N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 31

TRAVAIL ET EMPLOI

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE

Rapporteurs spéciaux : M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les principales observations d'Emmanuel Capus, rapporteur spécial

1. La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » - de l'ordre de 496,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) - prévue dans le présent projet de loi de finances avait été annoncée lors de l'examen de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et s'inscrit dans un contexte d'amélioration globale de la situation de l'emploi et de nécessaire maîtrise de la dépense publique .

2. Le présent projet de loi de finances prévoit cependant un effort en faveur de l'emploi supérieur à ce qui était inscrit dans la loi de programmation des finances publiques , ce qui explique l'écart à l'annuité triennale (+ 144 millions d'euros). Au total, les crédits consacrés à la politique de l'emploi demeureront à un niveau élevé : à périmètre courant, le montant des CP inscrits dans le présent projet de loi de finances sera supérieur au montant moyen annuel prévu en loi de finances entre 2012 et 2017 (11,7 milliards d'euros) .

3. Votre rapporteur spécial partage l'orientation prise par l'actuel Gouvernement de recentrer les contrats aidés sur les bénéficiaires, et notamment sur les personnes les plus éloignées du marché du travail, et non sur les employeurs . S'agissant des difficultés, notamment financières, rencontrées par les associations du fait de la diminution de l'enveloppe de contrats aidés, la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègement de charges à compter du 1 er janvier 2019 permettra une diminution du coût du travail pour ces dernières .

4. L'augmentation programmée des moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE) dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui participe de la même logique que le recentrage des contrats aidés, va dans le bon sens .

5. L'augmentation significative des crédits consacrés au plan d'investissement dans les compétences (PIC) permettra d'accompagner la généralisation effective de la Garantie jeunes ainsi que le financement des parcours prévus dans le cadre du volet « formation » de ce plan . Votre rapporteur spécial sera cependant attentif aux modalités de mise en oeuvre de ce volet, dans la mesure où un nombre important d'appels d'offres régionaux lancés en 2018 se sont avérés infructueux .

6. L'expérimentation « emplois francs » , lancée en avril 2018, devrait monter en régime en 2019. Si les premiers éléments de bilan semblent positifs , il conviendra, dans le cadre de l'évaluation prévue en 2019, de s'assurer de l'absence d'effet d'aubaine , avant d'en envisager l'extension.

7. Au regard de l'utilité des maisons de l'emploi dans certains territoires, la suppression simple des crédits prévue par le présent projet de loi de finances apparaît regrettable .

8. L'effort demandé au ministère du travail participe plus généralement de la nécessaire maîtrise de la dépense publique . La diminution de ses effectifs ne doit cependant pas se traduire par un simple « rabot », mais doit s'accompagner d'une vision stratégique et prospective.

9. Il en va de même s'agissant des opérateurs de la mission. La baisse de la subvention pour charges de service public de Pôle emploi constitue la contribution de l'opérateur à l'effort de maîtrise des dépenses publiques . Les recettes nettes de l'opérateur , compte tenu de l'augmentation de la contribution de l'Unédic, devraient afficher une hausse de plus de 18 millions d'euros . La diminution des effectifs (- 400 ETPT) devrait par conséquent pouvoir être « absorbée » grâce à des gains de productivité . Néanmoins, si le nombre de demandeurs d'emploi devait progresser ou si les missions confiées à l'opérateur dans le cadre de la future réforme de l'assurance chômage devaient s'accroître, il conviendrait alors de réexaminer la pertinence de la poursuite de la baisse des effectifs envisagée par le Gouvernement .

S'agissant plus spécifiquement de l'Afpa, le maintien de la subvention pour charge de service public devrait permettre d'accompagner l'opérateur dans les réformes qui vont être mises en oeuvre prochainement , sa situation financière n'ayant cessé de se dégrader, son déficit cumulé entre 2012 et 2016 atteignant ainsi 723 millions d'euros .

Les principales observations de Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale

1. Votre rapporteure spéciale regrette la baisse drastique, pour la deuxième année consécutive, des crédits consacrés à la politique de l'emploi , alors que l'amélioration du marché du travail est loin d'être évidente. La diminution d'environ 1,4 % du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A entre le premier trimestre 2015 et le troisième trimestre 2018 a ainsi été plus que compensée par une progression du nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM) en catégories B et C . En outre, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 3,1 % sur un an toutes catégories confondues, et de 8,9 % pour les seules catégories B et C. Enfin, depuis 2007, le nombre de chômeurs de longue durée a progressé de 133 %.

2. La logique baissière poursuivie par le Gouvernement se fera au détriment des personnes les plus éloignées de l'emploi.

3. Ainsi, si le renforcement des exigences en matière d'accompagnement et de formation des bénéficiaires est un objectif partagé, l'argument selon lequel le taux d'insertion dans l'emploi à la sortie était faible ne tient pas dans la mesure où les bénéficiaires sont précisément ceux les plus éloignés du marché du travail . La réduction du nombre de contrats aidés participe davantage d'une considération budgétaire que d'une réelle volonté d'améliorer l'efficacité des parcours d'insertion.

4. S'agissant du PIC, votre rapporteure spéciale rappelle qu' une part importante des crédits qui lui seront consacrés en 2019 était déjà inscrite dans le budget de la mission « Travail et emploi » ou était financée via d'autres circuits. En outre, le recentrage sur les « compétences », conjugué à l'affaiblissement d'organismes de service public tels que l'Afpa, qui proposait des formations qualifiantes, pourra déboucher sur une moindre capacité pour les demandeurs d'emplois de valoriser leur formation au regard des conventions collectives .

Bien que tout à fait positive, l'IAE ne doit pas être mise en opposition aux contrats aidés, qui pouvaient faire l'objet de pérennisations, qui ouvraient sur des métiers plus diversifiés, ce qui explique qu'ils étaient beaucoup plus utiles et efficaces dans le secteur non marchand (associations sportives ou culturelles, etc.).

5. L ' augmentation des moyens qui seront consacrés à la Garantie jeunes en 2019 va dans le bon sens . Ce dispositif gagnerait cependant à être assoupli afin, d'une part, de toucher un public plus nombreux et, d'autre part, d'en simplifier la gestion pour les missions locales . La diminution des crédits liés aux conventions pluriannuelles d'objectifs est regrettable.

6. Votre rapporteure spéciale prend acte des premiers éléments de bilan de l'expérimentation « emplois francs ». Elle note en particulier que si le démarrage de ce dispositif semble avoir été plus lent que prévu, les derniers chiffres révèlent une accélération . L'évaluation prévue en 2019 devra permettre au Parlement de se prononcer sur l'opportunité de maintenir, voire d'étendre cette expérimentation, ou a contrario , de la cibler sur les publics les plus fragiles pour éviter les effets d'aubaine.

7. Compte tenu de l'apport des maisons de l'emploi en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences et de mise en oeuvre des clauses sociales, un maintien des crédits de l'État au profit de ces structures apparaît nécessaire.

8. La diminution des effectifs du ministère du travail, et notamment de ceux de l'inspection du travail, est un très mauvais signal alors que, d'une part, le travail illégal et la fraude au détachement constituent des enjeux de plus en plus prégnants et, d'autre part, que le droit du travail a fait l'objet de modifications substantielles au cours des années passées .

9. La baisse de la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi, à hauteur de 84,7 millions d'euros est contraire aux dispositions de la convention tripartite 2015-2018. La diminution des effectifs de l'opérateur procède de la même logique strictement comptable . Elle se traduira par une économie de l'ordre de 26 millions d'euros destinée à compenser certaines dépenses telles que le glissement vieillesse technicité (GVT). Les gains de productivité mis en avant par le ministère comme la direction générale de l'opérateur pour justifier les suppressions de postes , si tant est que des viviers d'efficience existent toujours, posent en outre la question de la qualité et de l'égalité devant le service public . Si la dématérialisation peut permettre de simplifier certaines procédures, elle s'avère dissuasive pour certains demandeurs d'emploi , alors que l'accès aux conseillers a été complexifié avec la mise en place des nouvelles modalités d'accueil. La diminution des moyens de l'opérateur se traduit en outre par une dégradation des conditions de travail des agents.

En outre, la précarisation contribue à la récurrence du chômage. En 2015, la moitié des personnes indemnisées l'était à la suite de la perte d'un CDD ou d'une mission d'intérim, contre 28 % seulement en raison d'un licenciement. Les situations des demandeurs d'emploi, tant en termes d'indemnisation que de recherches récurrentes, complexifient le travail d'accompagnement des opérateurs du service public de l'emploi. Les baisses d'effectifs à Pôle emploi doivent aussi être analysées à cette aune.

Au total, face à l'évolution du marché de l'emploi et du chômage de longue durée, c'est bien une augmentation des moyens humains que Pôle Emploi devrait obtenir.

10. Plus généralement, l'affaiblissement des opérateurs du travail et de l'emploi est symptomatique de la politique de l'offre mise en oeuvre par le Gouvernement actuel et rentre en contradiction avec la nécessité d'accompagner davantage les publics les plus éloignés de l'emploi.

11. La situation de l'Afpa constitue un exemple d'un service public entrant dans le champ concurrentiel alors que son offre de services n'est pas de même nature que celle de ses concurrents . Le plan de transformation lancé par la direction générale affaiblira encore l'opérateur et se traduira par une baisse de la qualité du service rendu et du nombre de bénéficiaires , alors même que la formation et la reconversion professionnelles sont affichées comme des priorités du Gouvernement. En outre, l'affaiblissement de la couverture territoriale de l'Afpa risque d'éloigner encore davantage de la formation professionnelle qualifiante les publics les plus éloignés de l'emploi.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 30 % seulement des réponses étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Travail et emploi » et le CAS « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » .

Page mise à jour le

Partager cette page