N° 484

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 mai 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, demandant la renégociation , par le Gouvernement, des articles 31 et 32 du règlement (UE) n°1305/2013,

Par Mme Gisèle JOURDA et M. Michel RAISON,

Sénateurs

et TEXTE DE LA COMMISSION

(Envoyé à la commission des affaires économiques.)

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, MM. Thierry Foucaud, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert.

Voir le numéro :

Sénat :

452 (2017-2018)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le 19 avril dernier, Mme Gisèle Jourda a déposé une proposition de résolution européenne (PPRE) demandant la renégociation des termes des articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013.

Au premier abord, le sujet peut sembler technique.

Il revêt pourtant, à l'inverse, une dimension particulièrement concrète pour nos agriculteurs : il s'agit, en effet, de la clé de voûte juridique du mécanisme de l'Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels (ICHN) visant à compenser les surcoûts liés aux difficultés d'exploitation dans les zones défavorisées.

Ces indemnités apportent un soutien efficace et souvent indispensable aux agriculteurs installés dans des territoires où les conditions de production sont plus difficiles qu'ailleurs.

Créée en 1976, l'ICHN fait figure de mesure emblématique de la Politique agricole commune (PAC), à titre aussi bien politique, agricole que budgétaire.

Quelques éléments chiffrés permettent d'en comprendre toute l'importance pour notre pays.

L'ICHN joue un rôle majeur dans le développement rural et le maintien de l'activité économique. Elle fait partie des mesures du « second pilier » de la PAC. Elle est financée par l'État à hauteur de 25 %, avec un très fort cofinancement de l'Union européenne (75 %).

Le montant annuel de l'ICHN, en France, a nettement augmenté depuis 2014 pour atteindre 1 milliard d'euros. Au total, le nombre des bénéficiaires s'élève actuellement à 96 000, répartis sur le territoire de 16 120 communes 1 ( * ) , y compris en zone de montagne.

Dans ces conditions, la réforme en cours du zonage de l'ICHN constitue, fort logiquement, un sujet d'inquiétude majeur pour nos territoires et pour nos agriculteurs. Il était, dès lors, particulièrement opportun que le Sénat s'y intéresse.

POINT D'ÉTAPE SUR LA RÉFORME DU ZONAGE DE L'ICHN

Les zones défavorisées constituent des zones soumises à des contraintes naturelles dans lesquelles les agriculteurs sont éligibles à des aides compensatoires de l'Union européenne liées à ce handicap naturel.

On distingue actuellement trois types de zones défavorisées : les zones de montagne, les zones défavorisées dites « simples » (soumises à des contraintes naturelles importantes), et les zones affectées de handicaps spécifiques.

En outre, deux types d'aide coexistent aujourd'hui : l' ICHN « animale » et l' ICHN « végétale ».

L'unité de base pour la délimitation est la commune. Seules les zones défavorisées « simples » et affectées de handicaps spécifiques font l'objet d'une révision destinée à faire suite aux observations formulées par la Cour des comptes européenne, à compter de 2003.

Le classement dans les différentes zones d'ICHN apparaît utile à la fois pour l'application de la PAC (« second pilier ») et pour la politique de cohésion puisque, de fait, le classement en zone de montagne signifie aussi, pour beaucoup d'États membres (mais pas en France), l'éligibilité aux aides européennes de l'ancien objectif 1 de la politique de cohésion, destiné aux régions en retard de développement.

Ce classement mêle des critères géophysiques (altitude, pente...), déterminants pour le classement en « zone de montagne » et des critères socio-économiques (faible productivité, population faible ou en déclin fortement dépendante de l'activité agricole), surtout utiles pour le classement des autres zones défavorisées. Ces critères sont régulièrement modifiés. Sur longue période, depuis 1975, la place des critères géophysiques a diminué au profit des critères socio-économiques. Les modifications réglementaires sont liées à la redéfinition périodique des objectifs du « second pilier ». Les règlements dans ce domaine distinguent toujours les zones de montagne d'une part, et les zones qui présentent des « handicaps » (rédaction de 2005) ou des « contraintes » (rédaction de 2013) autres que ceux des zones de montagne.

La définition des zones se fait à deux niveaux : le niveau européen, qui fixe les critères de classement , et le niveau national , qui les précise ou les adapte . Même si le cadre européen est commun, les législations nationales ne sont pas uniformes. Il existe de nombreuses spécificités nationales ou régionales. L'altitude, par exemple : 1 000 m en Espagne, 200 m en Irlande ; même en France, l'altitude requise pour être une zone de montagne n'est pas uniforme (600 m dans les Vosges, contre 700 m dans le reste du pays). Les pays manifestement montagneux ont élaboré des législations spécifiques, très orientées vers le maintien à l'activité agricole (type « loi montagne » ou équivalent en France, en Espagne, en Italie, en Autriche...). Un critère souvent ajouté est le critère démographique, avec la prise en compte d'une démographie agricole vieillissante.

Les critères de zonage sont aujourd'hui définis par le règlement relatif au maintien du développement rural : les articles 31 et 32 du règlement 1305/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013. Ces critères sont repris dans des décrets rassemblés dans le code rural, avec quelques adjonctions - par exemple, les zones de haute montagne, ou les zones de piémont (articles D113-16 du code rural et de la pêche).


Les bénéficiaires de l'ICHN

« Les bénéficiaires de l'ICHN sont les exploitants qui exercent une activité agricole dans les zones défavorisées.

L'aide est attribuée aux éleveurs et peut également être versée pour les productions végétales commercialisées dans les zones de montagne. Plusieurs conditions existent pour être éligibles et percevoir l'aide à taux plein :

- être agriculteurs actifs au sens des aides de la PAC ;

- retirer au moins 50% de leurs revenus de l'activité agricole ;

- exploiter la surface minimale requise selon le type d'activité ;

- avoir au moins 80% de leur surface agricole en zone défavorisée ;

- respecter le niveau de taux de chargement pour les éleveurs (autrement dit, le rapport entre le nombre d'animaux et la surface fourragère).

Le montant de l'indemnité varie entre 35 et 450 euros par hectare, avec une dégressivité dans la limite d'un plafond de 75 hectares pour les surfaces fourragères dédiées à l'élevage et 50 hectares pour les cultures commercialisées. Elle se calcule en tenant compte du type de zone défavorisée, de l'importance du handicap et du type d'exploitation (production animale ou végétale).

Dans certaines régions, cette aide peut représenter 30 à 60% du revenu des agriculteurs, voire 80% dans certaines zones se trouvant en haute altitude. Le montant annuel de l'aide peut varier, selon le type d'exploitation et la zone, de 1.700 à 21.500 euros (avec l'application du principe de transparence en ce qui concerne les GAEC), en fonction des types de territoire, de culture et d'élevage. »

Source : site Internet ministère de l'Agriculture

L'Union européenne a décidé, en 2013, d'engager un processus de modification des critères d'éligibilité de ces zones.

La réforme en cours du zonage de l'ICHN ne concernera pas les zones de montagne , mais affectera, en revanche, fortement les deux autres catégories référencées de territoire : les zones défavorisées simples (appelées désormais « zones soumises à contraintes naturelles » ZSCN ), et, en second lieu, des zones affectées de handicaps spécifiques (devenues « zones soumises à contraintes spécifiques » ou ZSCS ).

Cette réforme porterait exclusivement sur des paramètres techniques, en cours de renégociation entre la Commission européenne et les États membres, sans modification, toutefois, de la réglementation européenne (à savoir les articles 31 et 32, ainsi que l'annexe III du règlement n° 1305/2013 du 17 décembre 2013).

L'adoption récente du règlement dit « Omnibus » a, fort opportunément, repoussé d'un an l'échéance du dossier, jusqu'en 2019.

Dès lors, le ministère de l'Agriculture se fixe pour objectif, d'ici à l'été 2018, d'aboutir à un consensus aussi large que possible avec les professionnels et les représentants des territoires sur les nouvelles cartes, avant de les faire valider par la Commission européenne. En revanche, les amendements déposés par les élus français (tendant à accroître les marges de subsidiarité pour améliorer la solidité juridique de l'ICHN, telle qu'elle fonctionne dans notre pays) n'ont pas été adoptés par le Parlement européen.

L'option d'un maintien du statu quo est exclue, dans la mesure où la réforme du zonage correspond aux demandes de la Cour des comptes européenne. Et le sujet fait l'objet de discussions techniques ouvertes en 2009.


* 1 Site Internet du ministère de l'Agriculture. Page http://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-lichn (mise à jour le 3 mai 2018).

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