014 et de quinze mois pour la LPM 2014-2019. Pour parvenir à cet objectif, tous les services du ministère ont été mobilisés.

C'est une loi de programmation de renouveau. Le Président de la République avait fixé un cap clair : consacrer 2 % de notre richesse nationale à l'effort de défense d'ici à 2025. Concrètement, la France investira dans sa défense 198 milliards d'euros entre 2019 et 2023 et 295 milliards d'euros entre 2019 et 2025, période de programmation des besoins couverte par cette LPM.

Ce projet de loi est sincère. Je l'affirme la tête haute et je veux y insister, parce que je tiens beaucoup à cette sincérité. De fait, ce texte ne se fonde que sur des crédits budgétaires « en dur » et ne prend en compte aucune recette exceptionnelle hypothétique, liée à telle ou telle conditionnalité, dont la non-réalisation viendrait perturber l'équilibre de la LPM.

En ce qui concerne la provision pour les opérations extérieures, sujet qui nous a tous beaucoup occupés, je rappelle que son montant, fixé à 450 millions d'euros dans la précédente LPM, s'était avéré extrêmement bas par rapport à la réalité des engagements. C'est la raison pour laquelle, dès la loi de finances pour 2018, nous avons revu cette provision à la hausse, à 650 millions d'euros. Toutefois, il fallait aller plus loin : la LPM prévoit de la porter à 1,1 milliard d'euros dès l'année 2020.

Au-delà de cette augmentation significative, une indication forte de méthode a été inscrite dans la présente LPM, qui prévoit que, si cette provision n'était pas entièrement dépensée, les crédits seraient conservés au bénéfice du ministère des armées. En sens inverse, il est également écrit noir sur blanc que, si son montant devait ne pas suffire, l'éventuel surcoût ferait l'objet d'un financement interministériel. Ces éléments de sincérisation me paraissent importants.

Ce texte marque également une rupture avec les réductions d'effectifs engagées dans le cadre des précédentes lois de programmation militaire, réductions certes interrompues dès 2015, avec une première révision à la hausse, et de premières créations d'emplois en 2016, qui se sont poursuivies en 2018. La LPM 2019-2025 prévoit quant à elle 6 000 créations de postes. Il s'agit donc d'une loi de rupture, avec laquelle nous souhaitons pouvoir cueillir les fruits de la remontée en puissance de nos armées.

Comment avons-nous travaillé ? Nous avons d'abord examiné ce que serait une ambition à l'horizon 2030 pour des armées capables d'agir et de l'emporter sur tous les terrains, face à tous les assauts. Cette ambition a été validée par le Président de la République lors d'un conseil de défense qui s'est tenu au mois de novembre 2017. À partir de cette ambition, qui consiste à disposer d'un modèle d'armée complet et équilibré, capable de remplir ses missions de manière « soutenable » dans la durée - le terme est important -, nous avons travaillé de manière à traiter l'ensemble des fonctions stratégiques de notre outil de défense : la dissuasion, la protection, la connaissance et l'anticipation, la prévention et, bien sûr, l'intervention.

Le projet de loi de programmation se déploie autour de quatre axes. En premier lieu, c'est « une LPM à hauteur d'homme ». Les précédentes LPM se focalisaient principalement sur les gros équipements. Pour ma part, je suis très fière que les femmes et les hommes de nos armées, civils comme militaires, soient placés au coeur de cette loi de programmation. Le premier chapitre leur est consacré, ce n'est pas un hasard, mais une volonté. Il s'agit d'assurer l'amélioration de la condition du personnel, les conditions de vie des familles, des conditions de formation, de préparation opérationnelle et d'entraînement.

Ainsi, nos soldats se verront dotés de nouveaux treillis ignifugés, équipements que nos armées attendent depuis longtemps, sans que les promesses aient jusqu'à présent pu être tenues. 23 000 premiers treillis seront livrés en 2019. 100 % du personnel en OPEX en seront équipés dès 2020, et l'intégralité de nos forces dès 2025. De même, 55 000 gilets pare-balles du dernier standard seront livrés sur la période couverte par la LPM, dont 25 000, soit presque la moitié, dès l'année prochaine. 100 % des militaires de la garde nationale en seront équipés dès 2019. Nous leur devions cette reconnaissance et cette marque de respect.

C'est volontairement que j'insiste sur ces petits équipements, qui font le quotidien des soldats et définissent l'exercice de leur engagement. C'est aussi le déficit de petits équipements qui, trop longtemps, a fait la honte des décideurs publics face à nos armées.

Ce projet de loi de programmation militaire porte aussi un engagement, celui du Plan famille, que je vous ai présenté au mois d'octobre dernier et dont la plupart des mesures entrent en application cette année : places en crèches, prêt spécifique d'aide à l'accès à la propriété, élargissement de l'offre de prestations sociales pendant l'absence en mission... La LPM prolongera le Plan famille, avec 528 millions d'euros pour poursuivre l'effort dans la durée.

Deuxième axe, le renouvellement des capacités opérationnelles. Pour que nos forces puissent agir pleinement et pour garantir le succès de nos opérations, il faut aussi renouveler nos capacités opérationnelles. Équipements étaient vieillissants et parfois devenus inadaptés, impasses capacitaires faisaient planer des dangers sur notre supériorité opérationnelle. Cette LPM répare le présent et prépare l'avenir. Les matériels les plus anciens, particulièrement usés au cours des dernières années en raison de l'intensité de nos engagements, seront les premiers à être remplacés. Le programme Scorpion sera accéléré et 50 % des nouveaux blindés - Griffon, Jaguar ou véhicules blindés multi-rôles légers - seront livrés d'ici à 2025.

La marine nationale recevra de nouveaux sous-marins nucléaires d'attaque ainsi que de nouvelles frégates. Les quatre premiers SNA Barracuda, les trois dernières frégates multi-missions et les deux premières frégates de taille intermédiaire seront livrées d'ici à 2025.

Contrairement à ce que l'on peut lire ici ou là, l'armée de l'air ne sera pas en reste. Dans la période couverte par la LPM, elle connaîtra l'arrivée de 6 drones Reaper armés, du premier système de drone Male européen et d'avions de chasse, en l'occurrence 28 nouveaux Rafale et 55 Mirage 2000D rénovés. L'armée de l'air bénéficiera aussi des 12 premiers avions ravitailleurs de nouvelle génération MRTT, qui étaient très attendus et qui seront livrés d'ici à 2023. Grâce à cette accélération des programmes, nos armées bénéficieront d'équipements plus modernes, plus adaptés, pour combler un certain nombre de manques capacitaires devenus critiques.

En outre, nous avons décidé d'augmenter le nombre des commandes d'avions ravitailleurs, puisque nous allons porter notre cible de 12 à 15. De même, pour la marine nationale, nous avons élevé notre cible de bateaux patrouilleurs de 17 à 19, dont 11 livrés d'ici à 2025, contre 4 dans le schéma antérieur. Là encore, il s'agit de remédier à des situations extrêmement dommageables, en particulier en outre-mer.

Aucune impasse n'a donc été faite et les trois armées verront leurs capacités renforcées et renouvelées. Enfin, ce projet de loi de programmation militaire respecte un autre engagement du Président de la République, puisqu'il lance le renouvellement des deux composantes de notre dissuasion nucléaire.

Le troisième axe du texte consiste à garantir notre autonomie stratégique et à faire émerger une autonomie stratégique européenne. Garantir notre autonomie stratégique, c'est s'assurer que la France fera toujours entendre sa voix et sera capable de l'emporter quel que soit le terrain, l'adversaire ou les conditions.

Pour anticiper les menaces et les évolutions géopolitiques, nous faisons porter prioritairement nos efforts sur le renseignement. Ainsi, nous avons prévu que 1 500 nouveaux postes, sur les 6 000 que j'ai annoncés tout à l'heure, seraient créés au profit des services de renseignement, et nous investirons en faveur de celui-ci 4,6 milliards d'euros au cours de la période. Ces investissements se traduiront par des drones, des avions de guerre électronique ou encore des satellites.

Avec cette LPM, nous serons également efficaces sur les nouveaux terrains, tels que la lutte dans le cyberespace. Pour ce faire, nous avons prévu d'investir 1,6 milliard d'euros et de recruter plus de 1 000 cybercombattants supplémentaires d'ici à 2025. Le renseignement et la lutte cyber sont deux priorités très marquées, aussi bien en effectifs qu'en investissements.

La France est la plus grande armée d'Europe. Elle est la deuxième armée du monde libre. Avec cette LPM, la France conforte sa place. C'était une nécessité. Cependant, nos voisins européens sont confrontés aux mêmes menaces et aux mêmes dangers que nous. Forts de notre position de leader en Europe, nous pourrons, grâce à cette LPM, porter des coopérations autour de projets stratégiques à dimension européenne. Je pense à notre politique spatiale ou à notre groupe aéronaval. Ces éléments différenciants doivent permettre d'attirer des partenariats de la part de nos alliés.

L'Europe ne se construira pas sur de bonnes intentions et à coup de traités, de directives ou de règlements, mais autour de projets et de coopérations très concrètes, militaires, industrielles,... C'est ce que nous avons évoqué au cours de la conférence de Munich le week-end dernier. La notion d'autonomie stratégique européenne ne peut pas être un concept : elle doit se construire par l'exemple !

Ce projet de loi de programmation militaire comporte un certain nombre d'éléments différenciants. Par exemple, nous avons prévu des crédits pour financer des études en faveur d'un nouveau porte-avions. De tels éléments doivent favoriser l'émergence d'une autonomie stratégique, non seulement française, mais aussi européenne.

Quatrième axe, l'innovation. Ce n'est pas un sujet gadget ni un supplément d'âme, mais une nécessité absolue au moment où le numérique est partout et change les usages et les modes de combats. Il faut absolument prendre en compte cet enjeu.

Beaucoup a été fait au cours des derniers mois, mais ce n'est qu'un début. Je pense en particulier au fonds Definvest, que nous avons créé en lien avec Bpifrance et la direction générale de l'armement, la DGA. Nous avons aussi lancé des partenariats d'innovation, comme le partenariat Artemis.

Le présent projet de loi va accélérer ce mouvement. L'accent a été fortement mis sur la recherche et le développement. Dans la loi de finances pour 2018, les crédits consacrés aux études et à l'innovation s'élevaient à 730 millions d'euros. Ils passeront à 1 milliard d'euros dès 2022, soit une augmentation de près d'un tiers. Nous allons également prévoir des crédits importants pour préparer les grands programmes d'armement qui structureront les trente ou quarante prochaines années : 1,8 milliard d'euros par an en moyenne seront alloués aux études, pour concevoir aussi bien le successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle que le futur char de combat ou le système de combat aérien du futur.

Cette LPM n'est pas seulement un texte de sincérité ou d'ambition : elle est aussi un texte de responsabilité. En effet, comme l'a déclaré le Président de la République lors de ses voeux aux armées, si la Nation consent à accorder des moyens exceptionnels à nos armées, nous devons nous montrer à la hauteur et garantir que chaque euro investi sera bien employé.

Pour ce faire, il faut aussi que le ministère des armées poursuive sa modernisation. Le terme « modernisation » s'inscrit dans un contexte très différent de celui dans lequel il était précédemment utilisé. Les précédentes LPM traduisaient une modernisation sous contrainte. Cette fois, la modernisation est choisie et voulue. Cela change profondément le sens des 14 chantiers sont inscrits dans le Plan action publique 2022, visant à poursuivre la transformation et la modernisation du ministère. La DGA sera transformée pour conduire plus efficacement les programmes d'armement au service de nos armées, nous permettre d'innover davantage et plus vite, renforcer la coopération internationale, en particulier européenne, en matière d'équipement, qu'il s'agisse, d'ailleurs, de coopération ou d'exportation.

Nous allons également créer une direction générale du numérique, qui veillera à la numérisation de l'ensemble de notre ministère, et nous mènerons jusqu'au bout la réforme du maintien en condition opérationnelle aéronautique, que j'ai eu l'occasion de présenter voilà quelques semaines. Nous lancerons également la réforme du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres. La LPM 2019-2025 marque une remontée en puissance. J'aborde l'examen de ce projet de loi avec beaucoup de confiance, mais aussi d'enthousiasme. Et je connais l'engagement et la volonté de votre commission pour assurer l'avenir de notre défense.

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie de cette présentation. Le texte va globalement dans le bon sens, même si, comme toujours, le diable se niche dans les détails. En particulier, la hauteur des marches à franchir sur les années 2023 à 2025 peut poser question.

Je veux saluer nos collègues membres de la commission des finances, Dominique de Legge, rapporteur spécial, et Michel Canevet. Je précise qu'un certain nombre de nos collègues participent par ailleurs à l'audition, en ce moment même, de M. le ministre de l'intérieur par la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure.

M. Cédric Perrin. - Madame la ministre, je veux vous féliciter pour les dégels que vous avez réussi à obtenir pour l'année 2018. C'était une attente forte. L'action commune a été fructueuse.

À l'automne dernier, le Sénat a adopté un amendement à l'article 14 du projet de loi de programmation des finances publiques, visant à préserver les dépenses du ministère des armées. Cet amendement a été rejeté par l'Assemblée nationale, et l'article 14 est devenu l'article 17 de la loi promulguée, qui dispose que le montant de restes à payer « ne peut excéder, pour chacune des années 2018 à 2022, le niveau atteint fin 2017 ».

Comment cet article s'articule-t-il avec l'affirmation contenue dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire, selon laquelle « cette disposition programmatique de la loi de programmation des finances publiques ne contraindra pas les investissements du ministère des armées » ? C'est un sujet d'inquiétude pour nous, comme probablement pour vous-même.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Globalement, je crois que ce texte répond à toutes les demandes et à tous les besoins, notamment en matière d'équipement. La date de livraison pose question, mais elle dépendra évidemment des budgets votés précédemment.

Je veux vous féliciter, madame la ministre, pour l'intérêt particulier que vous portez aux ressources humaines. Nous connaissons votre attachement à inclure les familles. Cette LPM est à hauteur d'homme - et de femme -.

Enfin, je veux vous féliciter pour la communication très positive qui a été faite autour de ce projet de loi : avant même sa sortie, ceux qui s'intéressent à nos armées avaient à son sujet un a priori très positif. Nous l'abordons avec beaucoup de bienveillance.

Cela dit, je veux vous poser une question très pragmatique : l'augmentation des crédits qui la caractérise est bienvenue, notamment s'agissant du renouvellement des équipements, mais contraste avec des réductions d'effectifs et les stabilisations des budgets qui touchent les autres ministères.

L'abondement d'un budget se traduit généralement par une coupe ailleurs. Dès lors, est-il raisonnable de prévoir aujourd'hui une telle hausse de crédits à partir de 2023 ?

M. Jean-Marie Bockel. - Je fais miennes les remarques positives de mes collègues.

Dans la revue stratégique, il est indiqué que, « compte tenu du format actuel des armées, il en résulte un dépassement des contrats opérationnels et des difficultés lourdes en matière d'entraînement et de soutien. » Vous ne serez donc pas étonnée, madame la ministre, que je m'interroge non pas sur la sincérité - je vous ai bien entendue -, mais sur la faisabilité du dimensionnement, sur toute la durée de la période de programmation, des contrats opérationnels présentés dans le rapport annexé à la LPM, qui n'ont été modifiés qu'à la marge. La LPM prévoit que le contrat opérationnel comporte trois théâtres d'opérations extérieurs durables, avec, de plus, la capacité d'assumer le rôle de nation cadre et d'être contributeur majeur au sein d'une coalition.

Bien sûr, l'arbitrage financier ne nous a pas échappé, mais est-ce soutenable ? Peut-on envisager, dans l'environnement stratégique actuel, l'impossibilité d'ouvrir un nouveau théâtre d'intervention extérieur sauf fermeture d'une OPEX en cours ?

J'ai évoqué à plusieurs reprises la question du soutien aux exportations, le Soutex, qui représente 6,6 % des effectifs supplémentaires prévus par la prochaine loi de programmation. Selon le chef d'état-major de l'armée de l'air, M. le général Lanata, le volume d'activité du Soutex équivaudrait à celui de l'activité chasse dans l'opération Barkhane, soit 10 % de l'activité de l'armée de l'air.

Pour tenir compte des difficultés de la période précédente, 400 postes supplémentaires ont été prévus, notamment au niveau de la DGA. Cela suffira-t-il compte tenu du « contrat du siècle » australien ou des besoins du Rafale ? Cet aspect n'est pas très médiatique, mais il est important.

M. Jean-Marc Todeschini. - La mise en place du service national universel est aujourd'hui devant nous. Faute d'informations précises, il est difficile d'en évaluer le coût. Au passage, on peut regretter qu'aucun parlementaire ne siège dans la commission chargée de remettre au Président de la République un rapport sur le sujet.

Quoi qu'il en soit, le ticket d'entrée dans le système du service national universel atteindra certainement quelques milliards d'euros. Sur cinq ans, le coût sera certainement largement supérieur.

La loi de programmation militaire précise que la création des 6 000 postes se fera indépendamment du service national universel. Or le ministère des armées prendra naturellement sa part dans la création de celui-ci. Il ressort même des premières auditions que Jean-Marie Bockel et moi-même avons menées que cette part pourrait s'élever à 30 %.

Madame la ministre, vous avez évoqué un budget sincère. Tant mieux, mais pouvez-vous nous garantir que l'effort supplémentaire de 1,7 milliard d'euros ne sera pas amputé du coût de la part du service national universel qui restera à la charge du ministère des armées ? Cette part sera-t-elle bien financée en dehors de la LPM ?

M. Christian Cambon, président . - Compte tenu de l'incertitude qui prévaut sur le service national universel, nous partageons tous cette préoccupation.

M. Pascal Allizard. - Je vous remercie, madame la ministre, pour la grande clarté de votre exposé. Notre a priori favorable sur le projet de loi de programmation militaire n'empêche nullement certaines interrogations, notamment quant à sa soutenabilité budgétaire dans le temps. Mon collègue Michel Boutant, avec lequel je co-rapporte pour avis le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense », étant retenu par la présidence de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, je me permets de vous demander en son nom quelques précisions sur le recrutement annoncé de 1 500 postes destinés au renseignement. À quel niveau d'effectifs de départ est attaché cet objectif ? S'agissant des services directement rattachés à votre ministère, à quel rythme seront effectués ces recrutements ? Comment est-il prévu de résoudre la difficulté de recruter certains profils très spécialisés de contractuels de haut niveau ? Est-il envisagé d'assouplir les modalités de rémunération pour améliorer l'attractivité des postes proposés ? Je vous interrogerais, quant à moi, sur les programmes d'équipements conduits au titre de la fonction « connaissance et anticipation » : quel sera leur montant ? À quel rythme seront-ils réalisés ? Des coopérations avec nos alliés sont-elles prévues dans ce cadre ? Envisagez-vous enfin des acquisitions sur étagère et, le cas échéant, pour quel montant ?

M. Olivier Cadic. - Les cyberattaques apparaissent toujours plus nombreuses et dangereuses; le Pentagone a indiqué à cet égard que les fake news constituaient la principale menace de guerre hybride. À cet effet, le projet de loi de programmation militaire prévoit d'y consacrer 1 500 postes supplémentaires entre 2019 et 2025 pour atteindre un effectif de 4 000 emplois à la fin de la période. Vous nous avez toutefois cité le nombre de mille lors de votre présentation. Par ailleurs, à la lecture du document budgétaire, il est difficile d'identifier cette fonction, répartie entre différents services (État-major des armées, direction générale de l'armement, direction générale de la sécurité extérieure, etc.). Comment ces recrutements s'articuleront-ils entre ces entités ? Quel en sera le rythme ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. - Je remercie la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de m'avoir associé à cette audition. Le projet de loi de programmation militaire que vous nous avez présenté possède deux atouts principaux à mes yeux : l'absence de financement par des recettes exceptionnelles et la qualité de son volet sur la condition militaire ; j'y vois un écho à mon récent rapport relatif à l'immobilier. Je m'interroge cependant sur les dispositions du rapport annexé relatives au porte-avion, qui indiquent qu'au cours de la période 2019-2025, des études seront initiées pour définir les modalités de réalisation d'un nouveau bâtiment. Quand sera prise la décision de lancer ce chantier, afin d'éviter que la France ne se retrouve privée de porte-avion au retrait du Charles-De-Gaulle ? À cet effet, des crédits seront-ils alloués à ce projet dès la loi de programmation militaire à venir ?

Mme Florence Parly, ministre. - S'agissant des restes à payer, si la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 était appliquée à la lettre, il serait inutile de discuter plus avant du présent projet de loi de programmation militaire, tant ils entreraient en contradiction. Pour éviter ce biais, le rapport annexé, qui a la même portée normative que le texte lui-même, précise que la disposition de la loi précitée du 22 janvier 2018 relative aux restes à payer ne contraindra pas les investissements du ministère des armées.

Il m'est plus difficile de répondre à Mme Conway-Mouret s'agissant des arbitrages budgétaires entre ministères. Si je ne suis plus en charge des finances publiques, je suis solidaire d'un Gouvernement, qui poursuit le double objectif de consacrer, à échéance 2025, 2 % du produit intérieur brut (PIB) de la France à la défense et d'améliorer structurellement la situation des finances publiques, au regard notamment des règles européennes en matière de déficit. Dans ce contexte de maîtrise budgétaire, le projet de loi de programmation militaire représente un effort exigeant, qui témoigne de la volonté gouvernementale de donner aux armées les moyens d'exercer leurs missions. Quant au fait que cet effort soit plus concentré à partir de 2023, voyons plutôt le verre à moitié plein qu'à moitié vide ! De fait, les moyens croissent dès 2018, avec des rythmes d'augmentation annuels très significatifs. M. Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, me faisait remarquer lors d'une récente audition que, sans l'augmentation de crédits réalisée sur la dernière année d'application de la loi de programmation militaire 2014-2019, les objectifs annoncés dans le présent projet de loi de programmation militaire auraient été difficiles à atteindre. Tout est donc affaire d'appréciation... Je sais d'ailleurs que vous serez vigilants quant à l'effectivité de ces dotations, soumises au principe de l'annualité budgétaire. Nous avons, en outre, prévu de dresser en 2021 un premier bilan d'exécution, qui nous permettra également de définir plus précisément les réalisations de la seconde période de mise en oeuvre de la loi de programmation. Qui sait en effet quel sera le PIB de la France en 2025 ? Il conviendra donc d'ajuster à mi-parcours, de façon à atteindre à échéance notre objectif de 2% du PIB.

Vous m'avez interrogée, monsieur Bockel, sur les contrats opérationnels et l'absence, dans le projet de loi de programmation militaire, de changement de vision s'agissant du nombre de théâtres d'OPEX ou de coalitions dans lesquelles la France jouerait un rôle de nation cadre. Notre objectif, comme le soulignait la revue stratégique de défense et de sécurité nationale menée en 2017, est d'insister sur la fonction préventive de notre activité de défense, en agissant en amont des crises pour éviter leur survenance ou, à tout le moins, en maîtriser les effets. En conséquence, nous avons choisi de ne pas augmenter le nombre de théâtres d'opérations, tout en prévoyant, compte tenu du fait que, déjà, les contrats opérationnels de chacune des armées ne sont pas respectés, de faire évoluer ces contrats au cours de la période d'application de la prochaine loi de programmation militaire.

Ces dernières années, les opérations d'exportation ont constitué de beaux succès, avec un impact très positif pour nos industries. Elles ont néanmoins pour corolaire une implication lourde de nos armées : certes, elles reçoivent un dédommagement financier des industriels, mais les personnels en charge de cette mission ne sont, de fait, pas présents sur d'autres tâches. Le projet de loi de programmation militaire prévoit, en conséquence, d'augmenter leurs effectifs à hauteur de 400 postes.

Monsieur Todeschini, vous souhaitiez des précisions sur le service national universel. Je ne puis guère vous en donner car le sujet ne concerne nullement le présent texte. Je vous renvoie aux voeux du Président de la République aux armées et à l'engagement selon lequel le service national universel n'a pas vocation à émarger sur les moyens de la défense. Nous en connaîtrons prochainement plus précisément les modalités, mais, quoi qu'il en soit, je protégerai les moyens alloués à prochaine loi de programmation. Nous participerons bien sûr au projet, dont la dimension interministérielle est évidente, mais aucunement seuls.

M. Allizard m'a interrogée sur les objectifs en matière de recrutement : nous atteindrons 274 936 emplois au sein du ministère à échéance 2025, soit 6 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires par rapport à 2018. Le rythme de recrutement est défini à l'article 5 du projet de loi de programmation : 500 emplois seront créés en 2018, 450 en 2019, puis 300 en 2020 comme en 2021, 450 en 2022 et 1 500 par an entre 2023 et 2025. Pour ce qui concerne plus spécifiquement les 1 500 créations de postes destinées au renseignement, que nous souhaitons privilégier en priorité compte tenu de la longueur des formations, des discussions auront prochainement lieu avec le ministère de l'action et des comptes publics pour envisager les moyens de rendre plus attractives les rémunérations proposées. Monsieur Cadic, les 1 500 créations de postes pour le cyber-renseignement se partagent entre près de 1 100 postes de cyber-combattants et 400 dans le renseignement numérique. Quant au rythme de recrutement et à la ventilation des nouveaux effectifs entre les différentes entités, le sujet est sensible et n'a pas, à ce jour, été tranché. Nous en reparlerons dans le cadre des prochains projets de loi de finances.

Le porte-avions Charles-De-Gaulle sera retiré du service actif à l'horizon 2040 ; il convient donc de réfléchir dès aujourd'hui à son remplacement. Au cours de la période couverte par la prochaine loi de programmation militaire, des études seront menées afin de préciser les caractéristiques d'un futur porte-avions et du calendrier associé. A ce stade, la possibilité de disposer d'un second porte-avions avant le retrait du service du Charles de Gaulle, est ouverte.

S'agissant enfin, pour répondre à M. Allizard, si nous avons par le passé réalisé des acquisitions sur étagère - je pense notamment au remplacement du Famas -, aucun programme de ce type n'est aujourd'hui prévu, ce qui ne signifie pas qu'il faille se priver de cette opportunité.

M. Gérard Poadja. - Le projet de loi de programmation militaire a pour ambition de renouveler les capacités opérationnelles et les équipements des armées et je me réjouis de la modernisation annoncée de notre défense. Je m'inquiète toutefois - je m'en suis ouvert à Geneviève Darrieussecq en décembre dernier - des moyens très insuffisants alloués à la surveillance de la zone économique exclusive (ZEE) de Nouvelle-Calédonie, qui représente 15 % de la surface de la ZEE française et se trouve la cible fréquente des pirates asiatiques qui pillent ses ressources naturelles. Outre la base aéronavale de Tontouta, nous ne disposons que de deux patrouilleurs P400 coûteux à entretenir et à bout de souffle. C'est très insuffisant ! Apporterez-vous une vigilance particulière au renouvellement des matériels affectés à la surveillance de cette zone ?

M. François Patriat. - Votre projet met en cohérence les missions confiées aux armées, dans le cadre de conflits toujours plus violents, avec les moyens qui leur sont dévolus. Il offre également à la France, avec l'objectif de 2 % du PIB destinés à sa défense, la possibilité de construire une autonomie stratégique à l'échelle européenne. S'agissant de la défense européenne, il me semble que l'une de ses principales lacunes réside dans la multiplication des armes utilisées : nous avons dix-sept types de chars lourds de combat, contre un seul aux États-Unis ! Cette dispersion est aussi coûteuse qu'inefficace.

M. Yannick Vaugrenard. - Comme mon collègue François Patriat, je m'interroge sur l'avenir de l'Europe de la défense, que votre texte promeut. Vous semblez présupposer que l'implication des États membres se renforcera à l'avenir sur les questions de défense. Quels éléments vous font envisager une telle évolution ? Comment, par ailleurs, inciter les pays européens à s'engager plus avant pour la sécurité du continent africain ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'ai bien compris que l'expression « en même temps » était au coeur de la doctrine politique du Président de la République... Alors, est-il possible de rechercher l'autonomie stratégique de la France et, en même temps, de renforcer l'Europe de la défense ? Cette dernière n'est-elle pas d'ailleurs compromise par le Brexit et le flou entretenu par la nouvelle coalition gouvernementale allemande sur les questions militaires ?

M. Philippe Paul. - Je m'interroge, comme Dominique de Legge, sur le calendrier de remplacement du porte-avion Charles-De-Gaulle. Selon les spécialistes, il faudrait trois ans pour réaliser les études préalables et six à huit ans pour construire un bâtiment. Dès lors, pourquoi ne mentionner qu'un remplacement en 2040 et non pas avant ? Vous envisagez, en outre, un possible retour à une permanence de porte-avion en alerte. Cela signifie-t-il que la construction de deux nouveaux bâtiments pourrait être programmée ? Un porte-avion coûte 500 millions d'euros par année de fabrication, auxquels il convient d'ajouter environ 3 milliards d'euros pour l'achat de Rafales et d'Hawkeye...

M. Hugues Saury. - Vous nous avez pleinement rassurés s'agissant de l'application, par votre ministère, de l'article 14 de la loi de programmation des finances publique pour les années 2018 à 2022 relatif aux restes à payer. Alors que le monde s'arme massivement, l'effort de la France sera-t-il suffisant pour tenir son rang ? Est-il à la hauteur de celui réalisé par les autres nations ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je regrette de ne pas vous avoir entendue sur les réservistes, bien que l'homme ait été placé au coeur de ce texte. Par ailleurs, s'agissant de la défense européenne, j'aimerais vous faire partager une anecdote vécue à l'assemblée parlementaire de l'OTAN. À ma question portant sur le renforcement de la défense européenne parallèlement à l'alliance atlantique, Jens Stoltenberg, son secrétaire générale, a fait remarquer qu'après le Brexit, la défense de l'Europe serait assurée à 75 % par des pays qui n'en étaient pas membres. Que pensez-vous de cette réflexion ?

M. Ladislas Poniatowski. - Si la majorité sénatoriale approuvera globalement votre projet de loi de programmation militaire, celui-ci n'est pas exempt de quelques faiblesses. Je pense notamment à l'absence d'ambition concernant les OPEX. Alors que depuis deux ans, les sommes qui y sont consacrées chaque année dépassent le milliard d'euros, vous ne prévoyez que 650 millions d'euros par an pour 2019. Certes, l'enveloppe est supérieure aux 450 millions d'euros annuels actuels et s'établira à 1,1 milliard d'euros en 2020, mais elle demeure insuffisante ! En outre, les augmentations annoncées sont inscrites sur les exercices budgétaires sur lesquels vous risquez de ne plus être aux affaires. Quelles seront les conséquences de cette frilosité sur les OPEX, alors que, comme le remarquait très justement Jean-Marie Bockel, nous ne savons nullement ce à quoi nous allons être confrontés dans les années à venir ? Avez-vous notamment prévu de désengager la France de certains théâtres d'opération ?

M. Jacques Le Nay. - Un projet de loi de programmation militaire à hauteur d'homme, comme vous le revendiquez, doit prendre en considération le moral des troupes, fortement affecté par les dysfonctionnements à répétition du système de paie Louvois depuis son installation en 2011. Les problèmes liés au recouvrement des trop perçus seront-ils soldés à l'occasion du passage au nouveau logiciel Source Solde ?

Mme Florence Parly, ministre. - Monsieur Poadja, la ZEE de Nouvelle-Calédonie est effectivement victime de campagnes de pêche illicite, malgré les nombreuses interceptions aériennes et maritimes réalisées ces deux dernières années. Après la tempête Irma, j'ai souhaité qu'une réponse urgence soit apportée aux carences en matière de patrouilleurs et, dès 2019, un bâtiment dit « patrouilleur léger guyanais » (PLG) sera livré aux Antilles. Le présent projet de loi de programmation militaire prévoit, pour sa part, six nouveaux patrouilleurs pour les territoires d'outre-mer, dont deux destinés à la Nouvelle-Calédonie.

Je partage votre analyse, monsieur Patriat, sur la situation européenne peu rationnelle en matière d'équipements militaires, qui conduit à des problèmes d'interopérabilité et, surtout, montre la faible consolidation de l'industrie européenne de défense, alors qu'un tel phénomène est à l'oeuvre ailleurs. En Russie et en Asie, de nouveaux acteurs émergent, qui rend d'autant plus nécessaire de renforcer notre industrie. Il convient donc de renforcer les coopérations sur les programmes d'équipement comme avec l'Allemagne pour les chars de combat, les systèmes d'artillerie et les avions de patrouille maritime. Nous travaillons également avec l'Italie concernant les pétroliers ravitailleurs et avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie sur le drone moyenne altitude longue endurance (MALE). Il est, en outre, nécessaire de structurer nos industries, sur le modèle de la fusion des groupes français Nexter et allemand Krauss-Maffei-Wegmann (KMW). Je me suis ainsi rendue récemment à Rome au sujet du rapprochement en cours entre l'italien Fincantieri et le français Naval Group. Face à la puissance américaine, nous devrions également assumer d'appliquer un principe de préférence européenne pour les programmes d'équipement. Mais de nombreux États continuent à acheter américain au détriment de nos industries, ainsi de l'achat récent, par la Suède, de missiles Patriot. La diversité des matériels utilisés en Europe doit être réduite en travaillant sur des programmes d'équipement communs, qui pourraient être favorisés, malgré les réticences de certains, avec la mise en oeuvre, en 2019, du fond européen de défense. Je crois, quoi qu'il en soit, que les États européens, confrontés pour beaucoup au terrorisme, ont pris conscience du nécessaire renforcement de la défense européenne. Il est évident pour chacun que les États-Unis, partenaires majeurs, ne peuvent pas pour autant toujours intervenir.

Mme Garriaud-Maylam a évoqué les relations entre l'Europe de la défense et l'OTAN. Il n'existe selon moi ni contradiction ni opposition : une Europe de la défense forte ne pourra que conforter l'efficacité de l'alliance atlantique. Parler d'effet d'éviction à cet égard, comme je l'ai récemment entendu lors de réunions de l'OTAN à Bruxelles et à Munich, constitue une erreur ! La croissance des dépenses militaires de la France en vue d'atteindre 2 % du PIB va d'ailleurs dans le sens des demandes de l'OTAN à ses membres et James Mattis, secrétaire à la défense des États-Unis, est favorable à cet objectif. Le Brexit ne doit pas faire oublier la puissance de l'armée britannique, avec laquelle nous souhaitons continuer à collaborer pour la défense de l'Europe, intention réciproque comme Theresa May l'a récemment indiqué à Emmanuel Macron. Nos attentes en matière d'exportation dans le cadre des programmes communs d'équipement sont effectivement élevées ; nous serons donc attentifs aux positions de la coalition allemande en la matière.

Pour ce qui concerne le prochain porte-avions, il s'agit de se donner les moyens, en menant les études adéquates, de savoir s'il convient ou non de lancer la production d'un nouveau bâtiment sans attendre arrêt du Charles-De-Gaulle, afin d'assurer la continuité de notre présence en mer et de prévoir une période de recouvrement entre les deux bâtiments. À terme, peut-être, un nouveau projet pourrait être lancé.

Les statistiques publiées par l'OTAN pour l'année 2016 montrent que les dépenses militaires des pays de l'alliance atlantique ont, en moyenne, progressé de 4,3 %. Elles atteignaient par exemple 1,2 % du PIB en Allemagne, 1,79 % en France, 1,19 % en Italie et 2,17 % en Grande-Bretagne. L'Allemagne prévoit d'augmenter ses dépenses de 1,2 à 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an d'ici 2021. La France n'a donc pas à rougir de ses perspectives en la matière sur la même période : 1,8 milliard d'euros en 2018, puis 1,7 milliard d'euros en 2019, 2020 et 2021. La Grande-Bretagne, en revanche, confrontée au coût du Brexit et à l'achat coûteux d'appareils F-35 américains, pourrait voir passer ses dépenses de défense sous le seuil de 2 % du PIB.

Monsieur Poniatowski, nous ignorons effectivement ce que l'avenir nous réserve. En conséquence, pour les OPEX, nous devons travailler sous forme de provisions. Le passé nous a néanmoins appris qu'une dotation de 450 millions d'euros par an était insuffisante. Mais 1,1 milliard d'euros correspondra-t-il aux besoins à partir de 2020 ? Nul ne le sait, c'est pourquoi nous avons prévu que des financements interministériels viennent, le cas échéant, compléter cette enveloppe.

Enfin, monsieur Le Nay, nous travaillons actuellement à la mise en place du nouveau logiciel de paie Source Solde, qui remplacera le système Louvois. Il sera effectif dès que le bon fonctionnement en sera assuré, afin d'éviter les erreurs du passé. Dans cette attente, nous réglons les derniers trop perçus, tandis que Louvois s'est sensiblement amélioré : 97 % des soldes versées cet automne étaient sans erreur, 98 % en décembre.

M. Christian Cambon, président. - Merci, madame la ministre, pour les réponses que vous avez apportées à nos interrogations. Les principes sur lesquels repose le projet de loi de programmation militaires correspondent à nos attentes et je ne doute pas que votre texte recevra du Sénat un accueil favorable. Nos rapporteurs vont maintenant l'étudier en détail. J'insiste sur l'importance de la sincérité de vos engagements pour la période allant au-delà de 2022 ; notre commission y apportera son soutien vigilant lors de la discussion du projet de loi.

Général François LECOINTRE
Chef d'état-major des armées
28 mars 2018

M. Christian Cambon, président . - Mes chers collègues, nous étions presque tous aux Invalides ce matin pour l'hommage rendu au colonel Arnaud Beltrame. Les mots du Président de la République ont été suffisamment forts ce matin, il n'est pas besoin d'ajouter de commentaire, mais la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ne peut passer cette journée sans se recueillir quelques instants.

L'ensemble des membres de la commission ainsi que le chef d'état-major des armées se lèvent et observent un moment de recueillement.

Mon général, nous sommes très heureux de vous entendre sur la loi de programmation militaire 2019-2025, dont les rapporteurs ont déjà commencé l'étude approfondie. Ce projet de loi est meilleur que les précédents et notre commission est a priori bien disposée à son endroit. L'hémorragie est effectivement terminée et les décisions prises dans ce texte par le chef de l'État et le Gouvernement vont dans le bon sens.

Vous aviez vous-même parlé d'une armée éreintée par une décennie de sacrifices budgétaires imposés par les gouvernements successifs. Nous ne sommes plus dans ce contexte aujourd'hui, et, par exemple, la priorité accordée à la condition militaire et aux familles des soldats est un point important, qui est apprécié.

Néanmoins, le travail de la commission s'apparente à l'examen d'un verre à moitié vide ou à moitié plein. En effet, nous ne sommes pas entièrement convaincus par les moyens que ce projet de loi prévoit. La commission, notamment son ancien président Jean-Pierre Raffarin, a beaucoup travaillé à la définition du contenu de ce que devait être une « bonne » loi de programmation militaire (LPM).

Selon nous, une bonne LPM comportait une augmentation de 2 milliards d'euros par an, et l'on n'atteint en l'espèce que 1,7 milliard. Nous souhaitions commencer la hausse dès 2018, alors que la LPM prévoit une année blanche neutralisée par les reports et la budgétisation des opérations extérieures (OPEX). Nous voulions que l'effort soit constant, alors que la LPM reporte les principaux efforts au dernier tiers de la période, avec toute l'incertitude que cela comporte, suscitant l'inquiétude de notre commission et de Dominique de Legge, ici présent, rapporteur spécial de la mission « Défense » auprès de la commission des finances. Enfin, nous estimions qu'il fallait rehausser les contrats opérationnels, ce qui n'est pas le cas.

Il y a de bonnes choses, comme la remise à niveau et la sécurisation des programmes d'équipements militaires, dont nous avons grandement besoin, mais le Sénat soulignera aussi les éléments qu'il aurait aimé voir figurer dans le projet de LPM.

Nous allons donc être très attentifs à votre analyse.

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées. - Je remercie votre commission de m'accueillir de nouveau. Le vote solennel du projet de loi de programmation militaire a eu lieu hier à l'Assemblée nationale. Je veux rendre hommage à la ministre des armées pour son investissement personnel fort, et remercier le Sénat pour la rédaction de l'article 6 bis, relatif à l'exclusion de la défense du champ d'application de l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques, dont l'initiative lui revient.

Nous entrons dans une nouvelle phase du travail parlementaire, qui vous sollicitera beaucoup jusqu'à l'examen du texte en séance publique, à la fin du mois de mai. Je vous remercie aussi d'avoir su convaincre les acteurs politiques et institutionnels de la nécessité d'aller vite. Nous battons en effet des records dans la rapidité d'élaboration de ce projet de LPM. Cela a demandé un investissement important des équipes du ministère - armées, directions et services, état-major des armées, Direction générale de l'armement (DGA), Secrétariat général pour l'administration (SGA). Toute une communauté rassemblée autour des armées, comprenant les parlementaires des deux assemblées, a permis de conduire très rapidement ces travaux, et de faire comprendre l'urgence de redonner aux armées les moyens de remplir durablement leurs missions.

Nous avons évoqué la situation internationale lors de la présentation de la revue stratégique. L'irruption brutale du terrorisme sur le territoire national et la dégradation sensible du contexte sécuritaire et géopolitique mondial imposaient une réponse claire, responsable, pour dépasser la période d'irénisme qui prévalait depuis de nombreuses années. Une partie de cette réponse claire et responsable réside dans ce projet de LPM. L'effort consenti par la Nation, monsieur le président, est important, dans le contexte de maîtrise de la dépense publique. Notre volonté est claire : tenir les armées à l'écart du risque de déclassement, alors que, dans le monde, la puissance s'affirme avec virulence par un recours de plus en plus décomplexé à la force et par une contestation dangereuse du multilatéralisme.

Dans ce système international marqué par l'instabilité et l'incertitude, la France doit conserver sa capacité d'agir et de décider seule pour défendre ses intérêts, c'est-à-dire son autonomie stratégique. Celle-ci confère à notre pays la capacité d'entraîner et de fédérer ses partenaires. C'est pour cela que nous avons fait le choix de préserver notre modèle d'armée complet et équilibré, instrument essentiel de la souveraineté d'une France demeurant maîtresse de son destin.

Ce projet équilibré permet de dégripper trois principaux leviers, indispensables à la bonne marche des armées et à la conservation de leur supériorité opérationnelle, aujourd'hui et demain. Il s'agit du levier budgétaire, du levier de l'activité et du levier des ressources humaines.

Le levier budgétaire est le plus important, il permettra de déverrouiller tous les autres. Le Président de la République a engagé un effort inédit à hauteur de 198 milliards d'euros courants au profit des armées sur les cinq premières années de la LPM, soit jusqu'en 2023. Cela se traduit par une augmentation de 22 % des crédits de la mission « Défense » par rapport aux lois qui ont régi la programmation militaire de 2014 à 2018, et cette hausse concerne l'ensemble des agrégats.

Ainsi, les crédits affectés au renseignement et à la cyberdéfense augmenteront de 53 %. L'effort en matière de dissuasion croîtra de 35 %, pour permettre le renouvellement et la modernisation des moyens des deux composantes, océanique et aéroportée, de la dissuasion. L'accélération du processus de modernisation représente un flux annuel moyen de 5 milliards d'euros, contre 3,7 milliards sur la période de la LPM en vigueur. C'est important, car la dissuasion constitue le coeur de notre appareil de défense.

Le budget des études amont augmentera de 35 %, de même que celui des programmes à effet majeur (+34 %). L'entretien programmé du matériel bénéficiera d'un effort supplémentaire de 30 % et l'effort en matière d'infrastructure progressera de 29 %.

Ce projet ne fait aucune impasse ; au contraire, il rétablit des équilibres. L'effort en matière d'infrastructure est à cet égard emblématique, car le parc immobilier souffre de plusieurs années de sous-investissements. Ce projet est donc marqué du sceau de la responsabilité et de la volonté de limiter les risques. Ainsi, il ne comporte pas de réductions de cible. Il ne prévoit aucun étalement de programme majeur. Enfin, la provision consacrée aux OPEX croîtra, pour atteindre 1,1 milliard d'euros en 2020.

Lors des années précédentes, malgré le principe de solidarité interministérielle affirmé dans la LPM en vigueur, ce sont les armées qui ont supporté l'essentiel du financement des surcoûts des OPEX, ce qui a désorganisé la programmation. C'est pourquoi l'élévation de la provision doit permettre de ne pas remettre en cause les investissements prévus dans la LPM, en faisant, si nécessaire, jouer le mécanisme de solidarité, à un niveau acceptable pour les autres ministères.

Enfin, troisième élément qui illustre le sérieux et l'esprit de responsabilité du projet de loi, la trajectoire financière n'intègre aucune ressource exceptionnelle, par nature incertaine. En outre, l'actualisation de la programmation prévue en 2021 permettra de vérifier la pertinence des choix et d'ajuster ceux-ci.

J'en arrive au levier de l'activité. Je le dis sans provocation, les armées n'ont pas besoin d'être engagées pour être utiles ; cela est solidement éprouvé par les faits. Une force prête à l'engagement est plus dissuasive qu'une force engagée au-delà de ses capacités. Il est donc indispensable que les armées, pour demeurer performantes, restent actives et prêtes. Ce message est souvent peu entendu des concitoyens et parfois mal compris des parlementaires, voire des armées, qui peuvent penser que leur surengagement permet de conserver des ressources en démontrant leur utilité.

La préparation et l'entraînement ont souffert du surengagement des dernières années - 30 % au-delà des contrats fixés dans la LPM en cours - et de la dotation sous-calibrée du budget d'activité. Par conséquent, le projet de LPM consacre un effort en hausse de 17 % au soutien de la préparation et de l'activité opérationnelles. Notre objectif est d'atteindre, en 2025, 100 % des normes d'activité de l'OTAN, en qualité et en quantité.

En outre, l'effort consenti en matière d'entretien programmé du matériel aura un effet immédiat sur la régénération des équipements, très sollicités au cours des dernières années. Ainsi, d'ici à 2023, l'effort en la matière représentera 11 % de la ressource de défense, soit une augmentation de 30 % par rapport à la période 2014-2018. Tous les milieux d'engagement sont concernés, cela représente en moyenne 1 milliard d'euros supplémentaires par rapport à la LPM en vigueur.

À cet effet, nous compterons sur différents plans concernant le maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO-T), la réforme de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), ou encore l'optimisation de la supply chain.

La maintenance bénéficiera d'importantes perspectives de progrès, avec les nouvelles technologies - robotisation, numérisation, maintenance prédictive - et avec des contrats qui impliqueront plus fermement les industriels, en leur fixant des objectifs exigeants en termes de performance.

Enfin, l'accroissement des investissements dans les infrastructures dévolues à l'entraînement, à la simulation ou à l'accueil des nouveaux programmes permettra l'amélioration du niveau de qualité de la préparation de nos forces.

Enfin, le dernier levier, les ressources humaines, est important, car il influe sur la compétence technique des armées, mais aussi sur leur état d'esprit, leur force morale. La ministre des armées a voulu améliorer le quotidien du soldat, avec, entre autres, le « plan famille ».

Le projet de LPM répond aux besoins les plus pressants, notamment dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense et de la sécurité des emprises. Évidemment, l'augmentation de 6 000 postes sur la durée ne permettra pas de gommer intégralement certaines fragilités, en raison de la nécessaire maîtrise des ressources affectées au titre II et au fonctionnement. Nous devrons nous assurer que les mesures d'accompagnement destinées à fidéliser les compétences rares et à garantir la gestion des flux seront adaptées.

La libre disposition d'une jeunesse disponible, compétente et volontaire pour être formée et servir son pays est un défi relevé au quotidien. Ce défi pourrait être compliqué par les effets de la réforme des retraites, qui concentrera donc notre attention, de même que la nouvelle politique de rémunération des militaires, mise en oeuvre à compter de 2021. Sur ce sujet, nous comptons sur votre attention car cela conditionnera la préservation de la spécificité militaire, à laquelle je suis attaché, car c'est une condition essentielle de l'efficacité des armées au service de la Nation. En la matière, le rôle premier du chef militaire consiste à prendre en compte les préoccupations du personnel des armées, suivre son moral et écouter les aspirations légitimes des soldats.

En conclusion, je veux vous assurer de la détermination des armées à tirer tout le profit de cette LPM, que j'estime sincère et équilibrée. Ce projet de loi est un projet de régénération et de modernisation. C'est maintenant que tout commence. Au-delà de ce projet de loi, l'exécution année après année de ce programme fera l'objet de votre attention constante. Nous en aurons besoin pour que les promesses se transforment en faits.

Je ne m'interdirai pas, pour ma part, de questionner la philosophie de transformation de nos organisations qui prévaut depuis quelques années. La rationalisation conduite au travers des deux LPM précédentes sous une contrainte budgétaire forte a conduit à une atomisation des processus décisionnels, sur laquelle il faut, me semble-t-il, revenir. Il faut revoir les principes d'organisation des armées pour que l'armée de temps de paix ne soit pas trop différente, dans son organisation et ses modes de fonctionnement, d'une armée de temps de guerre, car la distinction entre ces deux situations est de moins en moins nette.

M. Christian Cambon, président. - Merci de cet éclairage, mon général. Je note des éléments de satisfaction, dont nous nous réjouissons. Vous pouvez compter sur nous pour vérifier la bonne application des programmations prévues. Rien ne serait pire que des promesses non tenues.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis du programme 178. - Nous vous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, mon général. Je m'exprimerai en mon nom propre, en tant que rapporteur du programme 178 et au nom de ma collègue Christine Prunaud, dont je partage le point de vue.

Ce projet de LPM témoigne d'un réel effort. La préparation et l'activité opérationnelles devraient bénéficier d'une augmentation de 17 % entre 2019 et 2023 ; quel montant cela représente-t-il et quels sont précisément les objectifs de remontée des indicateurs de préparation opérationnelle en 2021 et en 2023 ?

Pour le maintien en condition opérationnelle, le MCO, je me pose la même question : pourquoi ni l'étude d'impact ni le rapport annexé ne prévoient-ils d'objectif précis de remontée des taux de disponibilité technique des principaux équipements militaires ? En effet, les pourcentages d'augmentation annoncés devraient avoir une traduction concrète.

Par ailleurs, les services de soutien ont souffert de réformes trop rapides et d'une suppression trop importante d'effectifs, vous l'avez dit. Le service du Commissariat des armées a retenu notre attention, de même que le service de santé des armées, que nous avons visité. La situation de ce service a forcé notre admiration, car son personnel fait un travail remarquable, mais nous a alarmés. N'est-il pas indispensable de mettre fin à la diminution des effectifs de ces deux services ? Est-ce prévu dans le projet de LPM ?

Enfin, pourquoi le Gouvernement a-t-il émis un avis défavorable à l'augmentation, de 5 à 10 par an, du nombre de jours passés par les réservistes sous les drapeaux ? Ne faut-il pas au contraire renforcer la contribution des réservistes à l'effort de défense ? Cette force est présente sur le territoire, et on fera sans doute appel à elle.

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis du programme 144. - Les crédits du renseignement évoluent de manière positive, mais, eu égard aux difficultés rencontrées par les services et à l'actualité récente, cela sera-t-il suffisant ?

Par ailleurs, les crédits affectés aux études amont s'accroissent ; quelles seront vos priorités sur la répartition de ces crédits ?

Mme Gisèle Jourda. - Ma question porte sur les articles 32, 35 et 36 du projet de loi, qui contiennent des dispositions qui bouleversent le droit des pensions militaires d'invalidité. Les associations du monde combattant avaient participé à la dernière réforme, celle de janvier 2017, mais elles ont été tenues à l'écart de celle-ci.

Il s'agit du transfert du contentieux des pensions militaires d'invalidité de la juridiction des pensions vers la juridiction administrative ; en outre, un recours administratif préalable obligatoire serait mis en place. Pourquoi remettre en cause la spécificité de ce contentieux, qui n'est pas ordinaire et qui implique l'intervention d'un assesseur médecin et d'un assesseur pensionné ?

En outre, pour ce qui concerne le recours administratif préalable, certains justiciables seront dans l'impossibilité de saisir le juge à temps, en raison des OPEX, d'une mutation, d'une hospitalisation, d'une convalescence, etc. Enfin, ce recours serait coûteux, à cause des déplacements qu'il engendrerait.

M. Richard Yung. - Il y a des projets de coopération européenne d'armement, notamment avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais aussi en matière de rapprochement des conceptions stratégiques et de formation des dirigeants militaires. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels apports en attendez-vous ? Quelles en sont les perspectives à l'horizon de quatre ou cinq ans ?

M. Ladislas Poniatowski. - Vous avez prononcé exactement la même phrase que Mme la ministre des armées : « ce projet de loi donne aux armées les moyens de remplir leurs missions ». Pourtant, le compte n'y est pas tout à fait, je pense en particulier aux OPEX. Nous revenons d'une mission au Niger et au Mali, où nous avons admiré le travail formidable des troupes de l'opération Barkhane dans ces deux pays, dont la situation est catastrophique ; l'addition sera lourde...

Sans doute, la provision a augmenté - dans la loi de finances initiale pour 2018, on est déjà passé de 450 à 650 millions d'euros -, et ce montant atteindra 1,1 milliard d'euros en 2020. Mais, pour l'instant, cela ne représente pas la totalité des besoins, puisque les OPEX ont coûté 1,2 milliard d'euros en 2017. Donc ces crédits de 650 millions d'euros sont insuffisants. Par conséquent, c'est le gel des crédits des autres ministères qui financera les besoins, mais vos investissements aussi risquent d'être gelés. Pourquoi ne peut-on avoir un budget de vérité sur les OPEX ?

M. Philippe Paul. - On parle des drones armés et du futur drone MALE, pour 2019. On parle aussi du porte-avions en 2038, date de la fin du coeur nucléaire du porte-avions Charles-de-Gaulle. S'il y a une réelle montée en puissance des drones armés, ceux-ci ne seront-ils pas suffisants sur les théâtres d'opération extérieure, et la nécessité d'un nouveau porte-avions sera-t-elle alors revue ?

M. Jean-Marc Todeschini. - Les efforts de ce projet de LPM sont considérables ; on peut s'interroger sur la hausse des crédits de 3 milliards d'euros en 2023, mais on y reviendra plus tard.

Dans deux ans, les coûts des OPEX ne seront plus pris en charge dans un cadre interministériel. Quel est votre sentiment à cet égard ? Cela ne va-t-il pas changer les choses pour des engagements décidés par le Président de la République ?

En outre, les crédits de la dissuasion passent de 3,8 milliards à 5 milliards d'euros. Quelles précisions sur la modernisation pouvez-vous nous apporter ? Comment se répartira cette augmentation ?

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées. - Monsieur Bockel, les objectifs de remontée d'activité et les indicateurs qui doivent y être associés figurent dans le rapport annexé au projet de LPM. On y trouve les objectifs en termes de nombre de journées de préparation opérationnelle, de nombre d'heures d'entraînement par équipage de chars Leclerc, de jours de mer par bâtiment, de nombre d'heures de vol par pilote, etc. Il s'agit de consolider les choses jusqu'en 2021, puis, après 2021, d'avoir une remontée en puissance pour atteindre les normes de l'OTAN.

Sur la réforme du service du commissariat des armées et du service de santé des armées, tout l'état-major des armées avait conscience, lorsque j'ai pris mes fonctions, des difficultés de ces deux services. Le service de santé des armées a subi une réforme importante, tant du point de vue de l'organisation et des contraintes pesant sur les effectifs que de sa finalité. L'objectif est bien de recentrer ce service sur son coeur de métier : la médecine des forces. Les déflations d'effectifs ont affecté l'organisation et le moral de ce service. Nous avons décidé de faire bénéficier le service de santé des armées d'un moratoire, pour qu'il mène la réforme sans contrainte sur les effectifs.

Pour ce qui concerne le Service du commissariat des armées, notre objectif est que la réforme n'impose pas de contrainte supplémentaire sur les effectifs, en réfléchissant au recours à l'externalisation dans certains domaines, sans perte de qualité du service rendu. Nous avons donc aussi décidé de marquer une pause.

Même si nous allongeons le temps octroyé à ces deux services pour conduire leur réforme, nous ne les en exonérons pas complètement, puisque cette réorganisation nous permettra de réaffecter des effectifs à d'autres domaines, dans lesquels nous avons besoin de ressources humaines.

Enfin, la question du congé de réserve est très délicate. Il faut éviter de bloquer les employeurs de réservistes. Beaucoup de réservistes préfèrent en effet être des réservistes « clandestins » à l'égard de leurs employeurs, de peur de ne pas être embauchés ou d'être licenciés. La préoccupation du Gouvernement est d'éviter de voir les réservistes revenir à la clandestinité. Tout ce qui accroît la contrainte sur l'employeur d'un réserviste est donc considéré avec attention, et nous tenterons évidemment d'augmenter l'emploi des réservistes dans le cadre du projet de la garde nationale.

Monsieur Allizard, pour ce qui concerne les crédits du renseignement, les augmentations ne sont jamais suffisantes, mais il faut faire des choix. Sincèrement, avec les moyens techniques et humains prévus par ce projet de LPM, nous améliorerons directement nos capacités défensives et de renseignement, notamment grâce aux moyens satellitaires et de cyberdéfense. La vraie question est celle-ci : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la Direction du renseignement militaire (DRM) auront-elles la capacité de réaliser cette montée en puissance, qui nécessite des ressources humaines qualifiées, au rythme prévu ? C'est tout le défi, bien davantage que les crédits. Oui, selon moi, les crédits alloués sont suffisants si l'on arrive à « transformer l'essai ».

Pour ce qui concerne les études amont, les priorités seront les technologies de rupture. Mais notre souci principal est d'éviter la déconnexion entre les études amont et les besoins militaires, afin que l'on puisse relier toute recherche à l'obtention d'une vraie supériorité opérationnelle et à la définition de nouvelles capacités opérationnelles utiles sur le champ de bataille. Tel est notre défi.

Madame Jourda, ayant moi-même étudié, comme jeune officier, les recours d'anciens combattants au sein des commissions, j'ai pu constater l'aspect laborieux de cette juridiction. Ayant, en outre, déposé des dossiers d'invalidité à titre personnel, j'ai pu constater l'efficacité relative et la très grande lenteur de ce système. Aussi, passer par la juridiction administrative est, selon moi, un gage de progrès, et je ne crois pas que les droits et la parole des anciens combattants n'y soient pas entendus. À l'occasion du recours préalable, des représentants des anciens combattants seront présents ; je ne vois donc pas pourquoi cette commission ne pourrait pas faire un travail correct.

En ce qui concerne les délais, peut-être faut-il en allonger la durée - cela ne relève pas de ma compétence -, mais la simplification que constitue le fait de passer par la juridiction administrative me semble préférable à ce qui existait jusqu'à présent.

Mme Gisèle Jourda. - Nous sommes assez circonspects à l'égard des simplifications administratives.

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées . - Je vous garantis pourtant, pour l'avoir vécu, qu'il y a une grande marge de progrès... Cela incitera en outre le ministère à être exemplaire dans le traitement des recours préalables.

Monsieur Yung, votre question sur la coopération européenne est très large. Ce que soutient la France, en dehors de la coopération structurée permanente, c'est l'initiative européenne d'intervention, qui vise à partager une vision stratégique commune avec plusieurs partenaires, notamment ceux qui partagent notre appréciation de situation en Méditerranée et en Afrique, et qui seraient prêts à s'engager avec nous.

Nous commençons à travailler dans ce sens. Nous allons partager des informations et des renseignements, puis nous ferons des exercices communs de planification. Ensuite, nous progresserons par l'identification des freins bloquant une intervention rapide dans ces zones, selon divers scénarios. Nous avons un rendez-vous à Paris dans deux mois à ce sujet.

Vous connaissez les programmes d'armement. Je citerai bien sûr le projet de drone MALE européen, le projet de système de combat aérien futur, avec l'Allemagne, le projet FCAS-DP de drone avec le Royaume-Uni, le projet de système d'artillerie future, un projet de chars lourds, avec l'Allemagne, des projets de lutte antimines et de missiles antinavires avec les Britanniques... Tous ces projets sont importants.

Ce sont des projets structurants pour les armées, et vous pouvez être convaincus de la détermination de la DGA et des armées à faire fructifier ces coopérations. En revanche, ce sont des projets de long terme, et nous devrons bien sûr être attentifs à l'impact que pourrait avoir, sur ces coopérations, les nouveaux équilibres politiques qui se dessinent chez nos partenaires.

Monsieur Poniatowski, vous avez raison, la provision OPEX n'est jamais suffisante. J'ai indiqué aux députés qu'un rapport du Contrôle général des armées à venir met en évidence que seulement 19 % du surcoût des OPEX a en fait été mutualisé ; les armées ont donc payé, au gré des annulations successives, plus de 80 % du surcoût des OPEX. Par le passé, la solidarité intergouvernementale n'a donc joué que très modérément, ce qui a aggravé l'effet d'éreintement des armées lié à la purge budgétaire subie.

Le resoclage de ces surcoûts est évidemment plus favorable aux armées. Nous allons monter à 650 millions d'euros en 2018, 850 millions en 2019 et 1,1 milliard en 2020. Mais nous serons peut-être alors à 1,4 milliard de surcoût... C'est pourquoi il faut un mécanisme de mutualisation des surcoûts excédant le soclage. De leur côté, les armées et le ministère doivent être vertueux et exigeants, en mesurant au plus juste l'effort militaire à produire pour atteindre les objectifs politiques. La modulation de nos engagements est essentielle : j'indique régulièrement au Président à quel surcoût est associée chaque option envisagée. Chaque décision fait donc l'objet d'une évaluation préalable du coût induit.

Les armées sont exemplaires dans l'application du principe de modularité, qui consiste à construire un outil sur mesure pour chaque intervention et chaque effet militaire souhaité, en taillant une force à l'homme et à la capacité près. C'est une spécificité française, qui induit une recherche d'efficience permanente. Si malgré cela les surcoûts OPEX excèdent la provision, il appartiendra au Parlement de faire en sorte que les armées ne paient que leur part de la solidarité intergouvernementale.

M. Ladislas Poniatowski. - Nous pouvons témoigner de cette exemplarité pour ce qui concerne l'opération Barkhane.

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées. - Il y a trente ans, nous avions des divisions, des brigades, des régiments constitués face à l'ennemi rouge, notre référentiel, chaque unité étant précisément calibrée et connaissant sa zone d'engagement. Nous sommes passés de ce mode figé et prévisible, avec un engagement militaire programmé pour être immédiat, à un système où chaque crise est différente ; où le pouvoir politique engage des opérations militaires non plus seulement en fonction du danger perçu, mais également en fonction du signal qu'il souhaite donner. Nous composons ainsi des outils différents et adaptés, avec des effets positifs en matière de recherche d'efficience, mais aussi un impact inévitable sur la stabilité des régiments. Un régiment d'infanterie, un escadron de chasse n'est plus jamais engagé entièrement dans une opération. C'est un jeu de lego permanent qui fragilise la cohésion des armées et doit être compensé par une préparation humaine très spécifique, et induit une exigence forte sur la préparation opérationnelle, qui doit être normée.

Je veillerai à limiter nos engagements au strict nécessaire, mais la paix et la souveraineté de la France ont un coût. Nous comptons sur les parlementaires pour assurer une juste compensation de nos efforts.

Monsieur Paul, étant moi-même fils de marin, je suis particulièrement attentif à leur bien-être... Les possibilités d'un drone armé sont sans commune mesure avec celles d'un groupe aérien embarqué. Un porte-avions n'est pas un porte-aéronefs : il est équipé de catapultes pour faire décoller des chasseurs lourdement armés, avec un rayon d'action très long. Envoyer un groupe aéronaval au large d'un pays donné, c'est déployer l'équivalent d'une base aérienne complète. Le drone armé est pensé, quant à lui, comme une capacité de surveillance permanente d'une zone éventuellement assortie d'une capacité cinétique, mais à faible niveau. Ces deux instruments sont compatibles et nécessaires à l'équilibre de nos capacités militaires.

Plusieurs études sont prévues dans le cadre de la LPM afin de lever des inconnues. A titre d'exemple, nous étudierons le système de catapulte à retenir - à vapeur, comme aujourd'hui, ou électromagnétique.

Le renouvellement de la dissuasion nucléaire comprend le déploiement de la nouvelle génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins ; le financement des futurs missiles portant les charges nucléaires ; le renouvellement de la composante aérienne. Ce programme est financé dans le cadre de la LPM, ainsi que le renouvellement de la flotte d'avions ravitailleurs, nécessaire à notre armée de l'air et à la réalisation du contrat opérationnel des armées, mais aussi calibré par les exigences de la mise en oeuvre de la composante aérienne de la dissuasion nucléaire.

M. Christian Cambon, président. - La discussion de la LPM a duré une trentaine d'heures à l'Assemblée nationale, avec l'examen de 330 amendements en séance publique. Comme vous l'avez rappelé, la mission « Défense » a été exclue du champ d'application de l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques, ce qui la prémunit contre la limitation des investissements de longue durée dans ce domaine, comme l'avait déjà noté le Sénat à l'automne.

Parmi les amendements adoptés avec le soutien de la ministre et du rapporteur figure le renforcement du contrôle parlementaire, notamment à travers un abaissement du seuil à partir duquel un projet d'équipement, d'armement ou d'infrastructures doit faire l'objet d'une transmission au Parlement pour contrôle.

Un amendement, dans nous avons parlé, adopté contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur, accroît la durée du service des réservistes.

La possibilité pour les militaires de participer aux scrutins locaux a fait l'objet de larges débats très animés. Par un amendement de mon homologue Jean-Jacques Bridey, le nombre maximal d'habitants des communes où un militaire peut se faire élire conseiller municipal a été porté de 3 500 à 9 000. Les députés ont ainsi souhaité revaloriser le rôle des militaires en tant que citoyens à part entière. Quelle est votre appréciation sur ces différentes mesures ?

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées. - Les armées souhaitaient, comme le cabinet de la ministre, que le seuil financier déclenchant l'information du Parlement ne soit pas trop abaissé car cela aurait représenté une charge de travail considérable.

M. Christian Cambon, président. - Inversement, il est nécessaire que nous soyons informés au mieux pour contrôler la mise en oeuvre des promesses gouvernementales...

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées . - Je suis favorable à l'assouplissement des conditions de participation des militaires à la vie publique, dont ils restent trop absents. Ils ont une expertise à faire valoir, mais aussi une vision de la société de nature à inspirer nos concitoyens. C'est pourquoi il convient qu'ils fassent entendre leur voix, notamment à travers la participation à la vie élective. Nous savons qu'il est presque indispensable, pour être élu parlementaire, d'avoir une expérience politique. Ainsi, un officier ou sous-officier qui prend sa retraite n'a aucune chance de réussir son entrée dans la vie politique : il n'a pas noué les contacts nécessaires ni identifié ses électeurs. Il n'y a pas de parlementaires militaires.

M. François Patriat. - Le maire de Nuits-Saint-Georges est général.

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées . - Des officiers à la retraite ont en effet été élus maires de petites villes et, à la faveur du récent renouvellement législatif, des jeunes militaires ont pu être élus à l'Assemblée nationale. Mais je ne crois pas qu'un assouplissement des règles induise un risque de politisation de l'engagement militaire. Cela facilite, en revanche, un atterrissage en politique après la carrière militaire.

M. Christian Cambon, président. - La députée Laëtitia Saint-Paul par exemple est en effet militaire de carrière. Elle a activement participé aux débats sur la LPM.

Mon général, je vous remercie et tiens à vous faire part, à nouveau, de notre immense tristesse face aux événements qui ont fait l'objet de l'hommage rendu ce matin. En tant que chef des armées, vous êtes directement concerné. L'émotion était grande.

Général François Lecointre, chef d'état-major des armées . - La mère du colonel Beltrame m'a dit tout à l'heure qu'il était mort en soldat. C'est tout à fait vrai. L'héroïsme ordinaire des soldats - un chef de corps de régiment a perdu deux de ses hommes et été très grièvement blessé au Mali récemment - doit être mieux reconnu. La mort du colonel Beltrame, sur le territoire national, met en lumière, pour tous nos concitoyens, la très grande spécificité de l'engagement militaire.

M. Christian Cambon, président . - Son épouse, à la caserne Tournon où nous l'avons rencontrée en allant nous recueillir avec le Président Larcher sur la dépouille du Colonel Beltrame, a fait preuve d'une grande dignité. Puisse ce sacrifice aider à la prise de conscience de l'engagement exemplaire de nos militaires !

M. Joël BARRE
Délégué général à la direction générale de l'armement
4 avril 2018

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le délégué général, nous nous réjouissons de vous recevoir à l'occasion de l'examen de la LPM. Vous avez pris vos fonctions en août dernier, après un parcours brillant notamment dans le domaine aérospatial et celui du nucléaire, et vous avez été d'emblée saisi de la préparation de la LPM : la DGA va être naturellement très mobilisée pour son succès.

D'abord, par l'importance portée à l'acquisition de nouveaux matériels. Nous vous entendrons avec intérêt sur le rythme d'acquisition, puisque l'étalement dans le temps risque de susciter des espoirs déçus. Puis, par l'importance portée à l'innovation : la LPM prévoit de porter à 1 milliard d'euros par an les crédits des études amont. Vous nous direz quel sera le rôle de la DGA dans ce cadre. Enfin, par l'importance de la coopération avec nos partenaires, qui est peut-être le pari le plus audacieux de cette LPM. Vous avez reçu la semaine dernière votre homologue britannique. Nous serions très intéressés de recueillir votre sentiment sur l'état de notre coopération avec les Britanniques, sous le double effet du Brexit et d'éventuelles coupes budgétaires parfois évoquées outre-Manche, car le Royaume-Uni est le seul pays européen à disposer comme nous d'une armée complète. Quelles sont, selon vous, les perspectives de coopération avec l'Allemagne ? Beaucoup d'entre nous s'interrogent sur le risque de difficultés politiques au moment de l'exportation des matériels.

La ministre vous a chargé à votre nomination de l'important chantier de la réforme et de la modernisation de la DGA : il sera intéressant que vous nous fassiez le point sur ce sujet.

Nous comprenons bien qu'il a fallu faire des choix dans cette LPM, mais ne pensez-vous pas qu'il y a une lacune en ce qui concerne les hélicoptères ? Le CEMAT nous en a parlé, tout comme le rapporteur de la commission des finances. Comment avance le dossier de l'ASN4G, successeur de l'ASMPA ? Où en sommes-nous sur les plans techniques et financiers et en termes de calendrier ? À partir de 2020, il est prévu de rénover l'ensemble de notre arsenal nucléaire.

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement. - Merci de votre accueil. Dans cette LPM 2019-2025, je peux vous donner les caractéristiques majeures du programme 144, qui finance les études amont, et du programme 146, qui porte sur l'équipement des forces, et dont nous partageons la responsabilité avec l'état-major des armées.

Le programme 144 enregistrera une hausse significative des crédits consacrés à l'innovation, puisque ceux-ci, qui s'élèvent en moyenne à 730 millions d'euros par an, devront atteindre un milliard d'euros en 2022, et seront maintenus à ce niveau ensuite. Pour quoi faire ? D'abord, pour investir dans la maturation des technologies nécessaires aux systèmes d'armes du futur - par exemple, l'ASN4G, que vous avez cité. Puis, pour nous ouvrir à l'innovation civile, afin de capter les nouvelles technologies qui y surgissent en matière de numérique, de robotique, d'intelligence artificielle ou de traitement des données. Pour introduire ces innovations dans nos matériels, nous devons réaliser des démonstrateurs technologiques.

La ministre a annoncé la création d'une agence d'innovation de la Défense, sur laquelle nous travaillons. Il s'agit de fédérer les initiatives de la DGA et celles des armées et du SGA, et de redynamiser les outils d'expérimentation existants, comme le DGA Lab, créé en 2016 pour rapprocher les innovations militaires et civiles de leurs utilisateurs au sein des forces armées, qui sera élargi à tout le ministère.

Le programme 146, lui, verra une hausse significative de la ressource par rapport aux LPM précédentes, pour un total de 59 milliards d'euros sur la période couverte, dont 37 milliards d'euros entre 2019 et 2023. C'est une augmentation de 30 % par rapport aux annuités de la LPM actuelle. Grâce à cet effort budgétaire significatif, nous pourrons livrer les matériels commandés, dont certains avaient dû faire l'objet, lors de la précédente LPM, de renégociations faute de crédits de paiement, mais aussi accélérer la livraison d'autres matériels et lancer des programmes nouveaux.

L'accélération de la modernisation des forces doit s'appuyer sur le retour d'expérience des OPEX en cours, notamment au sein de l'armée de terre, pour laquelle nous accélérerons la livraison des véhicules du segment médian du programme Scorpion, des fusils d'assaut et des missiles antichars.

Pour la marine, l'effort portera notamment sur la sauvegarde maritime, avec une accélération des livraisons de patrouilleurs, et le renforcement de nos capacités en matière de bâtiments logistiques ravitailleurs. Notre flotte de frégates sera complétée par la livraison des trois dernières frégates multi-missions et des deux premières frégates de taille intermédiaire. Le remplacement des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) de la classe Rubis se fera progressivement avec l'arrivée des premiers Barracuda - le premier, le Suffren, doit être livré en 2020.

Pour l'armée de l'air, la livraison des avions ravitailleurs MRTT sera accélérée de telle sorte que douze des quinze avions dorénavant prévus seront livrés avant 2025. Le standard F-4 du Rafale sera lancé en développement dès 2018, afin de disposer d'un avion plus polyvalent, avec une interopérabilité renforcée, notamment grâce aux communications par satellite.

Pour accroître les capacités de renseignement, le nombre d'avions légers de surveillance et de renseignement sera augmenté, avec six exemplaires supplémentaires commandés. Le renseignement spatial verra la mise en service des satellites d'écoute électronique Ceres, des trois satellites d'imagerie spatiale Musis et la commande de leurs successeurs.

En matière de guerre électronique, le premier système de capacité universelle de guerre électronique (CUGE) sera livré en 2025. La montée en puissance des capacités de drones se concrétisera par la mise en service de deux systèmes de drones MALE Reaper et des premiers drones tactiques de l'armée de terre, complétées par le premier système de drones MALE européen.

Concernant les systèmes d'information et de communication, deux satellites de télécommunications de nouvelle génération Syracuse 4 seront livrés sur la période, et un troisième sera commandé. La modernisation des équipements de positionnement et de navigation par satellite sera lancée, avec le développement d'une capacité autonome de géolocalisation capable d'utiliser les signaux GPS et Galileo, baptisée Omega.

Concernant la dissuasion, enfin, le renouvellement des missiles de nos deux composantes passe par le développement de l'ASN4G et l'adaptation incrémentale des capacités du M51. La réalisation des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération sera engagée au début des années 2020, à l'issue des études préliminaires.

Une cinquantaine de nouveaux programmes seront lancés sur la période 2019-2025. Certains concernent les hélicoptères : nous lancerons le standard 3 du Tigre et le programme d'hélicoptères interarmées léger sera lancé en réalisation en 2022. Nous aurons aussi un système de guerre des mines à base de drones, dont l'étude a été engagée avec les Britanniques ; nous développerons un nouveau missile antichar, ainsi que de nouveaux missiles antinavires. Nous participons au programme MALE européen de drones, et avons un programme de drones maritimes embarqués sur frégates. Dans le domaine spatial, nous préparons les satellites successeurs de Musis et Ceres, et renforçons les actions de surveillance de l'espace.

De plus, la LPM verra le lancement des stades amont de programmes structurants pour les années 2030 : les études se poursuivront sur le char du futur ainsi que sur le système de combat aérien du futur, qui devra faire l'objet de décisions majeures à l'occasion de l'actualisation de la LPM prévue en 2021 ; les études des composants majeurs du successeur du porte-avions Charles de Gaulle seront lancées avant 2025.

La coopération européenne sera recherchée plus systématiquement que dans le passé. C'est un objectif politique, pour aller vers une Europe de la Défense ; c'est un atout opérationnel, qui garantit l'interopérabilité ; c'est aussi une nécessité économique, puisque cela permet un partage des coûts de développement et fait baisser le coût unitaire par accroissement des effets de série, tout en mutualisant les coûts d'exploitation et de soutien. C'est enfin un moyen d'encourager la consolidation industrielle à l'échelle européenne.

Avec le Royaume-Uni, nous discutons des technologies de combat aérien du futur. Avec l'Allemagne, notre feuille de route est de mettre en oeuvre les accords qui résultent du sommet franco-allemand de juillet 2017. Dans le domaine naval, la coopération est active avec l'Italie, avec le projet Poséidon de rapprochement entre Naval Group et Fincantieri, qui doit se concrétiser en 2018 pour donner naissance à un leader européen. Désormais, le fonds européen de Défense nous donne des opportunités de financement supplémentaires, pour la recherche comme pour le développement industriel.

Tout cela nous met à même de consolider notre base industrielle de défense, qui représente 200 000 emplois, 4 000 entreprises, dont une dizaine de grands groupes et environ 500 PME identifiées et suivies par la DGA comme stratégiques. L'exportation représente environ 30 % du chiffre d'affaires de l'industrie de défense. Il nous appartient de la soutenir, ce qui nous demande de plus en plus d'activité car les clients demandent un accompagnement renforcé de la part de la DGA. La LPM 2019-2025 prévoit une remontée de nos effectifs, après dix années de baisse liées à la mise en oeuvre de la RGPP et de la LPM 2014-2019. Cela nous permettra d'investir dans des domaines nouveaux comme la cyberdéfense, ou l'intelligence artificielle et de renforcer notre capacité d'innovation ou le soutien à l'export.

Un chantier de transformation de la DGA est en préparation, en partenariat avec l'état-major des armées. Les premières orientations sont les suivantes : il nous faut préparer les programmes dans une approche capacitaire plus globale, notamment aux stades amont, pour renforcer leur cohérence d'ensemble et sortir de ce qu'on pourrait qualifier aujourd'hui de« logique de silos » ; mieux prendre en compte l'innovation planifiée et l'innovation d'opportunité ; être plus efficaces dans notre processus d'acquisition, et notamment généraliser l'approche incrémentale.

En conclusion, nous sommes satisfaits de cette LPM. Les programmes en cours ont été confirmés, voire accélérés. Nous allons développer la coopération européenne. La préparation de l'avenir fait l'objet d'un effort financier accru. Tout cela permettra la consolidation et le renforcement de l'autonomie stratégique de la France.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur pour avis du programme 146 « Equipement des forces ». - Au fil des auditions et des visites auprès des entreprises de défense, tous nous interpellent sur le rôle de la DGA et sur le rapport que chaque entité entretient avec elle. Nous formons donc le voeu que la réforme souhaitée par la ministre soit rapidement mise en oeuvre. La défense a terriblement besoin de la DGA, mais d'une DGA renouvelée. L'héritage est certes lourd, et la tâche, importante. Nous savons combien vous avez à coeur de réussir, et nous aurons à coeur de vous y aider. Accroître l'efficacité, oui ; mais il faut aussi changer le logiciel, car l'innovation vient désormais davantage du monde civil. Il y a de nombreux points de blocage : vous avez déjà commencé à modifier l'organigramme, et cela bouscule des habitudes. Il va falloir accélérer et simplifier le processus d'acquisition, vu la vitesse galopante de l'innovation, qui devient de surcroît rapidement obsolète. Bref, il va vous falloir démonter la citadelle !

Je note que rien n'est prévu dans le budget des armées pour l'exploitation du renseignement de masse, que nous collectons par des capteurs de plus en plus nombreux. Les investissements sur les différents programmes, notamment Soria, seront arbitrés chaque année. Contrairement aux préconisations du rapport Villani, les financements ne vont pas aux armées. Compte tenu de la menace, c'est étonnant ! La DRM essaie de rectifier le tir. L'anticipation stratégique doit absolument être renforcée. Dans un univers dominé par des entreprises étrangères et caractérisé par des mutations technologiques rapides, c'est un enjeu de souveraineté. Le DRM a rappelé récemment qu'il doit faire face à un tsunami de données. Comment la DGA peut-elle nous garantir que nos capacités en la matière seront portées à niveau ? Outre le programme Artémis, qui en est à sa phase 1, la LPM prévoit-elle des financements pour le programme Soria ? Cela mettrait les actes en adéquation avec les déclarations.

Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteure pour avis du programme 146 « Equipement des forces ». - Les industriels souhaitent une révision profonde du processus d'acquisition des équipements. Cette révision est-elle envisagée ? Le volet européen de cette LPM est important. Or nos partenaires traditionnels sont dépendants des États-Unis. Les Espagnols ont pris un retard important et les Allemands sont en concurrence avec les industriels français, avec un soutien de leur État, qui a dégagé des crédits notamment pour leur marine : 1,5 milliard d'euros. Quelle est, au juste, notre ambition européenne ? Avec qui allons-nous réellement travailler ?

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - On annonce la création de 400 emplois pour le soutien à l'exportation. Ces emplois bénéficieront-ils tous à la DGA ? Quelle proportion reviendra aux armées ? Une nouvelle contractualisation est prévue pour le soutien à l'exportation. Quel sera le rôle de la DGA ? Comment le Parlement sera-t-il informé ?

M. Christian Cambon, président. - Certains industriels contestent la nécessité de créer ces emplois. Ils affirment que ce sont eux qui soutiennent l'exportation, pas les armées ni la DGA... Vous nous donnerez votre point de vue sur la question ?

M. Gilbert Roger, co-rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - Vous avez parlé des drones, mais pas de leur armement, alors que la ministre a fait un accueil favorable à cette proposition de notre rapport. Pour l'instant, nous sommes contraints d'armer les drones avec du matériel américain. Le drone européen reste une chimère... Toutes les armées comportent en leur sein des compétences. Pourquoi ne pas créer des incubateurs qui permettraient de faire émerger des projets de manière décentralisée, avec une plus grande réactivité ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. - La dimension européenne est une nécessité, mais ne risque-t-elle pas de retarder les projets ?

M. Yannick Vaugrenard. - La coopération européenne est un des axes majeurs de la LPM, et vous avez souligné sa nécessité. Elle implique une plus grande intégration industrielle. Comment, dès lors, protègera-t-on nos technologies sensibles ? Peut-on imaginer une coopération, voire un financement européen, pour le remplacement du Charles de Gaulle ?

M. Michel Boutant, co-rapporteur pour avis du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Le général commandant la DRM a attiré notre attention sur le système d'information des armées. Dans certaines Opex, nous sommes dépendants des États-Unis. D'où Soria, qui accuse un retard de deux ans, ce qui risque de poser de réels problèmes, y compris pour Ceres et Musis. La masse de données désormais disponibles dépasse nos capacités d'exploitation et d'analyse.

Les industries de défense ne pourraient-elles pas jouer un rôle dans la réindustrialisation de notre pays, notamment par l'application civile des technologies qu'elles ont développées ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Quelle est la feuille de route sur la captation des données ? Comment sécuriser les relations avec le monde civil en ce domaine ?

M . Alain Cazabonne. - Les forces spéciales ont des difficultés à s'équiper rapidement en raison de la lourdeur des procédures. J'avais saisi la ministre de ce problème, et elle m'a indiqué avoir pris la décision d'exonérer, en cas d'urgence, de certaines contraintes administratives. Est-ce arrivé jusqu'à la DGA ?

M. Philippe Paul. - Vous avez prévu de recruter 50 spécialistes de l'intelligence artificielle, notamment en prévision de notre coopération avec l'Allemagne. Il semble que les rémunérations proposées soient peu attractives. Un budget annuel de 100 millions d'euros est prévu pour cette coopération. Les Allemands ont prévu davantage, et sont déjà prêts. Les avions Tornado allemands actuels sont hors d'âge, et les Allemands se rapprochent des États-Unis pour acheter des F-35.

M. Christian Cambon, président. - L'Assemblée nationale a voté un article additionnel qui vous prescrit de communiquer au Parlement une masse considérable de documents avec des seuils très bas : ainsi par exemple pour toute opération d'infrastructure dépassant les 15 millions d'euros. Je me demande si la variation actualisée du référentiel (VAR), qui déconstruit à mi-année les crédits votés par le Parlement, ne serait pas plus utile à notre contrôle. Qu'en pensez-vous ?

M. Joël Barre. -Sur la réforme de la DGA, je peux vous assurer que la direction de la DGA et l'ensemble de ses personnels sont très motivés pour entreprendre le parcours de transformation évoqué, et qui est nécessaire. Je souhaite tout de même souligner la qualité de la DGA que j'ai retrouvée en août 2017. En matière de maîtrise d'ouvrage des programmes d'armements comme de maîtrise d'oeuvre d'ensemble sur un certain nombre de programmes comme la dissuasion, le programme Scorpion, ou le Rafale, elle n'a pas à rougir de ses performances. Son coût d'intervention, rapporté aux 12 milliards d'euros qu'elle gère chaque année, est d'environ 8 % : soit environ 1 milliard d'euros, dont 750 millions d'euros de masse salariale et 250 millions d'euros de crédits d'investissements et de fonctionnement. De plus, ce milliard d'euros, en plus des prestations de type régalien, des travaux d'expertise et d'essai qui sont conduits par la DGA mais qui sont de toute façon nécessaires à la mise au point des équipements. Sans ces dernières, il reste 300 ou 400 millions d'euros, soit 3 % à 4 %. Dans le spatial dont je viens, les coûts d'intervention de certaines agences françaises et européennes atteignent 15 % ou 20 %. À l'OTAN, des agences facturent des prestations régaliennes à hauteur de 5 %, qui montent à 15 % s'il y a des prestations techniques d'essai et d'expertise. Pour autant, nous ne sommes certes pas parfaits, nous devons nous améliorer, et nous l'avons engagé. Nous sommes entièrement motivés pour le faire.

M. Christian Cambon, président. - Pensez aux lunettes de haute montagne !

M. Joël Barre. - Je connais cet exemple, mais cela ne relève aucunement de la DGA ! Quelle serait notre valeur ajoutée ? Par ailleurs, certes, les contraintes légales et réglementaires contraignent à une mise en compétition européenne. C'est un fait.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur pour avis. - C'est de la sur-transposition.

M. Joël Barre. - Nous avons effectivement identifié certaines sur-transpositions que nous proposons de corriger. Mais nous ne pouvons pas déroger aux règles de compétition européennes.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur pour avis. - Tout dépend de la manière dont on rédige les marchés. Les Allemands n'achètent pas de Peugeot, et nous achetons du Ford...

M. Joël Barre. - L'actuelle ordonnance des marchés publics et ses décrets d'application seront refondus dans le futur code de la commande publique début 2019. Quant aux industriels, ils se plaignent de la lourdeur des processus, mais les principales difficultés que nous avons rencontrées dernièrement sont de leur responsabilité. On ne peut pas accuser le processus d'acquisition d'être à l'origine des difficultés rencontrées sur les programmes tels que l'A-400M ou le Barracuda. Attention à ce discours qui consiste à faire porter à la puissance publique leurs responsabilités. Mon avis serait d'ailleurs plutôt qu'il faut durcir les règles contractuelles, au risque de déplaire à nos industriels. De la souplesse, oui, mais ceux-ci doivent assumer leurs responsabilités. Pour l'exportation, avant la question du soutien à l'exportation, la première question à se poser est de savoir comment la puissance publique, qui a financé la recherche et le développement, s'y retrouve. C'est le client lui-même qui demande l'accompagnement de la DGA. Par exemple, les Belges sont prêts à acheter des véhicules médians de type Scorpion, à condition que le contrat soit passé par la DGA ; cette tendance s'amplifie.

Sur le renseignement de masse, nous avons engagé le PEA Artémis, qui améliorera nos capacités sur le long terme. Je découvre que la DRM se plaint du retard de Soria. Le prochain incrément de ce système, qui prendra en compte le traitement massif des données, a effectivement subi un décalage lors des travaux LPM. Ce décalage résulte d'un arbitrage mené avec l'accord de l'état-major des armées. Dans l'immédiat, nous disposons d'une vingtaine d'ingénieurs experts en intelligence artificielle, et comptons doubler ou tripler cet effectif dans les prochaines années. Il est vrai que nos rémunérations attirent peu en région parisienne - heureusement, ces difficultés sont moindres en province, et notamment à Bruz. Le ministère des armées consacrera 100 millions d'euros par an à l'intelligence artificielle.

Oui, il faut concilier la coopération avec nos partenaires et nos intérêts stratégiques et technologiques. Avec les Britanniques, nous avons essentiellement les programmes de missiles, construits autour d'une société commune qui est MBDA, qui avancent bien, et qui sont un exemple à généraliser. Avec les Allemands, nous coopérons, mais comme vous l'avez évoqué ils sont effectivement nos concurrents dans le domaine naval, c'est pourquoi nous coopérons avec les Italiens en la matière. Avec les Belges, j'ai évoqué une perspective significative dans le domaine terrestre. Les grands équilibres doivent être maintenus, il faut en discuter avec chacun de nos partenaires. Nous y sommes vigilants, et nous nous attelons aussi à saisir l'opportunité offerte par les crédits européens.

Concernant le dispositif de soutien à l'exportation, il y a des réflexions en cours à la fois pour renforcer notre dispositif, au sein du ministère des armées, et pour assurer de manière pérenne son financement. Il nous faut harmoniser les mécanismes au sein du ministère afin que ce soit plus systématiquement le client et/ou l'industriel exportateur qui en supporte la charge financière, ces ressources venant abonder le budget du ministère et de la DGA en particulier.

Quant aux équipements sur étagère, les forces spéciales se plaignent, mais il me semble que peu de leurs sujets d'insatisfaction concernent la DGA. Il y a donc des malentendus, je propose qu'on passe en revue les cas de manière pragmatique, afin d'identifier les améliorations possibles.

Oui, l'Allemagne devra remplacer ses Tornados. Nos interlocuteurs ne semblent pas prêts à acheter des F-35. Nous leur avons clairement dit que, s'ils le faisaient, ce serait un très mauvais signal. Nous avons donc engagé des discussions et la nouvelle administration allemande donne plutôt des signes positifs sur le sujet, ce qui ne veut pas dire que la suite de la coopération va être facile, s'agissant d'un domaine aussi complexe.

Enfin, concernant l'amendement voté par l'assemblée nationale : nous sommes à la disposition de la représentation nationale. Nous avons noté la demande des députés, il ne m'appartient pas de me prononcer sur la loi qui sera finalement votée.

M. Christian Cambon, président. - Merci. Ces questions de coopérations sont problématiques : tous nos partenaires européens achètent des armes américaines ! Il est vrai qu'à l'OTAN, on nous donne quasiment ordre d'acheter du matériel américain. Les Hollandais s'en font même les promoteurs auprès des Belges... Pourtant, l'Administration américaine pousse les Européens à se débrouiller seuls !

M. Ladislas Poniatowski. - Pourquoi ne proposons-nous pas des achats groupés ? C'est comme ça que les Américains ont pénétré le marché européen avec le F-35.

M. Joël Barre. - Pour cela, il faudrait s'entendre avec nos partenaires. Les Américains peuvent quasiment imposer un choix à certains pays qui n'ont pas l'autonomie nécessaire pour leur résister...

M. Christian Cambon, président. - Les Hollandais ont acheté sur catalogue des avions qui n'avaient jamais volé, ils ne peuvent plus en payer que 18 sur les 30 prévus... Nous veillerons à continuer nos échanges avec nos homologues européens. Merci.

M. Jean-Paul BODIN
Secrétaire général pour l'administration
11 avril 2018

M. Christian Cambon, président. - Cette audition - la dernière sur la LPM - sera l'occasion d'évoquer avec vous des questions cruciales pour les militaires : les infrastructures, l'immobilier, le plan « familles », les effectifs.... bref tout le volet « à hauteur d'hommes » de la LPM.

Concernant les effectifs, nous relevons avec inquiétude que la quasi-totalité des créations de postes est reportée à la fin de la programmation : sur les 3000 créations au total, 450 créations de postes sont prévues en 2019, contre.... 1500 en 2023 ! Ce calendrier nous interpelle. Une fois que le renseignement et la cybersécurité seront servis, que restera-t-il pour les armées, pour le service de santé, pour le commissariat, dont nous connaissons, ici, la situation.... ? J'ai accompagné lundi dernier le Président Larcher dans sa visite de l'hôpital Bégin. Avec beaucoup de dignité, on nous a expliqué les difficultés rencontrées, le fonctionnement en effectifs tendus, notamment en OPEX. J'avais fait ce même constat lors de ma visite à Gao.

Où sont les principales tensions sur les effectifs, à votre sens, aujourd'hui ?

Par ailleurs, en quoi cette LPM prend-elle en compte l'objectif « d'amélioration du quotidien du soldat », qui renvoie à la fois à l'environnement de travail - équipements, soutiens, infrastructures - et à la condition du personnel - action sociale, famille, logement ? Il s'agit, on le sait, d'un paramètre déterminant à la fois pour le moral des troupes et pour l'attractivité des armées. Les chefs d'état-major successifs nous ont parlé des problèmes de fidélisation.

Enfin, par-delà la question des moyens, le projet de loi comprend un certain nombre de dispositions juridiques, dont certaines visent à introduire de la souplesse là où c'est nécessaire, dans un souci d'efficacité : procédures dérogatoires de recrutement dans la fonction publique, procédures d'acquisition et de contractualisation, gestion du parc immobilier du ministère des armées... Dans tous ces domaines, est-on allé aussi loin qu'on l'aurait souhaité ou y a-t-il encore des marges de progression ?

Je m'étonne personnellement de l'absence d'un volet immobilier volontariste, alors que l'on sait les besoins en logement pour nos soldats qu'a fait naître Sentinelle, à l'heure où les armées étaient contraintes de vendre leur patrimoine. Preuve en est « l'obligation » qu'a eue l'Armée de céder une partie de son immobilier à la ville de Paris dans des conditions financières qui posent question.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - Cette LPM 2019-2025 de « renouveau » a bénéficié de deux facteurs favorables : d'une part une bonne articulation avec la revue stratégique, celle-ci ayant permis de définir le contexte stratégique et les priorités afférentes ; et, d'autre part, un cadre défini par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) du 22 janvier 2018, tant sur la trajectoire budgétaire que sur celle des effectifs.

Cette LPM est centrée sur deux ambitions principales : consolider nos armées, en leur redonnant les moyens de remplir durablement leurs missions par la régénération des équipements, la modernisation des capacités et l'amélioration des conditions de vie et d'exercice du métier. Il s'agit également de préparer la défense de la France pour demain qui passe notamment par un effort d'innovation.

Cette LPM est dite « à hauteur d'homme », car elle fait un effort conséquent sur la condition militaire et l'accompagnement social des personnels civils et militaires et de leurs familles.

Dans un premier temps, je présenterai les grandes lignes de la partie normative du projet de loi qui intéressent directement le SGA, puis je détaillerai les ressources (financières et effectifs), et enfin les infrastructures.

Le présent projet de loi, fixe dans son titre premier, les moyens financiers et humains nécessaires à l'exercice des missions des armées. Le titre I a été enrichi d'un deuxième chapitre qui met l'accent sur le renforcement du contrôle du parlement. Le projet comporte, dans son titre II, un ensemble de « dispositions normatives intéressant la défense nationale ». Ces mesures concernent tout d'abord des leviers de gestion des ressources humaines civiles et militaires, comme la possibilité de servir dans la réserve en congé pour convenances personnelles dans le but d'élever un enfant. Cette mesure est notamment destinée au personnel de santé, par exemple à une femme médecin souhaitant consacrer plus de temps à ses enfants. Elle pourra être appelée dans la réserve et continuer à bénéficier de son avancement. En outre, il est prévu une extension aux personnels à statut ouvrier des règles applicables aux fonctionnaires en matière de cumul d'activité et une reconduction de l'indemnité volontaire de départ à leur profit.

Par ailleurs, des mesures en faveur du monde combattant et des victimes de guerre sont prévues : extension du congé de reconversion à tous les militaires blessés en service, modification de la tutelle des « compagnons de la Libération », actuellement auprès du ministère de la Justice qui passera sous la tutelle du ministère des Armées et notamment du SGA.

Par ailleurs, d'autres mesures sont prévues comme le développement de la réserve opérationnelle, l'extension des droits politiques des militaires et notamment le droit d'être élu local ; ou l'émergence du champ numérique. Des dispositifs de détection des attaques informatiques par les opérateurs de communications électroniques doivent être mis en place, tout comme l'excuse pénale des cyber-combattants. Enfin, nous procédons à une correction de sur-transposition du droit de l'Union européenne en matière de marchés publics de défense ou de sécurité. Nous refaisons un exercice du même type pour les dispositions d'ordre réglementaire. Le texte comporte également des dispositions relatives à la gestion du parc immobilier du ministère des armées.

Concernant les ressources financières, le Président de la République a décidé de fixer l'objectif d'un effort de défense à hauteur de 2% du PIB à l'horizon 2025. Les ressources sont bien calées jusqu'en 2023. Il y aura une actualisation en 2021, permettant une révision des trajectoires pour la fin de période. Cette impulsion débute dès 2018, avec une augmentation de 1,8 milliard d'euros des ressources de la mission « Défense ». Cette progression se poursuivra avec des marches de 1,7 milliard d'euros chaque année jusqu'en 2022 et de 3 milliards d'euros en 2023. Cette prévision des ressources est plus sincère que dans les lois de programmation précédentes. En effet, les ressources sont programmées en crédits budgétaires uniquement et ne comprennent pas de ressources exceptionnelles. Pour autant, le projet de rapport annexé garantit un taux de retour de 100% du produit des cessions immobilières au ministère des armées.

En outre, la provision OPEX a été bien définie. Elle était de 450 millions d'euros dans la loi de finances pour 2017. Elle est portée 650 millions d'euros en 2018, sera d'un montant de 850 millions d'euros en 2019, et de 1,1 milliard par an à partir de 2020. Cette prévision couvre aussi les dépenses salariales prévues au titre des missions intérieures

Le projet de loi inclut un objectif de résorption progressive du report de charges, à hauteur de son niveau structurel incompressible estimé à 10% des crédits hors masse salariale.

L'Assemblée nationale par l'adoption d'un article 6bis a prévu que la mission « Défense » soit exclue du champ d'attribution de l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 - les restes à charge.

M. Christian Cambon, président. - C'est le Sénat qui avait levé le lièvre.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - La trajectoire en effectifs prévoit la création de 1 500 équivalents temps plein sur la période 2019-2022, soit de l'ordre de 450 par an. A partir de 2023, le ministère bénéficiera d'une augmentation de ses effectifs de 1 500 emplois par an. Cette remontée en puissance permettra de renforcer notamment le renseignement, la cyberdéfense et l'action dans le domaine du numérique, à hauteur de 50% des emplois ainsi créés, ainsi que le soutien aux exportations, ce qui profitera principalement à la DGA. Le secrétariat général pour l'administration (SGA) connaîtra entre 2019 et 2025 une augmentation qui ne sera que de cinquante emplois, ce qui nous pousse à nous interroger sur nos modes de fonctionnement et sur d'éventuelles externalisations d'activités. En ce qui concerne les services du secrétariat général de l'administration, nous avons une réflexion sur le maintien de certaines régies du service d'infrastructure de la défense (SID), pour des camps isolés. En revanche, nous ne voyons pas l'intérêt de conserver une régie dans les villes pour l'entretien d'immeubles de bureaux administratifs.

L'augmentation des effectifs devra tenir compte des départs massifs à la retraite. Les recrutements de personnels civils en 2017 ont concerné 2 800 personnes ; en 2019, ils porteront sur 3 900 personnes. L'ensemble des besoins du ministère pour les personnels civils et militaires correspond à 66 recrutements par jour.

Les effectifs du ministère sont prévus hors apprentis et service militaire volontaire (SMV), même si ce dernier est pérennisé par la LPM. En outre ce texte ne prend pas en compte la contribution des armées à la mise en place d'un service national universel.

La loi de programmation a l'ambition de se recentrer sur les personnels - militaires et civils - et leurs familles. Ainsi, la politique d'action sociale du ministère des armées continuera à être développée. Au cours de la LPM 2014-2019, le budget consacré à l'action sociale était de 462 millions d'euros. Pour la période 2019-2025, ce sont 754 millions d'euros qui sont prévus afin de financer des mesures du plan « famille », notamment l'accroissement du nombre de places en crèches, la prise en compte de l'offre de prestations pendant l'absence en mission.

De même, le ministère met à la disposition des familles de ses ressortissants un parc de 48 000 logements, dont 9 000 lui appartiennent en propre. Ces logements sont gérés dans le cadre d'un bail avec la SNI, qui arrive à terme en 2018. Nous aurons à travailler sur l'aménagement de ce dispositif, qui pose quelques difficultés juridiques. Nous examinons deux options : une option de société foncière, mais nous n'y sommes pas favorables car cela conduirait à se séparer à terme de notre parc. La deuxième solution consiste à mettre en concurrence la SNI, et faire appel à différents opérateurs.

Malgré les moyens alloués, la satisfaction des besoins doit être améliorée, notamment dans les zones de fortes tensions locatives (Ile-de-France, Toulon...). Pour 2019-2025, le budget consacré à la politique de logement familial devrait passer de 120 millions d'euros à 150 millions d'euros. L'offre sera augmentée de 660 logements de 2018 à 2020, dont 367 logements nouveaux en Ile de France.

Par ailleurs, le ministère accorde une attention particulière à l'hébergement, proposé en enceinte militaire. En outre, un plan « hébergement Ile de France » permettra de proposer plus de 400 places supplémentaires sur différentes emprises (Satory, Saint germain en Laye, Arcueil, Versailles...). Ces places seront livrées avant 2022.

Le plan « famille » prévoit un effort supplémentaire d'environ 300 millions d'euros sur la période 2018-2022 - 530 millions d'euros sur la durée LPM. Ce plan a été élaboré en partenariat avec le CSFM et les associations. L'ensemble des dispositions prévues sont mises en oeuvre. Par ailleurs, afin de faciliter les démarches, nous allons mettre en place un site internet sur lequel les militaires pourront déposer des demandes d'aides.

Enfin, la loi instaure un effort significatif et durable pour les militaires blessés ou malades en service et les familles.

La procédure d'indemnisation des préjudices sera modernisée et simplifiée. Le congé de reconversion sera ouvert aux blessés. Concernant les pensions militaires d'invalidité (article 35), ce ne sera plus au blessé de prouver le lien au service, mais à l'administration de prouver une absence de lien au service.

Sur la réforme du contentieux des pensions militaires d'invalidité (article 32), il est apparu indispensable de transformer un modèle centenaire à bout de souffle. Le dispositif actuel mélange l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. Nous avons au niveau local des tribunaux qui relèvent de l'ordre judiciaire, avec des magistrats de l'ordre judiciaire. Ce sont souvent des magistrats honoraires. Le délai de traitement des demandes est de deux ans. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour des délais excessifs. Or, en cassation, c'est le conseil d'État qui intervient. En outre, la jurisprudence des tribunaux des pensions n'est pas connue. Nous voulons mettre l'ensemble du dispositif dans l'ordre administratif. Il y a 47 tribunaux administratifs, permettant une proximité. Nous avons également introduit un dispositif de recours administratif préalable obligatoire (RAPO) pour plus de rapidité. Nous connaissons déjà ce dispositif. L'ensemble des recours des militaires, passe devant la commission de recours des militaires qui siège au sein du ministère. Pour ce RAPO, il y aura une commission spécifique, adossée à la commission de recours des militaires. Elle sera présidée par un contrôleur général des armées, vice-présidée par un médecin général. Il y aura un représentant des pensionnés. Nous allons nous organiser pour qu'il y ait un représentant des pensionnés et deux suppléants pour pouvoir y mettre quelqu'un pouvant représenter les victimes des actes de terrorisme. Ainsi, la composition de cette commission pourra être adaptée le cas échéant.

Le pensionné pourra bénéficier de l'aide juridictionnelle de plein droit. Il pourra être assisté devant cette commission d'un avocat, d'un médecin, ou d'un membre de sa famille. Ce n'est pas un recul des droits des pensionnés, mais une amélioration de la procédure, et de la connaissance du droit. La jurisprudence sera accessible à tous. Ce dispositif a été bâti en étroite relation avec les associations. Nous avons en tête la situation de nos militaires blessés aujourd'hui.

Concernant le recrutement du personnel civil, l'article 16 de la LPM met en place deux expérimentations de recrutement dérogatoire dans la fonction publique afin de faciliter et de simplifier le recrutement des agents. La première crée une procédure de recrutement sans concours dans le premier grade des techniciens supérieurs d'études et de fabrications et des secrétaires administratifs dans six régions sous tension. La seconde expérimentation permet de recruter des agents contractuels, pour une durée qui ne peut excéder trois années, renouvelable une fois.

Pour le personnel civil, plusieurs dispositifs de fidélisation seront mis en oeuvre, notamment un plan de requalification d'agents de catégorie C vers la catégorie B, ciblé sur des emplois à compétences techniques, administratives, juridiques et financières. Ils complèteront la démarche déjà engagées de définition de parcours professionnels pour les cadres A avec notamment une meilleure organisation des mobilités.

Enfin, il faut ouvrir le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires. 480 millions d'euros sont inscrits en provision jusqu'en 2022. Nous espérons dès 2019 pouvoir enclencher une première série de mesures.

La LPM confie au gouvernement le soin de définir par ordonnance les dispositifs d'aides au départ spécifiques qui seront maintenus ou amendés. Il s'agit de la promotion fonctionnelle et le pécule modulable d'incitation au départ. Ce dispositif devra tenir compte de la future réforme des retraites. Il nous permet d'avoir une gestion de flux dont nous avons absolument besoin. La gestion de nos personnels militaires est en effet différente de la gestion des fonctionnaires.

La loi de programmation militaire 2019-2025 soutient le renforcement des réserves avec l'augmentation du congé de réserve de 5 à 10 jours pour les réservistes appartenant à des entreprises de plus de 200 salariés.

Enfin d'autres dispositions de ressources humaines ou de solidarité sont également inscrites dans la loi comme l'allongement des limites d'âge des officiers généraux de l'armée de l'air, des infirmiers et techniciens des hôpitaux ou une extension des droits politiques des militaires leur permettant d'exercer un mandat de conseiller municipal dans des communes de moins de 9 000 habitants, un mandat de conseiller communautaire dans les communautés de communes regroupant moins de 15 000 habitants.

Des dispositions facilitant l'égalité professionnelle femme - homme, et la lutte contre les discriminations et les harcèlements sont désormais inscrites dans le rapport annexé. Le ministère avait décidé il y a deux ans de s'engager dans une démarche de labellisation « diversité et égalité ».

Les dépenses d'infrastructures et d'immobilier représentent un effort important de la LPM. Le niveau d'investissement moyen sera de 1,7 milliard d'euros par an sur les années 2019 à 2022 et atteindra deux milliards d'euros en 2025. Nous étions actuellement sur un effort annuel moyen de 1,3 milliard d'euros.

Sur les 13,6 milliards d'euros d'investissements, 7,4 milliards d'euros seront consacrés au financement de l'adaptation des infrastructures dites « capacitaires », c'est-à-dire celles qui conditionnent directement les capacités opérationnelles des forces. 3,5 milliards d'euros sur ces 7,4 milliards d'euros financeront les programmes d'infrastructures majeurs d'accueil. Le reste des financements, soit 3,9 milliards d'euros, permettra de poursuivre la remise à niveau des installations portuaires et aéroportuaires, d'accompagner la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre, ainsi que les autres grands chantiers.

Outre l'hébergement et le logement déjà évoqués, la LPM portera un effort sur les infrastructures de vie courante afin de les mettre aux standards modernes. Un plan relatif aux infrastructures des lycées militaires de la défense d'une centaine de millions d'euros, sera mis en oeuvre en début de LPM, en vue de remettre à niveau les bâtiments et de renforcer les capacités d'accueil des lycées.

La période sera consacrée au renforcement des capacités de maintenance et de maintien en condition. 3,2 milliards d'euros seront ainsi consacrés à la maintenance, soit le double de l'investissement programmé par la précédente LPM.

Faire passer le plan de charges « infrastructures » de 1,3 milliard d'euros à 2 milliards en fin de période sans augmenter les effectifs nécessite une réflexion importante sur nos modes de fonctionnement et de contractualisation. Cela suppose également de renforcer la professionnalisation de ces établissements.

Nous travaillons également sur le lancement d'opérations de type « contrat de partenariat énergie », ou sur d'autres types de financements innovants. Nous espérons lancer au moins trois ou quatre contrats énergie par an. Dans la précédente LPM, 6 ont été réalisés.

Nous avons également une réflexion sur la valorisation du patrimoine. Aujourd'hui, ou bien vous conservez votre bâti, ou bien vous le vendez. Si vous le louez, avec une autorisation d'occupation temporaire (AOT), le bénéfice de l'AOT revient au budget général. Nous avons un certain nombre de terrains ou d'emprises, dont nous n'avons plus besoin et que nous ne pouvons pas valoriser. En effet, pour ces derniers, il n'y a pas vraiment d'acheteurs possibles. Nous avons rencontré un certain nombre de grands groupes qui veulent se lancer dans des opérations concernant les énergies renouvelables. Nous réfléchissons à un dispositif d'appel d'offres ouvert, où nous pourrions apporter des terrains de 30 à 60 hectares. Nous souhaitons que le loyer de ces AOT revienne dans le budget de l'armée. En effet, nous avons un certain nombre de dépenses relatives à ces terrains, comme le gardiennage. Nous discutons actuellement avec Bercy sur ce point.

Enfin, des dispositions législatives sur la rationalisation du patrimoine, et notamment pour faciliter les cessions sont également prévues. Nous butons sur la dépollution pyrotechnique des terrains. Une disposition prévoit que nous puissions déduire du prix de cession le coût de dépollution, à partir d'une expertise réalisée conjointement par l'État et l'acquéreur. Aujourd'hui, nous avons des procédures de cessions ouvertes depuis plus de 10 ans, mais qui n'ont pas encore abouti, faute d'accord sur ces questions.

M. Christian Cambon, président. - Pouvez-vous faire un point sur la cession d'une partie du Val-de-Grâce ?

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - Seront conservés par les Armées, la chapelle, le cloitre - qui abrite le musée et l'école du Val-de-Grâce. Nous n'avons pas vocation à conserver l'hôpital - utilisé comme tel et qui a fermé il y a deux ans.

Ce dossier est suivi par le Premier ministre. Une consultation par la direction de l'immobilier de l'État, des ministères intéressés par cet immeuble est en cours. Un projet concernant le ministère de l'intérieur a finalement été abandonné. Il pourrait y avoir un projet concernant le ministère de la santé, pour différents établissements publics, et conçus avec des partenaires privés. A ce stade, nous n'en sommes qu'à la phase exploratoire. Le ministère des armées a indiqué qu'en cas d'abandon de cette emprise, il espère en récupérer 100 millions d'euros.

M. Christian Cambon, président. - Est-ce que la partie « hôpital » pourrait être conservée pour loger des militaires ? En effet, aujourd'hui, il reste très peu de logements pour le personnel militaire dans Paris. Or, les temps de transport pour l'opération Sentinelle, à partir des quatre forts de région parisienne, sont très importants.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - On peut se demander, compte tenu du prix du mètre carré dans Paris, s'il s'agirait d'une bonne utilisation.

Toutefois, à partir du moment où le ministère a indiqué que l'hôpital était fermé et qu'il n'avait plus besoin de l'emprise, nous sommes partis sur un autre schéma.

M. Christian Cambon, président. - Les conditions de vente de l'îlot Saint-Germain à la Mairie de Paris posent question. Le retour d'une cinquantaine de logements sur les 250 semble peu.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - L'acte de cession n'est pas encore signé. Il fait encore l'objet de débats.

M. Christian Cambon, président. - Le Sénat est depuis le début très attentif à ce dossier.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure du programme 146. - La LPM affiche une volonté de faire de la défense européenne une priorité, en s'appuyant sur des coopérations renforcées avec nos partenaires européens. Cela impliquera un partage de connaissances. Nous auditionnons actuellement les industriels de l'armement. L'Allemagne s'est engagée à soutenir ses industriels. Mme Merkel a ainsi fait voter, il y a quinze jours, une aide de 1,5 milliard d'euros pour soutenir la construction de sous-marins allemands. Cela va renforcer la concurrence qui risque de menacer nos industriels dont l'export constitue la moitié, voire les deux-tiers de leurs activités. De quelle façon sont lancés les appels d'offre ? Le président Cambon a fait référence à une certaine rigidité. C'est également ce que nous entendons de la part des industriels se plaignant notamment de délais trop longs. Nos PME rencontrent également des problèmes pour pouvoir y répondre. Ces appels d'offre vont naturellement vers les moins-disants. Serait-il possible de revoir les cahiers des charges et les appels d'offres, afin de permettre dans un domaine relevant de la souveraineté nationale - tout en respectant le droit de la concurrence - à nos industriels de pouvoir proposer leurs produits à des armées qui en ont besoin. Avez-vous une réflexion sur ce sujet ?

Mme Christine Prunaud, rapporteure du programme 178. - Je me ferai également le relais de mon collègue Jean-Marie Bockel, actuellement retenu.

Nous regrettons que le rapport annexé ne comporte par le détail de l'affectation des effectifs supplémentaires au sein des services de soutien. Plus particulièrement, l'avenir des effectifs du service du commissariat des armées et du service de santé des armées nous inquiète. Nous avions insisté sur ce point l'année dernière lors de l'examen du budget 2018. Je ne comprends pas pourquoi, le commissariat des armées n'est pas plus mis en poste prioritaire. Certes, il y a eu un effort de fait, mais étant donné l'action du service de santé des armées, qui est essentielle pour la sécurité de nos hommes et femmes dans l'armée, j'aurai souhaité un effort budgétaire supplémentaire. En ce qui concerne le recrutement, je rappelle qu'entre 2014 et 2018, le service de santé des armées a vu le solde de ses effectifs décroitre de 1 289 effectifs. La déflation, hors changements de périmètre, représente 8,5% de son format initial. Je suis frappée par une telle baisse d'effectifs. Je ne comprends pas qu'il y ait cette rationalisation de poste. J'espère que l'effort sera plus important qu'il n'est présenté.

Mon collègue Jean-Marie Bockel s'interroge sur le service du commissariat des armées. Ce dernier doit prendre une part essentielle dans l'amélioration des conditions de vie et de travail des personnels ainsi que pour les familles, dans le sens de plus grandes qualité, continuité et efficience du service rendu.

Vous êtes vous-mêmes en charge de nombreux sujets qui sont à la croisée des compétences du SCA. Je pense notamment aux procédures d'acquisition et de gestion des bases de défense. Pour autant, la liaison entre le SCA et les troupes qu'elles soient dans les bases de défense ou déployées, semble essentielle. Quelles évolutions, quelles restructurations sont prévues pour la prochaine LPM dans ce domaine ? Sommes-nous assurés que le SCA continuera d'exercer sa mission au plus près des hommes, là où il est efficace ?

M. Joël Guerriau. - Le projet de loi demande à l'article 15 une habilitation à prendre par ordonnance, des dispositions visant à renouveler, en les adaptant le cas échéant, les dispositions incitant aux départs des militaires et relatives à l'indemnité de départ volontaire des ouvriers de l'état. Un rapport d'inspection sur ce sujet était attendu pour le mois de mars. Qu'en est-il ? Quelles orientations en retirez-vous concernant les futures aides au départ ?

En outre, la transformation du ministère était l'un des points majeurs de la LPM précédente. Où en est-on de cette transformation ? Quels seront les prochains chantiers prioritaires ?

M. Gilbert Roger. - Comme vous nous l'avez indiqué, il est souvent difficile de prévoir les recettes des cessions immobilières. De ce point de vue, nous sommes satisfaits que votre budget soit basé sur des recettes réelles, et non sur des recettes exceptionnelles hypothétiques. Néanmoins, y-a-t-il des cessions possibles en 2018 ? Quels sont les montants de recette estimés ? En outre, Bercy vous reverse-t-il l'intégralité des recettes collectées à cette occasion ?

Le projet de loi prévoit la possibilité pour les militaires d'être des élus locaux. Nous n'y voyons pas d'inconvénient. Toutefois, je m'interroge sur la possibilité pour un militaire d'une armée d'un pays de l'Union européenne de pouvoir se porter candidat à une élection municipale. Il me semble important de vérifier ce point juridique.

M. Olivier Cadic, rapporteur du programme 129. - Dans le cadre de nos travaux sur le programme 129, nous avons étudié tous les aspects de la cybersécurité, au-delà de la seule ANSII. Un grand programme de cybersécurité ne peut être traité comme un programme A400 M. Il y a en effet, une accélération, une adaptation nécessaire aux évolutions technologiques qui ne peuvent être pensées dans un cadre trop rigide. Nous avons observé, lors de la réunion avec les opérateurs de la télécommunication, que les réquisitions éventuelles prévues à l'article 19 de la LPM pourraient avoir des conséquences financières très lourdes, qui n'étaient pas budgétées. Cela inquiète les opérateurs ; ils ne doivent pas avoir à en subir les conséquences.

Les personnes travaillant dans le domaine de la cybersécurité sont très sollicitées par le marché privé. Avez-vous un programme spécifique pour attirer les profils et les retenir ?

M. Rachel Mazuir. - Je souhaite compléter cette question : existe-t-il un programme décliné vers les différentes armes ? Certaines sont plus sensibles que d'autres. En outre, avez-vous des orientations par rapport aux personnels à mettre à disposition ?

Je trouve très inquiétant vos propos sur la nécessité de recruter 66 personnes par jour. Quels moyens sont mis en oeuvre pour parvenir à cet objectif ? Y-a-t-il d'autres actions que des campagnes d'affichage ?

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Je souhaiterais revenir sur les dispositions législatives des articles 32 et 36. Elles vont supprimer 75 juridictions spécialisées, auxquelles participaient un magistrat, un médecin et un pensionné, et devant lesquelles étaient jugés les désaccords. Elles seront remplacées par des juridictions administratives de droit commun, qui ne prendront pas réellement en compte les spécificités du droit à réparation, et ses 100 ans de jurisprudence.

D'après les associations de blessés souhaitant le retrait de ces deux articles, il s'agit d'entorses à la règle de droit constant, et empêcherait l'actualisation du code des pensions militaires, d'invalidité et des victimes de guerre. Nos blessés attendent une reconnaissance de la Nation entière.

M. Robert del Picchia. - Où en est le logiciel Louvois ? Beaucoup de progrès ont été réalisés, mais cette question n'est toujours pas totalement éclaircie.

Mme Gisèle Jourda. - Le dispositif que vous proposez concernant les pensionnés fait intervenir un RAPO, avant de saisir le tribunal administratif. Je trouve que cette procédure est complexe et peut entraîner pour certains justiciables des difficultés pour exercer leurs droits. En effet, les délais sont très courts pour saisir le juge - on parle de deux mois - et ne prennent pas en compte les circonstances particulières de nos militaires, comme les OPEX, les mutations, ou les hospitalisations.

En outre, se pose la question du coût engendré par cette procédure. Tous les justiciables, y compris les résidents ultramarins, dépendront d'une seule commission nationale. Comment ces derniers pourront-ils financer un déplacement pour se rendre devant cette dernière ?

Enfin, je ne comprends pas le choix de ce véhicule législatif sur un sujet aussi sensible et qui touche le droit à réparation d'autant de personnes.

On présente le tribunal administratif, en cas d'échec du RAPO, comme étant la voie royale. Mais, quand on connait l'engorgement des tribunaux administratifs et la baisse des effectifs à laquelle ils sont confrontés, on voit que les tribunaux administratifs n'arrivent pas à traiter leurs propres procédures. Aussi, je ne suis pas sûre que ce que vous proposez permettra de se prémunir d'une prochaine condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. Pascal Allizard. - J'ai eu la possibilité de partager pendant deux jours le quotidien de sous-mariniers en plongée. Une de leurs principales préoccupations est la prise en compte de leurs heures de plongée dans le calcul de leur pension de retraite. Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissements ?

Enfin, au vu des échanges que nous avons eus ce matin sur la domanialité, il me semble intéressant d'approfondir cette thématique.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - Notre travail de relecture du droit communautaire pour revenir sur toute surtransposition répond aux inquiétudes des industriels. Nous avons inscrit dans la LPM toutes les mesures que nous avons trouvées jusqu'à présent. Il y a également un travail important à faire en matière réglementaire. Un décret est en préparation. C'est un sujet qui revient périodiquement dans les instructions de la Ministre lors du comité ministériel d'investissement.

En outre, en matière de marchés de défense et de sécurité, des procédures spécifiques différentes des marchés publics traditionnels ont été aménagées.

Un effort important est fait dans la LPM afin d'aider au financement de l'innovation. Ainsi, les crédits prévus pour les études amont augmentent sensiblement. En outre, dans le cadre de la modernisation du ministère, il est prévu de mieux s'organiser afin de capter les produits de l'innovation civile. Nous sommes ainsi en train de créer une structure de pilotage de l'innovation, qui agira à la fois dans le domaine de l'armement, mais aussi des procédures, des règlementations

En 2008-2009, nous avions organisé la procédure de décision en matière d'armement. Auparavant, cette dernière relevait très majoritairement des armées et de la DGA, avec une très faible intervention de l'autorité politique. C'est la raison pour laquelle une procédure a été mise en place avec une validation par l'autorité politique des différents stades de déroulement du programme. Une réflexion dans le cadre de la modernisation de la conduite des programmes d'équipement est en cours. Il est possible que des étapes pour certains programmes soient trop détaillées. On pourrait réduire le temps de déroulement des programmes. Ce dernier a d'ailleurs un impact sur les coûts. Le délégué général de l'armement pourra vous apporter plus d'informations. Ces propositions se traduiront par des aménagements juridiques.

Dans le rapport annexé, il n'y a pas de ventilation des effectifs par armée ou par type de structure. En effet, la répartition n'est pas encore tout à fait arrêtée. En outre, nous avons préféré indiquer les priorités d'affectation : la cyberdéfense, l'innovation, la protection des unités, le soutien aux exportations. Ainsi, des évolutions à la baisse des effectifs du service du commissariat des armées et du service de santé des armées sont à prévoir. Certes, il y a eu une diminution de 1289 personnes au sein du service de santé. Toutefois, il ne faut pas oublier que ce service a connu une réorganisation très importante de son dispositif. Auparavant, le SSA disposait de huit hôpitaux totalement autonomes. Il n'en aura plus que quatre, les autres étant en train de s'associer avec des hôpitaux civils. Ainsi, l'hôpital militaire de Bordeaux Robert Picqué est en train de s'associer avec un hôpital privé géré par la fondation Bagatelle. Ce nouveau centre hospitalier va regrouper des éléments du service de santé des armées et des éléments privés. Notre ministère apporte certains éléments, comme le service des urgences, ou la médecine spécialisée destinée aux personnels militaires. Mais sur un établissement hospitalier militaire qui comportait environ 1 000 personnes, ils ne seront plus que 240 du SSA à y travailler.

Cette réorganisation est indispensable compte tenu de la trajectoire des effectifs, et ne fait que refléter la baisse subie par l'ensemble des armées entre 2008 et 2014. A partir du moment où les effectifs de militaires en opérations diminuent, les effectifs de soutien doivent également diminuer. De nombreux régiments et bases aériennes ont été fermés entre 2008 et 2014. Dans le cas contraire, le ratio soutenant/soutenu serait totalement disproportionné. Cette diminution du nombre de personnes dans le service de santé traduit également une évolution des structures. Vous avez désormais des centres médicaux des armées regroupant des médecins et organisant leur travail. La chaîne d'approvisionnement a été revue. Nous avions deux écoles pour former nos médecins. Il n'y en a désormais plus qu'une. De même, notre école de personnels infirmiers a été rapatriée de Toulon vers Lyon.

Nous portons une grande attention au service de santé, car nous sommes confrontés à des difficultés en raison du départ de nos médecins. Aussi, des mesures sur le statut du médecin sont prévues, notamment concernant le paiement des gardes. Un médecin militaire doit être disponible en tout temps et en tout lieu. Dès lors, ses gardes ne sont pas payées. Nous sommes en train de préparer un texte avec le Ministère de l'action et des comptes publics pour pouvoir remédier à cette situation. Nous souhaitons également faciliter le recours à la période de réserve pour nos médecins, afin de faciliter l'accompagnement de leur vie personnelle. Un effort important de recrutement de médecins civils contractuels est également en cours. Plus de 100doivent être recrutés en 2018.

M. Christian Cambon, président. - Ce service a été fortement touché par la baisse des effectifs. Seuls 47 postes ont été créés l'année dernière, et on parle de 300 dans les années à venir. Or, nos médecins militaires sont très inquiets. Leurs conditions de travail sont très dures, notamment en OPEX.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - En ce qui concerne l'organisation des bases de défense, une réflexion est en cours sur le maintien de ces 51 bases. En 2015, le périmètre des zones de défense a changé. On a ainsi créé une zone de défense à Marseille. On essaye de faire coïncider la cartographie des zones de défense et celle des bases de défense. Aujourd'hui, une base de défense comme celle de Montauban-Agen est à cheval sur la zone de défense de Bordeaux et celle de Marseille. Nous essayons de clarifier la situation pour l'officier général de zone de défense.

Nous menons également une réflexion sur la manière de maintenir une structure de contact auprès des unités dans chaque base de défense. Notre but est de renvoyer un certain nombre de tâches administratives sur des groupements de soutien un peu plus grands. La question du maintien d'antennes se pose également. Le CEMA souhaite que lorsqu'un régiment se trouve dans une ville qui n'est pas la ville siège de la base de défense, l'on puisse avoir une antenne suffisamment importante afin de répondre immédiatement à l'ensemble des besoins de ce régiment. Au final notre travail se fait dans deux directions : un regroupement des moyens pour les fonctions administratives, et le maintien d'une structure de contact auprès des unités.

Nous ne disposons pas encore du rapport de l'inspection général des finances et du contrôle général des armées sur les dispositifs d'aides au départ, qui doit nous permettre d'évaluer ce dispositif.

16 grands chantiers de transformation du ministère sont prévus. Les deux principaux concernent la conduite des programmes d'armement et le maintien en condition opérationnel (MCO). Une réflexion est également en cours sur l'organisation de l'administration centrale, et notamment sur la manière de pouvoir économiser des effectifs, afin de pouvoir les redéployer vers les unités de terrain. Je ne suis pas sûr que nous ayons tiré tous les enseignements du regroupement des services à Balard.

Si la prévision des recettes dues à des cessions immobilières à Paris est aléatoire, on estime les recettes de cession en province de 40 à 50 millions d'euros par an. Bercy nous restitue l'intégralité de ces sommes, comme cela est indiqué dans le rapport annexé.

Il existe de très fortes tensions sur le recrutement des métiers de la cyberdéfense. Nous faisons appel à des contractuels. C'est la raison pour laquelle nous négocions avec le contrôleur budgétaire des rémunérations adaptées. Un comité de famille professionnelle a été mis en place, réunissant la direction des ressources humaines et les différents employeurs concernés. Il s'agit d'avoir des idées de l'évolution des besoins en termes de compétences et d'effectifs, afin de pouvoir négocier avec le CBCM et en interministériel Ces sujets ne sont pas propres à la défense. C'est la raison pour laquelle, le délégué interministériel du numérique et du système d'information et de communication de l'Etat (DINSIC), en partenariat avec la direction du budget et celle des ressources humaines du ministère des armées pilote cette question. Nous avons réussi à bâtir, pour les métiers de l'information et de la communication, des grilles de recrutement de contractuels, afin d'éviter une concurrence entre ministères, voire une concurrence entre services d'un même ministère. Il en est de même en matière de renseignement.

En matière de recrutement, nous participons à tous les salons professionnels. Par ailleurs, nous allons engager une campagne de recrutement des personnels civils de la défense.

En ce qui concerne les pensions militaires et d'invalidité, il me semble que certains arguments utilisés sont inexacts. Il me parait important de faire beaucoup de pédagogie sur ce point. La durée moyenne de la procédure actuelle est de deux ans. Selon les statistiques du Conseil d'Etat, la durée moyenne d'un jugement au tribunal administratif est de 7 mois. Le juge administratif ne défend pas l'administration, mais applique le droit. Or, en l'occurrence, le droit appliqué est le droit administratif, car c'est le conseil d'Etat qui est compétent en cassation. En outre, le code des pensions militaires et d'invalidité vient d'être entièrement refait en partenariat avec les associations, dans le cadre d'une commission présidée par un magistrat de l'ordre administratif. Aujourd'hui, nous n'arrivons pas à réunir les tribunaux des pensions. . Si on veut changer le système, c'est parce que l'on fait le constat que cela ne marche pas. Nous avons été condamnés deux fois - en 2003 et en 2007 - en raison des délais de jugement trop longs.

En outre, au sein du ministère, il y a actuellement 2 000 recours de militaires examinés par an, et cela depuis près de 15 ans. On sait ainsi comment fonctionne le RAPO. On créée une commission spécialement adaptée au sujet. Il y aura un médecin et un représentant des pensionnés. Le pensionné pourra être assisté par un avocat, par un médecin ou un membre de sa famille. Il est également prévu qu'un représentant du CEMA soit présent, car le militaire a été blessé en opération. Est-il normal qu'aujourd'hui il y ait de tels délais pour traiter les demandes de pensions ?

10 millions d'euros sont consacrés chaque année à la consolidation du logiciel Louvois. La bascule de la marine dans Source solde est prévue début 2019. Cette dernière se fera lorsque nous aurons toutes les garanties pour le faire. Des décisions seront vraisemblablement prises à l'automne. Nous avons multiplié la période de solde en double, qui est plus longue que ce qui nous a été recommandé. Elle a été précédée par une période de présolde doublonnée. Au final, le dispositif de test se déroulera sur une période de presque 10 mois. Mais la complexité de notre réglementation rend l'élaboration du dispositif difficile pour l'industriel.

M. Christian Cambon, président. - Il me parait essentiel de prévoir un temps d'expérimentation suffisamment long.

M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration. - Cela est prévu. Nous avons fixé des critères de bascule rigoureux. Nous prenons le maximum de précaution et nous préférons prendre notre temps.

La prise en compte des heures de plongée des sous-mariniers rejoint l'ensemble des questions relatives à l'évolution du régime de retraite... Il faut que les conditions d'emploi de nos personnels soient prises en compte sinon. Il y a un risque de vieillissement de nos armées, comme ont pu le connaître d'autres armées européennes.

Général Jean-Pierre BOSSER
Chef d'état-major de l'Armée de terre
4 avril 2018

M. Christian Cambon, président. - Général, nous sommes très heureux de vous entendre sur la loi de programmation militaire (LPM).

Cette LPM nous semble meilleure que les précédentes, mais c'est aussi parce qu'elle répond à un contexte international qui s'est dégradé, avec une aggravation et un durcissement des menaces, comme l'a montré la revue stratégique.

Vous nous avez alertés à de nombreuses reprises, notamment lors de votre dernière audition, le 18 octobre, sur l'intensité des engagements de l'armée de terre, qui met à rude épreuve soldats et matériels. J'ai eu l'occasion de me rendre à Gao, au Mali, et de constater moi-même les conditions dans lesquelles nos hommes travaillaient. La LPM apporte des réponses, en mettant les hommes et les femmes des armées au coeur de ses priorités et en prévoyant une accélération de la modernisation d'un certain nombre de matériels indispensables.

Toutefois, cet effort mettra du temps à produire ses effets, qu'il s'agisse de l'accélération du segment médian des équipements de l'armée de terre, tels que le programme Scorpion, ou de l'arrivée dans les forces du HK416. Les soldats risquent de ressentir un décalage entre les annonces et la réalité, pendant de longs mois. Comment gérer cette attente ?

Peut-être pourrez-vous nous dire également quelques mots de la perspective du service national universel. Ce n'est pas votre sujet favori, mais le risque existe, malgré les assurances reçues, que son financement vienne perturber les fragiles équilibres budgétaires de cette loi de programmation militaire.

Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre. - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir une nouvelle fois au sein de votre Commission. Cette audition prend place dans un contexte qui place chacun devant ses responsabilités. Non seulement parce qu'une loi de programmation militaire engage l'avenir, en fixant un cap, une distance, un tempo. Mais également parce que le constat intellectuel que nous avions fait au moment de la Revue stratégique d'un durcissement et d'un rapprochement des menaces auxquelles nous faisons face se confirme. L'ennemi s'adapte et cherche à remettre en cause notre supériorité, que ce soit par ses modes d'action, ou encore à travers l'utilisation de dispositifs comme les mini drones, ou encore dans l'espace cyber. Sur notre territoire, la menace terroriste persiste. J'ai à ce sujet une pensée pour le colonel Arnaud Beltrame, qui était issu de l'armée de terre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, notre dernière rencontre a eu lieu le 25 janvier dernier, à Carpiagne, où vous visitiez le 1er régiment étranger de cavalerie. Nous vous avions présenté la notion de groupement tactique interarmes. Cette journée a également été l'occasion pour vous d'échanger et de partager le quotidien des soldats de l'armée de terre, ainsi que de toucher du doigt - au sens propre, par exemple lors du tir au HK 416 - les nouveaux équipements qu'ils attendent impatiemment.

Je me réjouis que beaucoup d'entre vous visitent nos forces, dans leurs circonscriptions, outre-mer ou en opérations. Ma génération échangeait moins facilement avec les élus, alors que c'est indispensable pour vous permettre d'appréhender les enjeux auxquels nous faisons face.

Lors de mon audition du 18 octobre 2017, je vous avais présenté ma vision de l'avenir de l'armée de terre, qui s'inscrit dans l'ambition très claire fixée par le Président de la République d'être la première armée de terre européenne, notamment en termes d'équipement.

Je viens vous présenter aujourd'hui mon appréciation de situation sur le projet de loi de programmation militaire soumis à votre examen, qui est la traduction de cette ambition. J'évoquerai également les enjeux que revêt à mes yeux l'entrée en LPM, ainsi que sa bonne exécution.

Mon état d'esprit diffère de celui de mes prédécesseurs lorsqu'ils se sont livrés au même exercice, que ce soit en 2009 lors de l'examen du projet de LPM 2009-2014 ou en 2013 lors de l'examen du projet de LPM 2014-2019. Les chefs d'état-major de l'armée de terre faisaient à l'époque part à votre commission de leurs préoccupations concernant les réductions de capacités et d'effectifs. Aujourd'hui, je fais le constat que ce projet de loi de programmation militaire 2019-2025 confirme une inversion historique, et inscrit dans la durée la remontée en puissance de l'armée de terre. La période qui s'ouvre est donc propice aux bâtisseurs.

Cette loi de programmation militaire est taillée pour faire but en plein centre. Elle est bien calibrée, elle définit un modèle d'armée complet, équilibré et soutenable, visant le coeur de cible des besoins et des priorités de l'armée de terre. J'en tire trois conclusions.

La première est que le chef d'état-major de l'armée de terre que je suis peut se laisser aller à un optimisme raisonnable. Après avoir densifié la force terrestre opérationnelle, je poursuis le renouveau de l'armée de terre, conformément à l'idée maîtresse que j'avais fixée l'année dernière, à savoir que les équipements doivent rattraper les effectifs. La deuxième conclusion est qu'il m'appartient de rapprocher intelligemment et progressivement, les moyens des ambitions. La troisième conclusion est que cette loi de programmation militaire s'inscrit dans la durée et nous donne un horizon pour nous engager sur quatre compartiments de terrain, que je vais maintenant détailler.

Le premier compartiment est la « hauteur d'homme ». Cette loi de programmation militaire place pour la première fois le soldat au centre de la réflexion, et nous fournit de vraies opportunités pour produire des effets rapides améliorant réellement son quotidien. En procédant par cercles concentriques à partir du soldat, cela concerne d'abord sa tenue et son équipement individuel, ce qui n'est pas un enjeu trivial. Je considère qu'une nation qui investit 2 % de son produit intérieur brut (PIB) dans la défense doit être capable de fournir à ses soldats des treillis F3 retardant la flamme à leur taille, ainsi que des chaussures à la bonne pointure.

Viennent ensuite les équipements de protection, tels que la structure modulaire balistique (SMB), le casque de nouvelle génération, puis l'armement individuel, le fusil et le pistolet, lequel date des années 1950 ainsi que les petits équipements d'optique, d'optronique et de communication, indispensables au maintien de notre supériorité opérationnelle.

La vision de la hauteur d'homme s'élargit ensuite aux conditions de vie et de travail ainsi qu'à la rémunération du soldat. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) entre donc dans cette boîte, même si son financement n'interviendra qu'à compter de 2021.

La hauteur d'homme concerne également le soutien au sens large, y compris le soutien médical. Les soldats doivent pouvoir bénéficier d'un service de santé aux armées moderne offrant la prévention la plus efficace ainsi que la meilleure qualité de prise en charge en cas de maladie ou de blessure, en garnison comme en opérations extérieures (OPEX).

Enfin, dans cette perspective de la « hauteur d'homme », la famille n'est pas absente. Madame la ministre le disait : « il n'y a pas de soldat fort sans famille heureuse ». C'est pourquoi nous travaillons à ce que le plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires débouche sur des actions visibles, concrètes et adaptées aux situations locales.

La partie normative de cette loi de programmation militaire apporte des éléments intéressants, tels que la possibilité d'opérer des relevés signalétiques et des prélèvements biologiques en OPEX sur des personnes susceptibles de présenter un danger pour les forces françaises ou la population. Cela permettra de collecter des informations, avec des finalités strictement militaires, qu'il s'agisse du type de données prélevées ou de leur destination.

Nous prenons note, également, de la possibilité de mobiliser les membres de la réserve opérationnelle soixante jours, voire cent cinquante en cas de nécessité, au lieu de trente.

Enfin, une attention particulière est portée aux militaires blessés en service ou victime d'une affection survenue à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, à travers la possibilité de les rendre éligible au congé de reconversion sans condition d'ancienneté de service et plus largement.

Deuxième compartiment de terrain, il s'agit d'une loi de programmation militaire de réparation, qui a pour objectif de compenser les lacunes apparues au cours des années précédentes. C'est le cas en matière d'appui feu sol-sol, avec une commande supplémentaire de trente-deux camions équipés d'un système d'artillerie (dits « canons Caesar ») et l'accent mis sur la coordination des intervenants dans la troisième dimension, avec les radars Ground Master 60.

La loi de programmation militaire porte également des objectifs en matière de normes d'activité par type de matériel, afin d'assurer un niveau d'entraînement suffisant. Par exemple, nous considérons qu'un équipage de char Leclerc doit faire 115 heures de pratique dans l'année, que ce soit sur le territoire national ou en déploiement à l'étranger, afin de pouvoir être engagé en opération de façon raisonnable. Aujourd'hui, sur nos matériels blindés majeurs, nous atteignons seulement 60 % de ces normes, et notre objectif est d'atteindre 100 % d'ici 2025. À cette fin, la loi de programmation militaire prévoit un effort sur l'entretien programmé des matériels, avec un effet attendu à la fois sur la régénération des équipements fortement sollicités ces dernières années et sur l'amélioration de la disponibilité technique.

Le troisième compartiment de terrain concerne la modernisation. Cette loi de programmation militaire prévoit le remplacement accéléré du segment blindé médian de l'armée de terre, avec la livraison d'ici 2025 de la moitié des véhicules prévus dans le programme Scorpion - pour « synergie du contact renforcée par la polyvalence de l'infovalorisation » - : Jaguar, Griffon et VBMR. De plus, le projet de LPM contient une légère augmentation des cibles pour s'adapter aux évolutions de la force opérationnelle terrestre. La modernisation concerne également le développement de moyens d'appui directs tels que le véhicule blindé d'aide à l'engagement, le système de franchissement léger, le module d'appui au contact, le mortier embarqué pour l'appui au contact, ou encore le véhicule léger tactique polyvalent. Cette modernisation concerne aussi les capacités de commandement et de conduite des opérations aéroterrestres, ainsi que la modernisation des moyens d'aérocombat, avec la livraison de trente-quatre hélicoptères Caïman, et la mise à niveau des Tigre.

S'agissant du renseignement, les trois premiers systèmes de drones tactiques seront livrés d'ici à 2025, soit quatorze vecteurs aériens, et la commande a été portée à cinq systèmes à l'horizon 2030, ce qui nous permettra de disposer de vingt-huit drones tactiques, renforçant ainsi notre autonomie de décision et notre compréhension de la situation tactique.

Par ailleurs, cette loi de programmation militaire initie la modernisation de notre flotte tactique et logistique, avec un effort porté sur les poids lourds de quatre à six tonnes.

Enfin, la modernisation concerne également la transformation du maintien en condition opérationnelle (MCO), afin de garantir à la fois la meilleure disponibilité, nos besoins de régénération et d'assurer le soutien des matériels de nouvelle génération.

Pour finir, le quatrième compartiment de terrain concerne l'innovation, qui constitue un axe en soi de cette loi de programmation militaire. Il s'agit de nous doter d'équipements de haute technologie afin de faire face aux menaces de demain.

Nous entrons ainsi dans la phase préparatoire de grands programmes futurs, dont le char de combat franco-allemand. L'accent est également mis sur la recherche et le développement, avec une augmentation des ressources consacrées aux études amont, sur lesquelles nous travaillons en commun avec la Direction générale de l'armement (DGA). Celles-ci concernent l'énergie, les nouveaux matériaux, la furtivité, les missiles hypervéloces, les armes laser, la protection cyber ou encore les plateformes de transport. Le programme Scorpion apparait à cet égard comme un catalyseur de l'innovation, dans une démarche incrémentale qui permettra d'intégrer progressivement de nouvelles technologies au fur et à mesure de leur arrivée à maturité.

De même, le volet innovation doit également permettre d'acquérir de nouveaux équipements, en matière de robotique terrestre et de drones, par exemple, avec le développement de procédures d'acquisition plus agiles et plus rapides.

L'innovation passera également par la transformation numérique, le big data et l'intelligence artificielle, qui ouvrent des perspectives nouvelles dans des domaines très variés allant de la maintenance prédictive à l'aide à la décision.

Enfin, l'innovation n'est pas que technologique. En effet, si la technologie peut créer les conditions du changement, celui-ci est également déterminé par des facteurs humains et organisationnels permettant de marier la rusticité du soldat et la haute technologie. À cette fin, je compte créer un pilier « Innovation » au sein de l'état-major à l'été 2018 ainsi qu'un « battle lab » Terre, destiné à capter l'innovation en boucle courte.

Vous me demandez comment nous comptons entrer dans cette loi de programmation militaire. La visée est conforme, mais cela ne suffit pas pour réussir le tir, qui dépend de l'action du doigt sur la détente ! Il s'agit donc pour nous de réussir « le jour d'après » le vote de la LPM. L'état-major est en ordre de bataille pour concrétiser les avancées, afin que les soldats constatent la réalité de cette remontée en puissance. À défaut, vous l'avez dit, nous risquons de subir un effet de ciseau entre les attentes suscitées et la réalité sur le terrain.

L'armée de terre a déjà amorcé sa remontée en puissance. Le modèle « Au Contact » lui donne toute l'agilité et la plasticité requises pour poursuivre cette dynamique. Nous travaillons donc sur un ordre d'entrée en loi de programmation militaire à la manière d'un ordre militaire, comprenant un état final recherché, des lignes d'opération, des objectifs intermédiaires et un phasage temporel. Nous comptons ainsi »entrer en premier » sur deux des quatre compartiments que je vous ai décrits : la hauteur d'homme, ce qui semble légitime pour une armée qui représente 50% des effectifs en uniforme du Ministère, et l'innovation, car l'armée de terre dispose d'une vision prospective unique à travers le document Action terrestre future.

Il nous faut au préalable définir nos ambitions sur tous les segments et pour cela, il est nécessaire de penser différemment. Je vous donne un exemple significatif qui concerne le domaine de l'habillement et des équipements individuels. Notre ambition est de passer d'une logique d'effets épars perçus au gré des missions pour revenir à une logique de paquetage unique et complet perçu dès l'engagement, afin que le soldat soit apte à remplir immédiatement toutes ses missions, en toutes circonstances et sans préavis.

Pour conclure, l'armée de terre est donc favorable à cette loi de programmation militaire. Le moment est enthousiasmant, mais nous savons aussi qu'il nous faudra établir des priorités et ne pas promettre aux soldats qu'ils auront tout, tout de suite. Les effets se manifesteront dans un laps de temps variable en fonction des priorités que nous aurons choisi et que nous devrons expliquer et assumer. Nous avons une responsabilité historique : construire l'armée de terre de nos besoins, celle qui saura répondre aux menaces présentes et à venir.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». - Nous avons un combat à mener pour l'augmentation des crédits attribués aux études amont. Les fournisseurs de l'armée considèrent qu'il est urgent d'augmenter les crédits en recherche et développement afin de capter l'innovation et de l'appliquer à la défense.

Nous avons été sensibles à l'accent que met cette loi de programmation militaire sur l'équipement des fantassins.

La bosse budgétaire 2022 nous inquiète un peu, mais j'imagine que vous n'avez pas de réponse à nous apporter. La montée en puissance prévue est importante, nous verrons dans quel état seront les finances en 2022.

Quid des munitions ? Cette loi de programmation militaire accélère la livraison des nouveaux matériels, dont ceux qui découlent du programme SCORPION, mais ne risque-t-on pas d'oublier certaines priorités, comme la reconstitution des stocks de munitions ? L'armée de terre dispose-t-elle de moyens et de fournisseurs fiables en France, afin de garantir notre autonomie stratégique ? Les stocks de munitions ne défilent pas le 14 juillet, ne risquent-ils pas d'être sacrifiés ?

Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteure pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». - Les industriels mettent l'accent sur la préparation de l'avenir, car selon eux, les priorités n'en sont pas clairement définies dans ce texte. Si des manques étaient identifiés, il nous est encore possible de présenter des amendements sur la base de ce que l'on nous dit.

Les industriels du secteur nous disent également que le processus d'acquisition souffre de la rigidité de la commande publique. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Il importe de surmonter les indisponibilités des matériels, en raison de leur surutilisation en OPEX, au-delà des contrats opérationnels. De ce point de vue, il n'est pas évident d'avancer des prévisions, mais le nouveau modèle MCO Terre est-il bien financé ? Le général Lecointre n'a pas répondu à la question précise des montants en jeu, je vous la pose donc à nouveau. Quel est le chemin de la remontée de la disponibilité technique opérationnelle des équipements terrestres en 2021 et en 2023 ?

Avec Jean-Marc Todeschini, nous travaillons pour recenser les conditions de réussite du service national universel, les pièges à éviter et les manières de protéger la programmation militaire et ses budgets. À ce titre, nous avons rencontré les membres du groupe de travail animé par le général Ménaouine. Maintenir une valeur ajoutée militaire tout en évitant les pièges, c'est la quadrature du cercle. Comment trancher ce noeud gordien ?

M. Gilbert Roger, co-rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - J'ai commencé à étudier les lois de programmation militaire avec celle du président Sarkozy, puis celle du président Hollande. Ces textes ne présentent jamais un monde nouveau, mais constituent une succession d'adaptations plus ou moins réussies. Vous l'avez dit, il faut se mettre en adéquation avec la réalité, en particulier celle que les derniers conflits imposent à nos armées.

J'ai essayé d'être constant, en présentant des amendements et en préparant des rapports portant des critiques positives. Mon premier rapport concernait ainsi les bases de défense et la misère des équipements.

Comment et pourquoi cette nouvelle loi de programmation militaire permet-elle de passer un cap supplémentaire dans le règlement des difficultés que nous connaissons ? Il me semble que cela n'apparaissait pas suffisamment dans vos propos.

S'agissant de la bosse de 2022, elle donne en effet le sentiment que l'on paye beaucoup pour l'avenir, mais pas pour l'immédiat. Je sais que vous êtes soumis au devoir de réserve, mais comment peut-on mettre en adéquation ce choix politique et la nécessité de moderniser les équipements durant les quatre prochaines années ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - La LPM prévoit une remontée des effectifs de l'armée de terre à 77 000 hommes. Doter la force opérationnelle terrestre de 11 000 hommes supplémentaires est un défi en termes de préparation opérationnelle. Vous avez annoncé devant l'Assemblée nationale qu'il serait impossible de lancer une nouvelle OPEX de grande envergure avant l'été 2018. Dans le cadre de la prochaine LPM, est-on assuré de ne plus se heurter à un tel obstacle ? La préparation opérationnelle, on le sait, a été une variable d'ajustement de la précédente LPM pour satisfaire des contrats opérationnels poussés au-delà du modèle de préparation...

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. - Cette LPM inverse la tendance des deux précédentes en prévoyant une remontée en puissance, sans oublier la condition militaire, ce dont on ne peut que se réjouir. Vous avez dit, et je vous rejoins, que c'était une loi de réparation : c'est une forme d'aveu... On sait en effet ce qu'est devenue la précédente loi de programmation : un engagement très supérieur à ce qui était prévu, et des moyens par conséquent très inférieurs à ce qui était nécessaire. À engagement inchangé, ce texte permettra-t-il de financer ce qui est nécessaire et de réparer ce qui doit l'être ? Le maintien en condition opérationnelle (MCO), des hélicoptères en particulier, nous préoccupe. Je me méfie des réformes de structure et de procédure qui nous sont annoncées : à elles seules, de telles réformes permettent rarement de régler les problèmes de fond.

M. Philippe Paul. - Lors de nos visites de terrain, nous avons été surpris par les conditions de vie des militaires - dans les différentes armées. Vous avez évoqué les propos de Jean-Yves Le Drian sur les moustiquaires : ces problèmes ne sont pas anecdotiques, alors que l'on parle de plus en plus de la condition des militaires et des problèmes de fidélisation. Les conditions de vie de nos militaires devraient être meilleures ! À Djibouti notamment, nous avons vu des bâtiments dans un état lamentable. Je vous ai apporté une photo pour l'attester ! Mais c'est le cas dans bon nombre d'unités ! J'espère que les crédits fléchés vers l'amélioration des conditions de vie des militaires seront à la hauteur.

M. Olivier Cigolotti. - Le concept de base de défense a créé une rupture d'avec le triptyque un chef, une mission, des moyens. Votre précédent ministre de tutelle avait jugé sa mise en oeuvre un peu rapide ; le Haut conseil d'évaluation de la condition militaire a estimé qu'elle était susceptible de désorganiser les unités de soutien. Faut-il revenir sur ce concept ? Accélérer sa mise en oeuvre ? Passer de 51 bases de défense à un nombre inférieur ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Certains soldats disent devoir s'acheter sur Internet des gilets pare-balles aux normes avant de partir en OPEX. La protection efficace de nos militaires me paraît être une exigence basique, et je note votre volonté d'améliorer leur équipement. De telles pratiques, choquantes, nuiraient en outre gravement à l'image de notre armée. Sont-elles avérées ?

M. Jean-Marc Todeschini. - La durée annuelle maximale d'activité dans la réserve opérationnelle, déjà identifiée comme un élément de résilience, passera de 30 à 60 jours. Comment cela modifiera-t-il son activité ? Le spectre de ses missions sera-t-il élargi ? Va-t-on vers la constitution d'unités de réserve ou continuera-t-on à intégrer les réservistes dans les unités opérationnelles ?

M. Ladislas Poniatowski. - Lorsque le général de Villiers a claqué la porte, il ne l'a pas fait silencieusement, il a dit pourquoi : car il n'avait pas les moyens d'assurer la sécurité intérieure et extérieure, et avait listé à l'appui de son analyse tout une série de manques, en termes d'équipements, de modernisation, de besoins d'entraînement, etc. En haut de sa liste, ce qui manquait le plus à l'armée française selon lui : les infrastructures. Or le mot infrastructure revient rarement dans les discours officiels : je ne l'ai pas entendu dans la bouche de la ministre, ni dans la vôtre...

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Je sais que le sujet des blessés est majeur pour le Chef d'état-major de l'armée de terre. Des blessés physiques, il y en aura encore de nombreux à l'avenir, hélas. Il faut les distinguer des syndromes post-traumatiques et des victimes de blessure morale. Pour préparer l'avenir, une structure financière et politique de soutien serait utile. Quels outils et quels moyens seront mis en place ?

Général Jean-Pierre Bosser. - L'inversion de tendance doit entraîner de nouvelles synergies entre la DGA, l'industrie et l'armée de terre. Dans la période précédente, si la DGA et les industriels étaient proches, l'armée de terre n'était guère visible, sauf sa Section technique (STAT) en charge de l'expérimentation et de l'évaluation des matériels. Je souhaite désormais que l'armée de terre prenne toute sa place dans l'équipe, afin que nous puissions travailler ensemble et marcher du même pas. Ce nouveau modèle et ces nouvelles synergies seront d'ailleurs au coeur du prochain salon Eurosatory, en juin. Le DGA, le président du GICAT et moi-même nous exprimerons ensemble au cours d'une table ronde au sujet de nos attentes à l'égard de la LPM. J'attends beaucoup, pour ma part, de la DGA en matière de développement et d'innovation, des sujets sur lesquels les précédentes LPM étaient presque muettes pour l'armée de terre. Des industriels, j'attends une certaine capacité à tenir le rythme et les objectifs de la LPM. Surtout si c'est le même qui reconstruit les Véhicules de l'Avant Blindés (VAB) aujourd'hui et qui construira les Griffons demain : il doit y avoir une vraie réflexion sur cette transition. C'est la raison pour laquelle j'ai entamé une série de visites : j'étais il y a quinze jours à Fourchambault chez RTD et j'irai bientôt chez Nexter pour échanger avec les cadres et les ouvriers qui y travaillent.

Les industriels nous reprochaient ces dernières années de manquer de visibilité, sur le plan financier ou sur le plan des projets. L'inversion de tendance dépendra donc de la combinaison de ces trois facteurs - l'ambition, la capacité industrielle et le financement -, car nous marcherons au pas du plus lent. On ne peut pas reprocher au Président de la République ou à la ministre d'afficher des ambitions dépassant la durée du quinquennat, car une remontée en puissance de la nature de celle qui est amorcée ne peut pas être envisagée seulement sur trois ou cinq ans. Sans profondeur, nous perdrons en puissance et disperserons nos efforts. C'est un pari sur l'avenir. L'histoire dira si nous réussirons.

Les munitions légères de l'armée de terre sont compatibles avec les munitions de nos alliés. C'est d'ailleurs selon ce critère que nous avons choisi le HK416. Nous avons également adapté les stocks tels que nous les avions définis au lendemain de la guerre froide pour les dimensionner au juste besoin de nos contrats opérationnels.

À l'inverse de l'armée de l'air et de la marine, l'armée de terre n'a pas l'intention de mener un plan de transformation à l'occasion de cette entrée en LPM. Je tiendrai le même discours demain à l'ensemble des chefs de corps que je réunis à l'amphithéâtre Foch de l'école militaire. Notre cadre nous permet d'entrer en LPM de manière performante : un document dit « Action terrestre future » fixe nos ambitions tactiques sur les dix à quinze prochaines années ; le modèle opérationnel « Au contact » rend notre armée plastique, agile, capable d'absorber la densification ; le programme Scorpion catalyse le renouvellement de notre outil opérationnel à partir du segment médian ; sur le plan du commandement, j'ai fait réécrire « L'exercice du commandement » et je prépare la deuxième édition de « L'exercice du métier des armes ». Bref, nous avons un cadre nous permettant d'orienter l'action, d'organiser, d'outiller et de commander notre armée de terre. Nous sommes donc en mesure d'exécuter la LPM.

Le Président de la République a fixé l'objectif d'être la première armée européenne. Je travaille à en identifier les critères : modèle d'armée complet ; masse suffisante nous permettant d'intervenir sur notre propre sol, en Europe centrale ou méridionale, voire sur plusieurs théâtres en même temps ; esprit guerrier, qui permet par exemple de vivre à Djibouti dans des conditions difficiles, ou qui nous rend capable de payer, militairement ou politiquement, le prix du sang ; force d'innovation et équipements de quatrième génération, qui confèrent la supériorité opérationnelle - combattre jour et nuit sans interruption, aérocombat, etc. ; capacité à générer ou intégrer des coalitions enfin. Ce dernier critère est rempli : nous le constatons tous les jours en Afrique, et notre Corps de réaction rapide-France a été certifié par l'Otan. Je suis par conséquent raisonnablement optimiste sur le fait qu'en 2019, l'entrée dans la LPM se fera d'abord par la hauteur d'homme et l'innovation. Aujourd'hui, ne manque que la capacité à acquérir des matériels de manière rapide et agile pour conserver une supériorité sur l'ennemi. Perdre, comme ce fut le cas au Levant, deux hommes des forces spéciales du fait d'une sous-munition larguée par un drone qui s'achète dans le commerce, mais que nous mettons un an à acquérir, révèle une forme de décalage.

Le projet de transformation du MCO terrestre que nous mettons en oeuvre a pour objectif de bien différencier d'une part la maintenance opérationnelle qui produit de la disponibilité technique, et qui est réalisée dans les régiments du matériel et par des militaires pouvant être déployés sur le terrain, capables de changer une pale d'hélicoptère en plein désert ou un moteur à Gao ; d'autre part la maintenance industrielle, qui vise à régénérer nos matériels, notamment lorsqu'ils rentrent d'opération. Cette maintenance industrielle peut être réalisée soit par des capacités étatiques, soit par des industriels privés. En l'occurrence, nous allons compenser les départs à la retraite dans la maintenance industrielle étatique par un recours accru aux capacités de maintenance industrielle privée, une manoeuvre que nous appelons le « délestage », pour un montant évalué à 350 millions d'euros entre 2019 et 2022, afin d'atteindre le modèle cible en 2025. La ministre vient de nous confier un mandat sur le MCO terrestre, comme cela a été fait pour le MCO aéronautique. Je compte en profiter pour attirer son attention sur la nécessité de réussir cette manoeuvre dans le bon cadre espace-temps pour arriver à l'état final recherché.

L'armée de terre n'a aucun problème de principe avec le service national universel, ni d'ailleurs avec la jeunesse, avec laquelle nous sommes au contact au quotidien. Mais je suis partagé entre la nécessité de faire quelque chose pour notre jeunesse - le service militaire adapté et le service militaire volontaire, que j'ai créé après accord du président Hollande, y contribuent - et l'inquiétude d'être percuté par une masse qui fait dix fois notre poids - car 800 000 hommes et femmes, c'est dix fois l'armée de terre ! Notre armée de terre, 22 ans de maturité professionnelle, reconnue dans le monde entier, est devenue un label - je pense aux forces spéciales, aux forces conventionnelles, à l'aérocombat. Notre crainte est de voir cet outil disparaître sous l'effet du nombre. Le Président de la République a eu lors des voeux des mots rassurants, précisant que le projet serait interministériel et ne rognerait pas sur les crédits de la LPM. En toute hypothèse, il sera lourd et aura sur l'armée de terre un impact supérieur à ce que l'on imagine.

Vous avez eu raison de retracer l'historique des LPM. Aucune n'a été appliquée comme elle aurait dû l'être. En mettant le soldat au centre de la prochaine, un cap est franchi. Les précédents textes parlaient beaucoup de gros objets, de sous-marins nucléaires, d'avions de chasse, de porte-avions, jamais du soldat. L'innovation est aussi une composante nouvelle de cette LPM. Elle évoque enfin aussi de manière inédite le segment médian de notre outil, le plus engagé depuis vingt ou trente ans puisqu'il sert à faire la guerre tous les jours.

Comment procéder en attendant qu'elle porte tous ses effets ? Je mise sur un certain nombre de projets ayant des effets physiques à haute valeur ajoutée, concernant par exemple la protection du soldat, ou sur des éléments plus psychologiques, actionnables immédiatement. Par exemple : la tenue de sport, qui est dans l'armée de terre une tenue de préparation opérationnelle. En opération, lorsque l'on enlève sa tenue de combat, on se met en tenue de sport. Tout est prêt pour acquérir une nouvelle tenue de sport plus moderne et adaptée ; ne manquent que les fonds. C'est aussi vrai pour les casques composites, les gilets, ou les pistolets automatiques : si l'on veut changer demain le pistolet MAC 1950, nous avons sur étagère une variété d'autres pistolets qui équipent déjà nos forces spéciales ou d'autres forces armées - tels les policiers monégasques. L'armée de terre française est en effet l'une des moins bien équipées en pistoles automatiques. Rapportés au 1,8 milliard d'euros supplémentaires que l'on attend chaque année, 30 millions d'euros pour de nouvelles tenues de sport représentent moins de 2 %.

L'augmentation de format de la force opérationnelle terrestre de 11 000 hommes a constitué un effort majeur, qui n'a pas été atteint instantanément. Il a fallu deux ans à l'armée de terre pour augmenter ses effectifs, ce qui a demandé un effort majeur de recrutement et de formation. En matière d'entrainement, comme nous l'avions annoncé, nous serons revenus à l'été 2018 au point où nous étions au moment de l'entrée au Mali de la brigade Serval.

Le MCO aéronautique est un sujet de fond. Le problème est double : industriel et financier. L'architecture générale du soutien industriel devait être revue ; il fallait aussi voir si l'accès aux pièces détachées et le renouvellement des stocks ne jouaient pas sur la disponibilité des appareils. La création de la Direction de la maintenance aéronautique témoigne de la priorité donnée aux questions de la gouvernance et de la maitrise d'ouvrage étatique, ainsi qu'à la coordination entre les armées et les industriels. Le général Lanata vous répondra mieux que moi sur ces questions, mais n'éludons pas l'aspect financier.

Nous avons proposé une évolution de la cartographie des bases de défense, pour que la carte des services corresponde à la carte administrative, et pour resserrer le maillage, dans un souci de performance. Nous avons proposé à la ministre une carte à 45 bases, une autre à 38. Son choix dépendra d'une part de l'attention portée au personnel, car dans le cadre d'une remontée en puissance, personne ne comprendrait que l'on rogne sur la présence territoriale ; d'autre part, de la prise en compte du commandement territorial, car avec Sentinelle, les officiers généraux en charge des zones de défense commandent directement les chaînes fonctionnelles plus qu'ils n'en assurent la simple cohérence.

Je regrette l'achat de matériel sur Internet. J'espère que cela a de moins en moins de raison de se produire. Car j'ai la faiblesse de penser que les matériels que nous achetons à nos soldats leur conviennent, en termes de protection et d'ergonomie. S'agissant des équipements qui concourent à la protection de nos soldats en opération, je crois même pouvoir dire que plus aucun achat ne s'impose. Je ne pourrai en revanche jamais interdire aux soldats l'achat de poches à accrocher à leurs gilets de protection pour ranger un téléphone ou des affaires personnelles, cela fait partie du côté coquet de certains... Le HK416 dispose de rails permettant d'installer des optiques et autres accessoires, ce qui n'était pas le cas du Famas. Il existe une exception à cela : l'achat de 1 800 lunettes de glacier pour les troupes alpines entrant dans le cadre du code des marchés publics, il faut six mois pour les obtenir ; le moins-disant étant souvent privilégié, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, ce qui pousse les soldats à aller le weekend chez l'opticien du coin... Les yeux de nos soldats méritent pourtant des lunettes de qualité.

L'armée de terre reste attachée aux unités de réserve intégrées. En autonomie totale, elles coûteraient plus cher et seraient moins performantes. Ce qui n'exclut pas quelques unités particulières, telle l'unité de réserve qui se trouve en région parisienne, parce que nous avons la capacité de les soutenir.

Tous mes prédécesseurs ont signalé l'écart entre l'ambition et les moyens dégagés pour la concrétiser. La remontée en puissance nous donne l'opportunité de resserrer cet écart. Sur l'infrastructure en revanche, rien n'est résolu. Si celle qui abrite nos matériels futurs est au rendez-vous, l'infrastructure opérationnelle et l'infrastructure de vie courante sont encore insuffisamment financées. En matière d'entretien, les sommes dévolues par mètre carré de surface de nos emprises demeurent notoirement insuffisantes.

Les blessures physiques et les syndromes de stress post-traumatiques sont souvent évoqués. On parle moins des blessures morales, un syndrome de conflit intérieur qui se traduit par des sentiments de honte, de culpabilité, de perte de sens ou de foi. Or la population des blessés s'élargit. Je suis moi-même très attentif au soutien des blessés, et la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre est très active en matière de soutien aux familles et d'aide à la reconstruction des blessés - par le sport, par l'emploi. Je tiens même à accentuer cette action par la création d'un fonds de soutien adossé à une fondation. La partie normative, du projet de LPM qui reconnaît un véritable soutien à nos blessés en service, est primordiale. Le 23 juin prochain, la veille de l'anniversaire de la bataille de Solférino, je vous convie à la deuxième Journée nationale des blessés à l'hôtel national des Invalides. Un lever des couleurs commun avec le service de santé des armées ouvrira la journée au Val-de-Grâce ; il sera suivi d'un cross ludique à pied ou en vélo pour rejoindre les Invalides, où se tiendra enfin un rassemblement destinée à présenter les dernières innovations en matière de soutien aux blessés - des prothèses aux actions associatives. Le thème choisi cette année pour cette journée nationale des blessés sera : « ma famille est ma force ».

M. Christian Cambon, président. - Merci de la précision de vos réponses. Nous avons constaté au Mali l'importance du soutien à accorder aux blessés. Le Sénat sera très vigilant sur la tenue de ces engagements. Rien ne serait pire que de susciter des espoirs et de les décevoir. Alors que nos armées viennent de vivre des moments particulièrement douloureux, nous renouvelons aux soldats notre soutien, notre confiance et notre amitié. La représentation nationale est à leur côté.

Amiral Christophe PRAZUCK
Chef d'état-major de la Marine
11 avril 2018

M. Christian Cambon, président. - Amiral, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Nous sommes très heureux de vous entendre sur la loi de programmation militaire (LPM), qui me semble-t-il présente pour la Marine nationale, un bilan contrasté : tandis que le nombre de livraisons vous place parmi les « gagnants de la LPM », les dates de livraison vous placent parmi ceux qui vont attendre longtemps. Pour la Marine, la LPM apporte autant de réponses que de questions : deux tiers de l'effort budgétaire sont sur le dernier tiers de la programmation. La soutenabilité des « marches » à 3 milliards d'euros après 2022 pose question. En particulier, le danger du fameux « mur nucléaire » avec un effet d'éviction sur les forces conventionnelles est-il tout à fait évité après 2022 ? Évidemment nous savons que les dépenses nucléaires sont lancées ; les décisions sont sanctuarisées en Conseil des armements nucléaires, un rapport de notre commission l'an passé y avait d'ailleurs contribué. Nous ne sommes donc pas vraiment inquiets, mais ce sera un « épouvantail » qui permettra à certains de dire, qu'une fois la dissuasion payée, la Marine est déjà bien servie et que cela suffit... La LPM prévoit des accélérations mais pour certains équipements, je pense aux drones de la Marine, les livraisons sont prévues après 2025, comment faire dans l'intervalle ? Vous nous aviez dit que 17 frégates de premier rang ne suffisaient qu'à peine à assurer les missions de la Marine, comment faire avec le format qui est prévu, associant des frégates multi-missions (FREMM), des frégates de taille intermédiaire (FTI) et la rénovation des La Fayette ? Le compte y-est-il, alors que vous souhaitiez pouvoir disposer de 18 frégates de premier rang ? Le retard sur la livraison des Barracuda est préoccupant ; le Rubis est prolongé jusqu'en 2020... L'enjeu pour le porte-avions, c'est d'avoir suffisamment de crédits d'étude amont sur notamment la propulsion et la catapulte, afin d'être en mesure de prévoir la succession du Charles-de-Gaulle, qui sera l'enjeu de la LPM suivante. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine. - Je débuterai mon propos en évoquant quelques faits opérationnels marquants depuis notre dernière audition. Il y a deux semaines, la frégate Jean de Vienne a saisi 500 kilos d'héroïne en Océan indien après avoir intercepté, quelques semaines auparavant, 4 tonnes de cannabis. Dans l'Océan Pacifique, la frégate Vendémiaire a effectué le passage dans les Spratleys et s'est fait marquer par une frégate chinoise de façon continue entre Hong Kong et Brunei. Je constate chez nos amis britanniques une volonté de réorienter des missions navales plus fréquentes dans cette zone, y compris au détriment d'autres théâtres traditionnels. Dans cette zone, est régulièrement déployée la mission Jeanne d'Arc, constituée par le Dixmude et le Surcouf, qui ont appareillé le 26 février dernier. Le Tonnerre et le Chevalier Paul ont terminé leur déploiement « Bois Belleau 100 » avec l'US Navy par un exercice conjoint impliquant également la Marine égyptienne. En deux mois, nous aurons ainsi coopéré avec les pays du Golfe, l'Inde et l'Égypte. En Méditerranée orientale, une frégate française patrouille depuis 2015 au large de la Syrie ; zone dans laquelle le niveau de tension est élevé ces dernières semaines. La Marine est aussi présente dans le Golfe de Guinée, avec un patrouilleur de haute mer (PHM) et y a organisé, en février dernier, l'exercice « African Nemo », puis, avec l'US Navy, l'exercice « Obangame Express » en mars dernier. En février, aux Antilles, le patrouilleur léger guyanais (PLG) la Confiance - dont un troisième du type vient d'être commandé - a intercepté 200 kilogrammes de cannabis avant que le PLG La Résolue n'intercepte des pêcheurs brésiliens qui pêchaient, de façon irrégulière, dans les eaux guyanaises.

En outre, dans le cadre de la remontée en puissance du Charles de Gaulle, 12 Rafale, un Hawkeye, et 350 marins sont déployés aux États-Unis, près de Norfolk, du 5 avril au 18 mai 2018 ; ces derniers devraient également s'entraîner par la suite à bord du porte-avions George HW Bush dont l'US Navy nous fait bénéficier pendant dix jours, pour conduire nos exercices d'appontage.

Telle est l'actualité, alors que nous sortons de la revue stratégique dont je vous avais présenté les conclusions au moment de la discussion budgétaire. La LPM est désormais le sujet de notre rencontre.

Les défis de la Marine sont de quatre ordres. Premièrement, le retour des rhétoriques de puissance, en particulier en mer, qui sont le fait de puissances ré-émergentes, comme la Chine ou la Russie. Ainsi, La Chine construit en quatre ans l'équivalent de la Marine française et la Russie a multiplié par 1,5 le nombre de ses sous-marins. La posture navale et stratégique de ces pays a donc changé depuis ces dernières années.

Le deuxième défi concerne le foisonnement technologique impliquant la remise en question des technologies de notre actuel outil militaire. Ainsi, le big data, l'intelligence artificielle ou encore l'emploi de nouveaux vecteurs hyper-véloces nous obligent à ouvrir de nouveaux chantiers pour assurer l'adaptation de nos moyens à ce nouveau contexte.

Le troisième défi concerne le nomadisme des crises et du terrorisme militarisé. Daech se trouve à la fois en Afghanistan et dans le Sinaï et des cellules de terrorisme radicalisé apparaissent en Asie du Sud Est, tandis que prolifère le trafic des armes de haute technologie, comme les missiles antinavires désormais détenus par des groupes non-étatiques au Yémen, au Sinaï ou en Méditerranée orientale. Ce nomadisme des crises est rendu plus complexe encore par l'évolution du niveau technique des armements.

Enfin, le quatrième défi concerne l'affaiblissement de l'ordre international qui s'exprime particulièrement en mer, comme l'illustre la remise en cause du droit maritime international en Mer de Chine méridionale.

La France est concernée par ces bouleversements, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations-Unies, membre fondateur de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et de l'Union européenne, ainsi qu'au titre de son espace maritime, qui est le deuxième mondial. Cette loi de programmation entend donc contribuer au renouveau de la Marine, selon quatre axes distincts.

Le premier axe concerne les ressources humaines, qui représentent un enjeu existentiel pour la Marine. Certaines marines européennes souffrent d'un déficit en ressources humaines au point que parfois, leurs bâtiments ne peuvent pas appareiller, faute d'équipages suffisants. Faute d'équipage, un bâtiment, fût-il de dernière génération avec l'équipement le plus sophistiqué possible, ne sert à rien ! La LPM annonce, d'une part, des travaux sur une nouvelle politique de rémunération des militaires et la mise en oeuvre d'un plan familles. Elle entend, d'autre part, contribuer à la fidélisation des compétences. Renforcer l'attractivité de notre armée et fidéliser les compétences des marins expérimentés, mais également préserver la jeunesse des équipages : la moyenne d'âge des marins embarqués sur les sous-marins nucléaires français n'est que de 29 ans.

Le deuxième axe de la LPM prévoit le renouvellement des équipements et s'attaque aux ruptures capacitaires. J'attends six patrouilleurs pour l'outre-mer d'ici 2024, là où la précédente loi de programmation militaire n'en prévoyait que deux. J'attends dix patrouilleurs de haute mer, destinés à remplacer les avisos A69 ; la précédente LPM n'en prévoyait que deux en 2025. La LPM prévoit une dotation de quatre pétroliers ravitailleurs, dont deux livrés avant 2025, alors que la précédente LPM n'en prévoyait que trois en tout. Cette augmentation est également qualitative, puisque ces nouveaux pétroliers seront à double coque et ainsi en phase avec les normes internationales. Les hélicoptères Alouettes 3, vont être mis au rebut. Avant que l'hélicoptère interarmées léger (HIL) n'arrive, une flotte intérimaire d'hélicoptères de la gamme civile sera louée. Je suis extrêmement satisfait de cette solution de transition.

Enfin, la LPM ne change pas le rythme de commandes et de livraisons des programmes FREMM et FTI. Tandis que les précédentes LPM étalaient les programmes majeurs la prochaine LPM mobilise les moyens nécessaires pour doter, à l'horizon 2030, notre flotte de 15 frégates de premier rang, soit deux frégates de défense anti-aérienne (FDA), 8 FREMM et 5 FTI. Le maintien de ce calendrier est, pour moi, une excellente nouvelle. Nous passerons également de 15 à 18 avions de surveillance maritime (ATL2) rénovés et recevrons 6 sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda, dont 4 seront livrés avant 2025. Les forces spéciales navales seront également équipées de propulseurs sous-marins de troisième génération et d'Ecume.

L'autonomie stratégique constitue le troisième axe de la LPM. Au début de l'automne, nous célébrerons la cinq-centième patrouille d'un sous-marin nucléaire lanceur d'engins. En effet, depuis le 20 janvier 1972, il y a toujours eu au moins un sous-marin français de ce type en patrouille. L'invulnérabilité de ces sous-marins passe par leur qualité acoustique : pour qu'ils demeurent indétectables, il faut les moderniser. C'est la raison pour laquelle seront lancés, dès 2020, les travaux de réalisation de la prochaine génération de SNLE qui seront mis en service durant les années 2030. Outre notre autonomie stratégique, la revue stratégique a évalué notre capacité à entraîner des alliés dans des coalitions, autour de capacités discriminantes, qu'il s'agisse de capacités spécifiques de commandement ou de renseignement autonome. Dans ce mécanisme de l'agrégation de volontés politiques, et pour ce qui est de la marine, les sous-marins nucléaires, les missiles de croisière ou encore le porte-avions ont été identifiés comme autant de capacités discriminantes. C'est pourquoi la LPM annonce les études préalables au renouvellement du Charles de Gaulle.

Enfin, le quatrième axe de la LPM est l'innovation. Nos compétiteurs, voire nos adversaires, ont su tirer parti des dernières innovations technologiques, tandis que la marine manque parfois d'agilité dans ces domaines. Les innovations de terrain, comme celles portées par les forces spéciales navales, doivent être mises en cohérence avec l'innovation de plus long terme, qui relève de nos capacités industrielle s et scientifiques.

Cette LPM est très clairement utile à la remontée en puissance de la Marine. Dès qu'elle sera promulguée, j'établirai un plan stratégique que je vous présenterai à l'automne, lors de la discussion budgétaire pour l'année 2019. Ce plan stratégique devra consolider ce que nous sommes : une marine d'emploi, qui navigue et remporte des succès opérationnels, tout en se modernisant et bénéficiant d'un soutien national et international. En outre, je veux préparer la Marine au combat de haute intensité, qui me semble de plus en plus probable à l'échéance de 2030, et assurer son caractère de pointe, afin de conserver sa supériorité grâce aux évolutions technologiques. Enfin, la question des ressources humaines, cruciale pour garantir l'attractivité de la Marine et y attirer les compétences nécessaires, sera fondamentale dans ce plan stratégique.

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie, Amiral, pour votre présentation. Pouvez-vous nous en dire plus sur le survol peu amical dont la FREMM Aquitaine a fait l'objet ?

Amiral Christophe Prazuck. - Au cours de ces huit derniers mois, ce type d'événement s'est produit à huit reprises. Depuis 2015, un bâtiment de combat de premier rang stationne au large de la Syrie et contribue à notre autonomie d'appréciation de la situation. En fin de semaine dernière, la FREMM Aquitaine a été survolée par un avion de chasse russe, armé, qui avait décollé de la base de Tartous, bien en-deçà des distances de sécurité généralement observées par les autres appareils. Nous avons reporté cet acte qui aurait pu être la source d'un accident.

Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteur du programme 146. - L'effort conséquent de la LPM, qui permet la remontée en puissance de la Marine, est-il complet ? Le dispositif proposé ne comporte-t-il pas des manques que le débat parlementaire serait en mesure également de mettre en exergue ? Par ailleurs, le volet européen, s'agissant notamment de la coopération avec d'autres pays, est très important dans cette loi. Comment analysez-vous le rapprochement avec l'Italie en matière de construction navale ? Enfin, reprenant la question de mon collègue M. Cédric Perrin, le texte de la LPM, en sa page 55, indique, je la cite, que « pour disposer d'un nouveau porte-avions disponible au plus tard avant la fin de vie du Charles de Gaulle, des études seront initiées au cours de la LPM ». Comment interpréter une telle phrase ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteur du programme 178. - La nouvelle programmation ne tire peut-être pas pleinement les leçons de la LPM en cours. Je voudrais vous interroger sur la formation des équipages des FREMM, dont le nombre devrait passer de 5 à 8 d'ici 2025. La préparation opérationnelle des équipages des FREMM était trop limitée à bord en raison du dimensionnement au plus juste des équipages. Elle a donc été conduite à terre au sein des Groupes de transformation et de renfort (GTR) de Brest et de Toulon. La préparation opérationnelle ainsi délivrée vous semble-t-elle complète, du moins suffisante. Vous avez donné des pistes de réflexion sur ces sujets lors de vos précédentes auditions devant le Parlement, ce qui nous conduit à vous poser ces deux questions : d'une part, les résultats des GTR sont-ils satisfaisants et l'avenir de ces structures vous semble-t-il menacé ? D'autre part, les évolutions qui en découleraient, comme le renforcement, voire le doublement des équipages des FREMM, sont-elles bien prévues par la prochaine LPM ?

M . Joël Guerriau, co-rapporteur du programme 212. - Cette prochaine LPM prévoit une augmentation des effectifs de l'ordre de 6000 personnes. Quelle est la part qui serait consacrée à la Marine et à quelle priorité comptez-vous affecter ces nouveaux recrutements ? Je reviendrai sur votre volonté que la moyenne d'âge demeure assez basse dans les équipages de sous-marins. Une telle démarche implique la reconversion des personnels. Quels sont, dans ce domaine, les besoins spécifiques auxquels vous devrez faire face ? Les dispositions de la LPM à cet égard vous semblent-elles suffisantes ?

M . Gilbert Roger, co-rapporteur du programme 212. - Les besoins en infrastructures, avivés par la mise en service des SNA, et en énergie, sont colossaux. Quels sont les principaux chantiers que vous pensez assurés dans la LPM ? Aurons-nous les moyens financiers de mettre en oeuvre cette programmation ? La dotation en équipements ne rendra-t-elle pas financièrement hasardeuse l'amélioration des conditions de vie des marins et, notamment, la mise en oeuvre du plan famille ?

M. Michel Boutant, co-rapporteur du programme 144. - La LPM prévoit la commande d'un bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignements à l'horizon 2025. Quelles sont, selon vous, les raisons d'une programmation aussi tardive ? Ma seconde question portera sur les 1500 postes supplémentaires qui doivent être affectés notamment aux services interarmées de renseignement. Hors ces services spécialisés, dans la Marine, combien de ces postes seront-ils créés ? Comment la fonction renseignement est-elle assurée dans la Marine et les emplois concernés sont-ils fléchés ? Enfin, serait-il envisageable, dans une perspective de fluidité des carrières et de gestion des compétences, d'instaurer une filière « renseignements » au sein des forces armées en appui de la DRM ?

M. Olivier Cadic, co-rapporteur du programme 129. - À Toulon, nous avons rencontré le commandant du Barracuda qui a évoqué la difficulté d'attirer des jeunes recrues. Lors de notre rencontre avec les Parlementaires britanniques sur le suivi des accords de Lancaster House, nos homologues britanniques ne nous ont pas paru sensibilisés à l'importance du lien numérique pour les jeunes générations, à l'inverse, d'ailleurs, de l'attaché militaire du Royaume-Uni. Comment envisagez-vous répondre à un tel problème ? En outre, faut-il prévoir des rémunérations attractives pour pérenniser les équipages ?

M. Ladislas Poniatowski. - Jeudi dernier, notre ministre des armées a reçu son homologue allemande. Or, au cours de cet entretien, la vente des sous-marins à la Pologne n'a pas été abordée. Comme l'a souligné le chef d'état-major des armées, nos différentes armées contribuent grandement au développement des contrats exports. Notre modèle de sous-marin, candidat de Naval Group, a comme principal concurrent le sous-marin allemand. Or, l'Allemagne est commercialement très agressive suite à sa perte du contrat australien. Comme l'on connaît les relations difficiles qu'entretiennent le Président Macron et la Chancelière Merkel avec leur homologue polonais, la Marine polonaise devrait avoir voix au chapitre. Or, celle-ci souhaite acquérir notre sous-marin, et ce, d'autant plus s'il est équipé de nos missiles. Or, les Allemands se permettent de proposer leur bâtiment avec nos propres missiles ! Je trouve scandaleux de ne pas opposer publiquement une fin de non-recevoir à une telle démarche ! Comment comptez-vous défendre ce dossier ?

M. Olivier Cigolotti. - Vous avez évoqué les notions de préparation au combat et de foisonnement technologique. La Marine nationale est une référence pour de nombreux pays européens. Comment, dans ce nouveau contexte, envisagez-vous l'évolution de l'engagement aéronaval ?

M. Philippe Paul. - Une date a-t-elle été fixée pour la construction du prochain bâtiment destiné à remplacer le Charles de Gaulle ? Quel est le nombre de porte-avions projeté ? Le temps ne joue-t-il pas en faveur des drones et, ainsi, au détriment du porte-avions ? En effet, une nouvelle génération de drones, arrimés à des dirigeables indétectables, pourraient à l'avenir se substituer, pour un coût vingt-cinq fois moins élevé, aux porte-avions. A l'inverse, un récent rapport de l'Assemblée nationale préconise la construction de deux porte-avions qui pourrait débuter alors que le Charles de Gaulle est toujours actif. Qu'en est-il ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - La LPM prévoit la création de 6.000 postes supplémentaires pour les armées. Sachant que la moitié profitera au renseignement et à la cyber-défense et qu'une autre partie se répartira entre le soutien aux exportations, les coopérations internationales et européennes, ainsi que les unités opérationnelles, ce nombre répondra-t-il en définitive à vos besoins? En outre, quels sont vos projets pour améliorer les conditions du métier de marin qui semblent parfois difficiles à concilier avec les aspirations familiales des jeunes recrues ?

M. Yannick Vaugrenard. - Quelle coopération future la Marine nationale envisage-t-elle avec ses homologues européens, sachant que la LPM met en exergue la dimension européenne, qu'elle soit économique, politique ou encore financière ? La Marine nationale va intégrer des drones dans son arsenal. A ce stade, avez-vous la possibilité d'intégrer et d'exploiter des drones armés ? En outre, sur le survol de l'Aquitaine par un avion russe, le Conseil de sécurité des Nations unies n'a pu, cette nuit, se déterminer, en raison du véto russe, quant à une intervention éventuelle en Syrie. L'usage de forces conjointes américaines, anglaises et françaises est désormais une option. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la situation des forces françaises dans cette zone ?

M. François Patriat. - Parmi les programmes de coopération à venir figure en particulier la modernisation de la dissuasion nucléaire dans ses deux composantes océanique et aéroportée. Ce programme nécessite une collaboration étroite entre votre commandement et plusieurs services du ministère. Estimez-vous satisfaisante l'organisation actuelle de ces relations ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Quelles sont les perspectives de coopération avec l'OTAN ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Dans votre propos liminaire vous avez fait référence au désordre international croissant et au non-respect du droit international maritime, tout particulièrement en Mer de Chine. Il est probable que celui-ci va s'accentuer. Votre présence maritime anticipe-t-elle une telle évolution ?

Amiral Christophe Prazuck. - Mon premier point de vigilance concerne l'activité et l'entretien programmé des matériels. En attendant que les nouveaux bâtiments et matériels nous parviennent, il va falloir prolonger les matériels existants et garantir le niveau d'activité élevé d'une marine d'emploi, ce qui induit un coût.

Mon deuxième point de vigilance concerne les munitions. Depuis de trop nombreuses années, nos stocks, tant de munitions simples que complexes, comme les Aster ou encore les Exocets, n'ont pas été complétés. Or, la constitution d'une marine de combat implique la rénovation et le recomplètement des munitions.

Nous avons coopéré à plusieurs reprises avec les Italiens, notamment pour la réalisation des frégates de défense anti-aérienne dans le cadre du programme Horizon. Les FREMM, qui sont aujourd'hui les meilleurs bâtiments de chasse aux sous-marins dans le monde, sont également issues de la coopération avec l'Italie. En outre, les nouveaux pétroliers, dont la livraison est prévue par la LPM, seront réalisés à partir d'un design italien. Les Italiens sont ainsi nos partenaires industriels de long terme. À côté de ces coopérations, d'autres domaines industriels, comme la construction des sous-marins nucléaires à Cherbourg ou l'élaboration de systèmes de combat complexes, relèvent directement de l'autonomie stratégique de la France.

Nous sommes allés trop loin dans la réduction des équipages des FREMM, et avons changé la pyramide des âges de leurs équipages. Pour générer des experts, il faut au moins le même nombre de jeunes marins embarqués ! Tout ne s'apprend pas sur les bancs de l'école et il faut que les jeunes marins assurent leur apprentissage à la mer. La formation à terre est d'autant plus importante que les équipages des FREMM sont réduits et ne peuvent par conséquent consacrer les mêmes ressources à l'apprentissage que les équipages plus nombreux des bâtiments d'ancienne génération. Dans mon plan stratégique, je souhaite doubler les équipages de FREMM, à l'instar de ce qui est pratiqué dans les sous-marins, afin de garantir aux équipages de la prévisibilité sur leurs programmes d'activité. Lors des Universités d'Eté de la défense, qui ont eu lieu à Toulon fin août 2017, la FREMM Languedoc n'a pu vous être présentée, puisque, deux jours avant cette manifestation, il m'a fallu la faire appareiller, en rappelant son équipage de permissions, pour faire face à une urgence opérationnelle. La mission de ce bâtiment, qui devait initialement durer une semaine, s'est prolongée un mois et demi. Le Languedoc a magnifiquement travaillé, son équipage peut être fier du travail réalisé, mais je ne peux réitérer sans cesse ce type d'exigence sans fragiliser la fidélisation des marins. C'est pourquoi j'envisage de doubler les équipages des bâtiments les plus sollicités, sans augmenter ni les effectifs ni la masse salariale, grâce à des redéploiements internes. La qualité de maintenance des bateaux et le nombre de jours de mer y gagneront. La préparation opérationnelle des équipages sera également améliorée grâce à l'emploi de simulateurs, à l'instar de ce qui se passe pour les sous-marins.

La Marine devrait obtenir des effectifs complémentaires à hauteur de 1000 marins environ, dont les trois-quarts seront versés au renseignement et à la protection de nos emprises. Ces prévisions me donnent des marges de manoeuvre pour lancer la réorganisation de la Marine et constituer deux équipages par FREMM. Les besoins devraient ainsi être pourvus, grâce à la LPM, jusqu'en 2025.

Nous devons être en mesure d'accueillir de nouveaux bateaux, comme les six « Barracuda » qui vont remplacer les six « Rubis », dont les infrastructures seront conformes aux normes de sûreté de l'industrie nucléaire, lesquelles ont évolué, à la suite du retour d'expérience de la catastrophe de Fukushima. C'est un programme de très grande ampleur qui concerne à la fois Cherbourg, où sont construits ces sous-marins, Brest, où ils peuvent passer régulièrement, ou encore Toulon, où ils sont basés. Ces trois bases doivent ainsi accueillir ces bâtiments en toute sécurité. La réalisation de ce programme devrait s'étaler jusqu'en 2027. En outre, l'accueil des frégates multi-missions, dont les consommations électriques sont plus importantes que celles des frégates des générations antérieures, implique la modernisation des quais. L'ensemble de nos bases, qui ont été reconstruites à l'époque du Plan Marshall, doivent également être modernisées. Je me félicite ainsi que ces grands travaux soient couverts par la LPM.

Il faut parallèlement continuer à travailler sur la qualité de l'hébergement et des conditions d'existence des marins dans les bases navales. Il faut regagner du confort et améliorer la qualité de l'hébergement qui demeure insuffisante.

La Marine ne dispose actuellement que d'un seul bâtiment de renseignements qui est parfois immobilisé pour entretien ou simplement déployé dans une zone d'opérations, tandis que d'autres besoins émergent sur un autre point du globe. De tels bâtiments ne sont pas compliqués à construire ; le Dupuy de Lôme a été conçu aux Pays-Bas. La difficulté réside dans la définition de la charge utile de ces bâtiments, à savoir les technologies de détection et d'écoute dont l'élaboration est plus complexe et prend du temps.

Les gens de ma génération ont du mal à comprendre l'importance accordée au lien numérique. Mais je ne peux que constater que c'est un facteur décisif pour les plus jeunes générations, et je me dois donc d'oeuvrer à réduire cette fracture numérique. Sur les bâtiments australiens, un écosystème internet interne au bord a ainsi été recréé pour que les marins puissent y échanger. Nous travaillons ainsi à la réalisation de dispositifs analogues, dont j'ai pleinement conscience qu'ils sont essentiels à la fidélisation des équipages, même si dans le quotidien La Croix, un article sur l'école des mousses indiquait que les téléphones portables étaient retirés aux élèves durant leur temps de scolarité. Preuve qu'une telle frustration peut être surmontée !

La compétition industrielle ne nous empêche pas de coopérer avec les Allemands. La Marine sera présente à la célébration de la création de la marine polonaise La question des missiles ne relève pas de mes compétences.

Nous constatons depuis plusieurs années une accélération des évolutions technologiques dans le domaine militaire. C'est particulièrement vrai dans le domaine des missiles. Les Russes exportent des missiles S-400 de plus en plus performants. Les futurs missiles, dans les 10 à 15 ans à venir, pourront être tellement rapides que nos radars à antennes tournantes ne pourront pas en pister la trajectoire. C'est pourquoi, de nouveaux radars - fixes, à plaques - sont en cours d'élaboration pour détecter des missiles volant jusqu'à Mach 5. En outre, certaines technologies de furtivité, qui sont également en cours de développement, impliquent la mise en oeuvre d'une veille collaborative créée par la mutualisation des données de l'ensemble des radars d'une force, afin de disposer d'une image globale de son environnement immédiat.

L'interception connaît également une réelle évolution. Certes, les missiles Aster demeurent très performants pour intercepter les missiles supersoniques. Ils peuvent changer de direction immédiatement tout en encaissant le facteur de charge, mais comme toutes les armes, ils possèdent également des limites vis-à-vis de missiles nettement plus rapides. De nouveaux moyens d'interception devront ainsi être élaborés ; en soft-kill et en hard-kill, les armes à énergies dirigées sont également une piste susceptible de répondre à ces évolutions. Parallèlement, la défense de l'adversaire doit être prise en compte. C'est pourquoi un programme franco-britannique FMAN-FMC porte sur la prochaine génération des missiles de croisière et antinavires.

Au-delà des différentes options qui s'ouvrent avec le remplacement du porte-avions Charles de Gaulle, quels en sont les repères ? Personne n'est capable de dire aujourd'hui si le Charles de Gaulle pourra naviguer au-delà de 2037. Tout dépendra de l'usure de ses installations. Alors que le Rubis a pu être prolongé de quelques années, le Saphir, bien que postérieur, ne le sera pas, nous ont indiqué nos analyses techniques. Il faudra juger, dans vingt ans, in situ. Il est donc possible qu'en 2037, le Charles de Gaulle quitte le service. Combien de temps faut-il pour élaborer et construire un porte-avions ? Dix-neuf ans ont été requis pour le Charles de Gaulle, dix-sept pour le Queen Elizabeth. Il est donc temps de s'y mettre ! C'est ce que, du reste, la LPM prévoit et au terme des études que nous conduisons avec l'état-major des armées et la direction générale de l'armement, nous disposerons des éléments nécessaires à une prise de décision.

M. Christian Cambon, président. - Comment expliquez-vous le rythme de construction dynamique de la marine chinoise ?

Amiral Christophe Prazuck. - Les Chinois ont été aidés par les Russes qui leur ont donné leur précédent porte-avions. Le Liaoning est un ancien porte-avion russe qui possède un tremplin. Pékin souhaite désormais disposer de porte-avions analogues à ceux des Américains qui déplacent 110.000 tonnes et disposent de catapultes électromagnétiques. Comment y parviennent-ils ? Le Livre blanc de l'armée chinoise de 2015 consacre la Marine comme priorité stratégique. L'investissement naval chinois permet de construire l'équivalent de la Marine française en quatre ans. C'est là une priorité politique tout comme l'était en France, au début des années 60, la création de la Force océanique stratégique (FOST) qui aura nécessité seulement douze années de travaux titanesques, au terme d'une réorganisation militaire et industrielle, pour construire nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, leurs missiles, et les infrastructures de l'Ile Longue. Il est toujours possible, au prix d'un effort budgétaire majeur, d'accélérer des programmes considérés comme essentiels pour la Nation. C'est manifestement le cas de la marine chinoise.

La question du porte-avions est avant tout liée à la mobilité stratégique, par exemple pour répondre au nomadisme des crises. La question principale n'est donc pas de savoir si les avions seront pilotés ou non, mais d'en disposer à proximité des zones de crise à bord d'un porte-avions.

Le passage des FREMM à deux équipages procède d'une exigence stratégique. Il me faut offrir de la prévisibilité dans une marine d'emploi où l'appareillage des bateaux peut s'effectuer sans préavis, afin de fidéliser les marins. Il faut sans doute aussi mieux payer les équipages -c'est l'objet de la NPRM- et s'occuper davantage de leur famille.

Certaines missions, comme Atalante, dans l'océan Indien, sont effectuées en coopération. Cependant, nous pourrions donner un cadre plus européen aux opérations que nous conduisons dans le Golfe de Guinée, où agissent également les Espagnols et les Portugais. Un cadre européen nous permettrait de rassembler nos énergies, à l'instar de l'opération Eunavfor Med (Sophia) en Méditerranée centrale menée face au drame des migrations massives. La France a émis un certain nombre de propositions destinées à rassembler les Européens. Ce sujet est toujours en débat. Pour la marine, cette coopération pourrait concerner la surveillance maritime en recourant à l'intelligence artificielle pour distinguer, parmi le flot de milliers de données échangées dans l'environnement maritime, celles qui révèlent des comportements anormaux, Nous pouvons également travailler sur les capacités d'entrée en premier depuis la mer, autour de moyens amphibies ou de porte-avions, en cherchant à agréger nos partenaires européens. Je leur ai d'ailleurs proposé de participer au prochain déploiement opérationnel du Charles de Gaulle courant 2019, comme ils l'avaient fait en 2016. Les premières réponses de mes homologues sont encourageantes, mais je ne pourrai vous en parler qu'en septembre prochain.

Notre présence maritime en Mer de Chine a été justifiée par M. Jean-Yves Le Drian, alors Ministre de la Défense, à Singapour lors du dialogue de Shangri-La. La France, qui dispose de la deuxième zone économique exclusive mondiale, a vocation à s'exprimer sur la consolidation du droit maritime international qui se trouve remis en cause en Mer de Chine méridionale. Cette déclaration a été suivie d'effet ; entre six à dix fois par an, un bâtiment français navigue depuis lors en mer de Chine méridionale afin de faire prévaloir le droit maritime international. Ces mouvements ne passent pas inaperçus, tant auprès nos partenaires chinois qui nous suivent sans agressivité, que des pays voisins qui constatent que la France était jusqu'à très récemment le seul pays européen présent dans ces eaux. Dans cette région du monde, nous avons des partenaires importants comme l'Australie la Malaisie ou l'Indonésie. La LPM va nous permettre de poursuivre cette action qui répond aux attentes de nos partenaires. Cette présence dans le Pacifique Ouest doit être reliée à notre positionnement permanent, depuis plus de cinquante ans, dans le Nord de l'Océan indien. La marine chinoise couvre également cette zone s'étalant entre le Pacifique occidental et l'Océan indien, avec la nouvelle base créée à Djibouti, la présence très importante de bâtiments de combat chinois depuis la partie Ouest de l'Océan indien et jusqu'en Méditerranée. Nos déploiements prennent ainsi en compte cette nouvelle donne stratégique.

M. Christian Cambon, président. - La France est en effet très attendue dans cette région où, avec notre collègue Marie-Françoise Perol-Dumont, nous avons effectué une mission. Je vous remercie, Amiral, de votre intervention et de vos réponses à nos nombreuses questions. Nous avons bien noté votre enthousiasme pour la prochaine LPM et la nécessité de définir un plan stratégique précis qui la décline, afin que la Marine puisse retrouver les moyens de remplir ses missions. Merci enfin de nous avoir accueillis à Toulon en décembre dernier où nous avons pu découvrir le chantier pharaonique du Charles-de-Gaulle. Nous sommes d'ailleurs toujours prêts à vous rendre visite pour réaffirmer le soutien de notre commission à nos forces navales et pour mieux comprendre les défis qui sont les vôtres et que vous nous avez exposés ce matin.

Amiral Christophe Prazuck. - Merci Monsieur le Président. Vous êtes tous les bienvenus à bord !

Général André Lanata
Chef d'état-major de l'Armée de l'air
4 avril 2018

M. Christian Cambon, président . - Mon Général, je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui dans le cadre de nos auditions préparatoires à l'examen de la loi de programmation militaire (LPM).

Nous savons quels efforts l'Armée de l'air a dû consentir pour être aux rendez-vous de ses missions dans le contexte de la LPM encore en cours.

La suractivité, au-delà des contrats opérationnels, a eu des conséquences lourdes sur la disponibilité des matériels et sur la formation et la qualification des pilotes. Elle a également mis en évidence des fragilités capacitaires : transport - avec les difficultés de l'A400M -, ravitaillement - vivement l'arrivée des MRTT ! -, hélicoptères...

Vous avez plaidé pour une augmentation du format de notre aviation de chasse ; qui n'a pas été obtenue. Pourtant, le projet de LPM vous convient, d'où ma question : en quoi la loi de programmation militaire est-t-elle bonne pour l'armée de l'air ?

Va-t-elle répondre à l'usure du modèle et à quelle échéance ? L'évolution minime des contrats opérationnels laissera perdurer une dépendance vis-à-vis des capacités alliées dans certains domaines...

Conserver la maîtrise de l'air et notre aptitude à entrer en premier et de façon autonome sur un théâtre d'opérations est un enjeu de défense majeur pour les années à venir. La LPM permet-elle de répondre au développement des stratégies de plus en plus efficaces de déni d'accès aux espaces aériens et à la dissémination de ces capacités désormais mises en oeuvre par des acteurs régionaux ?

Vous l'avez compris, notre principale préoccupation est de comprendre si cette LPM, de rattrapage, peut être améliorée dans certaines de ses composantes. Notre sentiment est qu'elle va dans le bon sens, mais nous nous interrogeons sur le calendrier tardif des livraisons, en particulier des Rafales, connaissant les besoins dans de nombreux domaines (ravitaillement, transport, etc).

Général André Lanata, chef d'état-major de l'Armée de l'air. - Je suis très heureux d'être à nouveau parmi vous ce matin à l'heure où se dessine un virage important pour nos armées, et en particulier pour l'armée de l'air.

Permettez-moi de commencer par rendre hommage à nos blessés et à nos disparus ainsi qu'à leurs familles. J'ai bien évidemment une pensée émue et admirative pour le Colonel Arnaud Beltrame dont le sacrifice a affecté la France entière il y a quelques jours.

Ce drame nous rappelle qu'au-delà des considérations techniques qui vont être les nôtres sur cette loi de programmation, il y a, avant tout, des hommes et des femmes qui ont fait le choix de servir, un service dont ils savent qu'il peut aller jusqu'au sacrifice de leur vie.

Je sais l'appui de votre commission et connais la qualité des travaux qu'elle conduit, pour faire face aux enjeux sécuritaires auxquels notre pays est confronté et je tiens à vous en remercier. Je connais également votre attachement aux hommes et aux femmes de l'armée de l'air, que vous avez pu rencontrer il y a quelques semaines lors de votre déplacement sur la base aérienne de Saint-Dizier. Je peux vous assurer qu'ils sont très sensibles à ces visites qui témoignent de votre reconnaissance de leur engagement.

L'élaboration d'une loi de programmation militaire constitue toujours un moment important pour notre communauté de défense. Elle permet de mettre en cohérence les moyens militaires avec l'ambition décidée par le président de la République à la suite de la revue stratégique, selon une programmation pluriannuelle des ressources que la nation entend consacrer à sa sécurité. Elle traduit ainsi l'engagement de la nation dans un choix souverain, adressé autant aux Français qu'au monde entier, à nos alliés, à nos partenaires, mais aussi à nos rivaux et à nos adversaires.

Ce projet de loi de programmation 2019 - 2025, historique, est le premier, depuis de nombreuses années, à ne pas s'inscrire dans une logique de déflation. Je ne vous cacherai pas ma satisfaction au vu du résultat des travaux de programmation, qui traduit la volonté du président de la République d'une remontée en puissance de notre système de forces.

Les aviateurs ont pleinement conscience de l'effort que la Nation consent aujourd'hui à sa Défense. Ils sauront mobiliser leurs capacités d'adaptation pour exploiter au mieux les ressources qui leurs sont confiées. Car ces ressources inscrivent l'armée de l'air sur la voie de la régénération et de la modernisation, et permettent aux hommes et aux femmes de l'armée de l'air de regarder l'avenir avec confiance.

Lors de notre dernière rencontre, j'avais évoqué avec vous le contexte dans lequel s'inscrivaient ces travaux, pour en éclairer les enjeux. D'une part, deux LPM consécutives sous fortes contraintes budgétaires, ont conduit à des réductions temporaires de capacités et des reports de modernisation induisant un inéluctable vieillissement de nos équipements et de nos infrastructures. Sur le terrain, ces mesures s'étaient également traduites par une diminution des stocks de rechange et de munitions, ainsi qu'une limitation de l'activité aérienne.

D'autre part, la dégradation du contexte sécuritaire a conduit à une augmentation de nos opérations qui s'ajoutait au socle de nos missions permanentes de dissuasion nucléaire, de protection de l'espace aérien national, d'appui aux services publics ou de présence et d'influence partout dans le monde. J'inclus ici les actions de soutien aux exportations du Rafale qui résultaient de nos choix de programmation et qui représentent une mission à part entière.

Vous le savez, cette situation a généré une usure et des déséquilibres de notre modèle. C'est pourquoi il convient aujourd'hui de restaurer la soutenabilité de nos engagements opérationnels tout en accélérant la modernisation de nos équipements.

Pour relever ces défis, le président de la République a arrêté une « Ambition 2030 » pour nos armées. Il s'agit de disposer d'un modèle d'armée complet et équilibré, capable d'agir dans la durée, sur l'ensemble du spectre des missions, condition de l'autonomie stratégique de la France.

Qu'est-ce que cela signifie pour l'armée de l'air ?

C'est d'abord disposer à cet horizon, d'une composante nucléaire aéroportée crédible exploitant ses atouts spécifiques comme la précision, l'agilité, la capacité de pénétration ou le caractère démonstratif qui permet le dialogue dissuasif. C'est aussi assurer, contre tout type de menace, la posture permanente de sureté aérienne, qui sanctuarise depuis plus de 50 ans notre espace aérien national et ses approches.

Tout en assurant la pérennité de ces deux missions fondamentales pour la sécurité de notre pays, il s'agit également d'être capable d'intervenir en permanence, sous faible préavis et dans la durée, partout où la situation l'exige. Cela suppose d'une part de disposer d'une capacité d'appréciation autonome de situation - je vous invite à constater la place centrale qu'occupe dans ce domaine le renseignement aéroporté - d'être capable d'entrer sur un théâtre d'opérations pour intervenir, de projeter, de soutenir et d'assurer la mobilité de nos forces loin du territoire national, à partir de nos bases aérienne de métropole ou prépositionnées.

Cette ambition requiert un niveau de modernisation de nos équipements permettant de faire face à l'évolution des menaces. Acquérir puis conserver la maitrise de l'air apparait à cet égard déterminant à l'heure où nos adversaires développent des stratégies de déni d'accès. L'évolution des conditions d'engagement de nos aéronefs en Syrie illustre une évidence : celle d'espaces aériens de plus en plus contestés. Il y a quelques semaines un avion de chasse russe puis un F16 israélien ont été abattus.

Je crois en définitive que nos adversaires ou nos rivaux ont compris l'avantage que nous tirions de notre puissance aérienne. Il y a là un enjeu de défense majeur pour les années à venir.

Cette ambition nécessite également de disposer d'une « épaisseur organique » suffisante. Il s'agit d'hommes et de femmes suffisamment entraînés, de capacités de régénération, de stocks de munition, d'une logistique et d'une infrastructure adaptées sur nos bases aériennes, etc.

L'ensemble de ces éléments de contexte ou d'aptitudes à détenir constitue à mon sens la grille de lecture pour apprécier ce projet de LPM.

Après des années de déflations qui ont usé notre dispositif et généré des lacunes, ce projet apporte une inflexion historique à l'effort consacré à la Défense.

La LPM fait aujourd'hui le choix d'accélérer la régénération et la modernisation de nos forces, ainsi que d'une évolution ciblée de nos contrats opérationnels et ce faisant, de nos formats : aviation de transport, ravitaillement en vol, aviation de surveillance, chasse.

Pour atteindre ce niveau d'ambition nouveau, la LPM prévoit une augmentation importante de l'effort budgétaire. Sur la période 2019-2023, les ressources des armées augmenteront ainsi de près d'un quart (+23%) par rapport à la LPM en vigueur, avec un effort marqué au profit des équipements, de la modernisation et de la préparation de l'avenir (+34%), et des crédits d'entretien programmé des matériels aéronautique (+33%). Cet effort illustre une remontée en puissance équilibrée sur les deux axes que sont la réparation et la modernisation de nos forces aériennes.

Atteindre cette ambition suppose bien évidemment une exécution stricte de la loi de finance pour 2018, puis une mise à disposition conforme des ressources tout au long de la LPM. C'est pourquoi je me félicite des mécanismes visant à assurer la sincérité, propres à réduire les risques pesant sur l'exécution de cette LPM.

Sur la base de cette trajectoire financière, la modernisation des équipements de l'armée de l'air aura sensiblement progressé en 2025.

Concernant la composante nucléaire aéroportée (CNA), dont le renouvellement a été décidé par le président de la République, la modernisation se poursuivra tout au long de la LPM : passage au tout Rafale cet été et retrait des MIRAGE 2000N, rénovation du missile ASMPA et arrivée du standard F4 du Rafale à l'horizon 2025.

Parallèlement, les études portant sur le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée, qui doit intervenir après 2030, se poursuivront. Ces études visent à permettre au président de la République de faire un choix d'ici à 2021 sur les différentes options envisageables afin de garantir la pérennité donc la crédibilité de cette composante.

Les forces aériennes stratégiques bénéficieront également du renouvellement des ravitailleurs C135 avec la montée en puissance de la flotte de MRTT PHOENIX. La LPM prévoit l'accélération des livraisons de MRTT et une augmentation de la cible à 15 appareils, soit une hausse de 25%. Vous vous souvenez certainement que j'avais appelé votre attention sur cette question qui constituait une préoccupation compte tenu des risques excessifs que faisait peser l'âge de la flotte C135. C'est pourquoi je me félicite de ce choix.

Il en va de même de celui opéré au profit du renseignement aérospatial, où l'armée de l'air bénéficiera d'un très net renforcement de ses moyens, gage d'une meilleure capacité d'anticipation et d'appréciation de situation pour notre pays, et incidemment d'un renforcement de la fonction prévention.

Les prochaines livraisons de Reaper en 2019, puis l'arrivée de drones MALE européen à partir de 2025, permettront de multiplier par quatre nos capacités sur le segment des drones de surveillance de longue endurance à l'horizon 2030. Afin d'accompagner cette montée en puissance du segment MALE dans l'armée de l'air, j'ai décidé de la création d'une escadre de surveillance sur la base aérienne de Cognac à partir de l'été 2019, dans la cadre du nouveau plan stratégique qui accompagnera cette LPM ; j'y reviendrai.

A l'horizon 2030, l'armée de l'air disposera également de huit avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) - ce qui revient à en quadrupler la cible - et de trois aéronefs de renseignement électromagnétique, dans le cadre du programme CUGE, porté par des avions Falcon, en remplacement des deux Transall Gabriel. A quoi s'ajoute, en parallèle, la modernisation des moyens de surveillance de l'espace exo-atmosphérique.

Dans le domaine de la mobilité, la remontée en puissance de notre aviation de transport tactique se poursuivra, avec la poursuite des livraisons d'A400M et de C130J, puis la rénovation des C130 H. Vingt-cinq A400M et quatre C130 J auront été livrés en 2025. Ces améliorations sont toutefois conditionnées par l'amélioration de la disponibilité et des fonctionnalités tactiques des A400M.

Sur le segment des hélicoptères, le renouvellement de nos capacités interviendra d'ici à la fin de la prochaine décennie avec le remplacement des hélicoptères de manoeuvre PUMA, dont la commande interviendra en 2023, et des hélicoptères légers FENNEC (HIL).

Concernant l'aviation de combat, l'ensemble des dispositions de la LPM permettront d'atteindre un format modernisé de 185 avions de combat polyvalents au-delà de 2030. Je pense notamment à la reprise des livraisons de Rafale à partir de 2022 et à la commande d'une tranche supplémentaire en 2023, à l'arrivée d'un nouveau standard de Rafale, à la rénovation des M2000D et au lancement des travaux relatifs au renouvellement de la CNA. Notre modèle d'aviation de combat reposant sur la pleine exploitation de la polyvalence du Rafale, nous conserverons dans les années à venir un format supérieur, d'environ 210 appareils.

Afin de renforcer l'efficacité opérationnelle et la cohérence de notre aviation de combat, un effort sera également fait sur les munitions et sur les équipements de mission.

Cette LPM sera enfin et surtout marquée par les ambitieux travaux visant à étudier l'architecture puis à lancer le développement du futur système de combat aérien dans le cadre d'une coopération européenne. Il s'agit d'un chantier d'une importance majeure, car la question du futur de notre aviation de combat est un sujet stratégique pour notre défense et notre pays. L'aviation de combat constitue en effet un marqueur de puissance et un enjeu de sécurité.

J'observe que les aviations de combat interviennent de façon décisive dans toutes les crises et pèsent sur les rapports de force entre les puissances, comme l'illustrent les derniers évènements en Syrie. J'observe également que toutes les grandes nations investissent massivement dans des capacités de dernière génération. La France a un rôle à jouer dans cette compétition stratégique. Aussi, je me félicite que le projet de LPM prenne la mesure des enjeux liés au futur de notre aviation de combat et initie ces travaux essentiels.

Les équipements sont une chose, importante pour une armée technologique comme l'armée de l'air, mais ils n'ont aucun sens sans les hommes et les femmes qui les mettent en oeuvre. A cet égard, l'activité et le fonctionnement sont des domaines sensibles car ils ont un impact immédiat sur le niveau de préparation des forces et sur le moral du personnel.

La LPM prévoit une augmentation de l'activité aérienne d'environ 2,6% par an, avec un effort particulier sur l'activité transport et ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance). Cette tendance permettra de rejoindre progressivement les normes d'activité en vigueur.

Cet objectif est au coeur du chantier relatif à la mise en condition opérationnelle (MCO) de nos aéronefs lancé par notre ministre.

La situation dans laquelle nous nous trouvons résulte d'une multitude de facteurs - opérationnels, organisationnels, industriels - mais aussi de choix de programmation et d'une inadéquation, dans les LPM précédentes, des ressources aux besoins d'activité, opérations comprises. Aussi je salue l'augmentation sensible des ressources consacrées à l'entretien programmé des matériels dans ce projet de LPM. Avec une augmentation de 33% en moyenne de ces crédits, nous nous mettons en mesure de corriger la situation.

La création de la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et les évolutions décidées récemment par la ministre des Armées constituent le pendant organisationnel visant à rationaliser la MCO aéronautique. Je pèserai de tout mon poids pour accompagner, à mon niveau, cette réforme ambitieuse décidée par notre ministre afin qu'elle porte les fruits attendus. Sa réussite est capitale car elle conditionne notre niveau de préparation opérationnelle.

Grâce à ces deux volets, j'estime que l'objectif d'une recapitalisation des savoir-faire critiques de nos équipages est atteignable à l'horizon 2023.

S'agissant des ressources humaines, la situation délicate dans laquelle se trouve l'armée de l'air résulte des excès des déflations des deux LPM précédentes.

Alors que l'armée de l'air a absorbé, à elle seule, 50 % des déflations de la LPM en vigueur, j'ai besoin de réparer ces excès, en portant une attention aux spécialités que cette situation a placées en difficulté : personnel mécanicien et naviguant, forces spéciales, contrôleurs aériens, spécialistes du commandement et contrôle, du renseignement, de la sécurité protection, des systèmes d'information, etc.

Il faudra aussi couvrir dans le même temps les besoins nouveaux résultant des choix de ce projet de LPM : augmentation des formats d'équipement, renforcement des forces de présence et de souveraineté, domaines cyber et spatial, etc.

En définitive, j'ai besoin de réduire les tensions issues de ces déficits humains pour maîtriser les conséquences qui en résultent sur la capacité de l'armée de l'air à durer. Elle doit pour cela fidéliser son personnel et garantir une attractivité suffisante pour pérenniser ses capacités opérationnelles. L'enjeu est tout simplement de maîtriser les équilibres du modèle des ressources humaines de l'armée de l'air.

Le projet de LPM prévoit une augmentation des effectifs du ministère de 3 000 postes sur la période 2019-2023, ce qui constitue une inflexion remarquable alors que l'Etat cherche à réduire les effectifs de la fonction publique. J'y vois également la reconnaissance des tensions dont je vous avais fait part. Aujourd'hui, le travail se poursuit au sein du ministère pour ventiler cette ressource entre les différents employeurs. En outre, vous savez que Mme la Ministre a décidé de lancer une revue des effectifs au sein du ministère.

En fonction des arbitrages rendus et du séquencement des augmentations d'effectifs dont l'armée de l'air bénéficiera, je serai en mesure de dire quels sont les leviers d'action qu'il sera nécessaire de mobiliser en interne et que je pourrais être amené à proposer à notre ministre. En toutes hypothèses, je continuerai de rechercher toutes les solutions envisageables afin de maîtriser ces équilibres.

L'amélioration de la condition du personnel y contribuera à l'évidence. C'est pourquoi je me félicite des efforts déjà réalisés avec le plan d'amélioration de la condition du personnel, le protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations ainsi que le plan famille, que nous devons à l'initiative de notre ministre.

L'augmentation des ressources consacrées à l'infrastructure et aux soutiens aura également un effet positif, tout comme les orientations en cours d'étude visant à donner davantage d'autonomie à nos commandants de base aérienne.

Cette LPM « à hauteur d'homme » fait de la condition du personnel un enjeu central de l'efficacité de notre système de combat. J'en suis pleinement satisfait car je sais combien les aviateurs et leurs familles y seront sensibles. Je sais aussi combien leur moral contribue à leur efficacité au combat. En définitive j'estime que l'enjeu des ressources humaines de l'armée de l'air est le plus important pour les années à venir.

Ce projet de LPM est ambitieux pour nos armées et pour l'armée de l'air en particulier. Il porte la double ambition de redonner aux aviateurs les moyens de réussir leurs missions dans la durée et de préparer l'avenir, pour permettre, demain, à la France de tenir son rang. En ce sens, il constitue une réponse adaptée à l'ambition définie par le président de la République. Il envoie un message très positif aux hommes et aux femmes qui ont choisi de servir leur pays.

Cette LPM représente un effort sans précédent de la Nation pour son armée, un effort dont j'estime qu'il m'oblige ainsi que tous les aviateurs avec moi. Je sais aussi que la dynamique qui s'amorce demandera de la persévérance, car les cycles sont longs. C'est vrai de la mise en condition opérationnelle, cela l'est aussi pour les ressources humaines ou encore des équipements. On ne répare pas 20 ans de sous-investissements et de déflations en quelques mois.

Aussi, j'estime également indispensable d'accompagner la dynamique positive portée par cette LPM dans une démarche volontariste, responsable et innovante. C'est pourquoi je lancerai prochainement un nouveau plan stratégique, qui permettra d'assurer la cohérence entre les nombreux chantiers de modernisation initiés par notre ministre ou internes à l'armée de l'air, de marquer un changement d'état d'esprit, et de mobiliser les énergies pour relever les défis que je vous ai présentés.

Il me paraît surtout essentiel de donner un cap et une vision claire de l'avenir aux aviateurs. Aussi, les hommes et les femmes de l'armée de l'air seront à la fois l'enjeu, le coeur et le moteur de ce nouveau plan stratégique qui accompagnera la remontée en puissance de notre outil de défense.

Je veux vous redire, pour finir, ma fierté d'être à la tête d'une armée de l'air et d'aviateurs qui se transforment et qui réussissent en opérations. J'aurais à coeur, dans l'année à venir, de poursuivre ces évolutions dans le cadre de ce plan de transformation qui renforcera l'efficacité de la LPM, afin de maintenir l'armée de l'air dans le groupe des armées de l'air de premier rang. Vous pouvez compter sur ma détermination, l'énergie et l'enthousiasme des aviateurs.

M. Cédric Perrin, corapporteur pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». - D'abord, je voudrais vous remercier pour la visite que nous avons effectuée à Saint-Dizier, qui a été très utile.

Pouvez-vous nous parler de la montée en puissance du drone moyenne altitude longue endurance (MALE) ? La coupe budgétaire de 850 millions d'euros de juillet dernier avait affecté la mise en place de la charge utile « Renseignement électromagnétique » sur le Reaper block 5, qui doit être livré en 2019. Le délégué général pour l'armement, ce matin, nous a parlé de la montée en puissance des capacités de drones avec la mise en service des avions légers de surveillance et de reconnaissance et des Reaper. Les promesses seront-elles tenues ? Où en sommes-nous de l'armement de nos drones ? Je crains que nous n'allions pas assez vite. Or il est parfaitement possible d'armer les drones MALE avec des missiles Hellfire, avant 2021.

Où en est le système de combat aérien du futur ? Quelles perspectives la LPM trace-t-elle en la matière ?

Vous avez évoqué une augmentation de 3 000 hommes dans le cadre de la LPM, sans nous dire si l'armée de l'air serait concernée... Or son modèle de gestion des ressources humaines dépend d'une hausse des effectifs. À l'horizon 2022, une augmentation de deux fois mille cinq cent personnes est prévue en cas de retour à meilleure fortune de l'économie nationale : cette bosse financière rend nécessaire une clause de revoyure. Mais si les effectifs de l'armée de l'air n'augmentaient pas, quels risques encourrait-on ?

L'issue des guerres du futur dépendra largement de la capacité à mettre hors d'état de nuire les satellites de l'adversaire. La LPM répond-elle aux enjeux de surveillance de l'espace ?

Mme Hélène Conway-Mouret, corapporteure pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». - Le contrat opérationnel prévu dans la LPM est beaucoup plus précis que dans les précédentes lois de programmation. Est-il conforme aux capacités présentes et à venir de l'armée de l'air ? Si nous ne l'appliquons pas seuls, sur lesquels de nos partenaires pourra-t-on compter ?

Sur les 700 millions d'euros, qui atteindront à terme un milliard d'euros, consacrés à la recherche et développement, de combien disposera l'armée de l'air par rapport à l'armée de terre et à la marine ? Comment ces crédits seront-ils utilisés ?

M. Gilbert-Luc Devinaz, qui était en mission à Djibouti, me charge de vous demander ce que prévoit la LPM pour renforcer les bases aériennes à l'extérieur. Un plan d'action est-il envisagé ?

M. Jean-Marie Bockel, corapporteur pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Je vous remercie à mon tour pour la visite de Saint-Dizier, qui était un moment fort.

L'érosion de la disponibilité technique opérationnelle des hélicoptères ou des avions de transport est regrettable. Des réformes sont enfin en cours pour y remédier. Les crédits d'entretien programmé des matériels augmenteront de 25 % en moyenne annuelle entre les deux LPM sur la période 2019-2023. Cela devrait améliorer leur disponibilité, sous réserve d'une meilleure prise en compte des charges induites par le soutien aux exportations de défense. Quel est, justement, le niveau des charges induites par le soutien à l'exportation entre 2019 et 2023 ? À combien estimez-vous l'augmentation des coûts de MCO dans l'aéronautique, qui pourraient largement réduire les efforts budgétaires consentis, sur cette période ? Quels objectifs de remontée de la disponibilité technique opérationnelle des principales flottes sous-tendent la construction de la LPM, notamment pour 2021, 2023 et 2025 ?

Mme Christine Prunaud, corapporteure pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Vous nous avez présenté cette LPM avec satisfaction ; la considérez-vous comme une loi de rattrapage des lois de programmation précédentes ?

Avec le projet Formation modernisée et entraînement différencié des équipements de chasse (Fomedec), l'armée de l'air devait avoir recours à un entraînement différencié de ses pilotes de chasse, répartis en deux cercles distincts. La mise en oeuvre de ce projet a toutefois pris du retard, qui pourrait obérer la capacité de l'armée de l'air à atteindre enfin la norme d'activité individuelle de 180 heures de vol par pilote de chasse en 2020. Compte tenu en outre du sur-engagement opérationnel, il n'a pas été possible de prélever, sur les 290 pilotes des escadrons de chasse, les 50 pilotes qui devaient armer le deuxième cercle. Les 290 pilotes se sont donc partagé une activité globale qui ne leur a permis de réaliser que 163 heures de vol en moyenne en 2016 et sans doute 164 heures en 2017. Pouvez-vous nous expliquer les raisons du décalage de la mise en place de Fomedec ? Que faut-il faire pour atteindre l'objectif d'activité fixé en 2020 ? Les pilotes pourront-ils suffisamment s'entrainer en 2018 pour être enfin opérationnels ?

M. Joël Guerriau, corapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - La LPM prévoit une augmentation de 6 000 militaires en équivalent temps plein. Vous nous avez dit ne pas connaître le chiffre précis des effectifs supplémentaires qui vous seraient affectés, mais pouvez-vous l'estimer ? Dans quels domaines faudrait-il renforcer les moyens ? De quelles marges de manoeuvre souhaitez-vous disposer pour relever les défis de gestion des ressources humaines - répondre au problème du dépyramidage par exemple -, et en quoi la LPM peut-elle y contribuer ?

M. Pascal Allizard, corapporteur pour avis du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Mes questions portent sur la fonction renseignement. Pour l'heure, nous louons nos avions légers de reconnaissance et de surveillance. Un contrat a été signé pour deux appareils, livrables respectivement à la fin 2018 et en 2019, plus un en option. Or un rapport annexé à la LPM précise que notre capacité sera de deux avions en 2025 : est-ce à dire qu'il n'y aura pas d'acquisitions nouvelles pendant cette période, en dépit de l'objectif de disposer de huit appareils d'ici à 2030 ?

Pouvez-vous nous faire un point sur le remplacement des deux C160 Gabriel qui seront en fin de vie en 2023 ? La LPM ne prévoit la livraison que d'une charge utile de guerre électronique (CUGE) pour les Falcon entre 2019 et 2025. Sera-t-on prêt d'ici à 2023 ? L'Ambition 2030 prévoit-elle bien l'acquisition de 3 CUGE ?

Les crédits destinés aux études avancées passent de 700 millions d'euros à 1 milliard d'euros. Est-ce suffisant pour couvrir les besoins, y compris s'agissant de la protection de l'espace exo-atmosphérique ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. - Vous avez évoqué la question de la disponibilité des aéronefs, notamment des hélicoptères. Nous espérons que la réforme organisationnelle, dotée des moyens correspondants, portera ses fruits. Quelle place fera-t-elle au service industriel de l'aéronautique ? Celui-ci pourra-t-il acquérir les liasses de plans de manière plus systématique ? Intervenir sur un A400M sans disposer de son mode d'emploi n'est pas chose aisée...

M. Olivier Cigolotti. - Vous pourriez apparaître comme un chef d'état-major plutôt comblé. Vous avez annoncé la fin du Mirage 2000N en 2018, la fin du mirage 2000C en 2021, compte tenu de la montée en puissance du Rafale et la modernisation du Mirage 2000D. Mais le rapport annexé à la LPM manque de précision : en 2025 par exemple, il prévoit 253 appareils disponibles, dont 171 Rafale et 55 Mirage 2000D. Où sont les 27 appareils restants ? Quel serait pour vous le format minimum ? Vous avez évoqué le chiffre de 215 appareils. Vous insistez en outre sur la polyvalence de ces appareils : quelle montée en puissance envisagez-vous ?

M. Richard Yung. - L'affaire du A400M a été longue et douloureuse. De combien d'appareils aurait-on besoin en 2022 ou 2023 ? Dans les guerres modernes, on sait bien que la capacité de se transporter est devenue centrale. Êtes-vous désormais satisfait de cet appareil sur le plan technique ?

Vous avez évoqué l'aviation de combat du futur - qui reste un peu mystérieuse pour moi - et la coopération européenne en la matière : où en est-elle ? Que fait-on avec les Anglais ou les Allemands ?

M. Philippe Paul. - Vous n'avez pas évoqué la livraison d'avions Rafale. Il y a plusieurs années, alors que les ventes à l'étranger s'accéléraient, j'avais demandé au ministre Jean-Yves Le Drian si cela ne nuisait pas aux livraisons à l'armée de l'air française ; il m'avait répondu que le programme de livraison serait maintenu. Vous avez dit devant l'Assemblée nationale qu'aucune n'était prévue d'ici à 2020. Or j'ai lu dans le numéro du 15 mars dernier d'Air et cosmos qu'Éric Trappier confirmait la livraison de trois Rafale en 2018. Bref, on s'y perd. L'armée de l'air française est-elle, oui ou non, sacrifiée sur l'autel de l'export ?

M. Ladislas Poniatowski. - Nous avons rencontré nos aviateurs à Saint-Dizier, ainsi qu'à Niamey. Il était très intéressant d'avoir leur point de vue.

Le problème des heures d'entraînement a toujours été crucial, plus encore pour les pilotes que pour les autres militaires. Combien de pilotes supplémentaires représente l'augmentation de 3 000 soldats prévue par la LPM, et surtout, qu'implique-t-elle en termes d'entraînement ? La corrélation pourra bien être négative...

J'ai été frappé par le marché très lucratif passé par Dassault avec les Américains, qui prévoit la transformation et la revente d'une bonne soixantaine de Mirage F1 aux Américains pour permettre aux pilotes de F16, F17 et F35 de s'entraîner. Autrement dit, leurs pilotes plus performants techniquement s'entraînent sur - je n'ose le dire - nos vieilles machines. Pourquoi ce qui est bon pour les pilotes américains ne le serait-il pas pour nous ?

Général André Lanata . - Les vieux avions que les Américains achètent pour les remettre en ligne de vol leur servent de plastrons dans le cadre de l'entraînement de leurs appareils de dernière génération. Ces unités que nous appelons Red Air dans notre jargon leur servent ainsi de menaces réalistes simulant un combat aérien avec un pays tiers. Nous procédons d'ailleurs de même avec des Alpha Jet, qui servent de plastrons à nos Rafale, ce qui permet d'économiser des heures de vol de Rafale.

Les trois Rafales livrés cette année correspondent en réalité au retour de trois des six avions prélevés sur les chaînes françaises pour les prêter à l'Égypte au plus vite dans le cadre du marché conclu avec elle. L'équilibre de la précédente LPM reposait en effet en partie sur l'export. Les livraisons suivantes - 27 avions pour l'armée de l'air, un pour la marine nationale - s'échelonneront entre 2022 et 2024. Il faudra passer une nouvelle commande de Rafale avant la fin de la période couverte par la LPM afin de pallier le retrait des Mirage 2000-5. Le format de 185 avions de chasse polyvalents dans l'armée de l'air défini par l'Ambition 2030 ne sera rejoint qu'à l'horizon du retrait des Mirage 2000D. À l'horizon 2025, l'aviation de chasse sera composée de 171 Rafale, dont 42 Rafale Marine, 55 Mirages 2000D rénovés et du reliquat de Mirage 2000-5, soit au total, les 253 appareils indiqués dans le rapport annexé.

Si le Rafale est polyvalent, le Mirage 2000D est qualifié pour des missions air-sol, et le Mirage 2000-5 pour des missions air-air. Tant que nous n'aurons pas une flotte composée uniquement d'avions polyvalents de type Rafale, il a ainsi été décidé de maintenir une flotte de 210 avions de combat. Cette situation durera jusqu'au retrait des derniers Mirage 2000D, c'est-à-dire après 2030.

L'introduction de cette notion de polyvalence, c'est-à-dire cette aptitude permettant de basculer facilement d'une mission à une autre constitue un changement dans les contrats opérationnels. Les Rafale de Saint-Dizier, vous l'avez vu, effectuent aussi bien des missions de dissuasion nucléaire que de défense aérienne, et sont projetés tour à tour sur les théâtres d'opérations. Cette souplesse réclame la polyvalence des équipages, donc des conditions d'entraînement satisfaisantes.

Schématiquement, les grands jalons pour l'aviation de combat sont donc les suivants : livraison d'une nouvelle tranche de Rafale dans le cadre de la LPM en cours, commande d'une tranche supplémentaire en remplacement des Mirages 2000-5 après 2025, retrait des Mirage 2000-D après 2030. Parallèlement, les études concernant le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée, décidée par le président de la République, sont lancées. Elles concernent principalement le choix du nouveau missile et les éventuelles adaptations à conduire sur le porteur.

Des réflexions sont également engagées sur le futur système de combat aérien à l'horizon post-2035. Il nous faut trouver des coopérations avec des partenaires européens, pour la construction de l'Europe de la défense, mais aussi pour partager les coûts d'un chantier de cette importance. Il se trouve que nos besoins et que les structures de nos aviations de chasse sont assez proches de ceux des Allemands. Ces derniers sont équipés aujourd'hui d'Eurofighter et de Tornado. Nous sommes équipés de Rafale et de Mirage 2000. Les dates de retrait de service de ces flottes se situent à des horizons calendaires équivalents. Par ailleurs, la volonté politique de progresser vers des coopérations renforcées existe. Les discussions ont débuté sur ce sujet et ont donné lieu à des déclarations politiques, côté français et côté allemand. Nos états-majors sont au travail. Nous progressons sur l'analyse du besoin opérationnel. Il faut également trouver un équilibre industriel, ce volet étant toujours sensible compte tenu des montants budgétaires en jeu, mais aussi des retours que chaque pays attend en termes d'autonomie technologique et donc stratégique.

L'enjeu est considérable, car les avions de chasse jouent un rôle déterminant dans nos engagements aujourd'hui. Leur intervention a été décisive pour réduire le potentiel de Daech ou traquer des terroristes au Sahel.

Les espaces aériens sont de plus en plus contestés. La situation en Syrie est représentative d'une tendance sur laquelle j'avais déjà eu l'occasion d'alerter votre commission. Nous y constatons que la possession des espaces aériens est étroitement liée à la possession terrestre, car l'aviation est indispensable pour reconquérir le terrain. Ainsi si nous n'étions plus en mesure de faire valoir notre volonté dans les espaces aériens, nous aurions des difficultés à conquérir les autres espaces ou tout simplement à pouvoir continuer à y opérer.

Pour être plus précis sur le futur système de combat aérien, nous proposerons à notre ministre, puis au Président de la République, les options qui nous permettront d'être au rendez-vous des échéances et des enjeux que j'ai indiqués.

L'enjeu dans ce domaine, ce sont les futurs avions de combat, ou drones, mais aussi la connectivité du système de combat. Les équilibres du système doivent être appréhendés de manière globale. L'efficacité militaire de notre système de combat aérien ne repose pas uniquement sur la performance intrinsèque d'un avion de combat ou d'un drone. Elle résulte de la combinaison des moyens de surveillance, des avions de combat, des moyens de ravitaillement en vol ou de transport, des systèmes de commandement et de contrôle, des moyens de communication, des forces spéciales, des hélicoptères, etc.

Il est donc important de réfléchir aux objets principaux de ce futur système de combat aérien que sont les drones ou les avions de combat, mais également à la manière dont la manoeuvre informationnelle s'organisera au sein de ce système.

Vous m'avez interrogé sur les contrats opérationnels et sur leurs évolutions. Ils évoluent principalement, pour l'armée de l'air, dans le domaine de l'aviation de surveillance et de reconnaissance. Je vous ai indiqué les augmentations de format consenties pour les drones et pour les avions légers de surveillance, mais aussi pour le système CUGE. Elles sont significatives et répondent aux préoccupations dont j'avais fait état lors de mes précédentes auditions sur notre niveau de dépendance à l'égard des capacités alliées sur les théâtres d'opération, qu'il s'agisse du ravitaillement en vol ou des capacités de surveillance et de reconnaissance. Les contrats opérationnels évoluent également à la hausse sur l'aviation de transport.

Sur qui compter sur le plan européen pour pallier d'éventuelles lacunes ? Des lacunes subsisteront principalement dans l'aviation de transport encore quelques années. Nous sortons d'une situation compliquée, liée principalement aux risques que nous avons pris dans les programmations précédentes en retardant le renouvellement de nos flottes et aux difficultés rencontrées par le programme A 400 M.

Nous pouvons compter sur les nations qui disposent de capacités significatives : le Royaume-Uni, l'Allemagne, sans oublier l'Italie et l'Espagne. Au Sahel, nous disposons également de l'appui des moyens de transport canadiens et américains.

J'observe que c'est en particulier au déclenchement d'une crise que nos lacunes se font le plus durement sentir, notamment lorsque la France décide de s'engager seule, en attendant que ses partenaires décident de l'appuyer, comme lors de l'opération Serval.

Je l'ai dit, nous avons trop tardé à initier le remplacement de notre flotte d'avions de transport. Un programme majeur, engagé de longue date, rencontre des difficultés. Le télescopage entre les deux créé la difficulté.

Des mesures palliatives ont été prises pour faire face à cette situation dans les lois de programmation précédentes, comme l'achat de huit appareils CASA supplémentaires pour pallier le retard de l'A 400 M et l'acquisition de C-130J dans l'actualisation de la LPM en vigueur. La LPM prévoit aussi l'accélération et l'augmentation de la cible du programme MRTT. Ces dispositions contribuent aux capacités de transport stratégique. Une coopération franco-allemande a été mise en place, les Allemands ayant également fait le choix de commander des C-130J. Cette commande donnera lieu à un partage capacitaire. Une unité franco-allemande sera stationnée sur la base d'Évreux à partir de 2021 et viendra appuyer nos capacités de transport. Les travaux d'infrastructures sont déjà lancés pour permettre l'accueil de cette unité.

Par ailleurs, nous poursuivons la coopération dans le cadre de l'EATC, le commandement européen du transport aérien. J'estime qu'il s'agit là d'un exemple de coopération européenne particulièrement vertueux, qui démontre que nous avons progressé en matière de partage capacitaire. Les nations mettent à disposition de ce commandement un certain nombre de moyens de transport, chacun disposant d'un droit de tirage à hauteur des efforts consentis. Les droits des uns et des autres sont équilibrés en fonction des prestations qu'ils ont mises à disposition de ce commandement. Il n'est pas rare, ainsi, que nos forces bénéficient de l'appui d'appareils italiens, belges, espagnols ou néerlandais. Cela étant précisé, une somme de lacunes ne résout en général pas une lacune globale. Je veux dire par là que ce type de mutualisation capacitaire ne peut constituer à elle seule une réponse face à une insuffisance assez largement partagée au sein des nations européennes.

S'agissant du programme A 400 M, nous rencontrons deux difficultés principales.

En premier lieu, l'amélioration des fonctionnalités opérationnelles de l'appareil a pris du retard. Un premier standard tactique a été livré au début de l'année 2017. Nous disposons désormais d'un avion capable de réaliser des missions opérationnelles sur un théâtre d'opération, quand la première version ne permettait que du transport logistique. Il était important d'améliorer ces capacités tactiques : le largage de parachutistes et de charges, l'atterrissage sur terrains sommaires, le travail avec les forces spéciales, etc. Un plan de rattrapage des fonctionnalités opérationnelles est en cours de négociation avec l'industrie et doit donner lieu à la signature d'un avenant avant la fin de l'année 2018 afin de nous permettre de disposer de la totalité des fonctionnalités attendues au titre du contrat, avant 2021. S'ensuivra un plan de remise à niveau des avions qui auront été livrés dans une version antérieure avant cette date. Tout ceci devrait générer une indisponibilité résiduelle significative plusieurs années après.

En second lieu, nous rencontrons d'importantes difficultés liées à la disponibilité de cette flotte. L'avion souffre d'un certain nombre de défauts de jeunesse. Un dialogue étroit et constructif avec l'industriel est désormais engagé afin d'améliorer la situation. Un travail en plateau, associant l'industrie, la DGA, la SIMMAD et l'armée de l'air est réalisé sur la base d'Orléans pour améliorer heure par heure la disponibilité de cette flotte. Je suis confiant, car je constate la bonne volonté, de tous pour progresser.

En réponse à votre question connexe relative aux liasses A 400 M : oui, je suis d'accord, il serait préférable que le service industriel de l'aéronautique, le SIAé, en dispose. Nous y travaillons avec la DGA et les pays partenaires de ce programme, dans le cadre de la préparation du prochain contrat de soutien avec AIRBUS. Je n'ai pas de réponses précises à vous donner sur ce sujet en termes de délais, mais je vous les communiquerai.

J'en viens maintenant aux drones, qui sont devenus indispensables lors de nos opérations. Ils sont incontournables au Sahel, grâce à leurs capacités de recherche, d'identification et de suivi des groupes terroristes que nous traquons. Nous ne pourrions pas y arriver sans ces capacités. J'observe d'ailleurs que tous les commandants de forces réclament aujourd'hui plus de capacités de cette nature, en raison de leurs qualités : permanence, discrétion, précision, connectivité, capacité à agir loin. Les neutralisations de groupes terroristes qui ont été effectuées récemment ont toutes bénéficié de l'appui de cette capacité, dont l'introduction de nouveaux capteurs démultipliera l'efficacité.

J'appelle toutefois votre attention sur le fait que, alors que nous sommes partis de zéro il y a peu de temps, nous effectuons désormais quotidiennement des missions de guerre au Sahel en exploitant ces machines.

La montée en puissance de cette capacité se poursuit. L'enjeu en termes de ressources humaines est central. Les équipages sont formés aux États-Unis et ne peuvent opérer que depuis Niamey. Les personnels, peu nombreux au départ, étaient absents huit mois par an en moyenne, entre leur période de formation aux États-Unis et leur déploiement à Niamey pour valider leur qualification. Aujourd'hui encore, nous sommes dépendants de cette formation aux États-Unis. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté pour disposer d'une cabine de pilotage à Cognac, laquelle nous permet de desserrer la contrainte en termes d'entraînement et de mise en condition de nos équipages.

Incidemment, cette cabine nous permet de commencer à exploiter les drones pour des missions de surveillance sur le territoire national, comme le faisaient les Harfang dans le cadre, par exemple, des dispositifs de renforcement de la sûreté aérienne. Pour des raisons éthiques et de clarté dans l'esprit des équipages, je suis évidemment extrêmement attentif à éviter toute confusion entre les missions conduites depuis Cognac et les missions de guerre et de combat menées au Sahel. Je tiens à ce qu'il y ait une séparation claire entre les unes et les autres.

Depuis début avril, je dispose d'une quinzaine d'équipages formés, ce qui est cohérent avec les missions qui nous sont demandées c'est à dire la tenue d'une orbite permanente. Je constate d'ailleurs que les Américains, qui ont une expérience importante dans le domaine, considèrent qu'il faut, en comptant les périodes de repos, la régénération organique, l'entraînement et les phases d'engagement, environ seize équipages pour tenir une orbite en permanence.

Le retrait de service du Harfang au 1er janvier 2018 a permis une bascule de nos efforts qui va nous permettre d'accélérer la montée en puissance du REAPER.

Un simulateur de mission sera livré au cours du second semestre de l'année 2018 à Cognac, ce qui nous autorisera davantage d'autonomie dans la formation des équipages et accélérera la montée en puissance de la capacité.

Quant au décalage de la charge utile de renseignement électromagnétique (ROEM) sur le drone Male, il résulte davantage d'une mesure, prenant acte du retard de l'administration américaine que de l'annulation des 850 millions d'euros l'année dernière.

Je ne reviendrai pas sur l'importance de cette charge utile, qui nous permettra d'améliorer nos capacités de couverture. Elle sera commandée en 2019 pour une mise en service à l'horizon 2020, conformément au calendrier de la DGA à ce stade.

Concernant l'armement des REAPER, je m'en remets au calendrier prévu par la DGA. Ce choix a été décidé à l'automne dernier par notre ministre, et je m'en félicite. Aucune difficulté n'est identifiée à ce stade. Nous sommes en attente d'une proposition américaine, qui devrait arriver d'ici à l'été prochain. Nous visons une mise en service opérationnelle au plus tôt en 2019, peut-être en 2020. Je n'ai pas perdu espoir d'obtenir cette livraison en même temps que celle des deux derniers systèmes REAPER l'année prochaine. Nous disposerons alors de quatre systèmes.

A plus long terme, se profile la question du MALE européen réalisé en coopération avec les Allemands, les Italiens et les Espagnols, pour une entrée en service en 2025. Cette capacité est importante pour l'Europe de la défense. Elle permettra de renforcer notre autonomie sur ce segment stratégique.

Vous m'avez interrogé sur le tuilage entre le Transall Gabriel et la future capacité CUGE, dont l'arrivée est prévue en 2025. Nous avions initialement prévu de retirer les Transall Gabriel du service en 2023. Nous étudions actuellement une prolongation de deux ans de ces avions afin d'éviter toute rupture capacitaire sur ce segment essentiel à nos opérations aussi bien au Sahel qu'au Levant.

J'en viens au maintien en condition opérationnelle de nos équipements et à l'activité. Je ne dispose pas ici des objectifs de disponibilité prévus année par année, mais ils vous seront communiqués.

Nous visons de rejoindre progressivement les normes d'activité dans tous les domaines - transport, hélicoptère, aviation de chasse - d'ici à la fin de la LPM. La situation actuelle résulte incontestablement des sous-investissements des années passées, du vieillissement du parc et de l'insuffisance des stocks. Les opérations de remise à niveau capacitaire ont évidemment également handicapé la disponibilité des flottes. En outre, les sollicitations opérationnelles croissantes et la priorité accordée aux opérations ont induit une pression sur la disponibilité de nos flottes à l'arrière. La disponibilité de nos flottes déployées en opérations est très bonne - elle est souvent supérieure à 90 % -, mais elle a des conséquences sur les flottes en métropole. L'entraînement en pâtit. Une partie de l'activité est réalisée en opération.

La LPM prévoit une augmentation de 33 % des crédits consacrés au MCO aéronautique et la création de la DMAé, la Direction de la maintenance aéronautique que notre ministre a décidée compte tenu de la disponibilité insuffisante d'un certain nombre de flottes.

La création de la DMAé est une réforme ambitieuse. Une plus grande implication de la DGA et une modernisation de la stratégie contractuelle sont prévues afin de responsabiliser davantage l'industrie. Les études sont actuellement en cours pour définir l'organisation du travail entre la DGA et les états-majors.

Plusieurs questions m'ont été posées sur la progression de l'entraînement, notamment sur l'entraînement différencié. L'objectif est bien de redresser progressivement l'activité. Nous avons évalué précisément, flotte par flotte, l'évolution du format et la disponibilité qu'il était raisonnable d'espérer de chacune d'entre elles afin de garantir la formation de la totalité de nos équipages.

Certains retards ont été constatés dans la mise en oeuvre du projet Fomedec. Les premiers avions PC21 seront livrés d'ici à la fin de l'année 2018. La montée en puissance de cette capacité conduira au retrait des Alpha Jet de la base aérienne de Tours et à la fermeture de cette plate-forme aéronautique. Ce projet nous donnera des marges de manoeuvre en termes de ressources humaines.

Le décalage du programme FOMEDEC est lié à un montage contractuel reposant sur une solution de leasing. Les avions ne sont pas détenus en patrimonial au départ par l'État, mais ils le seront à terme. La montée en puissance de cette capacité est adossée à un contrat de service avec l'industrie en ce qui concerne l'activité aérienne. Ce montage un peu particulier, lié aux contraintes budgétaires de la précédente LPM, a pris un peu de temps, mais je suis confiant sur la solution technique et sur la tenue du calendrier. Cette solution est éprouvée et fonctionne dans de nombreux pays. Elle nous permettra de moderniser la formation des pilotes de chasse. La simulation embarquée permettra de préfigurer le fonctionnement des systèmes d'arme modernes et de réduire le coût de l'heure de vol.

J'ajoute que le format de l'aviation de chasse et l'activité aérienne programmée dans ce projet de LPM nous permettra d'entretenir un volume d'équipages de chasse volant sur appareil de premier rang sans avoir recours à un entraînement différencié. En ce sens, cette LPM de remontée en puissance nous permet de ne pas créer une armée de l'air à deux vitesses, incompatible avec la pression opérationnelle qui s'exerce aujourd'hui sur nos forces.

Vous m'avez ensuite posé des questions sur les ressources humaines. Les RH sont un sujet extrêmement important, qui ne se résume pas à la seule problématique de la remontée des effectifs.

Certains métiers sont dans une situation plus difficile que d'autres. Je pense aux métiers de mécanicien aéronautique, de spécialistes de la sécurité-protection - du fait du renversement du contexte sécuritaire et des conséquences qui en résultent sur la protection de nos bases aériennes -, des systèmes d'information et de communication, du renseignement ou encore au métier de contrôleur aérien. Les difficultés sont de plusieurs ordres.

Elles sont liées à l'augmentation des rythmes de travail, en raison de la déflation excessive qui s'est exercée sur les effectifs, mais également au fait que l'armée de l'air, parce qu'elle fait appel à des spécialistes de haut niveau, est exposée à une concurrence du privé importante. Les métiers de l'aéronautique sont déficitaires dans l'ensemble des industries aéronautiques. Or l'armée ne peut pas concurrencer ces industries en termes de rémunération. Il nous faut trouver d'autres moyens, proposer des parcours de carrière attractifs et mettre en oeuvre des mesures de fidélisation ciblées.

Il faut également améliorer les conditions de vie et de travail de nos personnels sur nos bases aériennes ce qui contribue à la fidélisation et permet de renforcer notre attractivité. Les mesures prévues dans la LPM en faveur du soutien et des infrastructures y contribueront, tout comme le plan d'accompagnement des familles et de façon générale d'amélioration des conditions de vie des militaires.

Les ressources humaines sont le coeur des capacités de l'armée de l'air. Les militaires cumulent des savoir-faire techniques de haut niveau, une expérience opérationnelle forgée sur tous les théâtres d'opération depuis de nombreuses années, un sens du service et de l'abnégation qu'il nous faut conserver à tout prix. Pour fidéliser nos hommes et nos femmes il faut évidemment penser rémunérations et augmentation des effectifs. Mais je pense qu'il faut aussi que nous soyons en mesure de proposer à nos personnels des parcours de carrière diversifiés et attractifs. Les jeunes qui entrent aujourd'hui dans l'armée de l'air n'envisagement pas, comme les plus anciens, des carrières de trente ou trente-cinq ans. Ils souhaitent des parcours plus courts dans l'armée de l'air avant de chercher de nouvelles expériences professionnelles. Nous devons trouver des réponses à ces aspirations. La DRH de l'armée de l'air y réfléchit et nous intégrerons ces voies de progrès dans le plan de transformation sur lequel nous travaillons actuellement. Nous pourrions leur proposer des parcours plus variés au sein de l'armée. Il faut peut-être également décloisonner certaines spécialités afin d'offrir aux jeunes la diversité à laquelle ils aspirent.

Je ne sais pas encore quel volume d'effectif supplémentaire sera attribué à l'armée de l'air. Nous y verrons plus clair une fois que la revue des effectifs aura produit ses résultats. Nous n'excluons pas de procéder à des réorganisations ou à des externalisations. Nous pourrions avoir recours au secteur privé pour certains actes de maintenance, ce qui permettrait de desserrer la contrainte sur certains axes RH.

J'espère avoir répondu à toutes vos questions.

M. Christian Cambon, président. - Merci, mon général, de ces réponses extrêmement détaillées qui nous permettent de situer les enjeux du projet de loi de programmation militaire.

Vous avez évoqué la flexibilité dans les carrières. Or les navigateurs nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas devenir pilotes. Pour quelles raisons ?

Général André Lanata. - La question est assez spécifique : nous manquons aujourd'hui davantage de navigateurs que de pilotes !

M. Christian Cambon, président. - Merci d'avoir bien posé les termes du débat sur la coopération, dont nous avons discuté avec le DGA. La situation est incertaine, car les Britanniques risquent de subir, sur leurs moyens financiers, l'impact négatif du Brexit.

Général André Lanata. - Il reste tout de même MBDA et la coopération sur les futurs missiles de croisière, qui est extrêmement importante pour nous.

M. Christian Cambon, président. - Nous avions compris que nos amis allemands souhaitaient se réapprovisionner en chasseurs aux États-Unis, mais il semblerait que de nouvelles orientations aient été prises. Nous aurons l'occasion d'en discuter avec nos collègues parlementaires de ces deux pays.

Général André Lanata. - Il est vrai que ce serait un mauvais signal.

M. Christian Cambon, président. - Merci pour toutes ces précisions. Nous sommes désormais « armés » pour comprendre les enjeux du projet de loi de programmation militaire pour l'armée de l'air.

M. Eric Trappier
Président du Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF)
21 février 2018

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le président, ce n'est pas le président de ce fleuron qu'est Dassault que nous recevons aujourd'hui, mais plutôt le nouveau président du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF), puisque vous venez d'être désigné à sa tête il y a seulement quelques semaines.

Cette présidence, vous la prenez à un moment clé, puisque le Parlement va débattre de la LPM dans les semaines qui viennent, l'Assemblée nationale très vite et le Sénat un peu plus tard.

La LPM doit définir le cadre de nos efforts de défense pour les années à venir.

Nous avons bien évidemment souhaité vous entendre assez tôt dans le travail que nous menons. Nous avons auditionné hier la ministre de la défense. Il y a donc une complémentarité évidente dans ce programme.

Nous ne pouvons en effet négliger l'importance de la base industrielle et technologique de défense (BITD), qui fournit à la fois nos forces armées et constitue l'élément indispensable de notre indépendance nationale, ainsi qu'un atout considérable pour notre économie. Vous nous direz ce que cela représente, à un moment où les problèmes d'emplois sont toujours présents à notre esprit.

Cette base est également essentielle pour nos capacités d'innovation, notre potentiel d'exportation et pour le rayonnement international de la France. C'est aussi par ce biais que nous entretenons des relations privilégiées avec nombre de pays dans le monde.

Nous avons bien conscience du caractère stratégique de la BITD. C'est pourquoi nous voulions vous entendre sur l'avis des industriels à la veille de la LPM.

Le Gouvernement qualifie ce projet de « LPM de renouveau ». Vous nous direz si c'est un point de vue que vous partagez. Est-ce un nouveau départ ou, comme le disent certaines critiques, une manière de tenter de combler les manques créés par une sous-budgétisation récurrente qui, en l'espace d'une vingtaine d'années, a éreinté nos armées ?

Je vous propose de répondre à trois questions, avant que nos collègues prennent le relais pour vous interroger.

Tout d'abord, l'accélération de l'investissement est-elle plus que marginale et, surtout, l'industrie a-t-elle la capacité de livrer plus rapidement, compte tenu des retards accumulés ?

Par ailleurs, les crédits dédiés à l'innovation ne sont-ils pas un peu les parents pauvres de cette LPM, dans un secteur pourtant ultra-concurrentiel au contenu technologique très fort ? Le milliard d'euros prévu en 2022 est-il suffisant pour « rester dans la course » face à l'intense concurrence des autres pays ?

Enfin, comment comprenez-vous l'évolution annoncée des « restes à payer », notamment au vu de l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques, qui les plafonne à leur niveau de 2017 ? La ministre nous a apporté hier soir des éléments de réponse. Il nous intéresse de savoir ce qu'en pensent les industriels.

Éric Trappier, président du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF). - Merci de me recevoir et de me donner la parole.

Ainsi que vous l'avez dit, ce secteur est d'importance stratégique, aussi bien en termes de défense qu'en termes de capacité technologique et industrielle.

Il est bon de rappeler en premier lieu quelques grands sujets avant d'échanger ensuite librement.

L'industrie de la défense représente environ 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 50 % à l'exportation. Près de 2 milliards d'euros sont consacrés à la recherche et au développement, dont 0,7 milliard d'euros financés par l'industrie.

Ce secteur représente environ 200 000 emplois directs, et fait vivre un certain nombre de régions grâce aux emplois indirects. Le taux de qualification est important, 50 % de ces emplois étant des emplois d'ingénieurs.

L'industrie de défense est implantée dans toutes les régions, où elle est souvent le principal employeur industriel.

C'est aussi un élément important de réduction du déficit de la balance commerciale. Le solde de l'industrie de défense est dans ce domaine largement positif et récurrent, à plus de 3,5 milliards d'euros.

Enfin, le secteur n'est pas simplement fait de grands industriels comme Airbus, Naval Group, Safran, Thales ou Dassault, mais aussi d'un tissu d'ETI et de PME qui représentant environ 4 000 sociétés identifiées par la DGA comme partie prenante de ce tissu industriel stratégique.

La LPM 2019-2025 est la bienvenue et est accueillie favorablement par l'ensemble des industriels que je représente - groupement naval (GICAN), groupement terrestre (GICAT) et groupement aéronautique (GIFAS), que je préside par ailleurs.

La précédente LPM avait été qualifiée de « LPM de survie », avec un décalage de nombreux programmes et le maintien d'un certain nombre d'études amont, toutefois de manière insuffisante selon nous à l'époque.

Cette nouvelle loi marque l'ambition de la France de demeurer la nation référente en Europe dans le domaine de la défense.

Cette LPM fait suite à la revue stratégique de défense, qui a eu lieu de manière extrêmement rapide et à laquelle l'industrie a aussi contribué. Je tiens à saluer mon prédécesseur, Hervé Guillou, d'y avoir largement participé avec les autres acteurs du secteur.

Je me félicite de voir que cette LPM pose l'autonomie stratégique comme un axe majeur de la stratégie de défense du pays, et reconnait la place de l'industrie dans l'outil de défense.

L'effort fait sur les acquisitions, destiné à combler les trous capacitaires et à renouveler les capacités opérationnelles, va assurer l'activité de nombreux acteurs de la BITD et leur donner la visibilité essentielle à l'investissement dans l'outil de production, dans les bureaux d'études et pour leur politique de recrutement de jeunes talents.

Nous sommes des industries à longs cycles et il est important de respecter autant que possible la programmation, car les changements dans le domaine industriel sont peu aisés à réaliser dès lors qu'il existe des décalages non programmés. Il faut ensuite les rattraper, ce qui peut poser problème.

Cette visibilité est importante aussi bien pour nos usines de production, qui créent principalement l'emploi, mais aussi pour nos bureaux d'études et pour la préparation du futur.

La montée progressive à un milliard d'euros des études amont est évidemment accueillie favorablement. Nous le demandions depuis une dizaine d'années. Elle va permettre de préparer l'avenir, dans un contexte marqué notamment par l'arrivée des nouvelles technologies, souvent tirées par des acteurs se situant en dehors du champ de la défense comme le numérique et les nouveaux matériaux, ou encore la robotique, autant de nouvelles technologies qu'il va falloir appréhender dans la préparation et la conduite des programmes du futur.

Le contexte a aussi été marqué par l'émergence et le renforcement de certaines industries étrangères concurrentes. On pense bien évidemment aux États-Unis, qui restent la principale puissance au niveau mondial. D'autres sont toutefois en train de monter en puissance. La Russie comble progressivement son retard, et l'on voit se développer certaines industries en Asie.

C'est vrai dans le domaine militaire, mais on le voit aussi dans le cyberespace ou dans l'espace exo-atmosphérique, où la concurrence va se renforcer. Ainsi, nos amis américains reviennent en force dans le domaine des lanceurs spatiaux.

Il s'agit aussi d'un contexte de menaces renouvelées. Mon prédécesseur a dû vous en parler. Il va falloir faire face, dans le futur, à de nouvelles menaces sous-marines ou au déni d'accès dans le domaine aérien, avec la dissémination des systèmes d'armes de type S-300 et S-400, certains pays désirant interdire le survol de leur territoire par nos avions de combat.

Cette progression des études amont doit contribuer à la politique de préparation du futur. Je me suis exprimé à ce sujet. Ce que souhaitent les industriels - tout comme, je pense, la DGA - c'est une politique de démonstrateurs ambitieuse. Il faut que se mette en place les boucles entre les industriels qui en amont maitrisent la technologie, les opérationnelles qui ont un besoin en fonction de leur perception de la menace et cela avec les arbitrages de la DGA.

Le démonstrateur permet cette boucle d'itération entre industriels, étatiques et opérationnels et limite les risques dans le cadre de développements ambitieux, puisqu'on valide à un moment donné - par exemple en vol pour les avions - un certain nombre de concepts nouveaux.

Cette politique permettra également de démontrer le niveau de maitrise de nouvelles technologies pour éviter une perte de compétences ou un décrochage technologique. Plusieurs domaines peuvent justifier, en effet, le lancement de démonstrateurs ambitieux afin de rattraper plusieurs années de sous-investissement. A titre illustratif, je citerai :

- la numérisation (connectivité, intelligence artificielle, big data,...) et ses contraintes attachées de cybersécurité ;

- l'hyper vélocité ;

- la furtivité ;

- les systèmes autonomes, les drones (combat, surveillance, saturation des défenses ennemies etc.),

- l'alerte spatiale, la surveillance de l'espace ;

- l'acoustique,

- l'optimisation énergétique pour plateformes navales.

La mise en oeuvre d'une politique de démonstrateurs pourra également favoriser le dialogue avec les opérationnels pour mieux comprendre leurs besoins, tester l'apport de nouvelles technologies, réfléchir au combat du futur. Une telle démarche bâtie de façon pérenne doit faciliter l'émergence d'une culture commune, permettre un fonctionnement en boucle courte en validant ou infirmant rapidement des solutions et éviter des impasses.

Cette politique de démonstrateur permettra aussi de faciliter l'intégration des nouveaux acteurs technologiques, la base industrielle devant s'élargir dont des start up en organisant le dialogue avec les maîtres d'oeuvre intégrateurs et tout ceci au bénéfice des armées.

Elle permettra aussi de militariser les technologies développées par le secteur civil. Je vous rappelle qu'un grand nombre d'industries de défense sont duales, et que leur développement est issu de technologies civiles. C'est ce qui permet à la BITD française d'être compétitive. Cette militarisation des technologies peut concerner certains domaines comme le numérique ou l'énergie par exemple.

J'ajoute que ces développements technologiques permettront à la base industrielle de préserver son savoir-faire et de l'exporter car, sans l'exportation, l'équilibre n'est pas possible.

Le grand enjeu technologique et opérationnel repose avant tout sur la dissuasion nucléaire. La volonté de renouvellement des deux composantes a été affichée par le Président de la République. Des efforts vont donc être réalisés en matière de sous-marin, de missiles et d'avions pour prendre en compte le déni d'accès.

Il va falloir évaluer de manière réaliste les menaces à contrer dans une vingtaine d'années.

J'ajoute que les avancées technologiques réalisées pour la dissuasion irriguent de manière générale la capacité à développer des équipements dans le conventionnel, et que ces technologies serviront dans le développement de nombreux systèmes.

Conserver notre capacité à être une nation cadre nous obligera à développer des systèmes d'information et de communication robustes et interopérables pour le futur, afin de donner son autonomie stratégique non seulement à la France, mais aussi à l'Europe, et être capable d'interopérabilité avec nos grands partenaires.

La capacité d'entrer en premier, qui reste une demande forte de nos armées et contribue à l'autonomie stratégique, nécessitera d'augmenter les capacités de nos systèmes.

Les axes d'efforts ont été tracés. En dehors du nucléaire, un des grands domaines sera le système de combat aérien du futur, annoncé par le Président de la République, en coopération avec les Allemands. On verra si d'autres pays peuvent s'y joindre. Il faudra également à cette occasion évoquer l'axe franco-britannique, qui constitue un sujet important.

Il ne s'agit pas simplement de faire l'avion, il faut aussi réaliser le grand système qui permettra l'interopérabilité entre les différents acteurs de ces domaines au sein des forces françaises ou européennes.

Le futur porte-avions est également en projet majeur. Un certain nombre d'arbitrages technologiques dimensionnant seront à prendre, en particulier pour les catapultes électromagnétiques, ou la propulsion.

La composante de coercition sera articulée autour du char en ce qui concerne l'armement terrestre et l'artillerie du futur. Ils permettront de surclasser les adversaires que nous aurons en face de nous dans les années à venir.

Il est par ailleurs fondamental que l'Europe conserve un pied stratégique dans le spatial en restant autonome. Il sera important de veiller qu'un certain nombre de satellites d'observation puissent voir le jour dans le futur pour alimenter cette veille de l'espace et identifier les menaces dans ce domaine.

Enfin, les systèmes d'information devront non seulement être capables de gérer et d'intégrer les différentes plateformes terrestres, navales et aériennes, gérer l'intégration de drones mais aussi être résistants aux menaces cybers.

Le numérique et l'intelligence artificielle seront des points fondamentaux à développer dans nos futurs systèmes, tout en garantissant l'interopérabilité issue de la volonté de nos armées de coopérer avec d'autres pays.

Au-delà de l'évolution budgétaire, nous estimons que des efforts doivent être poursuivis dans quatre domaines, l'exportation, la coopération, la compétitivité des produits et l'innovation. La LPM marque le renforcement d'un certain nombre d'effectifs à cette fin.

L'exportation - je suis bien placé pour le savoir - n'est pas une science exacte. L'obtention de contrats n'étant jamais acquise, il est fondamental que l'industrie et les pouvoirs publics travaillent la main dans la main pour obtenir des succès dans ce domaine.

L'effort doit par ailleurs porter sur la coopération. L'important pour nous n'est pas le choix des pays avec lesquels nous allons coopérer, mais la solidité de leur engagement. Une fois que la coopération aura débuté, elle s'installera pour 50 ans au moins. Il est fondamental de savoir qui sont les pays qui s'engagent à coopérer sur le long terme, le partage du travail rendant quasiment irréversible la manière de faire.

Il faut que cette coopération soit efficace. Si l'on veut exporter, les produits doivent non seulement être performants, mais aussi compétitifs. La coopération doit donc être basée sur l'intérêt commun et non sur l'intérêt individuel de chaque pays, les retours géographiques grevant très souvent la compétitivité des produits que l'on développe.

Une nouvelle forme de coopération doit être étudiée. Les démonstrateurs, on l'a vu avec le nEURON, peuvent permettre d'être plus efficace dans le futur.

On doit noter que l'Europe a pris des initiatives fondamentales en 2017, au-delà même de la coopération structurée permanente, comme la mise en place du Fonds européen de défense, qui permettra à la Commission d'abonder des programmes décidés en coopération, dont le drone de surveillance décidé par quatre pays, pour lequel les trois grands industriels que sont Airbus, Leonardo et Dassault Aviation coopèrent.

Ce fonds doit être considéré comme un élément susceptible d'améliorer la coopération en Europe et non de se substituer aux efforts des États. Néanmoins, l'effort de 500 millions d'euros durant les premières années, puis d'un peu plus d'un milliard ensuite, est notable et nouveau. Nous espérons que le Parlement européen émettra un vote favorable à ces dispositifs dans les jours qui viennent.

Tout ceci permet d'avoir une vision pour 2030, ce que nous souhaitions. Nous serons attentifs à la réalisation, l'important étant maintenant de suivre la mise en oeuvre de la LPM.

Un bémol s'agissant du franco-britannique. Indépendamment et au-delà du Brexit, nos amis d'outre-Manche nous semblent quelque peu dans l'embarras au plan budgétaire. On aurait souhaité que le traité de Lancaster House puisse permettre de poursuivre une coopération que les industriels appellent vivement de leurs voeux. Je pense à MBDA, qui est principalement franco-britannique. L'absence de nouveaux projets structurants, voire une relation stratégique compliquée par le Brexit risquent de poser problème.

Je ne m'exprimerai pas sur le processus d'acquisition. Néanmoins, pour répondre aux questions du président, je pense que nous pouvons aller plus vite à condition de partager avec les pouvoirs publics - principalement la DGA - des ambitions communes et que nous les respections.

C'est faisable s'il existe un plan et si chacun est prêt à réaliser des efforts. On ne peut cependant pas décaler les programmes régulièrement dans le temps et réclamer des industriels des efforts. Il faut savoir tenir ses engagements de part et d'autre. Les industriels prendront leurs responsabilités. Nous souhaitons que les pouvoirs publics, quitte à opérer des arbitrages, s'engagent à respecter les contraintes de temps, ce qui nous permettra d'optimiser la gestion de nos équipes de développement et industrielles ; à nous en retour de tenir les coûts, les performances et les délais.

L'industrie, comme les militaires, gère aussi des hommes, des ingénieurs, des ouvriers, des compagnons, des techniciens. Il est important de pouvoir manager les compétences de l'ensemble de ces femmes et hommes qui contribuent à l'effort de défense au travers de nos industries, au service des armées.

Quant au MCO aéronautique, nous prendrons là aussi nos responsabilités et accompagnerons cette volonté de réforme et d'amélioration en matière de fiabilité et de disponibilité des matériels, en espérant travailler de la manière la plus intégrée dans ce domaine. C'est ce que nous faisons déjà à l'exportation, avec nos partenaires, pour améliorer la disponibilité.

Aux Émirats arabes unis, la disponibilité des Mirage 2000 est de 85 % du parc. Il suffit de trouver les bons accords entre la puissance publique et l'industrie pour arriver à ces taux de disponibilité.

En matière de développement, on peut toujours promettre d'aller plus vite. Nos systèmes sont toutefois de plus en plus complexes. C'est pourquoi nous plaidons en faveur des démonstrateurs, afin de mieux s'engager sur la base d'une levée de risques technologiques, sous réserve d'engagements budgétaires stables.

S'agissant de l'innovation, le milliard d'euros consacré à la R&T nous satisfait pourvu qu'il soit redistribué en grande partie à l'industrie.

Enfin, concernant les restes à payer, nous y sommes attentifs, mais il n'y a pas d'alerte particulière, puisqu'on a cru comprendre que la limitation à 50 milliards d'euros ne s'appliquerait pas aux investissements de défense.

M. Christian Cambon, président. - C'est ce que la ministre a dit hier soir. Monsieur Perrin y est très attentif.

Merci pour ce panorama très complet et utile. Le Parlement - et singulièrement le Sénat - seront très attentifs aux engagements budgétaires. On a vécu avec difficulté ces gels de crédits qui conduisent à des procédures absurdes consistant, sur les trois derniers jours de l'année, à engager des centaines de millions d'euros, ce qui n'est pas un signe de maturité budgétaire ni politique.

Les questions qui ont été posées hier soir à la ministre ont mis l'accent sur le fait que, les dernières années de la LPM - 2023, 2024, 2025 - nécessiteront un assez gros effort, la remise à niveau du nucléaire devant être également prévue. Nous souhaitons donc obtenir des engagements financiers pour reconstituer ce modèle d'armée complète que nous souhaitons, et qui manque tellement à celles et ceux que nous exposons au quotidien, qui ont besoin de matériels renouvelés et renforcés.

Quant aux coopérations européennes, nous avons interpellé nos collègues britanniques. Malheureusement, les réponses sont assez prudentes. Pour simplifier, on a l'impression que nos amis allemands ont beaucoup de moyens et peu de volonté politique sur ce sujet. On attend de voir ce que la nouvelle coalition va donner. À l'inverse, nos amis britanniques réaffirment leur volonté de coopération. En ont-ils les moyens ? C'est un autre sujet.

La parole est aux commissaires.

M. Cédric Perrin. - Monsieur le président, merci pour vos propos. L'intérêt de cette commission, c'est de pouvoir traiter l'action sur le terrain, puis le volet industriel, qui m'intéresse personnellement beaucoup, étant élu de la région la plus industrielle de France.

Vous avez largement mis en situation le poids de l'industrie de la défense dans l'économie française : 200 000 emplois, une contribution significative à la balance commerciale, beaucoup de petites, moyennes et plus grosses entreprises qui contribuent à beaucoup d'emplois. Il est important de traiter ce sujet. Avec Hélène Conway-Mouret, dans le cadre du programme 146, nous y prêtons une attention toute particulière. Je souhaite continuer à défendre ardemment l'industrie française !

De ce point de vue, tout ce que vous venez de dire est très intéressant. Je continue à penser qu'il faut que nous ayons une vision prospective des choses, qu'on puisse dire à nos entreprises quels seront les programmes qui seront réalisés dans les dix prochaines années, afin qu'elles puissent répondre aux appels d'offres, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour un certain nombre d'entre elles. Je pense en particulier au remplacement du P4, par exemple, qui n'a absolument pas été anticipé, et qui fait qu'on se retrouve aujourd'hui avec un VT4 partiellement français.

Vous avez indiqué que les études amont, qui sont pour l'instant à 720 millions d'euros, monteront à un milliard d'euros. Je continue à penser avec certains ici que cette montée est bien trop lente.

Certes, le budget est là, mais la capacité à capter l'innovation et à avoir un système à la française identique à celui de l'agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) ne correspond pas à notre état d'esprit. Il nous faut faire évoluer les mentalités et faire admettre que, si l'on souhaite innover, il faut accepter quelques échecs en la matière.

Le Président a établi une comparaison avec les Allemands, qui consacrent beaucoup d'argent à leur budget de défense. Ils y voient cependant pour l'essentiel une contribution à l'effort industriel et à l'innovation de leurs PME dans le secteur de la défense. On voit d'ailleurs de nouvelles entreprises y accéder, et c'est très étonnant. Je pense qu'il existe aujourd'hui une véritable volonté des Allemands de soutenir leur défense pour redevenir une puissance à part entière dans le domaine de la défense.

Par ailleurs, le CIDEF a-t-il détecté dans la LPM des trous dans le tableau des équipements qui figure au rapport annexe de l'article 2 ? Pensez-vous que le rythme d'accroissement annoncé dans ce document soit cohérent ?

Enfin, ne manque-t-il pas des équipements dans cette LPM qui se veut porteuse d'un modèle d'armée complet ?

M. Jean-Marie Bockel. - Monsieur le président, vous avez dit que la dimension militaire spatiale monte en puissance. Cela peut-il amener les Européens - donc les Français - à des développements industriels significatifs ou est-ce marginal ?

Par ailleurs, plusieurs d'entre nous siègent à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. J'ai été amené l'an dernier à faire un rapport dans ce cadre sur les industries de défense face à la puissance américaine et à sa capacité de rassemblement.

Il serait intéressant de connaître votre sentiment au sujet de ces travaux théoriques, que je me permettrai de vous communiquer. Y a-t-il un espoir, ou rien ne change-t-il vraiment ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le président, ces dernières années, le Rafale a remporté un certain nombre de marchés à l'exportation, ce dont nous nous félicitons tous. Hier, la ministre nous a annoncé qu'un lot de 28 Rafale serait livré après 2023. J'aimerais savoir ce qu'il en est du calendrier de livraison actuelle.

Une seconde chaîne de montage serait-elle envisagée, compte tenu des marchés emportés à l'étranger et si d'autres marchés, comme la Belgique, devaient voir le jour ?

Par ailleurs, la LPM continue à dédier une partie assez substantielle de ses crédits à la recherche et au développement pour les études amont. Quels sont les domaines, hors nucléaire et porte-avions, qui feront l'objet de ces études dans les années qui viennent ?

Quelles évolutions voyez-vous, à l'ère post-Rafale, en matière de recherche au niveau européen, alors qu'on parle déjà d'un avion franco-allemand ? Cela fait-il déjà partie de vos projets ?

Enfin, la LPM est très ambitieuse en matière de future coopération européenne. Partagez-vous cette ambition ?

M. Ladislas Poniatowski. - Je confirme qu'auprès des parlementaires britanniques, nous avons rencontré des collègues qui ont envie de continuer une coopération privilégiée malgré le Brexit. Ils n'en ont toutefois peut-être pas les moyens. Comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, le traité de Lancaster « bat de l'aile » concernant un certain nombre de projets.

Ma question porte précisément sur un sujet qui peut concerner les Britanniques : où en est la France en matière de démonstrateurs de drones de combat ? Qui sont nos actuels et futurs concurrents sur ce créneau ?

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le Président, vous avez la parole.

M. Éric Trappier. - Tout d'abord, y a-t-il des trous dans la LPM ? Il est difficile d'y répondre, car l'exhaustivité est délicate, et ce n'est pas un exercice qui nous est demandé.

On a identifié que, pour les hélicoptères, les choses allaient lentement. L'hélicoptère léger a été décalé. C'est un sujet de préoccupation, mais cela fait partie des équilibres qui ont été décidés et que l'on respecte.

On constate aussi le remplacement de matériels terrestres. Des choix ont été opérés dans un certain nombre de domaines.

Dans la marine, les frégates légères devront être développées. Le plus gros enjeu portera cependant sur le renouvellement de la dissuasion et la poursuite à venir des livraisons de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), qui sont liés en termes de préparation de l'avenir.

Ces enjeux vont « driver » la filière. Dans le domaine aéronautique, on est dans le rattrapage des décalages, des ravitailleurs, des livraisons de certains types d'appareils dont l'A400M.

Il faut insister sur ce qu'a dit le sénateur Perrin : la DARPA draine des milliards, alors que nous nous satisfaisons d'un milliard d'euros pour tout le monde, et encore, avec une montée en puissance qu'il va falloir surveiller pour arriver à des chiffres ronds. La France ayant moins d'argent, il nous faut être plus intelligent.

Nous sommes capables d'être bien meilleurs que les Américains, je veux le dire haut et fort, non pas en termes de volumes - car les États-Unis nous surclassent - mais en termes d'efficacité.

Le nEURON est, de ce point de vue, un bon exemple. Il est réalisé par six pays européens, et leurs industriels sous maitrise d'oeuvre Dassault Aviation. Environ 400 millions d'euros, dont 200 millions d'euros pour la France, ont été nécessaires pour réaliser un drone de combat furtif, apprécié par la DGA. Les Américains, pour un modèle identique, auraient dépensé au minimum dix fois plus.

Il faut en effet, de ce point de vue, réconcilier la percée technologique avec les capacités militaires de demain. Or le drone de combat ne remplacera pas les avions de combat. Les deux sont complémentaires. La France doit donc être fière de ce qu'elle est capable de faire - et c'est vrai d'un grand nombre d'équipements où l'on sait être efficace. C'est pourquoi, dans le cadre de coopération, il ne faut pas que la méthode de coopération se retourne contre notre efficacité industrielle. D'où l'importance qu'elle repose sur des règles claires fondées sur l'optimisation des compétences dans le cadre d'une maîtrise d'oeuvre légitime fondée sur les savoir-faire et la capitalisation des expériences.

L'espace est un sujet de préoccupations qui n'est pas seulement lié au militaire.

La dissuasion nucléaire oblige à préparer la future génération de missiles qui est en cours. L'inquiétude que peuvent avoir les Européens, les Français étant un peu petits pour répondre à ces problématiques, concerne l'accès à l'espace par le biais de lanceurs traditionnels, voire de lanceurs qui permettent d'abaisser les coûts en réutilisant un certain nombre d'étages de propulsion, possibilité que vient de démontrer Space X. J'aimerais bien qu'on le fasse aussi en France. On a pour ce faire une génération à préparer.

Les Chinois investissent également énormément dans l'espace. Américains et Chinois préparent le suborbital, avec des avions capables d'aller dans un premier temps nettoyer l'espace de tous les déchets qui s'y trouvent et, dans un second temps, de prendre possession d'un satellite par exemple, ce qui n'est pas une bonne chose pour ceux qui l'ont lancé.

Cette bataille est en train de s'engager, et je pense que la France ne peut répondre seule à ce sujet. Or, l'Europe est très divisée en la matière : les Italiens ont leur logique, les Allemands la leur. Les français également. C'est à l'Agence Spatiale Européenne de mener les réflexions.

La course aux satellites est aussi fondamentale. En France, Thales et Airbus sont les deux grands industriels capables de concevoir, chacun de leur côté ou ensemble, des satellites qui répondent à des problématiques de surveillance environnementale ou militaire.

Il est fondamental que ces filières soient alimentées par des programmes et des développements futurs. Là aussi, les démonstrateurs seront les bienvenus.

Pour ce qui est du Rafale, les 28 avions dont vous avez parlé ont été décalés par la précédente LPM. L'armée de l'air en avait besoin, la marine ayant été pratiquement servie en totalité. Ce décalage a été réalisé pour des raisons purement budgétaires. Le pari de l'export a été fait et tenu. Il faut s'en réjouir parce que vous savez que l'on ne peut s'arrêter de produire pour recommencer trois ou quatre ans après.

On retrouve ces 28 avions dans la LPM. On nous a demandé de ne reprendre les livraisons qu'à partir de 2022, ce qui ne nous pose pas de problème dans la mesure où les exportations actuelles courent jusqu'à 2021.

À partir de 2022, en l'absence d'exportations nouvelles, il nous faudrait livrer, à cadence 1, les 28 avions et les 30 avions complémentaires annoncés comme faisant partie de la vision 2030, qui feront l'objet d'une commande autour de 2023 pour aller vers le format souhaité de 225 avions demandés par les militaires.

Ce ne sont pas les industriels qui ont voulu exporter au détriment de la livraison aux armées françaises, mais bien le pouvoir politique français qui a décidé un décalage pour des raisons budgétaires. Les militaires nous reprochent de servir l'exportation avant eux. Nous n'y pouvons cependant rien. Si on nous demande de servir les Français en premier, on sera les plus heureux du monde. Dans le domaine de la défense, on existe d'abord pour fournir ce que nous produisons à nos forces armées.

Ceci nous permet d'équilibrer les choses de façon compétitive - car il faut rappeler que les matériels français sont compétitifs. Un Rafale, fabriqué à 200 ou 300 exemplaires après exportation, est moins cher qu'un F-35, fabriqué à plus de 4 000 exemplaires !

S'agissant de la coopération européenne, dans un certain nombre de domaines, comme le nEURON, il s'agit d'une préfiguration de ce qu'on peut faire en Europe.

La volonté du Président de la République est d'abord d'établir une feuille de route pour 2018 avec l'Allemagne. Il va nous falloir travailler avec la nouvelle coalition qui devrait prochainement se mettre en place et savoir comment elle conçoit le sujet, du futur système de combat aérien, particulièrement stratégique pour l'avenir de l'autonomie européenne.

Deuxièmement, les allemands ont envie d'alimenter en priorité leur industrie, comme tout pays souhaite le faire. Attention cependant que la pression qui pourrait être mise ne soit pas contraire avec l'absolue nécessité d'une coopération efficace et compétitive que j'évoquais tout à l'heure.

Troisièmement, si l'on veut réaliser des produits qui comblent les besoins des armées, tant l'armée française que le marché de l'exportation, il faut fabriquer des matériels performants et compétitifs. La compétence de la future équipe franco-allemande doit être bien identifiée, afin qu'elle soit capable de réaliser ce type de développement ambitieux.

On avait commencé une coopération entre Français et Britanniques, car il faut reconnaître que, d'un point de vue des capacités militaires, technologiques et industrielles les Britanniques sont plus avancés que les Allemands dans le domaine de l'aéronautique de combat. C'est pourquoi ce rapprochement avait été organisé pour les drones de combat dans le cadre de Lancaster House. On va devoir changer notre fusil d'épaule. Il ne faudrait toutefois pas qu'on ait à recommencer de tels changements...Je vous rappelle que notre industrie est une industrie de hautes technologies qui a besoin de stabilité et de durée.

Il faut que ces engagements se fassent sur du très long terme et résistent à tout ce qui peut arriver, qu'il s'agisse d'élections, qui sont récurrentes, mais aussi d'événements comme le Brexit.

Oui, il faut faire ce que l'on peut entre Européens, dans le cadre de règles qui assurent la puissance et la compétitivité.

Dassault Aviation a entamé des discussions avec Airbus dans le cadre des annonces faites lors du sommet Franco-Allemand du 13 juillet. Antérieurement nous avons travaillé durant dix ans avec BAE Systems. La France a réitéré, à plusieurs reprises sa volonté de réaliser des démonstrateurs de drones de combat (UCAV). Il avait été décidé par les deux gouvernements français et Britanniques du lancement d'un démonstrateur opérationnel à la fin de l'année dernière. Ce lancement n'est pas venu pour les raisons que vous avez identifiées. Les industriels outre-Manche poussent pour poursuivre cette coopération avec les Français. L'impulsion politique qui existait du temps des travaillistes et qui s'est poursuivie avec les conservateurs a été fortement freinée par le Brexit.

Je pense que la volonté britannique est de rester arrimée au continent européen et en particulier aux Français, un certain questionnement se faisant toutefois jour actuellement. Je crois qu'il faut essayer de conserver ce lien à la fois opérationnel et industriel avec nos amis Britanniques.

D'autres pays réalisent-ils des UCAV ? C'est le cas de la Chine. Quand tout le monde en fera, l'Europe devra alors se résoudre à acheter sur étagère aux Etats-Unis. Ce serait une défaite technologique et capacitaire alors que nous possédons les compétences nécessaires pour le réaliser comme l'illustre le nEUROn.

Je pense qu'il est nécessaire de lancer un tel projet. Cette réalisation ne doit pas être opposée aux avions de combat, ni considérée comme un grand système. On a attendu le dernier moment pour dire qu'on avait besoin de drones de surveillance et on en a acheté sur étagère aux Américains parce que nous n'avions pas pris la décision de le lancer. D'où l'initiative prise il y a deux ans de réaliser un drone de surveillance à quatre Européens, voire peut-être plus demain. Cela intervient cependant tardivement alors que tant le Reaper américain et que le Heron israélien se sont imposés dans nombre de pays européens.

Il faut savoir anticiper et trouver des partenaires. Les Allemands y sont peut-être prêts, les Anglais vont peut-être y venir. Je pense toutefois qu'il faut le faire prioritairement dans le cadre d'une coopération européenne.

M. Ladislas Poniatowski. - Et pourquoi pas seuls ?

M. Éric Trappier. - Dassault sait le faire seul, avec ses collègues traditionnels que sont Thales et Safran, mais c'est une question politique - bien qu'également budgétaire.

Par ailleurs, il n'existe qu'une seule chaîne de montage du Rafale. En ce moment, on a doublé la cadence de fabrication pour pouvoir servir l'exportation. Si on nous avait demandé de livrer la France au même moment, on aurait pu encore augmenter la cadence. Ce n'est pas un problème.

Dans le cadre d'une coopération industrielle avec l'Inde ou la Belgique, on saurait aussi faire faire des pièces de Rafale, d'avions civils ou d'équipements dans lesquels nos groupes sont engagés.

M. Christian Cambon, président. - Merci pour l'ensemble de ces éléments.

J'aimerais, m'adressant au président de Dassault, qu'après les trois journées d'immersion dans les trois armes, nous puissions aller visiter la chaîne d'assemblage de Mérignac. On y parlerait davantage du Rafale. On a en effet le sentiment que le F-35 séduit beaucoup de pays européens.

La ministre disait hier soir qu'il serait bon, pour l'Europe de la défense, que tout le monde achète le même matériel. Ce n'est pas vraiment le cas, et cela ne s'annonce pas aussi favorable que les marchés que vous arrivez à conquérir bien plus loin. Il serait pourtant rationnel d'avoir des voisins proches qui se fournissent en matériels français et européens.

C'est un autre sujet que celui de la LPM.

Je ne peux m'empêcher de vous poser une question. On a senti, à Toulon, dans le discours du Président de la République, un appel du pied en direction des industriels pour qu'ils consentent de meilleurs prix. Ne vous êtes-vous pas senti visé ?

M. Éric Trappier. - Pas du tout ! Si je me compare à mes concurrents, cela ne fait aucun doute ! Une marge opérationnelle d'une société comme Dassault est bien inférieure à celle d'une société comme Lockheed, tant s'en faut ! On ne se sent donc pas visé, dès lors que nos matériels sont à l'heure et remplissent les besoins opérationnels de nos armées.

Je pense que le Président de la République souhaite que tout le monde fasse des efforts. On y est d'autant plus préparés que l'on a des perspectives. On ne peut demander à des industriels de faire des efforts si on leur ôte toute perspective. Dès lors, ils se recroquevillent sur eux-mêmes et ne savent plus où ils vont.

En outre, il faut que ces perspectives deviennent des contrats et soit tenues. Enfin, nous avions besoin de nous élargir. C'est chose faite avec l'exportation et cela nous donne une assiette un peu plus large. C'est vrai pour nous, comme pour Naval Group.

Un mot à propos de la problématique du F-35 : l'Amérique demande aux Européens d'acheter du matériel américain s'ils veulent travailler avec elle.

M. Christian Cambon, président. - C'est ce qu'on entend dans toutes les réunions de l'OTAN !

M. Éric Trappier. - C'est proprement scandaleux ! On n'a jamais vu cela.

J'ai fait partie, lorsque j'étais jeune ingénieur, des groupes d'interopérabilité. On soutenait nos officiels en tant qu'industriels pour trouver les normes et les bons matériels pour assurer l'interopérabilité. On est passé d'une Amérique qui prônait l'interopérabilité dans l'OTAN à une Amérique qui veut à présent intégrer les armées européennes dans l'armée américaine. Les Américains ont compris que plus ils mettent d'argent dans leur industrie, mieux c'est pour l'Amérique.

On ne le comprend pas toujours en France et en Europe, mais le développement économique, en parallèle de la capacité de défense, est un des atouts de l'Amérique. Il faut bien dire que, dans le domaine de la défense, ils sont extrêmement protectionnistes - comme dans d'autres domaines d'ailleurs.

Le problème est de convaincre nos amis européens de faire le choix de matériels européens. Ne parlons pas de prix ! Les Pays-Bas ont décidé d'acquérir 37 F-35, alors que cet avion n'avait même pas encore volé. Pour le même budget, ils auraient pu avoir à l'époque 85 Rafale. C'est proprement incroyable - et ils conseillent aux Belges d'acheter américain !

Quand il s'est agi de changer leurs avions gouvernementaux, ils n'ont même pas fait d'appel d'offres. Ils ont acquis des appareils Gulfstream américains et non des Falcon français. Pour eux, ce n'est pas la qualité du matériel qui compte, mais le fait d'acheter américain.

Les Américains estiment que l'Europe de la défense est une bonne chose, mais qu'elle ne doit pas leur nuire. Ils nous conseillent de jouer dans la petite cour et de leur laisser celle des grands !

M. Ladislas Poniatowski. - L'OTAN est une grande machine commerciale !

M. Éric Trappier. - En effet. Il suffit de ne pas être naïf.

L'Europe n'est pas simplement un espoir, mais une possibilité. On peut cependant aussi échouer. Il ne faut donc pas manquer le tournant.

Les Américains reconnaissent qu'ils s'occupent davantage de la zone Ouest du Pacifique que de l'Europe. Nos menaces sont ici. Il faut donc, sans se fâcher, arriver à discuter avec les Américains, qui sont de grands alliés. Unis, on n'en sera que plus forts. Oui à la construction de l'Europe ! En entendant, la France joue un rôle particulier dans la capacité de défense, avec ses militaires et ses industriels. Il ne faut donc pas lâcher la proie pour l'ombre.

M. Christian Cambon, président. - Merci de ce langage clair. Il sera utile de vous rendre visite.

M. Éric Trappier. - Avec grand plaisir !

AMENDEMENTS NON ADOPTES PAR LA COMMISSION

PROJET DE LOI

PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2019 À 2025

COM-72

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. TODESCHINI, Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 3

1 er alinéa

Après les mots « hors charges de pensions et à périmètre constant », ajouter les mots : « et hors dépenses liées au Service national universel ».

OBJET

Cet amendement a pour objet de faire en sorte que l'accroissement des crédits programmés à destination de la défense ne soit pas impacté par la mise en place du SNU.

PROJET DE LOI

PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2019 À 2025

COM-73

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. VAUGRENARD, Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 3

Alinéa 2

Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 2 :

« En % du PIB

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Crédits budgétaires de la mission « Défense », en % du PIB

1,7

1,75

1,8

1,85

1,9

1,95

2

».

OBJET

Le Président de la République a défini les objectifs budgétaires de la Défense en utilisant comme indicateur le Produit Intérieur Brut (PIB).

Afin d'assurer une cohérence entre la présente Loi de Programmation Militaire (LPM) et l'objectif du Président de la République, il serait plus judicieux d'utiliser le même indicateur pour les deux.

C'est l'objet du présent amendement.

Exprimé en milliards d'euros courants, il conduit à l'horizon 2023 à un montant de crédits budgétaires supérieur de 4 milliards d'euros à celui inscrit dans le présent article 3 proposé par le Gouvernement.

PROJET DE LOI

PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2019 À 2025

COM-74

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. VAUGRENARD, Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 3

Alinéa 2

Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 2 :

«

(En milliards d'euros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

2019-2025

Crédits budgétaires de la mission « Défense »

36,4

38,6

40,8

43

45,2

47,6

50

301,6

».

OBJET

Cet amendement poursuit deux objectifs, proposer des engagements de dépenses fermes sur l'ensemble des années 2019-2025 et favoriser une augmentation moins brutale des crédits de la mission « Défense » pour les années 2023, 2024 et 2025. Tout cela s'effectuera en respectant l'objectif d'atteindre 2 % du PIB consacré à la défense en 2025.

En proposant une augmentation annuelle sensiblement supérieure aux montants figurant dans la LPM entre 2019 à 2023, elle opère un lissage sur l'ensemble de la période 2019-2025 et évite, en répartissant l'effort plus durablement, la très forte augmentation hasardeuse envisagée pour les années 2023, 2024 et 2025.

Pourquoi dès lors ne pas assurer l'ensemble des financements de manière ferme sur la période en évitant de faire peser d'inutiles incertitudes sur le paiement des programmes d'armement ? Cette nouvelle répartition des crédits permet de concrétiser l'engagement dans la durée et donc d'éviter les hypothèques qui pèseraient notamment sur le programme 146 relatif aux équipements.

Les prévisions de croissance actuelles permettent ce passage de 1,7Mds à 2,2Mds puis à 2,4Mds (pour les années 2024 et 2025). Pourquoi dès lors ne pas accepter une augmentation supplémentaire de 0,5Mds d'euros par an pour les années 2019-2023 aux vues des prévisions de croissance et si l'on peut se permettre une augmentation globale de 3Mds pour 2024 et 2025 ?

Le calcul de l'augmentation des crédits en pourcentage n'atteste pas de l'effort important et aléatoire (3 Mds d'euros) qui devra être fait entre 2024 et 2025. Un lissage des crédits avec des augmentations plus importantes chaque année telles que proposées dans cet amendement constituerait un moyen plus sûr et plus pérenne de voir les objectifs de dépense respectés.

Si les prévisions macroéconomiques s'avéraient plus basses, l'article 6 de la LPM prévoit une révision pour adapter ce schéma aux aléas.

PROJET DE LOI

PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2019 À 2025

COM-1

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme PRUNAUD

et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

_________________

ARTICLE 4

Alinéa 4

Réécrire cet alinéa comme tel :

« Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font chaque année, au plus tard le 30 septembre, l'objet d'un débat suivi d'un vote du Parlement. Pour se faire, le Gouvernement communique en amont aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et ces missions intérieures ».

OBJET

Cet amendement vise à renforcer le pouvoir du Parlement en matière de maintien des OPEX en organisant un vote à la suite du débat annuel sur les OPEX. Il s'agit par là de s'assurer que le Parlement prenne officiellement position sur le bien-fondé de la poursuite des OPEX en cours. De fait, si le Président de la République reste le chef des Armées, il est essentiel que le Parlement, en tant qu'assemblée des représentants du peuple, soit en mesure de contrôler l'action extérieure des armées françaises. Il est par ailleurs procédé par cet amendement à un décalage dans le temps de la tenue du débat, afin de le rapprocher le plus possible du débat budgétaire afin que les parlementaires disposent de l'information la plus complète et puissent amender le PLF en prenant en compte les éléments les plus actualisés possibles.

PROJET DE LOI

PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2019 À 2025

COM-76

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. DEVINAZ, Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER et BOUTANT, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 4

Alinéa 4

Alinéa 4 - Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font l'objet chaque année, au plus tard le 30 juin, d'un débat et d'un vote pour chaque intervention devant être prolongée. En outre, à l'issue de la fin d'une opération extérieure décidée par le Gouvernement, un débat sera organisé au Parlement. »

OBJET

Il a fallu attendre la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour que le Parlement soit associé aux interventions militaires extérieures décidées par le Président de la République. Cette réforme constitutionnelle a renforcé le contrôle parlementaire sur l'emploi des forces armées. Elle oblige le gouvernement à informer le Parlement de l'engagement des forces et à soumettre à un vote la prolongation de cet engagement lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois. Ce contrôle parlementaire reste toutefois limité puisque passé ce délai, la poursuite de l'intervention n'est plus soumise à une nouvelle autorisation.

Cet amendement vient combler ce manque de l'article 35 de la Constitution. Il vise à renforcer le contrôle parlementaire sur des opérations extérieures qui, bien que décidées dans l'urgence, peuvent engager plusieurs milliers de nos soldats pendant une dizaine d'années.

L'amendement vise aussi à adapter notre droit à l'évolution contemporaine des conflits au cours desquels la question de sa fin éventuelle est un enjeu majeur pour les parties engagées (les conflits contemporains interrogent la notion de fin de guerre puisqu'ils ne se terminent plus par un armistice par un épuisement de l'un des adversaires et/ou le maintien de violences diffuses).

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COM-77

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. DEVINAZ, Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER et BOUTANT, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 5

Alinéa 2

A l'alinéa 2, rédiger ainsi le tableau :

(En équivalents temps plein)

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

2024

2025

Total 2019-2025

Augmentation nette des effectifs

858

857

857

857

857

4286

857

857

1714

OBJET

L'objectif de cet amendement est de « lisser » l'évolution des effectifs et de favoriser une augmentation plus cohérente des futurs recrutements. Au lieu de prévoir une hausse brutale des recrutements à partir de 2023, cette perspective de progression des effectifs est plus réaliste. Elle opère un lissage sur l'ensemble de la période 2019-2025 et évite, en répartissant l'effort plus durablement, une augmentation hasardeuse pour les années 2023, 2024 et 2025.

Cette perspective d'évolution des effectifs est également plus adaptée pour intégrer au mieux les nouvelles recrues au sein des Armées et assurer leur formation.

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COM-90

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

7 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. LE GLEUT

_________________

ARTICLE 10 BIS(NOUVEAU)

Supprimer cet article.

OBJET

La rédaction nouvelle proposée par l'Assemblée nationale pour l'article L. 3142-89 du code du travail prévoit de passer de cinq à dix jours, l'autorisation d'absence octroyée aux salariés des entreprises de plus de deux cents salariés, au titre de leurs activités de réserve.

Or ce passage à dix jours n'a jamais été sollicité ni par les réservistes ou les associations qui les fédèrent, ni par le ministère des Armées, ni par le Secrétaire Général de la Garde Nationale, bien que ce dernier soit impliqué dans le développement de conventions signées entre l'Armée et les entreprises aux fins de favoriser l'activité des salariés engagés dans la réserve.

De plus, l'autorisation d'absence au titre de la réserve, est dans les faits peu appliquée : en effet, les salariés engagés dans la réserve souhaitent rarement faire état dans leur environnement professionnel, de leur engagement dans la réserve, pour des raisons multiples et diverses.

Le passage à dix jours au lieu de cinq, s'avère donc inutile et pourrait même être contreproductif car il pourrait menacer la carrière de certains réservistes ou freiner l'embauche desdits réservistes.

Il est donc proposé de supprimer l'article 10 bis nouveau afin de laisser la rédaction actuelle de l'article L. 3142-89 du code du travail, qui semble satisfaire les parties concernées.

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COM-92

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

10 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CAZEAU

_________________

ARTICLE 16

Alinéa 1

Remplacer les mots:

Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Île-de-France.

Par les mots :

Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Île-de-France.

OBJET

Cet article met en place deux expérimentations visant à instaurer deux procédures de recrutement dérogatoires du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 qui se feront sans concours dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Ile-de-France, après adoption d'un amendement au Hauts-de-France et PACA à l'Assemblée nationale.

L'amendement présenté vise à inclure la Nouvelle-Aquitaine dans ces modalités de sélection. En effet, l'armée dans cette région est aujourd'hui confrontée à une véritable pénurie en matière de recrutement des techniciens supérieurs d'études et de fabrications. Cette carence est le fruit d'un effet de ciseau liée d'une part aux choix de vie fait par les demandeurs d'emploi de ne pas vouloir passer des concours spécifiques de la fonction publique militaire estimés trop rigides et d'autre part, aux besoins croissants des entreprises de l'armement (aéronautique, informatique, matériels) en termes d'emploi qualifié.

Après une croissance de 20 % en 2017, les prévisions d'embauches de cadres en Nouvelle-Aquitaine atteindront son plus haut historique en 2018, selon l'enquête annuelle de l'Apec. Entre 12.000 et 13.500 recrutements sont prévus dans la région notamment pour des fonctions d'analyse, de R&D et de production industrielle. A noter également, la pénurie de certains profils tels que les développeurs informatiques, techniciens de maintenance et logisticiens. Au total, l'an dernier 3.410 postes de cadres ont été créés dans la région, soit un bond de 70 % par rapport aux 2.000 créations enregistrées en 2016. Dans le détail, 11.880 cadres ont été recrutés (+20 %), ce qui positionne la Nouvelle-Aquitaine dans les 10 régions les plus attractives d'Europe. S'y ajoutent 3.900 salariés promus cadre dans le cadre d'une évolution interne (+4 %). Plus de 3200 emplois de cadre ont été ainsi non pourvus.  D'autant que plusieurs secteurs restent largement sous tension face à une pénurie de main d'oeuvre qui dure depuis 2016. Ainsi, 47 % des entreprises disent rencontrer des difficultés pour recruter.

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COM-105

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CAZEAU et RAMBAUD et Mme SCHILLINGER

_________________

ARTICLE 16

Ajouter la phrase suivante après la première phrase de l'alinéa 2 :

Un minimum de 10% de ces recrutements sont destinés à des personnes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

OBJET

Si le ministère des armées respecte et même dépasse l'obligation légale d'emploi de 6 % de travailleurs en situation de handicap et autres bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE), à l'instar de l'ensemble de la Fonction publique, il serait souhaitable que l'existence d'une procédure de recrutement dérogatoire puisse également bénéficier aux personnes en situation de handicap. Ceux-ci font en effet face à d'importantes difficultés dans l'accès à l'emploi, notamment technique (taux de chômage s'élevant au double de celui du reste de la population). Pour l'employeur, comme pour le demandeur d'emploi, la présentation du handicap suscite le plus souvent des réticences et les représentations qui lui sont associées sont porteuses de préjugés.

Grâce à une politique volontariste, d'importants progrès ont été réalisés. L'emploi des personnes handicapées a nettement progressé au sein du secteur privé en passant de 233 200 travailleurs handicapés en 2006 à 386 700 en 2013 soit 153 500 de plus, ce qui correspond à une augmentation de près de 66 %. L'emploi dans la fonction publique a également progressé. Elle en employait 176 451 travailleurs handicapés au 1er janvier 2006 tandis qu'ils étaient 209 909 en 2013. Les employeurs publics ont ainsi recruté 33 458  personnes handicapées supplémentaires entre les années 2006 et 2013, soit une augmentation de 19 %. Cette évolution s'explique par un accroissement du nombre de personnes administrativement reconnues comme handicapées suite à l'évolution de la définition du handicap, comprenant dorénavant les handicaps cognitifs et psychiques par exemple, ainsi que l'extension progressive des catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi.

Néanmoins, de très nombreuses personnes en situation de handicap, et notamment des femmes, restent encore éloignées du monde du travail. Plus globalement, la prise en compte de l'articulation du handicap avec d'autres motifs de discrimination semble encore trop peu développée. Cela fait obstacle à une véritable prise en compte de la diversité des situations des personnes en situation de handicap, et à l'identification de situations de vulnérabilité.

Le handicap constituant une priorité du quinquennat, il a donc vocation à s'inscrire de manière volontaire dans la loi de programmation militaire.

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COM-2

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme PRUNAUD

et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

_________________

ARTICLE 27

Supprimer cet article.

OBJET

Il s'agit par cet élément de rappeler que la question de l'immobilier reste très sensible chez les militaires. La mobilisation en urgence, suite aux attentats de Paris, a montré les graves défaillances dans les conditions d'hébergement des soldats. Ce besoin en infrastructures risque par ailleurs d'être encore aggravé en cas de généralisation d'un service national, et ce quelle que soit sa forme. Il est donc urgent que le Gouvernement freine avec sa politique de vente de l'immobilier de Défense.

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COM-108

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CAZEAU et RAMBAUD, Mme SCHILLINGER et M. YUNG

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 35

Après l'article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute personne séropositive ne peut se voir refusée de passer les concours de la fonction publique militaire ou d'être un agent contractuel dans la fonction publique militaire en raison de son sérodiagnostic positif.

OBJET

L'interdiction d'intégrer de nombreux corps de l'armée par des personnes vivant avec le VIH a été identi?ée en juillet 2015, après qu'une personne ait contacté l'association AIDES alors qu'elle s'était vu refuser l'accès à la marine nationale. L'article L.4132-1 du Code de la défense dispose que : « Nul ne peut être militaire (...) 3° S'il ne présente les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ». L'aptitude est évaluée selon l'instruction n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME du 1er octobre 2003 relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir. Cette instruction ?xe des règles uni?ées visant à évaluer le pro?l médical du candidat.

Le système, dé?ni par l'instruction de 2003 relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir, se base sur sept pro?ls détaillés, nommés chacun par une lettre de l'acronyme Sigycop. Pour chacun de ses pro?ls, des coe?cients sont attribués et visent à noter l'état de santé, la gravité de potentielles infections et des séquelles. Or cette codification peut paraître surprenant au regard des distinctions qu'il fait des di?érentes phases de l'infection à VIH et de la gradation appliquée. Ainsi, vivre avec le VIH en bonne santé et sans traitement serait moins « grave », au regard de l'état général de santé, que vivre avec le VIH en bonne santé et avec traitement.

Cette distinction prend l'exact contre-pied des données de la science et des recommandations médicales et thérapeutiques actuelles. En e?et, les traitements actuels permettent de réduire considérablement la charge virale dans le sang au point qu'elle devient indétectable. Dans ces conditions, les personnes sont non contaminantes. Ils permettent aussi de vivre en bonne santé, sur du long terme, et dans des conditions similaires aux personnes séronégatives. Ainsi, les PVVIH en France se voient proposer des traitements dès qu'elles sont dépistées, et une très large majorité les accepte. Certes, il est possible de vivre avec le VIH sans traitement et sans « symptômes », mais, à de rares exceptions près, cette situation ne peut pas durer, et en tout état de cause, la charge virale reste détectable et les personnes restent contaminantes.« Un traitement curatif ou prophylactique au long cours ne saurait constituer à lui seul un motif d'élimination que dans la mesure où il entraînerait un absentéisme itératif et/ou prolongé », et alors que ce n'est pas le cas pour les traitements actuels du VIH, l'exclusion de nombreux postes des personnes séropositives sur la base de l'aptitude médicale à servir n'est pas proportionnée. Elle peut constituer en ce sens une discrimination condamnable au regard de la Constitution. Le Parlement français devrait ainsi fin à une pratique d'exclusion et de discrimination latente qui n'est plus justifiée médicalement comme c'est le cas officiellement en Allemagne depuis le 21 février 2017.

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COM-5

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 2

RAPPORT ANNEXÉ

Alinéa 261

Après les termes :

« Des effectifs supplémentaires seront affectés pour renforcer la résilience du ministère en matière de sécurité et de protection (environ 750 sur 2019-25) »

Supprimer les termes suivants :

« et pour accompagner les exportations (400 sur 2019-25). »

OBJET

Même si le ministère des Armées participe des exportations d'armements, ce n'est néanmoins pas sa vocation première. Il n'est pas certain que consacrer 400 emplois sur 6 000 créés soit pertinent au regard des besoins opérationnels. De nombreuses unités et régiments souffrent d'un déficit en matière d'effectifs.

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COM-7

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 2

RAPPORT ANNEXÉ

Alinéa 276

Compléter in fine cet alinéa par la phrase suivante :

« Le SMV est un succès salué par l'ensemble des acteurs impliqués. Une augmentation du nombre de places est planifiée sur la période couverte par la présente Loi de programmation militaire. »

OBJET

Le SMV est un succès sans contestation possible.

Or, si le dispositif est reconduit à l'identique, augmenter le nombre de places offertes serait à la fois un signal politique fort, et une réserve de recrutement pour les armées.

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COM-69

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 2

RAPPORT ANNEXÉ

Alinéa 339

Après l'alinéa 339, ajouter l'alinéa :

« Dans cette optique un grand débat national sera initié afin que les citoyens s'approprient cette décision qui engage un investissement non-négligeable. »

OBJET

Les dépenses nucléaires vont pratiquement doubler entre 2019 et 2025 : elles vont passer d'une moyenne annuelle de 3,2 milliards entre 2014 et 2019, à 5 milliards entre 2019-2023 et approcher les 7 milliards en fin de LPM.

Ces dépenses sont contraintes et dépassent en volume le budget de nombreuses politiques publiques, il est nécessaire qu'une sensibilisation soit menée et qu'un débat soit organisé.

La décision de renouveler cet arsenal a été prise dans des cercles par trop restreints.

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COM-70

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER, BOUTANT et DEVINAZ, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 2

RAPPORT ANNEXÉ

Alinéa 383 - Supprimer cet alinéa

OBJET

Le ministère participe des exportations d'armement mais ce n'est pas sa vocation première. Cet amendement est en cohérence avec celui portant sur l'alinéa 261.

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COM-71

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 383)

11 MAI 2018

A M E N D E M E N T

présenté par

M. DEVINAZ, Mme CONWAY-MOURET, MM.  KANNER et BOUTANT, Mme Gisèle JOURDA, M. MAZUIR, Mme PEROL-DUMONT, MM.  ROGER, TEMAL, TODESCHINI, VALLINI, VAUGRENARD

et les membres du groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE 2

RAPPORT ANNEXÉ

Alinéa 484

Remplacer l'alinéa par un alinéa ainsi rédigé :

« Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font l'objet chaque année, au plus tard le 30 juin, d'un débat et d'un vote pour chaque intervention devant être prolongée. En outre, à l'issue de la fin d'une opération extérieure décidée par le Gouvernement, un débat sera organisé au Parlement. »

OBJET

Il a fallu attendre la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour que le Parlement soit associé aux interventions militaires extérieures décidées par le Président de la République. Cette réforme constitutionnelle a renforcé le contrôle parlementaire sur l'emploi des forces armées. Elle oblige le gouvernement à informer le Parlement de l'engagement des forces et à soumettre à un vote la prolongation de cet engagement lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois. Ce contrôle parlementaire reste toutefois limité puisque passé ce délai, la poursuite de l'intervention n'est plus soumise à une nouvelle autorisation.

Cet amendement vient combler ce manque de l'article 35 de la Constitution. Il vise à renforcer le contrôle parlementaire sur des opérations extérieures qui, bien que décidées dans l'urgence, peuvent engager plusieurs milliers de nos soldats pendant une dizaine d'années.

L'amendement vise aussi à adapter notre droit à l'évolution contemporaine des conflits au cours desquels la question de sa fin éventuelle est un enjeu majeur pour les parties engagées (les conflits contemporains interrogent la notion de fin de guerre puisqu'ils ne se terminent plus par un armistice par un épuisement de l'un des adversaires et/ou le maintien de violences diffuses).


* 1 Rapport d'information du Sénat n° 562 (2016-2017) de MM. Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, déposé le 24 mai 2017.

* 2 « 2 pour cent du PIB : les moyens de la défense nationale » - Rapport n° 562 (2016-2017) de MM. Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner

* 3 Ainsi de la destruction d'un Soukhoï russe par la Turquie, pays membre de l'OTAN, en 2015 ; ou de la destruction d'un F16 israélien par la défense syrienne le 10 février 2018.

* 4 Créée en 2000 pour répondre déjà aux difficultés de la gestion de la chaîne des pièces de rechange des équipements aéronautiques, qui était l'une des principales explications selon la DGA des piètres résultats du maintien en condition opérationnelle des équipements aéronautiques.

* 5 D'après le Livre blanc de 2008, on a ainsi procédé à une réduction de 2 400 postes, représentant une baisse globale des effectifs de 25 %, avec de fortes disparités selon les implantations (de -50 % en Polynésie française à +10 % en Guyane). La réduction des moyens a provoqué une érosion des capacités opérationnelles, notamment dans le domaine des moyens navals.

* 6 C'est-à-dire l'achat par l'Australie de douze sous-marins français, contrat de 34 milliards d'euros, ou 50 milliards de dollars australiens.

* 7 Cette décision avait été précédée d'une première inflexion de la trajectoire des effectifs (tendant à la « réduction des déflations ») par la loi d'actualisation de la programmation militaire du 28 juillet 2015.

* 8 La précédente LPM assumait, pour la période 2020-2030, la perspective de « ruptures temporaires de capacité » (RTC).

* 9 Au total, en comptant le délai d'appropriation et le fait que les livraisons ne débuteront que fin 2018 pour les 3 premiers Griffon et en 2019 pour les 4 premiers Jaguar, il faudra sans doute attendre 2021 pour pouvoir imaginer un premier sous-groupement tactique interarmes(SGTIA) au standard Scorpion.

* 10 Multi Role Tanker Transport.

* 11 Moyenne Altitude Longue Endurance.

* 12 Actions dont l'efficacité peut être encore plus redoutable par la diffusion de messages ciblés par l'utilisation des données personnelles acquises auprès des grands opérateurs de l'Internet.

* 13 Avec une composante cyber spécifiquement identifiée pour les opérations majeures de coercition

* 14 En 2017, sur le périmètre des Armées, plus de 700 « évènement de cyberdéfense » ont nécessité une intervention des équipes du commandement Cyber.

* 15 Rapport de M. Jean-Jacques Bridey au nom de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale n° 765 tome 1 p.45

* 16 Assurée depuis 2008 et dont les grandes lignes ont été exposées dans un discours du ministre de la défense le 12 décembre 2016.

* 17 Une politique proactive d'information et de sensibilisation auprès des établissements d'enseignement supérieurs du niveau BTS pour le recrutement des opérateurs jusqu'au niveau grandes écoles d'ingénieurs est en cours avec l'objectif de créer des capacités de formation qui ne peuvent résulter que d'un partenariat de confiance au sein d'un écosystème regroupant les établissements de formation, les entreprises, les administrations publiques et les armées afin de créer un vivier et d'en réguler les carrières.

* 18 En charge de l'influence numérique.

* 19 4000 réservistes citoyens et 400 réservistes opérationnels.

* 20 Cet effort a été progressivement engagé notamment dans le programme de frégate de taille intermédiaire (FTI), dans les évolutions du TIGRE et dans le programme SCORPION.

* 21 Qu'il s'agisse de celles des services spécialisés qui lui sont directement rattachés, comme la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ou la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), ou de celles de l'état-major des armées qui dispose d'un service spécialisé, la direction du renseignement militaire (DRM), et des moyens des différentes armées ce qui constituent la fonction interarmées du renseignement.

* 22 Experts en mégadonnées, analystes de données, géomaticiens, spécialistes des télécommunications

* 23 Avec une composante spatiale optique (CSO), deux composantes radar (italienne et allemande) et une composante optique champ large, il offrira des capacités de suivi de situation et de veille stratégique, d'aide à la prévention et à l'anticipation des crises et d'assistance à la planification et à la conduite des opérations. Il remplacera l'actuel système Hélios opéré par la France. Par rapport à Hélios II, la composante optique se caractérisera par une meilleure résolution, une plus grande agilité de la plate-forme permettant l'identification de cibles plus petites, et par une augmentation importante du nombre d'images accessibles quotidiennement.

* 24 Il comprend des fonctions d'interception, de caractérisation et de localisation des signaux électromagnétiques par des moyens satellitaires, leur programmation ainsi que les moyens sols de contrôle des satellites.

* 25 Moyenne Altitude Longue Distance qui viendra compléter à l'horizon 2029 les capacités offertes par l'actuel bâtiment d'essais et de mesures (BEM) Dupuy-de-Lôme et permettra une plus grande permanence opérationnelle et, le cas échéant, des déploiements simultanés sur des théâtres différents.

* 26 Lesquels seront dotés de la capacité à délivrer des armements. Ils s'ajoutent aux deux systèmes de 3 drones déjà acquis au cours de la LPM 2014-2019.

* 27 Renseignement d'origine électromagnétique

* 28 2 systèmes de 5 drones et un système d'entraînement de 4 drones.

* 29 L'objectif à atteindre dans l'Ambition 2030 est une dotation de 8 systèmes de drones MALE (soit au total 24 vecteurs).

* 30 Moyenne Altitude Longue Distance qui viendra compléter à l'horizon 2029 les capacités offertes par l'actuel bâtiment d'essais et de mesures (BEM) Dupuy-de-Lôme et permettra une plus grande permanence opérationnelle et, le cas échéant, des déploiements simultanés sur des théâtres différents.

* 31 Dont 10 livrables d'ici 2030

* 32 Outil indispensable au commandement et à la conduite des opérations interopérables avec nos principaux alliés et en national, le SIA évoluera pour prendre en compte les potentialités offertes par l'intelligence artificielle et les technologies d'exploitation et d'analyse des données massives afin de garantir la fluidité des échanges et de permettre de conserver la maîtrise de la supériorité informationnelle dans un contexte d'accroissement des risques cyber et des volumes de données à traiter.

* 33 Chiffres donnés par votre commission dans le rapport « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale » de M. Jean-Pierre Raffarin et M. Daniel Reiner, n° 562 (2016-2017).

* 34 « Exécution de la programmation militaire 2014-2019 : une LPM sur le fil », rapport d'information n° 718 de M. François André et M. Joaquim Pueyo, députés, au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale (février 2018).

* 35 11 ème rapport du HCECM (septembre 2017)

* 36 Rapport 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale précité.

* 37 Art. 3 du projet de LPM.

* 38 S'y ajoute même l'objectif plus lointain encore de l'Ambition 2030, sans référence budgétaire.

* 39 On observera que tous ces montants sont donnés en euros courants. Il y a donc lieu de déflater les montants annoncés de l'effet de l'érosion monétaire, dans une perspective où le Gouvernement « fait l'hypothèse d'un retour progressif des prix vers des niveaux cohérents avec la cible de la Banque centrale européenne » (rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques 2018-2022). Sur cette base, il y a lieu de considérer que tous les montants annoncés en fin de programmation sont à déflater d'environ 8 %.

* 40 Rapport annexé, pp. 41-47.

* 41 Ainsi en mars 2017, un sous-groupement tactique interarmes (S/GTIA) français « Lynx » a été déployé à Tapa, en Estonie, avec 4 chars Leclerc et 8 VBCI, au sein du bataillon multinational à commandement britannique. Fin janvier 2018, le détachement français, Lynx, armé par environ 300 militaires, a mis en oeuvre 5 VHM à Rukla, en Lituanie, aux côtés d'une unité de la brigade franco-allemande le Jägerbataillon 292 de Donaueschingen. Il restera huit mois au sein du bataillon multinational de l'OTAN, mené par l'Allemagne.

* 42 Les dépenses supplémentaires résultant directement des concours apportés par les armées au titre du soutien aux exportations (SOUTEX) sont remboursées, sur la base de décrets, par les industriels. Ces concours prennent la forme de mises à disposition (de formations militaires, de matériel, de terrains, d'immeubles ou de locaux) ou de prestations de service. En revanche, selon les informations communiquées par le ministère des armées, ne sont pas remboursées les conséquences indirectes de certaines conditions posées pour obtenir la signature d'un contrat à l'export. Dans quelques cas en effet, notamment lorsque les exigences de livraison d'un client excèdent les capacités de l'industriel, le prélèvement d'équipements en service ou destinés à être livrés aux armées françaises entraîne des dépenses supplémentaires restant à la charge des armées (maintien des effectifs et poursuite de l'entretien des équipements dont le service est prolongé, etc.).

* 43 La courbe des coûts de MCO est caractérisée par sa forme irrégulière : les coûts sont importants et augmentent au début de l'utilisation de l'équipement, puis se fixent à un pallier intermédiaire au fur et à mesure du rodage de l'équipement et de son entretien. Les coûts remontent à la fin de la vie de l'équipement, de plus en plus vite.

* 44 Audition du général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre, par votre commission le 4 avril 2018.

* 45 Même audition.

* 46 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 47 En appel, les cours régionales des pensions, et, pour l'outre-mer, les cours des pensions.

* 48 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 49 Rapport d'information de MM. Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 562 (2016-2017).

* 50 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 51 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 52 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 53 Réponse du Gouvernement au questionnaire de votre commission.

* 54 Rapport d'information n° 794 (2015-2016) de MM. Jacques Gautier, Daniel Reiner, Jean-Marie Bockel, Jeanny Lorgeoux, Cédric Perrin et Gilbert Roger Interventions extérieures de la France : renforcer l'efficacité militaire par une approche globale coordonnée .

* 55 Rapport n°85 (2016-2017) de M. Dominique de Legge Le financement des opérations extérieures : préserver durablement la capacité opérationnelle de nos armées .

* 56 Alinéa 484.

* 57 Article L. 4138-2 du code de la défense : « L'activité est la position du militaire qui occupe un emploi de son grade. Reste dans cette position le militaire : 1° Qui bénéficie : a) De congés de maladie ou du congé du blessé ; b) De congés de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant ou d'adoption ; c) De permissions ou de congés de fin de campagne ; d) De congés de solidarité familiale ; e) D'un congé de reconversion ; f) De congés de présence parentale ; g) D'un congé pour création ou reprise d'entreprise ; 2° Qui est affecté, pour une durée limitée, dans l'intérêt du service, auprès d'une administration de l'État, d'un établissement public (...), d'une collectivité territoriale, d'une organisation internationale, d'une association, d'une mutuelle ou, dans l'intérêt de la défense, auprès d'une entreprise. »

* 58 Ce qui va être modifié aux termes de l'article 36 du présent projet de loi.

* 59 [Le militaire placé en position de congé parental] conserve ses droits à l'avancement d'échelon pour la totalité la première année, puis réduits de moitié. Le congé parental est considéré comme du service effectif dans sa totalité la première année, puis pour moitié les années suivantes. À l'expiration de son congé, le militaire est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son corps d'origine ou dans le grade ou l'emploi de détachement antérieur. Il peut, sur sa demande, être réaffecté dans un poste le plus proche possible de sa résidence, sous réserve des nécessités du service.

* 60 Pour être placés en non activité pour convenance personnelles, cas prévu par le 5° de l'article L. 4138-11 précité, les militaires doivent présenter une demande agréée, demandant ce congé pour deux ans, renouvelable dans la limite de dix ans, et dans la limite d'un contingent annuel défini, soit 448 militaires en 2018 (hors gendarmerie). En 2017, 278 agréments ont été accordés, dont 132 pour la direction des ressources humaines de l'armée de l'air, 64 de la marine, et 57 de l'armée de terre.

Pour être agréées, les demandes doivent concerner des militaires ayant 4 ans de service ou correspondre aux cas particuliers suivants : établissement de résidence en un lieu éloigné du lieu d'affectation militaire pour suivre un conjoint ou pacsé, congé pour élever un enfant de moins de huit ans, et congé pour donner des soins à un proche suite à un accident ou une maladie grave ou en raison d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne (article R. 4138-65 du code de la défense).

* 61 Solde, indemnité de résidence, supplément familial et indemnité pour service aérien, à l'exclusion des accessoires directement liés à l'emploi comme la nouvelle bonification indiciaire.

* 62 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 63 L'article 11 du présent projet de loi prévoit de remédier à cette imprécision et d'encadrer le recours à la clause de réactivité.

* 64 Rapport d'information n° 793 (2015-2016), fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 13 juillet 2016.

* 65 TA de Rennes, 5 novembre 2015, n° 1300301, Monsieur Hervé Tinel.

* 66 Conseil d'État, 1er juillet 2005, n° 258208.

* 67 Conseil d'État, 7 octobre 2013, n° 337851

* 68 Conseil d'État, 7 octobre 2013, n° 337851, 3ème considérant : « eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille (...) ». ; 4ème considérant : « en instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission ».

* 69 Il réunit, au moins une fois par an, le chef d'état-major des armées, les chefs d'état-major d'armées, le secrétaire général pour l'administration, le secrétaire général du ministère de l'intérieur, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, pour définir les politiques conduites au titre de la garde nationale en termes de recrutement, d'attractivité, de développement de partenariats et de communication.

* 70 Le comité de pilotage réunit le chef d'état-major des armées, les chefs d'état-major d'armées, le secrétaire général pour l'administration, le secrétaire général du ministère de l'Intérieur, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale.

* 71 Prévues par l'article L. 242-3 du CPMIVG.

* 72 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

* 73 Le congé de longue durée pour maladie (CLDM) est attribué pour des cas d'affections cancéreuses, de déficit immunitaire grave et acquis, et de troubles mentaux et du comportement. Lorsque l'affection survient en service, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. Dans les autres cas, ce congé est d'une durée maximale de cinq ans et le militaire de carrière perçoit sa rémunération pendant trois ans, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent.

Le congé de longue maladie (CLM) est attribué, lorsque l'affection constatée met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Lorsque l'affection survient en service, ce congé est d'une durée maximale de trois ans. Le militaire conserve sa rémunération. Dans les autres cas, le militaire bénéficie de ce congé pendant une durée maximale de trois ans. L'intéressé perçoit sa rémunération pendant un an, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. Le militaire servant en vertu d'un contrat réunissant moins de trois ans de services militaires bénéficie de ce congé, non rémunéré, pendant une durée maximale d'un an.

* 74 Décision n° 84-178 DC du 30 août 1984, Loi portant statut du territoire de la Nouvelle Calédonie et dépendances.

* 75 « Le service militaire volontaire : bilan et perspectives » (novembre 2016).

* 76 Anne D., Chareyron S., L'Horty Y. 2017, « Évaluer une action intensive pour l'insertion des jeunes : le cas du service militaire volontaire », rapport de recherche n° 2017-05 TEPP (Travail, emploi et politiques publiques - FR CNRS 3435.

* 77 « Not in education, employment or training » (ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation).

* 78 Décision du Conseil constitutionnel n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013 sur la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

* 79 Conseil d'État, 21 décembre 1988, N° 7077, Élections de Boudot.

* 80 Il appartiendra alors au préfet de demander par déféré au tribunal administratif territorialement compétent d'annuler l'élection de l'intéressé au conseil municipal.

* 81 Article selon lequel le militaire ne peut être que : 1° En activité ; 2° En détachement ; 3° Hors cadres ; 4° En non-activité.

* 82 En séance publique, un amendement rédactionnel a été adopté, aboutissant à la rédaction suivante : « Les militaires en position d'activité ne peuvent ni être membres, à un titre quelconque, du collège électoral sénatorial, ni participer à l'élection à ce collège de délégués et de suppléants. »

* 83 Visés aux articles L.1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense, il s'agit des opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations ou ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation, désignés par l'autorité administrative ainsi que potentiellement, par extension, des établissements mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou comprenant une installation nucléaire de base visée à l'article L. 593-1 du code de l'environnement quand la destruction ou l'avarie de certaines installations de ces établissements peut présenter un danger grave pour la population.

* 84 Ces systèmes de détection sont exploités sur le territoire national par des prestataires de service qualifiés en matière de sécurité de systèmes d'information, par l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information ou par d'autres services de l'Etat désignés par le Premier ministre. Les qualifications des systèmes de détection et des prestataires de service exploitant ces systèmes sont délivrées par le Premier ministre.

* 85

SGDSN - Revue stratégique de cyberdéfense - p.64 - 12 février 2018 http://www.sgdsn.gouv.fr/uploads/2018/02/20180206-np-revue-cyber-public-v3.3-publication.pdf

* 86 Article L. 32-4

* 87 Article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques

* 88 Article L. 2321-3 du code de la défense .

* 89 https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/etude-Hogan-Analysys-juin2011.pdf

* 90 Portée à 10 ans par l'Assemblée nationale (voir infra)

* 91 Article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques

* 92 Formation restreinte visée à l'article L. 130 du code des postes et des communications électroniques.

* 93 Décision n° 2001-441 DC du 20 décembre 2000 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2000/2000-441-dc/decision-n-2000-441-dc-du-28-decembre-2000.460.html

* 94 Etude d'impact p. 133 « Le coût marginal pour l'opérateur est très faible : la mise en place du système revient à moins d'un millier d'euros par an, dont essentiellement de la consommation électrique et de l'espace occupé par la sonde non disponible pour ses clients. Le nombre d'opérations envisageables à ce titre peut être estimé à 20 par an ».

* 95 Apport de la loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 de programmation militaire (2014-2019).

* 96 idem

* 97 Voir le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Avis n° 636 (2016-2017) de M. Michel Boutant ) http://www.senat.fr/rap/a16-636/a16-6364.html#toc99 et le rapport de la commission des lois (R apport n° 629 (2016-2017) de M. Michel Mercier) http://www.senat.fr/rap/l16-629/l16-6296.html#toc114

* 98 Article 154 de la loi de finances pour 2002 - n° 2001-1275 du 28 décembre 2001

* 99 Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait de divulguer ou publier, dans un délai de trente ans, une information relative aux travaux de la commission.

* 100 http://www.senat.fr/rap/r15-423/r15-42337.html#toc559

http://www.senat.fr/rap/r16-448/r16-448.html

* 101 Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

* 102 Loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité

* 103 Décision n o 111/2013 du Comité mixte de l'EEE du 14 juin 2013 modifiant l'annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l'accord EEE.

* 104 Règlement (CE) n° 2894/94 du Conseil, du 28 novembre 1994, relatif à certaines modalités d'application de l'accord sur l'Espace économique européen.

* 105 Espace économique européen, qui réunit les 28 pays membres de l'Union Européenne ainsi que trois des quatre pays membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) - Islande, Liechtenstein et Norvège - au sein d'un marché commun européen. La Suisse est membre de l'AELE, mais ne fait pas partie de l'EEE.

* 106 Il s'agit des catégories A1 (armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention), A2 (armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat) et B (armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention) visées à l'article L. 2331-1 du code de la défense.

* 107 Arrêté du 27 juin 2012 modifié relatif à la liste des matériels de guerre et matériels assimilés soumis à une autorisation préalable d'exportation et des produits liés à la défense soumis à une autorisation préalable de transfert.

* 108 Il apparaît nécessaire d'actualiser cet article en se conformant à la position de la Cour de cassation, qui considère, sur le fondement du 6° de l'article L. 110-1 du code de commerce, que toute opération consistant dans la fourniture d'un service doit être considérée comme un acte de commerce (Cass. Com., 5 décembre 2006, n° 04-20039).

* 109 Même si 95 % du chiffre d'affaires du secteur des services de défense semblent être réalisés par quelques grandes entreprises, le principal opérateur français est la société Défense conseil international (dont l'Etat détient 49,9% du capital) qui réalisait en 2015 un chiffre d'affaires de 227,5 millions d'euros. Parmi les autres sociétés françaises, on compte les sociétés Amarante international, Erys Group, Gallice, GEOS, Risk § Co, Scutum security first et la filiale Sovereign global France, qui réalisaient en 2015 un chiffre d'affaires cumulé d'environ 130 millions d'euros. La majorité d'entre elles proposent des services de sécurité (protection des biens, personnes et informations) ou de soutien aux forces armées (soutien logistique et en matière de formation notamment). Une minorité commercialise des services de défense, c'est-à-dire correspondant à la délivrance directe de capacité opérationnelle impliquant la mise en oeuvre de matériels de guerre ou la transmission de savoir-faire opérationnel.

* 110 Assemblée nationale - 13 ème législature - Rapport n° 4350 de MM. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet, députés au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

* 111 Document de Montreux du 17 septembre 2008 sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées pendant les conflits armés. Document initié par la Suisse et le Comité international de la Croix Rouge (CICR).

* 112 Il engage les signataires à faire un usage approprié de la force, à respecter le droit international humanitaire, les droits de l'homme et les législations en vigueur, y compris les lois locales, régionales et nationales, et établit des principes de gestion destinés à garantir que le personnel de ces entreprises respecte le code, par la mise en place de bonnes pratiques en matière de recrutement et de formation et par l'instauration de rapports et de systèmes de surveillance internes.

* 113 Son comité directeur est composé de représentants des sept Etats membres (Australie, Canada, Etats-Unis, Norvège, Royaume-Uni, Suède et Suisse), de l'industrie et de la société civile. 98 entreprises ont adhéré à l'association, dont 4 ont leur siège social en France, et 22 organisations de la société civile.

* 114 Contractor accountability bill, adopté en 2004

* 115 Qui prévoient, lorsque les activités sont menées en dehors du territoire, l'application des règles prévues pour l'exportation des matériels sensibles, sans règles spécifiques aux services de défense.

* 116 Soit, à titre principal, une peine d'emprisonnement de sept ans et une amende de 100 000 euros, peines portées à dix ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.

* 117 Soit six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende pour la personne titulaire de l'autorisation d'exercer l'activité concernée.

* 118 Telle que prévue par l'alinéa 6 du présent article (soit la fabrication ou le commerce « de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l'article L. 2331-1 » et non des seules « armes et munitions »).

* 119 Les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette réforme, elles seront fixées par voie réglementaire et devront être définies conjointement avec les autres services de l'Etat concernés, notamment avec le service central des armes du ministère de l'intérieur et avec la direction générale des douanes et des droits indirects du ministère de l'action et des comptes publics.

* 120 Projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité. Sénat - Rapport n° 306 (2010-2011) de M. Josselin de Rohan  au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. http://www.senat.fr/rap/l10-306/l10-30610.html#toc252

* 121 Créé par la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'UE et aux marchés de défense et de sécurité.

* 122 Figurant à la deuxième partie de l'annexe de l'arrêté du 27 juin 2012 précité.

* 123 Une telle dérogation est par exemple applicable lorsque le transfert est nécessaire pour la mise en oeuvre d'un programme de coopération en matière d'armements entre États membres de l'Union européenne, ou encore lorsqu'il est lié à l'aide humanitaire en cas de catastrophe, ou réalisé en tant que don dans le contexte d'une situation d'urgence.

* 124 Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 125 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 126 Loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière.

* 127 LOI n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

* 128 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 129 Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 130 Décret n°2005-1325 du 26 octobre 2005 relatif aux règles de sécurité applicables lors des travaux réalisés dans le cadre d'un chantier de dépollution pyrotechnique.

* 131 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 132 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 133 Ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940.

* 134 Le décret de forclusion du 23 janvier 1946 a été pris par le Général de Gaulle lorsqu'il quitta le pouvoir en 1946. Deux dernières croix de la Libération ont été attribuées de façon exceptionnelle, portant à 1038 le nombre de récipiendaires : en 1958 à Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni, et en 1960 au roi du Royaume-Uni, George VI.

* 135 Bataillon de marche n°2, 13e demi-brigade de Légion étrangère, Bataillon d'infanterie de marine et du Pacifique, Régiment de marche du Tchad, 2e régiment d'Infanterie colonial, 1er régiment d'artillerie coloniale, 1/3e régiment d'artillerie coloniale, 1er régiment de marche de spahis marocains, 501e régiment de chars de combat, 1er régiment de parachutistes d'infanterie de marine : en tant qu'héritier des traditions du 2e régiment de chasseurs parachutistes , anciennement 3°SAS , créé en Grande-Bretagne (avec le 4°SAS) durant la seconde guerre mondiale, Sous-marin Rubis, Corvette Aconit, 1er régiment de fusiliers marins, 1re escadrille de chasse, Régiment de chasse Normandie-Niémen, Groupe de bombardement Lorraine, Groupe de chasse Île-de-France et Groupe de chasse Alsace.

* 136 Elle a été adoptée, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale et le Sénat.

* 137 Le décret n° 2017-538 du 13 avril 2017 relatif au Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » a fait du ministre de la défense le ministre de tutelle de l'établissement public.

* 138 Cette disposition a été modifiée par la loi n° 2012-339 du 9 mars 2012, qui lui a substitué une date à fixer par décret en Conseil d'État. Ainsi, le décret n° 2012-1253 du 14 novembre 2012 relatif au Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » a fixé cette date d'entrée en vigueur au 16 novembre 2012. Jusque-là, le conseil d'administration était constitué de seize membres : les maires des cinq communes françaises titulaires de la Croix de la Libération, dix Compagnons de la Libération (titulaires physiques vivants de la Croix de la Libération) et un délégué national nommé, pour un mandat de quatre ans renouvelable, par décret du président de la République.

* 139 Soit un total de 2,278 millions d'euros.

* 140 CEDH, 8 juillet 2003, Mocie c. France ; CEDH, 28 février 2007, Desserprit c. France.

* 141 Dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l'action de l'Etat en mer, dont la ratification est proposée à l'article 36 du présent projet de loi.

* 142 Sous-direction de la propriété intellectuelle et des affaires générales de la direction générale de l'armement.

* 143 Elles sont exposées dans le détail dans l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, ainsi que dans le rapport n° 765 (tome 1) du 14 mars 2018, de M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur, au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale.

* 144 Par exemple dans son arrêt CE n°254844 du 16 juin 2005.

* 145 Désignés par arrêté ministériel, pour la durée de leurs fonctions et pour une durée maximale de cinq ans selon les modalités définies à l'article R. 2335-38 du code de la défense. Ces agents appartiennent au groupe de contrôle de l'armement du contrôle général des armées ou à la direction du développement international de la direction générale de l'armement. Exerçant des prérogatives de police judiciaire, ils sont assermentés (prestation de serment devant le TGI de leur résidence administrative.

* 146 Décret n° 2017-151 du 8 février 2017 susmentionné, qui a modifié l'article R. 2335-37 de ce code et créé les articles R. 2339-3 et R. 2339-4.

* 147 Il s'agit de : la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, le bataillon de marins-pompiers de Marseille, les formations militaires de la sécurité civile, le service militaire adapté, les structures internationales disposant de la personnalité juridique telles que le corps de réaction rapide européen ou le service de l'enseignement en Allemagne, les participations extérieures du ministère de la défense, notamment dans les Terres australes et antarctiques françaises, les militaires attachés auprès d'une ambassade.

* 148 Décret relatif aux forces armées et aux formations rattachées et modifiant le code de la défense [dans sa partie règlementaire].

* 149 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 150 Amendement n° 19 rect. de M. Yves Krattinger, sénateur, au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 (1 ère lecture).

* 151 Décret du 23 juillet 2015 relatif aux modalités de cession des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense.

* 152 Conseil d'État, Assemblée générale du 1 er février 2018, avis consultatif n°394142.

* 153 Loi n°2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 154 Articles L. 210-1 et suivants du code de l'environnement, issus notamment de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA).

* 155 Réponses au questionnaire de la commission.

* 156 Étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 157 Réponses au questionnaire de la commission.

* 158 Réponses au questionnaire de la commission.

* 159 « qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail ».

* 160 Arrêté du 3 novembre 1990 relatif à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements militaires recevant du public.

* 161 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl16-549.html

* 162 Cf. supra.

* 163 Par une insertion à l'article L. 2441-1 de ce code.

* 164 À l'article L. 2451-1 du même code.

* 165 À l'article L. 2461-1 du même code.

* 166 À l'article L. 2471-1 du même code.

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