D. AUDITION DE M. SÉBASTIEN LECORNU, MINISTRE CHARGÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (18 JUIN 2019)

Réunie le mardi 18 juin 2019, sous la présidence de M. Jean-François Husson, vice-président, la commission a entendu M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, sur l'exécution des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

M. Jean-François Husson , président . - Nous recevons M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, pour évoquer les résultats de l'exécution en 2018 des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Pour notre commission et, plus largement, pour le Sénat qui représente les collectivités territoriales, cette audition est importante et nécessaire. Certes, en comparaison des 107 milliards d'euros que constitue l'ensemble des transferts financiers de l'État aux collectivités, l'importance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui retrace 3,7 milliards d'euros de crédits, ou du compte de concours financiers, peut sembler limitée, voire mineure. Ce serait toutefois omettre qu'elle finance un nombre croissant de dispositifs essentiels à la vie des territoires, notamment la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

Alors que les élus locaux, comme les sénateurs, demeurent confrontés à la plus grande incertitude concernant les modalités de compensation de la suppression de la taxe d'habitation et, plus amplement, la nature de la réforme de la fiscalité locale évoquée par le Premier ministre, la présente audition sera également l'occasion d'obtenir certains éclaircissements.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales . - Gérald Darmanin, Jacqueline Gourault, Olivier Dussopt et moi-même recevons les associations d'élus pour réfléchir aux scénarios concernant la suppression de la taxe d'habitation.

Je vous propose une présentation assez exhaustive de l'exécution 2018 et un début d'éclairage sur ce que vous avez voté pour 2019, puisque cela s'inscrit dans une continuité de construction budgétaire. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » semble plus consensuelle que par le passé, probablement parce que l'enveloppe globale des concours financiers de l'État, celle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) notamment, demeure stable alors qu'elle avait considérablement diminué lors du quinquennat précédent. Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales représentent 40 milliards d'euros, dont 27 milliards d'euros consacrés à la DGF.

Une stabilisation globale n'est pas synonyme de stabilisation individuelle ; nous devons à cet égard faire preuve de pédagogie auprès des maires et des présidents d'intercommunalités. Des fluctuations persistent en fonction des critères de démographie et de richesse, qui constituent des principes de justice. Il semble normal qu'avec plus d'habitants, il faille construire davantage et mettre à disposition plus de services publics, et inversement. Les critères d'évolution de la richesse ont connu une spirale infernale liée aux modifications de la carte intercommunale dans le cadre d'une enveloppe fermée. Beaucoup d'élus municipaux et communautaires ont subi un recul inattendu de leur DGF en 2018. En 2019, le dispositif a été stabilisé : soixante-seize communes connaissent une évolution de la DGF, qui représente moins de 1 % de leurs recettes de fonctionnement.

S'agissant de la péréquation, que nous avons conjointement souhaitée, nous observons également une stabilisation. Le mécanisme bénéficie aux communes rurales les plus fragiles avec, en outre, des systèmes de garantie de sortie, et aux communes urbaines en difficulté. Ainsi, la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine (DSU) ont chacune fait l'objet d'un effort à hauteur de 90 millions d'euros. Le Gouvernement défend à cet égard la solidarité territoriale, souvent prônée au sein des associations d'élus mais critiquée dans les territoires. De fait, certains perdent au profit des autres. La péréquation verticale représente 40 % du montant de la DGF, contre 14 % il y a douze ans.

La dotation d'intercommunalité, imaginée en 2018, a été créée en 2019 en co-construction avec le Comité des finances locales (CFL), les associations d'élus locaux et le Parlement. Précédemment, les intercommunalités bénéficiaient d'une enveloppe en fonction de leur nature : les variations de DGF étaient considérables lorsque les cartes des intercommunalités évoluaient. La loi a unifié la taille des EPCI et, partant, les enveloppes de DGF. Désormais, 85 % des EPCI sont stables : la réforme fonctionne. Toutefois, de nombreux élus peinent à comprendre le dispositif. La DGF est issue de petites taxes locales, désormais disparues, remplacées par des dotations successives, lesquelles, par sédimentation, ont formé la DGF. Ni son histoire ni son fonctionnement ne sont aisés : la communication gagnerait à être améliorée, notamment sur les questions liées à la démographie et aux critères de richesse. Déjà, les services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des préfectures s'y sont engagés avec la publication de la DGF en une seule fois, le développement d'une carte interactive des 27 milliards d'euros de la DGF et la communication de chaque préfet aux associations d'élus sur les principales baisses observées dans le département. Un bilan sera présenté au CFL avant l'été. Pour ce qui concerne les indicateurs de performance applicables à la DGF, les députés souhaiteraient traiter de l'efficacité de la péréquation. La question est théoriquement passionnante, mais difficile à aborder pratiquement. De fait, les charges pesant sur les collectivités ne sont pas forcément identiques. Le Gouvernement sera attentif à toute proposition que vous formulerez.

Les dotations d'investissement - DETR, DSIL, dotation politique de la ville (DPV) et dotation de soutien à l'investissement départemental (DCID) - ont, quant à elles, considérablement augmenté. La DETR a ainsi bénéficié, depuis 2014, de 400 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre plus d'un milliard d'euros en 2019, en stabilité par rapport à 2018. Si la DSIL a été rapportée, en 2019, à 570 millions d'euros, contre 615 millions d'euros en 2018, son évolution s'explique par l'extinction progressive des contrats de ruralité et des crédits afférents. Enfin, la DPV, d'un montant de 150 millions d'euros, soutient des projets en faveur des quartiers défavorisés. Le gouvernement précédent a augmenté les crédits de la DETR et de la DSIL pour compenser la réduction de la DGF et ses conséquences sur les capacités d'investissement des collectivités territoriales. Nous avons choisi de stabiliser la DGF, en maintenant les aides à l'investissement à un niveau élevé, soit 2 milliards d'euros. Nous avons également élargi la DSID - 212 millions d'euros en 2019 - à toutes les dépenses d'investissement des conseils départementaux.

Lors de la discussion du projet de loi de finances, vous nous aviez fait part, via un amendement déposé par Hervé Maurey, de votre souhait de disposer d'éléments de transparence sur les aides à l'investissement. Nous avons, en conséquence, développé un outil de cartographie sur l'utilisation des fonds de la DETR, destinés à des priorités décidées localement. En 2018, la DETR a financé 21 475 projets, contre 20 623 en 2017, pour une somme identique, signe de l'attention portée aux dossiers modestes, conformément à vos souhaits après la suppression de la réserve parlementaire. Le taux moyen de financement des projets retenus s'établit à 25,6 % et le montant moyen à 47 357 euros. Dans le cadre du projet de loi sur l'engagement et la proximité, qui sera présenté au mois de septembre, je proposerai quelques mesures de libération normative, notamment sur le plafond de subventions au maître d'ouvrage à hauteur de 80 % de la dépense pour l'entretien du patrimoine, enjeu essentiel pour les communes rurales. En 2018, les opérations financées grâce à la DETR ont principalement concerné la construction de bâtiments, l'urbanisme, les transports et le patrimoine.

La DSIL, pour sa part, a vocation à financer des priorités nationales, proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement. Elles font souvent écho à de grands plans d'investissement, sur la transition écologique ou l'accessibilité par exemple. En 2018, 4 821 projets ont été retenus, contre 3 786 en 2017, avec, là aussi, une bienveillance particulière accordée aux petits dossiers par le montant ou par la nature des collectivités concernées. Ces projets, pour la plupart, permettent de continuer à faire vivre les contrats de ruralité ; ils portent majoritairement sur la rénovation thermique des bâtiments. La DETR et la DSIL créent conjointement un effet de levier estimé à 6,7 milliards d'euros en faveur des investissements locaux. Nous pouvons débattre de savoir si cela est suffisant, mais l'effort, quoi qu'il en soit, est considérable. Il convient également de reconnaitre que l'investissement local est particulièrement dynamique lors de la dernière année du mandat municipal.

Sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », 3,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été prévus et 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement ont été réglés, soit un taux de consommation élevé. Le constat est logique, puisque nombre des crédits de la mission sont constitutionnellement dus. En 2019, les indicateurs d'exécution ont été renforcés. Ils n'existaient auparavant que sur la DETR. Désormais, s'agissant de la DSIL, le taux de subvention moyen et le délai moyen entre la décision d'attribution et l'achèvement du projet seront disponibles. Nous prévoyons également de créer un indicateur vert, les territoires ayant un rôle majeur à jouer en matière de transition écologique. Des éléments devraient également être accessibles à l'automne sur la DCID, créée par la loi de finances pour 2019.

Vous avez été nombreux à mettre en doute la parole du Gouvernement sur le dégrèvement ; or, en 2018, chaque commune a été correctement dégrevée de la taxe d'habitation. Nous avons, à cet égard, débuté un cycle de concertation avec les associations d'élus sur le fondement de plusieurs principes, notamment la compensation de la suppression de la taxe d'habitation à l'euro près aux collectivités territoriales. Il convient plus largement de réfléchir à la fiscalité locale, notamment du fait de l'évolution dynamique des dépenses départementales, soit structurellement s'agissant du vieillissement, soit conjoncturellement pour la pauvreté. Les régions étaient très prudentes à l'idée de récupérer une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), elles n'y voient désormais plus d'inconvénient : faire évoluer la fiscalité locale peut s'avérer bénéfique. Nous ferons un point en juillet sur la concertation en cours et sur l'avenir des contrats de Cahors.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Nous vous remercions pour votre présentation très complète. Je souhaitais vous interroger justement sur l'avenir des contrats de Cahors, mécanisme qui concerne 322 collectivités territoriales dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 millions d'euros. Quel bilan dressez-vous de leur mise en oeuvre ? Envisagez-vous d'approfondir le dispositif ou de l'étendre à d'autres collectivités territoriales ? Avez-vous identifié des modifications du comportement des collectivités concernées en matière d'investissement ? Pour la réforme de la DGF, le Gouvernement, lorsqu'il s'est engagé dans la contractualisation de Cahors, s'est inspiré d'un rapport que j'avais commis avec Claude Raynal, dans lequel nous avions appelé de nos voeux une réflexion sur les critères de charges des collectivités territoriales. Le prévoyez-vous ? Avec la disparition de la taxe d'habitation à plus ou moins longue échéance et son remplacement par des impôts nationaux, la fiscalité locale est devenue obsolète. De fait, la péréquation ne considère que les ressources - alors que l'évaluation des charges se pratique, par exemple, en Italie - : cela crée des difficultés d'acceptation d'un dispositif qui représente désormais 40 % de la DGF, même s'il ne s'agit pas de remettre en cause son efficacité.

Sur la dotation d'intercommunalité, il y a eu un progrès, mais on a voulu la faire reposer de nouveau sur des critères de charges, en prenant par exemple le coefficient d'intégration fiscale (CIF), tout en fixant des amortisseurs au profit de certaines collectivités. Sommes-nous toujours dans cette philosophie ? Les huit zonages relatifs aux avantages fiscaux pour certains territoires déshérités disparaissent en 2020. Nos amendements sur ce point ont été refusés l'année dernière. Allons-nous en reparler ? La dotation pour les parcs nationaux a disparu, alors qu'un parc national va se créer. Sur la DSIL, mon appréciation diffère de la vôtre : les contrats de ruralité ayant disparu, il y a une baisse de 4 %... Par ailleurs, confirmez-vous que l'automatisation du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) sera effective au 1 er janvier 2020 ?

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Je commencerai par les contrats de Cahors - sénateur d'Occitanie, j'ai toujours plaisir à voir nos villes mises à l'honneur ! Le Gouvernement communique beaucoup sur la croissance des dépenses réelles de fonctionnement, disant que celles-ci sont plutôt bien contenues, malgré quelques dépassements ici ou là. Ces contrats avaient trois volets. Leur but n'était pas de pousser à une baisse des dépenses de fonctionnement en elles-mêmes, mais d'alimenter l'autofinancement des investissements pour réduire le besoin de financement et améliorer la capacité de désendettement. Or je n'ai rien lu sur le désendettement ou sur la réduction du besoin de financement, alors que c'était bien l'enjeu. Pouvez-vous nous en dire plus ? Peut-on considérer qu'une collectivité a rempli son contrat une fois qu'elle a limité son objectif de dépenses, même si elle ne satisfait pas aux deux autres critères ? Ces contrats comportent une clause de revoyure. Cette clause est-elle engagée ? Apporte-t-elle de nouveaux éléments ? Il y avait deux sujets de friction : les participations à des syndicats extérieurs, qui étaient comprises dans la dépense globale alors que, pour une grande part, ces sommes sont de l'investissement en matière de transport ; et le lien avec les opérations soutenues par l'État, qui imposent un supplément de dépenses.

Quelles seront les cibles macroéconomiques du Gouvernement, en termes de dépenses de fonctionnement, dans la loi de programmation pour 2020-2023 ? Doit-on s'attendre à un durcissement ? Le suivi du besoin de financement sera-t-il plus marqué ? Les soldes effectifs des collectivités locales seront-ils mieux suivis ? Cette loi de programmation répartira-t-elle mieux l'effort entre l'État, les collectivités locales et la Sécurité sociale ?

Les dotations de soutien à l'investissement des départements sont une nouveauté qui date de l'an dernier : on est passé d'une logique de guichet à une logique de projet. Pouvez-vous en dresser un premier bilan ?

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Les contrats de Cahors concernent 322 collectivités, et 279 en ont signé un. Je n'ai jamais compris pourquoi ce dispositif avait suscité autant de critiques au début du quinquennat. J'ai été maire d'une commune qui n'entre pas dans le champ des contrats de Cahors et président d'un département qui est concerné et, en 2014, je n'ai pas eu le choix de contractualiser puisqu'on m'a notifié de manière autoritaire que ma DGF diminuait : à l'aveugle, sans regarder si nous avions fait des économies, ni si nous avions une capacité d'autofinancement pour investir, ni si nous avions fait des schémas de mutualisation. Entre cette manière de procéder à l'aveugle et un contrat, même imparfait, mieux vaut un contrat !

On nous a reproché de concentrer les efforts sur les 322 plus grosses collectivités territoriales. Mais c'est justement le but de la manoeuvre ! Il s'agit, pour le dire franchement, de ficher la paix aux plus petites communes - ce qui est un bon postulat de départ. Dans les programmes pour l'élection présidentielle de 2017, tous les candidats voulaient diminuer les dépenses publiques, et ils parlaient tous de demander des efforts aux collectivités territoriales - certes, avec des méthodologies différentes. Toute la question est dans l'exécution. Or les contrats, ce n'est pas prendre de l'argent, c'est demander à des collectivités de limiter leurs dépenses. Ce n'est pas la même chose ! J'aurais bien aimé, en 2014 et en 2015, que le Gouvernement de l'époque daigne débattre de l'évolution de mes dépenses plutôt que de me diminuer radicalement la DGF...

Oui, une revoyure annuelle souple est prévue. Elle aura lieu en juillet, sous la forme d'un comité de pilotage, après que les préfets auront bouclé leurs échanges opérationnels avec les collectivités concernées. Si vous souhaitez nous auditionner spécifiquement après ce cycle de juillet sur les contrats de Cahors, nous serons à votre disposition. Je ne pense pas que le Gouvernement doive se réjouir qu'on ait limité les dépenses, car ce n'est pas un but en soi. Mieux vaudra se réjouir que l'investissement reparte, ou qu'on ait garanti des services publics. Les premières indications sont que seule une petite poignée de collectivités ne vont pas respecter le contrat.

Nous avons tenu parole sur le retraitement. C'est un contrat, cela se négocie et, comme chez votre assureur, il y a des petites lignes. Les dépenses que l'État demande aux collectivités territoriales font l'objet de retraitements. Par exemple, si un conseil départemental a un taux d'évolution de ses dépenses de fonctionnement proche de 1,2 %, ou du taux qui lui a été notifié soit par l'arrêté, soit par le contrat, on retraite la part des mineurs non accompagnés. Il y a une différence entre une dépense normée, rigide, et les autres dépenses de fonctionnement, qui relèvent de la libre administration de la collectivité territoriale en question.

Vous mentionnez les critères de charge de la DGF. Au moins, le mouvement intercommunal, depuis les lois Chevènement de 1999, a permis de se poser des questions. Sur la péréquation, il y a ce que nous pouvons faire ensemble au niveau national, mais il y a aussi des enjeux au sein des intercommunalités. Faut-il que le législateur s'en empare et définisse des critères ? Je ne suis pas favorable à ce qu'on se mêle de tout. Mais si le partage de la richesse ne se fait pas naturellement au sein des intercommunalités, il faudra peut-être y regarder de près. Il faut que le niveau d'intégration des intercommunalités prenne en compte cette réflexion sur les charges, même si cela n'améliore pas la lisibilité de la DGF...

Sur la dotation d'intercommunalité, nous avons assumé ensemble le CIF, et créé des amortisseurs dans le projet de loi de finances. Chat échaudé craint l'eau froide : si j'avais laissé les choses en l'état, il y aurait eu beaucoup de mouvements dans les dotations d'intercommunalité, et vous auriez incriminé le Gouvernement. Nous avons donc mis en place un système plus rigide, plus lent à créer ses effets, qui a épargné une génération entière d'élus intercommunaux, qui ont déjà connu des baisses de DGF depuis 2014, et sur lesquels la réforme des dotations d'intercommunalité devait se faire selon un rythme acceptable.

Sur les zones de revitalisation rurale, on reste sur le rendez-vous de 2020, et c'est Mme Gourault qui suit ce dossier. Sur la DSIL et les contrats de ruralité, je ne partage pas votre point de vue. Quand les crédits sont consommés, on peut relancer des contrats de ruralité, certes. Mais nous avons aussi créé d'autres dispositifs, comme « coeur de villes ». Il faut aussi faire appel à d'autres outils, comme les fonds européens, dont on a beaucoup parlé pendant la campagne européenne. L'automatisation du FCTVA n'accuse aucun retard, et c'est une belle avancée pour les collectivités territoriales.

Si la dotation globale d'équipement des départements ne pouvait servir que pour des projets d'aménagement, dans certaines régions, la DSIL a permis de financer un foyer départemental de l'enfance, ce qui n'aurait pas été possible avec l'ancien dispositif.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Sur les contrats de Cahors, la position du Sénat n'est pas une position d'hostilité. Le système contractuel, même s'il s'agit de faux contrats, est préférable à un système aveugle. En revanche, nous considérons qu'on ne peut contractualiser, et s'engager sur une baisse de dépenses, que là où l'on a des marges de manoeuvre. Les dépenses contraintes, comme la prise en charge des mineurs non accompagnés, doivent être défalquées des objectifs. Par ailleurs, la bonne exécution des contrats de Cahors ne s'explique-t-elle pas aussi par le report du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ?

On observe une stabilisation globale des dotations, ce qui n'équivaut pas à une stabilisation individuelle. Certaines communes voient leurs dotations baisser fortement, ce qui peut les mettre en difficulté. N'est-il pas envisageable de prévoir des mécanismes d'amortissement - effet de cliquet, baisse en sifflet - en cas de baisse trop brutale - ou de hausse ?

Sur la taxe d'habitation, les parlementaires semblent avoir été réunis ce matin - pour ma part, je n'ai pas reçu d'invitation. L'on communique beaucoup sur l'ouverture de la concertation, en tous cas. Pouvez-vous nous confirmer que la totalité de la réforme, y compris la partie qui s'appliquera jusqu'en 2023, figurera dans le prochain projet de loi finances ? Quid de la révision des bases ? Notre groupe de travail sur l'évolution de la fiscalité locale était parvenu à des conclusions relativement partagées. Je ne suis pas hostile à l'idée d'un transfert du foncier bâti départemental vers les communes, au vu des évolutions de la TVA ou de la CSG qui pourraient le compenser. Depuis 2013, la TVA a crû en moyenne de 2,3 % par an en évolution spontanée, contre 2,2 % pour la CSG. Le Président de la République a dénoncé dans la taxe d'habitation une taxe fondée sur des bases injustes. Le même raisonnement devrait s'appliquer sur le foncier bâti. Avez-vous prévu dans cette réforme la révision des valeurs locatives ?

On annonce une révision du réseau des trésoreries. Les élus s'inquiètent pour les services rendus en termes de comptabilité publique. Ne peut-on alléger leur charge en supprimant des transferts inutiles et précipités, comme celui de la distribution de l'eau au 1 er janvier, partout considéré comme brutal ?

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Pour le PPCR, 300 millions d'euros peuvent être mobilisés. C'est en-deçà des économies que dégagent les collectivités, mais il y a là un sujet qui sera vu au cas par cas, entre chaque préfet et chaque collectivité concernée.

Un cliquet pour la DGF ? Beau sujet ! Il existe déjà des garanties de sortie. Une commune rurale qui perd sa DSR subit d'une année sur l'autre une perte sèche importante. Vous avez voté, dans le projet de loi de finances, une garantie de sortie à 50 % : même si la commune en question n'y a plus droit - c'est-à-dire si elle est plus riche - on lui donne tout de même 50 % de ce qu'elle touchait. C'est très généreux ! Cela donne de la prévisibilité aux élus pour bâtir leurs documents budgétaires.

Faut-il figer la DGF ? Pendant le grand débat national et les 96 heures d'échanges entre le Président de la République et les maires, que j'ai animés, beaucoup de maires l'ont demandé. Le résultat serait que, dans la même communauté d'agglomération ou la même communauté de communes, un maire qui gagnera beaucoup d'habitants ne verra pas sa DGF augmenter, et un maire qui perdra des habitants, lui, aura la même DGF qu'avant.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il existe une solution intermédiaire : une baisse un peu moins brutale et, en contrepartie, une augmentation aussi moins brutale. Un lissage, en somme.

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Pour 6 % d'augmentation de population, faut-il encore complexifier les choses et rendre cette dotation, qui a toujours été vivante, moins vivante ? Je ne sais pas. Si le Sénat veut avancer, je serai à votre disposition.

Ce matin, en effet, une réunion avec les parlementaires de la majorité a fuité : le Gouvernement n'interdit pas l'usage des réseaux sociaux pour les parlementaires ! Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances, le ministre de l'action et des comptes publics sera amené à consulter les commissions des finances et à travailler avec elles. En tout cas, sur mon propre budget, je crois avoir démontré que je procédais comme cela, quelles que soient les appartenances politiques des commissaires. Cette réforme est difficile mais capitale pour l'intérêt général. Il faut des ressources dynamiques pour ceux qui ont des dépenses dynamiques. L'objectif de la réforme est de remettre du dynamisme et de la clarté dans les outils de fiscalité dont disposent les collectivités territoriales, et notamment le bloc communal.

La disparition de la taxe d'habitation est déjà une mesure d'assouplissement pour le réseau des finances publiques, et elle libérera du temps, comme d'ailleurs l'impôt à la source.

La distribution de l'eau arrive après la sécabilité des compétences. En vue du projet de loi, j'ai entamé les concertations. Nous souhaitons instituer une mesure de délégation de cette compétence sur l'eau et l'assainissement, sans sécabilité au niveau intercommunal, vers un syndicat ou une commune.

Mme Christine Lavarde . - Le ministre nous dit que les variations de DGF sont, pour 70 % des communes, inférieures à 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Il serait bon de tenir compte de la définition des recettes réelles de fonctionnement, et de regarder ce que ce petit pourcentage représente en baisse réelle, qui peut aller jusqu'à 50 % de la DGF d'une année sur l'autre. Historiquement, la part forfaitaire de la DGF devait venir compenser des transferts de charges de l'État vers les collectivités ou des suppressions de recettes précédemment affectées aux collectivités et qui repartaient vers l'État ou un autre échelon. Certaines communes sont à présent en contribution négative, puisqu'elles contribuent au redressement des finances publiques, tout en continuant à assumer des missions pour l'État, en nombre toujours croissant. La philosophie de la DGF a été complètement dévoyée. Ne serait-il pas temps de concevoir un dispositif global assurant une juste rétribution des missions exercées pour l'État par les collectivités, et d'articuler les mécanismes de péréquation existants, tels le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ? Ne faisons pas peser sur la DGF un nouveau mécanisme de péréquation.

M. Philippe Dallier . - Passée la période 2014-2017, on aurait pu penser que tout irait mieux. Mais les effets des mesures passées se cumulent, et il ne faudrait pas sous-estimer l'effet ciseau subi par les collectivités territoriales. La DGF, même quand elle ne baisse plus, est rognée par l'inflation, et se pose alors la question de la soutenabilité du système. À un moment, pour un grand nombre de collectivités, cela va coincer !

Nous sommes à neuf mois des élections municipales et, pour les maires, les présidents d'intercommunalités ou de départements, les choses sont plus floues qu'elles n'ont jamais été. Comment les candidats pourront-ils bâtir un projet à six ans ? Nous avons suffisamment démontré ici, à la commission des finances, qu'en l'absence de réforme globale de la DGF et de la péréquation, nous n'arriverons à rien ! Je rappelle que certaines communes sont contributrices au FPIC, éligibles à la DSU et éligibles au FSRIF : cela suffit à démontrer l'aberration du système. Selon que l'on vous compare à telle ou telle autre collectivité, vous êtes riche ou pauvre ; tout cela ne veut plus rien dire.

À cela s'ajoute l'incertitude sur la taxe d'habitation. Certes, le bloc communal va récupérer le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, mais cela ne compensera pas forcément la perte ; il faudra donc reconstituer une espèce de fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui va créer des bénéficiaires et des contributeurs nets... Et le Premier ministre de nous annoncer que la réforme aboutirait à affecter au bloc communal des recettes dynamiques : comment ferez-vous ? Si vous avez la solution, donnez-la nous, que l'on en informe nos grands électeurs... Pour l'instant, nous n'avons pas le début d'une piste.

Mme Sylvie Vermeillet . - La dotation particulière élu local (DPEL) bénéficie aux communes de moins de 1 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,25 fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 1 000 habitants. Mais elle n'est plus versée à la commune nouvelle résultant de la fusion de deux communes qui la percevait. Or la charge à assumer est la même, et le nombre d'élus pour le faire reste inchangé. Ne pensez-vous pas devoir remédier à cette injustice ?

Vous avez estimé l'effet levier de la DETR et de la DSIL à 6,7 milliards d'euros, ce qui est en effet colossal. On sait que les projets sont plus nombreux en fin de mandat mais, faute d'avoir augmenté la DETR cette année, les préfets ont dû écarter certains dossiers ou diminuer le taux de subvention. Il y avait un coup à jouer pour renforcer cet effet de levier en 2019, monsieur le ministre !

M. Jérôme Bascher . - Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler le nombre de critères d'attribution de la DGF ? Je crois que nous gagnerions en lisibilité en les diminuant. Les élus locaux seraient ainsi mieux informés, non du montant, mais de l'affectation de leur DGF.

Le Gouvernement avait des objectifs très ambitieux en matière de diminution du personnel des collectivités territoriales. Quelle tendance constatez-vous à ce stade ?

Pensez-vous utile de modifier les règles d'utilisation de certaines recettes, telles les recettes affectées aux dépenses environnementales, qui n'ont pas toujours trouvé facilement à s'imputer ? Les chambres régionales des comptes ont fourni des pistes...

Une question philosophique enfin : est-il encore logique de parler de bloc communal ? N'êtes-vous pas victime d'une forme de syndrome de Stockholm, votre ministère semblant considérer qu'intercommunalités et communes sont une seule et même chose ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Quelques remarques d'abord. Sur la DETR, je vous suis ; de nombreux élus demandent simplement que les préfets soient plus actifs, ou plus participatifs, surtout dans les départements où il y a beaucoup de parlementaires.

Je pense aussi que l'architecture générale du système de dotations est illisible. On peut expliquer les évolutions de la DGF, mais pas les bases. Les correctifs, tels le FPIC, ont des effets pervers : ma commune en bénéficie alors qu'elle est deux fois plus riche que ses voisines, qui ne font qu'y contribuer.

Qu'avez-vous envisagé de faire du supplément de taxe d'habitation des collectivités qui en ont augmenté le taux ? Va-t-il s'évaporer ?

Peut-on déconnecter la réforme de la fiscalité locale de la redéfinition des dotations de l'État ? Peut-on, en la matière, procéder par touches successives ? Une telle méthode n'est-elle pas une manière de repousser éternellement une réforme globale ?

Les écarts de DGF par habitant entre les différents types de blocs communaux et les territoires sont-ils tenables ? Ils varient du simple au double, voire plus, sans que des éléments objectifs ne le justifient.

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Madame Lavarde, une DGF négative suppose un potentiel financier et fiscal important, ce qui est le cas dans les Hauts-de-Seine. La péréquation consiste en effet à prendre là, par exemple, pour donner ailleurs... Méfions-nous cependant des évolutions exprimées en pourcentages, qui peuvent masquer des variations de quantités très faibles.

Je comprends les propositions de remise en cause du dispositif dans son ensemble, mais c'est de trente ans de mouvements législatifs dont nous parlons. La DGF actuelle compense la disparition de nombreuses taxes depuis les années 1960, nécessaires en leur temps car il fallait tenir compte d'enjeux de ruralité ou d'urbanité pauvre. Et à l'automne dernier encore, nous étions unanimes à vouloir améliorer les dispositifs de péréquation.

M. Dallier plaide pour une telle réforme globale de la DGF. Certains ont essayé : ils ont eu des problèmes... Je songe à Mme Pirès-Beaune, sous le quinquennat précédent. C'est qu'une telle réforme fait nécessairement des gagnants et des perdants, et que ces derniers, au début, sont nombreux. C'est pourquoi personne n'est très pressé de s'y atteler, pas même le comité des finances locales. Toucher à la fiscalité locale, qui n'est déjà pas très juste, est soit un instrument d'opposition - c'est de bonne guerre - soit un sujet d'angoisse pour une génération d'élus rendus groggys par les baisses de dotations. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas évident. Si les associations d'élus souhaitent avancer dans ce sens, nous les accompagnerons - c'est ce qu'a dit le Président de la République. Le Gouvernement ne pourra en toute hypothèse en décider seul.

Le nombre de critères - certains ne sont que des sous-critères - n'est pas l'essentiel du sujet...

M. Jérôme Bascher . - Cela n'aide pas !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Nous le verrons encore à l'automne prochain dans l'hémicycle, lorsque vos collègues de montagne de tous partis se rassembleront pour demander la compensation de problèmes d'altitude... Je le dis avec bienveillance, car vous ne vous rendez pas toujours compte qu'un nouveau critère, tout sympathique qu'il paraisse, peut déstabiliser l'édifice ! L'an dernier, les appels à la raison de votre collègue Charles Guené n'ont pas suffi. Vous êtes toutefois souverains en la matière.

La compensation de la perte de taxe d'habitation par la taxe foncière n'est qu'une hypothèse. Nous discutons avec tout le monde, monsieur Dallier. Une délibération du comité des finances locales, présidé par M. Laignel, a retenu l'idée d'une affectation de taxe foncière aux communes ; une autre demandait le dégrèvement perpétuel...

M. Philippe Dallier . - Nous signons tout de suite !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - ...or je n'ai jamais entendu le Sénat proposer le dégrèvement perpétuel. Je vous donne rendez-vous cet automne pour en parler dans le cadre du projet de loi de finances, afin de donner de la visibilité dans la perspective des municipales. Certains ont fait de mauvais procès au Gouvernement en l'accusant de vouloir se refaire sur les collectivités ; or, vous l'avez vu, aucune commune ne manque d'un euro de dégrèvement. Et pour cause : nous partons du produit perçu par les collectivités pour bâtir la réforme, ce qui est une garantie de justice.

Monsieur Gabouty, la question des taux fait partie des points en cours de négociation avec les associations d'élus, de même que celle des bases. La hausse des prélèvements obligatoires s'explique en partie par le dynamisme des recettes fiscales locales, qui ont rapporté aux collectivités presque 18 milliards d'euros de plus ces dix dernières années, notamment grâce à la CFE et à la CVAE. Les fédérations du bâtiment et des travaux public vous en parlent, j'imagine, sur le terrain...

Madame Vermeillet, la DPEL est calculée sur le nombre d'habitants, pas sur le nombre d'élus. Cette question n'a pas été abordée dans le cadre des travaux de Mme Françoise Gatel sur l'exercice des mandats locaux. C'est même la première fois que l'on m'interroge sur ce point. La DPEL ne représente qu'une trentaine de millions d'euros par an, mais faisons attention. Je rappelle que les communes nouvelles sont des communes à part entière, soumises dès lors aux effets de seuils.

Nous reviendrons sur la question du personnel des collectivités territoriales dans le cadre du bilan des contrats de Cahors.

Monsieur Bascher, l'emploi du produit de la taxe d'équipement pour les espaces naturels sensibles dépend des conseils départementaux : dans certains départements, cela finance le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, ailleurs cela permet de restaurer des kilomètres carrés de zones humides.

Je crois encore à la notion de bloc communal car les EPCI ne sont pas des collectivités territoriales, mais des établissements publics qui fédèrent des communes. Le projet de loi dont nous discuterons au mois de septembre redonnera de la place aux maires dans les structures intercommunales, qui ne doivent pas singer les communes.

Monsieur Gabouty, je vous rejoins sur les effets pervers du FPIC.

Nous pouvons avancer sur la réforme fiscale, qui est un sujet important.

Vous contrôlez le Gouvernement, qui a autorité sur les préfets : n'hésitez donc pas à me faire part des difficultés précises que rencontrent les élus sur la répartition par les préfets des crédits de DETR. J'évite de m'en mêler par trop, pour que l'on ne dise pas que je politise la dotation. Un de mes prédécesseurs procédait lui-même aux arbitrages mais Jacqueline Gourault et moi-même sommes désireux de maintenir le caractère déconcentré de cette dotation.

M. Jean-Marc Gabouty . - C'est moins une question de fond que de méthode.

M. Jacques Genest . - La péréquation est une question essentielle, tant pour les communes rurales que pour les communes de banlieue. Les députés évalueront les difficultés de la péréquation ? Mais ils n'ont, pour la plupart, jamais été maires !

La DETR et la DSIL ne fonctionnent pas trop mal dans l'Ardèche. Seul accroc à déplorer : nous avons insisté pour que les communes gardent la compétence eau et assainissement, mais le préfet se défausse sur les agences de bassin, qui ne subventionnent pas non plus. Bref, c'est un pouvoir qu'on ne peut pas exercer.

Sur la réforme de la taxe d'habitation, je redis ce que j'ai déjà dit : attention au foncier ! Dans les communes où les logements sociaux sont nombreux, les gens ne paieront pas de taxe foncière, et les organismes ne compenseront qu'à hauteur de 15 %, ce qui créera des déséquilibres et distendra le lien entre les habitants et la commune.

Nous avons travaillé sur la réforme de la DGF avec MM. Guéné et Raynal. Le résultat n'était pas celui que nous attendions puisque les gagnants étaient les plus riches - je l'ai observé dans l'Ardèche en particulier !

Ces dernières années, les contentieux relatifs aux dotations de l'État aux collectivités territoriales lui ont coûté près de 40 millions d'euros. Pouvez-vous nous donner quelques informations sur les contentieux pendants ?

Pouvez-vous enfin faire le point sur les indemnités versées aux communes qui abritent des stations de délivrance des titres sécurisés ? Dans ma commune de 800 habitants, Coucouron, la délivrance des cartes grises se passe mal, mais celle des passeports et des cartes d'identité se passe très bien.

M. Jean-François Rapin . - Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas porter le poids des fardeaux du passé, mais tiens à porter à votre connaissance quelques chiffres sur le Pas-de-Calais qui, d'après le préfet, reçoit des dotations importantes : 29,1 millions d'euros, 28,8 millions d'euros, 27,5 millions d'euros, tels sont les montants des dotations - DETR et DSIL - pour les années 2016, 2017 et 2018. La baisse est nette. En 2018, il faut ajouter à ces montants 2,4 millions d'euros au titre de la subvention exceptionnelle à la ville de Calais, répartis sur un fonds de développement de la vie associative (FDVA) dont nous ignorons l'usage qui en est fait. Ce sont 2,5 millions d'euros retirés du budget du département, qui soutenaient l'investissement des communes ! Comment envisagez-vous la suite et, surtout, comment voyez-vous la redistribution des crédits de cette dotation au milieu associatif ?

M. Bernard Delcros . - Merci de votre présence, monsieur le ministre.

Sur la DGF, je ne partage pas du tout l'idée qu'une remise à plat règlerait tous les problèmes. Fin 2015, nous avons voté un tel objectif dans la loi de finances : l'article a finalement été abrogé l'année suivante, car les simulations montraient que les effets obtenus seraient contraires aux objectifs poursuivis. Ceux qui disent que le système est injuste pensent bénéficier d'une réforme mais, à enveloppe constante, il y aura forcément des gagnants et des perdants. Bref, je crois qu'il faut être très prudent.

Cela dit, la DGF peut être améliorée. Elle a baissé, c'est vrai, mais la péréquation est passée de 14 % à 40 % ; c'était utile, car une baisse forfaitaire linéaire aurait fragilisé les territoires déjà fragiles. Vous avez donc bien fait de poursuivre le mouvement de péréquation engagé par le gouvernement précédent. Le rôle de la DGF est aussi de réguler les richesses. Les modifications importantes que nous avons observées sont pour l'essentiel liées aux évolutions des périmètres des intercommunalités, qui ont modifié leurs potentiels financiers. Bref, je crois qu'il vaut mieux améliorer l'existant plutôt que tout remettre à plat.

Je ne défends pas non plus à tout prix l'autonomie fiscale des collectivités, qui fragilise les territoires privés d'expansion démographique et économique. Il faut en revanche garantir l'autonomie financière des collectivités. À l'approche d'un nouveau mandat, les élus ont besoin de visibilité sur leurs ressources et donc leur autonomie financière. Je ne suis par exemple pas opposé à ce que le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties profite au bloc communal, car c'est à ce niveau que la compétence d'aménagement est exercée. Attribuer une part d'impôt national à une collectivité, c'est aussi une façon de faire de la péréquation.

Les annexes financières aux contrats de ruralité sont signées chaque année, mais parfois au détriment des projets classiques éligibles à la DSIL. Il est important pour la ruralité de maintenir des contrats de ruralité avec des crédits dédiés. Les supprimer ou les noyer dans des contrats plus généraux ne serait pas une bonne chose.

Nous n'avons guère parlé du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), sur lequel on entend à peu près tout, y compris des propositions de suppression. Or c'est un outil souple de financement d'investissements, de projets privés ou d'ingénierie territoriale. Avez-vous bien l'intention de le conserver ?

M. Didier Rambaud . - Certaines collectivités n'ont pas signé les contrats dits de Cahors, mais elles en ont respecté l'esprit, en maîtrisant notamment leurs dépenses de fonctionnement. Quelles sont les conséquences pour elles ? Qu'ont-elles perdu à ne pas signer ce contrat ?

M. Michel Canevet . - Monsieur le ministre, la Cour des comptes préconise dans son rapport le regroupement dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » des crédits du programme 216 qui sont destinés au fonctionnement de votre ministère. Qu'en pensez-vous ?

En ce qui concerne l'évolution de la DGF, je crois que nous devons être prudents, même s'il est vrai qu'elle est inégalement répartie, souvent au détriment des communes rurales.

Par ailleurs, il serait nécessaire de revoir les bases de la taxe foncière. Ce processus pourrait se faire au fil de l'eau, au moment de la mutation des biens.

Enfin, la réserve ministérielle existe-t-elle encore ?

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Monsieur Genest, les travaux d'évaluation des indicateurs de péréquation sont menés par Christophe Jerretie, député de Corrèze, et Jean-René Cazeneuve, député du Gers et président de la délégation de l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Tous deux ont été maires.

En ce qui concerne la compétence eau et assainissement, le projet de loi à venir permettra une délégation. Dans la même dynamique, nous devrons certainement toiletter les critères d'intervention des agences de l'eau.

Je souhaite remercier le sénateur Delcros de sa franchise ! Chacun sait bien qu'une réforme de la DGF est toujours très compliquée et qu'elle est rarement portée par tous les acteurs... Je rappelle que les élus ont commencé à s'intéresser à ce sujet, non pas au moment où la DGF a drastiquement diminué, mais lorsque, au sein d'une enveloppe globalement stable, les allocations individuelles ont commencé à varier de manière erratique, ce qui résultait de l'évolution du schéma intercommunal. Par ailleurs, la DGF a toujours été complexe !

Tous les contentieux relatifs aux dotations sont apurés, soit à la suite d'une décision de justice soit de manière transactionnelle.

En ce qui concerne les titres sécurisés, une enveloppe de 40 millions d'euros a été mise en place, mais ce sujet relève du ministère de l'intérieur. La question difficile reste évidemment celle du lieu où sont implantées les stations.

Monsieur Rapin, la DETR est passée de 10 millions d'euros à 16 millions entre 2014 et 2019 dans votre département.

M. Jean-François Rapin . - Le problème est le décalage avec les projets !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Nous devrons évidemment regarder ce sujet, mais vous savez que les calculs sont là aussi complexes. Nous devons trouver un équilibre entre la stabilité et la prise en compte de la vitalité des départements.

S'agissant du FDVA, diverses remontées du terrain me sont parvenues ces dernières semaines. La traçabilité des sommes et l'information au sein des commissions départementales doivent être mieux assurées. Je propose de vous préparer une note courte à ce sujet.

Monsieur Delcros, vous avez raison sur les différences qui existent entre autonomies financière et fiscale. La première est inscrite dans la Constitution et certaines grandes associations d'élus réclament la seconde. Je crois que le Sénat aurait tout à fait raison de débattre de ce sujet.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous l'avons déjà fait !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Sur l'impôt national, ce qui est vrai pour les départements le sera aussi pour les intercommunalités. C'est un outil de péréquation, mais il faut faire attention à l'évolution de ces impôts : ils peuvent être dynamiques en période de croissance, mais beaucoup moins, lorsque celle-ci est plus faible.

Sur le bilan de la DETR, de la DSIL et de la DPV, un rapport sera publié durant l'été, comme chaque année.

Les enveloppes du FNADT sont moins importantes qu'avant, notamment parce que les crédits destinés à d'autres dotations augmentent - je pense par exemple à la DETR. Je n'ai pas d'informations sur d'éventuelles difficultés.

Monsieur Rambaud, les contrats dits de Cahors sont des outils politiques pour les élus qui les ont signés et respectés : il leur est donné acte de leur maîtrise des dépenses, ce qui ne peut être que positif durant une campagne électorale... Pour les collectivités qui n'ont pas signé le contrat, mais le respectent, rien ne change. L'outil est souple : un élu peut décider, par exemple pour des raisons politiques, de ne pas le signer, mais il n'est pas pénalisé pour cela, si tant est qu'il le respecte en pratique. Les choses sont évidemment différentes pour les collectivités qui ne respectent pas le contrat. C'est un peu le principe du bonus-malus !

En ce qui concerne la réserve ministérielle, je vous assure qu'elle n'existe plus, même si le fantasme a la vie dure...

Enfin, monsieur Canevet, les crédits du programme 216 que vous évoquez relèvent encore, en effet, du ministère de l'intérieur qui continue d'assurer les fonctions support de la DGCL, même si celle-ci ne lui est plus rattachée. Les autres fonctions support du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sont assurées par le ministère de la transition écologique et solidaire. Nous verrons ce qu'il convient de faire pour l'avenir.

M. Jean-François Husson , président . - Je vous remercie.

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