TROISIÈME PARTIE
SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

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Le financement des dépenses de soins des établissements et services médico-sociaux, assuré par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), procède de plusieurs sources. Pour sa très grande majorité, il provient d'une fraction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), dont le montant indicatif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est ensuite affiné et déterminé par arrêté ministériel.

La part restante est abondée par des prélèvements spécifiques sur les ressources propres de la CNSA parmi lesquels :

• une fraction de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), dont l'assiette recoupe, d'une part celle des cotisations patronales d'assurance maladie et d'autre part les revenus du patrimoine et les produits de placement ;

• depuis la LFSS pour 2017, une fraction du prélèvement social opéré sur les produits de placement et sur les revenus du patrimoine ;

• depuis la LFSS pour 2018, une fraction de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), prélèvement dû sur tous les avantages de retraite au-delà d'un certain montant.

L'ensemble de ces ressources forme l' objectif global de dépenses (OGD), dont le niveau est également fixé par arrêté ministériel. L'OGD est exclusivement dédié au financement des établissements et services médico-sociaux .

Le reliquat des ressources propres de la CNSA est consacré au financement des deux principales allocations compensatoires , l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), ainsi qu'à diverses actions de soutien et d'investissement du secteur.

I. LE FINANCEMENT DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

A. LES DÉPENSES DE SOINS EN ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES MÉDICO-SOCIAUX : UN ONDAM AU RYTHME D'ÉVOLUTION RALENTI, DONT LE NIVEAU APPELLE LE RELAIS DES RESSOURCES PROPRES DE LA CNSA

1. Le tendanciel des dépenses de soins du secteur médico-social : une construction contestable, des mesures nouvelles en diminution

Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie (« comité d'alerte de l'Ondam ») indique dans son avis du 15 octobre 2018 25 ( * ) que l' évolution des dépenses de soins en établissements et services médico-sociaux se situe à environ 3,9 % en 2018 et devrait subir une diminution à 3,6 % en 2019 .

La détermination de cette évolution n'obéit pas, à l'instar des autres sous-objectifs de l'Ondam, à l'élaboration d'un tendanciel . L'évolution des dépenses de soins en établissements et services médico-sociaux n'est pas établie par estimation, c'est-à-dire en référence à des hypothèses retenues a priori , mais « par approximation, en majorant les dépenses constatées des mesures nouvelles et de la prise en compte de l'inflation » 26 ( * ) . Il ne s'agit donc pas d'une tendance qui reflète les besoins exprimés par le secteur concerné, mais d'une tendance construite à partir des engagements pris discrétionnairement par les autorités budgétaires 27 ( * ) .

Les « mesures nouvelles » découlent en partie de l'évolution de la masse salariale et, pour le secteur des personnes âgées, des crédits spécifiquement alloués à l'accompagnement de la réforme tarifaire des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Ces mesures nouvelles se retracent aisément en comparant les dotations régionales limitatives (DRL) initiales de l'exercice 2018, qui figurent à la circulaire budgétaire afférente 28 ( * ) , aux crédits constatés en juillet 2018 au sein du deuxième budget rectificatif de la CNSA 29 ( * ) .

Mesures nouvelles en 2018

(en millions d'euros)

Début 2018

Juillet 2018

Mesures nouvelles

Personnes âgées

10 024

10 460

436

Personnes handicapées

11 311

11 645

334

Total

21 335

22 105

770

Évolution

+ 3,6 %

Source : Commission des affaires sociales

On déduit de cette évolution (inférieure de seulement 0,3 point à l'évolution tendancielle annoncée pour 2018) que l'essentiel des dépenses annoncées par le tendanciel a été engagé à ce jour et que les chiffres dont nous disposons actuellement peuvent être considérés comme représentatifs des engagements de l'exercice.

À partir des données dont dispose votre rapporteur, il est possible d'avancer la ventilation suivante de ces mesures nouvelles financées en 2018.

Répartition des crédits des mesures nouvelles en 2018

(en millions d'euros)

Personnes âgées

Personnes handicapées

Évolution de la masse salariale
et des autres dépenses à 0,7 %

70

Évolution de la masse salariale
et des autres dépenses à 0,88 %

186

Réforme tarifaire des Ehpad

116 30 ( * )

Extension des astreintes de nuit

10

Prévention des départs en Belgique

15

Extension du tarif global

10

Créations nettes

230

Créations nettes

133

Total

436

Total

334

Source : Circulaire budgétaire, dossier de presse du PLFSS pour 2018

Ainsi, sur les 770 millions d'euros de mesures nouvelles financées sur l'exercice 2018, seuls 363 millions d'euros (soit moins de la moitié) auraient été consacrés à l'augmentation de l'offre médico-sociale destinée aux personnes âgées et handicapées.

En conséquence, votre rapporteur souligne le ralentissement à 3,6 % de l'évolution tendancielle des dépenses annoncé pour 2019. Compte tenu de la dynamique haussière de l'évolution des prix, cet important ralentissement anticipe une diminution nette des mesures nouvelles pour 2019 .

Cette diminution, cohérente avec l'ambition affichée par le Gouvernement d'amorcer un « virage inclusif » de l'offre médico-sociale, qui préfère l'organisation de parcours personnalisés à l'ouverture de places nouvelles, inquiète votre rapporteur. Le maintien d'incertitudes importantes sur les réformes tarifaires des deux secteurs ne fournit pas le cadre propice à la diminution des moyens alloués et à la redéfinition de l'offre que de nombreux gestionnaires estiment à « marche forcée ».

2. L'aggravation de la sous-consommation de l'Ondam médico-social en 2018

Parmi les sources de financement des dépenses de soins médico-sociaux, la fraction consacrée de l'Ondam, dite « Ondam médico-social », représente près de 95 % du montant total . Le montant de cette fraction, voté chaque année par le Parlement, fait l'objet de variations plus ou moins importantes au cours de l'exercice suivant.

Ondam médico-social

(en millions d'euros)

2017

2018 (p)

2019 (p)

PA

PH

Total

PA

PH

Total

PA

PH

Total

Montant annoncé
(LFSS pour n)

9 100

11 000

20 100

9 300

11 200

20 500

9 400

11 300

20 700

Montant arrêté
(arrêté ministériel)

9 050,4

11 020,1

20 070,5

9 315,6

11 201,4

20 517

Montant constaté
(LFSS pour n+1)

9 050

10 950

20 000

9 200

11 100

20 300

Écart constaté
(« débasage »)

- 50

- 50

- 100

- 100

- 100

- 200

Source : LFSS pour 2017 et 2018, PLFSS pour 2019

En raison de sources qui ne sont pas toujours à jour, il est malaisé d'établir le montant de l'Ondam médico-social réalisé de l'année en cours. L'annexe 8 du PLFSS pour 2019, qui fournit les éléments chiffrés du deuxième budget rectificatif de la CNSA établi en juillet, reprend généralement des chiffres figurant à l'arrêté ministériel de répartition de l'Ondam médico-social pour l'année en cours. Pour l'année 2018, cet arrêté 31 ( * ) fixe à 20 517 millions d'euros le montant global de l'Ondam médico-social, soit 517 millions d'euros de plus que le montant annoncé dans la LFSS pour 2018.

Or l'article 6 du PLFSS pour 2019, qui présente l'exécution de l'Ondam pour l'exercice en cours, fait état des chiffres les plus récents et situe l'Ondam médico-social constaté à 20,3 milliards d'euros , soit 200 millions d'euros de moins que le montant annoncé en LFSS pour 2018.

Cette réduction de l'Ondam médico-social en cours d'exercice, appelée couramment « débasage », se fonde sur l'article L. 162-22-2-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit la mise en réserve d'une fraction du montant global de l'Ondam, de manière à ajuster le montant des dépenses d'assurance maladie en fonction d'impératifs non anticipés. Il s'agit de la pratique des « gels », qui consiste à transférer en cours d'année, par arrêté ministériel, des crédits d'un sous-objectif à un autre au sein de l'Ondam. Depuis 2015, ces transferts de crédits ont systématiquement entraîné une sous-consommation de l'Ondam médico-social initial , au profit de l'Ondam des soins de ville, dont les dépenses connaissent un dépassement récurrent.

Ce « débasage » s'était élevé à 283 millions d'euros en 2016, avant de connaître une réduction notable en 2017 : annoncée à 100 millions d'euros par la LFSS pour 2018, la sous-consommation de l'Ondam médico-social en 2017 a été chiffrée par la commission des comptes de la sécurité sociale et le comité d'alerte de l'Ondam à 75 millions d'euros . Le mouvement s'inverse à nouveau en 2018, avec une sous-consommation escomptée par le PLFSS pour 2019 de près de 200 millions d'euros.

Ce chiffre fait encore l'objet d'incertitudes. Dans son avis du 30 mai 2018, le comité d'alerte de l'Ondam relevait que le « débasage » de l'Ondam médico-social s'élevait à 152 millions d'euros. Ce chiffre a été repris en juin 2018 par la commission des comptes de la Sécurité sociale. L'estimation la plus récente, rendue par le comité d'alerte dans son dernier avis du 15 octobre, revoit ce montant à la hausse en le portant à 200 millions d'euros.

Le maintien du niveau initial des dépenses de soins en établissements médico-sociaux est assuré chaque année par un prélèvement sur l'excédent de trésorerie de la CNSA . Les estimations initiales du « débasage » de l'exercice en cours, régulièrement réduites a posteriori par les instances de surveillance des comptes de la sécurité sociale, en rendent le suivi particulièrement opaque.

3. L'évolution de l'Ondam médico-social : un ralentissement qui appelle le relais des ressources propres de la CNSA

La participation financière de l'Ondam médico-social au maintien du niveau d'ensemble de l'Ondam global en 2018 modifie profondément son rythme d'évolution réel, par rapport à son rythme d'évolution affiché.

Évolution prévisionnelle et réalisée de l'Ondam médico-social

Montant

(en millions d'euros)

Évolution

2016

Ondam initial

18 200

Ondam réalisé

17 900

2017

Ondam initial

20 100

+ 10,4 %

Ondam réalisé

20 000

+ 11,73 % 32 ( * )

2018

Ondam initial

20 500

+ 1,99 %

Ondam réalisé

20 300

+ 1,5 %

2019

Ondam initial

20 700

+ 0,98 %

Source : LFSS pour 2016, 2017 et 2018, PLFSS pour 2019

Les taux d'évolution de l'Ondam médico-social affichés aux dossiers de presse des PLFSS ainsi qu'aux budgets rectificatifs des comptes de la CNSA souffrent d'un défaut de construction méthodologique qui compromet leur fiabilité 33 ( * ) . Ils tiennent compte du débasage intervenu lors de l'exercice précédent, mais n'intègrent souvent pas celui de l'exercice en cours (qui figure pourtant au PLFSS pour l'exercice à venir), ce qui permet d' avancer des taux d'évolution surévalués .

Pour l'exercice 2018, l'évolution réelle de l'Ondam médico-social s'est élevée à 1,5 % .

Cela étant, une estimation sincère de l'évolution des dépenses de soins en établissements et services médico-sociaux doit également intégrer la part des ressources propres de la CNSA que cette dernière consacre à ces dépenses et qui, réunie à l'Ondam médico-social, forme l'objectif global de dépenses (OGD).

Décomposition de l'objectif global de dépenses (OGD)

(en millions d'euros)

2017

2018

Ondam médico-social

20 000

20 300

Prélèvement sur l'excédent de trésorerie de la CNSA

100

200

Contribution de solidarité pour l'autonomie

1 267,5

1 306,4

Fraction du prélèvement social sur les revenus du capital

128,1

129,5

Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie

0

101

Objectif global de dépenses

21 495,6

22 036,9

Évolution générale

dont Ondam médico-social

dont ressources propres de la CNSA

+ 2,52 %

+ 1,5 %

+ 18,14 %

Source : LFSS pour 2018, PLFSS pour 2019

On constate que le soutien de l'évolution des dépenses de soins du secteur médico-social doit beaucoup plus au dynamisme des ressources propres de la CNSA qui y sont consacrées (+ 18,14 %) qu'à celui des dépenses d'assurance maladie proprement dites (+ 1,5 %). Ce dynamisme est le fruit d'un double effet :

- la tendance haussière des ressources propres de la CNSA, composées de prélèvements fiscaux assis sur des bases relativement dynamiques (revenus d'activité, revenus du capital et du patrimoine, pensions de retraite) ;

- l'affectation aux dépenses de soins par la LFSS pour 2018 d'une fraction substantielle de la Casa (13,2 %), initialement consacrée au financement de l'APA.

Les dépenses de soins du secteur médico-social ont donc connu en 2018 une augmentation de 2,52 % .

Or l'évolution tendancielle de ces dépenses est estimée par le comité d'alerte de l'Ondam à 3,9 % , ce qui les porterait à la fin de l'exercice 2018 à environ 22 278 millions d'euros. La CNSA pourrait donc afficher en 2018 un déficit sur les dépenses de soins en établissements et services médico-sociaux d'environ 241,1 millions d'euros, qu'elle sera contrainte d'à nouveau résorber au moyen de ses excédents de trésorerie.


* 25 Avis du Comité d'alerte n° 2018-3 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 26 Cour des comptes, Rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale , octobre 2018.

* 27 Notre collègue Philippe MOUILLER a relevé dans un rapport récent ( Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive , rapport n° 35, octobre 2018) la nature exclusivement « descendante » de la décision budgétaire en matière médico-sociale.

* 28 Instruction n° DGCS/SD5C/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2018/121 du 15 mai 2018 relative aux orientations de l'exercice 2018 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.

* 29 Annexe 8 du PLFSS pour 2019, comptes de la CNSA.

* 30 Chiffre avancé par la CNSA au cours de son audition par votre rapporteur.

* 31 Arrêté du 18 mai 2018 fixant pour l'année 2018 la contribution des régimes d'assurance maladie, l'objectif de dépenses et le montant total annuel des dépenses pour les établissements et services relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles et fixant le montant mentionné à l'article L. 314-3-4 du même code.

* 32 Cette évolution exceptionnelle s'explique par l'intégration en 2017 des établissements et services d'aide par le travail (Esat) au périmètre de financement de l'assurance maladie.

* 33 Sans mentionner les confusions fréquemment commises entre évolution de l'Ondam médico-social et évolution de l'objectif global de dépenses (OGD).

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