TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À L'EMPLOI
CHAPITRE IER - Favoriser l'entreprise inclusive
Section 1 - Simplifier l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés

Article 40 A (art. L. 7342-1, L. 7342-3 et L. 7342-4 du code du travail) - Renforcement de la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation électronique

Objet : Cet article, issu de l'adoption en séance publique à l'Assemblée nationale d'un amendement du rapporteur, sous-amendé par le Gouvernement, renforce la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation électronique à l'égard de leurs collaborateurs : il donne la possibilité aux plateformes d'établir une charte précisant les contours de cette responsabilité, il définit les règles d'alimentation du compte personnel de formation et il clarifie la règle de calcul de la prise en charge de la cotisation afférente aux accidents du travail.

I - Le dispositif proposé

A. La création de la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation électronique à l'égard de leurs collaborateurs

En application de l'article 242 bis du code général des impôts, les plateformes de mise en relation par voie électronique, comme Uber, sont définies comme des entreprises, quel que soit leur lieu d'établissement, qui mettent en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service.

Face au développement très rapide de ces plateformes et du nombre de travailleurs indépendants qui collaborent avec elles, s'est posée la question de la qualification de la relation contractuelle établie entre ces deux parties. De nombreuses personnes y ont vu une forme de salariat déguisé, d'autres une nouvelle facette du travail indépendant, d'autres encore ont plaidé pour la création d'un cadre juridique spécifique pour ces travailleurs.

L' article 60 de la loi « Travail » 277 ( * ) s'inscrit dans cette dernière hypothèse, en conférant trois droits spécifiques aux collaborateurs avec ces plateformes : la protection contre les accidents du travail , le droit à la formation et la reconnaissance du droit de grève .

Ces trois droits, qui constituent la responsabilité sociale de la plateforme à l'égard de ses collaborateurs, ne peuvent s'exercer que si elle détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et qu'elle fixe également son prix 278 ( * ) .

Le premier volet de cette responsabilité sociale oblige la plateforme à prendre en charge, dans la limite d'un plafond fixé par décret, les frais d'assurance couvrant le risque d'accidents du travail 279 ( * ) . La plateforme est dispensée de cette obligation si le travailleur adhère au contrat collectif d'assurance qu'elle a mis en place pour ses collaborateurs, à condition d'offrir des garanties au moins équivalentes à celles prévues dans l'assurance individuelle.

Le deuxième volet rappelle que les collaborateurs des plateformes bénéficient du même droit d'accès à la formation continue que les autres travailleurs indépendants 280 ( * ) . Si les collaborateurs souhaitent bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience (VAE), la plateforme doit prendre en charge les frais d'accompagnement et leur verser une indemnité .

Pour le calcul de la cotisation afférente aux accidents du travail et de la contribution à la formation professionnelle , seul est pris en compte le chiffre d'affaires réalisé par le travailleur dans l'entreprise concernée.

L'exercice de ces deux premiers droits est conditionné à l'existence d'un chiffre d'affaires minimal réalisé par le travailleur sur la plateforme, tandis que la prise en charge financière de la plateforme est fonction du chiffre d'affaires réalisé par le travailleur dans l'entreprise concernée 281 ( * ) .

Un décret du 4 mai 2017 282 ( * ) a fixé ce seuil minimal à 13 % du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 5 099,64 euros en 2017 ). Il a également prévu que la prise en charge des frais d'accompagnement du collaborateur qui suit une VAE était intégrale , mais que l'indemnité versée était plafonnée à 24 Smic horaire . Surtout, le décret a prévu que lorsque plusieurs plateformes sont tenues de prendre en charge les cotisations, contributions et frais relevant de leur responsabilité sociale, chacune d'entre elles doit s'acquitter de ses obligations au prorata du chiffre d'affaires que le travailleur indépendant a réalisé par son intermédiaire, rapporté au chiffre d'affaires total qu'il a réalisé au cours de l'année civile par l'intermédiaire des plateformes. Or lors de son audition par vos rapporteurs, la représentante d'Uber a indiqué que cette disposition était très difficile à appliquer faute de partage d'informations entre les plateformes.

Le troisième volet de la responsabilité sociale des plateformes reconnaît le droit de grève de ses collaborateurs 283 ( * ) . De fait, les mouvements de refus concerté des collaborateurs de fournir leurs services en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l'exercice de leur activité.

Les collaborateurs bénéficient en outre du droit de constituer une organisation syndicale , d'y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs 284 ( * ) .

B. Le renforcement de la responsabilité sociale des plateformes

Un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale portant article additionnel a été adopté en séance publique pour étendre et adapter la responsabilité sociale des plateformes à l'égard de leurs collaborateurs .

Ce nouvel article donne la possibilité aux plateformes d'établir une charte tout en définissant très précisément son contenu, il précise les règles d'alimentation du compte personnel de formation de leurs collaborateurs et il clarifie la règle de calcul de la prise en charge de la cotisation afférente aux accidents du travail .

En premier lieu, cet article complète l'article L. 7342-1 afin d'inciter les plateformes à élaborer une charte sur le contour de leur responsabilité sociale, et de définir leurs droits et obligations ainsi que ceux reconnus à leurs collaborateurs.

La charte doit aborder au minimum sept thèmes , précisément définis dans le présent article.

Elle doit tout d'abord définir les conditions d'exercice de l'activité professionnelle des travailleurs avec lesquels la plateforme est en relation, en particulier les règles selon lesquelles ils sont mis en relation avec ses utilisateurs. Ces règles doivent garantir le caractère non-exclusif de la relation entre les travailleurs et la plateforme et la liberté pour les travailleurs d'avoir recours à cette dernière.

La charte doit ensuite permettre d'assurer aux travailleurs un revenu d'activité décent .

Elle doit également indiquer les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels des collaborateurs.

Ce document doit par ailleurs définir les mesures de prévention des risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ainsi que les mesures permettant de garantir aux travailleurs des conditions de travail décentes .

La charte doit aussi préciser les modalités de partage d'informations et de dialogue entre la plateforme et les travailleurs sur les conditions d'exercice de leur activité professionnelle.

En outre, elle doit définir les modalités selon lesquelles les travailleurs sont informés de leurs changements d'activité .

Enfin, la charte doit préciser les garanties applicables en cas de rupture de relations contractuelles entre la plateforme et les travailleurs.

La charte devra être publiée sur le site internet de la plateforme et annexée aux contrats qui la lient à ses collaborateurs.

L'existence de la charte et le respect de la plateforme de ses engagements ne sauraient caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et ses collaborateurs.

À la suite de l'adoption d'un sous-amendement du Gouvernement , l' autorité administrative devra se prononcer sur toute demande d' appréciation de la conformité du contenu de la charte aux dispositions du code du travail relatives à la responsabilité sociale des plateformes, dans des conditions fixées par décret.

En deuxième lieu, le présent article précise que lorsque le chiffre d'affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme est supérieur à un seuil défini par décret, son compte personnel de formation sera abondé par la plateforme d'un montant égal à celui d' un salarié à temps plein .

En troisième lieu, il propose une nouvelle rédaction de l'article L. 7342-4 afin de préciser que les règles relatives à la prise en charge par la plateforme de la cotisation afférente aux accidents du travail mentionnée à l'article L. 7342-2 ne seront pas applicables lorsque son chiffre d'affaires est inférieur à un seuil défini par décret. En outre, pour calculer le montant de cette cotisation, seul sera pris en compte le chiffre d'affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme.

II - La position de votre commission

En adoptant les deux amendements de suppression COM-431 et COM-288 , présentés respectivement par vos rapporteurs et par Nadine Grelet-Certenais et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste et républicain, la commission a témoigné de son opposition à cet article.

Sur la forme, vos rapporteurs déplorent que cet article ait été introduit au stade de la séance publique à l'Assemblée nationale. Sur un sujet aussi important, cette méthode de légiférer ne permet pas un débat serein et éclairé du Parlement. De fait, le Sénat ne dispose ni d'une étude d'impact, ni de l'avis du Conseil d'Etat sur les dispositions prévues au présent article, et vos rapporteurs n'ont pas pu mener toutes les auditions nécessaires pour approfondir ce sujet.

Vos rapporteurs rappellent que les dispositions actuelles sur la responsabilité sociale des plateformes avaient également été introduites tardivement lors de l'examen de la loi « Travail » en 2016, et c'est notamment pour cette raison que votre commission, approuvée par le Sénat, les avait rejetées.

Sur le fond, l'incitation pour chaque plateforme à établir une charte n'est pas condamnable en soi, mais elle occulte la question essentielle concernant la qualification juridique de la relation établie entre cette dernière et ses collaborateurs. A ce titre, la disposition prévue à l'alinéa 12 peut poser une sérieuse difficulté, car elle indique que l'existence de la charte et son respect par la plateforme ne peuvent pas « caractériser l'existence d'un lien de subordination entre la plateforme et les travailleurs ». Cette disposition est soit inutile , soit néfaste en ce qu'elle rendrait difficile voire impossible une éventuelle requalification par le juge de la relation contractuelle en contrat de travail.

En outre, de nombreuses organisations d'employeurs ont manifesté leur opposition à cet article, car même s'il améliore la protection sociale des travailleurs concernés, il risque de créer une inégalité de traitement entre les entreprises d'un même secteur selon leur statut juridique.

Votre commission a supprimé cet article.

Article 40 (art. L. 5212-2, L. 5212-5, L. 5212-5-1, L. 5212-6, L. 5212-9, L. 5212-10, L. 5212-10-1 [nouveau], L. 5212-11, L. 5212-12, L. 5523-4 du code du travail) - Redéfinition de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH)

Objet : Cet article procède à une redéfinition profonde de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés telle qu'issue de la loi fondatrice de 1987.

I. - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

1. Le principe de l'OETH

L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) a été introduite par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées. Elle s'applique, aux termes de l'article L. 5212-1 du code du travail, « à tout employeur occupant au moins vingt salariés , y compris les établissements publics industriels et commerciaux ». Elle impose à ce dernier d'employer « dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés , à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés ». Cette obligation d'emploi s'applique, dans les entreprises à établissements multiples, établissement par établissement .

Intactes depuis plus de trente ans, ces dispositions législatives sont intervenues, selon Philippe Séguin alors ministre des affaires sociales et de l'emploi, « au moment où les personnes handicapées sont de plus en plus nombreuses à exiger du monde du travail qu'il les accueille » 285 ( * ) . Selon les termes d'Henri Collard, rapporteur du projet de loi de 1987, le texte s'inscrivait dans le service d'un « idéal à atteindre : [...] insérer dans le milieu ordinaire de travail le plus grand nombre possible de handicapés ». Elles constituent donc la matière principale de l'arsenal juridique dédié à l'intégration des travailleurs handicapés dans le milieu ordinaire, à distinguer des dispositions réservées au milieu protégé de travail, essentiellement composé des établissements et services d'aide par le travail (Esat) et entreprises adaptées (EA).

2. Les formes possibles du respect de l'OETH

La mise en oeuvre de l'OETH peut, outre l'emploi direct de personnes handicapées, prendre trois formes différentes.

a) La mise en oeuvre dite partielle ou indirecte

Les modalités de mise en oeuvre partielle sont de deux sortes :

- l'employeur peut passer des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de service avec des Esat, des entreprises adaptées ou des travailleurs indépendants handicapés reconnus bénéficiaires de l'OETH. Ces contrats, pour permettre la mise en oeuvre de l'OETH, doivent présenter des montants supérieurs à des seuils définis par décret. Cette dispense partielle par passation de contrats ne peut être supérieure à 3 % des effectifs totaux de l'établissement . Autrement dit, la mise en oeuvre partielle de l'OETH au titre de la passation de contrats extérieurs ne peut couvrir au maximum que la moitié de l'obligation d'emploi ;

- l'employeur peut accueillir en stage ou en période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) des personnes handicapées, dans la limite de 2 % des effectifs totaux de ses salariés . Par ailleurs, un décret précise que les personnes accueillies selon ces modalités sont prises en compte au prorata de la durée de leur stage ou de leur PMSMP.

b) La mise en oeuvre par l'application d'un accord agréé

L'employeur peut s'acquitter de l'OETH en faisant application d'un accord de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement agréé prévoyant la mise en oeuvre d'un plan annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés . La signature d'un accord agréé valant acquittement de l'OETH, les entreprises signataires ne sont donc pas soumises à l'obligation prévue à l'article L. 5212-2 et échappent ainsi au principe de la mutualisation interentreprises de la politique inclusive des travailleurs handicapés.

Un décret du 20 novembre 2014 286 ( * ) prévoit que ce plan compte un volet d'embauche en milieu ordinaire, un volet de maintien dans l'entreprise et un volet privilégiant soit l'insertion et la formation, soit l'adaptation aux nouvelles technologies. L'accord est agréé par l'autorité administrative.

c) La mise en oeuvre par le versement d'une contribution annuelle

L'employeur peut enfin s'acquitter de l'OETH en versant une contribution annuelle 287 ( * ) , qui ne peut être supérieure à 600 fois le Smic horaire brut multiplié par le nombre de bénéficiaires non employés (supposant ainsi qu'un travailleur handicapé travaille en moyenne 600 heures par an, par rapport aux 1 607 heures théoriques d'une personne non handicapée). Cette contribution, dont les modalités de calcul figurent aux articles D. 5212-19 et suivants du code du travail , tient compte de la réalisation partielle de l'OETH par l'employeur, et la complète afin que l'impératif légal des 6 % soit tenu.

Le calcul de la contribution annuelle

Aux termes de l' article D. 5212-19 du code du travail, la contribution est égale au produit suivant :

Les premiers coefficients de minoration sont définis à l' article D. 5212-23 et sont égaux à 0,5 pour des bénéficiaires âgés de moins de 26 ans ou de plus de 50 ans et à 1 pour les bénéficiaires dont la lourdeur du handicap a été reconnue par la Direccte, pour les bénéficiaires en chômage de longue durée (la première année de leur embauche uniquement) et pour les bénéficiaires précédemment employés par une entreprise adaptée ou un établissement ou service d'aide par le travail (Esat).

Le second coefficient de minoration ne s'applique que pour certaines catégories d'emploi définies à l' article D. 5212-25 .

Le montant forfaitaire , défini à l' article D. 5212-26 , est égal à :

- 400 fois le Smic horaire brut dans les entreprises de 20 à 199 salariés,

- 500 fois le Smic horaire brut dans les entreprises de 200 à 749 salariés,

- 600 fois le Smic horaire brut dans les entreprises de plus de 750 salariés.

Aux termes de l'article L. 5212-10, cette contribution annuelle ne peut excéder la limite de 600 fois le Smic par bénéficiaire non employé . Pour les employeurs qui n'ont occupé aucun bénéficiaire de l'OETH, qui n'ont passé aucun contrat de sous-traitance ou n'appliquent aucun accord collectif, ce seuil est porté à 1 500 fois le Smic horaire brut par bénéficiaire non employé .

Il est par ailleurs possible pour l'entreprise de déduire du montant de sa contribution annuelle, dans la limite de 10 % de son montant, des dépenses non prévues par la loi ou le règlement destinées à favoriser l'accueil, l'insertion ou le maintien de travailleurs handicapés dans l'entreprise, l'abondement de leur compte personnel de formation ou encore toute action favorisant l'accès de personnes handicapées à la vie professionnelle.

Cette contribution est versée au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés , géré par une association administrée par des représentants des salariés, des employeurs et des personnes handicapées (Agefiph). L'Agefiph, en concentrant l'ensemble des contributions versées et en organisant leur redistribution, participe à la mutualisation de la politique inclusive de l'emploi des personnes handicapées.

En résumé, le schéma suivant représente les modalités actuelles de l'acquittement de l'OETH des employeurs privés.

Les trois voies d'acquittement actuelles de l'OETH

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

B. L'article 40 issu du projet de loi initial modifie en profondeur l'OETH pour le secteur privé

1. Une révision quinquennale du taux de l'obligation d'emploi

Le 1° du I de l'article 40 prévoit une révision tous les 5 ans du taux de 6 % d'emploi des bénéficiaires de l'OETH, « en référence notamment à la part des bénéficiaires de l'OETH dans la population active ». L'introduction de l'adverbe « notamment » suppose la prise en compte d'autres facteurs.

2. Le recours à la déclaration sociale nominative

Aux termes de l'article L. 5212-5 du code du travail, « l'employeur adresse une déclaration annuelle relative à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés [DOETH] à [l'Agefiph], qui assure la gestion de cette déclaration ».

L' Agefiph est actuellement investie, outre la collecte des contributions annuelles, de la gestion de la DOETH, des contrôles de cohérence et de conformité qui s'y rattachent, du contrôle des contributions annuelles et du traitement des recours gracieux et contentieux sur les indus ou trop-perçus.

Le 2° du I vise à incorporer les éléments constitutifs de la DOETH à la déclaration sociale nominative (DSN) , destinée depuis 2016 à centraliser l'ensemble des informations relatives à la rémunération brute des salariés dans un même fichier communiqué mensuellement par les employeurs aux différents organismes de recouvrement du système de sécurité sociale. Il s'agit concrètement de transférer les tâches de contrôle du respect de l'OETH aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf).

L'article 40 précise par ailleurs que les informations contenues dans la DSN sont confidentielles et ne peuvent faire l'objet, par un employeur, d'une communication à un autre employeur.

3. La suppression de la mise en oeuvre partielle de l'OETH par la passation de contrats

Le 3°, le 4°, le 6° et le 7° du I suppriment la possibilité de mise en oeuvre partielle de l'OETH par la passation de contrats externes (mais maintient celle de mise en oeuvre partielle par l'embauche de stagiaires ou de PMSMP). Il y substitue la possibilité de déduire du montant de la contribution annuelle les dépenses afférentes à ces contrats supportées par l'entreprise . Ainsi, les montants relatifs à la passation de contrats de sous-traitance ne viendront plus en déduction directe de l'OETH, mais en déduction de la contribution - par ailleurs plafonnée - dont l'employeur doit s'acquitter.

À noter que le plafonnement de l'acquittement partiel par passation de contrats à la moitié de l'OETH totale n'est pas maintenu .

Le schéma suivant synthétise les nouvelles modalités de l'acquittement de l'OETH des employeurs privés.

Les trois voies d'acquittement de l'OETH telles qu'issues de l'article 40

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

4. La non-déductibilité fiscale de la contribution

Le 5° du I clarifie le statut de la contribution annuelle au regard de sa déductibilité pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS). Bien que non explicitement rattachée aux actes de gestion normale de l'entreprise, la contribution annuelle, issue d'une disposition légale, n'en figurait pas moins au rang des charges déductibles pour l'établissement du résultat fiscal de l'entreprise.

Le droit en vigueur consacrait ainsi une incitation fiscale à s'acquitter d'un montant important de contribution annuelle au détriment de l'emploi direct de personnes handicapées.

L'article 40 y remédie, en excluant explicitement la contribution annuelle des charges déductibles .

5. La modification du champ des dépenses déductibles non législatives et non réglementaires

Enfin le 8° du I modifie le champ des dépenses auxquelles l'entreprise n'est pas contrainte mais qu'elle peut tout de même déduire de la contribution annuelle. Il s'agit d'une reformulation de simplification afin que ces dépenses visent toute action touchant l'accueil, l'insertion et le maintien dans l'emploi à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise.

II. - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

A. Les modifications apportées en commission des affaires sociales

Outre deux amendements rédactionnels, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a, sur proposition de sa rapporteure, apporté quelques modifications substantielles aux dispositions réformant le taux d'emploi des personnes handicapées.

Elle a redéfini le taux de 6 %, susceptible désormais d'être révisé tous les cinq ans, comme taux plancher . Elle a par ailleurs procédé à la suppression de l'adverbe « notamment » afin que les deux seuls critères de définition du taux d'emploi soient la part des bénéficiaires de l'OETH dans la population active et, ce dernier critère ayant été ajouté par amendement, leur « situation au regard du marché du travail ».

Un dernier amendement prévoit que la définition de ce taux d'emploi devra être précédée de l'avis du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

B. Les modifications apportées en séance publique

De très nombreux amendements, modifiant substantiellement le contenu initial de l'article 40, ont été adoptés en séance publique. Ces derniers introduisent de nouvelles obligations de l'employeur privé au regard de l'OETH, mais aussi de nouvelles possibilités pour l'acquittement de cette dernière.

1. De nouvelles obligations pour l'employeur privé

L'obligation de déclaration est étendue à tous les employeurs privés 288 ( * ) , y compris ceux employant moins de 20 salariés . Concernant ces derniers, la déclaration ne sera cependant pas assortie d'une obligation d'emploi.

Le périmètre de calcul de l'OETH est modifié 289 ( * ) . L'article L. 5212-3 du code du travail dispose actuellement que « dans les entreprises à établissements multiples, l'obligation d'emploi s'applique établissement par établissement ». Le Gouvernement a souhaité que cette obligation s'applique dorénavant au niveau de l'entreprise dans son ensemble . Outre qu'elle permet de simplifier les formalités des entreprises, cette disposition évite les effets d'éviction lorsqu'une entreprise comporte de multiples établissements dont les effectifs sont inférieurs à 20 salariés et sont ainsi soustraits à l'OETH. L'amendement prévoit par ailleurs que les modalités de paiement de la contribution annuelle soient définies de façon transitoire pour les entreprises pour lesquelles ce changement entraînerait une hausse de leur contribution.

Un amendement adopté en séance publique 290 ( * ) revient sur la possibilité ouverte par l'article L. 5212-8 de s'acquitter de l'OETH par l'application d'un accord agréé de branche, de groupe ou d'entreprise. L'amendement propose de la limiter en réduisant l'effet de ces accords agréés à 3 ans renouvelables une fois . Passés ces 6 ans, les entreprises sous accord se verront dans l'obligation de rejoindre le droit commun de l'inclusion des travailleurs handicapés.

Enfin, un amendement 291 ( * ) d'Adrien Taquet, député, instaure l'obligation d'un référent handicap dans toute entreprise de plus de 250 salariés.

2. De nouvelles possibilités d'acquittement pour l'employeur privé

L'article L. 5212-6 du code du travail a été profondément remanié 292 ( * ) par l'introduction du principe selon lequel le seul acquittement possible de l'OETH passe par l'emploi direct . Il est ainsi pris acte de la fin de l'acquittement partiel par la passation de contrats de sous-traitance. L'amendement réaffirme par ailleurs la possibilité de s'acquitter de l'OETH par le recrutement de bénéficiaires de l'OETH stagiaires , par le recrutement de bénéficiaires de l'OETH en PMSMP , ou - il s'agit là d'une nouveauté - par le recrutement de bénéficiaires mis à disposition par des entreprises de travail temporaire . Le plafonnement à 2 % n'est pas conservé.

Cette nouvelle disposition tire en partie la conséquence d'un autre amendement 293 ( * ) , qui prévoit d'ouvrir, à titre expérimental, la possibilité de mise à disposition d'un salarié temporaire bénéficiaire de l'OETH auprès d'une entreprise utilisatrice, autrement dit de faciliter le recours à l'intérim des travailleurs handicapés .

Le calcul de la contribution annuelle, notamment sa modulation en fonction des caractères des bénéficiaires, est revu 294 ( * ) . Un amendement limite cette modulation au seul critère de l'âge . Est ainsi supprimée toute possibilité pour l'employeur de faire valoir l'embauche d'un bénéficiaire de l'OETH au handicap particulièrement lourd, ou chômeur de longue durée, ou ancien employé d'EA ou d'Esat, pour minorer la contribution annuelle.

Enfin, un amendement déposé par les députés du groupe Les Républicains 295 ( * ) supprime la non-déductibilité de la contribution annuelle des charges retenues pour le calcul de l'impôt sur les sociétés.

III - La position de votre commission

L'esprit de la version initiale de l'article 40 du projet de loi aurait pu faire l'objet d'un accueil plutôt favorable de votre commission. L'introduction d'un principe de déduction du montant des contrats de sous-traitance du montant de la contribution, et non plus du niveau de l'OETH, va dans le sens d' une incitation des employeurs privés à l'emploi direct des travailleurs handicapés .

Elle regrette néanmoins la méthode adoptée par le Gouvernement pour la conduite de cette réforme de l'OETH. Il ressort des auditions menées par vos rapporteurs que les principaux acteurs concernés n'ont pas été suffisamment consultés et que l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi n'est pas robuste. Par ailleurs, le Gouvernement a complété cette réforme par l'adoption en séance publique de pas moins de sept amendements substantiels , dont les députés n'ont pu assurer l'instruction et l'examen dans des conditions satisfaisantes.

Ainsi, telle qu'issue des travaux de l'Assemblée nationale, la nouvelle version de l'article 40 suscite plusieurs inquiétudes.

Au préalable, il a paru fondamental à vos rapporteurs de concrétiser par un amendement n° COM-426 l'engagement pris à l'Assemblée nationale d'encadrer par un débat parlementaire la révision quinquennale du taux d'emploi des personnes handicapées.

A. Les nouvelles positions du Gouvernement : vers une précarisation du travail des personnes handicapées dans le secteur privé

1. Prudence sur le recours à l'intérim

L'idée de faciliter le recours pour les employeurs privés à des travailleurs handicapés intérimaires peut être favorablement considérée, bien qu'elle ait été exposée de façon particulièrement maladroite dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 2030 du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale aux termes duquel l'intérim est « un véritable gisement de mise à l'emploi pour les travailleurs handicapés ».

Vos rapporteurs défendent la position selon laquelle toutes les formes d'emploi des travailleurs handicapés doivent être promues , au nombre desquelles figure l'intérim. En l'état actuel du droit, les mesures proposées par le Gouvernement risquent de se heurter au maintien de certains principes, notamment celui énoncé à l'article L. 5212-3 du code du travail, selon lequel « les entreprises de travail temporaire ne sont assujetties à l'obligation d'emploi que pour leurs salariés permanents ».

Les entreprises spécialisées dans l'intérim n'auront donc aucune incitation particulière à embaucher des travailleurs handicapés pour les mettre à disposition. Du côté des entreprises utilisatrices, l'effet incitatif sera également limité dans la mesure où les bénéficiaires de l'OETH continueront d'être pris en compte « à due proportion de leur temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année civile » : l'embauche d'un intérimaire handicapé ne pourra donc compter pour une unité et contraindra l'employeur à d'autres recrutements.

Parallèlement, il convient de mettre en garde contre la tentation pour les employeurs à recourir davantage à des embauches précarisées qu'à de l'emploi pérenne 296 ( * ) . L'amendement n° 2245 déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, qui inclut dans les bénéficiaires de l'OETH les stagiaires, les PMSMP et les intérimaires, s'inscrit incontestablement dans cette perspective. En supprimant la limite de 2 % qui s'imposait préalablement au recrutement de stagiaires et de travailleurs en PMSMP, il permet ainsi théoriquement à l'employeur de s'acquitter en totalité de l'OETH par ce biais.

Vos rapporteurs rappellent à cet égard que l'embauche d'un travailleur en PMSMP ne donne lieu au versement d'aucune rémunération à ce dernier par l'employeur : la nouvelle rédaction de l'article pourrait donc - dans un cas d'école - permettre à ce dernier de s'acquitter en totalité de son OETH sans avoir aucune rémunération à verser.

2. Le seul critère de l'âge pour moduler le nombre des bénéficiaires manquants

Vos rapporteurs déplorent que le Gouvernement entende limiter au seul critère de l'âge les possibilités de moduler à la baisse le nombre de bénéficiaires de l'OETH manquants pour un employeur privé, et donc les incitations à embaucher des personnes handicapées particulièrement éloignées de l'emploi.

Plusieurs dispositions réglementaires décrites plus haut se révèlent particulièrement incitatives à l'embauche de personnes handicapées sortant de chômage de longue durée, présentant un handicap particulièrement lourd, ou bien issues d'entreprise adaptée ou d'Esat. Le Gouvernement justifie la restriction de la modulation au seul critère de l'âge par le très faible recours des personnes handicapées et des employeurs aux autres incitations.

Il ne paraît pas justifié de supprimer les accès potentiels à l'emploi de personnes handicapées qui s'en trouvent éloignées au seul motif qu'ils sont peu activés. C'est pourquoi la commission a adopté un amendement n° COM-2 rétablissant ces voies d'accès à l'emploi des personnes handicapées sur proposition de vos rapporteurs.

3. Prévenir le risque lié à la nouvelle déduction de la sous-traitance

Plusieurs acteurs rencontrés par vos rapporteurs les ont mis en garde contre le risque que comportait la nouvelle déduction des montants des contrats de sous-traitance et de prestations aux entreprises adaptées et aux Esat. Ces montants seront désormais déduits directement de la contribution annuelle, et non plus de l'OETH elle-même. Les employeurs seront donc moins incités à y recourir, notamment en raison des effets de seuil importants en-deçà desquels ces contrats ne sont pas éligibles à l'acquittement partiel.

C'est pourquoi l' amendement n° COM-1 suggère de compléter les contrats de sous-traitance et de prestations conclus avec des entreprises adaptées et des Esat par des contrats de partenariats . Ces derniers, plus souples et plus accessibles, permettront ainsi aux Esat et aux entreprises adaptées de ne pas voir leurs carnets de commande trop impactés par le nouveau mode de déduction.

4. Accompagner la fin des accords agréés

Vos rapporteurs prennent acte de la volonté du Gouvernement de mettre fin aux accords agréés que certaines entreprises peuvent conclure à l'échelle d'une branche ou d'un groupe et qui valent acquittement de leur OETH. Ces accords agréés se voient désormais attribuer une durée de vie maximale de 6 ans.

La fin du système dérogatoire de l'accord agréé n'a pas manqué, au cours des auditions de vos rapporteurs, de susciter l'incompréhension de nombreuses entreprises, qui considèrent ce dispositif comme un bon vecteur d'exemplarité, et suffisamment souple pour s'adapter à tous les cadres. Vos rapporteurs ont par conséquent déposé un amendement n° COM-388 , qui propose d'introduire une évaluation obligatoire de leur impact au moment de leur renouvellement triennal. Les résultats de ces évaluations devraient permettre de véritablement mesurer l'impact des accords agréés et de disposer d'une base plus solide pour décider de leur extinction.

B. La vigilance des rapporteurs maintenue sur certaines mesures

1. Nuancer la nouvelle échelle de calcul de l'OETH

Bien que vos rapporteurs aient favorablement accueilli l'initiative du Gouvernement d'élargir le périmètre de calcul de l'OETH de l'établissement à l'entreprise pour les entreprises à multiples établissements, ils craignent que cette mesure, intervenue sans concertation préalable, n'augmente excessivement la charge financière des plus petites d'entre elles.

C'est pourquoi un amendement n° COM-428 introduit un seuil de 250 salariés, au-delà duquel toute entreprise à multiples établissements devra faire calcul de son OETH à partir de l'entreprise, et en-deçà duquel le calcul de l'OETH se maintiendra au seul niveau de l'établissement.

2. Le cas du travailleur au handicap irréversible

Dans la lignée de travaux récemment rendus sur le sujet, vos rapporteurs ont jugé opportun de transposer, par un amendement n° COM-19 , une des mesures 297 ( * ) préconisées par Adrien Taquet, député, et Dominique Gillot 298 ( * ) , ancienne sénatrice et présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui prévoit la délivrance automatique de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à tout travailleur dont le handicap est irréversible .

3. Une distinction insuffisante entre bénéficiaires insérés et bénéficiaires maintenus dans l'emploi

Vos rapporteurs ont pu, au cours de leurs auditions, recueillir certaines inquiétudes sur une inadéquation du calcul de l'OETH, excessivement centré sur le niveau des bénéficiaires observables au moment de la déclaration et non sur le flux des bénéficiaires entrants.

Pour reprendre les termes d'un rapport conjoint de l'IGF et de l'Igas sur le sujet 299 ( * ) , le mode de calcul de l'OETH « ne comporte pas d'incitation automatique au développement d'une stratégie proactive de recrutement des travailleurs handicapés ». Certaines associations vont même jusqu'à prétendre que le mode de calcul actuel de l'OETH favorise les entreprises dont le modèle économique engendre du handicap et qui, par le vieillissement et l'usure de leur main d'oeuvre, s'acquittent de leur OETH par simple reconduction de pratiques professionnelles productrices de handicap.

C'est pourquoi vos rapporteurs ont déposé un amendement n° COM-386 qui contraint l'employeur à distinguer, au moment de la transmission de sa DOETH, un taux d'emploi de travailleurs handicapés de 6 %, le nombre de bénéficiaires qui se maintiennent dans l'entreprise et le nombre de bénéficiaires effectivement embauchés. L'amendement prévoit qu'au bout de trois exercices consécutifs sans recrutement, l'entreprise se verra adresser une notification strictement indicative par l'organisme collecteur de la DOETH.

4. Le « surplafonnement » de la contribution

En l'état actuel du droit, vos rapporteurs notent que le montant du plafond de la contribution, drastiquement relevé à 1 500 fois le Smic horaire brut (soit presque l'équivalent de la rémunération d'un travailleur ordinaire payé au Smic) en cas d'absence totale d'emploi direct ou de mise en oeuvre partielle de l'OETH par passation de contrat, incite certes l'employeur à recourir à l'embauche mais souffre d'un défaut patent de gradation, le plafond de la contribution étant immédiatement abaissé à 600 fois le Smic horaire brut à partir du premier travailleur handicapé recruté ou du premier contrat de sous-traitance passé .

L'Agefiph estime que seuls 7 % des employeurs assujettis à l'OETH se trouvent dans cette situation de « surplafonnement » de leur contribution. Le nombre d'employeurs n'embauchant qu'un très faible nombre de travailleurs handicapés n'est toutefois pas disponible. Vos rapporteurs estiment opportun d'introduire une dégressivité du plafonnement de la contribution en fonction du nombre d'embauches directes ou du nombre de contrats passés : tel est le sens de l' amendement n° COM-3 .

Vos rapporteurs ont par ailleurs déposé deux amendements n° COM-5 et COM-4 visant à améliorer la rédaction du texte.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 40 bis (art. L. 1222-9 du code du travail) - Recours au télétravail des personnes handicapées

Objet : Cet article, inséré par un amendement de la rapporteure de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et adopté en séance publique, prévoit d'ouvrir le télétravail aux personnes handicapées moyennant quelques aménagements.

I. - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Aux termes de l'article L. 1222-9 du code du travail, « le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication . »

La mise en place du télétravail au sein de l'entreprise est normalement subordonnée à la conclusion d'un accord collectif ou d'une charte adoptée par l'employeur après avis du comité social et économique, mais peut également être, à défaut, formalisé par tout moyen par l'employeur et le salarié. Devant initialement figurer au contrat de travail ou à un avenant à celui-ci, les formalités entourant le recours au télétravail ont été progressivement élevées au niveau de l'entreprise ou de la branche, puis substantiellement réduites par l'ordonnance du 22 septembre 2017 300 ( * ) afin d'en faciliter le déploiement.

Le télétravail constituant une modalité innovante et particulière de la relation de travail, la facilitation de son recours est allée de pair avec une sécurisation des cas de refus , tant du côté de l'employeur que du salarié. Pour le salarié, le code du travail dispose explicitement que « le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail ». Pour l'employeur, le refus d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui s'y trouve éligible en vertu de l'accord collectif ou de la charte doit s'accompagner d'une motivation . En l'absence d'un tel accord ou d'une telle charte, la motivation du refus de l'employeur n'est pas prévue .

En tant que salarié, le travailleur handicapé bénéficie déjà, au même titre que les autres salariés, d'un accès au télétravail et des droits et obligations s'y attachant. L'article 40 bis introduit une dérogation relative à l'obligation de motivation du refus de l'employeur en cas de demande : cette motivation s'imposera désormais à l'employeur même en l'absence d'accord collectif ou de charte .

II. - La position de la commission

Votre commission, bien que favorable à ce dispositif, souhaite lui apporter un tempérament. Elle comprend tout à fait l'utilité pour un travailleur handicapé, pour qui la nécessité d'un recours au télétravail peut être plus fréquente ou plus impérieuse, de bénéficier d'un refus motivé de l'employeur. Elle souhaite toutefois que les petites entreprises, notamment celles qui ne sont pas couvertes par un accord collectif et qui ne bénéficient pas de services de ressources humaines suffisamment étoffés, ne se trouvent pas confrontées à un afflux de demandes dont les refus deviendraient attaquables par défaut de motivation.

C'est pourquoi il lui paraît plus judicieux de viser , au sein de la nouvelle disposition, les bénéficiaires de l'OETH énumérés à l'article L. 5212-13 plutôt que les travailleurs handicapés compris au sens large de l'article L. 5213-1 du code du travail. Cet ajustement aura également pour effet de limiter l'obligation de motivation aux employeurs effectivement concernés par l'OETH, comptant au moins 20 salariés. Tel est le sens de l' amendement n° COM-6 .

Par ailleurs, un amendement n° COM-7 présenté par vos rapporteurs prévoit d'insérer à l'article une disposition prévoyant sa mise en oeuvre dans la fonction publique dans des conditions fixées par décret.

Enfin, bien que la matière relève davantage du périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale, vos rapporteurs tiennent à souligner que les réticences que certains employeurs éprouvent à ouvrir la possibilité de télétravail aux travailleurs handicapés proviennent essentiellement de la législation relative aux accidents du travail . En effet, l'article L. 1222-9 du code du travail dispose que « l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale », au sens duquel « est considéré comme accident du travail l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ». Dans le cas particulier du travailleur handicapé en situation de télétravail, la preuve de la survenance de l'accident à l'occasion du travail peut être une question source d'un contentieux nourri.

La présomption d'accident du travail du télétravailleur handicapé

Telle qu'énoncée par le droit, la présomption inconditionnelle d'accident du travail du télétravailleur incite peu l'employeur à développer le télétravail des personnes handicapées.

Une proposition de loi 301 ( * ) présentée en 2011 par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, député, visait à davantage circonscrire les contours de l'accident du télétravail en prévoyant que sa qualification dépende de :

- son occurrence sur le lieu que le télétravailleur a choisi par écrit comme lieu d'exécution de son travail,

- et durant la période de la journée prévue par écrit comme période pendant laquelle le travail peut s'effectuer.

La réactivation de ces dispositions pourrait être envisagée dans le cas du télétravailleur handicapé.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 40 ter (art. L. 5213-6-1 [nouveau] du code du travail) - Référent handicap

Objet : Cet article, inséré par un amendement d'Adrien Taquet, député, adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, prévoit de généraliser le référent handicap à toute entreprise de plus de 250 salariés.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 40 ter propose de généraliser à l'ensemble des entreprises de plus de 250 salariés la pratique déjà instaurée par certaines d'entre elles de désigner un référent « chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les personnes en situation de handicap ».

II - La position de la commission

Votre commission ne peut que se montrer favorable à cette mesure, qui améliorera l'insertion et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées.

Elle a adopté cet article sans modification.

Article 40 quater - Habilitation à réformer par voie d'ordonnance le modèle d'insertion et de maintien dans l'emploi des personnes handicapées

Objet : Cet article, inséré par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure législative régissant le financement de l'insertion et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Un amendement gouvernemental 302 ( * ) vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance , avant le 31 décembre 2019, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à redéfinir les missions, l'organisation et le financement des institutions chargés de l'insertion et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées. Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Le dispositif visé par ces ordonnances concerne concrètement la réforme du modèle de l'Agefiph et de son pendant pour les employeurs publics, le fonds d'intégration des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

II - La position de votre commission

A. Des inquiétudes sur la soutenabilité financière de l'Agefiph et du FIPHFP

1. L'Agefiph

a) La pérennité du modèle financier en question

L'Agefiph a pour mission de gérer le fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, alimenté par les contributions annuelles des employeurs privés et chargé d'accroître les moyens consacrés à l'insertion des handicapés en milieu ordinaire de travail. D'après l'article L. 5214-3 du code du travail, les ressources de l'Agefiph sont notamment affectées :

- à la compensation du coût supplémentaire des actions de formation, d'innovation et de recherche dont bénéficient les intéressés dans l'entreprise ;

- à des mesures nécessaires à l'insertion, au suivi et au maintien des personnes handicapées dans l'emploi. C'est là que se concentre l'essentiel des dépenses de l'Agefiph (environ 60 %) ;

- au financement d'actions de formation professionnelle préqualifiantes et certifiantes des demandeurs d'emploi handicapés. On notera que cette dernière mission excède le périmètre d'action des employeurs contributeurs puisqu'elle vise des personnes handicapées non embauchées .

L'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) ont mené une mission conjointe en décembre 2017 303 ( * ) sur la soutenabilité financière du mode de financement de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Ce rapport concluait notamment à l'inadéquation profonde des ressources de l'Agefiph et des besoins dont elle assure le financement .

En effet, ses ressources étant exclusivement constituées du montant des contributions annuelles des employeurs, elles dépendent étroitement et négativement des embauches de personnes handicapées, puisque ces dernières réduisent mécaniquement le niveau de contribution dont les employeurs doivent s'acquitter. Le niveau de ressources repose par conséquent sur un critère uniquement périodique , à savoir le respect par l'employeur d'une année sur l'autre de son obligation d'emploi. Les dépenses sont a contrario déterminées par des besoins continus et évolutifs . Les dépenses de suivi et de maintien dans l'emploi, qui mobilisent l'essentiel du budget de l'Agefiph et qui peuvent se montrer particulièrement dynamiques, n'induisent pas d'augmentation correspondante de ressources puisqu'un maintien dans l'emploi d'une personne handicapée, bien que souvent fort coûteux, se traduit précisément par une stabilité du taux d'emploi et de l'OETH et donc par une contribution annuelle inchangée.

Il en résulte deux phénomènes particulièrement dommageables pour le modèle financier de l'institution :

- l'émergence d'un « effet ciseau » financier , conséquence d'une dynamique importante des dépenses de maintien dans l'emploi des personnes handicapées, qui résulte elle-même d'embauches plus importantes. Ces embauches ont néanmoins pour effet direct la diminution des ressources de l'Agefiph, puisqu'elles réduisent la contribution annuelle des employeurs ;

Le modèle financier de l'Agefiph

Source : IGF et Igas, 2017

- le pilotage des dépenses de l'Agefiph par ses ressources plus que par les besoins qu'elle doit couvrir . Depuis 2012, l'institution se trouve en déficit constant, qu'elle parvient à couvrir par un recours à ses fonds propres. Sa gestion budgétaire strictement prévisionnelle conduit à une diminution du rythme des dépenses alors même que l'augmentation des taux d'emploi des personnes handicapées appellerait une intensification des mesures de suivi et d'accompagnement.

Ces constats conduisent naturellement à l'impératif d'une réforme en profondeur.

b) D'autres missions de l'Agefiph à prendre en compte

Vos rapporteurs tiennent néanmoins à rappeler que les missions de l'Agefiph ne sont pas que de nature financière. Elle assure auprès des employeurs privés plusieurs missions de conseil et d'expertise dont il conviendra de tenir compte dans le projet de réforme, qui comprennent notamment :

- d'après l'article L. 5212-5, la gestion et le contrôle de la déclaration d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (DOETH), dont le présent projet de loi entend au moins transférer le recueil au réseau des Urssaf ;

- d'après l'article L. 5212-5-1, le rescrit de toute demande d'un employeur ayant pour objet de connaître l'application de sa situation au regard de l'OETH ;

- d'après l'article L. 5212-9, la reconnaissance de la lourdeur d'un handicap , susceptible de moduler le montant de la contribution annuelle d'un employeur. Cette mission sera certainement supprimée par le Gouvernement qui ne souhaite conserver que l'âge du bénéficiaire comme unique critère de modulation.

2. Le FIPHFP

Pour des raisons similaires à celles précédemment exposées pour l'Agefiph, le FIPHFP connaît une trajectoire financière comparable. Le résultat négatif depuis 2013 est couvert par les fonds propres, qui connaissent une diminution inquiétante depuis. Alors que les produits s'élevaient à environ 210 millions d'euros en 2010, ils se rapprochent aujourd'hui du seuil de 100 millions d'euros et leur projection pour 2019 tourne autour de 60 millions d'euros.

La gestion financière du FIPHFP se distingue néanmoins de celle de l'Agefiph en ce que le niveau de ses fonds propres, structurellement supérieur à celui de ses charges, lui a permis depuis 2012 de financer les actions requises par les administrations par la mobilisation de ses réserves . Cette tendance, que le précédent gouvernement a négligé d'enrayer, montre ses limites depuis 2016 et place le FIPHFP dans une situation de détresse financière difficilement réversible.

Une particularité du FIPHFP réside dans la tripartition de sa structure financière , répartie en trois sections pour chacune des trois fonctions publiques. Le code du travail spécifie que les crédits de chacune des sections doivent exclusivement servir à financer des actions réalisées à l'initiative des employeurs de la fonction publique concernée 304 ( * ) .

La rigidité de ces trois circuits de dépenses, outre qu'elle ne répond pas à l'objectif de mutualisation de la politique d'inclusion des travailleurs handicapés à laquelle le FIPHFP reste pourtant attaché, fait dépendre l'insertion d'un fonctionnaire handicapé de la dynamique de contribution de sa fonction publique de rattachement. Or les contributions des fonctions publiques de l'État et territoriale tendent à diminuer substantiellement, notamment en raison d'une dynamique de recrutement particulièrement importante en 2016 305 ( * ) .

Le rapport du FIPHFP montre en effet que les dépenses d'intervention concernent en 2016 la fonction publique d'État pour 13 % de leur montant, la fonction publique territoriale pour 37 % et la fonction publique hospitalière pour 8 %.

Le modèle financier du FIPHFP

Source : IGF et Igas, 2017

B. Sur l'habilitation

Bien qu'elle partage l'avis selon lequel les modalités de financement de la politique d'inclusion dans l'emploi des personnes handicapées appellent une réforme importante, la commission des affaires sociales du Sénat ne saurait être favorable à ce que des mesures d'une telle importance fassent l'objet d'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Les contours de la réforme comprendront nécessairement la redéfinition des contributions annuelles des entreprises et des administrations. Or plusieurs auditions menées par vos rapporteurs leur ont appris que ces dernières pourraient prendre la forme de prélèvements fiscaux, sujet qui, par nature, requiert la délibération du Parlement.

Par conséquent, les amendements n° COM-8 et n° COM-290 de suppression de cet article ont été adoptés.

Article 41 (art. L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale) - Contenu de la déclaration sociale nominative

Objet : Cet article redéfinit le contenu de la déclaration sociale nominative, en conséquence de sa nouvelle mission issue de l'article 40.

I. - Le dispositif proposé

L'article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale décrit le contenu de la déclaration sociale nominative (DSN) que tout employeur de personnel salarié doit établir pour chacun des salariés : doivent y figurer le lieu d'activité, les caractéristiques du contrat de travail, les montants des rémunérations, des cotisations et contributions sociales.

L'article 41 du projet de loi y ajoute les « caractéristiques de l'emploi ». Cette disposition résulte de la modification apportée par l'article 40, qui transfère aux organismes de recouvrement des différents régimes le contrôle du respect de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Les destinataires de la DSN seront ainsi informés de la qualité de bénéficiaire de l'OETH du salarié.

II. - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a apporté aucune modification à cet article.

III. - La position de votre commission

En cohérence avec son approbation du dispositif porté par l'article 40, la commission accueille favorablement cet article. Elle souhaite tout de même rappeler que le transfert de l'Agefiph aux Urssaf de la mission de recueil de la DOETH ne manquera pas de susciter quelques interrogations quant aux autres missions de l'Agefiph (rescrit, expertise), que cette dernière ne pourra concrètement plus accomplir sans disposer de la DOETH des employeurs.

La réforme du financement de l'insertion et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées, si elle attribue les compétences de l'Agefiph aux Urssaf, devra veiller à ce que ces dernières puissent convenablement s'acquitter de toutes les missions actuellement exercées par l'Agefiph.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 42 (art. L. 323-2, 323-8, 323-8-6-1 du code du travail) - Redéfinition de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés pour les employeurs publics

Objet : Cet article étend la redéfinition de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévue à l'article 40 aux employeurs publics.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

Le principe de l'OETH énoncé pour le secteur privé fait l'objet d'une extension aux employeurs publics prévue à l'article L. 323-2 et suivants du code du travail. Cette extension se fait néanmoins selon des modalités distinctes pour le calcul des bénéficiaires de l'OETH, pour la mise en oeuvre partielle de l'OETH et pour l'élaboration de la contribution annuelle.

1. Le nombre de bénéficiaires de l'OETH

En application de l'article L. 323-4-1 du code du travail, « chaque agent compte pour une unité ». Autrement dit, le calcul de l'OETH ne repose pas sur le nombre d'ETP , calculé à l'instar du secteur privé à due proportion du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année civile, mais sur le nombre d'agents rémunérés .

Le calcul du taux d'emploi dans la fonction publique ne comprend pas les agents (valides pour le dénominateur et handicapés pour le numérateur) affectés sur des emplois non permanents rémunérés pendant une période inférieure à 6 mois.

L'article L. 323-5 prévoit également que les agents « reclassés » 306 ( * ) sont pris en compte dans le calcul du taux d'emploi. La prise en compte du nombre d'agents rémunérés, sans considération de leur temps de travail effectif, et l'intégration des fonctionnaires reclassés aux rangs des bénéficiaires de l'OETH peuvent entretenir l'idée selon laquelle les modalités de l'OETH seraient moins contraignantes dans la sphère publique en raison des contours plus souples du public bénéficiaire.

2. La mise en oeuvre partielle de l'OETH

Comme dans le secteur privé, l'article L. 323-8 du code du travail prévoit que la fonction publique peut s'acquitter partiellement de l'OETH, mais uniquement grâce à la passation de contrats de fourniture de sous-traitance ou de prestations de services avec des Esat ou des EA . Il convient de noter que, contrairement au secteur privé ces contrats ne sont pas ouverts aux travailleurs handicapés indépendants et que leur recours n'est pas plafonné à la moitié du niveau de l'OETH.

3. Le calcul de la contribution annuelle

En vertu de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, la possibilité est également ouverte aux employeurs publics de s'acquitter de l'OETH en versant une contribution annuelle. Cette contribution est calculée à partir des « unités manquantes » parmi les bénéficiaires de l'OETH.

Spécificité qui n'existe que pour le secteur public, ce nombre d'unités manquantes est obtenu par soustraction du nombre total de personnes rémunéré par l'employeur multiplié par le taux de 6 % et arrondi à l'unité inférieure et du nombre de bénéficiaires rémunérés.

Ce nombre d'unités manquantes peut être par ailleurs pondéré (sans limite, contrairement au secteur privé) par un coefficient censé tenir compte de l'effort d'insertion, d'accueil et de maintien dans l'emploi public de personnes handicapées. Pour mémoire, dans le secteur privé, la possibilité de déduire ce type de dépense s'applique au montant de la contribution (dans la limite de 10 %) et non à l'effectif manquant.

Peuvent enfin venir en réduction du nombre d'unités manquantes des dépenses pour l'accueil ou le maintien dans l'emploi de travailleurs atteints d'un handicap particulièrement lourd et des aménagements de postes de travail effectués pour maintenir dans leur emploi des agents reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions 307 ( * ) .

Après la détermination du nombre d'unités manquantes, ce dernier est multiplié par le même montant unitaire applicable au secteur privé, et peut se voir appliquer les mêmes coefficients de minoration.

Comparaison des modalités d'acquittement de l'OETH
dans les secteurs privé et public avant le projet de loi

Secteur privé

Secteur public

Bénéficiaires de l'OETH

Mesure

En fonction du temps de travail effectif

Chaque agent compte pour une unité , à l'exception des agents rémunérés depuis moins de 6 mois

Publics

Bénéficiaires de l'OETH au sens de l'article L. 5212-13 du code du travail

Bénéficiaires de l'OETH s'ajoutent les fonctionnaires reclassés et les fonctionnaires bénéficiaires d'une allocation temporaire d'invalidité

Mise en oeuvre de l'OETH

Par la passation de contrats de sous-traitance

Oui, avec Esat, EA et travailleurs handicapés indépendants, et dans la limite de 3 % de l'OETH

Oui, avec Esat et EA uniquement

Par l'embauche de stagiaires

Oui, dans la limite de 2 % de l'OETH

Oui, dans la limite de 2 % de l'OETH

Calcul de la contribution

Bénéficiaires ou unités manquants

Obtenu par soustraction

Obtenu par la différence entre le nombre total de personnes rémunérées par l'employeur auquel est appliquée la proportion de 6 %, arrondi à l'unité inférieure , et le nombre de bénéficiaires de l'OETH

Modulation du nombre de bénéficiaires manquants

Possible dans les cas d'emploi de bénéficiaires âgés ou jeunes, en situation de handicap particulièrement lourd, en chômage de longue durée ou précédemment employés par une EA ou un Esat

Possible dans les cas de handicap particulièrement lourd

Dépenses particulières engagées par l'employeur en faveur de l'insertion et du maintien dans l'emploi

Peuvent être déduites du montant de la contribution dans la limite de 10 %

Sont déduites du montant des unités manquantes

Source : Droit en vigueur

B. L'article 42 modifie en profondeur l'OETH pour le secteur public

En procédant au renvoi aux références modifiées et créées par l'article 40 du projet de loi, l'article 42 organise une extension presque symétrique de la réforme de l'OETH du secteur privé au secteur public.

Ainsi, le 1° du I duplique la suppression de la mise en oeuvre partielle de l'OETH par la passation de contrats de sous-traitance et lui substitue la possibilité de les déduire du montant de la contribution annuelle. Le 2° du I supprime en conséquence l'article L. 323-8, qui comprenait des dispositions redondantes avec l'article L. 5212-7.

Le 3° du I supprime la possibilité de déduire du montant des unités manquantes les dépenses particulières engagées par l'employeur en faveur de l'insertion et du maintien dans l'emploi de personnes handicapées, pour leur substituer une déduction sur le montant de la contribution annuelle. Est en revanche maintenu le principe d'une réduction des unités manquantes pour tenir compte d'un effort consenti en direction des personnes lourdement handicapées .

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

A. Vers un mode de calcul unique de l'OETH

À plusieurs égards, les dispositions introduites lors de la discussion de l'article 42 à l'Assemblée nationale dessinent un rapprochement des règles de calcul et des modalités de définition de l'OETH entre secteur privé et secteur public . Il a notamment été décidé d'ouvrir à l'employeur public le même délai que l'employeur privé 308 ( * ) (3 ans 309 ( * ) ) pour se mettre en règle avec l'OETH.

Deux autres amendements 310 ( * ) ont d'une part introduit, à l'instar du secteur privé, la possibilité d'une modulation de l'OETH uniquement en fonction de l'âge des bénéficiaires employés et d'autre part supprimé les alinéas de l'article 42 qui prévoyaient que « le nombre d'unités manquantes [dans la fonction publique était] réduit afin de tenir compte de l'effort consenti par l'employeur pour accueillir ou maintenir dans l'emploi des personnes lourdement handicapées ». Il s'agit du pendant de la mesure retenue à l'Assemblée nationale pour le secteur privé, qui limite les cas de modulation de la contribution aux seuls cas d'embauches de travailleurs handicapés selon leur âge, et non plus selon la gravité de leur handicap.

Enfin, la version du texte issue des travaux de l'Assemblée nationale rend plus explicite la possibilité pour un employeur public de déduire de sa contribution le montant des contrats de sous-traitance qu'il passe avec des EA ou des Esat 311 ( * ) .

B. Le maintien de quelques spécificités du secteur public

Un amendement de la rapporteure de la commission des affaires sociales 312 ( * ) a traité le cas particulier des fonctionnaires reclassés , intégrés au nombre des bénéficiaires de l'OETH dans le secteur public. Le droit actuel autorise cette prise en compte pour tous les fonctionnaires, mais a jusqu'ici maintenu une distinction entre les fonctionnaires d'État et les autres.

En effet, tout fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions a droit à une « période de préparation au reclassement avec traitement d'une durée maximale d'un an ». Les fonctionnaires d'État bénéficiant de cette période peuvent être intégrés par leur administration d'accueil au titre de l'OETH, mais cette possibilité n'est pas ouverte aux fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers, qui ne sont intégrés à l'OETH qu'à l'issue de cette période. L'amendement met fin à cette distinction.

Un autre amendement 313 ( * ) propose que soit rendue explicite l'application de l'OETH aux groupements de coopération sanitaire (GCS) personnes morales de droit public .

Enfin, un amendement du Gouvernement 314 ( * ) prévoit que l'application de l'OETH dans le secteur public fasse l'objet d'un rapport annuel présenté aux comités techniques et au Conseil commun de la fonction publique.

III. - La position de votre commission

A. Un rapprochement des OETH parfois inopportun

Vos rapporteurs, s'ils estiment nécessaire que soit mis fin aux distinctions infondées qui séparent l'emploi inclusif des travailleurs handicapés dans le secteur privé et dans le secteur public, constatent avec étonnement qu'un amendement de la rapporteure de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé la possibilité de tenir compte des handicaps particulièrement lourds des personnes employées dans la fonction publique.

L'argument selon lequel cet amendement irait dans le sens d'un rapprochement avec le secteur privé n'est pas convaincant. Tout aussi contestable dans le secteur privé, cette mesure est particulièrement incompréhensible dans le secteur public, dont le FIPHFP a précisé à vos rapporteurs qu' il accueillait beaucoup plus de personnes lourdement handicapées que le secteur privé . Un amendement n° COM-12 de vos rapporteurs a donc rétabli cette disposition.

Par ailleurs, vos rapporteurs souhaitent souligner que, bien que favorables à la déduction des montants des contrats de sous-traitance de la contribution annuelle afin de favoriser l'emploi direct, cette nouvelle mesure doit être suivie avec une attention particulière concernant le secteur public, en raison de la part importante de la demande publique dans les carnets de commande des Esat et des entreprises adaptées .

Tel qu'annoncé, le nouveau dispositif d'acquittement de l'OETH risque certes de favoriser l'emploi direct, mais au détriment de la sous-traitance des employeurs publics au secteur adapté .

B. Un rapprochement des OETH qui reste inabouti

Le tableau suivant dresse les comparaisons de l'acquittement de l'OETH d'un employeur public ou d'un employeur privé, compte tenu des articles 40 et 42 du projet de loi.

Comparaison des modalités d'acquittement de l'OETH dans les secteurs privé et public compte tenu du projet de loi

Secteur privé

Secteur public

Bénéficiaires de l'OETH

Mesure

En fonction du temps de travail effectif

Chaque agent compte pour une unité , à l'exception des agents rémunérés moins de 6 mois

Publics

Bénéficiaires de l'OETH au sens de l'article L. 5212-13 du code du travail

Bénéficiaires de l'OETH auxquels se rajoutent les fonctionnaires reclassés et les fonctionnaires bénéficiaires d'une allocation temporaire d'invalidité

Mise en oeuvre de l'OETH

Par la passation de contrats de sous-traitance

Non

Non

Par l'embauche de stagiaires

Oui, sans limite

Oui, sans limite

Par l'embauche d'intérimaires

Oui, sans limite

Oui, sans limite

Calcul de la contribution

Bénéficiaires manquants

Obtenu par soustraction

Obtenu par la différence entre le nombre total de personnes rémunérées par l'employeur auquel est appliquée la proportion de 6 %, arrondi à l'unité inférieure , et le nombre de bénéficiaires de l'OETH

Modulation du nombre de bénéficiaires manquants

Possible en fonction de l'âge du bénéficiaire

Possible en fonction de l'âge du bénéficiaire

Déduction du montant des contrats de sous-traitance

Oui, avec Esat, EA et travailleurs handicapés indépendants

Oui, avec Esat, EA et travailleurs handicapés indépendants

Dépenses particulières engagées par l'employeur en faveur de l'insertion et du maintien dans l'emploi

Peuvent être déduites du montant de la contribution dans la limite de 10 %

Peuvent être déduites du montant de la contribution

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Vos rapporteurs constatent que les rapprochements initiés par la discussion à l'Assemblée nationale se sont surtout concentrés sur la phase du calcul de la contribution. Le recensement des bénéficiaires de l'OETH continue de présenter des disparités importantes qui, pour leur part , ne semblent en aucun cas se justifier. C'est pourquoi vos rapporteurs proposent, dans un premier temps, de soustraire, par un amendement n° COM-11 , les fonctionnaires reclassés des bénéficiaires de l'OETH.

Il est en effet important que soit maintenue la distinction entre un travailleur handicapé, dont les capacités sont réduites du fait d'un caractère intrinsèque, et le travailleur reclassé, dont l'inaptitude n'est liée qu'au poste qu'il occupe et qui ne relève pas en ce sens de la politique inclusive des personnes handicapées dans l'emploi. Vos rapporteurs notent à cet égard qu'en 2016 les agents reclassés ne représentent pas moins 25 % des bénéficiaires de l'OETH au sein de la fonction publique hospitalière et 15 % dans la fonction publique territoriale 315 ( * ) .

Par ailleurs, vos rapporteurs souhaitent apporter une rectification à la version du texte issue des travaux de l'Assemblée nationale concernant les GCS. Il est en effet prévu que ces derniers, soumis à l'OETH, soient intégrés au champ d'action du FIPHFP, et se trouvent de ce fait éligibles aux crédits de la section « Fonction publique de l'État » de ce fonds. Or l'audition du FIPHFP par vos rapporteurs a fait remonter le niveau très limité des contributions annuelles des fonctions publiques de l'État et territoriale, et a insisté sur un équilibre financier presque entièrement imputable aux contributions de la fonction publique hospitalière . Il semble donc de bonne politique, particulièrement si une réforme structurelle du FIPHFP est engagée, de rendre les GCS bénéficiaires des crédits de la section « Fonction publique hospitalière ». Un amendement n° COM-13 a donc été déposé en ce sens.

Avec un amendement n° COM-9 de correction de référence , la commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 42 bis (art. L. 323-2 du code du travail) - Universalité de la déclaration d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique

Objet : Cet article, inséré par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, étend l'obligation de déclaration d'obligation d'emploi à l'ensemble des employeurs publics, quel que soit le nombre d'agents.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Par coordination avec l'amendement par lequel il a rendu la déclaration d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés obligatoire pour l'ensemble des employeurs privés, le Gouvernement étend cette obligation à l'ensemble des employeurs publics . Cette obligation prendra effet à compter de la mise en place de la DSN au sein de la sphère publique, à savoir le 1 er janvier 2022.

II - La position de la commission

Votre commission estime fort opportun le dispositif suggéré par l'article 42 bis .

Elle a adopté cet article sans modification.

Article 42 ter (art. L. 323-8-6-1 du code du travail) - Modification de l'exercice de référence pour le calcul de la contribution annuelle dans la fonction publique

Objet : Cet article, inséré par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, déduit du recours à la déclaration sociale nominative (DSN) pour la déclaration de l'obligation d'emploi une redéfinition de l'exercice de référence pour le calcul de la contribution annuelle dans la fonction publique.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale prévoit une transmission mensuelle par l'employeur de la déclaration sociale nominative (DSN). Or l'article L. 5212-5 du code du travail, dont l'application s'étend au secteur public, prévoit que l'employeur adresse une déclaration annuelle relative à son obligation d'emploi. La transmission de cette déclaration devrait donc se réaliser par compilation des déclarations collectées mensuellement en fin d'exercice .

Or l'article L. 323-8-6-1 du code du travail dispose actuellement que la contribution annuelle des employeurs publics est calculée « en fonction du nombre d'unités manquantes constatées au 1 er janvier de l'année écoulée », soit dans les faits sur les effectifs de l'exercice précédent et non de l'exercice en cours. L'article 42 ter procède à la rectification de cet écart et à l'alignement des exercices déclarés et des exercices servant de base au calcul de la contribution .

L'article prévoit une entrée en vigueur à partir du 1 er janvier 2022, date de l'application effective de la DSN dans le secteur public.

II - La position de la commission

Votre commission, bien entendu favorable au principe porté par l'article 42 ter , attire toutefois l'attention du Gouvernement sur un effet de bord sans doute non anticipé . Le tableau suivant résume les exercices considérés par les employeurs publics au titre de leur DOETH avant et après la mise en place de la DSN.

Application de la DSN aux employeurs privés

Date d'envoi de la déclaration

Exercice considéré

31/12/2018

2017

31/12/2019

2018

31/12/2020

2019

31/12/2021

2020

31/12/2022

2022

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

On constate que le passage d'un système déclaratif à l'autre escamote l'exercice 2021, dont l' amendement n° COM-15 suggère qu'il soit tenu compte. Un amendement n° COM-14 de cohérence a également déposé.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 42 quater (art. 98 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) - Modification du calcul de la contribution annuelle des écoles et des universités

Objet : Cet article redéfinit le régime d'exception dont bénéficient les écoles et les universités au regard de leur contribution annuelle.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le droit existant

L'article 98 de la loi du 11 février 2005 316 ( * ) dispose que « le montant des dépenses consacrées à la rémunération des personnels affectés à des missions d'aide à l'accueil, à l'intégration et à l'accompagnement des élèves ou étudiants handicapés au sein des écoles, des établissements scolaires et des établissements d'enseignement supérieur est déduit du montant des contributions » dont doivent s'acquitter les administrations publiques.

Le traitement dérogatoire de la contribution des écoles et universités

Lors de sa promulgation, l'article 98 de la loi du 11 février 2005 prévoyait que le montant des contributions annuelles versées par les administrations publiques subirait une réduction dégressive pour quatre exercices consécutifs. Le droit initial posait donc le principe d'un alignement progressif des règles régissant la contribution annuelle des employeurs de la sphère publique sur le droit commun.

La loi de finances pour 2006 a introduit le principe de la déduction de la rémunération des personnels accompagnant les élèves et étudiants handicapés des contributions à acquitter par les écoles et les universités, en intégrant le principe d'un plafonnement de cette déduction à 70 %, soumis à un réexamen annuel. La loi de finances rectificative pour 2007 a supprimé ce plafonnement.

Le ministère de l'éducation nationale avait alors justifié cette mesure par le « rôle spécifique de l'enseignement et de son impact à moyen et long termes sur la population handicapée [et] les efforts particulièrement importants que le ministère réalise en termes d'accompagnement individualisé des élèves handicapés », arguant que « la réduction de la contribution [des écoles et des universités] au FIPHFP avait permis de financer, pour partie, le recrutement d'auxiliaires de vie scolaire supplémentaires » 317 ( * ) .

En sus des dispositions précédemment décrites, le rapport conjoint de l'IGF et de l'Igas sur le modèle de financement de l'insertion et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées fait mention d'un « arbitrage rendu au niveau du Premier ministre » autorisant la réduction de ces contributions en 2015 et 2016 de deux tiers du montant dû. Cette dérogation supplémentaire n'a pas reconduite à partir de 2017.

Les dispositifs dérogatoires prévus pour les employeurs de l'éducation nationale étaient donc de nature à diminuer substantiellement la contribution dont ceux qui ne s'acquittaient pas de leur OETH par l'emploi direct restaient redevables. Ils n'allaient toutefois pas jusqu'à l'annihiler complètement , comme le signale le rapport du FIPHFP pour 2016 qui fait figurer deux universités aux quatrième et cinquième rangs de ses contributeurs les plus importants.

B. Le droit proposé

Le Gouvernement a souhaité revenir sur ce régime d'exception en réintroduisant par amendement 318 ( * ) le plafonnement de la déduction à laquelle peuvent prétendre les écoles et les universités, qui sera fixé par décret en Conseil d'État dans la limite de 90 % de la contribution exigible .

II - La position de la commission

La commission s'étonne qu'un plafonnement aussi élevé de la déduction ait été retenu par le Gouvernement, alors que la loi de finances rectificative pour 2007 avait estimé plus sage de limiter la déduction à 70 % du montant de la contribution. Le montant de 90 % risque fort en effet de limiter les impacts financiers de cette mesure, et de la borner à une simple volonté d'affichage. En effet, plus le taux du plafonnement est élevé et moins la contribution versée par les acteurs concernés sera importante.

Vos rapporteurs ont donc déposé un amendement n° COM-16 visant à rétablir le plafonnement à 80 %, qui leur paraît plus équilibré et à introduire une dégressivité de ce plafonnement en fonction des effectifs accueillis par l'établissement.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Section 2 - Renforcer le cadre d'intervention des entreprises adaptées

Article 43 (art. L. 3332-17-1, L. 5213-13, 5213-13-1 [nouveau], L. 5213-14, L. 5213-18, L. 5213-19 du code du travail, L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles) - Redéfinition du statut et du régime de l'entreprise adaptée

Objet : Cet article porte une réforme importante du statut et du régime de l'entreprise adaptée et vise à les rapprocher de ceux de l'entreprise ordinaire.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

Le statut des entreprises adaptées (EA) est actuellement défini par les articles L. 5213-13 à L. 5213-19 du code du travail. Ce statut revêt plusieurs aspects, qui ont été jusqu'à présent soucieux de faire de l'entreprise adaptée un milieu de travail beaucoup plus intégré que l'environnement médico-social à finalité occupationnelle (essentiellement les Esat) et empruntant une grande part des traits du milieu de travail ordinaire.

1. Le régime de création

Une entreprise adaptée est créée soit par une personne morale publique, soit par une personne morale privée. Une fois créée, l'EA conclut avec l'autorité administrative (le préfet de la région d'implantation de l'EA) un contrat d'objectif triennal (COT) qui vaut agrément.

Aux termes de l'article R. 5213-66 du code du travail, ce COT contient « les données et les objectifs économiques relatifs à l'entreprise ainsi que des prévisions d'activités », « les modalités et les objectifs d'accueil, en lieu avec le service public de l'emploi (SPE) et les organismes de placement spécialisés » et « le nombre de travailleurs handicapés ouvrant droit à l'aide au poste ». Le montant de cette aide au poste fait par ailleurs l'objet d'un avenant annuel au COT.

2. Les effectifs et le recrutement

La politique de recrutement d'une EA est relativement contrainte : la loi prévoit qu'une EA doit compter un effectif de production composé au moins à 80 % de travailleurs handicapés ayant reçu une notification de la MDPH . Ces travailleurs peuvent être recrutés par l'EA à condition d'avoir été proposés par le service public de l'emploi ou un organisme de placement spécialisé (réseau des Cap emploi), ou bien intègrent directement l'EA lorsqu'ils répondent à des « critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'emploi ».

3. La rémunération du travailleur et les aides perçues par l'EA

Le principe veut que le travailleur handicapé soit salarié selon les règles du droit commun. Sa rémunération ne peut donc pas être inférieure au Smic.

L'article L. 5213-19 prévoit que les EA « perçoivent pour chaque travailleur handicapé employé » une aide au poste forfaitaire versée par l'État, dans la limite d'un effectif de référence fixé annuellement par la loi de finances. Elles reçoivent en outre une subvention spécifique pour favoriser l'adaptation de la personne à son poste de travail.

Outre ces deux types d'aides particuliers au modèle de l'EA, les EA sont également éligibles aux aides versées par l'Agefiph à tout employeur soumis à l'OETH.

B. Le droit proposé

Les modifications de l'article 43 du projet de loi redéfinissent le statut de l'EA, en opérant de multiples rapprochements avec le droit commun .

1. Une modification importante de l'agrément des EA

Si leur régime de création n'est pas modifié, le régime de leur agrément subit deux modifications substantielles :

- l'État (et non plus le préfet de région) devient le seul dispensateur de l'agrément des EA ;

- le contrat d'objectif triennal est remplacé par un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (Cpom) . Si la modification peut paraître anodine, le choix d'un instrument contractuel jusqu'ici réservé aux établissements et services médico-sociaux ne laisse cependant pas d'interroger.

2. Une modification importante de la politique de recrutement

Un nouvel article L. 5213-13-1 prévoit que les EA « concluent des contrats de travail avec des travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), qui se trouvent sans emploi ou qui courent le risque de perdre leur emploi en raison des conséquences de leur handicap ».

Le recrutement ne se fait donc plus sur notification de la CDAPH , mais à l'issue de la signature d'un contrat de travail entre l'employeur et le salarié. Le cadre du recrutement se rapproche par conséquent considérablement du droit commun, et ce d'autant plus que l'actuelle dualité de l'intégration du travailleur handicapé en EA (recrutement sur proposition du service public de l'emploi ou intégration directe sur respect de critères fixés par arrêté) est remplacée par une modalité unique de recrutement , donc à la main du chef d'entreprise, à qui est laissé le choix entre une proposition du service public de l'emploi ou le respect des critères fixés par arrêté.

Par ailleurs, la proportion de 80 % de travailleurs handicapés est supprimée et remplacée par « une proportion minimale, fixée par décret, de travailleurs reconnus handicapés ». Outre la disparition du taux de la proportion minimale, il faut noter le remplacement des travailleurs handicapés par les travailleurs reconnus handicapés .

En effet, ces deux catégories ne recoupent pas les mêmes réalités. Les travailleurs handicapés désignent tous les bénéficiaires de l'OETH et sont énumérés à l'article L. 5212-13 du code du travail ; les travailleurs reconnus handicapés désignent une partie de cet ensemble, à qui la CDAPH a attribué une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Les travailleurs handicapés, qui ne sont pas « reconnus » handicapés, sont principalement les victimes d'accident du travail avec incapacité permanente d'au moins 10 %, les titulaires de pensions d'invalidité, les victimes de guerre, les titulaires de la carte « mobilité inclusion » (CMI) portant la mention « invalidité » et les attributaires de l'allocation à l'adulte handicapé (AAH).

Article L. 5212-13 du code du travail

Bénéficient de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 5212-2 :

1° Les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ;

2° Les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d'une rente attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire ;

3° Les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l'invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

4° Les bénéficiaires mentionnés à l'article L. 241-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

5° Les bénéficiaires mentionnés aux articles L. 241-3 et L. 241-4 du même code ; [...]

9° Les titulaires d'une allocation ou d'une rente d'invalidité attribuée dans les conditions définies par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ;

10° Les titulaires de la carte «mobilité inclusion» portant la mention «invalidité» définie à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ;

11° Les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Pierre Cabaré et de plusieurs membres du groupe La République en Marche complétant la nouvelle définition de l'entreprise adaptée, en précisant que sa promotion d'un environnement économique inclusif devait être « favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap ».

III - La position de votre commission

A. Le choix du Gouvernement : un rapprochement du droit de l'entreprise adaptée et du droit de l'entreprise ordinaire

1. L'entreprise adaptée : un milieu de travail intermédiaire entre le médico-social et le milieu ordinaire

L'intégration de la personne handicapée dans un milieu de travail peut prendre trois formes distinctes : l'intégration dans le milieu ordinaire , dans le milieu adapté ou dans le milieu protégé . Ces trois formes de milieu, bien que s'adressant a priori à des publics différents, ne se répartissent pas forcément le public des travailleurs handicapés en fonction de la lourdeur de leur handicap. Plusieurs dispositifs récents se sont d'ailleurs attachés à atténuer les distinctions entre les trois milieux, en mettant à leur disposition des outils adaptés à l'insertion et au maintien dans l'emploi des personnes handicapées. C'est notamment le cas du dispositif d'emploi accompagné introduit par la loi du 8 août 2016, ouvert à l'ensemble des travailleurs handicapés, mais aussi du compte personnel de formation , que cette même loi a ouvert aux travailleurs d'Esat, qui n'ont pourtant pas le statut de salariés.

Il n'empêche que d'importantes différences se maintiennent entre les trois milieux, essentiellement visibles si l'on retient les deux critères du recrutement et des aides financières perçues . En l'état actuel du droit, seuls les travailleurs d'Esat font obligatoirement l'objet d'une notification de la CDAPH, alors que le milieu ordinaire et le milieu adapté sont ouverts à la catégorie plus large des bénéficiaires de l'OETH. Symétriquement, le milieu adapté s'est jusqu'ici distingué du milieu ordinaire par une politique de recrutement beaucoup plus contrainte et par un soutien financier important de la part des pouvoirs publics.

Les trois espaces de travail de la personne handicapée

Milieu protégé

Milieu adapté

Milieu ordinaire

Esat

Entreprise adaptée

Entreprise classique

Travailleurs

Sur notification de la CDAPH

Sur notification de la CDAPH ou bénéficiaires de l'OETH

Sur notification de la CDAPH ou bénéficiaires de l'OETH

Contraintes du recrutement

Il ne s'agit pas d'un recrutement, les travailleurs ayant le statut d'usager d'un établissement médico-social

80 % au minimum de bénéficiaires de l'OETH

6 % au minimum de bénéficiaires de l'OETH ou mise en oeuvre indirecte ou paiement de la contribution

Aide financière

L'État finance une aide au poste, calculée en fonction de la rémunération versée par l'Esat, de façon à assurer un montant garanti

L'État finance une aide au poste, forfaitaire par travailleur , dont le montant est ex ante limité par la loi de finances

L'Agefiph peut financer certains aménagements de postes de travail et certaines dépenses d'accompagnement

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

2. Un rapprochement de l'entreprise ordinaire sans remise en cause de la vocation sociale de l'entreprise adaptée

Une mission conjointe de l'IGF et de l'Igas 319 ( * ) avait conclu à la nécessité de réformer le statut de l'entreprise adaptée qui, bien que juridiquement distinct du milieu protégé et du milieu ordinaire, souffrait de l'absence de position claire de l'État, à l'origine des disparités de performance économique et sociale constatées sur le terrain. Concluant au caractère intenable de ce statut intermédiaire, la mission suggérait deux scénarios : l'un visait à appliquer au secteur adapté le régime de la sphère médico-sociale en lui appliquant la procédure d'appel à projet et en limitant la liberté de recrutement du chef d'entreprise, l'autre proposait au contraire de rapprocher l'entreprise adaptée du milieu ordinaire en limitant les dérogations statutaires mais en maintenant le subventionnement. C'est de toute évidence dans cette seconde voie que le présent projet de loi a choisi de s'engager .

Vos rapporteurs se montrent favorables aux innovations visant à moderniser l'entreprise adaptée et à la rendre plus compatible avec l'environnement concurrentiel dans lequel elle s'insère. Ils ont déposé un amendement n° COM-427 visant à préciser que la proportion de travailleurs handicapés employés ne devait pas être seulement encadrée par un plancher, mais aussi par un plafond .

Il paraît néanmoins fondamental à vos rapporteurs de rappeler que la vocation sociale de l'entreprise adaptée doit continuer de la distinguer du milieu ordinaire.

Par ailleurs, alors que l'objet de l'article 43 se concentre sur le régime de l'entreprise adaptée en tant que structure , vos rapporteurs se doivent de rappeler que les dispositions légales touchant la personne handicapée, que cette dernière soit usager de la sphère médico-sociale ou travailleur, doivent désormais servir la continuité de son parcours . Les modifications apportées au statut de l'entreprise adaptée, bien qu'elles la rapprochent de celui du milieu ordinaire, ne doivent pas paradoxalement aboutir à une diminution de la porosité des deux milieux. C'est pourquoi l' amendement n° COM-17 vise à rappeler la vocation essentielle de l'entreprise adaptée de faciliter le rapprochement et l'immersion dans le milieu ordinaire.

B. Les avertissements formulés par la commission sur le dispositif de l'article 43

1. Prudence sur les modifications de la politique de recrutement

a) La nécessité d'un recrutement plus ciblé

La mission conjointe de l'IGF et de l'Igas avait constaté que « dans les faits, le public accueilli [par les entreprises adaptées] se distinguait peu de celui des travailleurs handicapés employés en entreprise classique au titre de l'obligation d'emploi ». Ce constat reposait sur l'assimilation, au demeurant tout à fait légitime, du terme « travailleurs handicapés », jusqu'ici applicable à la politique de recrutement des entreprises adaptées, et du terme « bénéficiaires de l'OETH », qui recouvre l'ensemble des catégories visées à l'article L. 5212-13 du code du travail.

Néanmoins, si l'on admet que le cadre de travail fourni par l'entreprise adaptée, en raison de son statut dérogatoire, offre des garanties d'accompagnement dans l'emploi supérieures à celles du milieu ordinaire, il paraît tout à fait normal de définir pour le recrutement des premières une cible plus étroite que pour le recrutement des secondes . C'est pourquoi vos rapporteurs estiment intéressant de limiter la contrainte de recrutement des entreprises adaptées aux personnes attributaires d'une RQTH, c'est-à-dire bénéficiant d'une orientation formulée par la CDAPH.

À l'instar du Gouvernement, qui tend à desserrer la contrainte que fait peser la notification de la CDAPH sur le recrutement d'une personne handicapée par une EA, vos rapporteurs jugent particulièrement important que la RQTH, attribuée par la CDAPH, ne s'accompagne pas d'une mention explicite d'orientation en entreprise adaptée , afin de conserver au service public de l'emploi, seul vrai connaisseur du bassin d'emploi, une marge d'appréciation, et au recruteur une liberté dans le choix de sa main d'oeuvre.

La RQTH et les trois possibilités d'orientation

Aux termes de l'article L. 5213-2 du code du travail, la qualité de travailleur handicapé est reconnue par la CDAPH et s'accompagne d'une orientation vers :

- un établissement ou service d'aide par le travail (Esat) ;

- le marché du travail ;

- un centre de rééducation professionnelle.

La loi distingue donc clairement trois types d'orientation ouverts aux personnes attributaires de la RQTH, mais n'a pas jugé opportun de préciser, pour l'orientation « marché du travail », si cette dernière devait privilégier le milieu ordinaire ou l'entreprise adaptée . Or la mission conjointe de l'IGF et de l'Igas a relevé que la pratique de certaines CDAPH, qui intègrent cette préconisation dans leur orientation « marché du travail », contraignent de façon excessive l'appariement assuré par le service public de l'emploi et « peuvent écarter par effet d'éviction des personnes qui auraient dû pouvoir bénéficier d'un emploi en entreprise adaptée ».

b) Le risque d'un effet d'aubaine lié à la mise en oeuvre de l'OETH par passation de contrats

Votre commission tient à attirer l'attention sur les effets des dispositions croisées des articles 40 et 42 et de l'article 43. Le recours aux contrats de sous-traitance passés avec des Esat, des EA ou des travailleurs handicapés indépendants permettra de réduire la contribution annuelle à acquitter au titre de l'OETH par un employeur privé, au motif que les sous-traitants disposent d'une main d'oeuvre principalement composée de travailleurs handicapés (ce que l'on appelle la mise en oeuvre indirecte de l'OETH) .

Or les dispositions de l'article 43, en supprimant le taux de 80 % de travailleurs handicapés employés, modifient de façon potentiellement importante la structure du personnel des EA et interrogent par conséquent leur participation à la réalisation indirecte de l'OETH des employeurs du milieu ordinaire. Cette interrogation se trouve amplifiée par la disparition, à l'article L. 5212-6 pour le secteur privé et à l'article L. 323-8 pour le secteur public, du caractère proportionnel au volume de travail effectivement fourni à l'Esat et à l'EA de l'acquittement partiel de l'OETH .

Concrètement, ceci signifie que le montant d'un contrat de sous-traitance passé à une entreprise adaptée par une entreprise ordinaire pourrait désormais venir en déduction de la contribution annuelle de cette dernière, même dans le cas où le contrat n'a mobilisé que les travailleurs ordinaires de l'entreprise adaptée , dont la proportion tendra par ailleurs à augmenter. Il faudra donc être particulièrement vigilant quant aux modalités de déduction des contrats de sous-traitance, telles qu'elles seront définies par décret.

2. Les interrogations sur le nouvel instrument contractuel

La conclusion entre les entreprises adaptées et l'État d'un « contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens », en substitution du contrat d'objectifs triennal ne laisse pas de surprendre. Le Cpom est en effet l'instrument contractuel auquel une autorité de tarification et de contrôle a recours pour la formalisation du dialogue de gestion avec les établissements et services médico-sociaux .

L'autorité ne revêt de caractère tarifaire qu'à partir du moment où elle définit les critères d'attribution des dotations attribuées à l'établissement ou au service et où ces dernières financent pour une part essentielle le fonctionnement de la structure. Ce n'est pas le cas des entreprises adaptées, qui reçoivent de l'État, dans des conditions définies par la loi, une aide au poste forfaitaire dont le montant est plafonné et dont les ressources sont assurées par l'activité productive.

Afin d'éviter les confusions, et surtout de lever l'ambiguïté sur l'absence de compétence tarifaire de l'État en matière d'entreprises adaptées , l' amendement n° COM-20 propose de renommer le Cpom en « contrat pluriannuel d'objectifs ».

3. Une grande absente de l'article 43 : l'aide au poste

Aux termes de l'article R. 5213-76 du code du travail, le montant de l'aide au poste forfaitaire est égal à 80 % du Smic horaire brut, versée mensuellement pour chaque travailleur handicapé en fonction du nombre d'heures de travail effectif.

La mission conjointe de l'IGF et de l'Igas a signalé que le montant de cette aide, calculé sur le postulat d'une productivité moyenne des travailleurs handicapés en EA d'environ deux tiers inférieure à celle des travailleurs ordinaires 320 ( * ) , ne reflétait pas la réalité économique de l'EA, dont la productivité est plus proche de la moitié de celle d'une entreprise ordinaire . La mission avait également pointé le risque lié au caractère forfaitaire de l'aide, en ce qu'il désincite les entreprises adaptées à recruter des publics dont la productivité est inférieure au tiers de celle des travailleurs ordinaires.

Il est par ailleurs important de rappeler que cette aide au poste fait l'objet, d'après l'article L. 5213-19, d'une « limite d'un effectif de référence fixé annuellement par la loi de finances », c'est-à-dire d'un contingentement budgétaire réparti entre régions, puis entre entreprises adaptées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Cet effectif de référence est régulièrement révisé à la hausse.

Montant annuel de l'aide au poste aux entreprises adaptées

Effectif de référence

Montant budgété des aides au poste

(en millions d'euros)

PLF 2015

21 535

303,52

PLF 2016

22 536

317,30

PLF 2017

23 036

319,27

PLF 2018

24 036

338,47

Source : PAP mission « Travail et emploi », programme 102

Bien que le montant budgété soit en constante augmentation, son montant au projet de loi de finances pour 2018 a fait l'objet d'une attention particulière puisqu'aux termes des documents budgétaires, « des travaux sont prévus pour revoir les conditions de financement des aides au poste, pour à la fois tenir compte des enjeux attachés au renforcement des parcours vers l'emploi ordinaire à partir des entreprises adaptées et adapter les montants forfaitaires à la réalité du coût du travail dans les entreprises adaptées, dans un contexte d'augmentation des allègements généraux au bénéfice des entreprises ».

Vos rapporteurs s'attendent donc à ce que les modalités actuelles d'attribution de l'aide au poste évoluent d'une détermination forfaitaire et d'un versement sur le budget de l'État vers un rapprochement du droit commun de l'emploi aidé , à savoir une diminution des cotisations patronales sur la rémunération versée. Bien que cette inflexion doive favoriser davantage l'emploi de travailleurs plus faiblement productifs, vos rapporteurs se montreront particulièrement attentifs, lors de la discussion des prochains textes financiers, à la compensation de cette perte pour le budget de la sécurité sociale .

Ils se montrent également préoccupés par le niveau global de subvention qui continuera d'être versée aux entreprises adaptées. Le PLF pour 2018, en cohérence avec les annonces précédemment évoquées, avait retenu « la mise en oeuvre de nouvelles modalités de financement à compter du 1 er juillet 2018, de façon à permettre la conduite de travaux sur ce sujet avec le secteur des entreprises adaptées. L'économie intégrée à ce titre [sur les aides au poste] pour une demi-année était de 8 millions d'euros en 2018 ».

Ces 8 millions d'euros, déduits sèchement de la dotation publique versée annuellement aux entreprises adaptées, doivent faire l'objet d'une compensation. Les négociations ont été très récemment ouvertes par le Gouvernement et la suite de la discussion du projet de loi en portera peut-être les résultats.

4. Une conséquence implicite du changement de statut des EA : le transfert conventionnel des contrats de travail

a) Définition du transfert conventionnel de contrat de travail

L'article L. 1224-1 du code du travail donne une définition du transfert légal du contrat de travail : il désigne le mouvement selon lequel une modification dans la situation juridique de l'employeur n'emporte aucune modification des contrats de travail entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Ainsi, en cas de succession, vente ou fusion de l'entreprise, la loi prévoit l'immutabilité des contrats de travail en dépit du changement d'employeur.

D'autres cas de transfert des contrats de travail peuvent advenir, prévus pour leur part dans le cadre de certains accords de branche étendus : ces transferts sont dits conventionnels. Ces cas de transfert conventionnel concernent essentiellement les cas de reprise d'un marché .

Les entreprises adaptées se trouvent particulièrement concernées par le transfert conventionnel de contrats de travail en raison de leur présence importante sur le marché des prestations de propreté . Or ce secteur fait l'objet d'un accord de branche étendu 321 ( * ) , dont l'article 7 prévoit que l'entreprise entrante (qui remporte le marché) s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel d'exploitation de l'entreprise sortante affecté au marché faisant l'objet de la reprise. Le transfert des contrats de travail s'effectue alors de plein droit et les salariés de l'entreprise sortante deviennent salariés de l'entreprise entrante à la faveur de la reprise du marché.

b) Application aux entreprises adaptées et changements supposés par l'article 43 du projet de loi

Le contentieux juridictionnel des entreprises adaptées se nourrit principalement de cas consécutifs à des transferts conventionnels de contrats de travail. Une jurisprudence récente de la Cour de cassation 322 ( * ) fixe le principe suivant :

- lorsque l'entreprise adaptée est entreprise sortante sur un marché de prestations de propreté, le transfert conventionnel des contrats de travail est impossible. En effet, en raison des caractères propres de ses effectifs, qui comprennent 80 % au moins de travailleurs handicapés, le transfert ne pouvait s'opérer d'une EA vers une entreprise ordinaire, à laquelle devrait s'appliquer des aménagements de poste considérables. L'argument juridique qui fonde cet avis réside dans « l'ordre public social absolu » qui régit le statut de l'EA, expliqué notamment par l'intervention des pouvoirs publics dans le recrutement de l'EA, via la notification de la CDAPH , et qui la place au-dessus des accords collectifs ;

- le principe est le même si l'entreprise adaptée est entreprise entrante . En effet, le statut de l'EA et la proportion minimale d'effectifs handicapés que la loi lui impose paraît difficilement compatible avec la reprise des effectifs de l'entreprise sortante. Compréhensible dans son principe, l'arrêt de la Cour surprend tout de même lorsqu'il prévoit que l'entreprise adaptée n'est pas soumise « à l'égard des salariés non handicapés à la garantie d'emploi et la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire », ce qui suppose qu'une inégalité de traitement entre salariés de l'entreprise sortante handicapés ou non serait admissible.

Ainsi se présente l'état du droit : en résumé, il prévoit, en raison d'une reconnaissance jurisprudentielle du statut d'ordre public de l'entreprise adaptée, un régime dérogatoire favorable en matière de transfert conventionnel de contrats de travail . L'article 43 du projet de loi propose une remise à plat implicite de cet état du droit. En supprimant la notification obligatoire de la CDAPH attribuée aux travailleurs d'EA et en y substituant la conclusion d'un contrat, le législateur entend mettre fin au statut d'ordre public social absolu .

De toute évidence, l'application de l'article 43 du projet de loi ne pourra maintenir l'entreprise adaptée dans sa position dérogatoire en cas de reprise de marché. Dans le cas d'une perte de marché, rien ne s'opposera au transfert de travailleurs handicapés ; dans le cas d'une reprise de marché, rien ne s'opposera au transfert vers l'EA des salariés de l'entreprise sortante .

C'est pourquoi vos rapporteurs ont déposé un amendement n° COM-25 tendant à conserver aux entreprises adaptées les dérogations qui leur sont actuellement reconnues en cas de reprise de marché.

C. Des dispositifs additionnels pour sécuriser les parcours professionnels

1. Des rigidités au parcours du travailleur handicapé dans l'emploi

Tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale, vos rapporteurs estiment que l'article 43 du projet de loi se concentre excessivement sur une refondation du modèle de l'entreprise adaptée, sans le penser dans l'impératif général du parcours du travailleur handicapé. La prévention des ruptures de parcours, qui fait l'objet d'une politique active des Gouvernements depuis quelques années pour la prise en charge médico-sociale des personnes handicapées, est complètement écartée dès qu'il s'agit de leur intégration au monde du travail.

Les dispositions prévues pour améliorer la fluidité de leur parcours sont pour l'heure en nombre trop faible et souffrent surtout d'une activation trop limitée.

Deux timides essais de fluidification des parcours professionnels
des personnes handicapées : emploi accompagné et PMSMP

Les dispositifs jusqu'ici mis en oeuvre pour améliorer la fluidité des parcours professionnels des travailleurs handicapés et permettre leur passage du milieu protégé au milieux adapté et ordinaire sont au nombre de deux : les périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) et le dispositif d'emploi accompagné .

1) Les PMSMP ont été introduites par la loi du 5 mars 2014 323 ( * ) . Elles sont un dispositif de droit commun , non spécifique aux personnes handicapées. Aux termes de l'article L. 5135-1 du code du travail, elles ont pour objet de permettre à un travailleur, privé ou non d'emploi, ou à un demandeur d'emploi, de découvrir un métier ou un secteur d'activité, de confirmer un projet professionnel ou d'initier une démarche de recrutement.

Le développement des PMSMP s'est pour l'heure essentiellement concentré sur les publics bénéficiaires de l'aide à l'insertion et ne concerne que très peu les personnes handicapées.

Elles ont été récemment développées 324 ( * ) sur le champ du handicap, mais spécifiquement pour certaines personnes n'ayant pas encore fait l'objet d'une attribution RQTH par la CDAPH. Ces PMSMP, qui ne peuvent être effectuées qu'en Esat, sont prescrites par les équipes pluridisciplinaires des MDPH avant que l'orientation ne soit formulée et ne peuvent excéder dix jours. En l'état actuel, elles ne sont donc pas déployées pour favoriser les passerelles de personnes handicapées ayant déjà reçu leur orientation CDAPH entre milieux de travail.

2) Le dispositif d'emploi accompagné a été instauré par la loi « Travail » du 8 août 2016 325 ( * ) . Il est, pour sa part, un dispositif spécifique qui prévoit que les travailleurs handicapés « peuvent bénéficier d'un accompagnement médico-social et d'un soutien à l'insertion professionnelle, en vue de leur permettre d'accéder et de se maintenir dans l'emploi rémunéré sur le marché du travail ». L'objectif sous-jacent est de permettre un passage plus aisé du milieu protégé vers le marché du travail.

Son financement fait l'objet d'abondements modestes : le budget de l'État y contribue à hauteur de 5 millions d'euros et l'Agefiph et le FIPHFP peuvent y participer.

La rigidité de la tripartition du milieu protégé, du milieu adapté et du milieu ordinaire, et partant la difficulté pour un travailleur handicapé de passer de l'un à l'autre, est accentuée par plusieurs facteurs :

- le rattachement du milieu protégé à la sphère médico-sociale , qui soustrait une grande part de son modèle à la logique économique : le travailleur en Esat n'est pas signataire d'un contrat de travail, sa rémunération fait l'objet du versement d'un montant garanti par l'État et la dotation versée à l'Esat par l'assurance maladie ne se fonde sur aucun critère économique et obéit aux mêmes règles que celle des autres établissements médico-sociaux, à savoir le taux d'occupation ;

- l'accueil du travailleur handicapé dans l'un de ces trois milieux est en grande partie déterminé par la CDAPH qui, lorsqu'elle délivre la RQTH, « enferme » la personne dans une orientation « Esat » ou « milieu du travail » . D'après les personnes auditionnées par vos rapporteurs, ce fléchage par l'orientation CDAPH répondait aux besoins exprimés il y a plusieurs décennies des suites de la loi fondatrice de 1975, alors que l'offre médico-sociale émergente devait se structurer, mais ne correspond plus du tout aux attentes actuellement exprimées et à l'impératif de permettre aux travailleurs d'avoir des parcours « ascendants » (de l'Esat vers l'EA, puis vers le milieu ordinaire) ou « descendants » .

Une première modification peut être apportée aux dispositifs actuels de l'orientation des travailleurs handicapés : la suppression de l'article L. 5213-20 du code du travail , selon lequel « les personnes handicapées pour lesquelles une orientation sur le marché du travail [...] s'avère impossible peuvent être admises dans un Esat ». Cette disposition produit de graves effets, en faisant de la CDAPH, dont le métier ne consiste pas à connaître des réalités des bassins d'emploi, un décideur préalable de la disponibilité des EA et du milieu ordinaire et en lui permettant de réorienter en Esat, donc en milieu protégé, une personne dont elle avait d'abord jugée qu'elle relevait du milieu de travail ( amendement n° COM-21 ).

2. Développer les passerelles existantes

Par ailleurs, vos rapporteurs estiment déterminant de développer les passerelles entre milieux déjà existantes . Les articles R. 344-16 et suivants du code de l'action sociale et des familles prévoient déjà plusieurs dispositions tendant à favoriser « l'exercice d'une activité à caractère professionnel en milieu ordinaire de travail par des travailleurs handicapés admis en Esat ».

Force est de constater que cette possibilité n'est à l'heure actuelle que très faiblement activée. Les raisons en sont, selon vos rapporteurs, les termes du contrat par lequel est instrumentée cette mise à disposition entre l'Esat et la structure d'accueil. Ce contrat comprend notamment « la base de facturation à l'utilisateur du travail fourni ou du service rendu et des dépenses correspondant aux charges particulières d'exploitation incombant à l'Esat » ; une pareille formulation laisse accroire que les segments d'activité et les niveaux de productivité des travailleurs de l'Esat et du milieu ordinaire sont comparables, ce qui n'est évidemment pas le cas. Par ailleurs, l'Esat, en tant qu'établissement médico-social, ne dispose pas toujours des réseaux nécessaires à la conclusion d'un contrat avec une structure du milieu ordinaire. Vos rapporteurs regrettent que ces dispositifs ne soient pas davantage sollicités, d'autant que l'article R. 344-21 protège la structure financière des Esat contre les effets en termes de dotation de la mise en disposition de leurs travailleurs.

Le développement véritable des passerelles passerait davantage par un assouplissement de l'enclenchement pour un travailleur de milieu protégé ou adapté de la période de mise en situation en milieu professionnel , prévue aux articles L. 5135-1 et suivants du code du travail.

En l'état actuel du droit, les PMSMP sont parfaitement ouvertes à « toute personne faisant l'objet d'un accompagnement social ou professionnel personnalisé », sous réserve d'être prescrite par le service public de l'emploi ou, lorsqu'il lui est lié par une convention, par l'organisme qui accompagne le bénéficiaire. Elles sont donc théoriquement accessibles aux travailleurs d'Esat intéressés par le milieu adapté, et aux travailleurs d'EA intéressés par le milieu ordinaire. Elles sont par ailleurs particulièrement protectrices puisque leur bénéficiaire « conserve le régime d'indemnisation et le statut dont il bénéficiait avant cette période ».

Elles présentent néanmoins plusieurs difficultés. D'abord, elles sont plus contraignantes pour les travailleurs d'Esat puisqu'elles nécessitent que ces établissements, qui n'accueillent pas les personnes handicapées sur proposition du SPE, aient signé une convention avec ce dernier, ce à quoi ils ne sont nullement obligés. Ensuite, et surtout, elles engendrent pour l'entité qui accompagne le bénéficiaire une perte financière non compensée sur la période où ce dernier est accueillie par une autre structure . En effet, l'article D. 5135-7 du code du travail spécifie expressément que les conventions par lesquelles le SPE autorise l'organisme accompagnant de la personne à lui prescrire une PMSMP ne peuvent être liées à « aucune clause financière » .

En conséquence de quoi, l'Esat, dont la dotation versée par l'assurance maladie est déterminée en fonction de son taux d'occupation, subit une baisse de cette dernière pour chaque PMSMP qu'elle autorise . La situation est similaire pour l'entreprise adaptée, qui reçoit une aide au poste forfaitaire par travailleur handicapé qu'elle salarie. C'est pourquoi l' amendement n° COM-22 propose de sécuriser les financements des organismes accompagnant le bénéficiaire de la PMSMP, pour la durée de cette dernière qui ne peut de toute façon excéder deux mois sur une durée d'un an 326 ( * ) .

3. Sécuriser le travailleur handicapé qui quitte le milieu protégé

Le passage par un travailleur handicapé du milieu protégé au milieu adapté ou au milieu ordinaire comporte deux grands risques : le premier concerne l'exposition à la perte de son emploi, le second regarde les modalités de sa rémunération.

a) La perte financière liée au départ du milieu protégé

Le statut de la rémunération du travailleur handicapé, selon qu'il est accueilli par une structure médico-sociale du milieu protégé ou une structure du milieu adapté ou ordinaire, présente de nombreuses différences. Dans le cas d'un Esat, l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles dispose que le travailleur a droit à une « rémunération garantie versé par l'établissement ou le service » qui l'accueille, qui est comprise, pour un équivalent temps plein, entre 55,7 % et 110,7 % du Smic horaire brut.

Par ailleurs, il est possible pour un travailleur d'Esat de cumuler sa rémunération garantie, lorsque celle-ci est inférieure au Smic, avec l'allocation aux adultes handicapés (AAH), dont de nombreux travailleurs d'Esat sont bénéficiaires. Le bénéfice de cette AAH n'a été ouvert à ceux dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 80 %, et qui représentent la majorité de ceux susceptibles de travailler en milieu ordinaire, qu'à la condition d'une reconnaissance par la CDAPH d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE). Or si cette dernière est parfaitement compatible avec la qualité de travailleur d'Esat, elle ne l'est que très partiellement pour un travailleur handicapé en milieu ordinaire : le RSDAE ne peut être reconnu à ce dernier que « pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de temps résulte exclusivement des effets du handicap » 327 ( * ) .

Ainsi, un travailleur Esat susceptible de passer dans le milieu adapté ou ordinaire se verrait donc retirer du même coup la sécurité financière d'une rémunération garantie , qui peut même se voir diminuer en entreprise adaptée puisque le seul pallier mentionné est celui du Smic (contre 1,107 Smic de rémunération garantie maximale en Esat) et le bénéfice de l'AAH s'il travaille plus d'un mi-temps.

b) Atténuer les conséquences liées à la perte d'emploi

Le travailleur handicapé accueilli en milieu protégé est usager d'un service médico-social et n'est pas soumis aux conditions du droit du travail. Il ne peut donc pas faire l'objet d'un licenciement. A contrario , son passage en milieu adapté ou en milieu ordinaire le fait relever du droit commun et l'expose par conséquent au risque d'une privation involontaire d'emploi .

En tant que travailleur salarié, la personne handicapée employée par une entreprise adaptée se voit appliquer pleinement les dispositions relatives à l'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi telles qu'elles figurent aux articles L. 5421-1 et suivants du code du travail.

Le régime d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi

En cas de perte involontaire d'emploi, le travailleur est éligible, jusqu'à l'âge requis pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, à un revenu de remplacement qui prend soit la forme d'une allocation d'assurance , dite allocation de retour à l'emploi (ARE), soit, une fois les droits à cette dernière épuisés, la forme d'une allocation de solidarité spécifique (ASS).

Pour ce qui concerne l'ARE, communément désignée comme l'allocation de chômage, les travailleurs n'y sont éligibles qu'à la condition d'avoir cotisé pendant une durée minimale de quatre mois 328 ( * ) . Les droits à l'ASS sont quant à eux ouverts à partir de l'épuisement des droits à l'ARE et à la condition de justifier de cinq ans d'activité salariée avant la perte d'emploi.

Dans le cas où un travailleur handicapé quitte le milieu protégé pour le milieu adapté ou le milieu ordinaire et fait l'objet d'un licenciement avant l'écoulement de la durée minimale de quatre mois, il se retrouve inéligible à toute indemnisation de chômage . Le départ du milieu protégé ne présente donc, à l'heure actuelle, aucun intérêt financier pour le travailleur handicapé.

C'est pourquoi l' amendement n° COM-23 prévoit, pour le cas de l'indemnisation des travailleurs handicapés en milieu adapté ou ordinaire, un renvoi à un décret , en s'inspirant de celui prévu par le I de l'article 33 du projet de loi, qui prévoit la dérogation temporaire au nouveau droit de l'indemnisation des travailleurs privés d'emploi portés par les articles 26, 27 et 28, pour une durée allant jusqu'au 30 septembre 2020.

Avec un amendement n° COM-24 rédactionnel, la commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 277 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 278 Art. L. 7342-1.

* 279 Art. L. 7342-2.

* 280 Art. L. 7342-3.

* 281 Art. L. 7342-4.

* 282 Décret n° 2017-774 du 4 mai 2017 relatif à la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique.

* 283 Art. L. 7342-5.

* 284 Art. L. 7342-6.

* 285 Journal officiel, Sénat, Compte rendu intégral de la séance du 2 juin 1987, p. 1395.

* 286 Article R. 5212-14 du code du travail, tel qu'issu de la rédaction du décret n° 2014-1386 du 20 novembre 2014 relatif à la mise en oeuvre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

* 287 Aux termes des débats parlementaires de 1987, cette contribution annuelle n'a pas le caractère d'une sanction.

* 288 Amendement n° 2246 du Gouvernement.

* 289 Amendement n° 2001 du Gouvernement.

* 290 Amendement n° 2247 de la rapporteure de la commission des affaires sociales.

* 291 Amendement n° 2147 du Gouvernement.

* 292 Amendement n° 2245 de Mme Carole Granjean, députée, et des membres du groupe La République en marche.

* 293 Amendement n° 2030 du Gouvernement.

* 294 Amendement n° 2014 du Gouvernement.

* 295 Amendement n° 270 de M. Gérard Cherpion, député, et de plusieurs membres du groupe Les Républicains.

* 296 Le raccourci facile qui voit dans l'emploi intérimaire un tremplin commode vers l'emploi pérenne est largement démenti par les chiffres : en 2015, seuls 8 % des emplois intérimaires se voyaient offrir un CDI.

* 297 A. TAQUET et J.-Fr. SERRES, Plus simple la vie - 113 propositions pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap , mai 2018.

* 298 D. GILLOT, Personnes handicapées : sécuriser les parcours, cultiver les compétences , juin 2018.

* 299 IGF et IGAS, Le mode de financement de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés , décembre 2017.

* 300 Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 301 Proposition de loi (AN) n° 3810 relative à la sécurité du télétravailleur, présentée par M. Pierre MOREL-A-L'HUISSIER et enregistrée à la présidence le 18 octobre 2011.

* 302 Amendement n° 2075.

* 303 IGF et IGAS, Le mode de financement de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés , op. cit., décembre 2017.

* 304 Des actions communes peuvent être financées, mais elles ne représentent en 2016 que 2 % du total des interventions du FIPHFP.

* 305 3 855 recrutements dans la fonction publique d'État et 17 187 recrutements dans la fonction publique territoriale.

* 306 Des fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, lorsque leur poste de travail n'est plus adapté à leur état physique, et s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes.

* 307 Décret n°2006-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, article 6.

* 308 Amendement n° 911 de M. Lionel Causse et plusieurs membres du groupe La République en marche.

* 309 Article L. 5212-4 du code du travail : « toute entreprise qui occupe au moins vingt salariés au moment de sa création ou en raison de l'accroissement de son effectif dispose, pour se mettre en conformité avec l'obligation d'emploi, d'un délai déterminé par décret qui ne peut excéder trois ans ».

* 310 Amendements n° 1502 et 1503 de la rapporteure de la commission des affaires sociales.

* 311 Amendement n° 1505 de la rapporteure de la commission des affaires sociales.

* 312 Amendement n° 1501 de la rapporteure de la commission des affaires sociales.

* 313 Amendement n° 2139 du Gouvernement.

* 314 Amendement n° 2142 du Gouvernement.

* 315 Rapport du FIPHFP, 2016.

* 316 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 317 Réponse du ministère de l'éducation nationale à une question écrite n° 15990 de Jean-René Marsac, député (16 septembre 2008).

* 318 Amendement n° 2144.

* 319 Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, Les entreprises adaptées , septembre 2016.

* 320 Les travailleurs handicapés dont la capacité de travail est inférieure au tiers de celle des travailleurs ordinaires font plutôt l'objet d'une orientation en Esat.

* 321 Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26?juillet?2011.

* 322 Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2018, n° 16-19.450 (commentaire de M e Thomas Montpellier).

* 323 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 324 Décret n° 2016-1347 du 10 octobre 2016 relatif aux périodes de mise en situation en milieu professionnel en établissement et service d'aide par le travail.

* 325 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 326 Article D. 5135-3 du code du travail.

* 327 Article D. 821-1-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 328 Plus exactement 88 jours ou 610 heures aux termes de l'article 3 de la convention assurance-chômage du 4 avril 2017.

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