Rapport n° 103 (2018-2019) de M. Jean-Paul ÉMORINE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 31 octobre 2018

Disponible au format PDF (899 Koctets)

Tableau comparatif au format PDF (282 Koctets)


N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 octobre 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l' extraterritorialité des sanctions américaines ,

Par M. Jean-Paul ÉMORINE,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, M. Robert del Picchia, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

17 et 18 (2018-2019)

SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 5

EXPOSÉ GÉNÉRAL 7

I. LES SANCTIONS CONTRE L'IRAN NE SONT NI NOUVELLES NI PROPRES AUX ETATS-UNIS 7

A. LES SANCTIONS CONTRE L'IRAN NE SONT PAS NOUVELLES 7

B. LES SANCTIONS CONTRE L'IRAN NE SONT PAS LE SEUL FAIT DES ETATS-UNIS 7

C. LA SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME DE SANCTIONS AMÉRICAIN TIENT À SON CARACTÈRE EXTRATERRITORIAL 9

II. LES TENTATIVES DES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE POUR ÉCHAPPER AU DISPOSITIF EXTRATERRITORIAL AMÉRICAIN 9

A. LE RÈGLEMENT DE BLOCAGE DE 1996 9

B. DÉFINIR UN INTERLOCUTEUR EUROPÉEN DE L'OFAC 10

C. LA TENTATIVE DE DÉFINITION D'UN SYSTÈME D'ÉCHANGE PAR TROC 11

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION 12

A. LE PROJET DE PROPOSITION PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES DU SÉNAT 12

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR 12

C. CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 21

TABLEAU COMPARATIF 25

« C'est une expérience éternelle que tout homme qui a

du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce

qu'il trouve des limites »

Montesquieu

Mesdames, Messieurs,

Dans quelques jours, le 4 novembre, le régime américain de sanctions contre l'Iran, qui avait été en partie suspendu après l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, reprendra toute sa rigueur.

Votre commission est saisie de la proposition de résolution européenne n° 18 (2018-2019), relative à l'extraterritorialité des sanctions américaines, déposée le 4 octobre 2018 par la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat.

Cette proposition a pour objet les conséquences du retrait des Etats-Unis du plan d'action global commun (JCPoA) du 15 juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Cette décision américaine a mis en évidence la faiblesse politique des pays européens et de l'Union européenne. En effet, ce retrait entraîne la réactivation de l'ensemble des sanctions américaines qui avaient été suspendues en 2015 en échange d'un engagement iranien à geler son programme nucléaire.

Ces sanctions concernent naturellement les entreprises et ressortissants américains, mais aussi toutes les personnes, entreprises et institutions ayant un lien même indirect avec les Etats-Unis 1 ( * ) . Or ce lien indirect peut être ténu. Il suffit ainsi qu'une transaction ait été libellée en dollars américains pour que les Etats-Unis considèrent ce lien établi. De fait, cela soumet au champ des sanctions américaines la quasi-totalité des banques, car presque toutes les banques ont des dollars dans leur bilan, si elles n'ont pas directement une activité aux Etats-Unis, ou des salariés de nationalité américaine.

C'est en particulier le cas de toutes les banques centrales, fondement du système bancaire international. C'est enfin le cas du système d'échange interbancaire SWIFT.

La réponse à la question posée par nos collègues de la commission des affaires européennes, qui nous soumet aujourd'hui une proposition de résolution européenne « Quelles réponses de l'Union européenne à l'extraterritorialité des sanctions américaines » amène donc, à court et moyen terme, une réponse simple sur le plan concret : aucune. L'Union européenne ne dispose pas de moyens matériels, juridiques ou économiques lui permettant, à court ou moyen terme, de contourner les sanctions américaines.

Deux faits peuvent illustrer ce qu'il en est du rapport de force. Le premier d'entre eux est, en 2014, la spectaculaire condamnation de la BNP à une amende de 6,5 milliards d'euros, montant accepté par la banque contre l'abandon par les autorités américaines des poursuites. L'importance de cette sanction, et le choix de BNP de transiger sur ce montant pour éviter le risque d'une procédure contentieuse potentiellement plus sévère encore, ont été une démonstration éclatante du caractère effectif du dispositif américain.

Le deuxième fait assez parlant, quand il s'agit de comprendre pourquoi les entreprises ne prendront pas le risque de tenter de contourner le régime de sanctions américain, est tout simplement la comparaison du volume des échanges avec l'Iran, d'une part, et avec les Etats-Unis, d'autre part : pour les seuls échanges de services entre les pays de l'Union européenne et les Etats-Unis, ce volume est de 120 milliards de dollars, à rapporter aux 4 milliards de dollars d'échanges avec l'Iran.

Pour autant, cela ne signifie pas que les pays de l'Union européenne doivent se soumettre docilement aux décisions unilatérales des Etats-Unis. C'est le grand mérite du travail de la commission des affaires européennes du Sénat d'avoir présenté les pistes de recherche d'une solution à la portée extraterritoriale des sanctions américaines, au niveau européen. Mais le travail de la commission des affaires européennes a aussi mis en évidence la dimension essentiellement politique de ce dossier.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES SANCTIONS CONTRE L'IRAN NE SONT NI NOUVELLES NI PROPRES AUX ETATS-UNIS

A. LES SANCTIONS CONTRE L'IRAN NE SONT PAS NOUVELLES

Le retrait américain du JCPoA a entraîné la réactivation, à compter du 4 novembre 2018, des sanctions prévues par la législation américaine. Celle-ci prévoit un dispositif complet, qui s'articule essentiellement autour :

- de la loi d'Amato-Kennedy 2 ( * ) de 1996 ;

- d'un organisme spécialisé du Trésor américain chargé de vérifier le respect du régime de sanctions définies par la législation américaine ou dans le cadre multinational, l'OFAC ( Office of Foreign Assets Control ) ;

- de la liste SDN ( Specially Designated Nationals and Blocked Persons) ;

- de la loi CISADA ( Comprehensive Iran Sanctions, Accountability and Divestment Act ) de 2010, qui interdit les relations financières avec les personnes ou établissements figurant sur la liste SDN.

Ce dispositif avait été préfiguré par celui qui visait Cuba, dans le cadre de la loi Helms-Burton de 1996.

B. LES SANCTIONS CONTRE L'IRAN NE SONT PAS LE SEUL FAIT DES ETATS-UNIS

Le cas iranien rappelle que les Etats-Unis ne sont pas les seuls à mettre en place des régimes de sanction : ce pays avait en effet fait l'objet de sanctions décidées au niveau de l'ONU, ainsi que de sanctions prises dans le cadre de l'Union européenne, présentées dans le rapport d'information du Sénat n° 605 (2013-2014) précité :

Les différents régimes de sanction contre l'Iran

I. Les sanctions issues des six résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies (CSNU) : la résolution 1696 (2006), assortie d'aucune sanction, met en garde l'Iran contre son programme balistique, militaire et nucléaire mais ouvre la voie à de futures sanctions ; la résolution 1737 (2006) adopte un embargo nucléaire visant les technologies à usage double. Plusieurs personnes et entités associées au programme nucléaire sont gelées sur cette base, dont une banque (Sepah) ; la résolution 1747 (2007) renforce à la marge les mesures coercitives de la résolution 1737 (2006) ; la résolution 1803 (2008) appelle notamment à la vigilance financière et cite, sans les geler, les banques Saderat et Melli ; la résolution 1835 (2008) n'apporte pas de nouvelle mesure coercitive ; une rupture s'opère avec la résolution 1929 (2010). Pour la première fois, le lien entre la prolifération nucléaire et les biens faisant l'objet d'un embargo est rompu de sorte que d'autres biens ou personnes que ceux concourant directement à la prolifération peuvent être visés. Cette résolution ouvre la voie à l'Union Européenne et aux États-Unis pour cibler de plus en plus de secteurs économiques en Iran. Il est peu vraisemblable qu'une nouvelle résolution contre l'Iran soit adoptée par le CSNU.

II. Les sanctions européennes s'appuient sur les résolutions du CSNU, tout en étant plus contraignantes : le règlement 423/2007 du 23/6/2007 met en oeuvre, et amplifie, la résolution 1737 (2006) : les embargos et les gels prévus par la résolution sont mis en oeuvre au-delà de ce qu'elle exige : le principe selon lequel l'UE peut adopter des mesures complémentaires est acté. Outre Sepah, une deuxième banque internationale iranienne, Bank Melli (présente en France), est gelée par l'UE le 23/06/2008 tandis que Saderat est placée sous vigilance renforcée. Fin 2008, toutes les banques iraniennes sont placées sous vigilance financière renforcée ; les compagnies de transports iraniennes sont placées sous vigilance douanière ; des listes de gels complémentaires sont décidées par l'UE. Le soutien financier (prêts et subventions) des gouvernements européens à l'Iran est visé pour la première fois : l'UE invite ainsi les États membres à limiter le crédit-export vers ce pays. En 2010, est adopté un embargo sur les principales technologies pétrolières et gazières (interdiction des prêts, subventions et les investissements afférents) ; l'assurance-crédit moyen et long terme est fermée ; un régime d'autorisation préalable est mis en oeuvre (les flux financiers sont dorénavant systématiquement expertisés) ; le potentiel bancaire iranien en Europe est figé (pas d'ouverture de nouvelles banques, succursales, filiales, relations bancaires) ; la principale compagnie maritime iranienne (IRISL) est gelée ; la troisième grande banque internationale iranienne (Bank Saderat, présente à Paris) est gelée ainsi que les banques Mellat, Iran Export Development Bank, Refah, Sina, Post Bank, Banco Desarollo Internacional et Future Bank ; il est interdit d'apporter une assistance à l'émission et la gestion de la dette publique iranienne. En 2011, l'UE met en oeuvre un nouveau régime de sanctions à l'encontre des personnes ayant participé à la répression politique en Iran. EIH (principale banque irano-allemande) est gelée à la demande de la France. Le 23 janvier 2012, un nouveau train de sanctions est adopté : embargo pétrolier total ; interdiction des assurances et réassurances maritimes (dont l'objet est d'affecter lourdement le transport international de pétrole iranien) ; embargo sur la pétrochimie iranienne ; embargo sur l'or et les métaux précieux ; embargo sur une liste de métaux bruts et semi-finis ; embargo sur la livraison de pétroliers. La Bank Tejerat (quatrième et dernière banque iranienne présente à Paris) est gelée à la demande de l'Allemagne ; la Banque Centrale d'Iran est également gelée avec possibilité de dérogations ; l'assurance-crédit court terme est fermée.

Le 23 décembre 2012, la NIOC (opérateur pétrolier iranien) est gelée ; l'embargo est étendu au gaz iranien et aux technologies navales ; les clauses permettant la livraison de biens interdits en raison de contrats passés sont annulées ; l'enregistrement des navires iraniens est interdit ; les listes de personnes et d'entités gelées sont incrémentées. Le 20 janvier 2012, la suspension de certaines sanctions est mise en oeuvre suite à la conclusion de l'accord intérimaire de Genève du 24 novembre 2013.

C. LA SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME DE SANCTIONS AMÉRICAIN TIENT À SON CARACTÈRE EXTRATERRITORIAL

Les cas iranien ou russe démontrent que l'Union européenne procède, comme les Etats-Unis, à la mise en place de régimes de sanctions contre des Etats dont l'Union européenne estime qu'ils contreviennent au droit international. Il y avait du reste, jusqu'à assez récemment, une convergence de ces régimes de sanctions, ce qui en renforçait le poids et la lisibilité. Une première difficulté est née de l'écart grandissant entre les sanctions de l'Union européenne et celles prises par les Etats-Unis, que ce soit concernant la Russie ou concernant l'Iran.

La deuxième difficulté, bien plus grave pour la qualité des relations entre les pays européens et les Etats-Unis, tient au caractère de facto extraterritorial du dispositif américain :

- d'une part, il revient à imposer aux pays européens la volonté américaine en matière de relations économiques ;

- d'autre part, cette dimension économique emporte des conséquences diplomatiques majeures, dans la mesure où tout l'équilibre du JCPoA reposait sur le troc entre la suspension du programme nucléaire iranien et la possibilité pour ce pays de reprendre ses échanges commerciaux avec le monde ;

- enfin, l'utilisation de ce régime de sanction peut aussi apparaître comme un moyen détourné, pour les autorités américaines, d'affaiblir les entreprises européennes. C'est particulièrement flagrant dans certains secteurs stratégiques comme l'aéronautique civile ou le pétrole.

II. LES TENTATIVES DES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE POUR ÉCHAPPER AU DISPOSITIF EXTRATERRITORIAL AMÉRICAIN

A. LE RÈGLEMENT DE BLOCAGE DE 1996

Dès la préparation des lois Helms-Burton et d'Amato-Kennedy, l'Union européenne en a identifié très clairement les conséquences néfastes pour ses intérêts. En réaction, a été adopté en novembre 1996 un règlement communautaire de protection contre l'application extraterritoriale des législations étrangères, communément appelé « règlement de blocage » 3 ( * ) . Ce règlement, pris à l'origine dans le cadre des sanctions américaines contre Cuba, a trois effets principaux :

- Il affirme la nullité en droit, sur le territoire de l'Union, des législations de sanction étrangères (en l'espèce, américaine) ;

- Il interdit aux entreprises européennes de se conformer aux dispositifs étrangers ;

- Il ouvre en théorie un droit à réparation pour les personnes et entreprises pénalisées par un dispositif de sanction étranger.

De fait, la Commission a procédé à l'actualisation du règlement de 1996 au mois d'août 2018, afin de compléter son annexe.

Comme le rapporteur de la commission des affaires européennes, M. Philippe Bonnecarrère, l'a montré dans son rapport sur la proposition de résolution qu'il a présentée à cette commission, ce règlement est, en réalité, largement dépourvu de portée concrète. En effet, il n'offre aucune protection aux acteurs dont une part de l'activité se développerait aux Etats-Unis. Or les grandes entreprises ont naturellement des intérêts bien plus importants aux Etats-Unis qu'en Iran, sans compter le fait qu'elles puissent avoir des employés américains ou recourir, pour leurs flux financiers, à des systèmes sous contrôle américain, ou tout simplement liés au système financier américain.

L'objet de ce règlement est donc plutôt de procéder à une affirmation politique de souveraineté . Il s'agit en fait d'exprimer fortement, et de manière unie, le refus des pays européens de se laisser dicter leur politique étrangère par les Etats-Unis.

B. DÉFINIR UN INTERLOCUTEUR EUROPÉEN DE L'OFAC

Il est apparu qu'il est difficile aux entreprises européennes d'échanger avec l'OFAC américain, dont la mission n'est pas de faciliter les échanges entre les pays sanctionnés par les Etats-Unis et les autres Etats.

Les pays européens, et ceux membres de l'Union européenne en particulier, gagneraient donc sans doute à disposer d'un équivalent de l'OFAC, qui serait peut-être mieux à même d'échanger avec cet organisme. Par ailleurs, une instance européenne pourrait aussi préciser les conditions d'application, par les Etats membres, des sanctions décidées au niveau européen.

C. LA TENTATIVE DE DÉFINITION D'UN SYSTÈME D'ÉCHANGE PAR TROC

Au mois de septembre 2018, la Haute Représentante de l'Union européenne pour la politique, Mme Federica Mogherini, a annoncé que l'Union mettrait en place un système de chambre de compensation permettant de réaliser des échanges avec un pays tiers sans recours ni aux devises, ni au système financier dont le centre de gravité est fortement influencé par les Etats-Unis.

Le fonctionnement de ce mécanisme de compensation ou SPV ( Special Purpose Vehicle - instrument à but particulier) serait le suivant : l'Iran fournirait des produits, par exemples des hydrocarbures à un pays client. La valeur de cette transaction serait inscrite au sein du SPV. Par la suite, une entreprise européenne pourrait fournir à l'Iran des produits, ceux-ci étant concrètement payés par le pays acheteur des hydrocarbures, dans sa devise ou en euros, sans recours au dollar.

Il est à noter que ce dispositif est inspiré des outils financiers de titrisation, qui permettent d'échanger certains instruments financiers.

Le schéma ci-dessous illustre l'architecture globale de ce que pourrait être ce SPV :

Cela étant, pour étendre ce mécanisme de SPV aux échanges commerciaux entre Etats, en contournant tous les circuits financiers usuels, de nombreuses difficultés techniques doivent être surmontés. Parmi celles-ci, le fait que, par définition, des circuits parallèles posent des défis en matière de régulation, de transparence, de lutte contre la corruption et contre le financement du terrorisme.

S'il y a lieu d'explorer cette piste, il faut également reconnaître qu'elle ne pourra déboucher sur un dispositif effectif que dans le long terme.

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LE PROJET DE PROPOSITION PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES DU SÉNAT

La proposition que la commission des affaires européennes a adoptée, sur le rapport de M. Philippe Bonnecarrère, et qu'elle soumet à votre commission a le très grand mérite de balayer largement le sujet de l'extraterritorialité. Ses principales caractéristiques sont :

- le fait qu'elle vise le problème de l'extraterritorialité en général, dépassant le seul cas de l'Iran, et même le cas spécifique des dispositifs américains, pour analyser le défi que les dispositifs extraterritoriaux posent à la souveraineté des pays européens en général ;

- le fait qu'elle formule des voeux concernant à la fois les dispositifs européens existants (règlement de blocage de 1996 notamment) et ceux envisagés pour l'avenir (création d'un OFAC européen, définition d'un SPV permettant de contourner les sanctions américaines) ;

- le fait qu'elle dessine également en négatif les conditions d'une pleine souveraineté des membres de l'Union européenne, qui passerait par un renforcement de l'euro comme monnaie d'échange internationale (ce qui permettrait de dénouer le nexus américain).

La proposition de résolution est donc tout à fait utile et pertinente. Votre rapporteur estime cependant qu'elle peut utilement être complétée sur deux points. Il y a lieu, également, de tirer une conclusion politique de ce dossier.

B. Les propositions de votre rapporteur

Votre rapporteur vous propose de compléter la proposition de la commission des affaires européennes sur deux points :

- le premier est de nature rédactionnelle, puisqu'il s'agit de lever une restriction dans l'alinéa visant la nécessaire actualisation du règlement de blocage de 1996 ;

- le second est plus substantiel. Même si elles lui préexistaient, les sanctions extraterritoriales américaines s'inscrivent aujourd'hui clairement dans le contexte récent du retrait de ce pays du JCPoA. Au-delà de cet accord, ce sont aussi les conditions de l'insertion de l'Iran dans le concert des nations qui sont posées. La recherche de la stabilité dans cette région en crise suppose de de se projeter au-delà du cadre du JCPoA, qui est limité au programme nucléaire iranien, d'une part, et qui s'arrêtera en 2025, d'autre part.

En préparation de cette échéance de 2025, l'Iran devra engager le dialogue avec la communauté internationale sur les autres aspects de sa politique qui soulèvent des questions de sécurité régionale : son programme balistique, en premier lieu ; et ses interventions, directes ou indirectes, dans les foyers de tension régionaux.

Il est donc nécessaire d'évoquer dès aujourd'hui cette perspective de l'après-JCPoA, pour la préparer au mieux, mais aussi pour répondre à ceux qui critiquent les limites du JCPoA.

C. CONCLUSION

La question de l'extraterritorialité des sanctions américaines renvoie, en définitive, au caractère inachevé de la construction européenne. Géant économique, l'Union européenne reste pourtant à ce jour incapable d'empêcher les Etats-Unis d'imposer leurs vues diplomatiques à l'aide de l'arme économique.

C'est d'autant plus préoccupant que, dans le même temps, le président Trump a exprimé clairement son souhait de recentrer l'attention des Etats-Unis sur la zone Pacifique, semblant vouloir se désengager de l'Europe et du Moyen-Orient.

Les pays européens se retrouvent donc dans une situation paradoxale où ils doivent en quelque sorte assumer les conséquences des choix de politique étrangère américains au Moyen-Orient à la place des Etats-Unis : seconde guerre d'Irak, hésitations en Syrie, tentative de torpillage du JCPoA, reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d'Israël à l'encontre des résolutions des Nations unies...

Depuis plus d'un siècle, le Moyen-Orient est dans une recomposition et un bouleversement quasi-permanents. Dans ce contexte aussi complexe que porteur de risques d'explosions de violence, la nouvelle approche américaine, mêlant de façon étrange tentation du désengagement et affirmation brutale des seuls intérêts américains, affaiblit considérablement l'approche multilatérale, qui est pourtant la seule viable dans une région aussi fragmentée. Ce faisant, elle nuit de façon importante aux intérêts européens, à commencer par le plus essentiel d'entre eux : la sécurité.

Les sanctions extraterritoriales ne sont qu'une facette, plus évidente à court terme et dramatique pour les entreprises qu'elles menacent, d'une politique qui va désormais, globalement, à l'encontre des intérêts des pays membres de l'Union européenne.

Naturellement, les liens d'amitié et d'alliance entre les pays européens, et notamment la France, avec les Etats-Unis, sont anciens, forts et profonds, forgés dans les épreuves. Ils ne peuvent être remis en cause au gré des changements politiques internes aux Etats-Unis. Mais il importe aussi de bien souligner à nos alliés américains que des actes de facto hostiles, comme les sanctions extraterritoriales, nuisent à notre alliance.

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 31 octobre 2018, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Paul Emorine et du texte sur la proposition de résolution européenne n° 18 (2018-2019) en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'extraterritorialité des sanctions américaines.

M. Jean-Paul Émorine, rapporteur. - Dans quelques jours, lundi prochain, le régime de sanctions américaines contre l'Iran reprendra toute sa vigueur. C'est la conséquence du retrait des Etats-Unis du Plan d'action global commun (JCPoA en anglais). Le retrait des Etats-Unis est motivé par trois considérations : l'idée que le JCPoA n'offre pas de protection contre les ambitions nucléaires de l'Iran, notamment parce qu'il ne prévoit qu'une suspension de l'effort iranien, avec la perspective d'une reprise de son programme nucléaire dès 2025 ; le fait que le JCPoA ne vise pas explicitement les moyens balistiques iraniens, ce que les Iraniens soulignent pour justifier le développement rapide de leur programme balistique, qui inquiète naturellement les Occidentaux, mais plus encore l'Arabie saoudite ou Israël ; le fait que le JCPoA ne traite pas de l'autre dimension de l'action de l'Iran, à savoir son ingérence dans tous les foyers de tension de la région : Liban, évidemment, avec l'emprise toujours plus forte du Hezbollah dans ce pays ; Syrie, là encore de façon de plus en plus directe et déstabilisatrice ; Iraq, avec la tentative d'y influer en s'appuyant sur la partie chiite de la population ; Yémen, avec le soutien à la faction houthie contre la coalition saoudo-émiratie. Ces différents éléments expliquent, avec naturellement le changement politique à la tête des Etats-Unis, le revirement américain.

La décision américaine pose deux problèmes distincts aux pays européens : tout d'abord, elle met en péril le JCPoA, qui est pourtant, aux yeux de l'ensemble de la communauté internationale moins les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et Israël, un élément de désescalade dans cette région si instable. Second problème, qui nous occupe plus directement aujourd'hui : les sanctions américaines ont, par leur très large spectre, une dimension extraterritoriale. En effet, le dispositif américain fait référence à la notion cruciale d'« american nexus », qu'on peut traduire par « point de connexion avec les Etats-Unis ». Le simple fait d'utiliser le dollar pour une transaction est déjà, aux yeux des Etats-Unis, un « american nexus », qui fait tomber cette transaction dans le champ du dispositif américain. C'est ce caractère extraterritorial qui a motivé l'important travail de nos collègues de la commission des affaires européennes. En effet, cette commission suit traditionnellement avec attention les relations commerciales entre les pays de l'Union européenne et les Etats-Unis. C'est là tout l'intérêt et la difficulté de ce dossier : il mêle en permanence le diplomatique et l'économique. L'économie comme arme diplomatique ; mais aussi, ne soyons pas naïfs, les postures diplomatiques comme arme économique, pour fermer des marchés aux concurrents européens. Que l'on prenne le problème sous l'angle diplomatique ou économique, l'attitude américaine est inacceptable pour les pays européens, car elle limite de façon significative notre souveraineté.

Avant de rentrer dans les détails techniques de ce dossier, je voudrais résumer la situation en faisant appel à cette citation de Montesquieu, que je trouve assez parlante : « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites ». Et voilà bien la clef de l'attitude américaine : les Etats-Unis prennent ces sanctions extraterritoriales, parce que leur puissance et leur rôle central dans l'économie mondiale le leur permet. C'est dire déjà que la réponse européenne ne peut être définie que si on conçoit une Europe-puissance. C'est la conception française, mais nous savons bien qu'elle est loin d'être partagée par tous les Etats membres de l'Union.

De fait, l'Union européenne n'est pas restée inactive quand les Etats-Unis ont développé, à partir de 1996 (loi d'Amato-Kennedy) leur régime de sanctions extraterritoriales. Dès novembre 1996 était adopté un règlement communautaire dit « règlement de blocage », qui prévoyait l'ineffectivité des sanctions extraterritoriales américaines sur le territoire de l'Union, et même l'interdiction pour les personnes et entreprises européennes de se soumettre à ce régime de sanction dans l'Union. La Commission a entrepris d'actualiser à l'été 2018 ce règlement, mais nos collègues de la commission des affaires européennes proposent d'appeler au renforcement de ce règlement, ce qui est bienvenu.

L'autre grande idée de la Commission européenne, soutenue en cela par les Etats-membres, est d'essayer de contourner l'effet extraterritorial des sanctions, par la création d'une forme de chambre de compensation internationale, inspirée de certains instruments financiers de titrisation, et appelée SPV (Special Purpose Vehicle, ou instrument à but spécifique). L'idée est de pouvoir à la fois éviter de recourir au dollar, et aussi éviter de recourir au système bancaire iranien, frappé par les sanctions américaines. Cette solution, qui a déjà reçu le soutien de principe de la Russie et de la Chine, est ingénieuse, mais il faut aussi avoir la lucidité d'en voir les limites. Tout d'abord, elle pose de nombreuses difficultés techniques, car il est loin d'être si facile de faire l'impasse sur le système bancaire de l'Iran. Ensuite, et plus fondamentalement, les circuits financiers, qui reposent essentiellement sur le système bancaire, sont un outil essentiel pour assurer la régulation des flux financiers, la transparence des transactions, la lutte contre la corruption ou contre le financement du terrorisme. Il y a donc aussi un risque inhérent à la constitution de dispositifs de contournement des circuits traditionnels.

S'il y a donc lieu de soutenir cette idée, son application effective prendra du temps. Du reste, un tel dispositif, s'il fonctionne, dépassera naturellement le seul cas iranien.

Avant de passer à l'examen des amendements, je voudrais conclure sur une note plus politique : je l'ai dit, si les Etats-Unis nous créent aujourd'hui cette difficulté, c'est qu'ils en ont la capacité. Face à cette réalité, nous sommes confrontés aux limites de la construction européenne. Les Etats-membres de l'Union ont-ils tous le souhait de s'affranchir ainsi des Etats-Unis, voire de s'y opposer ? Quand on songe à d'autres sujets de notre commission, comme la difficile construction d'une Europe de la défense par exemple, on peut en douter.

Par conséquent, la proposition de résolution européenne qui nous est soumise est très bienvenue, mais il faut aussi avoir conscience qu'une vraie riposte européenne suppose une volonté politique partagée, et que nous n'en sommes pas encore là. Au-delà de ce projet de SPV, il faudra faire avancer le rôle de l'euro comme monnaie d'échange internationale. Du moins, ces efforts de l'Union ont déjà le mérite d'exprimer aux Etats-Unis que nous ne nous résignons pas à accepter passivement leur volonté.

M. Joël Guerriau. - Cette proposition de résolution est intéressante et je la soutiens ; l'Europe cherche à réagir d'une seule voix. Il me semble que la France est bien placée, diplomatiquement, et pourtant elle n'est que le troisième exportateur européen vers l'Iran, derrière l'Allemagne et l'Italie. La décision des Etats-Unis de se retirer du JCPoA est très grave, car en réalité elle accroît le risque que l'Iran se dote de la bombe.

M. Robert del Picchia. - Il faut soutenir cette proposition de résolution, même s'il y a peu d'espoir qu'elle fasse bouger les choses. Les Etats-Unis sont en position de force, et sur le plan pétrolier, et sur le plan du rôle du dollar. Je rappelle qu'une tentative de l'OPEP de se passer du dollar avait échoué très rapidement. Il faut également faire attention à la réaction américaine aux décisions de l'Union européenne, et en particulier pour les Français vivant ou nés aux Etats-Unis.

M. Ladislas Poniatowski. - L'idée de cette proposition de résolution est très bonne, mais il s'agit d'une action totalement symbolique ! Elle a le mérite d'adresser un message aux Etats-Unis et à l'Iran. Mais cela ne change pas la réalité des échanges. L'Europe devait livrer 100 Airbus, mais seuls 2 ont pu être livrés avant le retrait américain. De même, 5 ATR ont été livrés, pour 16 prévus. Dernier exemple : Peugeot a dû quitter le pays, alors qu'il vendait 250.000 véhicules.

M. Olivier Cadic. - Il s'agit du même problème que pour Cuba. A Cuba, des retraités français avaient été privés un temps du versement de leurs pensions en raison de la crainte des banques françaises des sanctions américaines. Cela étant, les Etats-Unis ont un poids économique considérable, et nous ne pourrons pas non plus nous fermer le marché américain.

M. Christian Cambon, président. - Nous passons maintenant à l'examen des amendements.

Article unique

M. Richard Yung. - L'amendement n° COM-1 rectifié rappelle la déclaration du groupe E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) du 6 août 2018.

M. Jean-Paul Émorine, rapporteur. - Il s'agit d'une précision bienvenue. Avis favorable.

L'amendement n° COM-1 rectifié est adopté.

M. Richard Yung. - L'amendement n° COM-2 rectifié souligne l'importance du JCPoA pour la stabilité de l'ensemble du monde.

M. Jean-Paul Émorine, rapporteur. - Il s'agit là encore d'un complément utile, pour souligner les répercussions du dossier iranien qui vont au-delà du seul Moyen-Orient. Avis favorable.

L'amendement n° COM-2 rectifié est adopté.

M. Jean-Paul Émorine, rapporteur. - L'amendement n° COM-5 tend à mettre en perspective le dossier iranien, au-delà du terme du JCPoA. Le JCPoA est limité au programme nucléaire, et il est limité dans le temps. Il est donc nécessaire de faire référence, d'ores et déjà, à l'après-JCPoA, moment où il faudra que nous puissions avoir des discussions aussi sur les volets balistique et régional.

L'amendement n° COM-5 est adopté.

M. Richard Yung. - L'amendement n° COM-3 tend à exprimer plus fortement notre désapprobation du retrait américain du JCPoA.

M. Jean-Paul Émorine, rapporteur. - Nous partageons ce sentiment de nos collègues. Avis favorable.

L'amendement n° COM-3 est adopté.

M. Jean-Paul Émorine, rapporteur. - L'amendement n° COM-4 tend à apporter une légère modification rédactionnelle, pour supprimer une formule un peu restrictive dans le projet de proposition.

L'amendement n° COM-4 est adopté.

M. Christian Cambon, président. - Je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Proposition de résolution européenne sur l'extraterritorialité des sanctions américaines

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. YUNG

1 rect.

Référence à la déclaration E3 du 6 août 2018

Adopté

M. YUNG

2 rect.

Précision sur l'importance du JCPoA pour la stabilité de l'ensemble du monde.

Adopté

M. ÉMORINE, rapporteur

5

Mise en perspective du dossier avec l'après-JCPoA

Adopté

M. YUNG

3

Affirmation du caractère négatif du retrait américain du JCPoA.

Adopté

M. ÉMORINE, rapporteur

4

Amélioration rédactionnelle

Adopté

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de résolution européenne sur l'extraterritorialité des sanctions américaines

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le plan d'action global commun signé le 15 juillet 2015 par les représentants de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis d'Amérique, de la Chine, de la Fédération de Russie d'une part et de la République islamique d'Iran d'autre part ;

Vu la résolution 2231 (2015) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 20 juillet 2015 ;

Vu la déclaration conjointe de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne en date du 8 mai 2018 à la suite de la déclaration du Président Donald Trump sur l'Iran ;

Vu la déclaration de la haute représentante au nom de l'Union Européenne du 9 mai 2018 après l'annonce par le président américain Donald Trump sur le nucléaire iranien (plan d'action global commun) ;

Vu la déclaration conjointe de la Haute représentante et des ministres des affaires étrangères du groupe E3 (France, Allemagne et Royaume-Uni) du 6 août 2018 à la suite de la réimposition de sanctions par les États-Unis du fait de leur retrait du plan d'action global commun ;

Vu la déclaration conjointe des ministres des E3/EU+2 (Chine, France, Allemagne, Fédération de Russie et Royaume Uni, avec la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité) et de la République islamique d'Iran, faite à New York le 24 septembre 2018 ;

Vu le règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ;

Vu le règlement délégué (UE) 2018/1100 de la Commission européenne du 6 juin 2018 modifiant l'annexe du règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ;

Vu le discours sur l'État de l'Union prononcé le 12 septembre 2018 par M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne ;

Considérant que le plan d'action global commun, approuvé à l'unanimité par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, est un élément fondamental de l'architecture de la non-prolifération nucléaire mondiale et revêt une importance capitale pour la sécurité de la région, et pour celle de l'Europe et du monde ;

Rappelant que la levée des sanctions liées au nucléaire constitue un élément essentiel du plan d'action global commun et que celle-ci a une incidence positive sur les relations commerciales et économiques avec l'Iran;

Appelant les autorités iraniennes, dans la perspective de l'achèvement en 2025 du plan d'action global commun, à participer pleinement, au delà du seul volet nucléaire, à la stabilisation de la région, notamment en engageant le dialogue sur le volet balistique et sur la situation régionale ;

Considérant que l'imposition par les États-Unis d'Amérique de sanctions économiques ayant un effet extraterritorial conduit à mettre en cause la souveraineté diplomatique et économique de l'Union européenne et de ses États membres,

Regrettant vivement cette décision des États-Unis de réimposer des sanctions du fait de leur retrait du plan d'action global commun ;

Relevant que la justification de telles sanctions extraterritoriales ne repose que sur les objectifs et intérêts diplomatiques nationaux d'un seul État;

Se félicitant de la réactivité et de l'unité manifestées par l'Union européenne et ses États-membres pour lancer des initiatives de blocage ou de neutralisation des effets extraterritoriaux de telles sanctions;

Concernant des mesures juridiques et financières de blocage ou de neutralisation des sanctions extraterritoriales

Juge nécessaire de mettre en oeuvre rapidement, en concertation avec les pays intéressés, une plateforme comptable autonome permettant d'assurer des transactions commerciales avec l'Iran et les pays parties à cette plateforme, sans recourir au dollar ou au système financier américain ;

Demande l'actualisation du règlement de blocage de 1996, afin en particulier de clarifier les modalités de recours en réparation pour les personnes ayant subi un dommage du fait de l'application des sanctions américaines;

Souhaite la création, auprès du Conseil, de la Commission européenne ou du Service européen d'action extérieure, d'un organisme chargé : d'assurer la mise en oeuvre convergente des sanctions décidées par l'Union européenne, de constituer un canal de négociation avec le département du Trésor des États-Unis sur le sujet des sanctions, d'apporter, dans le cadre d'un dialogue avec l'OFAC (Office of Foreign Assets Control) une expertise juridique aux entreprises et établissements financiers de l'Union, opérant ou désireuses d'opérer dans un pays sous sanctions américaines, sur les conditions de conformité de leur activité aux dispositions de la règlementation américaine;

Concernant les décisions à même de renforcer le rôle international de l'euro

Appelle à parachever l'Union économique et monétaire, en mettant notamment en place une capacité budgétaire de la zone euro permettant de résister aux chocs macroéconomiques et de financer des investissements,

Juge nécessaire de compléter rapidement l'Union bancaire par une convergence renforcée des systèmes nationaux de garantie des dépôts, qui ne pourrait toutefois remplacer à terme la mise en place d'un véritable système européen de garantie des dépôts;

Souhaite la mise en place, dans le cadre de l'Union des marchés de capitaux, d'une supervision unique des marchés où l'autorité européenne des marchés financiers (AEMF) occuperait un rôle central, étape indispensable vers l'intégration des marchés financiers européens et le renforcement de la stabilité financière;

Concernant les démarches politiques en soutien des positions européennes sur l'extraterritorialité des sanctions

Demande que le sujet de l'extraterritorialité des sanctions américaines soit inscrit à l'agenda des forums de gouvernance économique que constituent le G20 et le G7 ;

Considère que ce sujet devra être abordé dans le cadre de négociations commerciales à venir avec les États-Unis d'Amérique, dans la mesure où un partenariat commercial équitable et équilibré n'est pas compatible avec l'édiction par l'une des parties de sanctions commerciales unilatérales affectant les intérêts économiques de l'autre.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de la proposition de résolution

Texte adopté par la commission du Sénat en première lecture


Proposition de résolution européenne sur l'extraterritorialité des sanctions américaines

Proposition de résolution européenne sur l'extraterritorialité des sanctions américaines

Le Sénat,

Le Sénat,

L

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

M

Vu le plan d'action global commun signé le 15 juillet 2015 par les représentants de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis d'Amérique, de la Chine, de la Fédération de Russie d'une part et de la République islamique d'Iran d'autre part ;

Vu le plan d'action global commun signé le 15 juillet 2015 par les représentants de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis d'Amérique, de la Chine, de la Fédération de Russie d'une part et de la République islamique d'Iran d'autre part ;

N

Vu la résolution 2231 (2015) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 20 juillet 2015 ;

Vu la résolution 2231 (2015) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 20 juillet 2015 ;

O

Vu la déclaration conjointe de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne en date du 8 mai 2018 à la suite de la déclaration du Président Donald Trump sur l'Iran ;

Vu la déclaration conjointe de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne en date du 8 mai 2018 à la suite de la déclaration du Président Donald Trump sur l'Iran ;

P

Vu la déclaration de la haute représentante au nom de l'Union Européenne du 9 mai 2018 après l'annonce par le président américain Donald Trump sur le nucléaire iranien (plan d'action global commun) ;

Vu la déclaration de la haute représentante au nom de l'Union Européenne du 9 mai 2018 après l'annonce par le président américain Donald Trump sur le nucléaire iranien (plan d'action global commun) ;

Q

Vu la déclaration conjointe de la Haute représentante et des ministres des affaires étrangères du groupe E3 (France, Allemagne et Royaume-Uni) du 6 août 2018 à la suite de la réimposition de sanctions par les États-Unis du fait de leur retrait du plan d'action global commun ;

Amdt COM-1 rect.

R

Vu la déclaration conjointe des ministres des E3/EU+2 (Chine, France, Allemagne, Fédération de Russie et Royaume Uni, avec la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité) et de la République islamique d'Iran, faite à New York le 24 septembre 2018 ;

Vu la déclaration conjointe des ministres des E3/EU+2 (Chine, France, Allemagne, Fédération de Russie et Royaume Uni, avec la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité) et de la République islamique d'Iran, faite à New York le 24 septembre 2018 ;

S

Vu le règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ;

Vu le règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ;

T

Vu le règlement délégué (UE) 2018/1100 de la Commission européenne du 6 juin 2018 modifiant l'annexe du règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ;

Vu le règlement délégué (UE) 2018/1100 de la Commission européenne du 6 juin 2018 modifiant l'annexe du règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant ;

1a

Vu le discours sur l'État de l'Union prononcé le 12 septembre 2018 par M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne ;

Vu le discours sur l'État de l'Union prononcé le 12 septembre 2018 par M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne ;

1b

Considérant que le plan d'action global commun, approuvé à l'unanimité par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, est un élément fondamental de l'architecture de la non-prolifération nucléaire mondiale et revêt une importance capitale pour la sécurité de la région ;

Considérant que le plan d'action global commun, approuvé à l'unanimité par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, est un élément fondamental de l'architecture de la non-prolifération nucléaire mondiale et revêt une importance capitale pour la sécurité de la région , et pour celle de l'Europe et du monde ;

Amdt COM-2 rect.

1c

Rappelant que la levée des sanctions liées au nucléaire constitue un élément essentiel du plan d'action global commun et que celle-ci a une incidence positive sur les relations commerciales et économiques avec l'Iran;

Rappelant que la levée des sanctions liées au nucléaire constitue un élément essentiel du plan d'action global commun et que celle-ci a une incidence positive sur les relations commerciales et économiques avec l'Iran;

1d

Appelant les autorités iraniennes, dans la perspective de l'achèvement en 2025 du plan d'action global commun, à participer pleinement, au delà du seul volet nucléaire, à la stabilisation de la région, notamment en engageant le dialogue sur le volet balistique et sur la situation régionale ;

Amdt COM-5

1e

Considérant que l'imposition par les États-Unis d'Amérique de sanctions économiques ayant un effet extraterritorial conduit à mettre en cause la souveraineté diplomatique et économique de l'Union européenne et de ses États membres,

Considérant que l'imposition par les États-Unis d'Amérique de sanctions économiques ayant un effet extraterritorial conduit à mettre en cause la souveraineté diplomatique et économique de l'Union européenne et de ses États membres,

1f

Regrettant vivement cette décision des États-Unis de réimposer des sanctions du fait de leur retrait du plan d'action global commun ;

Amdt COM-3

1g

Relevant que la justification de telles sanctions extraterritoriales ne repose que sur les objectifs et intérêts diplomatiques nationaux d'un seul État;

Relevant que la justification de telles sanctions extraterritoriales ne repose que sur les objectifs et intérêts diplomatiques nationaux d'un seul État;

1h

Se félicitant de la réactivité et de l'unité manifestées par l'Union européenne et ses États-membres pour lancer des initiatives de blocage ou de neutralisation des effets extraterritoriaux de telles sanctions;

Se félicitant de la réactivité et de l'unité manifestées par l'Union européenne et ses États-membres pour lancer des initiatives de blocage ou de neutralisation des effets extraterritoriaux de telles sanctions;

1i

Concernant des mesures juridiques et financières de blocage ou de neutralisation des sanctions extraterritoriales

Concernant des mesures juridiques et financières de blocage ou de neutralisation des sanctions extraterritoriales

Juge nécessaire de mettre en oeuvre rapidement, en concertation avec les pays intéressés, une plateforme comptable autonome permettant d'assurer des transactions commerciales avec l'Iran et les pays parties à cette plateforme, sans recourir au dollar ou au système financier américain ;

Juge nécessaire de mettre en oeuvre rapidement, en concertation avec les pays intéressés, une plateforme comptable autonome permettant d'assurer des transactions commerciales avec l'Iran et les pays parties à cette plateforme, sans recourir au dollar ou au système financier américain ;

1j

Demande l'actualisation de certaines dispositions du règlement de blocage de 1996, afin en particulier de clarifier les modalités de recours en réparation pour les personnes ayant subi un dommage du fait de l'application des sanctions américaines;

Demande l'actualisation du règlement de blocage de 1996, afin en particulier de clarifier les modalités de recours en réparation pour les personnes ayant subi un dommage du fait de l'application des sanctions américaines;

Amdt COM-4

2a

Souhaite la création, auprès du Conseil, de la Commission européenne ou du Service européen d'action extérieure, d'un organisme chargé : d'assurer la mise en oeuvre convergente des sanctions décidées par l'Union européenne, de constituer un canal de négociation avec le département du Trésor des États-Unis sur le sujet des sanctions, d'apporter, dans le cadre d'un dialogue avec l'OFAC (Office of Foreign Assets Control) une expertise juridique aux entreprises et établissements financiers de l'Union, opérant ou désireuses d'opérer dans un pays sous sanctions américaines, sur les conditions de conformité de leur activité aux dispositions de la règlementation américaine;

Souhaite la création, auprès du Conseil, de la Commission européenne ou du Service européen d'action extérieure, d'un organisme chargé : d'assurer la mise en oeuvre convergente des sanctions décidées par l'Union européenne, de constituer un canal de négociation avec le département du Trésor des États-Unis sur le sujet des sanctions, d'apporter, dans le cadre d'un dialogue avec l'OFAC (Office of Foreign Assets Control) une expertise juridique aux entreprises et établissements financiers de l'Union, opérant ou désireuses d'opérer dans un pays sous sanctions américaines, sur les conditions de conformité de leur activité aux dispositions de la règlementation américaine;

2b

Concernant les décisions à même de renforcer le rôle international de l'euro

Concernant les décisions à même de renforcer le rôle international de l'euro

Appelle à parachever l'Union économique et monétaire, en mettant notamment en place une capacité budgétaire de la zone euro permettant de résister aux chocs macroéconomiques et de financer des investissements,

Appelle à parachever l'Union économique et monétaire, en mettant notamment en place une capacité budgétaire de la zone euro permettant de résister aux chocs macroéconomiques et de financer des investissements,

2c

Juge nécessaire de compléter rapidement l'Union bancaire par une convergence renforcée des systèmes nationaux de garantie des dépôts, qui ne pourrait toutefois remplacer à terme la mise en place d'un véritable système européen de garantie des dépôts;

Juge nécessaire de compléter rapidement l'Union bancaire par une convergence renforcée des systèmes nationaux de garantie des dépôts, qui ne pourrait toutefois remplacer à terme la mise en place d'un véritable système européen de garantie des dépôts;

2d

Souhaite la mise en place, dans le cadre de l'Union des marchés de capitaux, d'une supervision unique des marchés où l'autorité européenne des marchés financiers (AEMF) occuperait un rôle central, étape indispensable vers l'intégration des marchés financiers européens et le renforcement de la stabilité financière;

Souhaite la mise en place, dans le cadre de l'Union des marchés de capitaux, d'une supervision unique des marchés où l'autorité européenne des marchés financiers (AEMF) occuperait un rôle central, étape indispensable vers l'intégration des marchés financiers européens et le renforcement de la stabilité financière;

2e

Concernant les démarches politiques en soutien des positions européennes sur l'extraterritorialité des sanctions

Concernant les démarches politiques en soutien des positions européennes sur l'extraterritorialité des sanctions

Demande que le sujet de l'extraterritorialité des sanctions américaines soit inscrit à l'agenda des forums de gouvernance économique que constituent le G20 et le G7 ;

Demande que le sujet de l'extraterritorialité des sanctions américaines soit inscrit à l'agenda des forums de gouvernance économique que constituent le G20 et le G7 ;

2f

Considère que ce sujet devra être abordé dans le cadre de négociations commerciales à venir avec les États-Unis d'Amérique, dans la mesure où un partenariat commercial équitable et équilibré n'est pas compatible avec l'édiction par l'une des parties de sanctions commerciales unilatérales affectant les intérêts économiques de l'autre.

Considère que ce sujet devra être abordé dans le cadre de négociations commerciales à venir avec les États-Unis d'Amérique, dans la mesure où un partenariat commercial équitable et équilibré n'est pas compatible avec l'édiction par l'une des parties de sanctions commerciales unilatérales affectant les intérêts économiques de l'autre.

2g


* 1 « US nexus » , selon le terme employé par les Américains.

* 2 Loi Iran and Libya Sanctions Act (ILSA) de 1996, devenue en 2006 Iran Sanctions Act . Pour une présentation détaillée de ce dispositif, voir le rapport d'information du Sénat n° 605 (2013-2014) La France et l'Iran : des relations économiques et financières à reconstruire.

* 3 Règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page