B. LE MODE DE DÉSIGNATION DES CONSEILLERS COMMUNAUTAIRES : UN COMPROMIS SATISFAISANT QUI NÉCESSITE DES AJUSTEMENTS

Depuis la création des syndicats de communes par la loi du 22 mars 1890 4 ( * ) jusqu'en 2014, les délégués des communes membres au sein des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale ont été désignés par leur conseil municipal, généralement en leur sein. Les EPCI à fiscalité propre (communautés de communes et d'agglomération, communautés urbaines, métropoles) se distinguaient déjà en ceci que la composition de leur conseil devait en principe refléter les équilibres démographiques de leur territoire 5 ( * ) , tandis que les comités des syndicats de communes étaient et restent composés, en règle générale, de deux délégués par commune.

Depuis la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 précitée et le renouvellement général des conseils municipaux qui s'est ensuivi en mars 2014, il faut distinguer entre les syndicats de communes, d'une part, administrés par un comité syndical dont les membres sont élus par les conseils municipaux en leur sein ou non , et les EPCI à fiscalité propre, d'autre part, administrés par un conseil communautaire 6 ( * ) dont les membres sont désignés selon des modalités qui diffèrent en fonction de la population de la commune . En effet :

- dans les communes de 1 000 habitants ou plus (dont les conseils municipaux sont élus au scrutin de liste), les conseillers communautaires sont désormais élus au suffrage universel direct, en même temps que les conseillers municipaux et selon un système de « fléchage » qui établit une corrélation étroite entre les candidatures et les résultats aux deux élections ;

- dans les communes de moins de 1 000 habitants , où la mise en place de ce système de « fléchage » est impossible (puisque les conseils municipaux y sont élus au scrutin uninominal), les conseillers communautaires sont les membres du conseil municipal désignés dans l'ordre du tableau. Leur désignation ne donne donc plus lieu, comme auparavant, à une élection distincte.

L'élection des conseillers communautaires par « fléchage »
dans les communes de 1 000 habitants et plus

Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les conseillers communautaires, c'est-à-dire les membres de l'assemblée délibérante de l'EPCI à fiscalité propre auquel appartient la commune, sont élus au suffrage universel direct, en même temps que les conseillers municipaux et suivant le même mode de scrutin (scrutin de liste à deux tours, attribution d'une prime majoritaire à la liste arrivée en tête et répartition des autres sièges entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne).

La corrélation entre l'élection des conseillers municipaux et celle des conseillers communautaires est assurée par un système de « fléchage » , défini aux articles L. 273-6 et suivants du code électoral. En effet, toute liste de candidats au conseil communautaire doit satisfaire aux règles suivantes :

a) elle doit être exclusivement composée de candidats figurant sur une même liste de candidats au conseil municipal ;

b) l'ordre de présentation des candidats doit être le même sur les deux listes. Comme le précisait en 2014 le ministère de l'intérieur, « le principe général est de partir de la liste des conseillers municipaux tout en permettant de faire des "sauts" dans cette liste, c'est-à-dire de ne pas retenir certaines personnes de cette liste, tout en respectant l'ordre de la liste des candidats au conseil municipal. Pour autant, il est tout à fait possible de présenter une liste des candidats au conseil communautaire reprenant les premiers de la liste des candidats au conseil municipal sans sauter aucun nom 7 ( * ) ». Notons que l'alternance de candidats des deux sexes doit être également respectée en tout état de cause ;

c) les « têtes de liste » doivent être les mêmes , puisque les candidats présentés dans le premier quart de la liste de candidats au conseil communautaire doivent figurer, « de la même manière et dans le même ordre », en tête de la liste de candidats au conseil municipal ;

d) les candidats au conseil communautaire doivent figurer dans les trois premiers cinquièmes de la liste des candidats au conseil municipal ;

e) enfin, la liste de candidats au conseil communautaire figure de manière distincte sur le même bulletin de vote que la liste de candidats au conseil municipal.

Prises ensemble, ces règles garantissent :

- que tous les candidats élus au conseil communautaire soient également élus au conseil municipal - ce qui est normal, puisqu'un conseiller communautaire représente sa commune auprès de l'EPCI à fiscalité propre ;

- que la répartition des sièges impartis à une commune au sein du conseil communautaire reflète la composition du conseil municipal , puisque le nombre de voix reçues par chaque liste est identique dans les deux cas et que les règles de répartition sont les mêmes ;

- que les deux campagnes électorales soient menées de concert.

Le nouveau mode de désignation des conseillers communautaires dessiné par la réforme de 2013 est, dans l'ensemble, satisfaisant. Grâce notamment aux apports du Sénat, le législateur est parvenu à opérer une juste conciliation entre le principe, fixé en 2010, de l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct dans les communes où l'élection des conseillers municipaux a lieu au scrutin de liste 8 ( * ) , et la nécessité de maintenir un lien étroit entre les conseils municipaux et communautaires . La réforme a également eu pour effet de renforcer la place des femmes au sein des conseils communautaires.

Certaines difficultés n'en demeurent pas moins .

En effet, en même temps que la prérogative consistant à élire leurs délégués au sein des conseils communautaires, les conseils municipaux ont perdu la faculté de les remplacer en cours de mandat . Les conseillers communautaires sont en effet élus pour la même durée que les conseillers municipaux de la commune qu'ils représentent (six ans en principe) et renouvelés intégralement à la même date que ceux-ci. Avant la réforme de 2013, un conseil municipal pouvait à tout moment remplacer les délégués qu'il avait désignés, sur le fondement de l'article L. 2121-33 du code général des collectivités territoriales 9 ( * ) . La perte de cette faculté peut provoquer des dysfonctionnements en cas de dissensions entre le conseil municipal et les représentants de la commune au conseil communautaire , par exemple à la suite d'un changement de la majorité municipale.

Notons à cet égard que la même difficulté se pose dans les communes de moins de 1 000 habitants que dans les communes plus peuplées , puisqu'une modification en cours de mandature de l'ordre du tableau municipal (en raison de la démission du maire ou d'un ou plusieurs adjoints, notamment) n'a pas pour effet de mettre fin au mandat des conseillers communautaires en exercice afin qu'ils soient remplacés conformément au nouvel ordre du tableau. Ce n'est que lorsqu'un élu cesse concomitamment d'être conseiller communautaire et maire ou adjoint d'une commune de moins de 1 000 habitants qu'il est remplacé conformément à l'ordre du tableau établi en application de l'élection subséquente du maire et des adjoints (ou seulement d'un ou plusieurs adjoints) 10 ( * ) .

Il peut également arriver que le maire, même s'il le souhaite, ne siège pas au conseil communautaire . En effet :

- dans les communes de 1 000 habitants et plus, rien n'oblige le conseil municipal à élire le maire parmi les conseillers municipaux qui ont également été élus au conseil communautaire, ni même parmi ceux qui y ont été candidats ;

- dans les communes de moins de 1 000 habitants, si le premier maire élu au cours de la mandature devient nécessairement conseiller communautaire (sauf s'il démissionne de ce mandat), il n'en va pas de même de ses éventuels successeurs.


* 4 Loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes .

* 5 Sur cette question et les bouleversements occasionnés par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, Commune de Salbris , voir le rapport n° 245 (2018-2019) fait par notre collègue Maryse Carrère, au nom de la commission des lois du Sénat, sur la proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires , consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l18-245/l18-2451.pdf .

* 6 Dans les métropoles, ce conseil porte le nom de conseil métropolitain.

* 7 Ministère de l'intérieur, « Mémento pour les élections municipales et communautaires de mars 2014 à l'usage des candidats des communes de 1 000 habitants et plus », p. 18. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Etre-candidat/Mementos-et-documents-des-precedents-scrutins/Elections-municipales-et-communautaires .

* 8 Article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales .

* 9 « Le conseil municipal procède à la désignation de ses membres ou de délégués pour siéger au sein d'organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ou délégués ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes. » L'article L. 5211-8 du même code (qui, antérieurement à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 précitée, était applicable aux organes délibérants de tous les EPCI et non seulement des syndicats de communes) réservait expressément cette faculté de remplacement en renvoyant audit article L. 2121-33.

* 10 Voir, pour plus de précisions, le commentaire de l'article 3.

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