EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

À l'heure où les élus locaux comme les citoyens déplorent une perte de substance de l'institution communale, affectée par la baisse des concours financiers de l'État et par la perte d'une partie de ses compétences au bénéfice de l'intercommunalité, le développement des communes nouvelles apparaît comme l'une des voies pour rendre son dynamisme à la commune, cet échelon de proximité indispensable à la qualité du service public comme à la vitalité de la démocratie locale.

Ce processus est d'autant plus remarquable qu'il repose sur la libre volonté des élus et de la population. Il serait tout à fait déraisonnable de l'imposer par la loi, car une fusion de communes ne réussit que là où elle repose sur un projet partagé. Le modèle des communes nouvelles n'est d'ailleurs pas généralisable, comme le notait récemment notre collègue Mathieu Darnaud dans son rapport sur la revitalisation de l'échelon communal, fait au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale, créée par votre commission des lois et aux travaux de laquelle votre rapporteur participe. Dans certains départements français, le nombre des communes est déjà faible et leur population moyenne élevée 1 ( * ) .

Cependant, là où la création d'une commune nouvelle répond à la volonté locale et à l'intérêt général, elle mérite d'être encouragée. Cela suppose de lever certains freins et de remédier aux dysfonctionnements du régime actuel.

Par ailleurs, il convient de tirer toutes les conséquences de l'essor des communes nouvelles sur l'organisation institutionnelle locale, et notamment sur la répartition des rôles entre communes et intercommunalités.

Tel est le double objet de la proposition de loi n° 503 (2017-2018) visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires , présentée par notre collègue Françoise Gatel et plusieurs autres de nos collègues. Votre commission des lois l'a accueillie très favorablement, et elle s'est efforcée d'en perfectionner et d'en compléter le dispositif.

I. LES COMMUNES NOUVELLES : UN RÉGIME À PERFECTIONNER

A. UNE RÉVOLUTION SILENCIEUSE QUI CONTRIBUE À LA REDYNAMISATION DES COMMUNES

Le développement actuel des communes nouvelles constitue, pour reprendre les termes de nos collègues Françoise Gatel et Christian Manable, une « révolution silencieuse » dans l'organisation territoriale de la France 2 ( * ) .

Année

Nombre de communes nouvelles créées

Nombre de communes au
1 er janvier

2010

36 793

2011

1

36 791

2012

2

36 786

2013

11

36 767

2014

(Élections municipales)

0

36 767

2015

24

36 744

2016

325

35 971

2017

182

35 502

2018

37*

35 443

Le régime actuel des communes nouvelles, qui a succédé à celui de la loi dite « Marcellin » du 16 juillet 1971 3 ( * ) , a été créé par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales , et amélioré par la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes , dite « Pélissard ». Il a connu un succès beaucoup plus important qu'escompté : au 1 er janvier 2018, on recensait 560 communes nouvelles 4 ( * ) sur l'ensemble du territoire métropolitain, rassemblant 1 910 communes et 1,9 million d'habitants. Quelque 200 projets de regroupement seraient sur le point d'aboutir au 1 er janvier 2019.

* Dont 36 créées au 1 er janvier 2018 et une créée au 1 er mars 2018.

Cette dynamique, qui concerne aussi bien des territoires ruraux que d'autres plus urbains, n'est cependant pas uniforme. Elle est d'abord plus ou moins forte selon les régions : alors que de nombreuses communes nouvelles ont été créées dans le grand Ouest de la France (dans la Manche et en Maine-et-Loire, notamment), d'autres départements, principalement dans l'arc méditerranéen (Ardèche, Alpes-Maritimes, Vaucluse), n'en dénombrent aucune. Ensuite, la population des communes nouvelles est extrêmement variable , de 114 habitants à Saligos (Hautes-Pyrénées) à près de 130 000 à Annecy (Haute-Savoie).

Les raisons de ce succès ont été fort bien analysées par notre collègue Mathieu Darnaud, dans son rapport précité. Qu'il suffise ici de rappeler :

- que le régime des communes nouvelles laisse une large place à l'initiative des élus locaux et de la population ;

- que le législateur est parvenu en 2010 à définir un juste équilibre entre la création d'une nouvelle commune de plein exercice et la préservation de l'identité des communes historiques , grâce notamment à l'institution de « communes déléguées » ;

- que la création d'une commune nouvelle, dans le contexte de l'agrandissement du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre imposé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République , dite loi « NOTRe », est souvent apparue aux élus locaux comme le moyen de préserver les habitudes de travail en commun acquises au sein d'anciennes communautés de communes , voire de continuer à exercer en commun des compétences que les nouveaux EPCI à fiscalité propre ont dû restituer à leurs communes membres ;

- que le regroupement de plusieurs communes est un moyen de retrouver des marges de manoeuvre et de maintenir, voire de développer l'offre de services aux habitants, malgré la baisse des dotations de l'État.

La procédure de création d'une commune nouvelle

Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës :

1° soit à la demande de tous les conseils municipaux ;

2° soit, lorsqu'il s'agit de créer une commune nouvelle en lieu et place de toutes les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre :

- à l'initiative des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres, représentant plus des deux tiers de la population totale de celles-ci ;

- ou à l'initiative de l'organe délibérant de l'EPCI, avec l'accord des conseils municipaux dans les mêmes conditions de majorité ;

3° soit à l'initiative du représentant de l'État dans le département, avec l'accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes concernées, représentant plus des deux tiers de leur population totale.

Dans tous les cas où l'accord unanime des conseils municipaux n'a pas été obtenu, la création d'une commune nouvelle est subordonnée à la consultation des électeurs . La participation au scrutin doit être supérieure à la moitié des inscrits, et le projet doit recueillir, dans chaque commune, l'accord de la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant à un quart au moins des électeurs inscrits.


* 1 Fortifier la démocratie de proximité : trente propositions pour nos communes, rapport d'information n° 110 (2018-2019) de notre collègue Mathieu Darnaud sur la revitalisation de l'échelon communal, fait au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale. Ce document est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/rap/r18-110/r18-110_mono.html .

* 2 Voir le rapport d'information n° 563 (2015-2016) de Mme Françoise Gatel et M. Christian Manable, fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, « Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse : raisons et conditions d'une réussite ». Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r15-563/r15-563.html .

* 3 Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes .

* 4 Il s'agit d'un chiffre net des nouvelles créations consistant en l'extension d'une commune nouvelle préexistante.

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