CHAPITRE II - Un nouveau cadre d'organisation de l'indemnisation du chômage
Section 1 - Financement du régime d'assurance chômage

Article 30 (art. L. 5422-9, L. 5422-10, L. 5422-14, L. 5422-24, L. 5424-20, L. 5427-1, L. 5429-2, L. 6332-17 du code du travail et L. 213-1 du code de la sécurité sociale) - Suppression des contributions salariales d'assurance chômage

Objet : Cet article consacre la suppression des contributions salariales de droit commun à l'assurance chômage, dans le prolongement des mesures adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Il maintient toutefois la possibilité pour les intermittents du spectacle et les salariés expatriés de cotiser à l'assurance chômage.

I - Le dispositif proposé

A. L'exonération de contributions salariales d'assurance chômage décidée pour 2018

La loi de financement pour la sécurité sociale de 2018 208 ( * ) a mis en place, dans le cadre de l'exonération de la contribution salariale d'assurance chômage, un dispositif de compensation original.

Ce dispositif, mis en oeuvre par convention entre l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et l'Unédic, est fondé sur les principes suivants :

- un dispositif d'« émission garantie » qui conduit l'Acoss à reverser à l'Unédic l'exact montant des cotisations qui auraient été dues en l'absence d'exonération, minoré de frais d'assiette et de recouvrement correspondant au taux de reste à recouvrer final moyen de la branche sur la population considérée ;

- un financement sur la base de recettes de TVA.

Selon l'Acoss, ce dispositif, qui contraste avec les mécanismes de facturation a posteriori et de compensation prévue pour les exonérations existantes, s'avère particulièrement sécurisant pour l'Assurance chômage car :

- il apporte une garantie absolue de compensation des montants exonérés pour l'Unédic ;

- il est neutre vis-à-vis de la structure des recettes de l'Unédic, la compensation via des recettes TVA étant parfaitement transparente pour l'Unédic.

Au plan pratique, il se traduit par un dispositif d'acomptes et de régularisations organisé par la convention entre l'Acoss et l'Unédic.

La mise en oeuvre de ce nouveau dispositif depuis février 2018 n'a pas soulevé de difficulté majeure.

Toutefois, ce dispositif transfère le risque financier sur les caisses du régime général de la sécurité sociale, en raison de la déconnexion entre la garantie apportée à l'Unédic et les recettes fiscales attribuées en contrepartie à la sécurité sociale pour solde de tout compte.

B. La volonté du Gouvernement de supprimer les contributions salariales d'assurance chômage

En application du premier alinéa de l'article L. 5422-9 , l'allocation d'assurance est financée par des contributions des employeurs et des salariés assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond.

Son second alinéa pose toutefois une exception à ce principe : l'assiette des contributions peut être forfaitaire pour les catégories de salariés pour lesquelles les cotisations à un régime de base de sécurité sociale sont ou peuvent être calculées sur une assiette forfaitaire.

Le projet de loi conserve le premier alinéa de l'article L. 5422-9 mais réécrit intégralement le second, afin de tirer les conséquences des modifications apportées au régime d'assurance chômage par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (exonération de contribution salariale à l'assurance chômage en vue de son remplacement par une part de la taxe sur la valeur ajoutée en 2018, puis de façon pérenne par une affectation d'une part de la contribution sociale généralisée) et par le présent projet de loi (extension des allocations versées par Pôle emploi aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants).

C'est pourquoi l'allocation d'assurance et l'allocation des travailleurs indépendants seront financées par :

- des contributions des employeurs ;

- le cas échéant, des contributions des intermittents du spectacle et des salariés expatriés ;

- les impositions de toute nature qui sont affectées en tout ou partie à l'Unédic, notamment pour le financement de l'allocation des travailleurs indépendants.

C. Diverses dispositions techniques, parfois sans lien direct avec le financement du régime

Les deux premières catégories sont assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond, comme le prévoit déjà le droit en vigueur.

L'article 30 prévoit en outre diverses mesures relatives à l'assurance chômage, parfois sans lien direct avec ses ressources :

- seules les contributions des intermittents du spectacle et celles volontaires des salariés expatriés sont déductibles de l'impôt sur le revenu 209 ( * ) ;

- les employeurs soumis à l'obligation d'assurance doivent déclarer les rémunérations servant au calcul de la contribution incombant tant aux employeurs qu'aux intermittents du spectacle (les salariés expatriés qui cotisent volontairement à l'assurance chômage ne sont pas concernés) ;

- s'agissant de la contribution minimale de 10 % des sommes collectées par l'Unédic affectée au financement de Pôle emploi , les contributions patronales sont calculées avant application des exonérations et réductions d'impôt 210 ( * ) ;

- l'allocation versée aux intermittents du spectacle est due même s'ils sont privés volontairement d'emploi , tandis que les règles de recouvrement et de contrôle de la contribution spécifique payée par les employeurs demeurent inchangées 211 ( * ) ;

- les contrats conclus avec les intermittents du spectacle ne sont pas compris dans le périmètre des fins de contrat pouvant donner lieu à une modulation des contributions patronales à l'assurance chômage 212 ( * ) ;

- s'agissant des missions de l'Unédic, outre des modifications mineures 213 ( * ) , la référence à un règlement européen du 14 juin 1971 est remplacée par celle plus récente du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tandis que la possibilité pour la Caisse nationale de compensation des cotisations de sécurité sociale des voyageurs, représentants et placiers de commerce à cartes multiples travaillant pour deux employeurs au moins de recouvrer des contributions pour le compte de l'Unédic est supprimée 214 ( * ) ;

- l'employeur qui refuse de s'acquitter de sa contribution à l'Unédic sera soit puni comme aujourd'hui d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 3 750 euros, soit seulement de l'une de ces deux sanctions, comme le prévoit l'article L. 244-6 du code de la sécurité sociale 215 ( * ) ;

- toutes les ressources de l'Unédic, et pas seulement les contributions qui lui sont affectées, peuvent être utilisées pour participer au financement des contrats de professionnalisation des demandeurs d'emploi de vingt-six ans et plus 216 ( * ) ;

- les missions des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ( Urssaf ) sont précisées afin de viser uniquement les contributions acquittées par les employeurs, les intermittents du spectacle et les salariés expatriés 217 ( * ) .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission , seuls quatre amendements de précision juridique du rapporteur ont été adoptés.

Un amendement de coordination juridique du rapporteur a été adopté en séance publique .

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs partagent les observations du Conseil d'Etat sur la profonde mutation que connaît l'assurance chômage depuis quelques mois. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'Etat a estimé qu'il résultait de la réforme proposée « une absence de lien entre les modalités de financement par la quasi-totalité des salariés du régime d'assurance chômage et les revenus de remplacement dont ils peuvent bénéficier, dès lors que la CSG est une imposition de toutes natures et n'ouvre donc pas, par elle-même, droit à des prestations et avantages sociaux » 218 ( * ) . Au final, « compte tenu des évolutions de l'assurance chômage résultant du projet, de la suppression des cotisations salariales d'assurance maladie déjà opérée par la LFSS pour 2018 et de la réforme à venir des régimes de retraite, le Conseil d'Etat invite le Gouvernement à approfondir sa réflexion sur la cohérence des modalités de financement des régimes avec les prestations qu'ils servent, dans la perspective d'une réforme du système de protection sociale tirant toutes les conséquences de la part prise par les impositions dans le financement de la protection sociale obligatoire » 219 ( * ) .

Sur proposition de vos rapporteurs , la commission a adopté l' amendement COM-305 qui vise à maintenir ouvertes plusieurs pistes de financement de l'assurance chômage , y compris les contributions salariales . Il convient en effet de ne pas anticiper le débat sur la suppression des contributions salariales à l'assurance chômage. La loi de financement pour la sécurité sociale pour 2018 a maintenu les contributions sociales au régime, tout en prévoyant un mécanisme original d'exonération pendant un an, à travers une compensation de TVA et la mobilisation de l'ACOSS. Ce débat sur le maintien des contributions sociales ne doit pas être clos lors de l'examen d'un projet de loi ordinaire. D'où cet amendement qui laisse ouvertes toutes les possibilités de financement de l'assurance chômage : contributions salariales, contributions patronales, recettes diverses et impositions de toute nature.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 31 - Mesures transitoires relatives au financement de Pôle emploi par l'assurance chômage

Objet : Cet article prévoit que les règles antérieures à la présente loi s'appliqueront en 2019 et 2020 pour calculer la contribution de l'assurance chômage à Pôle emploi, qui ne pourra pas être inférieure à 10 % des recettes du régime.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 5422-24 du code du travail prévoit qu'au moins 10 % des contributions des employeurs et des salariés à l'assurance chômage financent le budget de Pôle emploi.

Sont actuellement concernées toutes les contributions des employeurs et des salariés, dont les intermittents du spectacle, qu'elles soient forfaitaires ou calculées en fonction des rémunérations brutes, à condition que les employeurs soient affiliées à l'assurance chômage l'année N - 2.

La fraction des ressources de l'assurance chômage affectée à Pôle emploi est définie par la convention d'assurance chômage conclue par les partenaires sociaux, mais elle ne peut être inférieure à 10 % des sommes collectées.

Cette fraction est versée aux sections « fonctionnement et investissement » et « intervention » du budget de Pôle emploi, selon une ventilation décidée annuellement par son conseil d'administration.

En 2017, cette fraction s'élevait à 3,348 milliards d'euros . Elle s'ajoute à la dotation budgétaire de 1,457 milliard versée par l'Etat la même année en loi de finances. Pour mémoire, le budget initial de Pôle emploi en 2016 atteignait 5,7 milliard d'euros 220 ( * ) .

Le présent article prévoit que pour les années 2019 et 2020 la fraction des cotisations versées par l'assurance chômage au budget de Pôle emploi sera calculée selon les règles en vigueur.

Pour mémoire, ces règles sont celles prévues au titre II « indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi » du livre IV « demandeur d'emploi » du cinquième livre « emploi » du code du travail, qui comprend les articles L. 5421-1 à L. 5429-2 .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté à cet article.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs constatent que les nouvelles missions de Pôle emploi liées à l'indemnisation des démissionnaires et des travailleurs indépendants auront un coût non négligeable pour le fonctionnement de l'organisme public, qu'il est difficile à ce stade d'évaluer précisément. Lors de son audition devant vos rapporteurs, le directeur général de Pôle emploi M. Jean Bassères a toutefois évalué que l'extension de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants pourrait entraîner la création respectivement de 200 et 180 équivalents temps plein (ETP). Pour mémoire, Pôle emploi compte 50 228 ETP selon la loi de finances initiale pour 2017. Fin 2016, Pôle emploi comptait 13 256 équivalents temps plein travaillés (ETPT) dédiés à l'accompagnement et au suivi personnalisé des demandeurs d'emploi, soit 1 406 ETPT redéployés sur un an (+ 12 %). Selon le Gouvernement, ce résultat s'explique notamment par les premiers gains d'efficience liés à l'amélioration des processus d'accueil et d'inscription des demandeurs d'emploi ainsi qu'à la dématérialisation des démarches.

Le présent article n'interdit pas aux partenaires sociaux chargés de négocier la convention d'assurance chômage, avec l'accord du Gouvernement, de prévoir une fraction des ressources de l'assurance chômage affectée à Pôle emploi supérieure au seuil de 10 %. Tout l'enjeu est de savoir si la fraction actuelle de 10 % est d'ores et déjà trop généreuse, ou si elle est justifiée compte tenu des missions remplies par Pôle emploi depuis sa création.

Les partenaires sociaux rappellent que les nouvelles règles de financement de Pôle emploi par l'assurance chômage (10% des recettes du régime) sont plus élevées que celles qui prévalaient avant 2008 pour l'Agence nationale pour l'emploi (7 %), soit un surcoût évalué par l'Unédic de 9 milliards sur la période 2008-2018 . D'autres personnes entendues par vos rapporteurs rappellent que l'équivalent allemand de Pôle emploi est financé exclusivement par une fraction de l'assurance chômage, qui présente l'avantage d'être plus stable qu'une dotation budgétaire, soumise aux aléas des arbitrages du Gouvernement. Au-delà de 2021, la règle des 10 % des ressources continuera de s'appliquer mais sur une assiette différente, à savoir l'ensemble des ressources de l'assurance chômage.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 208 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

* 209 Art. L. 5422-20.

* 210 Art. L. 5422-24.

* 211 Art. L. 5424-20.

* 212 Idem.

* 213 Le nom de Pôle emploi est désormais directement utilisé à la place de l'expression « l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail », et la référence aux contributions affectées à l'Unédic est précisée pour tenir compte de la suppression des contributions salariales.

* 214 Art. L. 5427-1.

* 215 Art. L. 5429-2.

* 216 Art. L. 6332-17.

* 217 Art. L. 213-1 du code de la sécurité sociale.

* 218 Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, paragraphe 58.

* 219 Op. cit, paragraphe 17.

* 220 Projet annuel de performance, mission travail et emploi, projet de loi de finances pour 2018, p. 72.

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