Rapport n° 127 (2018-2019) de M. Vincent SEGOUIN , fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 novembre 2018

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N° 127

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique relative à l' élection des sénateurs ,

Par M. Vincent SEGOUIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

744 (2017-2018) et 128 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 14 novembre 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas , président, la commission des lois a examiné le rapport de M. Vincent Segouin , rapporteur, sur la proposition de loi organique n° 744 (2017-2018) relative à l'élection des sénateurs, présentée par M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues.

Ce texte tend à réduire l'âge minimal pour être élu sénateur de 24 à 18 ans.

Historiquement, l'âge d'éligibilité aux élections sénatoriales a toujours été plus élevé qu'aux élections législatives. Longtemps fixé à 35 ans, il a été abaissé à deux reprises sous la V ème République : à l'initiative du Sénat, il a été fixé à 30 ans en 2003, puis à 24 ans en 2011.

Ce seuil de 24 ans a été défini pour donner l'opportunité aux sénateurs, qui assurent la représentation des collectivités territoriales de la République, selon les termes de l'article 24 de la Constitution, d'exercer un mandat local avant de siéger au Palais du Luxembourg.

Les comparaisons internationales montrent que l'âge requis pour se présenter aux élections est généralement plus élevé dans les chambres hautes que dans les chambres basses. Ainsi, un citoyen américain doit avoir 25 ans pour être élu à la chambre des représentants et 30 ans pour entrer au Sénat. En Italie, ces seuils d'éligibilité sont respectivement de 25 et 40 ans.

Après ces rappels, le rapporteur a estimé que la question de l'âge d'éligibilité des sénateurs devait être examinée dans le cadre, plus large, de la réforme des institutions engagée par le Président de la République et qui a donné lieu au dépôt à l'Assemblée nationale, au mois de mai 2018, d'un projet de loi constitutionnelle, d'un projet de loi organique et d'un projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.

La commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi organique.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi organique .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Depuis 1992, le nombre de candidats aux élections sénatoriales a plus que triplé, pour s'élever à 1 995 lors du renouvellement triennal de septembre 2017.

Historiquement, l'âge d'éligibilité des candidats est plus élevé aux élections sénatoriales qu'aux élections législatives. Sous la III ème République, il fallait avoir 25 ans pour entrer à la Chambre des députés et 40 ans pour accéder au Sénat.

Longtemps fixé à 35 ans, l'âge d'éligibilité des sénateurs sous la V ème République a été abaissé à deux reprises : il est passé à 30 ans en 2003 puis à 24 ans en 2011, contre 18 ans pour les députés.

Ce seuil de 24 ans a été défini pour donner l'opportunité aux sénateurs, représentants des collectivités territoriales, d'exercer un mandat local avant d'entrer au Palais du Luxembourg.

La proposition de loi organique n° 744 (2017-2018) relative à l'élection des sénateurs, présentée par M. André Gattolin et plusieurs de nos collègues, poursuit un objectif unique : réduire de 24 à 18 ans l'âge d'éligibilité des sénateurs. Elle a été inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé au groupe La République en Marche du 21 novembre 2018.

Au terme d'un débat approfondi, votre commission n'a pas adopté cette proposition de loi organique, dans l'attente d'un débat à venir, plus large, sur les réformes institutionnelles et la préservation du bicamérisme différencié.

En conséquence, la discussion portera en séance publique sur le texte initial de la proposition de loi organique.

I. LES SPÉCIFICITÉS DU SÉNAT : UN BICAMÉRISME DIFFÉRENCIÉ MAIS ÉQUILIBRÉ

A. LE SÉNAT, PIERRE ANGULAIRE DE L'ÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL

1. Le bicamérisme différencié sous la Vème République
a) Les équilibres de la Constitution du 4 octobre 1958

Conformément à l'article 24 de la Constitution, l'Assemblée nationale et le Sénat remplissent trois missions : voter la loi, contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

Le Sénat assure également « la représentation des collectivités territoriales de la République » et des Français établis hors de France 1 ( * ) . À titre d'exemple, il dispose d'une priorité d'examen sur les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales 2 ( * ) .

Aussi, l'équilibre de la V ème République repose-t-il sur un bicamérisme différencié mais équilibré.

Si la fonction législative appartient concurremment aux députés et aux sénateurs, le Gouvernement peut, dans certains cas, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement (« dernier mot ») 3 ( * ) .

De même, seuls les députés peuvent mettre en cause la responsabilité du Gouvernement et l'amener à démissionner, notamment par le vote d'une motion de censure. En contrepartie, le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées 4 ( * ) .

b) Le Sénat, un pouvoir « non aligné » assurant notamment la représentation des collectivités territoriales

Les élections sénatoriales présentent quatre particularités , qui font du Sénat une « assemblée de proximité à l'écoute des élus locaux » mais également un « gardien vigilant » de la décentralisation, pour reprendre les mots de notre regretté collègue Jacques Larché 5 ( * ) .

En premier lieu, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par un collège électoral composé d'environ 162 000 grands électeurs 6 ( * ) ; le vote est obligatoire 7 ( * ) . Sauf pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, le scrutin se déroule dans une circonscription territoriale (les départements, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer).

Le Sénat constitue ainsi le « grand Conseil des communes » de France loué par Léon Gambetta devant les électeurs de Belleville en février 1875. Le Conseil constitutionnel rappelle d'ailleurs que « le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités » 8 ( * ) .

En deuxième lieu, l'âge d'éligibilité des sénateurs est fixé à 24 ans , contre 18 ans pour les députés (voir infra ).

En troisième lieu, les élections sénatoriales combinent deux modes de scrutin :

- un scrutin majoritaire à deux tours, pour les 52 départements ou collectivités qui comptent un seul ou deux sénateurs ;

- un scrutin de liste à la représentation proportionnelle, pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France et les 55 départements ou collectivités qui comptent trois sénateurs ou plus.

En dernier lieu, les membres du Sénat sont élus pour un mandat de six ans (contre cinq ans pour les députés), avec un renouvellement partiel tous les trois ans.

Le Sénat constitue ainsi « le seul pouvoir non aligné, libre et indépendant » de notre République, comme l'a récemment déclaré notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois. En effet, « le mode d'élection des sénateurs, leur enracinement dans nos collectivités sont pour la démocratie une garantie de liberté et de pragmatisme » 9 ( * ) .

2. Le Sénat, une institution en mouvement

Le Sénat est une institution en mouvement, qui a su réformer son mode de scrutin pour renforcer sa représentativité .

Fruits d'initiatives sénatoriales, les lois du 16 juillet 1976 10 ( * ) et du 30 juillet 2003 11 ( * ) ont actualisé la répartition des sièges de sénateurs et réduit les écarts de représentation entre les territoires ruraux et urbains.

Le Sénat a également réformé son fonctionnement et renforcé son efficacité , à partir des préconisations du groupe de réflexion sur ses méthodes de travail, dont les deux rapporteurs étaient nos collègues Alain Richard et Roger Karoutchi, et du groupe de travail sur la gouvernance, dont le rapporteur était notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont.

Les principaux apports de la résolution du 13 mai 2015 sur la réforme des méthodes de travail du Sénat

- Mieux organiser l'agenda sénatorial , en articulant les travaux des commissions, des délégations et des groupes parlementaires ;

- Créer un tableau nominatif des activités des sénateurs et prévoir des obligations de présence , sous peine de retenues financières 12 ( * ) ;

- Rationaliser le temps de parole en séance , en limitant à 2 minutes 30 les paroles sur articles, les présentations d'amendements et les explications de vote ;

- Dynamiser les procédures de questionnement et de contrôle , notamment en modernisant les séances de questions au Gouvernement et en communicant à la Conférence des présidents un programme prévisionnel des travaux de contrôle ;

- Constituer les groupes parlementaires sous forme d' associations, pour sécuriser leur gestion et garantir leur transparence financière ;

- Permettre au Bureau de prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre des sénateurs ayant manqué à leurs obligations en matière de conflits d'intérêts.

La résolution du 13 mai 2015 a aussi permis d'expérimenter la procédure d'examen en commission (PEC), pérennisée en décembre 2017 sous la dénomination de « législation en commission » (LEC) .

En application de cette procédure, qui peut désormais porter sous tout ou partie d'un texte, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission, sauf exceptions limitativement énumérées par le Règlement du Sénat 13 ( * ) .

Depuis 2015, le Sénat a utilisé cette procédure simplifiée pour quinze textes , dont la liste figure en annexe. Le Gouvernement propose désormais de l'élever au rang constitutionnel 14 ( * ) .

Enfin, le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle, dirigé par le président Gérard Larcher et dont le rapporteur était notre collègue François Pillet, a formulé, en janvier 2018, 40 propositions pour réformer nos institutions 15 ( * ) .

Les principales propositions du groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle

Le groupe de travail a préconisé de :

- moderniser l'exécutif , en limitant à vingt le nombre de membres du Gouvernement et en garantissant le respect du principe de parité ;

- préserver l'ancrage territorial des parlementaires , en prévoyant l'élection d'au moins un député et un sénateur par département, par collectivité territoriale à statut particulier et par collectivité d'outre-mer ;

- rénover le travail législatif  au service de la qualité de la loi , grâce à la consécration dans la Constitution d'une nouvelle exigence de nécessité des normes, une information parlementaire renforcée, un meilleur encadrement des ordonnances, une amélioration de la navette parlementaire, un rééquilibrage des prérogatives gouvernementales et une meilleure protection du domaine de la loi ;

- renforcer le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement et de l'évaluation des politiques publiques ;

- moderniser les juridictions et de supprimer la Cour de justice de la République.

B. L'ÂGE D'ÉLIGIBILITÉ, L'UNE DES SPÉCIFICITÉS DES ÉLECTIONS SÉNATORIALES

1. Un âge d'éligibilité plus élevé que celui des députés
a) L'état du droit

Conformément à l'article L.O. 296 du code électoral, « nul ne peut être élu au Sénat s'il n'est âgé de vingt-quatre ans révolus » 16 ( * ) .

Outre le Sénat, seul le Congrès de Nouvelle-Calédonie présente un seuil d'éligibilité supérieur à 18 ans : pour y être élus, les citoyens doivent avoir 21 ans 17 ( * ) .

À l'inverse, les majeurs de 18 ans sont éligibles aux élections locales et, depuis 2011, à l'élection présidentielle, aux élections législatives et aux élections européennes .

Seuils d'éligibilité applicables aux différentes élections

Élections

Seuils d'éligibilité

Bases juridiques

Remarques

Présidentielle

18 ans

Art. 3 de la loi n° 62-1292
du 6 novembre 1962 relative
à l'élection du Président de la République au suffrage universel

Seuils abaissés de 23 à 18 ans
par la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l'élection des députés
et des sénateurs

Législatives

18 ans

Art. L.O. 127 du code électoral

Européennes

18 ans

Art. 5 de la loi n° 77-729
du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen

Sénatoriales

24 ans

Art. L.O. 296 du code électoral

Voir l'historique ci-dessous

Départementales

18 ans

Art. L. 194 du code électoral

Seuils abaissés de 23 à 18 ans
par la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative
à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives
et à leurs conditions d'exercice

Régionales

18 ans

Art. L. 339 du code électoral

Municipales

18 ans

Art. L. 228

Seuil abaissé de 23 à 18 ans par la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982 modifiant le code électoral et le code des communes et relative
à l'élection des conseillers municipaux et aux conditions d'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales 18 ( * )

Congrès de Nouvelle-Calédonie

21 ans

Art. 194 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative
à la Nouvelle-Calédonie

Source : commission des lois du Sénat

Juridiquement, le Conseil constitutionnel a admis à deux reprises cette différence concernant l'âge d'éligibilité dans les deux assemblées 19 ( * ) .

En conséquence, un élu local âgé de moins de 24 ans peut faire partie du corps électoral des élections sénatoriales mais ne peut pas s'y présenter.

b) L'évolution de l'âge d'éligibilité des sénateurs sous les différents régimes

Historiquement, l'âge d'éligibilité des sénateurs est plus élevé que celui des députés . Sous la III ème République, il fallait par exemple être âgé d'au moins 40 ans pour être sénateur et 25 ans pour être député.

Les deux principales exceptions sont la Restauration (1814-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848). Toutefois, durant ces périodes, les membres de la Chambre de pairs étaient désignés par le Roi parmi les « chefs de famille » et étaient, en pratique, plus âgés que les députés.

Historique de l'âge d'éligibilité en France

Texte

Régime politique

Chambre basse

Chambre haute

Nom

Âge d'éligibilité

Nom

Âge d'éligibilité

Constitution
du 5 Fructidor An II (1795)

Directoire

Conseil
des Cinq Cents

30 ans

Conseil des Anciens

40 ans

Constitution
du 22 Frimaire An VIII (1799)

Consulat

Tribunat

25 ans

Sénat conservateur

40 ans 20 ( * )

Corps législatif

30 ans

Constitution
du 28 Floréal an XII (1804)

Empire

Tribunat

-

Sénat

18 ans pour les princes français, aucun seuil pour les autres membres

Corps législatif

Charte constitutionnelle
du 4 juin 1814

Restauration

Chambre des députés des départements

40 ans

Chambre des pairs

25 ans

(et 30 ans pour obtenir une voix délibérative)

Acte additionnel
aux Constitutions de l'Empire
du 22 avril 1815

Empire

(Cent-Jours)

Chambre des représentants

25 ans

Chambre des pairs

21 ans

(et 25 ans pour obtenir une voix délibérative)

Charte constitutionnelle
du 14 août 1830

Monarchie
de Juillet

Chambre des députés

30 ans

Chambre des pairs

25 ans

(et 30 ans pour obtenir une voix délibérative)

Constitution
du 4 novembre 1848

Deuxième République

Assemblée nationale législative

25 ans

-

(régime monocaméral)

Constitution
du 14 janvier 1852

Second Empire

Corps législatif

-

Sénat

-

Loi constitutionnelle
du 24 février 1875 relative
à l'organisation du Sénat

Troisième République

Chambre des députés

25 ans

Sénat

40 ans

Loi organique
du 30 novembre 1875
sur l'élection des députés

Loi n° 46-2151 du 5 octobre 1946 relative à l'élection des membres de l'Assemblée nationale

Quatrième République

Assemblée nationale

23 ans

Conseil de la République

35 ans

Loi n° 46-2383 du 27 octobre 1946 sur la composition
et l'élection du Conseil
de la République

Ordonnance n° 58-998
du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires

Cinquième République

Assemblée nationale

23 ans

Sénat

35 ans

Loi organique n° 2003-696
du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité
des sénateurs ainsi que
de la composition du Sénat

23 ans

30 ans

Loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l'élection des députés et sénateurs

18 ans

24 ans

Source : commission des lois du Sénat

Aux XIX ème et XX ème siècles, cette différence concernant l'âge d'éligibilité des députés et des sénateurs ne fait pas réellement débat .

À titre d'exemple, ce sujet ne fait pas l'objet d'amendements lors de l'examen de la loi n° 46-2383 du 27 octobre 1946 21 ( * ) (IV ème République). Le député Pierre Hervé (Parti communiste) déclare simplement : « nous avons fait des concessions [concernant le Conseil de la République]. Il est élu pour six ans et renouvelable par moitié ; je crois même qu'une disposition prévoit que ses membres doivent être âgés d'au moins trente-cinq ans » 22 ( * ) .

Ce débat n'émerge qu'au début du XXI ème siècle : à l'initiative du Sénat, l'âge de ses membres est réduit de 35 à 30 ans en 2003 puis de 30 à 24 ans en 2011 .

Comme l'a écrit notre regretté collègue Jacques Larché, il s'agissait d'une « réforme symbolique de l'entreprise de rénovation du Sénat », qui « soulign[ait] la prise en compte de l'évolution de la société et témoign[ait] d'une volonté d'ouverture de la Haute Assemblée » 23 ( * ) .

2. Les raisons de cette particularité sénatoriale

Au moins trois raisons permettent d'expliquer l'existence d'un âge d'éligibilité plus élevé pour les sénateurs : un compromis initial pour concilier évolution du régime et pacification sociale, la perception de l'âge comme un facteur de modération et la valorisation des expériences locales.

a) Un compromis initial pour concilier évolution du régime et pacification sociale

En France, la chambre haute est le fruit d'un compromis entre l'évolution du régime, d'une part, et le maintien de la paix civile, d'autre part .

Après les violences et les exécutions sommaires de la Terreur, un Conseil des Anciens est créé sous le Directoire ( 1795 ), dans un souci d'équilibre politique et de pondération du Conseil des Cinq Cents.

Pour François-Antoine de Boissy d'Anglas, rapporteur de la Constitution du 5 Fructidor An II (1795), « les Cinq Cents seront l'imagination de la République, les Anciens en seront la raison » 24 ( * ) .

Cette fonction stabilisatrice est également décrite par l'historienne Karen Fiorentino : plus âgés, les Anciens ont « nécessairement bien connu l'Ancien Régime et ont pu apprécier sa stabilité par rapport aux tourmentes des années 1793 à 1795. Ils sont donc susceptibles, avant tout, de chercher dans la vie politique à recréer cette stabilité et à s'opposer à toute mesure fantaisiste pouvant affecter profondément le corps social » 25 ( * ) .

En 1875 , un accord similaire est trouvé entre les républicains et les conservateurs pour affermir la III ème République. Selon Jules Ferry, le Sénat est une « citadelle » de l'ordre républicain, « conservateur, oui, mais dans la République ». Le légitimiste Charles Chesnelong déclare même : « votre constitution est un Sénat » , le maintien d'une chambre haute lui paraissant indispensable au compromis 26 ( * ) .

b) L'âge perçu comme un facteur de modération

L'âge des sénateurs est également perçu comme un facteur de modération pour la « chambre de la réflexion » louée par Georges Clemenceau : « pendant une partie de ma vie, plus près de la théorie que de la réalité, j'ai eu foi en la chambre unique, émanation directe du sentiment populaire [...]. J'en suis revenu. Les événements m'ont appris qu'il fallait laisser au peuple le temps de la réflexion : le temps de la réflexion, c'est le Sénat » 27 ( * ) .

Le mot « sénatus » dérive d'ailleurs du latin « senex, senis » (vieux). Pour le politologue Benjamin Morel, « la modération est généralement conçue comme une qualité des membres des secondes chambres, car ils sont réputés être sages. Or cette sagesse est généralement identifiée à l'âge . C'est donc au regard de cet âge qu'ils peuvent occuper une fonction de modération [...]. La sagesse est liée à l'âge, car elle est le produit selon les classiques de l'indépendance et de l'affranchissement vis-à-vis de la nécessité. L'âge libère tant de l'ambition que de la crainte et du besoin » 28 ( * ) .

Le Sénat apparaît ainsi comme une institution stabilisatrice face aux possibles emportements de la chambre basse . À l'occasion du discours de Bayeux (1946), le Général de Gaulle déclare d'ailleurs : « le premier mouvement [de l'Assemblée nationale] ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée élue et composée d'une autre manière la fonction d'examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements et de proposer des projets ». Comme le résume l'historien Jean-Noël Jeanneney, le Sénat « ne se laisse pas entraîner par l'immédiateté des passions et des analyses » 29 ( * ) .

Dès les XIX ème et XX ème siècles, l'âge des sénateurs fait l'objet de caricatures. En 1931, les journalistes Henri de Kérillis et Raymond Cartier écrivent par exemple : « Est-il nécessaire d'ajouter qu'on prend lentement ses chevrons au Luxembourg ? Les jeunes de soixante ans y sont considérés avec méfiance et quelque hauteur » 30 ( * ) .

Néanmoins, les sénateurs ont toujours assumé leur rôle de modération ainsi qu'une certaine différence d'âge par rapport aux députés . Pour le politologue Éric Kerrouche, élu sénateur en 2017, « cette différence d'âge et cet effet séniorité sont voulus. L'image des sénateurs sages, avec une expérience de la vie et de la carrière politique leur donnant un recul dans le jugement est voulue et revendiquée par les sénateurs [...]. L'âge constitue en quelque sorte un facteur identitaire pour l'institution » 31 ( * ) .

c) La valorisation de l'expérience au sein des collectivités territoriales

L'âge minimal de 24 ans pour se présenter aux élections sénatoriales constitue aussi une garantie pour la représentation des collectivités territoriales .

D'après les travaux parlementaires de 2011, ce seuil d'éligibilité a été défini pour permettre aux sénateurs d' acquérir une expérience locale avant d'entrer au Palais du Luxembourg . L'exercice préalable d'un mandat local reste toutefois une faculté pour mieux connaître les réalités de terrain, non une obligation.

Extraits des débats de 2011 32 ( * )

Notre ancien collègue Patrice Gélard, rapporteur, a notamment déclaré :

« Nous estimons qu'un sénateur doit avoir un minimum d'expérience. L'idéal serait que tous les sénateurs aient préalablement exercé un mandat local de six ans. En l'occurrence, nous ne l'exigeons pas, mais nous laissons au candidat le temps de remplir un tel mandat [...].

Si nous avons retenu l'âge de 24 ans, c'est parce qu'il correspond à la somme de 18 et 6, ce dernier chiffre correspondant à la durée d'un mandat local éventuel . [...] Cela veut dire que les sénateurs, qui représentent les collectivités territoriales, doivent tout de même avoir un minimum d'expérience acquise, par exemple, en regardant les autres. Cette condition me paraît s'imposer » 33 ( * ) .

Notre collègue Yves Détraigne a également ajouté : « je ne sache pas que l'on dispose, à 18 ans, d'une telle expérience, sauf à avoir participé à un conseil municipal d'enfants, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas tout à fait la même chose... » 34 ( * ) .

3. Le débat, plus large, sur l'âge moyen des parlementaires

L'essentiel du débat ne repose pas sur l'âge d'éligibilité des parlementaires (donnée juridique) mais sur leur âge moyen (donnée sociologique).

Or, depuis le début de la V ème République, l'âge moyen des sénateurs est proche de celui des députés : en 1959, les sénateurs avaient 55 ans en moyenne, contre 50 ans pour les députés. En 2014, l'âge moyen des sénateurs était de 61 ans, contre 56 ans pour les députés.

Âge moyen des parlementaires

Source : commission des lois du Sénat

Certes, l'écart d'âge entre les sénateurs et les députés a fortement augmenté en 2017, après le renouvellement de l'Assemblée nationale : l'âge moyen des sénateurs s'est stabilisé à 61 ans alors que l'âge moyen des députés a baissé de 7 ans pour s'établir à 49 ans.

Toutefois, ce rajeunissement de l'Assemblée nationale s'explique principalement par l'augmentation du nombre de députés âgés de 30 à 40 ans (3 % des députés en 2012 contre près de 17 % en 2017) et de 40 à 50 ans (15 % des députés en 2012 contre près de 29 % en 2017).

La part des députés âgés de moins de 30 ans s'est également accrue en 2017 mais, sur les 27 députés correspondants, aucun n'avait moins de 23 ans 35 ( * ) . Dès lors, l'abaissement de 23 à 18 ans du seuil d'éligibilité des députés (2011) n'a pas eu d'effet décisif sur la composition de l'Assemblée nationale (voir infra ) .

Répartition des députés par tranches d'âge en 2012 et 2017 (en % du nombre total de députés)

Tranches d'âge

2012

2017

Moins de 23 ans

0,18 %

0 %

De 23 à 30 ans

0 %

4,68 %

De 30 à 40 ans

3,03 %

16,98 %

De 40 à 50 ans

15,15 %

28,77 %

De 50 à 60 ans

31,73 %

32,41 %

De 60 à 70 ans

32,80 %

14,73 %

De 70 à 80 ans

16,58 %

2,43 %

Plus de 80 ans

0,53 %

0,00 %

Source : Commission des lois du Sénat, à partir de l'étude de l'Institut Diderot,
«
Une Assemblée nationale plus représentative ? », 2017, p. 16 36 ( * )

II. LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE : RÉDUIRE DE 24 À 18 ANS L'ÂGE D'ÉLIGIBILITÉ DES SÉNATEURS

A. L'ALIGNEMENT DE L'ÂGE D'ÉLIGIBILITÉ DES SÉNATEURS SUR L'ÂGE DE LA CITOYENNETÉ

La proposition de loi organique n° 744 (2017-2018) présentée par M. André Gattolin et plusieurs de nos collègues poursuit un objectif unique : réduire de 24 à 18 ans l'âge d'éligibilité des sénateurs .

Son exposé des motifs mentionne trois principaux arguments .

Il s'agirait, en premier lieu, d'aligner l'âge d'éligibilité des élections sénatoriales sur celui applicable aux autres scrutins . Selon notre collègue, « on comprend [...] assez mal comment un citoyen français âgé de dix-huit ans peut être candidat à la présidence de la République et non au Sénat ».

M. André Gattolin regrette aussi que « nombre de nos jeunes concitoyen s » âgés de 18 à 24 ans puissent être grands électeurs mais non éligibles aux élections sénatoriales. Lors des dernières élections sénatoriales dans les Hauts-de-Seine, 38 grands électeurs étaient dans cette situation, sur un total de 2 300 votants.

De même, réduire l'âge d'éligibilité des élections sénatoriales renforcerait la lisibilité du droit électoral en harmonisant les règles applicables aux députés et aux sénateurs.

En deuxième lieu, notre collègue rappelle qu'il n'est pas nécessaire d'avoir exercé un mandat local pour se présenter aux élections sénatoriales . Dès lors, « la logique qui a présidé à la détermination » du seuil d'éligibilité 37 ( * ) ne serait « plus pertinente ».

Il ajoute que « l'expérience a montré [...] que les parlementaires qui connaissaient [...] leur tout premier mandat électif n'ont pas été de moins bons sénateurs que leurs collègues qui étaient déjà élus locaux ».

En dernier lieu, la proposition de loi organique s'inscrirait dans une volonté de « renouvellement politique » .

Dès lors, le texte soumis à votre commission tend à modifier l'article L.O. 296 du code électoral afin d'abaisser l'âge d'éligibilité des sénateurs de 24 à 18 ans (article 1 er ) .

Cette disposition entrerait en vigueur à compter du prochain renouvellement partiel du Sénat (article 2) , soit en 2020 en l'état du droit.

B. UN DÉBAT ANCIEN

Le débat sur l'alignement de l'âge d'éligibilité des sénateurs sur l'âge de la citoyenneté n'est pas nouveau .

Nos anciens collègues Bernard Frimat et Robert Bret avaient déposé des amendements comparables en 2003 , sans être suivis par le Sénat.

En s'exprimant en faveur de ces amendements, notre collègue Jean-Pierre Sueur avait souhaité « encourager le rajeunissement des assemblées délibérantes locales tout comme celui du Parlement ». Cette position était d'ailleurs partagée par notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt, qui concédait toutefois que « dès lors que ce sont les grands électeurs qui choisissent, vous savez bien que, le plus souvent, ils éliront des candidats ayant l'expérience des affaires publiques et des collectivités territoriales » 38 ( * ) .

De même, un amendement analogue avait été déposé en 2011 par notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette dernière avait notamment déclaré : « j'ajoute que l'Assemblée nationale et le Sénat ont fondamentalement le même rôle - le pouvoir de faire la loi et de contrôler l'action du Gouvernement. Dans ces conditions, pourquoi une assemblée pourrait-elle accueillir des jeunes majeurs, et pas l'autre ? » 39 ( * ) .

Le texte soumis à votre commission reprend également la proposition n° 12 du rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique (2012) , présidée par M. Lionel Jospin 40 ( * ) .

Sur le plan juridique, une telle disposition relève d'une loi organique relative au Sénat. Son adoption nécessite donc l'accord de la Haute Assemblée, conformément à l'article 46 de la Constitution 41 ( * ) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : REJETER LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Au terme d'un débat approfondi, votre commission n'a pas adopté la proposition de loi organique de notre collègue André Gattolin , dans l'attente d'un débat à venir, plus large, sur les réformes institutionnelles.

A. UN DÉBAT, PLUS GLOBAL, SUR LES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES : LE SÉNAT COMME « CLÔNE » DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ?

1. Les projets de réforme institutionnelle

La proposition de loi organique n° 744 (2017-2018) ne peut pas être examinée indépendamment des projets, plus larges, de réforme institutionnelle .

En effet, le Gouvernement a déposé en mai dernier trois projets de loi « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ». Le premier texte relève du domaine constitutionnel, le deuxième du domaine organique et le dernier de la loi ordinaire.

Débuté en juillet 2018 à l'Assemblée nationale, l'examen du projet de loi constitutionnelle a été interrompu ; sa reprise est annoncée pour le début de l'année 2019, tout comme l'examen du projet de loi ordinaire et du projet de loi organique.

Or, ces projets de loi comportent plusieurs dispositions qui pourraient remettre en cause les spécificités du Sénat mais également l'équilibre des pouvoirs entre l'Exécutif et le Parlement .

À titre d'exemple, le nombre de parlementaires serait réduit de 30 % : l'effectif de l'Assemblée nationale passerait de 577 à 404 députés et celui du Sénat de 348 à 244 sénateurs.

Aussi cette réforme risque-t-elle de créer des « déserts démocratiques » , pour reprendre l'expression de notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois 42 ( * ) .

D'après les premières simulations, une quarantaine de départements et de collectivités à statut particulier ne compteraient plus qu'un seul sénateur, contre onze aujourd'hui . Cette évolution pourrait remettre en cause la capacité du Sénat à représenter les territoires, quelques années seulement après l'interdiction pour un parlementaire d'exercer un mandat exécutif local 43 ( * ) .

En outre, le projet de loi organique pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace tend à supprimer, uniquement pour les prochaines élections sénatoriales, le principe du renouvellement partiel, au bénéfice d'un renouvellement intégral du Sénat en 2021 .

Le calendrier des élections sénatoriales

§ État du droit

§ Projet du Gouvernement

Source : commission des lois du Sénat

Mentionné aux articles 25, 32 et 68-2 de la Constitution, le renouvellement partiel garantit la permanence du Sénat et son rôle modérateur .

Pour notre ancien collègue Paul Girod, le renouvellement partiel permet au Sénat « d'exprimer une certaine permanence de la France, au-delà de sa diversité, et d'assurer la préservation des repères fondamentaux du pays, que peuvent parfois occulter certaines modes et certains empressements » 44 ( * ) .

La proposition de loi organique de notre collègue André Gattolin supprimerait une autre spécificité du Sénat (l'âge d'éligibilité de ses membres), alors que la Haute assemblée a toujours souhaité « maintenir un écart significatif avec l'âge d'éligibilité des députés » 45 ( * ) .

Suivant son rapporteur, votre commission considère que l'ensemble de ces sujets doivent être examinés conjointement, dans le cadre d'un débat plus large sur les réformes institutionnelles et l'avenir du bicamérisme. Elle rappelle également que l'âge d'éligibilité des sénateurs est déjà passé de 35 à 24 ans sous la V ème République, sur proposition de la Haute Assemblée.

2. La nécessité de préserver l'intérêt du bicamérisme

« Le bicamérisme n'a d'intérêt que si l'identité de chaque assemblée et son apport particulier sont respectés », comme l'a déclaré notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois 46 ( * ) .

De même, votre rapporteur fait siens les mots de notre collègue Jérôme Bignon qui, alors député, a déclaré en 2003 : « la différence d'âge [entre les deux chambres] est une richesse. N'uniformisons pas les mandats, les modes d'élection et les périodes de renouvellement car nous risquerions de sombrer dans un bicamérisme affadi » 47 ( * ) .

Le Sénat doit notamment préserver ses liens avec les collectivités territoriales , qu'il est chargé de représenter au titre de l'article 24 de la Constitution.

Comme le relèvait notre ancien collègue Jean Cluzel, « l'expérience de la gestion locale donne au sénateur un éclairage particulier, difficilement remplaçable, sur la réalité sociale qu'aborde l'action politique. Ici, les constructions de l'esprit, séduisantes et aux trois quarts inapplicables, ne sont plus de mise, car l'ingéniosité des textes ne résiste pas à la complexité des réalités humaines » 48 ( * ) .

Cette expérience locale est d'autant plus nécessaire lorsqu'il s'agit d'examiner des problématiques aussi complexes que la revitalisation de l'échelon communal, les services publics de proximité, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) ou la suppression de la taxe d'habitation.

B. UN ÂGE D'ÉLIGIBILITÉ GÉNÉRALEMENT PLUS ÉLÉVÉ DANS LES AUTRES CHAMBRES HAUTES

À l'échelle internationale, l'âge d'éligibilité est généralement plus élevé dans les chambres hautes que dans les chambres basses . À titre d'exemple, un citoyen américain doit avoir 25 ans pour se présenter à la chambre des représentants et 30 ans pour concourir aux élections sénatoriales. Au Royaume-Uni, ces seuils d'éligibilité sont respectivement de 18 et 21 ans.

Seule l'Australie prévoit un âge d'éligibilité plus élevé à la chambre des représentants (21 ans) qu'au Sénat (18 ans).

Certes, les Allemands et les Espagnols peuvent accéder à un mandat parlementaire dès 18 ans. L'exemple allemand n'est toutefois pas comparable : les membres du Bundesrat ne sont pas élus par les citoyens mais désignés par le gouvernement de leur Land (Landesregierung) .

Âge d'éligibilité des parlementaires - comparaisons internationales

Pays

Chambre basse

Chambre haute

Âges différents

Italie

25 ans

40 ans

États-Unis

25 ans

30 ans

Japon

20 ans

30 ans

Royaume-Uni

18 ans

21 ans

Australie

21 ans

18 ans

Âges identiques

Allemagne

18 ans

18 ans

Espagne

18 ans

18 ans

Source : commission des lois du Sénat

L'exemple italien

En Italie, l'article 58 de la Constitution de décembre 1947 dispose que « les sénateurs sont élus au suffrage universel direct par les électeurs ayant vingt-cinq ans révolus. Les électeurs ayant quarante ans révolus sont éligibles ». S'agissant de la chambre des députés, les Italiens doivent avoir 18 ans pour voter et 25 ans pour se présenter.

Plusieurs projets ont été envisagés pour modifier ces seuils d'éligibilité et, plus globalement, pour réformer le Parlement italien . À titre d'exemple, la proposition de loi du sénateur Oskar Peterlini (2012) visait notamment à abaisser l'âge d'éligibilité des sénateurs de 40 à 35 ans. Ces propositions n'ont pas encore abouti, faute d'accord global sur la réforme du Parlement italien.

L'objectif de réduire l'âge d'éligibilité des sénateurs italiens semble partagé par nombre de groupes politiques. Toutefois, le souhait de préserver les spécificités de la chambre haute demeure . Aussi, le député Francesco Bosi a-t-il déclaré le 21 septembre 2011 : « le choix de nos pères constituants d'avoir deux chambres avec des parlementaires aussi différents s'explique par le fait qu'ils voulaient que le Sénat soit [...] la chambre de la réflexion , composée de personnes avec une plus grande expérience, avec un âge supérieur, nécessaires à une relecture attentive des dispositions législatives » 49 ( * ) .

C. L'ABSENCE D'IMPACT DÉCISIF SUR L'ÂGE MOYEN DES SÉNATEURS

La proposition de loi organique de notre collègue André Gattolin soulève un débat important mais ne présenterait pas un impact décisif sur l'âge moyen des sénateurs .

L'exposé des motifs reconnaît d'ailleurs qu'il est « peu vraisemblable qu'un très grand nombre de citoyens âgés de dix-huit ans soient, du jour au lendemain, élus au Sénat ».

En effet, être élu sénateur nécessite d'être implanté localement et, dans la plupart des cas, d'avoir exercé des responsabilités municipales, départementales ou régionales.

Selon notre ancien collègue Daniel Hoeffel, « une bonne expérience des affaires locales représente un atout décisif dans la candidature à l'élection sénatoriale, les chances d'être élu étant faibles pour un candidat trop jeune, qui n'aurait pas disposé du temps nécessaire pour se faire apprécier des élus locaux de son département, notamment à travers l'exercice pendant une durée suffisante d'un mandat local ou de responsabilités politiques locales » 50 ( * ) .

D'ailleurs, la réduction de l'âge d'éligibilité des sénateurs (de 30 à 24 ans en 2011) n'a eu que peu d'effets .

L'âge moyen des candidats aux élections sénatoriales est toujours compris entre 54 et 55 ans. En 2014, seuls 3,23 % des candidats avaient moins de 30 ans (dont seulement cinq candidats âgés de 24 ans). Cette tranche d'âge représentait 3,96 % des candidats en 2017 (dont seulement huit candidats âgés de 24 ans).

Depuis 2011, un seul sénateur a été élu à moins de 30 ans 51 ( * ) . En 2017, le sénateur le plus jeune était âgé de 32 ans 52 ( * ) .

Élections sénatoriales de 2014 et 2017

2014

2017

Valeur absolue

Pourcentage

Valeur absolue

Pourcentage

Seuil d'éligibilité

24 ans

Nombre
de candidats

1 733

-

1 995

-

Âge moyen
des candidats

55 ans

-

54 ans

-

Nombre
de candidats âgés
de 24 ans

5

0,29 %

8

0,40 %

Nombre
de candidats âgés
de 25 à 30 ans

51

2,94 %

71

3,56 %

Âge moyen
des sénateurs

61 ans

-

61 ans

-

Âge du sénateur
le plus jeune

26 ans

-

32 ans

-

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère de l'intérieur

Un constat comparable peut être dressé concernant l'abaissement de 23 à 18 ans de l'âge d'éligibilité des députés (2011) : une seule candidate a été élue députée à moins de 23 ans, en 2012 53 ( * ) .

En outre, le rajeunissement de l'Assemblée nationale en 2017 n'est pas lié à cette mesure mais à l'augmentation du nombre de députés âgés de 30 à 50 ans (voir supra ). En outre, seuls 2,97 % des candidats aux élections législatives de 2017 avaient moins de 23 ans.

Élections législatives de 2007 à 2017

2007

2012

2017

Valeur absolue

Pourcentage

Valeur absolue

Pourcentage

Valeur

absolue

Pourcentage

Seuil d'éligibilité

23 ans

18 ans

Nombre
de candidats

7 633

-

6 603

-

7 877

-

Âge moyen
des candidats

50 ans

-

50 ans

-

49 ans

-

Nombre
de candidats âgés
de 18 ans

-

-

7

0,11%

20

0,25%

Nombre
de candidats âgés
de 19 à 23 ans

-

-

160

2,42%

214

2,72%

Âge moyen
des députés

55 ans

-

54 ans

-

49 ans

Âge du député
le plus jeune

29 ans

-

22 ans et 6 mois

-

23 ans et 7 mois

-

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère de l'intérieur

Indépendamment de cette question juridique sur l'âge d'éligibilité des parlementaires, le Sénat porte une attention toute particulière aux conditions de vie et aux perspectives de notre jeunesse , comme le montre l'historique de ses travaux.

Les initiatives récentes du Sénat en faveur de la jeunesse (liste non exhaustive)

Travaux législatifs :

- Extension des aménagements de scolarité pour les jeunes sportifs des centres de formation agréés, à l'initiative de notre collègue Yvon Collin (2012) 54 ( * ) ;

- Création d'un droit à la poursuite des études en master et suppression de la barrière de sélection entre la première et la seconde année de master, à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont (2016) 55 ( * ) ;

- Clarification du droit applicable aux compétitions de jeux vidéo , à l'initiative de nos collègues Christophe-André Frassa et Philippe Dallier (2016) 56 ( * ) ;

- Sécurisation de l'expérimentation tendant à faciliter le recrutement des jeunes sans emploi dans l'administration, à l'initiative de notre collègue Françoise Gatel (2017) 57 ( * ) ;

- Maintien d'une visite médicale gratuite pour les étudiants étrangers, à l'initiative de notre collègue François-Noël Buffet (2018, proposition non reprise par l'Assemblée nationale) 58 ( * ) ;

- Meilleure association des établissements d'enseignement supérieur à l'application « Parcoursup » et obligations de transparence des algorithmes utilisés pour classer les étudiants, à l'initiative de notre collègue Jacques Grosperrin (2018) 59 ( * ) .

Travaux de contrôle ou d'évaluation :

- Lutte contre les « décrochages » scolaires et assouplissement des parcours de formation, dans le cadre du rapport d'information « France, ton atout “ jeunes ” : un avenir à tout jeune » de notre ancien collègue Christian Demuynck 60 ( * ) (2009) ;

- Organisation de tables rondes sur l'avenir des adolescents issus des quartiers sensibles , à l'initiative de la délégation sénatoriale à la prospective (2013) 61 ( * ) ;

- Organisation de tables rondes sur le thème « Quel avenir pour la jeunesse ? » , à l'initiative de la commission de la culture (2014) ;

- Objectif de doubler le nombre d' apprentis accueillis dans la fonction publique , à l'initiative de notre collègue Catherine Di Folco (2018) 62 ( * ) ;

- Réforme des structures françaises d'enseignement à l'étranger , dans le cadre du rapport d'information « Le réseau de l'enseignement français à l'étranger a-t-il les moyens de ses ambitions ? » de nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud (2018) 63 ( * ) .

*

* *

Votre commission n'a pas adopté la proposition de loi organique n° 744 (2017-2018) relative à l'élection des sénateurs.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique sur le texte initial de la proposition de loi organique.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2018

M. Vincent Segouin , rapporteur . - Depuis 2011, l'âge d'éligibilité des candidats aux élections sénatoriales est fixé à 24 ans, alors que celui des candidats aux autres élections a été abaissé à 18 ans.

Ce seuil de 24 ans a été défini pour donner l'opportunité aux sénateurs, représentants des collectivités territoriales au sens de l'article 24 de la Constitution, d'exercer un mandat local avant d'entrer au Palais du Luxembourg.

La proposition de loi organique relative à l'élection des sénateurs, présentée par André Gattolin et plusieurs de nos collègues, a pour objectif de réduire l'âge d'éligibilité des sénateurs de 24 à 18 ans pour plusieurs raisons.

Il s'agit, en premier lieu, de faire concorder âge d'éligibilité et citoyenneté, comme pour les autres élections.

En deuxième lieu, notre collègue André Gattolin rappelle qu'il n'est pas indispensable d'avoir exercé un mandat local pour être élu sénateur.

En troisième lieu, il juge illogique qu'un grand électeur de moins de 24 ans ne puisse se présenter aux élections sénatoriales.

En dernier lieu, il considère que cette proposition de loi organique permettrait de faciliter le renouvellement politique de la Haute Assemblée.

Le Sénat remplit trois missions : voter la loi, contrôler l'action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques. Il assure aussi la représentation des collectivités territoriales et des Français établis hors de France.

Conformément à la Constitution, l'équilibre de la V ème République repose sur un bicamérisme différencié mais équilibré. Il est primordial de conserver deux chambres différentes et complémentaires dans notre système institutionnel.

C'est pourquoi deux modes d'élection différents ont été retenus pour le Sénat et l'Assemblée nationale.

Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect. L'âge d'éligibilité est fixé à 24 ans. Le scrutin est majoritaire dans les circonscriptions qui élisent un ou deux sénateurs et proportionnel dans celles qui élisent trois sénateurs ou plus. La durée du mandat de sénateur est de six ans, avec un renouvellement partiel tous les trois ans.

Comme l'a récemment déclaré notre collègue Philippe Bas, président de la commission, le Sénat constitue « ainsi le seul pouvoir non aligné, libre et indépendant ». En effet, « le mode d'élection des sénateurs, leur enracinement dans nos collectivités sont pour la démocratie une garantie de liberté et de pragmatisme ».

Historiquement, le choix de différencier l'âge d'éligibilité entre les deux assemblées date de 1795. À l'époque déjà, la chambre haute devait permettre l'évolution du régime tout en maintenant la paix sociale.

Je rappelle également les mots du Général de Gaulle en 1946 : « le premier mouvement [de l'Assemblée nationale] ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée élue et composée d'une autre manière la fonction d'examiner publiquement ce que la première a pris en considération ».

De même, l'âge des sénateurs est perçu comme un facteur de modération pour la « chambre de la réflexion » louée par Georges Clemenceau.

En outre, nous sommes les représentants des collectivités territoriales. Comment est-il possible de les représenter sans en connaître le fonctionnement ? Certains sénateurs n'ont pas exercé de mandats locaux mais ils sont rares. Si tous les sénateurs étaient dans ce cas, alors les collectivités territoriales perdraient leur confiance dans le Sénat, considérant que ce dernier serait trop éloigné de leurs préoccupations concrètes.

Les débats parlementaires de 2011 démontrent d'ailleurs que l'âge d'éligibilité de 24 ans a été défini en additionnant l'âge de la citoyenneté, d'une part, et la durée d'un mandat local complet, d'autre part. Il s'agit de valoriser l'expérience locale des sénateurs.

Faut-il diminuer l'âge d'éligibilité à 18 ans pour rajeunir l'âge moyen des sénateurs ? Depuis le début de la V ème République, l'âge moyen des députés oscillait entre 50 et 56 ans et celui des sénateurs entre 55 et 61 ans. L'abaissement en 2011 de l'âge de l'éligibilité des sénateurs de 30 à 24 ans et de celui des députés de 23 à 18 ans n'a pas eu d'effet décisif. Les âges moyens entre les deux assemblées étaient assez proches. Je parle à l'imparfait car il y a eu depuis les élections législatives de 2017 ! L'écart s'est creusé puisque la moyenne d'âge des députés est passée à 49 ans tandis que celle des sénateurs est restée à 61 ans. Toutefois, cette évolution est due à l'élection de députés âgés entre 30 et 50 ans. Sur les 27 députés de moins de 30 ans, aucun n'avait moins de 23 ans !

Je me suis également interrogé pour savoir si la jeunesse faisait partie des thématiques abordées par le Sénat. Nos travaux sont-ils adaptés à toutes les générations ? Pour répondre à ces questions, j'ai procédé à l'audition de jeunes députés afin de recueillir leur point de vue. Ils m'ont précisé qu'ils n'étaient pas spécialisés sur le thème de la jeunesse et que leurs opinions différaient peu de celles de leurs collègues. La jeunesse est un sujet abordé au Parlement, suivi et pris en considération par des élus de toute génération.

Enfin, sommes-nous dans une situation différente de celle des autres pays ? Non. Seuls l'Allemagne et l'Espagne ont fait le choix d'avoir des âges d'éligibilité identiques pour la chambre haute et la chambre basse. Mais il est difficile de comparer la France et l'Allemagne puisque les membres du Bundesrat sont désignés par les gouvernements des Länder . La plupart des autres démocraties ont fait le choix de maintenir une différence d'âge pour l'éligibilité aux deux chambres, notamment les États-Unis, l'Italie et le Royaume-Uni.

Enfin, peut-on aborder cette proposition de loi organique sans prendre en considération les projets du Gouvernement concernant la réforme de nos institutions ? Ces projets pourraient d'ailleurs remettre en question les spécificités du Sénat en multipliant par quatre le nombre de départements ne comptant qu'un seul sénateur et en supprimant, pour les prochaines élections sénatoriales, le principe du renouvellement partiel.

Comme l'a déclaré notre collègue Jérôme Bignon en 2003, lorsqu'il était député : « la différence d'âge [entre les deux chambres] est une richesse. N'uniformisons pas les mandats, les modes d'élection et les périodes de renouvellement car nous risquerions de sombrer dans un bicamérisme affadi ».

Je propose donc de ne pas adopter la proposition de loi organique de notre collègue André Gattolin.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le groupe Socialiste et républicain a largement débattu de cette proposition de loi organique. Le vote qui a conclu ce débat a été favorable à ce texte.

Pour commencer, il y a peut-être une phrase malheureuse dans votre rapport, même s'il s'agit d'une citation. Dire que le Sénat est « le seul pouvoir non aligné, libre et indépendant » me paraît excessif. Il existe, en dehors du Sénat, d'autres pouvoirs qui répondent à ces caractéristiques.

Sur le fond, nous considérons qu'il n'y a pas d'argument solide contre la proposition de loi organique. Comment expliquer et justifier un âge d'éligibilité différent pour le Sénat ? L'argument principal en défaveur de ce texte est que le Sénat représente les collectivités territoriales. Mais il n'est pas obligatoire d'être élu local pour être sénateur. Si l'on suivait ce raisonnement, il faudrait imposer aux candidats aux élections sénatoriales d'avoir exercé un mandat local. Par ailleurs, les grands électeurs qui participent aux élections sénatoriales sont libres de s'exprimer : ils peuvent voter, ou non, pour un élu local.

M. Mathieu Darnaud . - Je suis étonné que l'on puisse déposer une proposition de loi organique, quand l'auteur lui-même indique que son texte ne permettra ni d'abaisser l'âge moyen des sénateurs, ni de conduire à l'élection d'un nombre conséquent de sénateurs âgés de 18 à 24 ans... Par ailleurs, considérant l'actualité des collectivités territoriales et la volonté annoncée du Gouvernement de renouer avec les territoires et leurs élus, il y a peut-être d'autres sujets à traiter en priorité.

Je me retrouve totalement dans les propos du rapporteur. Pour répondre à notre collègue Jean-Pierre Sueur, il n'est pas nécessaire d'écrire les choses pour qu'elles puissent être entendues. À l'évidence, si être élu local n'est pas une obligation pour être élu sénateur, cela ne nuit pas. Et pourquoi faudrait-il aligner l'Assemblée nationale et le Sénat ?

M. François Bonhomme . - Je suis en accord avec le rapporteur et mon collègue Mathieu Darnaud. Cette proposition de loi organique entretient la confusion : elle laisse penser qu'il faut appartenir à une certaine catégorie d'âge pour pouvoir la représenter. C'est contraire à l'idée même de représentation politique.

De manière générale, l'expérience que l'on reproche au Sénat devient encore plus nécessaire avec la fin du cumul des mandats. Avoir été élu local donne une autre vision des choses, c'est une véritable plus-value pour un parlementaire.

M. Loïc Hervé . - Les membres du groupe Union centriste ont aussi débattu de cette proposition de loi organique, et nous rejoignons la proposition du rapporteur.

Le premier danger est l'alignement systématique des modes d'élection et du fonctionnement du Sénat sur ceux de l'Assemblée nationale.

On reproche parfois au Sénat d'anticiper des débats politiques pour préparer, quelques mois avant, les grandes réformes. Or, cette proposition de loi organique trouverait toute sa place dans le débat sur les réformes institutionnelles, conjointement avec d'autres questions comme la limitation du cumul des mandats dans le temps ou la manière de favoriser l'accès aux mandats électifs pour certaines catégories de la population.

M. Yves Détraigne . - À quoi servirait le Sénat s'il y avait des sénateurs sans expérience locale ? Ces élus ne correspondraient pas au rôle du Sénat, qui doit représenter les collectivités territoriales. Par nature, le sénateur est quelqu'un qui a de l'expérience, d'autant qu'il est élu par les élus locaux. Comment différencier sinon le Sénat de l'Assemblée nationale ? Ou alors allons vers un système mono-caméral ! Mais il ne me semble pas que ce soit la position du Sénat...

Mme Esther Benbassa . - Je partage la position de notre collègue Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ne pourrait-on pas, à 18 ans, être candidat aux élections sénatoriales alors qu'on peut être candidat aux concours administratifs ? Pourquoi existerait-il une spécificité sénatoriale sur ce point ? D'ailleurs, qu'est-ce que l'expérience en politique ?

Il n'existe aucune obligation juridique d'être, ou d'avoir été, élu local pour être candidat aux élections sénatoriales. Je ne vois donc que des avantages au rajeunissement de notre assemblée. Cela nous donnerait plus de visibilité auprès des jeunes, qui connaissent très mal les missions et le fonctionnement du Sénat.

Le Sénat gagnerait en représentativité en abaissant l'âge d'éligibilité. Les citoyens de 18 à 24 ans peuvent déjà être grands électeurs !

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je salue la qualité du travail du rapporteur même si je ne partage pas son analyse.

L'abaissement à 18 ans de l'âge d'éligibilité n'affectera pas les particularités du Sénat, qui dépendent davantage de la composition de son collège électoral que des règles d'éligibilité. Ce collège électoral est pour l'essentiel composé d'élus locaux qui s'expriment dans le cadre de circonscriptions territoriales.

Le fait pour les sénateurs d'être ou d'avoir été élu local est secondaire dans cette représentativité des territoires, notamment depuis le durcissement des règles de cumul des mandats.

La deuxième particularité du Sénat, c'est d'être la chambre du temps long et de la stabilité politique en raison du renouvellement par moitié tous les trois ans, du suffrage universel indirect, de la durée du mandat et du recours à la représentation proportionnelle dans certains départements. Ces règles permettent au Sénat d'avoir une temporalité différente de celle de l'Assemblée nationale.

Rien de tout cela ne sera altéré pas l'abaissement de l'âge d'éligibilité pour les élections sénatoriales. J'en veux pour preuve que l'abaissement précédent à 24 ans n'a pas altéré les spécificités du Sénat.

En outre, les jeunes âgés de 18 à 24 ans peuvent être grands électeurs. Ils subissent aujourd'hui une véritable discrimination : ils sont obligés de voter mais ne peuvent pas se porter candidats. L'adoption de cette proposition de loi organique mettrait donc un terme à une aberration.

Autre série arguments, mais vous voyez qu'il y en a beaucoup : aucun autre mandat électif ne fait l'objet d'une telle barrière d'âge, même celui de Président de la République.

Enfin, l'électeur est responsable de son vote. Il n'est donc pas nécessaire d'encadrer abusivement les possibilités d'être candidat. C'est d'ailleurs pour cela que certains collègues rejettent les projets de limitation du cumul des mandats dans le temps.

M. Alain Richard . - Je vais faire état d'un soulagement. Nous avons failli voir émerger des projets de réforme du mode d'élection des sénateurs... Heureusement, les conservateurs de cette assemblée ont manifesté leur attention sur ce sujet...

Ce dont il est question avec cette proposition de loi organique est une simple faculté, une liberté de présenter une candidature à une élection entre 18 et 24 ans. Donc le raisonnement consistant à dire que cette faculté serait de nature à modifier les conditions de l'élection et l'équilibre des institutions me paraît inadéquat. En quoi cette faculté d'être élu sénateur avant 24 ans changerait le rapport du Sénat aux collectivités territoriales ?

J'insiste sur un point essentiel : la Constitution prévoit que le Sénat est élu au suffrage universel indirect et qu'il « assure la représentation » des collectivités territoriales. Le Constituant n'a pas écrit que le Sénat « représente » les collectivités territoriales. Assurer la représentation et représenter, ce sont deux choses différentes. Le Sénat n'est donc pas dans une relation de « mandat » vis-à-vis des collectivités territoriales. Les grands électeurs, quand ils votent, représentent le suffrage universel et la souveraineté nationale, pas leurs collectivités.

J'ai du mal à suivre le raisonnement selon lequel l'âge d'éligibilité, fixé à 24 ans aujourd'hui, se justifierait car il permettrait une bonne représentation des élus locaux : il faudrait donc fêter ses 18 ans la veille d'une élection locale, être élu dès ses 18 ans puis faire un mandat complet avant de pouvoir se présenter aux élections sénatoriales à tout juste 24 ans pour être un bon sénateur et bien représenter les collectivités territoriales ? C'est absurde.

Quant à l'argument selon lequel on altérerait les institutions en abaissant l'âge d'éligibilité au Sénat, il me fait sourire. Nos prédécesseurs qui ont abaissé successivement à 35 ans, 30 ans puis 24 ans cet âge d'éligibilité au Sénat ont-ils altéré nos institutions ? La République l'a échappé belle !

M. François Grosdidier . - La valeur n'attend pas le nombre des années. D'ailleurs beaucoup de maréchaux de l'Empire n'avaient pas 30 ans. Mais pour être sénateur, je vois deux critères importants qui nous distinguent de nos collègues députés.

Il y a d'abord l'âge. À 18 ans, on ne possède pas l'expérience nécessaire pour représenter les collectivités territoriales. Le bicamérisme ne doit pas conduire à la coexistence de deux chambres identiques et le Sénat ne doit pas être un « clone » de l'Assemblée nationale. Autant on peut, sans doute, représenter le peuple, donc être député, à 18 ans, autant il me paraît difficile de bien représenter les territoires aussi jeune. Il y a des fonctions qui sont réservées, au moins dans la pratique si les textes ne le prévoient pas, à ceux qui ont acquis une expérience.

Le deuxième critère est celui de l'enracinement local. Il est déjà mis à mal par les règles très strictes de non cumul des mandats. Pour beaucoup d'entre nous, notre longue expérience d'élu local nous permet parfois de démontrer à un ministre qu'il est dans le faux, surtout quand il se contente de lire ce que ses conseillers lui ont préparé.

Lors de l'examen des textes sur le non cumul des mandats, certains avaient proposé qu'il y ait même un critère pour pouvoir se présenter aux élections sénatoriales : avoir effectué deux mandats locaux. Ce n'est pas possible pour des raisons constitutionnelles. Mais, dans les faits, les grands électeurs sont très sensibles à ce critère de l'expérience locale.

Le Sénat, pour pleinement jouer son rôle constitutionnel, doit être une assemblée différente. J'adhère donc pleinement aux conclusions de notre rapporteur.

M. Philippe Bas , président . - Merci d'avoir rappelé que dans tous les domaines de l'expérience humaine, un peu de « bouteille » ne nuit pas.

M. Alain Marc . - Je suis de l'avis du rapporteur et je souscris à l'argumentation développée par nos collègues François Grosdidier et Yves Détraigne, selon laquelle il est nécessaire d'avoir un minimum d'expérience pour pouvoir exercer le mandat de sénateur. En outre, l'abaissement de l'âge d'éligibilité pourrait entraîner une inégalité de représentation dans nos territoires. À titre d'exemple, mon département comprend deux sénateurs élus au scrutin uninominal. Or, un candidat de 18 ans n'aurait véritablement de chance d'être élu qu'au scrutin proportionnel, dans les départements les plus peuplés et non en zone rurale.

M. Patrick Kanner . - Je suis pour ma part en désaccord avec le rapporteur car il y a un paradoxe à ce qu'un grand électeur de 18 ans soit tenu de voter à une élection pour laquelle il ne peut être candidat. Autre exemple, une candidate élue adjointe au maire en septembre 2020, à l'âge de 19 ans, ne pourra pas être candidate aux élections sénatoriales de septembre 2023 car elle n'aura pas atteint l'âge de 24 ans.

Je ne comprends pas les arguments corporatistes et je considère que le rejet de cette proposition de loi organique apparaîtra comme « ringard » aux yeux de la population et pas seulement des plus jeunes.

Mme Josiane Costes . - Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) considère majoritairement que l'expérience locale apporte une valeur ajoutée incontestable au mandat de sénateur. À titre personnel, j'ai été conseillère départementale et adjointe au maire d'Aurillac et cela m'a beaucoup aidée à exercer mon mandat parlementaire.

M. Éric Kerrouche . - Cette proposition de loi organique pose plus de questions qu'elle n'en résout.

Le bicamérisme ne se réduit pas uniquement à la question de la différence d'âge ; le Sénat possède d'ailleurs bien d'autres différences. Il existe, en réalité, deux Sénats en fonction des modes de scrutin : ce n'est pas la même chose d'être élu au scrutin majoritaire qu'au scrutin proportionnel.

En ce qui concerne la représentation, il n'est pas nécessaire qu'existe un mimétisme entre la population, d'une part, et la composition d'une assemblée parlementaire, d'autre part. Une personne d'un certain âge est tout à fait capable de représenter une personne plus jeune qu'elle.

Le Sénat n'est pas le Bundesrat car il ne représente pas exclusivement les collectivités territoriales. La matière propre aux collectivités territoriales ne constitue d'ailleurs qu'une petite partie du grand nombre de textes que nous examinons. Nous sommes la seconde chambre du Parlement et possédons une compétence générale dans l'exercice du pouvoir législatif.

Certes, cette proposition de loi organique ne devrait pas avoir d'effet, mais elle est un symbole. Ne pas le prendre en compte jouera en notre défaveur.

M. Philippe Bas , président . - Ce débat porte effectivement sur des symboles. Mais ceux qui sont en faveur de cette proposition de loi organique ne privilégient pas les mêmes symboles que les autres.

Je vous remercie d'avoir rappelé que si le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales - c'est sa marque de fabrique - il est une assemblée parlementaire de plein exercice. La Constitution prévoit d'ailleurs que la loi doit être adoptée en termes identiques par les deux chambres, le dernier mot de l'Assemblée nationale restant une exception à ce principe.

Mme Agnès Canayer . - J'adhère aux propos du rapporteur et le félicite pour son travail. Faire du « jeunisme » pourrait desservir la cause de notre institution.

L'équilibre et la complémentarité des deux chambres du Parlement sont ancestraux. Cet équilibre était déjà recherché lors de la création du Conseil des Cinq-Cents et du Conseil des Anciens sous le Directoire, l'un devant incarner l'imagination de la France et l'autre la raison.

Aujourd'hui, cet équilibre institutionnel doit être conservé. Laisser aux sénateurs la possibilité d'exercer, en amont, un mandat local leur permet d'acquérir des compétences ainsi qu'un lien avec les territoires.

Si j'étais convaincue que cet abaissement de l'âge d'éligibilité aux élections sénatoriales puisse faire retrouver le chemin des urnes et de l'engagement aux jeunes, je le voterais « des deux mains », mais ce n'est pas le cas. C'est pourquoi je suivrai les conclusions de notre rapporteur.

Mme Brigitte Lherbier . - La jeunesse donne une autre vision de la vie, mais exercer des responsabilités nécessite d'avoir de l'expérience : une expérience d'élu, mais avant tout une expérience de la vie.

Ma carrière m'a donné l'occasion de côtoyer des étudiants extrêmement brillants, mais qui n'avaient pas l'expérience nécessaire pour endosser certaines responsabilités. La très grave affaire d'Outreau en a été un triste exemple pour la magistrature. Quelques années supplémentaires auraient permis au magistrat d'exercer son office avec plus de clairvoyance.

Mme Sophie Joissains . - Je pense également que l'expérience est utile pour exercer certaines responsabilités.

Cette proposition de loi organique vise à « gommer » une spécificité du Sénat, au moment précis où notre institution est relativement malmenée par l'exécutif et par l'Assemblée nationale. Je rappelle qu'actuellement très peu de commissions mixtes paritaires aboutissent.

Cette spécificité sénatoriale n'est pas anodine. Le doyen Patrice Gélard avait proposé l'âge de 24 ans pour valoriser l'expérience locale des sénateurs. Cela marque une différence avec l'Assemblée nationale et permet une connaissance plus fine des collectivités territoriales. C'est aujourd'hui d'autant plus important que les règles sur le non-cumul des mandats ont éloigné les sénateurs des réalités de nos territoires. À terme, nous risquons de confondre les deux chambres et de faire perdre de vue au citoyen leur nécessaire complémentarité.

« Ce qu'on te reproche, cultive-le, c'est toi », comme disait Jean Cocteau. Le Sénat possède ses spécificités, dont l'âge d'éligibilité plus élevé qu'à l'Assemblée nationale. Je souhaite en rester au droit en vigueur.

M. Simon Sutour . - Ce débat me rappelle l'examen des projets de loi sur le non-cumul des mandats, dont j'étais rapporteur. Ces textes sont entrés en vigueur depuis et leurs effets sont positifs.

Comme l'a indiqué notre collègue Alain Richard, cette proposition de loi organique donne une faculté et non l'obligation d'élire des sénateurs âgés de 18 à 24 ans. L'âge minimum requis était de 35 ans lorsque j'ai été élu pour la première fois.

Des comparaisons ont été faites avec l'âge requis pour occuper certaines fonctions administratives. Or, la question n'est pas ici de nommer des fonctionnaires mais concerne un mandat électif et le libre choix des électeurs.

Beaucoup d'interventions tendent à ériger l'exercice d'un mandat local, par exemple de conseiller municipal, comme un prérequis pour être sénateur. Ce n'est pas le cas sur le plan juridique. J'ai moi-même été élu sénateur trois fois, sans jamais avoir été conseiller municipal.

Des comparaisons historiques ont été faites mais les temps évoluent. Les plus jeunes d'entre nous connaîtront le temps où l'élection des sénateurs pourra se faire à 18 ans. Je regrette la volonté systématique de donner une mauvaise image de notre Sénat.

M. Jérôme Durain . - Ce problème anime le débat public car tous les arguments sont réversibles, bien qu'ils ne couvrent qu'un aspect limité de la place du pouvoir législatif dans les équilibres institutionnels.

Je pense que les spécificités du Sénat tiennent à son collège électoral et aux circonscriptions d'élection, non à l'âge des candidats. Prôner l'inverse est difficilement compréhensible pour nos concitoyens et assez peu opérant au regard des résultats des élections sénatoriales.

La représentativité des sénateurs vis-à-vis des collectivités territoriales découle de l'expression du suffrage des grands électeurs. Ce sont bien eux, et pas l'âge du sénateur, qui donnent la qualité de représentant légitime.

Cette proposition de loi organique ne porte pas sur un sujet majeur mais en la rejetant, nous perdons une occasion d'affirmer que le Sénat est ancré de plain-pied dans la société française.

M. Jacques Bigot . - On peut être conservateur à 18 ans et progressiste bien plus tard. À l'heure actuelle, le bicamérisme n'est pas toujours compris et notre Gouvernement ne l'entend pas. Je pense, en particulier, au projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions et au projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. La garde des sceaux a balayé d'un revers de main les propositions de notre assemblée, malgré un très bon travail de nos rapporteurs. L'Assemblée nationale se bornera certainement à suivre la chancellerie...

Or, le bicamérisme est utile ! C'est ce travail-là que nous devons défendre et il pourrait très bien être mis en oeuvre par des sénateurs élus à l'âge de 18 ans. Je ne pense pas que l'on ait beaucoup plus d'expérience à 24 qu'à 18 ans.

Certes, l'intérêt de la proposition de loi organique est relatif, mais nous ne devons pas manquer le débat sur le bicamérisme. Selon le rapporteur, il faut avoir exercé un mandat local pour représenter les collectivités territoriales. Toutefois, cette position conduit à confondre nos prérogatives avec celles d'un Bundesrat alors qu'elles en sont éloignées. La France n'est pas un État fédéral et cette confusion conduit à remettre en cause la conception française du bicamérisme, proche de celle que l'on trouve également aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

L'adoption de ce texte n'aura certainement que peu d'effets mais elle est l'occasion d'affirmer que nous ne sommes pas simplement les représentants des collectivités territoriales et que le bicamérisme est utile à la démocratie.

M. Jean-Luc Fichet . - La nécessité de l'expérience peut être battue en brèche par l'existence des conseils municipaux de jeunes. Ils permettent aux jeunes d'accéder à une expérience municipale et d'être en prise avec les réalités de la vie locale. Abaisser l'âge d'éligibilité des sénateurs les motiverait d'autant plus à s'engager. Je pense que l'expérience s'acquiert à tout âge et je suis très heureux de voir les membres de conseils municipaux de jeunes visiter le Sénat et arborer une écharpe tricolore.

M. Vincent Segouin , rapporteur . - Les lois sont faites pour répondre à une certaine demande sociale. Or, cette proposition de loi organique ne semble pas être motivée par des demandes de citoyens trop jeunes pour se présenter aux élections sénatoriales.

Je suis d'accord avec le fait que la Constitution n'impose pas l'expérience d'un mandat local pour être élu sénateur. Je pense néanmoins que cette expérience est nécessaire pour demeurer crédibles face aux grands électeurs.

Enfin, il me semble important de conserver des différences entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

La proposition de loi organique n'est pas adoptée par la commission.

M. Philippe Bas , président . - Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur le texte de la proposition de loi organique déposée sur le Bureau du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. André Gattolin , auteur de la proposition de loi organique

M. Robin Reda , député de l'Essonne

Mme Marie Lebec , députée des Yvelines

Ministère de l'intérieur

Bureau des élections et études politiques

M. François Pesneau , adjoint au directeur de la modernisation et de l'action territoriale

Mme Pascale Pin , chef du bureau des élections

ANNEXE

Liste des textes que le Sénat a examinés
en procédure d'examen en commission (PEC)
ou en procédure de législation en commission(LEC)

Texte

Commission saisie au fond

Date d'adoption par le Sénat

Procédure d'examen en commission (PEC, 2015-2017)

Proposition de loi portant dématérialisation
du Journal officiel de la République française

Commission des lois

12 octobre 2015

Proposition de loi organique portant dématérialisation
du Journal officiel de la République française

Commission des lois

12 octobre 2015

Proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy (deuxième lecture)

Commission des lois

22 octobre 2015

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127
du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes
non cotées (deuxième lecture)

Commission des lois

28 avril 2016

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-462
du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale
de santé publique et modifiant l'article 166
de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation
de notre système de santé

Commission
des affaires sociales

27 octobre 2016

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-966
du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé

Commission
des affaires sociales

27 octobre 2016

Procédure de législation en commission (LEC, depuis décembre 2017)

Projet de loi pour un État au service d'une société
de confiance (LEC partielle) 64 ( * )

Commission spéciale

20 mars 2018

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-157
du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code
de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions
en matière de concurrence

Commission des lois

10 avril 2018

Proposition de loi relative à l'autorisation d'analyses génétiques sur personnes décédées

Commission
des affaires sociales

6 juin 2018

Proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d'Évian,
du 2 juillet 1962 jusqu'au 1 er juillet 1964

Commission
des affaires sociales

6 juin 2018

Proposition de loi visant à garantir la présence
des parlementaires dans certains organismes extérieurs
au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination

Commission des lois

12 juin 2018

Proposition de loi relative à l'expertise
des comités de protection des personnes

Commission
des affaires sociales

2 octobre 2018

Proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés des SDIS

Commission des lois

30 octobre 2018

Projet de loi portant suppression de sur-transpositions
de directives européennes en droit français (LEC partielle)

Commission spéciale

7 novembre 2018

Proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans

Commission
de la culture

En cours

Source : commission des lois du Sénat


* 1 Initialement, l'article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 disposait que « les Français établis hors de France [étaient] représentés au Sénat », excluant leur représentation à l'Assemblée nationale. Il a fallu attendre 2008 pour que les Français de l'étranger élisent des députés (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République).

* 2 Article 39 de la Constitution.

* 3 Article 45 de la Constitution.

* 4 Articles 12, 20, 49 et 50 de la Constitution.

* 5 Rapport n° 333 (2002-2003) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, p. 12-13. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/l02-333/l02-3331.pdf .

* 6 Soit les députés, les sénateurs, les conseillers régionaux, les conseillers départementaux et les délégués des conseils municipaux (article L. 280 du code électoral).

* 7 Conformément à l'article L. 318 du code électoral, « tout membre du collège électoral [des élections sénatoriales] qui, sans cause légitime, n'aura pas pris part au scrutin, sera condamné à une amende de 100 euros ».

* 8 Conseil constitutionnel, 6 juillet 2000, Loi relative à l'élection des sénateurs , décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000.

* 9 Propos recueillis par Le Figaro , 5 septembre 2018.

* 10 Loi organique n° 76-643 du 16 juillet 1976 modifiant l'article L. O. 274 du code électoral relatif à l'élection des sénateurs dans les départements et loi n° 76-644 du 16 juillet 1976 modifiant le tableau n° 5 annexé à l'article L.O. 276 du code électoral relatif à la répartition des sièges de sénateurs entre les séries.

* 11 Loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat et loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l'élection des sénateurs.

* 12 Ce dispositif vise à pénaliser les absences répétées d'un sénateur lors des votes solennels et des explications de vote qui les précèdent en séance, des séances de questions d'actualité au Gouvernement et des réunions de commission du mercredi matin avec un ordre du jour législatif.

* 13 Peuvent être présentés en séance publique les amendements tendant à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur ou à procéder à la correction d'une erreur matérielle (articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat).

* 14 Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 9 mai 2018.

* 15 « 40 propositions pour une révision de la Constitution utile à la France », janvier 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/-0bc153bee1.html .

* 16 Cette condition d'âge s'apprécie, comme pour les autres scrutins, au jour du premier tour des élections, non au moment du dépôt des déclarations de candidature (Conseil d'État, 11 mars 2009, Élections municipales d'Huez , affaire n° 318249).

* 17 Article 194 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 18 L'âge requis pour être maire a été réduit de 21 à 18 ans par la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 précitée (actuel article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales).

* 19 Conseil constitutionnel, 24 juillet 2003, Loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat , décision n° 2003-476 DC, et Conseil constitutionnel, 12 avril 2011, Loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs , décision n° 2011-628 DC.

* 20 Sous le Consulat, une exception est toutefois prévue par le Sénatus-consulte organique de Thermidor an X (1802) : les membres du Grand conseil de la Légion d'honneur sont membres du Sénat, quel que soit leur âge.

* 21 Loi sur la composition et l'élection du Conseil de la République.

* 22 Compte rendu intégral de la séance de l'Assemblée nationale constituante du 27 septembre 1946.

* 23 Rapport n° 333 (2002-2003), op. cit. , p. 20 et 53.

* 24 Source : Jean-Louis Hérin, Le Sénat en devenir , éditions Montchrestien, 2012, p. 12.

* 25 Karen Fiorentino, La seconde Chambre en France dans l'histoire des institutions et des idées politiques (1789-1940) , éditions Dalloz, 2008, p. 156.

* 26 Source : Paul Smith , Histoire du Sénat français, Volume I, La III ème République (1870-1940) , traduction française, 2005, p. 2 et 44.

* 27 Jean-Louis Hérin, Le Sénat en devenir , op. cit. , p. 16.

* 28 Benjamin Morel, Le Sénat et sa légitimité. L'institution interprète de son rôle constitutionnel , éditions Dalloz, 2018, p. 156.

* 29 Cité par l'ouvrage du politologue Benjamin Morel, Le Sénat et sa légitimité , op. cit .

* 30 Henri de Kérillis et Raymond Cartier, Faisons le point, éditions Grasset, 1931.

* 31 Éric Kerrouche, « Les deux Sénats : mode de scrutin et profil des sénateurs français », revue Pôle Sud, numéro 35, 2011, p. 117.

* 32 Lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'élection des députés et sénateurs, devenu la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011.

* 33 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 2 mars 2011.

* 34 Compte rendu de la commission des lois du Sénat du 16 février 2011.

* 35 En 2017, le plus jeune député était notre collègue Ludovic Pajot (non inscrit, Pas-de-Calais), élu à 23 ans et 7 mois.

* 36 Cette étude est consultable à l'adresse suivante :

www.institutdiderot.fr/une-assemblee-nationale-plus-representative .

* 37 Soit l'âge de la majorité civique (18 ans), auquel a été ajoutée la durée d'un mandat local complet (6 ans).

* 38 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 12 juin 2003.

* 39 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 2 mars 2011.

* 40 Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, « Pour un renouveau démocratique », rapport au Président de la République, 2012, p. 48.

* 41 Le quatrième alinéa de l'article 46 de la Constitution disposant que « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ». Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les dispositions concernées sont celles qui « modifient ou instaurent des règles applicables au Sénat ou à ses membres différentes de celles qui le sont à l'Assemblée nationale ou à ses membres ». Conseil constitutionnel, 13 février 2014, Loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur , décision n° 2014-689 DC.

* 42 Propos rapportés par Public Sénat, le 4 octobre 2018.

* 43 Loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

* 44 Rapport n° 427 (1998-1999) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi et les propositions de loi concernant l'élection des sénateurs. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/l98-427/l98-427_mono.html .

* 45 Rapport n° 333 (2002-2003) de notre regretté collègue Jacques Larché, op. cit ., p. 25.

* 46 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 19 septembre 2013.

* 47 Compte rendu intégral de la séance de l'Assemblée nationale du 7 juillet 2003.

* 48 Jean Cluzel, Le Sénat dans la société française , éditions Economica, 1990, p. 196.

* 49 Compte rendu de la chambre des députés italienne (traduction par la commission des lois française).

* 50 Rapport du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, 2001, p. 33. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/doctrav/rapport_hoeffel.pdf .

* 51 Il s'agissait de notre ancien collègue David Rachline (membre de la Réunion administrative des Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, Var), élu sénateur en 2014 à l'âge de 26 ans.

* 52 Il s'agit de notre collègue Christine Lavarde (Les Républicains, Hauts-de-Seine).

* 53 Il s'agissait de notre ancienne collègue Marion Maréchal-Le Pen, élue députée en 2012, à l'âge de 22 ans et 6 mois.

* 54 Loi n° 2012-158 du 1 er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs.

* 55 Loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat.

* 56 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

* 57 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 58 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 59 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE).

* 60 Rapport d'information n° 436 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/r08-436-1/r08-436-11.pdf .

* 61 Rapport d'information n° 749 (2012-2013) de notre collègue Fabienne Keller.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/r12-749/r12-7491.pdf .

* 62 « Dialogue et responsabilité : quatorze propositions d'avenir pour la fonction publique territoriale », rapport d'information n° 572 (2017-2018) fait au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/r17-572/r17-5721.pdf .

* 63 Rapport d'information n° 689 (2017-2018) fait au nom de la commission des finances. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/r17-689/r17-6891.pdf .

* 64 Conformément à l'article 47 ter du Règlement du Sénat, la procédure de législation en commission peut être mise en oeuvre sur seulement articles d'un projet de loi ou d'une proposition de loi ou de résolution.

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