II. LA PROPOSITION DE LOI : LES PREMIERS RÉSULTATS DU BUREAU D'ABROGATION DES LOIS ANCIENNES INUTILES (B.A.L.A.I)

A. UNE INITIATIVE SÉNATORIALE STRUCTURÉE POUR AMÉLIORER LA LISIBILITÉ DU DROIT

Sur proposition de notre collègue Vincent Delahaye, vice-président, le Bureau du Sénat a acté en janvier 2018 la création d'une mission de simplification législative, dite « mission B.A.L.A.I » pour « Bureau d'abrogation des lois anciennes inutiles » .

Comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi, « notre arsenal législatif n'a [...] cessé de s'alourdir, de se complexifier et donc de s'obscurcir ». Dès lors, « il est du devoir du législateur de veiller à purger le paysage juridique [des lois existantes] qui, applicables hier, ne le sont plus aujourd'hui ».

La « mission B.A.L.A.I » est ainsi chargée de « faire la chasse aux fossiles législatifs , dont l'esprit s'est évaporé mais dont la lettre perdure, comme gravés de manière indélébile dans le marbre ».

Il s'agit, selon notre collègue Vincent Delahaye, d'un chantier de plusieurs années .

Outre la présente proposition de loi - qui vise à abroger des lois adoptées entre 1819 et 1940 -, la « mission B.A.L.A.I » envisage de déposer d'autres textes pour abroger :

- des lois obsolètes adoptées entre 1940 et 1970 ;

- des dispositions que le juge a déclarées inconventionnelles ;

- des malfaçons législatives ainsi que des contradictions entre plusieurs textes en vigueur.

B. UNE PREMIÈRE ÉTAPE : ABROGER LES LOIS DEVENUES OBSOLÈTES (1819-1940)

Cosignée par 153 sénateurs, la proposition de loi n° 8 (2018-2019) de notre collègue Vincent Delahaye traduit les premiers résultats de la « mission B.A.L.A.I » . Déposée le 3 octobre 2018, elle a été soumise pour avis au Conseil d'État, comme le permet l'article 39 de la Constitution 38 ( * ) .

Afin d'améliorer la lisibilité du droit, l'article unique de la proposition de loi vise à abroger 44 lois adoptées entre 1819 et 1940 . L'éventail des sujets traités est particulièrement large : le droit d'aubaine, la mort civile, l'implantation des casinos, le trafic de monnaie, les appellations d'origine « Cognac » et « Armagnac », la fraude dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine, l'exercice de la profession de pharmacien, etc .

Ces lois sont devenues obsolètes pour deux raisons.

En premier lieu, certaines sont tombées en désuétude .

La loi du 28 décembre 1880 39 ( * ) autorise par exemple le ministère de l'intérieur à acquérir le matériel nécessaire à l'impression du Journal officiel pour un coût total de 1,7 million de francs. Toujours en vigueur, elle ne présente plus d'intérêt juridique.

De même, la loi du 14 juillet 1819 40 ( * ) ne comprend plus qu'un seul article, qui procède à l'abrogation des anciens articles 726 et 912 du code civil. N'ayant plus d'effet juridique, elle peut être abrogée sans « redonner vie » à ces articles du code civil (principe selon lequel « abrogation sur abrogation ne vaut » 41 ( * ) ).

En second lieu, certaines lois ont été implicitement abrogées par des dispositions législatives postérieures.

Ainsi, l'article 7 de la loi du 14 août 1885 42 ( * ) - qui fixe le régime financier des sociétés de patronage des libérés - est aujourd'hui incompatible avec le code de procédure pénale et avec le fonctionnement des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

La liste des 44 lois dont l'abrogation est proposée résulte « d'une démarche prudente , animée par le souci d'abroger comme il conviendrait de légiférer : d'une main tremblante » 43 ( * ) .

Dans son avis, le Conseil d'État considère d'ailleurs « qu'il est préférable dans certains cas de s'abstenir d'abroger afin de ne pas faire disparaître par inadvertance, sans en avoir appréhendé les conséquences, des dispositions encore utiles et susceptibles d'être invoquées à l'appui d'un litige ».


* 38 Avis n° 396251 du Conseil d'État du 20 décembre 2018 sur la proposition de loi.

* 39 Loi relative au Journal officiel .

* 40 Loi relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction.

* 41 Conseil d'État, avis n° 380902 du 10 janvier 2008.

* 42 Loi sur les moyens de prévenir la récidive (libération conditionnelle, patronage, réhabilitation).

* 43 Source : exposé des motifs de la proposition de loi.

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