Rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 juillet 2019

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N° 625

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2018 ,

Tome I : Exposé général et examen des articles

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1947 , 1990 et T.A. 295

Sénat :

589 (2018-2019)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2018 ET SON CONTEXTE
ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

I. L'ANNÉE 2018 POURRAIT SIGNER LA FIN DE LA « CROISSANCE DE RATTRAPAGE » DONT A BÉNÉFICIÉ LE GOUVERNEMENT DEPUIS LE DÉBUT DU QUINQUENNAT

A. SI L'ÉCONOMIE FRANÇAISE CONTINUE DE CROÎTRE À UN RYTHME SUPÉRIEUR À SON POTENTIEL...

1. Le rythme de croissance de 1,7 % est conforme à la prévision initiale...

Alors que le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État (PLR) pour 2018 faisait initialement état d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) limitée à 1,6 % en volume, les nouvelles estimations publiées par l'Insee le 16 mai 2019 tablent désormais sur une progression de 1,7 % .

La croissance en volume serait ainsi conforme tant à la prévision initiale du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 qu'à l'estimation actualisée du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2018, qui avait été revue à la baisse par rapport au programme de stabilité 2018, afin de tenir compte des signaux défavorables apparus à l'été.

Comparaison des prévisions de croissance du PIB
et de l'exécution pour 2018

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si la croissance a atteint le niveau espéré par le Gouvernement, la contribution des différentes composantes du PIB est néanmoins assez différente de celle anticipée à l'automne dernier.

Décomposition de l'écart entre la prévision de croissance actualisée
et les données d'exécution

(taux d'évolution en volume, contributions à cette évolution en points de pourcentage)

PLF 2019 - PLFR 2018

Exécution

Écart

PIB

1,7

1,7

0,0

dont : demande intérieure finale hors stocks

1,6

1,3

- 0,3

dont : variation de stocks

- 0,2

- 0,3

- 0,1

dont : commerce extérieur

0,3

0,7

+ 0,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)

Ainsi, la contribution de la demande intérieure à la croissance a été significativement plus faible qu'escompté (- 0,3 point) mais cette contre-performance a été compensée par la très bonne tenue du commerce extérieur (+ 0,4 point).

Cette dernière ne s'explique malheureusement pas par le dynamisme des exportations, légèrement inférieur à la prévision actualisée, mais par la faiblesse des importations , dont la croissance annuelle est limitée à 1,2 %, contre 2,5 % dans le scénario gouvernemental. Elle ne traduit donc pas une amélioration de la compétitivité du secteur exportateur.

Comparaison de l'évolution attendue des différentes composantes du PIB
et des données d'exécution

(taux d'évolution en volume)

PLF 2019 - PLFR 2018

Exécution

Écart

Importations

2,5

1,2

- 1,3

Consommation des ménages

1,1

0,9

- 0,2

Consommation des administrations publiques

1,0

0,8

- 0,2

Investissement des entreprises

3,7

3,8

+ 0,1

Investissement des ménages

1,5

2,0

+ 0,5

Investissement des administrations publiques

4,6

2,4

- 2,2

Exportations

3,7

3,5

- 0,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)

2. ... et reste supérieur au potentiel de croissance de l'économie française

Si le taux de croissance 2018 de l'économie française pourrait en première analyse sembler décevant, dès lors qu'il apparaît en net retrait par rapport au rythme atteint en 2017 (2,3 %) et à la prévision retenue dans le cadre du programme de stabilité 2018 (2,0 %), il reste en réalité significativement supérieur au potentiel de croissance de l'économie française .

À titre de rappel, la croissance potentielle correspond à l' évolution du niveau de production « soutenable » sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail , aussi appelé PIB potentiel.

Bien que la croissance potentielle et le niveau du PIB potentiel ne soient pas directement observables, ils peuvent néanmoins être estimés à l'aide de différentes méthodes économétriques 1 ( * ) . Dans ce domaine où l'incertitude est par nature importante, il apparaît néanmoins que les estimations de la croissance potentielle française sont aujourd'hui relativement convergentes .

L'hypothèse retenue par le Gouvernement (1,25 %) présente ainsi un caractère central par rapport aux prévisions des principales organisations internationales, qui se situent toutes à un niveau significativement inférieur à la croissance effectivement constatée en 2018 (1,7 %).

Estimations de la croissance potentielle
de l'économie française en 2018

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat

En complément, votre rapporteur général demande depuis 2014 aux principaux instituts de conjoncture leur scénario de croissance potentielle, ce qui permet d'établir un « consensus de la croissance potentielle », qui se situe à 1,3 % en 2018 .

Consensus de la croissance potentielle
de la commission des finances du Sénat pour l'année 2018

(taux d'évolution en volume)

Euler Hermes

1,5

Axa

1,4

BNP Paribas (recherche économique groupe)

1,3

Exane

1,1

Coe-Rexecode

1,2

PAIR Conseil

1,3

Oxford Economics

1,3

Citi

1,3

BIPE

1,3

OFCE

1,3

Natixis

0,9

Moyenne

1,3

Source : commission des finances du Sénat (sondage réalisé à l'été 2018)

Si l'écart entre l'hypothèse de l'institut le plus pessimiste (0,9 %) et celle du plus optimiste (1,5 %) est plus important, le diagnostic reste là encore le même quelle que soit l'estimation retenue : avec une croissance effective de 1,7 %, le Gouvernement a de nouveau bénéficié l'an dernier d'une conjoncture favorable pour atteindre ses objectifs budgétaires , contrairement à ses prédécesseurs.

B. ... LE RALENTISSEMENT OBSERVÉ AU COURS DE L'ANNÉE 2018 SUGGÈRE UNE ARRIVÉE À MATURITÉ DU CYCLE ÉCONOMIQUE

1. Après la forte accélération observée en 2017, l'économie française semble s'essouffler...

Si la croissance effective s'est donc une nouvelle fois établie à un niveau significativement supérieur à la croissance potentielle en 2018, l'économie française semble progressivement s'essouffler .

Ce ralentissement est particulièrement visible lorsque l'on suit l'évolution du PIB en glissement annuel , en comparant le niveau du PIB pour un trimestre donné à ce qu'il était au même trimestre de l'année précédente.

Croissance du PIB depuis 2012

(glissement annuel de séries trimestrielles, taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Ainsi mesurée, la croissance française a connu une forte accélération entre le quatrième semestre 2016 (1,2 %) et le dernier trimestre 2017 (2,9 %), au cours duquel elle a même frôlé les 3 %.

Depuis ce point haut, elle a continument ralenti, pour finalement retrouver au quatrième trimestre 2017 un rythme de 1,2 % , qui correspond à celui observé en moyenne tout au long de la période 2013-2016.

Si l'on s'intéresse aux contributions à l'évolution en moyenne annuelle du PIB, il peut être observé que le ralentissement observé l'an dernier s'explique par une moindre contribution de la demande intérieure , et non par le commerce extérieur, qui apporte pour la première fois depuis 2012 une contribution positive à la croissance française.

Croissance du PIB et contributions à cette évolution depuis 2014

(taux d'évolution en volume, contributions à cette évolution en points de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Cette évolution paraît ainsi compatible avec la thèse d'un épuisement de la « capacité de rebond » de l'économie française , dont le rythme de croissance rejoindrait progressivement son niveau potentiel, dont il a été montré qu'il peut être estimé à 1,2 à 1,3 %.

2. ... ce qui traduit vraisemblablement l'épuisement de sa « capacité de rebond », en dépit de l'atonie des prix et des salaires

La position de l'économie dans le cycle est traditionnellement appréhendée à l'aide du concept d' écart de production , qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. L'écart de production constitue ainsi en bas de cycle une estimation du « potentiel de rebond » de l'économie et, en haut de cycle, de son niveau de « surchauffe ».

Chaque année, l'évolution de l'écart de production dépend de l'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l'écart de production se creuse ; inversement, si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, le « potentiel de rebond » de l'économie diminue.

Pendant une phase dite de « rattrapage », l'économie peut donc croître à un rythme plus élevé que son potentiel, avant de ralentir une fois l'écart de production résorbé . D'après le Gouvernement, c'est précisément dans cette situation que l'économie française se trouve désormais.

Évolution de l'écart de production, de la croissance
et de la croissance potentielle depuis 2016
selon le scénario du Gouvernement

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)

La croissance effective enregistrée l'an dernier (1,7 %), de nouveau supérieure à la croissance potentielle (1,25 %), aurait ainsi ramené l'écart de production à un niveau (0,1 point de PIB potentiel) très proche de zéro.

Autrement dit, l'économie française aurait épuisé sa « capacité de rebond » à l'issue de l'exercice 2018. Dès lors, la croissance potentielle devrait à l'avenir jouer le rôle d'un « limitateur de vitesse ». En effet, une fois l'écart de production résorbé, la croissance effective se rapproche en principe de la croissance potentielle, sauf à ce que l'économie entre dans une phrase de « surchauffe ».

Il doit toutefois être noté que des interrogations demeurent sur la position exacte de l'économie française dans le cycle.

En effet, l'incertitude sur le niveau de l'écart de production est actuellement bien plus élevée que sur celui de la croissance potentielle, pour lequel il a été précédemment montré que les estimations sont globalement convergentes.

Sans entrer trop en détails dans ce débat, qui avait fait l'objet d'une analyse approfondie l'an dernier, à laquelle le lecteur est invité à se reporter 2 ( * ) , la difficulté majeure tient à l'orientation des indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires), qui restent aujourd'hui atones - ce qui pourrait suggérer l'existence d'une « capacité de rebond » supplémentaire.

Sur ce plan, l'exercice 2018 n'a pas permis de lever l'incertitude .

Évolution de l'indice d'inflation sous-jacente

(glissement annuel de séries mensuelles, taux d'évolution)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Si l'inflation a été tirée à la hausse par les prix de l'énergie, l'inflation sous-jacente 3 ( * ) , qui traduit davantage la « tendance de fond » de l'évolution des prix, ne s'est pas significativement redressée , ainsi que l'illustre le graphique ci-dessus.

Dès lors, les estimations du niveau de l'écart de production à l'issue de l'exercice 2018 peuvent diverger plus fortement selon les instituts . L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime par exemple que l'économie française dispose encore d'une « capacité de rebond » d'environ 1,0 point de PIB potentiel, ce qui lui permettrait de croître au même rythme qu'en 2018 pendant encore deux ans environ avant de voir l'écart de production se résorber.

Estimations de l'écart de production
à l'issue de l'exercice 2018

(en points de PIB potentiel)

Source : commission des finances du Sénat

Si des incertitudes existent donc sur la position exacte de l'économie française dans le cycle, l'hypothèse gouvernementale selon laquelle sa « capacité de rebond » serait désormais épuisée présente un caractère central au regard des estimations disponibles et paraît ainsi la plus plausible.

Pourtant, plutôt que de profiter de la conjoncture favorable dont il a peut-être pour la dernière fois bénéficié l'an dernier afin de reconstituer des marges de manoeuvre sur le plan budgétaire, le Gouvernement a préféré différer une nouvelle fois le redressement structurel des comptes publics .

II. LE GOUVERNEMENT DIFFÈRE UNE NOUVELLE FOIS LE REDRESSEMENT STRUCTUREL DES COMPTES PUBLICS, AU RISQUE DE NOURRIR LA DIVERGENCE ENTRE LA FRANCE ET LE RESTE DE LA ZONE EURO

A. LA DIMINUTION DU DÉFICIT NOMINAL EST PORTÉE PAR LA « CROISSANCE DE RATTRAPAGE » ET NON PAR UN REDRESSEMENT STRUCTUREL DE LA SITUATION DES COMPTES PUBLICS

1. La diminution du déficit nominal, plus forte qu'escompté, est essentiellement portée par la conjoncture et le dynamisme des prélèvements obligatoires

À l'issue de l'exercice 2018, le solde public s'est établi à 2,5 % du PIB, contre 2,8 % du PIB en 2017.

Il s'agit d'un résultat légèrement supérieur à celui attendu dans le cadre du PLF 2018 et de la prévision actualisée du PLFR 2018 (2,6 % du PIB).

Comparaison des prévisions de solde public
et de l'exécution pour 2018

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Un tel constat ne permet toutefois ni d'apprécier si ce redressement présente un caractère pérenne, ni s'il est imputable au Gouvernement , dès lors que l'évolution du solde nominal est notamment sensible aux effets transitoires de la conjoncture, à l'impact des mesures exceptionnelles et temporaires et aux effets d'élasticités.

Pour ce faire, il est indispensable d'observer l'évolution du solde structurel mais aussi de l' effort structurel .

Solde structurel, ajustement structurel et effort structurel

Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé de l'impact des mesures exceptionnelles et temporaires et de l'effet du cycle économique - ce dernier étant appréhendé en calculant le déficit qui aurait été observé si l'écart de production avait été ramené à zéro, compte tenu de la sensibilité des recettes et des dépenses à la croissance.

L' ajustement structurel correspond à l'évolution du solde structurel d'une année sur l'autre. Un ajustement structurel de 0,5 point signifie ainsi que le déficit structurel a été réduit de 0,5 point de PIB.

Enfin, le concept d' effort structurel a pour objectif de mieux appréhender la part de l'évolution du solde structurel réellement imputable au Gouvernement.

En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle. En particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires, pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement.

Traditionnellement, l'effort structurel se décomposait en deux facteurs :

- l'effort structurel en dépense , qui mesure l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle, ce qui correspond à l'évolution structurelle de la part de la dépense publique dans la richesse nationale ;

- l'effort structurel en recettes , qui correspond aux mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des administrations publiques.

La différence entre l'effort et l'ajustement structurels provient dès lors de deux origines :

- d'une part, la « composante non discrétionnaire », qui regroupe les effets liés aux fluctuations des élasticités des différents prélèvements obligatoires et la contribution de l'évolution des recettes hors prélèvements obligatoires ;

- d'autre part, la « clé en crédits d'impôts » : en effet, le coût en comptabilité nationale des crédits d'impôt remboursables tels que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le crédit d'impôt recherche (CIR) correspond à la créance acquise, tandis que leur coût mesuré au sens de l'effort en recettes correspond au montant budgétaire effectivement restitué ou imputé. La clé en crédits d'impôts permet ainsi de prendre en compte l'écart entre ces deux mesures dans la décomposition de l'ajustement structurel.

Depuis la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, la clé en crédits d'impôts est désormais incluse dans la mesure de l'effort structurel.

Source : commission des finances du Sénat

Or, il ressort de la décomposition de l'évolution du solde public que son amélioration traduit pour l'essentiel (environ deux tiers) l'effet de la conjoncture et du dynamisme des recettes , et non un effort structurel de redressement des comptes publics.

Décomposition de l'évolution du solde public entre 2017 et 2018

(en points de PIB)

2017

2018

Solde public

- 2,8

- 2,5

Solde conjoncturel

- 0,3

0,0

Mesures ponctuelles et temporaires

- 0,1

- 0,2

Solde structurel

- 2,4

- 2,3

Ajustement structurel

0,2

0,1

Effort structurel

- 0,2

0,1

Effort en recettes

- 0,1

- 0,2

Effort en dépense

- 0,2

0,3

Clé en crédits d'impôts

0,1

0,0

Composante non discrétionnaire

0,4

0,1

Note : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement)

La croissance « de rattrapage » dont a bénéficié l'économie française a ainsi permis d'améliorer le solde conjoncturel de 0,3 point . Autrement dit, si la croissance effective avait été égale à la croissance potentielle, le solde 2018 aurait été identique au solde 2017.

En outre, le Gouvernement a une nouvelle fois bénéficié du dynamisme anormalement élevé des recettes .

En effet, l'élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité, en principe unitaire, s'est établie à 1,2 en 2018, après 1,4 en 2017.

Évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données historiques
reconstituées par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis HCFP-2018-02 et les réponses du Gouvernement au questionnaire)

Ce dynamisme des prélèvements obligatoires a été partiellement compensé par la légère diminution du poids des recettes publiques hors prélèvements obligatoires , dont l'ampleur n'avait pas été totalement anticipée, sous l'effet de la réduction du nombre de contrats aidés (enregistrés comme une recette des administrations publiques locales et, réciproquement, une dépense de l'État), de la stabilité de la production marchande des hôpitaux et de la baisse du rendement des actifs financiers.

Recettes publiques hors prélèvements obligatoires

(en points de PIB)

Prévision LFI 2018

Exécution

État et organismes divers d'administration centrale

3,7

3,7

dont cotisations fictives

1,8

1,8

Administrations publiques locales

2,3

2,3

Administrations de sécurité sociale

1,3

1,2

Total

7,3

7,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement)

Au total, la « composante non discrétionnaire », qui résulte de la combinaison de ces deux effets, a contribué pour 0,1 point à l'amélioration du solde nominal.

L'effet positif sur le solde public de la conjoncture (+ 0,3 point) et du dynamisme des recettes (+ 0,1 point) a été partiellement compensé par l'effet des mesures exceptionnelles et temporaires (- 0,2 point).

Ces trois facteurs contribuent donc à hauteur d'environ deux tiers à l'amélioration du solde nominal observée l'an dernier.

Seul le dernier tiers traduit un effort structurel de redressement des comptes publics, limité à 0,1 point de PIB . En effet, la baisse des prélèvements obligatoires engagée par le Gouvernement, qui ne peut qu'être soutenue, imposerait un effort bien plus significatif de maîtrise de la dépense pour parvenir à redresser en parallèle la situation structurelle des comptes publics.

2. La maîtrise de la dépense publique reste insuffisante pour engager un effort structurel de redressement des comptes publics en parallèle de la baisse des prélèvements obligatoires

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, l'effort structurel se décompose comme la somme de deux facteurs :

- l'effort structurel en dépense , qui correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle (un effort positif traduit donc une diminution structurelle de la part de la dépense publique dans la richesse nationale) ;

- l'effort structurel en recettes , qui correspond à l'effet sur le solde des mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires.

Un effort structurel de redressement des comptes publics peut donc traduire une hausse des prélèvements obligatoires ou un effort de maîtrise de la dépense.

Dès lors que le Gouvernement a engagé à juste titre une baisse des prélèvements obligatoires, l'effort en recettes pèse sur l'effort structurel .

En 2018, l'effet net sur le solde public des baisses et hausses de prélèvements obligatoires s'élève à 9,8 milliards d'euros.

Principales mesures nouvelles en prélèvements obligatoires en 2018

(en milliards d'euros)

Baisses de prélèvements obligatoires

Nature de la mesure

Coût

Fin de la surtaxe d'impôt sur les sociétés

- 4,8

Montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

- 3,7

Création de l'impôt sur la fortune immobilière

- 3,2

Dégrèvement de la taxe d'habitation

- 3,2

Suppression contribution 3 % sur les dividendes

- 1,7

Création du prélèvement forfaitaire unique

- 1,4

Baisse du taux d'impôt sur les sociétés

- 1,2

Crédit d'impôt emploi à domicile

- 1,0

Crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires

- 0,6

Réforme du 5ème acompte

- 0,5

Hausses de prélèvements obligatoires

Nature de la mesure

Rendement

TVA bailleurs sociaux

0,8

Fiscalité du tabac

2,3

Fiscalité énergétique

3,7

Bascule cotisations / CSG

4,4

Autres mesures

0,3

Effet total sur le solde public

- 9,8

Note méthodologique : seules les mesures nouvelles dont l'impact budgétaire est au moins égal à 500 millions d'euros ont été détaillées.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement)

Cela a ainsi permis de diminuer légèrement le poids des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale , qui reste toutefois sensiblement plus élevé qu'avant-crise .

Évolution de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement)

La moitié de l'effet sur le solde des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires tient toutefois à la fin de la surtaxe d'impôt sur les sociétés mise en place à la suite de l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes, qui est comptabilisée comme une mesure exceptionnelle et temporaire et est donc sans effet sur l'ajustement structurel.

De ce fait, l'effort en recettes pèse donc à hauteur de 0,2 point seulement sur l'effort structurel.

Dès lors que l'effort en dépense est de seulement 0,3 point de PIB, l'effort structurel est limité à 0,1 point de PIB . Il peut être noté que l'effort structurel aurait même été négatif si la recapitalisation d'Areva, qui avait représenté une dépense de 4,5 milliards d'euros en 2017, avait été considérée comme une mesure exceptionnelle et temporaire, ainsi que le rappelle le Haut Conseil des finances publiques dans son avis 4 ( * ) .

Autrement dit, la stratégie budgétaire du « en même temps », qui visait à mener en parallèle une baisse du déficit structurel et des prélèvements obligatoires, est jusqu'à présent un échec , faute d'un effort suffisamment important de maîtrise de la dépense. Seuls la conjoncture et le dynamisme des recettes permettent encore de le masquer.

La communication gouvernementale autour du présent projet de loi de règlement met d'ailleurs en avant la diminution, pour la première fois, de la dépense publique en volume .

Croissance de la dépense publique hors crédits d'impôts
déflatée par l'indice des prix hors tabac

(taux d'évolution)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Cette présentation est toutefois biaisée .

D'une part, elle ne neutralise pas les facteurs exceptionnels que constituent le contrecoup de la recapitalisation d'Areva effectuée en 2017 (- 4,5 milliards d'euros) et du moindre remboursement de la taxe à 3 % sur les dividendes (3,7 milliards d'euros, contre 4,7 milliards d'euros en 2017).

D'autre part, elle est exprimée hors crédits d'impôts , alors même que les crédits d'impôts restituables, en forte hausse sous l'effet de la montée en charge du CICE, sont désormais enregistrés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale.

Une fois retraitée de ces deux biais, la croissance de la dépense publique en volume est positive et même supérieure au niveau de 2017 .

Différentes mesures de la croissance de la dépense publique
déflatée par l'indice des prix hors tabac

(taux d'évolution)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Ce manque de sérieux budgétaire transparait plus clairement encore à la lumière des règles budgétaires européennes .

B. L'EXERCICE 2018 ISOLE ENCORE DAVANTAGE LA FRANCE DU RESTE DE LA ZONE EURO EN MATIÈRE BUDGÉTAIRE

1. L'effort de redressement de la situation structurelle des comptes publics s'écarte des règles budgétaires européennes...

Si la France est sortie du volet « correctif » du pacte de stabilité à l'issue de l'exercice 2017, le Gouvernement reste soumis dans le cadre du volet « préventif » à trois règles budgétaires .

Tout d'abord, le pacte de stabilité encadre la trajectoire de solde structurel devant conduire à l'atteinte d'un « objectif à moyen terme » (OMT) ne devant pas dépasser - 0,5 % du PIB. Dans le cadre de la règle de déficit structurel , la France est ainsi tenue d' améliorer son solde structurel de 0,6 point de PIB au minimum jusqu'à atteindre son OMT, fixé à - 0,4 % du PIB par l'article 2 de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Afin de remédier aux difficultés liées à la mesure de l'ajustement structurel, une règle en dépense européenne , dont le respect est évalué conjointement à celui de la règle de déficit structurel, a été introduite en complément 5 ( * ) . En vertu de cette règle, la croissance des dépenses publiques « pilotables », nette des mesures nouvelles en recettes, ne peut excéder un taux de référence fixé à un niveau cohérent avec la trajectoire d'ajustement structurel 6 ( * ) . Ainsi, une hausse des dépenses publiques « pilotables » supérieure au taux de référence n'est admise que si elle est financée par une hausse des prélèvements obligatoires, rapprochant ainsi la règle en dépense européenne de la notion française d'effort structurel. Dans le cas français, le taux de référence à respecter au titre de l'année 2018 avait été fixé à 1,2 % par le Conseil de l'Union européenne.

Enfin, dans le cadre de la règle de dette , tout État membre dont le ratio d'endettement excède 60 % du PIB doit en principe réduire l'écart entre sa dette et le seuil de 60 % du PIB de 1/20e chaque année en moyenne sur trois ans. La France fait toutefois partie des États membres qui bénéficient temporairement d'une dérogation à cette règle, qui ne leur sera pleinement applicable qu'à l'issue d'une période de trois ans suivant la correction du déficit excessif. Dans l'intervalle, le Gouvernement est néanmoins tenu de respecter un ajustement structurel linéaire minimal de nature à garantir le respect du critère de réduction de la dette avant la fin de la période de transition. En pratique, cette règle impliquait pour la France de réduire son déficit structurel de 0,7 point de PIB en 2018 .

À l'issue de l'exercice 2018, il apparaît qu' aucune de ces trois règles n'a été respectée .

Évaluation du respect de l'effort budgétaire recommandé par le Conseil de l'Union européenne

(en points de PIB potentiel, taux d'évolution en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire adressé au Gouvernement et le rapport « France » de la Commission européenne établi le 5 juin 2019 conformément à l'article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne)

S'agissant de la règle de déficit structurel et de la règle en dépense européenne, dont la violation peut conduire à l'ouverture d'une procédure pour « déviation significative », un écart maximum de 0,25 point de PIB en moyenne sur deux ans et de 0,5 point de PIB sur une année est autorisé. En 2018, l'écart s'élève à 0,3 point de PIB dans le cadre de la règle en dépense européenne et de 0,5 point de PIB dans le cadre de la règle de déficit structurel. La France a donc épuisé la totalité de ses marges de manoeuvre à l'égard de la règle de déficit structurel à l'issue de l'exercice 2018 - et ce alors même que l'ajustement structurel prévu au titre de l'année 2019 est de nouveau très inférieur à l'objectif de 0,6 point de PIB.

S'agissant de la règle de dette, la France a dépassé dès 2018 la marge de manoeuvre maximale autorisée , qui s'élève à 0,25 % du PIB.

Les « progrès insuffisants accomplis par la France » dans le cadre de la règle de dette et la perspective d'un retour du déficit au-dessus du seuil de 3 % du PIB en 2019 ont ainsi conduit la Commission européenne à établir en juin dernier un rapport préalable à l'ouverture d'une procédure pour « déficit excessif » , qui peut être fondée sur la dette ou le déficit 7 ( * ) .

À l'issue d'une évaluation globale de l'ensemble des « facteurs pertinents », tenant compte notamment des faibles risques qui pèsent à court terme sur la soutenabilité de la dette française et des réformes structurelles mises en oeuvre par le Gouvernement, elle a toutefois conclu qu'une procédure pour déficit excessif fondée sur la dette n'était pas justifiée à ce stade - à l'inverse de ce qu'elle a décidé dans le cas italien.

2. ... ce qui nourrit la divergence observée entre la France et le reste de la zone euro, tant sur le plan du déficit que de la dette

Si le Gouvernement a donc une nouvelle fois pu compter sur la bienveillance des institutions européennes, l'absence de respect des règles budgétaires nourrit la divergence observée entre la France et le reste de la zone euro.

Sur le plan du déficit, avec une amélioration du solde nominal limitée à 0,2 point, la France figure ainsi parmi les pays de la zone euro où le redressement opéré l'an dernier est le plus faible .

Évolution du solde public des principaux pays
de la zone euro en 2018

(en points de PIB)

Note : si le solde public de la France est de - 2,5 % en 2018, contre - 2,8 % en 2017, l'amélioration n'est que de 0,2 point de PIB - la somme des arrondis différant de l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la base AMECO de la Commission européenne)

Par conséquent, l'écart avec le reste de la zone euro, déjà important à l'issue de l'exercice 2017, continue de se creuser .

Comparaison de l'évolution du déficit public
de la France et du reste de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la base AMECO de la Commission européenne)

Surtout, l'absence d'effort significatif de réduction du déficit se traduit cette année encore par une impossibilité d'infléchir l'endettement .

La dynamique de l'endettement

D'une année sur l'autre, la variation du taux d'endettement peut être décomposée comme la somme de trois facteurs .

Premièrement, le solde primaire , qui correspond au solde public hors charge de la dette.

Deuxièmement, l'ajustement stock-flux , qui correspond à la partie de la variation de l'endettement qui n'est pas reflétée dans le déficit (par exemple, les recettes tirées des privatisations, qui n'ont pas d'effet sur le déficit car elles constituent une opération financière au sens de la comptabilité nationale mais permettent de diminuer la dette).

Troisièmement, le différentiel entre le taux d'intérêt moyen que les administrations publiques paient sur leur dette (dit taux d'intérêt « apparent ») et le taux de croissance nominal de l'économie , rapporté au taux d'endettement initial.

Ce dernier facteur est communément désigné sous le terme d' effet « boule de neige » . En effet, il implique que même si une économie atteint l'équilibre primaire, l'endettement continue d'augmenter « tout seul » si le taux d'intérêt apparent est supérieur au taux de croissance nominal - et ce dans des proportions d'autant plus importantes que le stock initial de dette est élevé.

À l'inverse, si le taux d'intérêt apparent est inférieur au taux de croissance nominal, un solde primaire à l'équilibre (ou même légèrement négatif) suffit pour diminuer l'endettement. On parle alors d'effet « boule de neige » favorable.

Source : rapport d'information n° 468 (2018-2019) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de programme de stabilité pour les années 2019 à 2022, déposé le 29 avril 2019

En dépit d'un effet « boule de neige » (- 0,7 point de PIB) et d'un ajustement stock-flux (- 0,1 point de PIB) favorables, le solde primaire stabilisant l'endettement est tout juste atteint .

Décomposition de l'évolution de la dette publique française depuis 2015

(en points de PIB)

2015

2016

2017

2018

Dette publique

95,6

98,0

98,4

98,4

Évolution

0,7

2,4

0,5

0,0

dont : solde primaire

1,6

1,7

1,0

0,8

dont : effet « boule de neige »

- 0,1

0,3

- 0,9

- 0,7

dont : ajustement stock-flux

- 0,8

0,4

0,3

- 0,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du programme de stabilité 2019)

Avec l'Italie, la France est ainsi le seul grand pays de la zone euro à ne pas avoir infléchi son endettement public l'an dernier.

Évolution du taux d'endettement des principaux pays
de la zone euro en 2018

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la base AMECO de la Commission européenne)

Par conséquent, le caractère singulier de la trajectoire d'endettement de la France s'en trouve encore renforcé.

Comparaison de l'évolution du ratio d'endettement depuis 2006

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la base AMECO de la Commission européenne)

Pour la première fois, le ratio d'endettement français est ainsi supérieur à celui du reste de la zone euro hors Allemagne, tandis que le différentiel avec l'Allemagne atteint près de 40 points de PIB.

Si la trajectoire d'endettement française apparaît particulièrement singulière, il peut être souligné que l'absence de convergence sur le plan budgétaire constitue un problème plus général à l'échelle de la zone euro .

En effet, alors que l'on s'attendrait à ce que l'effort de redressement soit d'autant plus grand que la situation structurelle des comptes publics est dégradée, et qu'à l'inverse les pays disposant de marges de manoeuvre considérables assouplissent leur politique budgétaire pour investir et soutenir la croissance, c'est le phénomène inverse qui, en moyenne, a été observé l'an dernier.

Évolution du déficit structurel en 2018 en fonction de la distance à l'objectif
de moyen terme à l'issue de l'exercice 2017

(en points de PIB potentiel, taux d'évolution en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la base AMECO de la Commission européenne)

Or, sans revenir trop en détails sur le débat en cours concernant l'impact du contexte de taux bas sur la conduite de la politique budgétaire, qui a récemment fait l'objet d'une analyse détaillée de votre rapporteur général dans le cadre du programme de stabilité 2019-2022, à laquelle le lecteur est invité à se reporter 8 ( * ) , l'absence de reconstitution de marges de manoeuvre budgétaires dans les pays très endettés tels que la France ou l'Italie constitue indéniablement un facteur de vulnérabilité pour leurs économies et l'architecture de la zone euro dans son ensemble.

En particulier, elle risque de limiter la capacité des économies à faire face à un ralentissement, en empêchant la politique budgétaire de jouer son rôle d'amortisseur par le jeu des stabilisateurs automatiques et des plans de relance discrétionnaires.

À cet égard, de récents travaux empiriques suggèrent qu' un niveau d'endettement important altère fortement la résistance des économies aux chocs . Pour une crise financière de même ampleur, les pays disposant d'importantes marges de manoeuvre budgétaires (taux d'endettement de 25 % du PIB) connaissent ainsi une perte durable de PIB de moins d'un point en moyenne, tandis que les pays dont l'endettement est déjà élevé (taux d'endettement de 95 % du PIB) font face à une perte d'environ sept points de PIB, toutes choses égales par ailleurs 9 ( * ) . Le différentiel est encore plus significatif lorsque la politique monétaire est également contrainte, ce qui risque d'être le cas en zone euro 10 ( * ) .

En outre, un niveau élevé d'endettement rend les économies plus vulnérables à des enchaînements autoréalisateurs défavorables . Dans une telle situation, la hausse des coûts de financement se transmet au secteur privé et le poids de la charge de la dette peut contraindre le Gouvernement à couper dans les dépenses publiques productives ou à avoir recours à des impôts sources de distorsions , au risque de grever durablement le potentiel de croissance de l'économie, comme l'illustre l'épisode de consolidation budgétaire en zone euro 11 ( * ) .

III. LE REDRESSEMENT NOMINAL DES COMPTES PUBLICS RESTE PORTÉ PAR LA SPHÈRE SOCIALE ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La décomposition de l'évolution du déficit public en comptabilité nationale par sous-secteur fait apparaître des dynamiques contrastées : l'accroissement du déficit de l'État est plus que compensé par l'amélioration du solde de la sphère sociale, de la sphère locale et des organismes divers d'administration centrale.

Contributions des différents sous-secteurs des administrations publiques à l'évolution du déficit public entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

L'exercice 2018 permet ainsi aux administrations publiques locales et aux administrations de sécurité sociale de conforter leurs excédents , tandis que le déficit de l'État se détériore .

Évolution du solde des différents sous-secteurs des administrations publiques entre 2015 et 2018

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

État

- 73,3

- 73,8

- 66,1

- 69,9

Organismes divers d'administration centrale

- 2,5

- 6,2

- 4,4

- 2,7

Administrations publiques locales

- 0,1

+ 3,0

+ 1,6

+ 2,3

Administrations de sécurité sociale

- 3,8

- 2,2

+ 5,3

+ 10,8

Ensemble des administrations publiques

- 79,7

- 79,1

- 63,6

- 59,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

La décomposition de l'évolution du déficit est toutefois une mesure très imparfaite de l'ampleur des efforts réalisés par les différents sous-secteurs.

En effet, la dynamique de leurs recettes est très contrastée , dès lors que c'est à l'État qu'il revient de financer le coût des baisses de prélèvements obligatoires précédemment décrites.

Évolution des recettes des administrations publiques en 2018

(taux d'évolution en valeur)

Note méthodologique : en comptabilité nationale, les crédits d'impôts restituables sont enregistrés en tant que dépense, même lorsqu'en pratique ils viennent réduire l'impôt dû par le contribuable. Ce traitement a pour contrepartie une recette supplémentaire, qui est ici comptabilisée dans les « recettes brutes des crédits d'impôts » mais neutralisée dans les « recettes nettes des crédits d'impôts ».

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'Insee)

Ainsi, alors que la sphère locale et la sphère sociale ont vu leurs recettes s'accroître dans des proportions similaires, les recettes de l'administration centrale ont été peu dynamiques - et ont même diminué une fois les crédits d'impôts neutralisés, compte tenu de la montée en charge du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

Se concentrer sur l'évolution de la dépense présente également des difficultés majeures.

D'une part, les données de l'Insee sur les dépenses ne sont pas retraitées des transferts de compétences d'un sous-secteur vers l'autre et des mesures de périmètre des recettes vers les dépenses (ex : rebudgétisation de dépenses fiscales), ce qui ne permet ni de raisonner à champ constant d'une année sur l'autre, ni de comparer l'exécution avec les objectifs fixés dans les documents budgétaires et dans le rapport annexé à la loi de programmation, exprimés à champ constant.

D'autre part, apprécier l'ampleur des efforts réellement effectués impliquerait de comparer l'évolution de la dépense publique de chaque sous-secteur à la croissance de la dépense qui serait observée « à politique inchangée » , communément désignée sous le terme d'évolution « tendancielle ». En effet, ralentir la progression d'une dépense très dynamique peut représenter un effort considérable, tandis que stabiliser une dépense qui tend naturellement à diminuer traduit en réalité un relâchement de l'effort.

Or, contrairement à son prédécesseur, le Gouvernement n'a jamais communiqué aux parlementaires ses estimations de la croissance tendancielle de la dépense publique par sous-secteur , à l'exception notable de la sphère locale (pour les seules dépenses de fonctionnement) - ce que n'a pas manqué de critiquer votre rapporteur général par le passé 12 ( * ) .

Aussi, pour que l'examen du projet de loi de règlement et d'approbation des comptes prenne tout son sens, il serait nécessaire :

- d'enrichir le projet de loi de règlement de l'évolution de la dépense publique par sous-secteur hors transferts et crédits d'impôts , de façon à ce que celle-ci puisse être comparée à l'évolution prévisionnelle figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques et les annexes budgétaires ;

- que le prochain projet de loi de programmation des finances publiques soit l'occasion pour le Gouvernement de se montrer plus transparent sur la répartition des efforts , en fournissant aux parlementaires une estimation de la croissance tendancielle de la dépense de chaque sous-secteur des administrations publiques.

Ces précisions méthodologiques étant faites, la présente section s'attachera à décrire brièvement les évolutions des soldes de la sphère locale et de la sphère sociale en comptabilité nationale, avant d'analyser dans le détail les évolutions constatées pour l'État en comptabilité budgétaire, qui constituent par nature le coeur du projet de loi de règlement.

A. LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET LA SPHÈRE LOCALE ACCROISSENT LEURS EXCÉDENTS

1. En dépit du dynamisme de l'investissement, les administrations publiques locales parviennent à accroître leur excédent, grâce à une stricte maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement

S'agissant des administrations publiques locales, si la croissance de la dépense publique (+ 2,4 %) est très légèrement supérieure (+ 0,1 point) à l'objectif actualisé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 (+ 2,3 %), cela tient à la reprise plus forte qu'escompté de l'investissement local (+ 7,8 %, contre une prévision de + 7,4 %), en lien avec le cycle électoral communal.

Ainsi, c'est bien la contribution des dépenses d'investissement qui explique l'essentiel de la croissance de la dépense locale en 2018.

Évolution des dépenses des administrations publiques locales
et contributions à cette évolution

(taux d'évolution en valeur, contributions en points de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

À l'inverse, la progression globale des dépenses de fonctionnement en comptabilité nationale (+ 0,8 %) est inférieure de 0,1 point à la prévision actualisée, compte tenu notamment de la progression très modérée des dépenses de rémunération (+ 0,7 %), dans un contexte marqué par le gel du point d'indice et le report d'une année des mesures statutaires prévues par le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).

En comptabilité budgétaire (données provisoires au 30 avril 2019), la progression des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales (+ 0,3 %) est très inférieure à l'objectif fixé dans le cadre du mécanisme de contractualisation (+ 1,2 %) - en lien avec la baisse des dépenses de fonctionnement observée pour les seules collectivités sous contrat (- 0,2 %).

Évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales en comptabilité budgétaire en 2018 (bilan provisoire au 30 avril)

(taux d'évolution en valeur)

Ensemble des collectivités

322 collectivités concernées par la contractualisation

Objectif

+ 1,2

+ 1,2

Réalisation

+ 0,3

- 0,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les informations transmises par le Gouvernement)

Pour rappel, le différentiel entre l'objectif fixé en comptabilité nationale et celui prévu en comptabilité budgétaire s'explique par la décision du Gouvernement de ne pas tenir compte de l'évolution de l'inflation dans le cadre du mécanisme de contractualisation , afin d'afficher un taux de croissance maximum des dépenses de fonctionnement constant au cours du quinquennat 13 ( * ) , soit 1,2 % en valeur.

S'il avait été tenu compte du scénario d'inflation, qui prévoyait une accélération progressive de l'indice des prix à la consommation hors tabac entre 2018 (+ 1,0 %) et 2022 (+ 1,75 %), le taux de croissance maximum des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales aurait été fixé à 0,8 % en 2018, contre 1,6 % en 2022. Certes, ce choix laisse plus de marge de manoeuvre aux collectivités territoriales en début de période, mais votre rapporteur général tient à rappeler qu'il accentuera mécaniquement l'effort réel demandé en fin de période .

À partir du tendanciel d'évolution des dépenses de fonctionnement de la sphère locale, il est en tout état de cause possible d' estimer le montant des économies réalisées l'an dernier .

L'objectif d'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et des groupements à fiscalité propre impliquait d'après le Gouvernement la réalisation de 2,6 milliards d'euros d'économies par an, à partir d'un tendanciel d'évolution de la dépense de 2,5 % en valeur, soit 1,1 % en volume, correspondant à la croissance annuelle moyenne des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales constatée au cours de la période 2009-2014.

Sur la base de ce tendanciel, le montant des économies réalisées en 2018 peut être estimé à 3,5 milliards d'euros , soit un montant supérieur d'un milliard d'euros à l'objectif.

Toutefois, ainsi que l'avait souligné votre rapporteur général 14 ( * ) , le tendanciel retenu par le Gouvernement conduisait à sous-évaluer les efforts réalisés par la sphère locale , dès lors que :

- la période de référence retenue (2009-2014) n'était pas représentative de l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales sur plus long terme ;

- les efforts structurels déjà réalisés par les collectivités territoriales sur la période de référence n'étaient pas neutralisés.

En admettant de retenir la période 2009-2014 comme référence, votre rapporteur général avait recalculé le tendanciel en neutralisant les efforts structurels réalisés par les collectivités territoriales sur cette période liés à la non-indexation des dépenses de personnel sur l'inflation et à la diminution des concours de l'État. Cela conduisait à une évolution tendancielle de 1,9 % en volume , et non de 1,1 %.

À partir de ce tendanciel, le montant des économies réalisées en 2018 par la sphère locale s'élèverait à 5 milliards d'euros .

Estimation des économies réalisées sur les dépenses de fonctionnement
par les administrations publiques locales en 2018

(en milliards d'euros)

Note méthodologique : les économies ont été calculées à partir d'un scénario contrefactuel où les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales en valeur auraient évolué à un rythme correspondant à la somme de leur croissance tendancielle en volume (1,1 % ou 1,9 % selon l'estimation) et de l'inflation hors tabac constatée en 2018 (1,6 %).

Source : commission des finances du Sénat

Encore une fois, les collectivités territoriales ont donc démontré leur capacité à participer à l'effort collectif de maîtrise de la dépense .

2. L'excédent croissant dégagé par les administrations de sécurité sociale est inférieur à la prévision et fragile à moyen terme

Comme la sphère locale, les administrations de sécurité sociale sont parvenues à accroître leur excédent l'an dernier (+ 5,4 milliards d'euros).

Décomposition de l'évolution du solde des administrations de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

2017

2018

Régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

- 6,3

- 2,3

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

1,0

- 1,0

Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

14,3

14,8

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

- 1,8

- 1,2

Autres régimes de sécurité sociale

- 1,5

0,0

...dont assurance chômage

- 3,2

- 2,7

...dont régimes complémentaires

0,5

1,1

Organismes dépendant des assurances sociales (Odass)

- 0,5

0,5

Solde

5,3

10,7

Source : commission des finances du Sénat (d'après les informations transmises par le Gouvernement)

L'amélioration du solde est toutefois inférieure de plus de 2 milliards d'euros à la prévision révisée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Comparaison de la prévision et de l'exécution
pour le solde des administrations de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

PLFSS 2019

Exécution

2017

2018

Évolution

2017

2018

Évolution

6,3

13,8

7,5

5,3

10,7

5,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les informations transmises par le Gouvernement)

D'après les informations transmises par le Gouvernement, outre la révision du solde 2017 par l'Insee (- 1,0 milliard d'euros, dont 300 millions d'euros sont repris en base en 2018), ce sont essentiellement les recettes qui expliquent cet écart , compte tenu notamment :

- de la modification de la « clé de TVA » en comptabilité nationale : celle-ci a été réduite d'un milliard d'euros au profit de l'État, ce qui dégrade le solde des administrations de sécurité sociale du même montant ;

- des recettes exceptionnelles prises en compte par l'Unédic dans ses comptes de trésorerie mais non rattachées économiquement à l'exercice 2018 en comptabilité nationale : cet effet, qui était estimé à environ 250 millions d'euros lors de la budgétisation, a finalement joué à hauteur de 800 millions d'euros - d'où une dégradation de près 600 millions d'euros du solde des administrations de sécurité sociale.

À l'inverse, sur le plan des dépenses , si les charges de l'Unédic ont dépassé de 600 millions d'euros la prévision, cela a été contrebalancé principalement par des dépenses moindres qu'attendu sur la masse salariale et les hôpitaux (- 0,5 milliard d'euros).

De façon plus préoccupante, le redressement des comptes sociaux observé l'an passé apparaît particulièrement fragile.

En effet, l'amélioration du solde observée l'an dernier (+ 5,4 milliards d'euros ) tient principalement à la contribution du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) (+ 4,0 milliards d'euros), portée par la branche maladie (+ 4,2 milliards d'euros).

Décomposition de l'évolution du besoin de financement du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

2017

2018

Maladie

- 4,9

- 0,7

Accidents du travail

1,1

0,7

Retraite

1,8

0,2

Famille

- 0,2

0,5

Fonds de solidarité vieillesse

- 2,9

- 1,8

Résultat comptable

- 5,1

- 1,2

Contribution au déficit en comptabilité nationale

- 6,3

- 2,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale)

Or, ce redressement est en majeure partie de nature conjoncturelle, ainsi que n'a pas manqué de le souligner la Cour des comptes 15 ( * ) .

Si les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires améliorent le solde structurel du régime général et du FSV de 1,6 milliard d'euros, l'effort structurel en dépense est négatif (- 1,2 milliard d'euros), les dépenses du régime général et du FSV ayant évolué à champ constant à un niveau légèrement supérieur à la croissance potentielle.

L'essentiel du redressement du solde effectif opéré tient donc à deux facteurs conjoncturels :

- le rythme de croissance de l'économie française , supérieur à son potentiel ;

- l' élasticité des recettes à l'activité , plus forte qu'à l'accoutumée.

Si l'amélioration des comptes sociaux observée l'an passé ne résisterait donc pas à un retournement du cycle économique, une seconde source de fragilité tient au fait que l'excédent dégagé par la sphère sociale dans son ensemble constitue à bien des égards un « trompe-l'oeil » .

En effet, cet excédent demeure subordonné à la contribution positive au solde de la sphère sociale de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui s'élève actuellement à 0,6 point de PIB.

À titre de rappel, la contribution positive de la Cades s'explique par le fait que si la totalité de ses ressources sont considérées comme des recettes en comptabilité nationale, tel n'est le cas que d'une faible partie de ses dépenses. En effet, les remboursements du capital des emprunts ne constituent pas une dépense en comptabilité nationale, dès lors qu'ils ne modifient pas la valeur nette du patrimoine des administrations publiques, contrairement aux remboursements des intérêts 16 ( * ) . Il en résulte donc un excédent, qui contribue optiquement à améliorer la situation des comptes sociaux.

Toutefois, cette contribution positive au solde de la sphère sociale a de fortes chances de s'éteindre avec la Cades en 2024.

En effet, si son extinction conduisait les pouvoirs publics à supprimer tout ou partie des 24 milliards d'euros de prélèvements obligatoires qui lui sont affectés , cela aurait naturellement pour effet de dégrader le solde de la sphère sociale à due concurrence.

Mais le même résultat serait observé en cas d' affectation de tout ou partie des recettes actuelles de la Cades à autre chose qu'au désendettement , dès lors que la charge qui en résulterait serait alors regardée comme une dépense en comptabilité nationale, contrairement aux remboursements du capital de la dette sociale. À titre d'exemple, le déficit de la sphère sociale se creuserait si la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) était affectée au financement de la perte d'autonomie ou remplacée par un prélèvement ayant le même objectif, ainsi que l'a récemment recommandé le rapport issu de la concertation « Grand âge et autonomie » 17 ( * ) .

Pour apprécier la situation budgétaire de la sphère sociale à moyen terme, il apparaît donc préférable de neutraliser la contribution positive de la Cades.

Décomposition de l'évolution du solde des administrations de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

2017

2018

Solde

5,3

10,7

...dont : CADES

14,3

14,8

Solde hors CADES

- 9,0

- 4,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les informations transmises par le Gouvernement)

En l'absence de contribution positive de la Cades, les administrations de sécurité sociale resteraient ainsi légèrement déficitaires en 2018 , ce qui témoigne à la fois de la fragilité de la situation budgétaire de la sphère sociale et de la nécessité de poursuivre le redressement des comptes sociaux dans la durée.

B. LE BUDGET DE L'ÉTAT

1. Le déficit budgétaire de l'État se dégrade de manière importante entre 2017 et 2018

Le déficit budgétaire se dégrade de 8,3 milliards d'euros entre 2017 et 2018, passant de 67,7 milliards d'euros à 76,0 milliards d'euros .

Le déficit budgétaire serait toutefois encore plus important en 2018 si une erreur de comptabilisation n'avait pas affecté les droits de mutation en 2017 18 ( * ) . Cette erreur avait en effet entraîné un moindre encaissement à hauteur de 1,4 milliard d'euros au titre de 2017 et un rattrapage du même montant en 2018. En neutralisant cette erreur, le déficit de 2017 aurait donc été de 66,3 milliards d'euros et celui de 2018 s'élèverait à 77,4 milliards d'euros .

Décomposition des facteurs d'évolution du solde budgétaire de l'État
entre 2017 et 2018 en exécution

(en milliards d'euros)

ISF : impôt de solidarité sur la fortune ; IFI : impôt sur la fortune immobilière ; TH : taxe d'habitation.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

On peut distinguer d'une part les facteurs d'évolution correspondant à la prise en compte d'opérations exceptionnelles ou indépendantes de la politique menée en 2018 , dont l'effet a été de réduire le déficit de 4,8 milliards d'euros , d'autre part ceux qui relèvent directement de la politique menée par le gouvernement et qui ont aggravé le déficit de 13,0 milliards d'euros .

S'agissant de la première série de facteurs, si l'augmentation du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, qui dégrade le solde de 4,3 milliards d'euros, est presque compensée par la diminution de 3,5 milliards d'euros qui concerne celui en faveur des collectivités territoriales, deux phénomènes ont contribué mécaniquement à améliorer le solde en 2018 par rapport à 2017 :

- d'une part, le décalage, mentionné supra de la comptabilisation de recettes de droits de mutation à hauteur de 1,4 milliard d'euros du budget 2017 vers le budget 2018 entraîne une réduction purement optique de 2,8 milliards d'euros de l'écart entre les déficits de ces deux années ;

- d'autre part, l'année 2017 avait connu une dépense exceptionnelle de 7,5 milliards d'euros en faveur de la recapitalisation d'EDF et d'Areva , qui, comme en sens inverse le versement de la trésorerie de la Coface, constitue une mesure exceptionnelle qui n'a pas lieu d'être prise en compte dans une comparaison des deux années.

Enfin la dégradation du solde des comptes spéciaux par rapport à 2017 s'explique principalement par le reversement au compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » 19 ( * ) en 2017 de la trésorerie déposée par l'État auprès de la Coface, réduisant le déficit budgétaire de l'État de 2017 de 3,9 milliards d'euros selon l'exposé général du présent projet de loi de règlement des comptes.

S'agissant des mesures relevant véritablement de la politique gouvernementale, on peut noter en premier lieu une augmentation des dépenses des ministères , hors recapitalisation du secteur énergétique, de 13,0 milliards d'euros .

En second lieu, en termes de recettes, la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a entraîné comme prévu une diminution des recettes de 3,2 milliards d'euros . La première phase de la mise en oeuvre du dégrèvement de taxe d'habitation a également diminué les recettes fiscales nettes de 3 milliards d'euros , tandis que les autres recettes croissaient de 3,3 milliards d'euros .

L'évolution des dépenses des ministères comme des recettes sera présentée plus en détail infra.

2. Le résultat est moins défavorable en comptabilité générale

Le résultat patrimonial est de - 51,9 milliards d'euros, contre - 61,1 milliards d'euros en 2017, soit une amélioration de 9,2 milliards d'euros.

Résultat patrimonial et solde budgétaire

Le résultat patrimonial, mesuré par la comptabilité générale de l'État, est la différence entre les produits et les charges. Ceux-ci sont mesurés en fonction de la date où naissent les droits et non au moment de l'encaissement ou du décaissement effectifs des sommes dues.

Le solde budgétaire, qui se traduit par un déficit lorsqu'il est négatif, est la différence entre les recettes et les dépenses budgétaires. Celles-ci sont affectées à l'année au cours de laquelle les sommes sont effectivement encaissées ou décaissées.

En outre, certains mouvements sont imputés différemment sur le solde budgétaire et sur le résultat patrimonial. Par exemple, une acquisition d'immobilisation (investissement) entraîne un décaissement mais n'a pas d'effet immédiat sur le résultat patrimonial, car l'État ne s'appauvrit en principe pas au moment où il est réalisé ; toutefois le montant de cet investissement pourra faire l'objet d'amortissements ou de dépréciations au cours des années ultérieures, lesquels auront un impact sur le résultat patrimonial mais pas sur le solde budgétaire.

En se fondant sur l'existence de droits, la comptabilité générale permet ainsi, de manière complémentaire à la comptabilité budgétaire, d'apprécier les marges de manoeuvre réelles de l'État sans dépendre de modalités pratiques de paiement des dépenses ou de perception des recettes telles que les acomptes.

Source : commission des finances

a) Le résultat patrimonial bénéficie de la hausse des recettes fiscales en comptabilité générale

L'amélioration du résultat patrimonial est liée à celle des produits fiscaux nets tels que mesurés par la comptabilité générale, qui augmentent de 14,7 milliards d'euros. Les produits régaliens nets dans leur ensemble progressent de 11,5 milliards d'euros, les ressources propres du budget de l'Union européenne augmentant de 4,3 milliards d'euros.

Évolution du résultat patrimonial entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du compte général de l'État

Cette amélioration résulte également de la diminution de 6,8 milliards d'euros des charges de fonctionnement nettes , dont le montant est en 2018 de 188,9 milliards d'euros. Cette baisse ne correspond pas à une diminution des charges de personnel, qui augmentent au contraire de 2,7 milliards d'euros pour atteindre 145,9 milliards d'euros, mais à la fin des litiges liés à l'annulation en 2017 par le Conseil constitutionnel de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 %. Celle-ci contribue à la diminution de 7,9 milliards d'euros des dotations nettes de reprises des provisions pour charges liées à l'impôt.

En sens inverse, les charges financières nettes atteignent 22,5 milliards d'euros en 2018, soit une augmentation de 5,8 milliards d'euros ou de 35 %, en raison de l'augmentation des dépréciations de participations, ceci malgré la cession de certains titres tels que Safran et Engie et la poursuite du mouvement de baisse des taux d'intérêt qui réduit le montant des intérêts financiers payés.

Enfin, les charges d'intervention nettes augmentent de 3,3 milliards d'euros et atteignent 154,7 milliards d'euros en 2018. Le phénomène dominant est l'augmentation des dotations aux aides au développement et une reprise de dotation liée à la suppression du dispositif de majoration des rentes viagères. Les transferts aux ménages augmentent pour leur part de 0,9 milliard d'euros, mais c'est par un effet de périmètre lié à la rebudgétisation du fonds de solidarité : l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés (+ 339 millions d'euros) et de la prime d'activité (+ 258 millions d'euros), ainsi que l'entrée en vigueur du chèque énergie (+ 417 millions d'euros) sont plus que compensés par la diminution des aides au logement (- 1 281 millions d'euros). Les transferts aux entreprises et aux collectivités sont en légère baisse à la suite notamment de la baisse du financement des contrats aidés.

b) L'écart entre le solde budgétaire et le résultat patrimonial est particulièrement important

La différence entre le solde budgétaire et le résultat patrimonial atteint 24,1 milliards d'euros en 2018. Un tel écart n'avait pas été observé depuis les années 2009 et 2010 : des dépenses budgétaires exceptionnelles, dont le lancement du programme d'investissements d'avenir 20 ( * ) , ne s'étaient alors pas retrouvées dans le résultat patrimonial. En 2017, le solde budgétaire, égal à - 67,7 milliards d'euros, était inférieur de 6,7 milliards d'euros seulement au résultat patrimonial.

Solde budgétaire et résultat patrimonial de l'État de 2008 à 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances (à partir du compte général de l'État et des données ouvertes de la Cour des comptes)

Ce décalage entre le déficit budgétaire et le résultat patrimonial n'est pas en soi anormal : par exemple, un investissement entraîne une dépense budgétaire immédiate mais son effet sur le résultat patrimonial ne se fait sentir qu'à travers les amortissements et dépréciations au cours des années ultérieures. Les immobilisations corporelles et incorporelles contribuent d'ailleurs à ce décalage pour un montant de 3,9 milliards d'euros en 2018, et pour près de 3 milliards d'euros en 2016 et en 2017.

Un phénomène plus spécifique constaté au cours des années récentes est l'étalement des primes et décotes sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) : il s'agit de la prise en compte sur toute la durée d'une OAT, en comptabilité générale, de l'encaissement de primes 21 ( * ) comptabilisées uniquement lors de l'émission en comptabilité budgétaire. En 2018, cet étalement a un impact positif de 7,3 milliards d'euros sur le résultat patrimonial ; il était presque identique en 2017. L'effet de ces étalements est partiellement compensé par les charges résultant de l'indexation des OAT, qui a un effet en comptabilité générale supérieur de 1,1 milliard d'euros à son impact en comptabilité budgétaire en raison d'une différence dans la date de référence retenue pour l'inflation.

Décomposition du passage du déficit budgétaire au résultat patrimonial

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2018 et du rapport de présentation du compte général de l'État

La principale raison du niveau inhabituel du décalage observé en 2018 relève toutefois du recouvrement des impôts d'État par acomptes . Il contribue positivement à hauteur de 5,8 milliards d'euros au décalage entre le déficit budgétaire et le résultat patrimonial, en raison principalement de l'introduction du prélèvement forfaitaire unique 22 ( * ) et de la prise en compte en comptabilité générale des acomptes relatifs à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés et à sa contribution additionnelle, encaissés budgétairement en 2017.

Par ailleurs, la mise en place du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) a également des modalités présentées infra, qui ont un effet plus favorable en comptabilité générale que budgétaire.

c) La situation nette bénéficie d'effets conjoncturels et comptables

S'agissant du bilan, c'est-à-dire de la comparaison entre l'actif et le passif, la situation nette de l'État se détériore de 33,7 milliards d'euros , passant de - 1 261,9 milliards d'euros en 2018 à - 1 295,6 milliards d'euros en 2018. Le passif augmente en effet de 73 milliards d'euros, la responsabilité en revenant surtout à la croissance de la dette financière de l'État (+ 70,0 milliards d'euros), tandis que l'actif n'augmente que de 39,3 milliards d'euros.

Si le passif de l'État est structurellement inférieur à son actif 23 ( * ) , l'évolution négative de la situation nette , année après année , traduit un appauvrissement progressif de l'État . La situation nette, qui était de - 675,5 milliards d'euros en 2009, a connu une aggravation de 92 % en neuf ans .

Elle bénéficie pourtant cette année d'un effet conjoncturel sur la valeur de l'actif : les immobilisations corporelles voient leur valeur nette augmenter de 21,3 milliards d'euros, soit plus de 4 % en une seule année, sous l'effet notamment de la hausse importante du coût de la construction.

Le rapport de présentation du compte général de l'État indique également que les participations de l'État ont augmenté de 8,7 milliards d'euros en 2018, principalement en raison de la mise en place du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), mis en place en 2018. Dans ce cadre, Bpifrance a reçu une dotation en numéraire de 1,6 milliard d'euros ainsi que des titres des sociétés EDF et TSA (société qui détient 25,76 % du capital de Thales) pour une valeur de 9,3 milliards d'euros.

Ce dispositif, qui n'a pas été opérationnel en 2018 en raison de sa complexité, est fortement critiqué par la Cour des comptes, qui recommande sa réintégration dans le budget de l'État 24 ( * ) . Elle considère que la dotation du fonds en numéraire et en titres a un simple effet d'affichage, puisqu'ils n'ont pas vocation à être consommés, seul leur rendement estimé à 200 à 300 millions d'euros par an devant soutenir le développement de l'innovation.

Votre rapporteur général fait observer que les mêmes actions auraient pu être réalisées dans le cadre du budget général, plus rapidement et avec un coût certainement moindre . En effet, l'utilité spécifique du FII est difficile à saisir alors qu'il existe d'autres dispositifs de soutien à l'innovation, dont le programme des investissements d'avenir (PIA). Il contribue en tout état de cause à la complexité des schémas de financement. À titre d'exemple, le programme Nano 2022 de soutien à la filière nanoélectrique reçoit des financements de l'État à travers trois vecteurs différents : des crédits budgétaires relevant du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », une contribution du PIA et une autre du FII, ces deux dernières étant reversées au même programme 192 via un fonds de concours.

3. Les dépenses des ministères augmentent de 1,4 milliard d'euros
a) Une majorité de missions voient leurs dépenses croître

Les dépenses augmentent pour vingt des vingt-neuf missions du budget général, hors remboursements et dégrèvements et dette. La progression est supérieure à 500 millions d'euros pour cinq d'entre elles.

La mission « Enseignement scolaire » connaît, comme en 2017, la plus forte hausse parmi les missions du budget général, avec une augmentation de crédits de près de 1,3 milliard d'euros, contre 1,8 milliard d'euros d'augmentation en 2017. Le nombre de créations de postes ralentit toutefois par rapport aux années antérieures.

Les crédits de la mission « Défense » progressent de presque 1 milliard d'euros. Cette hausse concerne aussi bien les dépenses de personnel (+ 243 millions d'euros) que les dépenses de fonctionnement (+ 235 millions d'euros) et d'investissement (+ 463 millions d'euros).

L'accroissement des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » , à hauteur de 797 millions d'euros, est liée au vieillissement de la population et à la revalorisation de la prime d'activité et de l'allocation adulte handicapés (AAH), qui représentent 80 % des crédits consommés sur cette mission.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmentent de 675 millions d'euros, en particulier pour ce qui concerne la formation supérieure, la recherche spatiale et les crédits alloués à l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Enfin, l'augmentation de 667 millions d'euros des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est liée en grande partie à la généralisation du chèque énergie.

Répartition des missions selon que la consommation des crédits est,
à périmètre constant, inférieure ou supérieure à l'exécution 2017

(en millions d'euros, données 2017 retraitées au périmètre 2018)

Périmètre : Missions du Budget général, hors remboursements et dégrèvements, hors dette et pensions, hors fonds de concours et attributions de produits, hors recapitalisations d'Areva en 2017.

Source : commission des finances, à partir des données du projet de loi de règlement

Par ailleurs, trois missions contribuent de manière notable à la diminution des crédits, sans toutefois compenser les hausses.

La mission « Travail et emploi » , dont les crédits diminuent de 2 322 millions d'euros à périmètre constant 25 ( * ) , est marquée par la réduction du nombre de contrats aidés et l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises.

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » diminuent de 960 millions d'euros, principalement sous l'effet de la réduction des aides personnelles au logement. Il convient de rappeler que cette diminution ne correspond pas réellement à un effort d'économie, mais à un simple transfert de charges vers les organismes de logement social qui subissent en conséquence une diminution des loyers.

Enfin la diminution de 817 millions d'euros des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » doit être appréciée par rapport à une année 2017 caractérisée par des dépenses d'un niveau exceptionnel suite aux refus d'apurement prononcés par la Commission européenne 26 ( * ) .

b) Les dépenses de personnel et les effectifs de l'État retrouvent le rythme de progression du quinquennat précédent

Après une augmentation très importante de 3,7 % en 2017, l'augmentation des dépenses de personnel est de 1,9 % en 2018 , représentant 1,6 milliard d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution des dépenses de personnel
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros, AE = CP, hors CAS « Pensions »)

Source : commission des finances, à partir des données du projet de loi de règlement

Cette moindre augmentation concerne aussi bien les mesures catégorielles (+ 302,0 millions d'euros en 2018 contre + 1 302,7 en 2017) que les mesures générales (+ 44,2 millions d'euros en 2018 contre + 664,1 millions d'euros en 2017). Pour mémoire, l'année 2017 avait été marquée par les conséquences de décisions prises au cours des années précédentes et par les effets des mesures catégorielles, notamment la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), et des mesures générales, dont la revalorisation du point d'indice.

L'augmentation en 2018 provient de l'effet en année pleine des mesures mises en place en 2017 ainsi que de l'instauration de l'indemnité compensatrice de la hausse de la CSG dans la fonction publique. Le schéma d'emploi contribue pour 281,3 millions d'euros à l'augmentation des dépenses de personnel.

Alors que le Gouvernement s'était engagé à ce que l'année 2018 constitue une première année de mise en place de mesures fortes de réduction de l'emploi public , on doit en réalité conclure qu'elle a constitué un retour à la pratique des années 2015 à 2016 . Au cours des années précédentes, des diminutions du schéma d'emploi avaient au contraire permis de réaliser de réelles économies sur les dépenses de personnel.

Impact du schéma d'emplois et des mesures catégorielles
et générales de 2009 à 2018

(En pourcentage, évolution d'une année à la suivante à périmètre constant)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

L'exploitation des données du compte général de l'État 27 ( * ) , établies en comptabilité générale, permet de constater que les programmes qui ont le plus contribué aux hausses des rémunérations de personnel sont des programmes liés à l'enseignement ainsi que, depuis 2017, des programmes relatifs à la défense , la sécurité et la justice .

Principales évolutions annuelles des rémunérations du personnel
en fonction des programmes en comptabilité générale

(en volume)

Note de lecture : le tableau comprend les huit programmes budgétaires ayant connu les plus grandes évolutions, toutes à la hausse, des rémunérations de personnel en 2018 en comptabilité générale. Chaque barre horizontale indique l'augmentation des rémunérations du personnel en fonction de l'année précédente, à périmètre constant. Les données pour le programme « Soutien de la politique de la défense » ne sont pas disponibles pour 2015 en raison d'un changement de méthodologie.

Source : commission des finances, à partir des données du compte général de l'État

4. Les recettes de l'État sont stables

Pour la première fois depuis 2014, les recettes de l'État n'ont pas augmenté entre 2017 et 2018. Les recettes fiscales nettes ont même diminué de 247,3 millions d'euros tandis que les recettes non fiscales nettes augmentaient de 81,8 millions d'euros.

Évolution du total des ressources de l'État de 2012 à 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

a) Les recettes fiscales nettes ne diminuent pas en raison d'une forte croissance spontanée

L'évolution des recettes fiscales nettes dépend d'une part de l'évolution spontanée à droit constant, d'autre part de l'effet en 2018 des mesures prises en loi de finances ou antérieurement à la loi de finances. Ces deux séries de facteurs se compensent presque.

Décomposition des facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes
entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les recettes fiscales nettes bénéficient ainsi d'une croissance spontanée remarquable puisque leur élasticité à la croissance est de 1,8 pour la deuxième année consécutive. Ce niveau est très supérieur à l'élasticité « naturelle » de 1, qui n'avait d'ailleurs jamais été dépassée entre 2011 et 2016. Votre rapporteur général souligne le niveau inhabituel, voire anormal, de cette élasticité : il ne serait pas prudent de considérer qu'elle se maintiendra au cours des années à venir et les recettes fiscales nettes pourraient donc suivre une évolution plus proche de la croissance, elle-même ralentie.

Élasticité prévisionnelle et réalisée des recettes fiscales de l'État à la croissance de 2011 à 2018

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et du rapport sur le budget de l'État en 2018 de la Cour des comptes

Le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2019 prévoit un retour de l'élasticité à un niveau de 1,2 en 2019. Toute prévision d'élasticité des recettes fiscales présente toutefois des limites , comme l'a montré la Cour des comptes dans un référé du 25 février 2014 28 ( * ) . On peut ainsi faire observer que l'écart moyen entre la prévision et l'exécution d'élasticité des recettes fiscales nettes, qui sont représentées dans le graphique supra , a été en valeur absolue de 0,75 entre 2011 et 2018 ; or l'écart moyen serait à peine supérieur, à 0,80, si l'on avait simplement retenu chaque année une « prévision » égale à 1 .

Les principales mesures affectant l'évolution des recettes fiscales nettes sont présentées ci-après par grand impôt.

Un examen de l'évolution annuelle du produit net des grands impôts sur les années récentes montre que l'impôt le plus dynamique est la TVA, alors que c'était l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés en 2013. Ce dernier impôt présente toutefois de grandes variations d'une année à l'autre.

Évolution annuelle schématique des ressources fiscales nettes (RFN)
de l'État depuis 2013

(Évolution par rapport à l'année précédente)

Lecture : les recettes nettes de TVA ont progressé chaque année. En revanche, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés ont augmenté en 2013 et en 2017 et ont diminué les autres années.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En 2018, c'est ainsi les recettes d' impôt sur les sociétés qui connaissent la plus forte baisse , à hauteur de 8,3 milliards d'euros, soit - 23,3 %. Si son évolution spontanée est estimée à + 6,4 %, les mesures nouvelles et antérieures entraînent une baisse de 10,6 milliards d'euros. Ces mesures comprennent le contrecoup des contributions exceptionnelle et additionnelle instituées en 2017 pour 4,8 milliards d'euros, l'évolution du CICE pour 3,5 milliards d'euros et la baisse de taux d'impôt sur les sociétés pour 1,2 milliard d'euros.

Les recettes d 'impôt sur le revenu sont stables à 73,0 milliards d'euros. L'évolution spontanée de + 4,3 % est notamment contrebalancée par les effets d'une part de la transformation de la réduction d'impôt relative à l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt, d'autre part par l'entrée en vigueur du prélèvement forfaitaire unique.

L'impôt sur les sociétés comme l'impôt sur les revenus ont ainsi été marqués par un niveau de remboursements et dégrèvements élevé suite à un nombre de contentieux inattendu , sur lesquels votre rapporteur général reviendra infra dans son analyse des ouvertures de crédit complémentaires demandées par le présent projet de loi de règlement.

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a fourni des recettes en hausse de 4,3 milliards d'euros.

Celles de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui s'applique pour la première fois en 2018, sont de 1 291 millions d'euros 29 ( * ) , soit un montant supérieur de 441 millions d'euros, ou 52 %, au produit prévu lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018. L'ensemble de la recette fiscale n° 1406, intitulée « Impôt sur la fortune immobilière », a produit un rendement de 1 899,9 millions d'euros contre une prévision en loi de finances initiale de 1 818,9 millions d'euros, soit une augmentation de 71 millions d'euros seulement. Cette recette comprend notamment, outre l'IFI proprement dit, des encaissements d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des exercices antérieurs pour un montant égal en 2018 à 560,9 millions d'euros. Au total, la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière a diminué les recettes de 3,2 milliards d'euros par rapport à 2017.

Enfin la première tranche de dégrèvement de la taxe d'habitation a réduit de 3,0 milliards d'euros le produit des recettes fiscales nettes.

b) Les recettes non fiscales demeurent mal suivies

Les recettes non fiscales sont en légère hausse de 0,1 milliard d'euros. D'une manière générale, ces recettes sont très stables d'une année à l'autre, sauf événement exceptionnel comme en 2016 avec l'encaissement de recettes liées à la vente de la bande des « 700 MHz » aux opérateurs mobiles.

Elles ont toutefois dépassé de 0,7 milliard d'euros le produit attendu en loi de finances initiale.

En particulier, les retours financiers liés aux PIA , qui arrivent à un stade de réalisation où ces retours sont de plus en plus importants, souffrent d'un manque criant de lisibilité , comme le faisait observer notre collègue rapporteur spécial Christine Lavarde 30 ( * ) : les données ne sont pas assez précises pour chiffrer précisément les retours. La Cour des comptes note pour sa part que les retours financiers (remboursement de prêts ou d'avances, produit de certains actifs ou rémunération de droits concédés) liés à la mise en oeuvre des programmes d'investissements d'avenir (PIA) seraient de 728 millions d'euros entre 2011 et la mi-2018 selon les documents budgétaires, qui reprennent les données des opérateurs, alors que les recettes non fiscales comptabilisées à ce titre dans Chorus sont seulement de 271 millions d'euros.

Votre rapporteur général souligne la nécessité de donner une présentation plus complète et plus précise des retours financiers dans les documents budgétaires, en distinguer notamment les recettes encaissées par les opérateurs de celles effectivement perçues par l'État.

Évolution du montant des recettes non fiscales de 2013 à 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Deux recettes non prévues ont contribué à accroître le produit des recettes non fiscales par rapport aux prévisions établies en loi de finances initiale pour 2018.

D'une part le dividende versé par la Caisse des dépôts et consignations a été de 1 milliard d'euros, soit un niveau proche de celui de 2017 (0,9 milliard d'euros), mais supérieur de 0,5 milliard d'euros au montant prévu en loi de finances initiale 31 ( * ) .

D'autre part l'augmentation du coût de la tonne de CO 2 a permis de percevoir des recettes de ventes de quotas carbone à hauteur de 0,3 milliard d'euros, alors que jusqu'à présent le produit de ces ventes demeurait inférieur au plafond de 550 millions d'euros au-dessous duquel il est affecté à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Évolution du montant des recettes non fiscales de l'État entre 2017 et 2018,
par catégorie de recettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En sens inverse, le produit des amendes prononcées en 2018 par les autorités de la concurrence a été inférieur de 0,2 milliard d'euros à la prévision. Le risque d'un faible niveau d'encaissement de ces amendes avait pourtant été identifié lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2018, mais il n'avait pas été pris en compte dans les hypothèses sous-jacentes au budget 32 ( * ) .

Les versements de dividendes et recettes assimilées ont augmenté de 117 millions d'euros par rapport à 2017. Cette augmentation n'est toutefois pas significative , car EDF qui, en 2016 et en 2017, a payé son dividende en actions, a réglé en 2018 une partie de celui-ci en numéraire, contribuant ainsi au produit des recettes non fiscales à hauteur de 0,3 milliard d'euros sans que cela corresponde à une augmentation du dividende total.

Votre rapporteur général note que c'est, à l'inverse, à une moins-value sur les recettes non fiscales qu'il faut s'attendre en 2019 , car le Gouvernement a finalement renoncé à recevoir de la part d'EDF un dividende en numéraire 33 ( * ) , pourtant prévu par le projet de loi de finances initiale.

Les produits de la vente de biens et services progressent de manière importante, principalement en raison de la comptabilisation, mentionnée supra , du produit des ventes de quotas d'émission carbone. Ce poste pourrait encore progresser en 2019, dans la mesure où le plafond d'affectation de ce produit à l'ANAH a été abaissé à 420 millions d'euros par la loi de finances pour 2019.

Enfin, le produit des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites diminue fortement pour passer de 1,9 milliard d'euros en 2017 à 1,5 milliard d'euros en 2018, suite à la forte diminution des amendes prononcées par les autorités de la concurrence, après plusieurs années marquées par l'encaissement d'amendes d'un niveau exceptionnel.

c) Les dépenses fiscales poursuivent leur augmentation

Le coût total estimé des dépenses fiscales est de 100,2 milliards d'euros en 2018, contre 93,4 milliards d'euros en 2017.

Cette augmentation est due en partie à la montée en charge du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE), dont le coût est passé de 15,7 milliards d'euros en 2017 à 20,1 milliards d'euros en 2018, qui est sa dernière année d'application. Toutefois, le coût des dépenses fiscales hors CICE est également en hausse importante de 2,4 milliards d'euros en une seule année.

Évolution du coût du CICE et des autres dépenses fiscales

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

Il faut noter que ces chiffrages sont nécessairement approximatifs, car :

- seules 287 des 474 dépenses fiscales font l'objet d'un chiffrage au titre de 2018 ;

- 34 dépenses fiscales font l'objet d'un chiffrage au titre de 2017 mais pas au titre de 2018 : elles sont donc prises en compte seulement pour 2017 dans le coût total estimé des dépenses fiscales. La dépense fiscale n° 130201, qui correspond à une déduction de revenus fonciers à l'occasion de dépenses de réparation et d'amélioration, ne fait ainsi plus l'objet d'un chiffrage depuis 2018 alors que son coût pour 2017 est évalué à 1 845 millions d'euros.

L e montant de 100,2 milliards d'euros, produit par le Gouvernement, correspond pour 94,9 milliards d'euros à des dépenses dont le coût est connu ou estimé en 2018 et pour 5,3 millions d'euros à des dépenses dont seul le coût en 2017 est connu 34 ( * ) ;

- 153 dépenses fiscales ne font donc l'objet d'aucun chiffrage ou estimation dans les documents budgétaires. Parmi celles-ci, la mention « å » figure pour 64 d'entre elles, ce qui permet de supposer que, selon l'administration, leur montant est considéré comme négligeable.

Qualité de l'information sur les dépenses fiscales en 2018

(en nombre et pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des données de l'annexe 1 au projet de loi de règlement

Encore le chiffrage, lorsqu'il est disponible, est-il parfois surprenant. Votre rapporteur général n'a pas pu obtenir d'explication convaincante pour le maintien, en 2018 et en 2019 35 ( * ) , au niveau de 2 450 millions d'euros déjà atteint en 2017 du chiffrage de la dépense fiscale n° 730210, relative aux taux réduits de TVA pour la construction de logements sociaux. La remontée de 5,5 % à 10 % de ce taux pour la plupart des opérations, décidée par la loi de finances pour 2018, a pourtant permis à l'État de percevoir des recettes supplémentaires de TVA estimées en 2018 à 870 millions d'euros 36 ( * ) , ce qui aurait dû être pris en compte dans le chiffrage de la dépense fiscale correspondante.

Dans certains cas, les documents budgétaires indiquent que les données ne sont disponibles qu'à une date trop tardive pour indiquer le chiffrage de la dépense fiscale en 2018.

Votre rapporteur général peut comprendre que la remontée de certaines données prenne un temps supplémentaire , mais cette disponibilité tardive nuit à l'appréciation du Parlement sur le coût réel des politiques publiques menées en 2018. Elle entrave par conséquent l'application du principe du « chaînage vertueux » défini par la loi organique relative aux lois de finances 37 ( * ) , au titre duquel la loi de règlement de l'année précédente devrait éclairer les débats relatifs à la préparation et à l'examen du projet de loi de finances de l'année suivante. Or l'application de ce principe serait particulièrement utile et nécessaire cette année pour les dépenses fiscales, puisque le Gouvernement a indiqué sa volonté de supprimer ou réformer certaines d'entre elles à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.

De même, il paraît assez étonnant qu'une mesure comme la hausse des taux de TVA réduits dans le logement social ne soit pas chiffrée , compte tenu du montant concerné et des mesures que le Gouvernement prévoit de prendre, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2020, suite aux discussions intervenues avec les acteurs du secteur.

DEUXIÈME PARTIE
LE RESPECT DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE
EN 2018

I. LES ÉCARTS ENTRE LE BUDGET EXÉCUTÉ ET CELUI VOTÉ EN LOI DE FINANCES INITIALE

La loi de règlement permet de confirmer l'effort de construction d'un budget plus sincère que votre rapporteur général avait déjà constatée lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2018 : aucun décret d'avance n'a dû être pris en cours d'année, la réserve de précaution a été limitée à 3 %, hors dépenses de personnel, et les ouvertures de crédits ont eu lieu dans une loi de finances rectificative limitée aux mesures de fin de gestion.

Le déficit budgétaire en exécution, quoiqu'en nette hausse par rapport à 2017, est même inférieur à l'estimation ayant fondé la loi de finances initiale et même à celui retenu pour la construction de la loi de finances rectificative du 10 décembre 2018.

Une telle appréciation ne saurait toutefois représenter un « satisfecit » général pour la gestion budgétaire réalisée par le Gouvernement. Une meilleure « sincérité » ne peut en effet autoriser à se satisfaire d' une gestion qui conduit à poursuivre, année après année, l'accumulation des déficits . Il convient de rappeler que le déficit de l'État en comptabilité nationale est égal en 2018 à 3,0 % du PIB, en hausse de 0,1 %, et qu'il explique donc la totalité du déficit maastrichien, qui ne diminue que grâce aux excédents des autres administrations.

En outre, l'amélioration du solde budgétaire par rapport aux prévisions résulte largement de phénomènes conjoncturels - et même d'une erreur administrative.

En premier lieu en effet, l'erreur de comptabilisation des droits de mutation présentée supra a artificiellement amélioré le solde budgétaire en 2018 de 1,4 milliard d'euros. Cette erreur ayant été découverte au printemps 2018, elle n'a pu être prise en compte que lors de la loi de finances rectificative de fin de gestion. L'impact est de 3,3 milliards d'euros selon le projet de loi de règlement, en raison d'un effet « base ».

Les effets de l'erreur de comptabilisation des droits de mutation

Le projet de loi de finances pour 2018 s'est fondé sur une prévision de recettes au titre des droits de mutation à titre gratuit (DMTG, lignes 1705 « mutations à titre gratuit entre vifs » et 1706 « mutations à titre gratuit par décès ») égal à 12,9 milliards d'euros. Cette prévision a été calculée en prenant en compte le montant effectivement perçu en 2017 (soit 13,3 milliards d'euros selon l'estimation alors réalisée) minoré par la non reprise de certaines opérations exceptionnelles.

Or le montant perçu en 2017 aurait été supérieur de 1,4 milliard d'euros, si l'erreur de comptabilisation n'avait pas « masqué » une partie des recettes : c'est donc un montant d'environ 14,3 milliards d'euros, et non 12,9 milliards d'euros, qui aurait dû être calculé comme montant « naturel » en 2018.

Il convient d'ajouter 1,4 milliard d'euros à ce montant « naturel » au titre des sommes comptabilisées en 2018 au lieu de 2017, ainsi que d'autres effets conduisant à un montant total perçu en 2018 de 16,2 milliards d'euros, en augmentation de 3,3 milliards d'euros par rapport aux sommes prévues en loi de finances initiale.

Source : commission des finances, à partir des documents « Voies et moyens » annexés aux projets de loi de finances pour 2018 et 2019 et du projet de loi de règlement pour 2018

En deuxième lieu, les recettes fiscales nettes ont bénéficié d'un environnement économique meilleur que prévu , pour un effet positif de 5,5 milliards d'euros hors DMTG, dont 2,2 milliards d'euros au titre de la TVA et 1,5 milliard d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés.

En sens inverse, le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne a été supérieur de 0,7 milliard d'euros à la prévision initiale . Cet écart n'a rien d'inhabituel, car le montant de la contribution au budget de l'Union européenne dépend de paramètres qui ne sont connus qu'au cours de l'exercice : en l'occurrence, un niveau de droits de douane perçus par l'Union européenne inférieur aux prévisions a entraîné une hausse mécanique de la contribution des États membres.

Décomposition des facteurs d'évolution du solde budgétaire de l'État entre la loi de finances initiale et l'exécution en 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

A. UN NIVEAU DE CONSOMMATION DE CRÉDITS DANS L'ENSEMBLE CONFORME À L'AUTORISATION, MALGRÉ UN NIVEAU DE FONDS DE CONCOURS PLUS ÉLEVÉ

Le montant des crédits consommés, sur le périmètre du budget général 38 ( * ) , est de 288,2 milliards d'euros, soit un montant quasiment égal au montant des crédits prévus, y compris fonds de concours et attributions de produits, en loi de finances initiale (288,7 milliards d'euros).

Les reports à la gestion suivante sont de 2 milliards d'euros, soit un montant légèrement supérieur aux reports de la gestion précédente (1,8 milliard d'euros).

Exécution budgétaire en 2018

(en milliards d'euros, crédits de paiement)

Périmètre : missions du budget général, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, y compris CAS «Pensions ». FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances, à partir des données du projet de loi de règlement

L'exécution du budget bénéficie d'un montant de fonds de concours et d'attributions de produits de 4,5 milliards d'euros, supérieur de 0,9 milliard d'euros (soit 25,4 %) au montant de 3,6 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale.

Cette augmentation recouvre en fait des différences très marquées selon les missions. En valeur absolue, elle s'explique principalement par un montant de fonds de concours et attributions de concours égal à 2,24 milliards d'euros, soit 0,7 milliard d'euros de plus que la prévision, sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont les fonds de concours représentent 26,1 % des crédits de paiement. La plus grande partie des fonds de concours affectés à cette mission proviennent de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

On constate également de nombreux cas où des fonds de concours atteignent, en proportion, un niveau beaucoup plus élevé que prévu.

Missions dont le produit des fonds de concours et attributions de produits dépasse la prévision de plus de 40 % en 2018

(en millions d'euros et en %)

Lecture : les fonds de concours et attributions de produit de la mission « Outre-mer » ont atteint un niveau de 99,5 millions d'euros, en augmentation de 501 % par rapport à la prévision.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Votre rapporteur général prend acte de ce niveau élevé des fonds de concours , avec un montant qui dépasse celui des crédits budgétaires proprement dits pour certains programmes 39 ( * ) , et l'écart important qui sépare la prévision de la réalisation, facteurs qui nuisent tous deux indéniablement à la sincérité du budget et à la portée de l'autorisation parlementaire en loi de finances initiale . En tout état de cause, le recours des fonds de concours rend plus complexe la comparaison entre l'autorisation des dépenses et leur exécution.

La Cour des comptes regrette le niveau insuffisant du suivi des fonds de concours qui semble provenir de limitations du système comptable Chorus 40 ( * ) . Or un suivi adapté est nécessaire afin de contrôler le respect du principe, prévu par l'article 17 de la LOLF, de conformité de l'emploi des fonds à l'intention de la partie versante.

B. DES ÉCARTS EN DIMINUTION, MAIS RÉELS, AU NIVEAU DES MISSIONS

Si les écarts à la prévision ne sont pas aussi spectaculaires qu'en 2017, année où trois missions avaient connu un « dérapage » supérieur à 1 milliard d'euros, ils n'en sont pas pour autant négligeables.

Répartition des missions selon que la consommation des crédits est inférieure
ou supérieure à la dotation autorisée en loi de finances initiale

(en millions d'euros)

Périmètre : hors charge de la dette, y compris CAS « Pensions », fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances (à partir des documents budgétaires)

La sur-exécution de 678,6 millions d'euros de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est lié à l'afflux inattendu de fonds de concours, déjà décrit supra.

À l'inverse, la sous-exécution de la mission « Travail et emploi » est liée à la baisse du nombre de contrats aidés et à l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche.

C. DES OUVERTURES DE CRÉDITS COMPLÉMENTAIRES ANORMALEMENT ÉLEVÉES FAISANT SUITE À DES CONTENTIEUX PERDUS

Le présent projet de loi de règlement, dans son article 4, demande une ouverture de crédits complémentaires d'un montant de 1,371 milliard d'euros sur le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État ». S'il est fréquent que la loi de règlement procède à une ouverture sur ces crédits qui sont de nature évaluative, l'ampleur atteint un niveau qui n'a pas été approché au cours des années récentes, sauf en 2015.

Ouvertures de crédits complémentaires sur les remboursements et dégrèvements de 2010 à 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de règlement pour 2010 à 2016 et du projet de loi de règlement pour 2017

Le ministre de l'action et des comptes publics a indiqué par courrier à la commission des finances que ce dépassement s'expliquait principalement « par des décaissements liés à des contentieux individuels à fort enjeu au titre de l'impôt sur les sociétés intervenus en fin d'année, en plus du flux courant de dossiers, à hauteur de 1,124 milliard d'euros ».

Interrogé par votre rapporteur général, le ministère a indiqué que ce dépassement est lié à l'importance des dégrèvements prononcés à la suite de décisions de justice ou d'abandons de droits par l'administration dans le cadre de contentieux relatifs à l'impôt sur les sociétés . Si les risques contentieux étaient connus de l'administration, l'exercice au cours duquel ils devaient être dénoués ne l'était pas et certains dossiers ne l'étaient pas encore au moment de l'examen de la loi de finances rectificative.

Les dégrèvements et restitutions liés à des contentieux sur l'impôt sur les sociétés s'élèvent ainsi à 3,2 milliards d'euros contre une prévision de 0,8 milliard d'euros.

Votre rapporteur général peut comprendre que la date exacte, voire l'issue de certains contentieux ne puissent pas être toujours prévues avec exactitude. Il souligne toutefois la nécessité de mieux comprendre les raisons qui semblent entraîner une multiplication de contentieux importants perdus par l'administration en matière d'impôt sur les sociétés, mais aussi d'autres impôts tels que l'impôt sur le revenu. Au-delà de l'impact non négligeable sur l'équilibre des finances publiques, c'est aussi un enjeu d'acceptabilité du système fiscal.

II. LE RESPECT PARTIEL DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

L'année 2018 a été la première année d'application de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2018 à 2022 41 ( * ) . Cette loi définit un certain nombre de critères chiffrés dont il est utile de contrôler l'application, même si toutes les données ne sont pas encore disponibles.

En particulier, l'article 15 de la LPFP fixe des plafonds d'exécution de crédits pour les missions du budget général . Sur le périmètre prévu par cet article, le montant des crédits alloués aux missions a été de 241,4 milliards d'euros, soit 1 milliard d'euros de moins que le total des plafonds des missions prévu par la LPFP.

Dans la mesure où la LPFP a été discutée et adoptée selon un calendrier proche de celui de la loi de finances initiale pour 2018, il n'est guère surprenant que les sur-exécutions comme les sous-exécutions concernent à peu près les mêmes missions que dans la comparaison entre l'exécution de ces missions et les crédits prévus en loi de finances initiale 42 ( * ) .

Comparaison entre l'exécution des missions du budget général en 2018 et le plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques
pour 2018 à 2022

(en milliards d'euros)

Les plafonds de crédits prévus par l'article 15 de la LPFP sont exprimés hors contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions », hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général

Le plafonnement des concours financiers aux collectivités territoriales , prévu par l'article 16 de la LPFP, est globalement respecté à un niveau de 48,1 milliards d'euros. Toutefois deux mouvements agissent en sens contraire : alors que le fonds de compensation pour la TVA est en sous-exécution de 93 millions d'euros, la fraction de TVA allouée aux régions a atteint un montant supérieur de 79 millions d'euros à la cible fixée en LPFP. Les régions ont ainsi profité, comme l'État, de recettes de TVA plus élevées que prévu.

En revanche, la règle de plafonnement des restes à payer au niveau de 118,5 milliards d'euros atteint en 2017, prévue par l'article 17 de la LPFP, n'est pas respectée puisqu'ils s'élèvent en 2018 à un montant de 118,9 milliards d'euros. Or le niveau de référence de 2017 n'était guère contraignant car cette année avait été marquée par le lancement du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), au titre duquel plus de 5 milliards d'euros avaient été engagés sans crédits de paiement. Votre rapporteur général rappelle par ailleurs que la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 a exclu la mission « Défense » de l'application de cet article, l'Assemblée nationale ayant alors rejoint la position que le Sénat avait lui-même exprimée lors de l'examen de la loi de programmation des finances publiques.

Enfin, le ratio entre le montant estimé des dépenses fiscales et la somme des recettes fiscales du budget général , nette des remboursements et dégrèvements et des dépenses fiscales, est de 25 %, soit un niveau nettement inférieur au plafond de 28 % fixé au titre de 2018 par l'article 20 de la LPFP. Toutefois, comme votre rapporteur général l'a déjà expliqué 43 ( * ) , ce critère est biaisé et surtout purement formel , car le plafond a été défini à un niveau beaucoup plus élevé que le montant actuel : il correspond en réalité à une renonciation de la part du Gouvernement de limiter réellement la hausse des dépenses fiscales .

TROISIÈME PARTIE
LA MESURE DE LA PERFORMANCE

La démarche de performance devait constituer l'une des innovations majeures de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Son article premier dispose, en effet, que les lois de finances déterminent « la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État » en tenant compte « d'un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent » .

Les résultats de cette démarche ne sont, pourtant, pas à la hauteur des espérances qu'elle suscite et des opportunités qu'elle offre. Les conclusions adoptées par la Cour des comptes dans son rapport annuel sur le budget de l'État (RBDE) en 2018 s'inscrivent sur ce point dans la continuité des observations formulées lors de l'examen des précédents projets de loi de règlement par votre rapporteur général.

Pour permettre à la démarche de performance d'être pleinement utile , plusieurs pistes peuvent être explorées.

D'une part, une réflexion doit être conduite pour réduire à l'essentiel le nombre des indicateurs et redéfinir des catégories plus pertinentes et exploitables.

D'autre part, l'implication de l'administration doit être renforcée alors, que cette année encore, la prévision et la réalisation des indicateurs de performance ne sont que trop peu renseignées .

I. QUOIQUE STABILISÉE AUTOUR D'UN NOMBRE PLUS FAIBLE D'INDICATEURS QUE PAR LE PASSÉ, LA MAQUETTE DE PERFORMANCE MÉRITERAIT D'ÊTRE REVUE

A. LA MAQUETTE DE PERFORMANCE SE STABILISE AUTOUR D'UN NOMBRE D'INDICATEURS SANS DOUTE ENCORE TROP IMPORTANT

Entre 2012 et 2014, la maquette de performance du budget de l'État était caractérisée par un nombre important d'objectifs (506 en 2014) et d'indicateurs (1 025 en 2014) . Cette surabondance était, par ailleurs, aggravée par l'instabilité des indicateurs et de leurs caractéristiques d'un exercice à l'autre .

En 2015, le nombre d'objectifs et d'indicateurs avaient conjointement diminué d'un peu plus de 20 %. Dans ce contexte, votre rapporteur général avait pu saluer l'effort entrepris par le Gouvernement 44 ( * ) .

Depuis - et malgré les évolutions qui ont affecté la maquette budgétaire en 2018 avec, par exemple, la création d'une nouvelle mission « Cohésion des territoires » - la maquette de performance demeure globalement stable .

Évolution de la maquette de performance du budget
de l'État depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Néanmoins, ces efforts ne suffisent pas à donner satisfaction . En effet, ni la contraction ni la stabilisation de la maquette ne se sont accompagnées d'une amélioration de la pertinence et des résultats des indicateurs .

Comme votre rapporteur général l'a affirmé lors de l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, par la commission des finances du Sénat, il reste aujourd'hui nécessaire de revenir à des indicateurs plus simples et moins nombreux 45 ( * ) .

Ainsi, une réflexion doit véritablement être engagée pour rationaliser tant le nombre que la nature des indicateurs de performance .

B. MALGRÉ DES TENTATIVES LOUABLES POUR AMÉLIORER LE DISPOSITIF, LA PERTINENCE DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'INDICATEURS DE PERFORMANCE DOIT ÊTRE INTERROGÉE

Lors de la définition des modalités techniques de mise en oeuvre de la démarche de performance , le Gouvernement, les commissions des finances des assemblées et la Cour des comptes ont dégagé une typologie des différents indicateurs.

Ces derniers ont, ainsi, vocation à rendre compte de l'évolution des résultats des politiques publiques du point de vue d'une population-cible .

Le guide méthodologique pour l'application de la LOLF 46 ( * ) identifie, à ce titre, trois catégories :

- des indicateurs « citoyens » mesurant l'efficacité
socio-économique d'une action
au travers, par exemple, de l'évolution du taux de chômage par tranche d'âge (mission « Travail et Emploi ») ;

- des indicateurs « usagers » mesurant la qualité du service rendu dans la mise en oeuvre d'une politique publique au travers, par exemple, de l'amélioration du délai moyen de traitement d'une demande de titres (mission « Action extérieure de l'État ») ;

- des indicateurs « contribuables » mesurant l'efficience de gestion par l'administration des moyens alloués pour la mise en oeuvre d'une politique publique au travers, par exemple, de l'évolution du coût de collecte des recettes douanières (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »).

Depuis 2012, la répartition des indicateurs entre ces trois catégories est restée globalement stable . En 2018, près de la moitié d'entre eux relevaient de la catégorie des indicateurs « citoyens ».

Évolution de la répartition des indicateurs
par catégories entre 2012 et 2018

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

Ces trois catégories ont progressivement été complétées afin de construire des indicateurs plus pertinents et de renforcer la lisibilité du dispositif . Sans remettre en cause la typologie par population-cible, les documents budgétaires ont conduit à identifier :

- des indicateurs « de mission » considérés, par l'administration, comme les plus représentatifs ;

- des indicateurs « transversaux » permettant une analyse comparative entre missions de l'efficience des fonctions supports ;

- des indicateurs « ad-hoc » rattachés directement à une mission et non à un programme.

Votre rapporteur général constate, toutefois, que ces évolutions n'ont pas permis de renforcer pleinement l'utilité des indicateurs de performance .

Il ne peut que souscrire aux observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport annuel sur le budget de l'État 47 ( * ) en 2018 . Les magistrats y préconisent de distinguer les objectifs et indicateurs de nature stratégique - dont la responsabilité relèverait des ministres - des objectifs et indicateurs de gestion - dont la responsabilité relèverait des responsables de programme.

Le ministre de l'action et des comptes publics semble vouloir que des mesures soient prises dans ce sens . En effet, par voie de circulaire 48 ( * ) il a indiqué que les conférences de performance en 2019 devront permettre « la suppression progressive des indicateurs » inadéquats « pour se concentrer sur la mesure de l'atteinte de résultat en terme d'efficience et d'efficacité » .

II. LE SUIVI DE LA PERFORMANCE EST CONTRAINT PAR DES INDICATEURS INSUFFISAMENT PERTINENTS ET DE MOINS EN MOINS EXPLOITABLES

A. AU DÉTRIMENT DE L'OPPORTUNITÉ DE L'ENSEMBLE DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE, LES INDICATEURS DE MISSION DU BUDGET GÉNÉRAL SONT DE MOINS EN MOINS EXPLOITABLES DU POINT DE VUE STATISTIQUE

Le dispositif de performance demeure marqué par un niveau insuffisant de renseignement en prévision et en réalisation.

Ainsi seuls 78,7 % des sous-indicateurs de mission en 2018 étaient accompagnés d'un niveau de prévision permettant d'évaluer les objectifs du Gouvernement.

Dans le même temps, le niveau de réalisation des sous-indicateurs n'avait été renseigné que dans 68 % des cas .

Pour certaines missions du budget général, les taux de renseignement en prévision et en réalisation paraissent incompatibles avec l'importance tant des montants concernés que des politiques visées :

- la mission « Santé » (1,3 milliard d'euros consommés en crédits de paiement en 2018) ne dispose d'aucun sous-indicateurs dont la prévision et la réalisation ont été renseignées ;

- la mission « Travail et emploi » (14,9 milliards d'euros consommés en crédits de paiement en 2018), si elle dispose bien de sous-indicateurs pour lesquels une prévision est indiquée, n'en compte aucun dont la réalisation soit renseignée ;

- la mission « Recherche et enseignement supérieur » (27,6 milliards d'euros consommés en crédits de paiement en 2018) affiche des taux de renseignement en prévision et en réalisation respectivement de 50 % et 20 % ;

- la mission « Cohésion des territoires » (17,8 milliards d'euros consommés en crédits de paiement en 2018) dispose d'un taux de renseignement quasiment parfait en prévision mais inférieur à 50 % en réalisation.

Taux de renseignement en 2018 des sous-indicateurs
de mission en prévision et en réalisation

(en pourcentage, par ordre croissant du taux de renseignement en réalisation)

Taux de renseignement
en prévision

Mission du budget général
(nombre de sous-indicateurs de la mission)

Taux de renseignement
en réalisation

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

Cette situation aboutit à un faible taux d'exploitabilité des
sous-indicateurs de mission
. Ce dernier correspond à la proportion des indicateurs pour lesquels tant la prévision que la réalisation ont été renseignées.

Taux d'exploitabilité* des sous-indicateurs
de mission en 2018

(en pourcentage - par ordre croissant du taux d'exploitabilité)

Mission du budget général
(nombre de sous-indicateurs de la mission)

Taux d'exploitabilité*

* Un sous-indicateur exploitable désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées.

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

Au niveau des missions du budget général, le taux d'exploitabilité des sous-indicateurs s'est établi à 63,1 % en 2018 . Ce résultat est d'autant plus critiquable que le suivi d'un indicateur de performance n'a de sens que s'il permet de confronter un objectif à un résultat .

Cette situation n'est pas propre à l'exercice 2018 . Tout au contraire, c'est à une dégradation tendancielle que l'on assiste depuis 2012 .

Ainsi, le taux d'exploitabilité des sous-indicateurs de mission s'est dégradé de 12 points depuis cette date.

Votre rapporteur général regrette, en particulier, que l'amélioration récente du taux de renseignement en prévision n'ait pas incité l'administration à mieux renseigner la réalisation des indicateurs.

Évolution des taux de renseignement et d'exploitabilité
des sous-indicateurs de mission depuis 2012

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

B. L'UTILITÉ DE CERTAINS INDICATEURS DEMEURE ENCORE TROP FAIBLE FAUTE DE COUVRIR CORRECTEMENT LE CHAMP DE LA MISSION CONCERNÉE OU DE POUVOIR FAIRE L'OBJET DE COMPARAISON

La faible exploitabilité statistique des indicateurs de performance se cumule avec l'utilité limitée de certains d'entre eux . Ainsi, sans épuiser cette problématique, quelques cas-types peuvent être évoqués.

En premier lieu, les dimensions couvertes par certains indicateurs peuvent apparaitre trop larges ou, à l'inverse, trop restreintes .

Par exemple, le programme 201 «« Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » qui retrace 15,7 milliards d'euros de en crédits de paiement est doté d'un unique indicateur . Celui-ci se limite à mesurer le « taux net de réclamations contentieuses relatives à la taxe d'habitation traitées dans le délai de 30 jours par les services locaux » et n'offre pas, dès lors, d'indication sur l'efficacité socio-économique de ces transferts .

À l'inverse, l'évolution de l'indicateur « Développer un environnement juridique et administratif favorable à la création et à la croissance des entreprises » de la mission « Économie » repose sur la position de la France au classement « Facilité de faire des affaires » de la Banque Mondiale. Il apparait dépendre de facteurs trop généraux et indépendant des gestionnaires pour éclairer la décision publique.

En second lieu, l'utilité de certains indicateurs est réduite par le fait qu'ils ne sont pas comparés - ou ne peuvent être comparés - à d'autres indicateurs alors même que cela serait pertinent.

Ainsi, les indicateurs transversaux ne font pas l'objet d'une présentation agrégée pour l'ensemble du budget général, à l'inverse de ce que votre rapporteur général s'efforce de produire dans un souci d'intelligibilité 49 ( * ) . Cette absence, du côté de l'administration, ne se justifie pas puisque, par construction, les indicateurs transversaux mesurent des actions comparables (gestion immobilière, gestion des ressources humaines...).

De même, l'examen des missions « Action extérieure de l'État » et « Administration générale et territoriale de l'État » laisse apparaitre qu' une action similaire - la délivrance de titres - est retracée selon deux modalités de calcul différentes . Cette situation n'est pas satisfaisante. En effet, la similarité de ces actions impose qu'on en mesure la performance selon des standards communs .

C. LES MISSIONS QUI NE RELÈVENT PAS DU BUDGET GÉNÉRAL SE DÉMARQUENT PAR D'EXCELLENTS TAUX DE RENSEIGNEMENT ET D'EXPLOITABILITÉ

Comme en 2017, il convient de distinguer le constat relatif au dispositif de performance du budget général de celui concernant les budgets annexes, les comptes de concours financiers et les comptes d'affectation spéciale .

En effet, pour les sous-indicateurs les plus représentatifs des missions en dehors du budget général, les taux de renseignement en réalisation et en prévision sont satisfaisants : respectivement 93,3 % et 100 % .

Sous-indicateurs hors budget général dont la prévision ou la réalisation ont été renseignées en 2018

(en pourcentage)

Taux de renseignement de la prévision en 2018

Mission
(nombre de sous-indicateurs de la mission)

Taux de renseignement de la réalisation en 2018

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

III. LES RÉSULTATS EN 2018 SONT DÉCEVANTS MAIS DES MARGES DE PROGRESSION EXISTENT SOUS RÉSERVE QUE LES CIBLES RETENUES REFLÈTENT LES EFFORTS À PRODUIRE

A. LES RÉSULTATS DES INDICATEURS RELEVANT DU BUDGET GÉNÉRAL SONT FAIBLES TANDIS QUE LE NIVEAU DES ÉCARTS À LA PRÉVISION EST MARQUÉ PAR UNE FORTE HÉTÉROGÉNÉITÉ

1. Les résultats des sous-indicateurs exploitables sont décevants

Au niveau de l'ensemble du budget général, les résultats des
sous-indicateurs exploitables de mission sont décevants
. Ainsi, en 2018, le taux de réussite agrégé s'établit à 44,6 %, avec 13 missions pour lesquelles il ne dépasse pas 50 %.

Le taux de réussite marque, dès lors, une baisse de plus de 2 points par rapport à 2017 remettant en cause l'amélioration observée depuis 2015 .

Évolution du taux de réussite des sous-indicateurs
exploitables* de mission depuis 2014

(taux d'évolution en pourcentage)

* Un sous-indicateur exploitable désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Certaines missions du budget général appellent un examen plus spécifique, tant les résultats affichés sont insatisfaisants. Les éléments les plus approfondis figurent dans les contributions des rapporteurs spéciaux 50 ( * ) mais des éléments d'explication sont précisés ci-après pour les missions dont le taux de réussite est inférieur à 20 %.

Examen des missions dont le taux de réussite
des indicateurs de performance est inférieur à 20 %

Le taux de réussite des sous-indicateurs exploitables de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » s'élève à 0 % en 2018 alors qu'il était de 25% en 2017. En l'espèce, les sous-indicateurs exploitables de mission mesurent :

- les parts modales des transports alternatifs à la route pour les déplacements de personne ou de marchandise (programme 203) ;

- le volume de gaz à effet de serre émis par habitant (programme 174) ;

- l'intensité des contrôles des installations classées effectués par les autorités administratives (programme 181).

Le Gouvernement estime que le mouvement social ayant affecté la SNCF en 2018 et la croissance spontanée du secteur des transports routiers expliquent pour l'essentiel l'échec à réaliser les objectifs du programme 203. Il reprend pour partie cette même analyse s'agissant du programme 174, considérant que la croissance des secteurs du transport, de l'industrie et de l'agriculture a favorisé une réduction plus faible qu'espérée des émissions de gaz à effet de serre.

Le taux de réussite des sous-indicateurs exploitables de la mission « Cohésion des territoires » , introduite en 2018 au sein de la maquette budgétaire, dépasse à peine 9 % . L'essentiel des indicateurs en cause retracent la fluidité du parc de logements sociaux dans les zones en tension. Les résultats démontrent, ainsi, une dégradation de la situation résultant d'une croissance plus forte du nombre de demandeurs en comparaison de l'accroissement du stock de logements disponibles.

Enfin, la mission « Enseignement scolaire » affiche un taux de réussite des sous-indicateurs exploitables de 15,4 % contre 50 % en 2017 . À cette date, la mission ne recensait, toutefois, que deux sous-indicateurs exploitables contre treize en 2018. L'essentiel des indicateurs en échec mesure l'acquisition des savoirs par les élèves révélant, sur ce point, un constat décevant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

À l'inverse, quelques missions présentent des taux de réussite satisfaisants . C'est notamment le cas des missions « Agriculture, alimentation forêt et affaires rurales », « Aide publique au développement », « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » et « Régimes sociaux de retraite », pour lesquelles le taux de réussite est de 100 %.

La situation de la mission « Sécurité » est sans doute plus notable. En effet, elle se caractérise par un taux de réussite satisfaisant (83,3 %) alors qu'elle dispose, par ailleurs, d'un nombre d'indicateurs exploitables important (12).

Taux de réussite des sous-indicateurs exploitables*
de mission en 2018

(en pourcentage, par ordre croissant du taux de réussite)

Mission du budget général
(nombre de sous-indicateurs exploitables* entre parenthèse)

Taux de réussite par mission
du budget général

* Un sous-indicateur exploitable désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées.

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

2. L'intensité des écarts entre la prévision et la réalisation est hétérogène mais ouvre des perspectives raisonnables d'amélioration

L'examen des taux de réussite serait incomplet s'il n'était pas tenu compte, pour les indicateurs en échec, de l'intensité des écarts entre la prévision initiale et la réalisation .

Pour le budget général, plus de 75 % des sous-indicateurs exploitables de mission, lorsqu'ils ont manqué leur cible, se caractérisent par un écart à la prévision inférieur à 25 %.

Ce constat permet à votre rapporteur général d'être optimiste. En effet, des efforts concentrés et réalistes pourraient, dans la majorité des cas, permettre au Gouvernement d' atteindre les objectifs qu'il s'est fixés .

Néanmoins, certaines missions se démarquent en raison d'écarts à la prévision supérieurs à 50 %. Tel est le cas des missions « Outre-mer », « Conseil et contrôle de l'État », « Action extérieure de l'État » et « Cohésion des territoires ».

Écart à la prévision des sous-indicateurs de missions exploitables en échec* en 2018

(par ordre croissant du taux de réussite)

Mission du budget général
(nombre de sous-indicateurs exploitables en échec*)

Décomposition en fonction de l'écart entre la prévision et la réalisation

* Un sous-indicateur exploitable en échec désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées, d'une part, et dont les résultats indiquent que les objectifs fixés n'ont pas été atteints, d'autre part.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

B. LES « BONS RÉSULTATS » DE NOMBREUX INDICATEURS S'EXPLIQUENT PAR DES PRÉVISIONS INITIALES SOUVENT TROP FAVORABLES

Le constat de réussite de nombreux indicateurs de performance en 2018 doit être nuancé . Sur les 74 sous-indicateurs de missions exploitables ayant atteint leur objectif, 41 bénéficiaient d'une prévision largement favorable.

En effet, pour ces indicateurs la prévision retenue par le Gouvernement en 2018 était déjà satisfaite par les résultats de 2017 . Atteindre la cible ne présentait, dès lors, pas de difficultés particulières ni ne contraignait l'administration à améliorer son fonctionnement.

Nombre des sous-indicateurs exploitables de mission
pour lesquels la prévision pour 2018
impliquait un effort supplémentaire*

* Un effort supplémentaire était requis dès lors que la prévision pour 2018 était, sous réserve du sens de lecture du sous-indicateur, supérieure à la réalisation constatée en 2017.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général).

Pour certaines missions du budget général, la proportion des indicateurs ayant atteint leur objectif en bénéficiant d'une prévision initiale favorable s'élève à 100 %.

Proportion des prévisions initiales favorables
parmi les indicateurs ayant atteint leur objectif en 2018

(en pourcentage, par ordre croissant)

Mission du budget général
(nombre de sous-indicateurs exploitables
en réussite* entre parenthèses)

Proportion des sous-indicateurs
ayant bénéficié d'une prévision favorable

* Un sous-indicateur exploitable en réussite désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées, d'une part, et dont les résultats indiquent que les objectifs fixés ont été atteints, d'autre part.

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

L'examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » permet de mettre à jour certaines pratiques .

Ainsi, la cible du sous-indicateur « taux brut de recouvrement des produits locaux » avait été fixée, pour 2018, à 96 %. Or, pour aucun exercice budgétaire entre 2011 et 2017, il n'a été constaté de résultat inférieur à ce niveau. En conséquence, il paraît plutôt improbable que l'administration rencontre des difficultés.

C'est, également, le cas s'agissant du sous-indicateur « taux d'usagers professionnels respectant leurs obligations déclaratives » dont la prévision en 2018 avait été fixée à 94,5 %. Là encore, aucun résultat inférieur à ce niveau n'a été constaté depuis 2011.

Cette situation est tout à fait critiquable car elle jette un doute sur la sincérité de l'ensemble de la démarche de performance . Autant que l'effort de renseignement , la détermination de cibles crédibles et utiles pour améliorer l'action de l'administration doit devenir une priorité .

La performance des sous-indicateurs des missions
du budget général en 2018

(en nombre de sous-indicateurs de mission)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

C. LES RÉSULTATS DES MISSIONS SITUÉES EN DEHORS DU BUDGET GÉNÉRAL SONT SATISFAISANTS

Le taux de réussite des sous-indicateurs des missions situées en dehors du budget général (budget annexe, compte d'affectation spéciale et compte de concours financiers) est satisfaisant . En 2018, il s'élève à 74 %, soit une hausse de 3 points par rapport à 2017 et de 24 points depuis 2016.

Évolution du taux de réussite des sous-indicateurs
exploitables* des missions hors budget général depuis 2015

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Certaines missions se distinguent néanmoins par des résultats plus faibles . Ainsi, les taux de réussite du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » et du budget annexe « Publication officielle et information administrative » s'élèvent respectivement à 62,5 % et à 25 %.

Taux de succès des sous-indicateurs exploitables*
des missions hors budget général en 2018

(en pourcentage)

Mission hors budget général

(nombre de sous-indicateurs exploitables)

Taux de réussite pour les missions
en dehors du budget général

* Un sous-indicateur exploitable désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

L'intensité des écarts à la prévision des indicateurs manquant leurs cibles permet, comme pour le budget général, de faire preuve d'optimisme . En effet, plus de 85 % d'entre eux s'écartent de la prévision de moins de 25 % .

Écart à la prévision des sous-indicateurs exploitables
en échec* des missions hors budget général en 2018

(en pourcentage)

Mission du budget hors budget général (nombre de sous-indicateurs exploitables en échec*)

Décomposition en fonction de l'écart entre la prévision et la réalisation

* Un sous-indicateur exploitable en échec désigne un indicateur pour lequel tant la prévision que la réalisation ont été renseignées, d'une part, et dont les résultats indiquent que les objectifs fixés n'ont pas été atteints.

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

IV. LA MESURE TRANSVERSALE DE LA PERFORMANCE EST UN EXERCICE PERTINENT QUI NÉCESSITE UNE IMPLICATION DES RESPONSABLES DE PROGRAMME

Depuis 2008, la maquette de performance intègre des indicateurs transversaux supposés permettre une analyse comparative de l'efficience des fonctions support . Ces indicateurs se répartissent en six catégories permettant d'évaluer :

- l'efficience de la fonction achat ;

- l'efficience de la gestion des ressources humaines ;

- l'efficience de la gestion immobilière ;

- l'efficience de la gestion informatique et bureautique ;

- le respect des obligations d'emploi des personnes en situation de handicap.

- le respect des coûts et délais des grands projets.

En 2018, la maquette de performance retient 142 indicateurs transversaux répartis entre douze missions du budget général. Parmi ces indicateurs, plus d'un quart relèvent du suivi de l'efficience de la gestion immobilière et un cinquième de l'efficience bureautique. Enfin, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » concentre près de 20 % des indicateurs transversaux du budget général.

Comme en 2017, votre rapporteur général constate que la lisibilité des indicateurs transversaux est compromise par une absence d'harmonisation entre les différentes missions .

Ainsi, la mission « Action extérieure de l'État » est la seule à disposer d'un indicateur « efficience des fonctions support » regroupant l'efficience de gestion des ressources humaines et l'efficience bureautique, tandis que les autres missions les distinguent. Il serait utile soit de séparer les différentes dimensions de cet indicateur pour cette mission soit d'étendre cette méthodologie de suivi à l'ensemble des missions du budget général.

En outre, certaines mesures similaires peuvent appartenir, selon la mission, à des catégories différentes d'indicateurs transversaux . C'est, par exemple, le cas du ratio de bénéficiaires de l'obligation d'emploi des personnes en situation de handicap par rapport aux effectifs totaux. En effet, celui-ci relève, pour l'essentiel des missions, de l'indicateur transversal dédié. Toutefois, pour la mission « Administration générale de l'État », cette mesure s'insère dans le suivi de l'efficience de la gestion des ressources humaines.

Enfin, l'administration ne parvient pas à respecter une terminologie unique pour désigner les différentes catégories d'indicateurs transversaux . Ainsi, l'efficience « de la gestion immobilière » coexiste avec une mesure de l'efficience « de la fonction immobilière » ou de l'efficience « immobilière ». Cette situation, qui se reproduit pour les autres catégories d'indicateurs transversaux, est dommageable. En effet, la capacité du Parlement à exploiter utilement les données qu'on lui transmet repose sur la cohérence de celles-ci. Les retraitements qu'impose une telle absence d'harmonisation sont sources d'erreur quant à l'appréhension de la performance et nuisent à la qualité du débat public.

Répartition des indicateurs transversaux
entre les missions du budget général en 2018

(en nombre d'indicateurs)

Efficience bureautique

Efficience de la gestion des ressources humaines

Efficience de la gestion immobilière

Efficience de la fonction achat

Respect de l'obligation d'emploi des personnes handicapées

Respect des coûts et délais des grands projets

Total d'indicateurs transversaux par mission

Action extérieure de l'État

(2)*

(2)*

3

1

1

4

13

Administration générale et territoriale de l'État

3

3

5

1

-

-

12

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4

2

5

2

1

-

14

Culture

2

2

3

1

1

-

9

Défense

-

1

3

1

1

4

10

Direction de l'action du Gouvernement

7

5

7

1

4

4

28

Écologie, développement et mobilité durables

1

1

2

1

1

-

6

Enseignement scolaire

2

1

3

1

1

4

12

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

2

2

3

4

-

11

Justice

2

1

-

1

5

2

11

Solidarité, insertion et égalité des chances

2

2

3

1

1

-

9

Travail et emploi

2

2

2

-

1

-

7

Total d'indicateurs transversaux par type

29

24

39

15

17

18

142

* La mission « Action extérieure de l'État » ne dispose pas d'indicateurs d'efficience de la GRH et bureautique mais d'un indicateur de suivi des « fonction support ».

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

A. L'EFFICIENCE DE LA FONCTION ACHAT

L'efficience de la fonction achat est retracée pour onze missions du budget général . Sa mesure s'opère, essentiellement, par le calcul du « gain relatif aux actions achat ». Celui-ci représente les gains théoriques réalisés grâce à diverses réformes de la fonction achat (mutualisation, externalisation...) . Il rend, ainsi, compte d'une comparaison entre des prix de référence et ceux résultant de l'intervention de l'acheteur ministériel.

Mesure de l'efficience de la fonction achat
entre 2013 et 2018

(en millions d'euros)

Gain relatif aux actions achat

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

2,6 M€

2,9 M€

2,4 M€

1,6 M€

1,6 M€

4,0 M€

11,1 M€

Administration générale et territoriale de l'État

109,0 M€

65,0 M€

49,2 M€

46,1 M€

58,9 M€

75,0 M€

66,0 M€

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

1,7 M€

3,2 M€

1,8 M€

2,8 M€

1,4 M€

1,8 M€

1,4 M€

Culture

1,8 M€

1,5 M€

3,3 M€

4,1 M€

3,7 M€

5,0 M€

4,0 M€

Défense

118,0 M€

125,5 M€

135,2 M€

111,0 M€

123,8 M€

120,0 M€

139,1 M€

Direction de l'action du Gouvernement

2,5 M€

14,0 M€

13,6 M€

8,8 M€

8,6 M€

14,0 M€

6,2 M€

Écologie, développement et mobilité durables

32,4 M€

19,9 M€

19,0 M€

45,2 M€

61,2 M€

50,0 M€

52,8 M€

Enseignement scolaire

10,1 M€

10,4 M€

27,1 M€

18,4 M€

21,2 M€

16,0 M€

14,7 M€

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

353,0 M€

252,0 M€

214,0 M€

348,0 M€

346,0 M€

400,0 M€

NC

Justice

19,5 M€

31,0 M€

45,4 M€

12,9 M€

31,4 M€

23,0 M€

19,9 M€

Solidarité, insertion et égalité des chances

6,2 M€

14,1 M€

8,3 M€

6,2 M€

5,4 M€

6,0 M€

NC

Note : pour chacune des missions, le tableau retient le sous-indicateur le plus représentatif car il peut advenir que plusieurs mesures soient versées au rapport annuel de performances. Par exemple, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » regroupe des sous-indicateurs mesurant l'efficience de la fonction achat pour « tous [les] ministères » ou pour les seuls « ministères économiques et financiers ». Dans ce cas, c'est le périmètre le plus large qui aura été retenu.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Comme l'année précédente, seules trois missions enregistrent, en 2018, des gains supérieurs aux prévisions fixées au projet annuel de performances : les missions « Action extérieure de l'État », « Défense » et « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les résultats de la mission « Action extérieure de l'État » sont particulièrement notables car ils dépassent le résultat enregistré en 2017 de 9,5 millions d'euros et la prévision de 7,1 millions d'euros . L'essentiel de cette hausse de l'efficience de la fonction achat serait liée à des « économies d'achats supplémentaires générées par l'optimisation des baux ».

A l'inverse, la mission « Justice » connait un gain inférieur de 3 millions d'euros à la prévision . L'administration impute pour partie ce résultat à une sous-estimation des gains par les services chargés des calculs . Elle entend répondre à cette difficulté en renforçant la formation et l'implication des acteurs.

B. L'EFFICIENCE DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

L'efficience de la gestion des ressources humaines est mesurée pour onze missions du budget général . Elle est essentiellement déterminée par un ratio entre le nombre de personnels affectés à cette gestion (les effectifs « gérants ») et le nombre de personnels qui en relèvent (les effectifs « gérés »).

Votre rapporteur général constate que l'objectif d'efficience de la gestion des ressources humaines n'est pas le même selon les missions. Ainsi, pour la plupart des responsables de programme, ce ratio devrait diminuer et évoluer en dessous de sa cible. Pour d'autres, en revanche, il devrait augmenter et évoluer au-dessus de la prévision initiale. C'est, par exemple, le cas des missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Justice » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Cette différence ne trouve d'explication que pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour laquelle le rapport annuel de performances rappelle l'objectif d'une réduction des effectifs supports . Il serait souhaitable que le sens de lecture des indicateurs soit plus systématiquement rappelé et remis en contexte au sein des documents budgétaires .

Mesure de l'efficience de la gestion des ressources humaines
entre 2013 et 2018

Ratio « gérants/gérés » (%)

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Administration générale et territoriale de l'État

2,15 %

2,15 %

2,13 %

2,18 %

2,34 %

2,20 %

2,33 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,04 %

2,04 %

2,06 %

2,12 %

2,10 %

2,20 %

1,94 %

Culture

2,60 %

2,60 %

2,60 %

2,58 %

2,50 %

1,96 %

2,37 %

Défense

2,68 %

2,87 %

2,81 %

2,78 %

2,59 %

2,76 %

2,68 %

Direction de l'action du Gouvernement

1,86 %

1,95 %

1,86 %

1,54 %

2,69 %

1,29 %

2,61 %

Écologie, développement et mobilité durables

3,36 %

3,30 %

3,39 %

3,30 %

3,30 %

3,00 %

3,10 %

Enseignement scolaire

0,70 %

0,70 %

0,70 %

0,70 %

0,60 %

0,60 %

0,60 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

2,30 %

2,30 %

2,30 %

2,30 %

2,30 %

2,30 %

2,30 %

Justice

2,14 %

2,16 %

2,17 %

2,40 %

2,26 %

2,30 %

2,39 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,89 %

3,42 %

3,44 %

3,30 %

3,46 %

3,10 %

3,68 %

Travail et emploi

2,61 %

3,42 %

3,44 %

3,30 %

3,46 %

3,10 %

3,68 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Les résultats en 2018 se caractérisent, comme les années précédentes, par une grande homogénéité entre les missions . Toutefois certains faits saillants peuvent être relevés :

- la mission « Enseignement scolaire » se caractérise par un très faible taux d'encadrement (0,6 %) en comparaison des autres missions ;

- à l'inverse, les missions « Solidarité, insertion et égalités des chances » et « Travail et emploi » connaissent des taux d'encadrement significativement plus importants (3,7 %) ;

- la mission « Action extérieure de l'État » n'est pas retracée au sein du tableau supra car elle ne dispose pas d'un indicateur transversal dédié à l'efficience des ressources humaines mais d'un indicateur pluridimensionnel d'efficience de la fonction « support ».

C. L'EFFICIENCE DE LA GESTION IMMOBILIÈRE

L'efficience de la gestion immobilière est mesurée pour au moins onze missions du budget général . Les tableaux ci-après retracent, pour les missions concernées, l'évolution des trois principaux indicateurs que sont :

- le ratio de surface utile nette (SUN) par poste de travail ou par agent ;

- le ratio des dépenses d'entretien courant par unité de surface utile brute (SUB) ;

- le ratio des dépenses d'entretien lourd par unité de surface utile brute (SUB).

Mesure de l'efficience de la gestion immobilière entre 2013 et 2018 :
évolution du ratio SUN/poste ou SUN/agent

Ratio m²/poste ou m2/agent

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

15,2 m²

15,1 m²

11,6 m²

14,7 m²

14,8 m²

15 m²

14,8 m²

Administration générale et territoriale de l'État

8,66 m²

8,61 m²

8,65 m²

8,61 m²

8,55 m²

8,29 m²

8,52 m²

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

13,67 m²

12,76 m²

13,8 m²

13,86 m²

13,53 m²

13,36 m²

13,41 m²

Culture

15,84 m²

15,85 m²

15,61 m²

15,61 m²

15,61 m²

15,61 m²

15,61 m²

Défense

11,76 m²

13,19 m²

13,34 m²

13,47 m²

12,82 m²

13,31 m²

12,95 m²

Direction de l'action du Gouvernement

Services déconcen-trés

21,1 m²

21,3 m²

22,14 m²

21,96 m²

21,28 m²

19,45 m²

21,08 m²

Travail gouver-nemental

15,03 m²

16,6 m²

14,99 m²

14,66 m²

17,93 m²

14,15 m²

15,14 m²

Écologie, développement et mobilité durables

13,28 m²

13,24 m²

12,55 m²

12,8 m²

11,7 m²

11,9 m²

11,7 m²

Enseignement scolaire

13,2 m²

12,9 m²

13,3 m²

13,3 m²

13,3 m²

13,2 m²

12,8 m²

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

13,4 m²

13,4 m²

13,4 m²

13,4 m²

13,2 m²

13,3 m²

12,4 m²

Solidarité, insertion et égalité des chances

12,6 m²

12,4 m²

12,3 m²

12,3 m²

12,3 m²

12,3 m²

13 m²

Travail et emploi

16,9 m²

12,4 m²

12,3 m²

12,3 m²

12,3 m²

12,3 m²

13 m²

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Six missions affichent un résultat supérieur aux prévisions initiales .

Pour la mission « Direction de l'action du Gouvernement », les écarts constatés à la prévision sont notables. Ainsi, pour le volet relatifs aux services déconcentrés de l'État, l'écart s'élève à 1,63 m² soit une surconsommation de près de 8,4 %.

Ce résultat semble s'expliquer par le manque de crédibilité de la prévision initiale . En effet, une réduction progressive de la surface utile nette par poste s'observe depuis 2015 dans les services déconcentrés. Cette tendance résulte d'un effort de regroupement et d'optimisation des espaces de travail et s'est poursuivie en 2018. La réduction prévue initialement par le Gouvernement aurait exigé un effort dix fois supérieur à celui enregistré entre 2015 et 2016 et n'était pas crédible. Le Gouvernement l'a, d'ailleurs, actualisée de près de deux mètres carrés à l'occasion du PLF 2019.

Mesure de l'efficience de la gestion immobilière entre 2013 et 2018 :
évolution du ratio dépenses d'entretien courant/SUB

Ratio €/m²

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

5,36 €

7,24 €

7,73 €

9,85 €

10,14 €

8,36 €

10,71 €

Administration générale et territoriale de l'État

6,73 €

7,03 €

7,72 €

7,67 €

9,67 €

8,16 €

10,35 €

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14,23 €

15,84 €

17,08 €

16,81 €

11,5 €

NC

15,18 €

Culture

32 €

37 €

45 €

32 €

36 €

NC

56 €

Direction de l'action du Gouvernement

66 €

72 €

56 €

52 €

56,14 €

47 €

60,98 €

Écologie, développement et mobilité durables

32,28 €

32,8 €

36,3 €

36,81 €

36,84 €

37,66 €

36,3 €

Enseignement scolaire

12 €

11,9 €

6,7 €

8,4 €

7,7 €

8,1 €

9 €

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

36,3 €

34,7 €

39,1 €

36,8 €

37,4 €

37,4 €

39,4 €

Solidarité, insertion et égalité des chances

23,22 €

30 €

28,85 €

24,85 €

25,3 €

24 €

23,1 €

Travail et emploi

16,5 €

30 €

28,65 €

24,85 €

25,3 €

24 €

23,1 €

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

En 2018, cinq missions sur dix affichent un coût d'entretien courant par rapport à la surface utile brute (SUB) supérieur aux prévisions initiales. Par ailleurs, la tendance haussière constatée depuis 2016 se confirme.

Votre rapporteur général constate également que, pour deux missions, les résultats ne sont pas pleinement exploitables en raison d'un défaut de renseignement en prévision : les missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Culture ».

Pour cette dernière mission, il convient par ailleurs de relever la hausse significative (+ 20 euros) du coût de l'entretien courant par mètre carré entre 2017 et 2018. L'administration justifie cette augmentation par un « réajustement des dépenses entre propriétaire et locataire ».

Mesure de l'efficience de la gestion immobilière entre 2013 et 2018 :
évolution du ratio dépenses d'entretien lourd/SUB

Ratio €/m²

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

1,40 €

1,61 €

1,75 €

7,80 €

9,61 €

17,87 €

13,71 €

Administration générale et territoriale de l'État

7,76 €

6,47 €

6,28 €

10,25 €

14,25 €

19,11 €

20,23 €

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

17,57 €

33,42 €

37,04 €

64,27 €

16,06 €

NC

4,41 €

Culture

59,00 €

208,00 €

15,00 €

9,00 €

3,00 €

NC

5,00 €

Direction de l'action du Gouvernement

88,00 €

61,00 €

40,00 €

72,00 €

44,70 €

100,00 €

57,62 €

Enseignement scolaire

18,30 €

17,30 €

23,80 €

24,50 €

26,20 €

35,80 €

32,70 €

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

24,30 €

26,10 €

26,40 €

21,60 €

19,50 €

30,20 €

33,40 €

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

En 2018, trois missions connaissent un ratio de dépenses d'entretien lourd sur la surface utile brute (SUB) inférieur à la prévision initiale . Les résultats sont, toutefois, une nouvelle fois inexploitables pour deux missions : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Culture ».

Seule cette première mission voit, par ailleurs, diminuer - et de manière significative - le niveau du ratio entre 2017 et 2018 . Cette baisse s'explique par la réception, en 2018, du chantier de Barbet de Jouy qui avait, dans les années précédentes, soutenu le niveau des dépenses d'entretien lourd.

Plusieurs missions voient leurs coûts augmenter significativement . C'est, ainsi, le cas de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » pour laquelle le niveau du ratio augmente de 71,3 % par rapport à 2017 . L'administration estime que cette hausse résulte d'une modification des règles de calcul . En effet, les autorisations d'engagement non-engagées n'étaient jusqu'ici pas comptabilisées ce qui est désormais le cas. Il en découle une augmentation marginale du coût de l'entretien lourd rapporté à la surface utile brute.

D. L'EFFICIENCE DE LA GESTION BUREAUTIQUE

L'efficience de la gestion bureautique est retracée pour onze missions du budget général . Elle est essentiellement mesurée par le rapport entre le coût agrégé du matériel informatique et le nombre de postes de travail .

Mesure de l'efficience de la gestion bureautique
entre 2013 et 2018

Ratio €/poste

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Administration générale et territoriale de l'État

438,00 €

384,00 €

664,00 €

543,00 €

1 537,00 €

589,00 €

743,00 €

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

654,00 €

673,00 €

787,00 €

NC

NC

1 459,00 €

1 412,00 €

Culture

675,00 €

677,00 €

586,00 €

1 094,00 €

785,00 €

800,00 €

837,00 €

Direction de l'action du Gouvernement (services déconcentrés de l'État)

344,00 €

277,00 €

298,00 €

450,00 €

445,00 €

445,00 €

431,00 €

Direction de l'action du Gouvernement (fonctions support)

1 245,00 €

1 625,00 €

1 401,00 €

1 485,00 €

1 341,00 €

1 279,00 €

1 384,00 €

Écologie, développement et mobilité durables

876,00 €

880,00 €

876,00 €

843,00 €

1 105,00 €

851,00 €

1 089,00 €

Enseignement scolaire

?

?

827,00 €

835,00 €

841,00 €

775,00 €

874,00 €

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

607,00 €

596,00 €

701,00 €

654,00 €

662,87 €

690,00 €

715,00 €

Justice

415,00 €

494,00 €

428,00 €

636,00 €

596,00 €

550,00 €

712,00 €

Solidarité, insertion et égalité des chances

876,00 €

1 178,00 €

1 247,00 €

1 423,00 €

1 627,00 €

1 480,00 €

1 572,00 €

Travail et emploi

1 138,00 €

1 178,00 €

1 247,00 €

1 423,00 €

1 627,00 €

1 480,00 €

1 572,00 €

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

En 2018, neuf missions affichent un résultat supérieur à la prévision initiale . A l'inverse de l'exercice précédent, les écarts sont significatifs et pour trois missions ils dépassent 25 % du montant inscrit en prévision initiale : « Administration générale et territoriale de l'État » (+ 26,1 %), « Écologie, développement et mobilité durable » (+ 28 %) et « Justice » (+ 29,4 %).

L'écart est d'autant plus notable pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État » qu'en 2017, il avait atteint 182,5 % de la prévision initiale, sans que des explications plus détaillées ne soit fournies. Cette année, dans une ampleur bien plus raisonnable, le résultat dépasse encore la prévision sans, là non plus, que les documents budgétaires ne le justifient vraiment.

S'agissant de la mission « Justice », l'administration estime que les dépassements s'expliquent par la réalisation de nombreux investissements dans le cadre d'un plan de transformation numérique . Ces éléments n'épuisent pas, néanmoins, la question de l'absence d'anticipation des investissements en loi de finances .

E. L'ACTION EN FAVEUR DE L'EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP

La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 a créé une obligation d'emploi de travailleurs handicapés à hauteur de 6 % des effectifs réels de la structure . Le respect par l'État de cette obligation est retracé au travers d'un indicateur de performance transversal dédié.

Comme votre rapporteur général l'a précédemment indiqué, il est plus que souhaitable que les différents responsables de programme respectent la nomenclature prévue . En effet, il n'est pas compréhensible que cette mesure soit rattachée aléatoirement à l'efficience de la gestion des ressources humaines ou à l'indicateur dédié.

Mesure du respect de l'obligation des personnes
en situation de handicap entre 2013 et 2018

(en pourcentage)

Part des bénéficiaires de l'obligation
d'emploi prévue par la loi du 10 juillet 1987 (%)

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

4,31 %

4,21 %

4,33 %

4,16 %

4,40 %

4,50 %

4,43 %

Administration générale et territoriale de l'État

6,01 %

6,13 %

6,12 %

6,05 %

6,06 %

6,06 %

6,02 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4,55 %

4,70 %

4,70 %

4,83 %

4,83 %

4,95 %

5,09 %

Culture

4,74 %

5,03 %

4,92 %

5,22 %

5,69 %

5,22 %

6,01 %

Défense

7,00 %

6,33 %

7,52 %

7,58 %

7,26 %

7,31 %

7,14 %

Direction de l'action du Gouvernement

2,82 %

3,83 %

3,20 %

3,35 %

3,82 %

4,00 %

3,87 %

Écologie, développement et mobilité durables

7,23 %

7,86 %

7,96 %

8,24 %

8,49 %

7,00 %

8,70 %

Enseignement scolaire

2,56 %

3,03 %

3,30 %

3,59 %

3,62 %

4,10 %

?

Justice

4,41 %

4,66 %

4,81 %

5,32 %

5,35 %

5,60 %

6,09 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

6,10 %

6,33 %

7,02 %

6,90 %

6,04 %

6,00 %

6,00 %

Travail et emploi

7,10 %

7,41 %

7,02 %

6,00 %

6,00 %

6,00 %

6,00 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

En 2018, cinq missions affichent un résultat supérieur à la prévision et huit atteignent l'objectif légal de 6 %. Deux missions se démarquent particulièrement :

- la mission « Écologie, développement et mobilité durables » avec un niveau d'emploi de travailleurs handicapés plus important (8,7 %) ;

- la mission « Direction de l'action du Gouvernement » avec, au contraire, un faible niveau d'emploi de travailleurs handicapés (3,9 %) auquel l'administration entend répondre par des actions d'information sur la déclaration de handicap.

F. LES COÛTS ET DÉLAIS DES GRANDS PROJETS

Les grands projets immobiliers et informatiques font l'objet d'une mesure de performance transversale. Cet exercice s'appuie sur deux types d'indicateurs :

- le taux d'écart calendaire agrégé qui correspond à la différence entre les durées estimée et constatée de réalisation rapportée à la durée estimée ;

- le taux d'écart budgétaire agrégé qui correspond à la différence entre les coûts estimé et constaté de réalisation rapportée au coût estimé.

Là encore, l'administration ne s'astreint pas à respecter une nomenclature uniforme .

Ainsi, certains taux d'écart agrégé relatifs à des projets immobiliers figurent au sein d'indicateurs d'efficience de la gestion immobilière . Cette situation se vérifie, également, pour les taux d'écart agrégé relatifs à la réalisation des projets informatiques qui, pour certaines missions, peuvent être rattachés aux indicateurs « efficience bureautique ».

Si, du point de vue des responsables de programme, ces choix peuvent faire sens , ils réduisent la lisibilité de l'information budgétaire et nuisent à la qualité du débat public.

Mesure de l'efficience de réalisation
des grands projets immobiliers entre 2013 et 2018

(en pourcentage)

Sous-indicateur

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

Taux d'écart calendaire agrégé

5,70 %

22,00 %

25,70 %

26,80 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

13,80 %

6,40 %

2,00 %

8,10 %

Administration générale et territoriale de l'État

Taux d'écart calendaire agrégé

21,23 %

25,73 %

24,72 %

17,73 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

6,41 %

8,91 %

5,06 %

9,98 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Taux d'écart calendaire agrégé

2,4 %

2,37 %

3,00 %

1,39 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

11,00 %

2,61 %

3,00 %

1,78 %

Défense

Taux d'écart calendaire agrégé

17,00 %

31,00 %

15,00 %

17,00 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

28,00 %

22,00 %

10,00 %

38,00 %

Direction de l'action du Gouvernement

Taux d'écart calendaire agrégé

NC

NC

NC

NC

Taux d'écart budgétaire agrégé

NC

NC

NC

12,88 %

Enseignement scolaire

Taux d'écart calendaire agrégé

75,00 %

88,00 %

110,00 %

106,00 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

23,00 %

26,00 %

45,00 %

22,00 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général)

Du point de vue calendaire, les résultats de réalisation des grands projets immobiliers se caractérisent par une forte hétérogénéité . Toutefois, des écarts à la prévision négatifs (projets réalisés avec moins de retard que prévu) importants apparaissent pour trois missions : « Administrations générale et territoriale de l'État », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Enseignement scolaire ».

Votre rapporteur général estime qu'il n'est pas acceptable que les résultats des écarts calendaires agrégés pour la réalisation des grands projets immobiliers de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ne soient pas disponibles .

Du point de vue budgétaire, les résultats se caractérisent par des taux d'écarts élevés et une tendance haussière sur la plupart des missions. Les prévisions initiales n'ont pas été respectées dans une ampleur notable pour deux missions : les missions « Action extérieure de l'État » (+ 6,10 %) et « Défense » (+ 28 %). Pour cette dernière, l'administration explique pour partie ce résultat par la réalisation de travaux de dépollution et de désamiantage qui n'auraient pas été planifiés préalablement.

Mesure de l'efficience de réalisation
des grands projets informatiques entre 2013 et 2018

(en pourcentage)

Sous-indicateur

Réalisation 2016

Réalisation 2017

Prévision 2018 PAP 2018

Réalisation 2018

Action extérieure de l'État

Taux d'écart calendaire agrégé

34,40 %

113,70 %

NC

16,70 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

12,70 %

42,50 %

NC

58,90 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Taux d'écart calendaire agrégé

18,34 %

21,89 %

20,71 %

17,98 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

29,6 %

29,10 %

26,92 %

13,32 %

Défense

Taux d'écart calendaire agrégé

17,86 %

32,00 %

14,00 %

13,20 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

23,77 %

16,10 %

13,30 %

17,68 %

Direction de l'action du Gouvernement

Taux d'écart calendaire agrégé

11,00 %

NC

NC

NC

Taux d'écart budgétaire agrégé

12,00 %

- 28,20 %

NC

16,50 %

Enseignement scolaire

Taux d'écart calendaire agrégé

54,00 %

51,00 %

38,00 %

65,00 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

226,00 %

405,00 %

300,00 %

315,00 %

Justice

Taux d'écart calendaire agrégé

23,2 %

25 %

7,88 %

24,28 %

Taux d'écart budgétaire agrégé

9,3 %

110 %

17,16 %

32,57 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des informations fournies par la direction du budget et des réponses au questionnaire du rapporteur général

Du point de vue calendaire, les dépassements de réalisation des grands projets informatiques sont relativement homogènes et se situent autour de 15 %, à l'exception des missions « Justice » et « Enseignement scolaire ».

Pour la première (24,3 %), l'administration impute ces résultats au retard accumulé pour le développement de l'application
CASSIOPE V2 (+58 mois par rapport à l'objectif initial de 26 mois).

Pour la seconde mission (65 %), les retards calendaires se cumulent avec d'importants écarts budgétaires.

Du point de vue budgétaire, la réalisation de grands projets informatiques est, en effet, marquée par des dépassements extrêmement importants pour la mission « Enseignement scolaire » (+ 315 %) . L'année passée, cette mission avait déjà connu un niveau record pour cet indicateur (+ 405 %).

Cette situation résulte, notamment, des surcoûts des projets Système d'Information des Ressources Humaines (+ 519,5 % par rapport à l'estimation initiale de 80 millions d'euros en 2015) et Cyclades (+ 314,6 % par rapport à l'estimation initiale de 12,5 millions d'euros en 2015).

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Solde structurel et solde effectif de l'ensemble
des administrations publiques de l'année 2018

Commentaire : le présent article retrace le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année 2018 ainsi que l'écart aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques.

Conformément à l'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent projet de loi de règlement comprend un article liminaire qui présente « un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année à laquelle elle se rapporte » ainsi que, le cas échéant, « l'écart aux soldes prévus par la loi de finances de l'année et par la loi de programmation des finances publiques ».

Celui-ci a été modifié par un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale, introduit à l'initiative de son rapporteur général Joël Giraud, avec l'avis favorable du Gouvernement, afin de tenir compte des nouvelles estimations publiées par l'Insee le 16 mai 2019, qui ont notamment conduit à réviser la croissance à la hausse de 0,1 point, ainsi que cela a été précédemment indiqué.

Les données présentées font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE PREMIER

Résultats du budget de l'année 2018

Commentaire : le présent article arrête les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2018.

Conformément à l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, le présent article « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ».

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État en 2018 à la somme de - 76 001 599 014,97 euros.

Le II détaille, pour cette même année, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

L'analyse détaillée du solde budgétaire figure dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2018

Commentaire : le présent article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2018.

Le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année 2018 .

Le tableau de financement qui y figure arrête à 191,9 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Résultat de l'exercice 2018 - Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l'annexe

Commentaire : le présent article, dans lequel figurent le compte de résultat et le bilan de l'État, approuve le bilan après affectation du résultat comptable de l'exercice.

Conformément au III de l'article 37 de la LOLF, la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice, tel qu'il procède du compte de résultat établi à partir des ressources et des charges constatées dans les conditions prévues à l'article 30 de la loi organique, et approuve le bilan après affectation ainsi que l'annexe.

Le résultat comptable de l'État en 2018 est arrêté à - 51,873 milliards d'euros, soit la différence entre 366,140 milliards d'euros de charges nettes et 314,267 milliards d'euros de produits régaliens nets.

Le bilan , après affectation du résultat comptable, se compose d'un actif net de 1 051,886 milliards d'euros et d'un passif de 2 347,514 milliards d'euros. La situation nette s'établit donc à - 1 295,628 milliards d'euros.

Le compte de résultat et le bilan font l'objet de présentations détaillées dans le compte général de l'État annexé au présent projet de loi de règlement et dans le rapport de présentation qui l'accompagne. Les principales évolutions du résultat patrimonial et de la situation nette sont analysées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article ajuste et arrête, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses au titre de l'année 2018.

Le présent article ajuste et arrête, pour le budget général, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées (456,8 milliards d'euros) et des dépenses (455,4 milliards d'euros).

Les ajustements opérés sont les suivants :

- des ouvertures de crédits complémentaires à hauteur de 1 372,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 1 371,4 millions d'euros en crédits de paiement ;

- des annulations de crédits restés sans emploi et non reportés en 2018 qui s'élèvent à 6 875,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 136,8 millions d'euros en crédits de paiement.

Les dépenses exécutées sur les missions du budget général sont analysées dans le tome II du présent rapport.

Le niveau relativement élevé de la demande d'ouverture de crédits complémentaires, qui concerne uniquement la mission « Remboursements et dégrèvements », fait l'objet de développements dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et les résultats desdits budgets au titre de l'année 2018.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées , soit 2 178,8 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 149,2 millions d'euros pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Le montant des annulations d'autorisations d'engagement non engagées et non reportées est de 10,5 millions d'euros pour le premier budget annexe et de 17,0 millions d'euros pour le second.

Le II ajuste et arrête les dépenses et les recettes , soit respectivement 2 174,2 millions d'euros et 2 205,9 millions d'euros pour la mission « Contrôle et exploitation aériens » et 146,6 millions d'euros et 196,4 millions d'euros pour le budget « Publications officielles et information administrative ». Il annule 14,4 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés pour le premier budget annexe et 11,8 millions d'euros pour le second.

Le présent article ne procède pas à l'ouverture de crédits complémentaires.

Les dépenses exécutées sur les budgets annexes sont analysées dans le tome II du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6

Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés.
Affectation des soldes

Commentaire : le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2018, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2018 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2019.

Le I du présent article ajuste et arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur les comptes spéciaux dont les opérations s'élèvent en 2018 à 74 421,7 millions d'euros pour les comptes d'affectation spéciale et à 124 311,5 millions d'euros pour les comptes de concours financiers.

2 665,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement non engagées et non reportées sont annulés sur les comptes d'affectation spéciale et 5 857,5 millions d'euros le sont sur les comptes de concours financiers.

Les comptes spéciaux

Les articles 19 et suivants de la loi organique relative aux lois de finances distingue quatre sortes de comptes spéciaux :

- les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. À titre d'exemple, le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », alimenté par des taxes affectées, prend en charge des charges de service public de l'énergie qui contribuent à la transition énergétique de la France ;

- les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'État non dotés de la personnalité morale. Un compte de commerce est ainsi consacré aux opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'État ;

- les comptes d'opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire, par exemple les émissions de monnaies métalliques et les opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ;

- les comptes de concours financiers retracent enfin les prêts et avances consentis par l'État aussi bien à des États étrangers, dans le cadre de la politique commerciale ou de l'aide au développement, qu'à des personnes publiques ou privées.

S'agissant des comptes de commerce comme des comptes d'opérations monétaires, seul le découvert de chacun de ces comptes a un caractère limitatif, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ayant un caractère indicatif. Les comptes de concours financiers ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international ont également des crédits évaluatifs.

Source : commission des finances

Le II ajuste et arrête les résultats des comptes spéciaux ; les crédits de paiement ouverts et les découverts autorisés sont modifiés de la manière suivante :

- 74 444,7 millions d'euros de dépenses et 74 609,2 millions d'euros de recettes pour les comptes d'affectation spéciale, 2 570,5 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés ;

- 124 104,5 millions d'euros de dépenses et 124 722,5 millions d'euros de recettes pour les comptes de concours financiers, 4 663,6 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés ;

- 47 000,7 millions d'euros de dépenses et 46 981,7 millions d'euros de recettes pour les comptes de commerce ;

- 1 169,9 millions d'euros de dépenses et 3 522,2 millions d'euros de recettes pour les comptes d'opérations monétaires. Cette ligne supporte en outre une majoration d'autorisation de découvert de 20 092,7 millions d'euros correspondant à la traditionnelle dotation pour mémoire des opérations avec le Fonds monétaire international.

Le III arrête les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2019, à la date du 31 décembre 2018, soit :

- un solde débiteur global de 43 317,3 millions d'euros ;

- un solde créditeur global de 20 287,7 millions d'euros.

Le IV reporte à la gestion 2019 les soldes arrêtés au III, à l'exception :

- d'un solde débiteur de 15,0 millions d'euros concernant le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». Il s'agit du montant des échéances en capital de l'année 2018 au titre des remises de dettes aux pays étrangers ;

- d'un solde créditeur de 63,6 millions d'euros sur le compte d'opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques ». L'exposé des motifs de l'article indique que ce solde mêle des opérations budgétaires classiques et des opérations de bilan et n'a donc pas réellement de sens ;

- d'un solde débiteur de 4,5 millions d'euros relatif au compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », soldé chaque année au 31 décembre.

Les dépenses exécutées sur les comptes spéciaux sont analysées dans le tome II du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7

Ratification du décret no 2018-1073 du 3 décembre 2018
relatif à la rémunération de services rendus par le ministère de la défense et par les formations musicales de la gendarmerie nationale
et du décret no 2018-1274 du 26 décembre 2018
relatif aux redevances des services de navigation aérienne

Commentaire : le présent article autorise la perception des rémunérations de services instituées ou modifiées par deux décrets, afin d'éviter leur caducité.

L'article 4 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que « la rémunération de services rendus par l'État peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée. »

Le présent article autorise en conséquence la perception des rémunérations de services instituées ou modifiées par deux décrets publiés au mois de décembre 2018.

En premier lieu, le décret n° 2018-1073 du 3 décembre 2018 relatif à la rémunération de services rendus par le ministère de la défense et par les formations musicales de la gendarmerie nationale vise à unifier les différents régimes de rémunération des armées et de la gendarmerie nationale, qui faisaient auparavant l'objet de trois décrets distincts 51 ( * ) . Il vise ainsi à « constituer la base réglementaire unique encadrant les prestations de services réalisées par les services du ministère de la défense au profit de tiers ».

Ce décret prévoit que les prestations de service de toute nature accordées à sa demande à toute personne morale autre que l'État ou à toute personne physique, par les états-majors, directions et services du ministère de la défense et les organismes qui leur sont rattachés donnent lieu à rémunération (article 1 er ), fixée en fonction de toutes les charges supportées pour la préparation et l'exécution de la prestation (article 3). Il prévoit que des conventions seront conclues avec les bénéficiaires des prestations afin d'en préciser les conditions financières et techniques (article 7).

En second lieu, le décret n° 2018-1274 du 26 décembre 2018 relatif aux redevances des services de navigation aérienne vise à actualiser les dispositions réglementaires du code de l'aviation civile relatives aux redevances de navigation aérienne, certaines d'entre elles étant devenues obsolètes ou redondantes, et à assurer leur conformité avec les dispositions des règlements européens n° 390/2013 52 ( * ) et 391/2013 53 ( * ) .

Pour mémoire, il existe quatre types de redevances des services de navigation aérienne : la redevance de route (RR), la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne en métropole (RSTCA-M) et outre-mer (RSTCA-OM) ainsi que la redevance océanique de navigation aérienne (ROC).

Parmi les principaux apports de ce décret figurent la simplification du recouvrement des redevances pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA-M et RSTCA-OM) par l'organisation Eurocontrol et l'instauration de la possibilité de suspendre les services de navigation aérienne en cas de non-paiement des redevances dues par un usager de ces services.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8 (nouveau)

Annexe budgétaire relative aux opérateurs

Commentaire : le présent article prévoit que l'annexe budgétaire consacrée aux opérateurs de l'État dresse la liste de ceux qui sont considérés comme des organismes divers d'administration centrale et la liste de ceux qui ne le sont pas.

L'article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005 prévoit que le Gouvernement annexe, au projet de loi de finances de l'année, un rapport, dit « jaune budgétaire », relatif aux opérateurs de l'État .

Les opérateurs de l'État

La notion d'opérateur de l'État n'est pas définie par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit toutefois que les documents budgétaires incluent une « présentation indicative des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public » 54 ( * ) .

D'après le « jaune budgétaire » relatif aux opérateurs de l'État, ceux-ci se définissent par trois critères cumulatifs :

- une activité de service public qui peut explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'État et identifiée dans la nomenclature budgétaire par destination selon la répartition en mission, programme et action ;

- un financement assuré majoritairement par l'État , directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n'exclut pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ;

- un contrôle direct par l'État qui ne se limite pas à un contrôle budgétaire ou économique et financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration.

Un organisme ne remplissant pas tous ces critères peut tout de même être qualifié d'opérateur de l'État s'il porte des enjeux importants pour celui-ci, en fonction notamment de son poids dans les crédits ou la réalisation des objectifs d'un programme, de l'exploitation ou de l'occupation de biens patrimoniaux remis en dotation ou mis à disposition par l'État, de l'appartenance au périmètre des organismes divers d'administration centrale (ODAC) et de la présence de la direction du budget au sein de l'organe délibérant prévue par les statuts de l'organisme.

Source : commission des finances

Le « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances pour 2019 dénombre 484 opérateurs de l'État, qui rémunèrent 401 468 emplois sous plafond en équivalents temps plein travaillés (ETPT) et bénéficient de 50,6 milliards d'euros de financement publics.

L'enjeu est donc considérable et une information appropriée sur les opérateurs de l'État est indispensable à la bonne compréhension du patrimoine et de la situation financière de celui-ci.

Un organisme divers d'administration centrale (ODAC) est, selon l'INSEE, un organisme auquel l'État a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national. Contrôlés et financés majoritairement par l'État, ils ont une activité principalement non marchande.

On compte notamment parmi les ODAC, qui sont au nombre d'environ 700, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou encore l'Académie française et les universités et grandes écoles publiques.

Les notions d'organisme divers d'administration centrale et d'opérateur de l'État sont proches mais ne se confondent pas. Le « jaune budgétaire » donne l'exemple de l'Office national des forêts (ONF), opérateur de l'État qui ne relève pas de la catégorie des ODAC.

L'Assemblée nationale , sur la proposition de M. Michel Lauzzana et plusieurs de ses collègues députés du groupe La République en Marche, a adopté, avec un avis de sagesse de la commission des finances et un avis favorable du Gouvernement, un amendement n° 25 qui prévoit que le document budgétaire précité relatif aux opérateurs de l'État dresse la liste des opérateurs qui ne sont pas considérés comme des ODAC et la liste des opérateurs qui sont considérés comme des ODAC . Selon l'exposé des motifs de l'amendement, l'objectif est de permettre au Parlement d'obtenir l'information la plus complète possible au sujet des opérateurs.

Cette information ne figure en effet pas parmi les informations d'ordre financier et statistique relatives aux opérateurs qui doivent nécessairement figurer dans le document budgétaire annexé aux projets de loi de finances en application de l'article 14 précité de la loi de règlement pour 2005.

Votre rapporteur général fait observer que l'INSEE publie chaque année une liste des organismes divers d'administration centrale 55 ( * ) . Il suffirait donc de procéder à un simple recoupage à partir du « jaune budgétaire » pour déterminer quels opérateurs relèvent ou non de cette catégorie.

Ces fichiers étant toutefois publiés sous forme difficilement manipulable, il peut être utile de faire figurer cette information directement dans l'annexe budgétaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES (15 MAI 2019)

Réunie le mercredi 15 mai 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2018 et sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2018, et, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut conseil relatif au solde structurel des administrations publiques de 2018.

M. Vincent Éblé , président . - Nous avons le plaisir de recevoir M. Didier Migaud en sa double qualité de Premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil des finances publiques, pour nous présenter d'une part les constats de la Cour sur l'exécution du budget de l'État en 2018 et l'acte de certification des comptes de l'État, et d'autre part l'avis du Haut Conseil relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2018. Cette audition précède celle du Ministre de l'action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, qui se tiendra à 17 heures devant notre commission, sur le projet de loi de règlement présenté ce matin même en Conseil des ministres.

Notre commission poursuivra ses travaux au cours des semaines à venir avec de nouvelles auditions de ministres sur l'exécution budgétaire des crédits dont ils sont responsables.

Ces auditions se placent avec les travaux de nos rapporteurs spéciaux dans le cadre général de notre contrôle budgétaire continu, auquel la Cour des comptes participe substantiellement, ses magistrats étant déjà venus nous présenter trois enquêtes demandées par notre commission en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) depuis le début de l'année 2019, sur l'indemnisation des victimes du terrorisme, le périmètre et les risques présentés par la dette publique et la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - Comme chaque printemps, je suis très heureux de venir vous présenter plusieurs travaux produits à la demande du législateur organique par la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques afin d'éclairer la discussion que vous allez engager dans quelques jours sur le projet de loi de règlement pour 2018.

Je suis accompagné cet après-midi de Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour, de la présidente Michèle Pappalardo, rapporteure générale, ainsi que - pour le rapport sur l'exécution du budget de l'État - de Christian Charpy, président de section, et de Cécile Fontaine, conseillère-maître, respectivement contre-rapporteur et rapporteure de ce rapport, et - pour la certification des comptes de l'État - d'Emmanuel Belluteau, président de section, rapporteur de l'acte de certification. François Monier représente quant à lui le Haut Conseil des finances publiques, dont il est le rapporteur général. Se sont joints à nous des magistrats mobilisés pour réaliser les travaux que je vais à présent vous présenter.

Mon propos portera successivement sur trois documents qui viennent de vous être remis : l'acte de certification des comptes de l'État pour 2018, le rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2018 et l'avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement - trois documents qui n'ont pas le même périmètre, les deux premiers ne concernant que les comptes et le budget de l'État, et le dernier portant sur l'ensemble des finances publiques. Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, dont le périmètre couvre lui aussi l'ensemble des administrations publiques, vous sera adressé le mois prochain et prolongera les analyses qui vous sont présentées aujourd'hui.

Avant de vous détailler le contenu de ces documents, un mot du calendrier de publication de ces trois travaux, qui vous sont remis une quinzaine de jours plus tôt qu'à l'accoutumée, car, cette année encore, la date de dépôt du projet de loi de règlement a été avancée d'une semaine. Le ministre de l'action et des comptes publics a d'ailleurs souhaité que, d'ici 2021, ce dépôt ait lieu à la mi-avril, afin que l'examen du projet de loi intervienne lors de la présentation du programme de stabilité.

Ce changement de calendrier répond à une préoccupation qui me semble particulièrement vertueuse, celle de vous permettre de consacrer davantage de temps à l'examen du projet de loi de règlement. Nous ne pouvons évidemment que souscrire à cet objectif, que nous avons appelé de nos voeux très régulièrement, afin que la loi de règlement devienne une véritable loi de résultats et un temps fort de l'évaluation et du contrôle parlementaires.

Néanmoins, un tel resserrement du calendrier ne doit pas affecter les conditions de réalisation des travaux de la Cour. Ceux-ci dépendent en effet de la complète disponibilité des éléments d'informations statistiques, budgétaires et comptables fournis par les services du ministère de l'action et des comptes publics et nécessaires à la réalisation de nos diligences de contrôle et de certification.

Or dès cette année, le resserrement du calendrier de dépôt du projet de loi de règlement a posé quelques difficultés. Ainsi, le Haut Conseil des finances publiques a été conduit à formuler son avis avant que l'Insee ne publie les premiers résultats des comptes annuels de 2018, nécessaires au calcul du solde structurel des administrations publiques. Les données dont vous disposez dans ce document pourraient donc évoluer à très court terme, d'ici quelques jours.

À l'avenir, l'avancement du calendrier du dépôt de la loi de règlement devra donc nécessairement aller de pair avec celui de la mise à disposition de toutes les données statistiques, budgétaires et comptables produites à cette occasion par les ministères économiques et financiers, qui sont nécessaires aux juridictions financières pour réaliser les travaux que vous leur avez confiés dans les meilleures conditions et en préservant un délai raisonnable d'instruction.

Cette précaution ayant été formulée, j'en viens au contenu des trois documents qui vous ont été remis. Je commencerai par l'acte de certification des comptes de l'État pour l'exercice 2018.

J'insisterai en particulier sur trois éléments. Il me semble d'abord utile de rappeler quelques chiffres-clés relatifs à la situation financière de l'État présentée dans son compte général. Les états financiers mettent en effet en lumière la situation nette fortement négative des comptes de l'État, à hauteur de 1 296 milliards d'euros au 31 décembre 2018, soit près de quatre années de produits fiscaux. En 2006, lors du premier exercice de certification conduit par la Cour, la situation nette des comptes de l'État en représentait la moitié, soit seulement deux années. Cela traduit la détérioration de la situation financière de l'État.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire il y a un an, j'insiste à nouveau sur le fait que le passif de l'État représente plus du double de son actif, c'est-à-dire que ce que l'État doit représenter plus de deux fois ce qu'il possède et, ce, sans même tenir compte de ses engagements hors bilan, qui sont d'un peu plus de 4 000 milliards d'euros.

Sur le fond, ensuite, l'acte de certification confirme la poursuite de la démarche de fiabilisation des comptes de l'État que nous constatons année après année. Ainsi, les améliorations réalisées en 2018 permettent de lever 14 parties des réserves formulées sur les comptes de l'exercice passé. On peut citer à titre d'exemple les progrès réalisés dans l'estimation de la valeur du parc immobilier de l'État à l'étranger ou celle des établissements publics de santé.

Comme en 2017 et en 2016, la Cour a donc certifié les comptes de l'État sous quatre réserves substantielles. La première est systémique : en dépit de quelques progrès, dont l'acte rend compte, la Cour considère que les modalités de tenue de la comptabilité générale de l'État dans Chorus et l'efficacité encore insuffisante de son contrôle interne entraînent une limite générale dans l'étendue des vérifications que le certificateur doit conduire. Les trois autres réserves concernent différentes anomalies, portant respectivement sur les stocks militaires et les immobilisations corporelles, les immobilisations financières et les produits et charges régaliens.

Depuis les treize années que les comptes de l'État sont certifiés, nous sommes donc parvenus au stade où ne demeurent que des réserves substantielles, dont nous savons que l'érosion sera lente. Elle sera facilitée par la qualité du dialogue noué entre le certificateur et la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui est, dans ce domaine, notre principal interlocuteur. Ce dialogue vise autant à traiter les réserves persistantes qu'à prendre en compte les nouveaux sujets qui apparaissent inévitablement à mesure que les politiques publiques évoluent, que les comptes sont plus faciles à auditer et que les travaux de certification progressent.

À cet égard, la Cour dresse cette année le constat général d'une relance de la dynamique de fiabilisation des comptes de l'État, dont nous souhaitons naturellement qu'elle se poursuive. Les échanges noués avec la DGFiP ont ainsi été très constructifs tout au long de l'année passée, et nous nous en félicitons. Un planning et une feuille de route ont par exemple été établis à l'automne 2018 pour rechercher les moyens de simplifier à la fois la production et l'audit des comptes et de moderniser les modalités de relations entre l'administration et le certificateur. Notre objectif commun est de faire en sorte que les données de comptabilité générale soient plus facilement utilisables et plus utiles, pour les gestionnaires mais aussi et d'abord pour vous-mêmes, parlementaires. La qualité de ce dialogue est en tout cas de bon augure pour le traitement des vingt-cinq constats d'audit énoncés par l'acte de certification. Ce dialogue devra aussi trouver à s'appliquer à l'identification de toutes les conditions à remplir pour accélérer le calendrier de production des comptes tout en préservant ses conditions d'examen par la Cour.

J'en viens à la présentation des conclusions de notre rapport sur l'exécution du budget de l'État. Précision méthodologique : outre le changement de calendrier, nous avons aussi procédé cette année à une adaptation du format et du contenu des soixante-six notes d'exécution budgétaire (NEB) qui accompagnent ce rapport et vous ont été transmises dès le 2 mai, soit en même temps que les rapports annuels de performance.

Ces modifications répondent à différents souhaits exprimés par le Parlement, visant notamment à disposer de davantage d'analyses par programme, à disposer de plus de problématisation et de profondeur historique, et à donner une image plus complète des moyens consacrés à chaque politique publique. Il est prévu que ce processus d'amélioration se déroule sur deux exercices ; nous serons donc particulièrement attentifs à l'appréciation que vous porterez sur les changements qui ont été effectués cette année et à vos éventuelles propositions d'évolution pour l'année prochaine. Nous y serons d'autant plus attentifs que ces notes constituent, je crois, un outil de travail particulièrement précieux pour appréhender l'exécution budgétaire de chaque mission.

Certaines notes sont d'ailleurs susceptibles de vous intéresser tout particulièrement, comme la note consacrée à la mission « Cohésion des territoires », qui identifie une baisse de 1,2 milliard d'euros sur les dépenses d'aide au logement entre 2017 et 2018, suite aux mesures d'économies décidées dans ce secteur, ou la note consacrée à la mission « Écologie », qui présente l'analyse budgétaire liée à la généralisation du chèque-énergie en remplacement des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité destinés aux ménages modestes. Je pourrai multiplier les exemples, tant ces travaux sont riches ; la Cour se tient à votre disposition pour vous apporter, selon les missions qui vous intéressent, les éclairages complémentaires qui vous seront utiles.

Sur le fond, le rapport qui vous est remis comporte trois grands axes. Le premier détaille les conditions d'exécution du budget de l'État en 2018, qui s'est faite de manière plus maîtrisée qu'en 2017. Le second axe, plus structurel, approfondit la situation singulière du budget de l'État par rapport à l'ensemble des administrations publiques : après trois années de quasi-stabilité, le déficit de l'État s'est creusé en 2018, alors que le solde des administrations publiques connaissait une évolution contraire. Le troisième axe de ce rapport, enfin, consiste, au-delà de l'analyse de la gestion 2018, à souligner la complexité croissante et le manque de lisibilité du budget de l'État, et à dresser un bilan du dispositif de performance établi par la LOLF.

Je commencerai par restituer les principaux constats ayant trait à l'exécution du budget de l'État au cours de l'année 2018. D'un point de vue qualitatif, la Cour fait état d'améliorations incontestables par rapport à l'exercice 2017, dont l'exécution s'était révélée particulièrement heurtée. Le rapport établit notamment qu'en 2018, les mises en réserve de crédits ont été circonscrites, la gestion infra-annuelle normalisée, les reports de charges et de crédits contenus et les normes de dépenses tenues.

Cette situation tient pour une part importante à l'amélioration de la qualité de la budgétisation initiale et de la programmation des dépenses : les sous-budgétisations se sont ainsi limitées à 1,5 milliard d'euros en 2018, contre 4,4 milliards en 2017.

Grâce aux efforts entrepris, aucun décret d'avance n'a été nécessaire en cours de gestion, alors que les exercices précédents en avaient connu deux ou trois. Les annulations et ouvertures de crédits comptent également parmi les plus basses depuis l'entrée en vigueur de la LOLF. La Cour salue tout particulièrement le faible niveau de la réserve, puisque le taux de mise en réserve est passé de 8 % en 2017 à 3 % en 2018. Nous ne pouvons évidemment que souhaiter que cet effort de maîtrise de l'exécution budgétaire se poursuive au cours des prochains exercices.

Mais, malgré ces satisfécits, quelques pratiques de gestion critiquables persistent. Le rapport signale par exemple le maintien de sous-budgétisations dans le domaine des opérations extérieures, à hauteur de 600 millions d'euros. Il relève également l'utilisation inappropriée de la dotation pour dépenses accidentelles ou imprévisibles, qui a principalement couvert une sous-budgétisation de 100 millions d'euros liée au Mécanisme européen de stabilité (MES).

D'un point de vue quantitatif, le rapport formule un certain nombre d'observations quant aux résultats de la gestion achevée. S'agissant des dépenses, la Cour relève que, par rapport à 2017, les dépenses de l'État ont continué à progresser, à hauteur de 0,9 % sur le périmètre de la nouvelle norme de dépense pilotable. Le rythme de progression des dépenses du budget général a pour sa part été limité à 0,3 %, contre 3,2 % sur un périmètre équivalent l'année dernière.

La progression des dépenses en 2018 résulte de l'augmentation significative des dépenses de personnel, qui se sont accrues de 2 % entre 2017 et 2018, malgré une stabilisation des effectifs. Cela tient notamment à l'effet, en 2018, des recrutements effectués en 2017 et aux mesures salariales intervenues alors, telles que l'application du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR). Par ailleurs, même si la croissance de la masse salariale a légèrement ralenti par rapport à 2017, elle demeure supérieure à la moyenne de l'évolution constatée entre 2008 et 2017. En définitive, les dépenses de personnel représentent désormais près de 39 % des dépenses du budget général.

S'agissant des recettes, les recettes totales de l'État ont été nettement plus élevées que la prévision établie en loi de finances initiale, les recettes fiscales nettes ayant connu une exécution plus forte qu'attendu. Bien qu'en hausse par rapport à la prévision, parce que l'évolution spontanée des recettes a été dynamique, les recettes fiscales sont toutefois en légère baisse par rapport à 2017, notamment en raison des mesures importantes de baisses d'impôts prises en 2018 ou de mesures prises les années précédentes.

Vous le savez en effet, les baisses de prélèvement ont été significatives ces dernières années. Ainsi, pour la seule année 2018, en dépit d'un alourdissement de 4,1 milliards d'euros des recettes provenant de la fiscalité énergétique, les différentes mesures adoptées ont eu un impact net sur les recettes fiscales de moins 16,5 milliards d'euros, dont moins 13,5 milliards d'euros résultant de mesures d'allègements fiscaux.

Même si elles sont plus élevées que les prévisions initiales, les recettes nettes totales de l'État accusent donc une baisse d'un milliard d'euros par rapport à 2017. Cette baisse aurait d'ailleurs dû atteindre 3,8 milliards d'euros si des recettes de droits de mutation en 2017 n'avaient pas été imputées à tort sur 2018, ce que nous avions déploré l'année dernière, dans la précédente édition du rapport sur le budget de l'État.

Grâce à des recettes plus élevées qu'anticipé, le déficit de l'État a été relativement contenu par rapport à la prévision établie en loi de finances initiale. Il atteint en effet 76 milliards d'euros, soit 9,6 milliards d'euros de moins que le niveau fixé en loi de finances initiale. Mais ce constat ne doit pas occulter la trajectoire d'évolution et l'ampleur du déficit de l'État.

À un tel niveau - 76 milliards d'euros - le déficit de l'État représente en effet 23,4 % des dépenses nettes du budget de l'État, c'est-à-dire 4 milliards d'euros de plus que les dépenses de la mission « Enseignement scolaire » et 3 milliards d'euros de plus que les recettes de l'impôt sur le revenu. Surtout, et pour la première fois depuis 2014, le déficit de l'État est en hausse par rapport à l'année précédente, à hauteur de 8,3 milliards d'euros.

La trajectoire de l'État diverge donc de celle de l'ensemble des administrations publiques. En effet, le déficit de l'État en comptabilité nationale a atteint près de 3 % du PIB en 2018 ; il est, de ce fait, nettement supérieur au déficit de l'ensemble des administrations publiques (APU), qui a baissé de 0,3 % en 2018 pour s'établir à 2,5 %. En conséquence, alors que la dette de l'ensemble des APU se stabilise à 98,4 points de PIB, celle de l'État progresse, atteignant 78,3 points de PIB, soit 1,2 point de PIB de plus que l'année passée.

Au regard de cette situation contrastée, nous avons souhaité approfondir l'analyse du rôle particulier de l'État au sein des administrations publiques : c'est l'objet du second message délivré dans ce rapport. L'explication des divergences observées entre la situation de l'État et celle de l'ensemble des administrations publiques ne se trouve pas du côté des dépenses, dont l'augmentation, quelle que soit l'approche retenue, a tendance à ralentir. Le facteur explicatif se trouve plutôt dans la politique suivie en matière de recettes et, plus particulièrement, de recettes fiscales.

En effet, l'État définit la politique de prélèvements obligatoires, non seulement pour ses propres impôts - l'impôt sur le revenu, la taxe sur la valeur ajoutée ou encore l'impôt sur les sociétés - mais aussi pour les ressources des collectivités locales et de la sécurité sociale. Ainsi, les baisses de prélèvements destinées à améliorer la compétitivité des entreprises ou à augmenter le pouvoir d'achat des ménages prennent notamment la forme de mesures relevant de la Sécurité sociale - comme la suppression de cotisations salariales maladie et chômage - ou des collectivités locales - telles que le dégrèvement de la taxe d'habitation - qui font l'objet de compensations pesant sur le budget de l'État.

C'est donc le budget de l'État qui supporte l'essentiel du coût net des baisses de prélèvements, alors que ces baisses portent sur les recettes de toutes les administrations publiques. Or l'État ne peut pas réduire ses propres dépenses à due concurrence des baisses de prélèvements opérés sur l'ensemble des administrations publiques, d'autant plus qu'il porte aussi la charge d'intérêt sur 80 % de la dette publique.

Nous tirons de cette situation trois enseignements : il faut veiller à ce que l'effort de baisse des impôts soit proportionné à l'effort de baisse de la dépense ; il faut que cet effort de maîtrise de la dépense soit réparti sur le champ de l'ensemble des administrations publiques et non du seul État ; enfin, si nécessaire et notamment si l'on souhaite réduire rapidement le déficit du budget de l'État, le partage des recettes et des charges entre l'État et les autres secteurs d'administrations publiques mérite de faire l'objet d'un réexamen.

J'en viens au troisième et dernier message-clé figurant dans ce rapport. Il concerne la complexité croissante du budget de l'État, ainsi que les limites de la démarche de performance mise en oeuvre par la LOLF. Ce n'est pas un constat spécifique à la gestion budgétaire observée en 2018 ; néanmoins, nous avons souhaité y accorder des éléments d'analyse plus substantiels, à l'approche notamment du vingtième anniversaire de la LOLF.

Vous le constatez dans chacun de vos travaux, la dépense de l'État constitue un agrégat hétérogène, peu lisible et instable. Il est extrêmement complexe - sinon parfois impossible - de parvenir à en délimiter précisément les contours et à en apprécier les évolutions.

Cette complexité tient pour partie aux entorses persistantes faites aux grands principes budgétaires, tout particulièrement au principe d'universalité. Bien souvent en effet, les démembrements du budget de l'État conduisent à ce que les crédits budgétaires ne retracent qu'une partie finalement très réduite du financement de certaines politiques publiques. En conséquence, si l'on cherche à analyser la dépense de l'État sur le seul périmètre du budget général, on a une réelle difficulté à retracer des évolutions pertinentes et à appréhender la totalité des concours publics qui financent une activité déterminée.

Nous avions choisi l'année dernière de nous intéresser à l'un des outils portant atteinte à la cohérence du cadre budgétaire : les fonds sans personnalité juridique. Cette année, le rapport sur l'exécution du budget de l'État réalise une présentation détaillée de l'un de ces spécimens, le fond pour l'innovation et l'industrie, créé en 2018 et qui constitue une bonne illustration des critiques que nous avons formulées sur les fonds sans personnalité juridique. En l'espèce, le rapport formule une recommandation visant à substituer à ce fonds pour l'innovation un dispositif de soutien à l'innovation inclus dans le budget général.

Nous avons également consacré des développements substantiels aux dépenses fiscales, dont le coût a continué à progresser en 2018, de 6,7 milliards d'euros par rapport à 2017. Leur montant atteint ainsi 100 milliards d'euros pour l'année 2018. Depuis 2013, le coût des dépenses fiscales a progressé de près de 5,6 % par an et 1,8 %, hors effet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Les dispositifs nouveaux se sont ainsi multipliés sans que les dispositifs existants ne soient réexaminés. Le plafonnement de ces dépenses demeure inopérant et leur évaluation lacunaire.

Vous êtes, si j'ose dire, les principales victimes des problèmes de fond que je viens successivement d'évoquer, qui limitent la portée de votre autorisation parlementaire et, plus largement, réduisent la capacité du Parlement à appréhender dans leur globalité les enjeux financiers associés à l'action de l'État, notamment sur une longue période. Aussi, je souhaite que les différentes recommandations que nous formulons dans ce rapport - et que nous aurons l'occasion de suivre - puissent progressivement remédier à cette situation.

J'en viens aux observations que nous établissons sur la démarche de performance. Le chapitre qui lui est consacré permet de dresser un bilan globalement décevant des réalisations portées par la LOLF. En réalité, il confirme une perception que nous avions déjà : la culture de la performance dans la gestion publique est une greffe qui n'a pas encore parfaitement pris. Nous en relevons plusieurs symptômes, tel que le caractère surabondant et peu utilisé de la documentation budgétaire. Sur le temps long, nous observons aussi que toutes les démarches de modernisation de l'État - quelles qu'en aient été les appellations - se sont construites à côté de ce dispositif de performance, signe de son caractère peu opérant ou, au moins, de sa faible appropriation par les décideurs publics.

La valeur ajoutée du bilan que nous avons réalisé tient pour partie à l'important travail de parangonnage effectué par les rapporteurs. Il permet en effet de replacer l'expérience française parmi celles de nos voisins étrangers. Nous avons également procédé à une consultation en ligne des responsables de programme, riche d'enseignements. Vous pourrez prendre connaissance de ces différents éléments en annexe du rapport que vous a été remis.

Globalement, si notre analyse nous conduit à dresser un bilan décevant de la démarche de performance, ce bilan ne doit pas conduire à céder au découragement. Car la LOLF a clairement permis de faire bouger les lignes et de dépasser la seule logique de moyens qui lui préexistait. Il est vrai, par ailleurs, que le contexte budgétaire particulièrement tendu qui a prévalu à partir de 2008 a fortement raccourci l'horizon des gestionnaires et rétréci leurs marges de manoeuvre, et qu'il a ainsi en partie annihilé les effets positifs du dispositif de performance promu par la LOLF.

S'il n'est donc pas souhaitable de revenir en arrière, notre rapport propose un certain nombre de pistes de refondation de ce dispositif : mieux distinguer les objectifs stratégiques, de niveau politique, et les objectifs de gestion fixés aux responsables de programmes, car un gestionnaire ne peut être tenu pour responsable que de ce sur quoi il a de vraies marges de manoeuvre ; inscrire ce dispositif dans un environnement plus global, propice à l'efficience de la dépense, en conduisant notamment des revues de dépenses et des évaluations de politiques publiques de façon régulière et selon un programme prévu dans la loi de programmation des finances publiques et présenté au Parlement, comme le font la plupart de nos partenaires ; rendre de vraies marges de gestion aux responsables de programme, en leur redonnant des perspectives de moyen terme par un renouveau des dispositifs de contractualisation et de fongibilité.

J'achèverai mon propos en tant que président du Haut Conseil des finances publiques pour vous présenter l'avis que le Haut Conseil vient de formuler sur le projet de loi de règlement, avis rendu en application de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques de décembre 2012. Conformément à la volonté du législateur organique, le Haut Conseil doit, à cette occasion, comparer l'exécution constatée en 2018 avec la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Pour rappel, ce solde correspond au solde nominal, corrigé des effets liés à la conjoncture économique et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

En l'espèce, l'avis formule deux constats, le premier portant sur le niveau du déficit structurel, dont l'estimation est passée, en points de PIB, de 2,4 en 2017 à 2,1 en 2018. Sous la réserve que j'ai formulée au début de mon intervention sur le calendrier de publication par l'Insee des chiffres du PIB, le Haut Conseil constate que le solde structurel estimé pour 2018 est identique à celui prévu par la loi de programmation des finances publiques promulguée en janvier 2018. Il n'y a donc pas lieu de déclencher le mécanisme de correction prévu par la loi organique de décembre 2012 lorsqu'un écart de solde structurel par rapport à la loi de programmation atteint au moins 0,5 point de PIB sur une année donnée ou 0,25 point de PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le second constat formulé par notre avis porte sur la décomposition de la variation du solde structurel. Entre 2017 et 2018, compte-tenu des arrondis, le déficit structurel s'est réduit de 0,2 point de PIB. Cette amélioration s'explique, selon le Gouvernement, par un effort sur les dépenses publiques de plus 0,4 point, partiellement compensé par des mesures de baisse des prélèvements obligatoires à hauteur de moins 0,2 point.

S'agissant plus particulièrement de l'effort en dépense, il résulte d'une croissance des dépenses publiques estimée à 0,5 % en volume - en retenant les prix du PIB - soit un rythme moins rapide que la croissance potentielle du PIB, estimée à 1,25 %. Toutefois, le Haut Conseil relève que la recapitalisation d'Areva en 2017 a un impact significatif sur le calcul de cet effort. Si l'on neutralise les 4,5 milliards d'euros de dépense publique liés à cette recapitalisation, opérée en 2017, la croissance de la dépense en volume est alors de 0,9 % en 2018, soit une augmentation proche de celle constatée en 2017. Hors impact de la recapitalisation d'Areva, l'effort en dépense serait alors de 0,2 point en 2018 et l'effort structurel serait réduit à zéro.

En tout état de cause, le Haut Conseil souligne que le solde structurel, estimé à moins 2,1 points de PIB en 2018, reste encore très éloigné de l'objectif de moyen terme de moins 0,4 point de PIB défini dans la loi de programmation.

M. Vincent Éblé , président . - Le regard rétrospectif qui nous occupe aujourd'hui passe parfois pour politiquement anecdotique, car nous ne pouvons pas amender les articles purement récapitulatifs de la loi de règlement. C'est pourtant un exercice très utile : l'enchainement de cet exercice rétrospectif avec l'exercice prospectif est essentiel pour changer la donne et ne pas être réduit à la constater. Notre constat d'aujourd'hui doit nous donner des éléments pour les lois de finances futures ou en cours d'exécution.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'année 2018 donne une impression contrastée. L'exécution a été bonne et les efforts de sincérité des comptes doivent être reconnus : il n'y a pas eu de décrets d'avance. Mais la bonne exécution est due à des recettes fiscales qui se tiennent. Les baisses d'impôt de 2018 n'ont pas été financées par des économies. J'en veux pour preuve la hausse de la masse salariale de l'État. On peut certes comprendre qu'il y ait de nouvelles missions, notamment en matière de sécurité ; des postes ont été créés par un gouvernement précédent. La Cour attire notre attention sur le coût des niches fiscales et celui de la politique du logement. Il semble que le Gouvernement ait entamé en 2018 ce qu'il a continué en 2019 et qui sera éclatant en 2020 : le renoncement aux réformes. Il n'est en effet pas raisonnable de laisser progresser de 2 % la masse salariale de l'État. On ne s'interroge pas non plus sur les missions de l'État.

Le déficit repart à la hausse. Ce n'est que grâce aux efforts des collectivités territoriales et à la bonne tenue des recettes fiscales que nous avons un assez bon résultat par rapport à ce qui était prévu. La masse salariale représente 39 % du budget de l'État. Toutes les annonces initiales sur la réduction du nombre de postes sont oubliées...

Quelques questions plus précises : le Haut Conseil indique que la recapitalisation d'Areva ne figure pas dans les décisions exceptionnelles et temporaires. J'espère pourtant que nous n'aurons pas à y procéder tous les ans ! Elle a une incidence de 0,2 point sur l'ajustement structurel. Cela signifie que si elle avait été considérée comme une opération exceptionnelle, la France aurait dépassé l'écart maximum autorisé par les règles européennes. S'agirait-il d'un petit arrangement pour que la France respecte ses engagements ?

Une remarque enfin sur la performance. La Cour plaide à juste titre pour le retour à l'esprit de la LOLF. Nous sommes d'accord : qui se penche sur un « bleu budgétaire » voit bien qu'il est illisible. Tous les objectifs sont atteints, il n'y a que des estimations pour les niches fiscales... Il y a peut-être trop d'informations, d'indicateurs, de rapports, et pendant ce temps, la dette continue à augmenter. En 2019, nous en serons à 100 %... peut-être faudrait-il revenir à des indicateurs plus simples. Des pays nordiques ont fait ce choix et ils ont de bien meilleurs résultats que nous. Il faudrait ajouter à cela le changement de calendrier pour que nous disposions de plus de temps pour l'évaluation.

M. Didier Migaud . - Oui, monsieur le président, le regard rétrospectif est utile, la réalité d'une politique budgétaire se mesurant avant tout dans son exécution. Il est toujours utile de regarder dans le rétroviseur : on connait ainsi mieux les dangers et la façon dont le chemin se déroule.

Les NEB que nous vous transmettons représentent 3 000 pages. Mais elles sont à destination des rapporteurs spéciaux, qui y trouvent des éléments d'information sur les programmes ou les missions sur lesquels ils rédigent leur rapport.

Monsieur le rapporteur général, une observation sur les dépenses de personnel : en effet, celles-ci augmentent moins qu'en 2017, mais un peu plus que la moyenne des augmentations entre 2008 et 2017, par la suite de décisions prises les années précédentes. L'effectif est cependant stabilisé à 300 unités près.

La Cour aura l'occasion de revenir sur la question d'Areva dans son rapport sur les perspectives des finances publiques. Le choix fait par le Gouvernement n'a pas d'incidence sur le solde effectif, mais sur le calcul du solde structurel mesuré par la Commission européenne. Le Gouvernement n'a pas classé cette dépense comme étant exceptionnelle, et la Commission européenne n'a pas fait d'observation...

Pour nous, la recapitalisation correspond à la définition des dépenses exceptionnelles, mais le Gouvernement et la Commission ont eu une position différente. Cela a effectivement une conséquence sur la mesure de l'évolution du solde structurel, qui devient quasi nulle. J'imagine que vous poserez cette question au ministre.

La démarche de performance est indispensable. Elle a été mise en place par la LOLF, après l'avoir été bien avant dans d'autres pays. Tout ce qui a été mis en place est-il pertinent ? La question n'est pas suffisamment prise en compte par les gestionnaires. Oui, l'information est surabondante et le nombre des indicateurs a été réduit, mais insuffisamment. Il faut mettre en cohérence les indicateurs et les opérations de pilotage, qui ne sont pas toujours les mêmes... Nous appelons donc à refonder ce dispositif. Mais la démarche de performance en elle-même reste particulièrement utile. Nous proposons d'introduire des revues de dépense régulièrement présentées au Parlement, des marges de manoeuvre plus souples pour les gestionnaires, telles que la pluri-annualité et la fongibilité. Mais cela pose le problème de la réserve numéro 1 sur les systèmes d'information et le contrôle interne : si nous voulons donner plus de souplesse, encore faut-il que ces derniers soient plus performants.

Nous aurons l'occasion d'y revenir, car nous proposerons un bilan de la LOLF pour ses vingt ans d'existence.

M. Vincent Delahaye . - Merci pour votre présentation. Votre travail constitue pour nous une mine d'informations précieuse. Vous notez l'effort de sincérité, la baisse des sous-budgétisations. Le déficit affiché est artificiellement réduit grâce à la prise en compte en 2018 d'une recette de 1,4 milliard d'euros au titre des droits de mutation qui n'a pas été comptabilisée en 2017. Au lieu de 76 milliards d'euros, il devrait donc s'élever à 77,4 milliards d'euros.

Le projet de loi de règlement est plus important que le projet de loi de finances initial car on n'est plus dans le domaine des projections mais dans le domaine du réel, de l'exécution. Avancer la date d'examen parlementaire de ce texte d'un mois est donc une bonne chose, cela nous permettra de mener davantage d'auditions.

La Cour souligne aussi les changements de périmètres budgétaires. Est-il possible de les stabiliser ? Cette pratique récurrente chaque année rend difficiles les comparaisons.

Je souhaiterais savoir s'il était possible de disposer d'une évaluation des frais de réception, de représentation, de transport et de communication au sein de chaque mission. Enfin, les restes à payer s'élèvent à 110 milliards d'euros, à peu près comme l'an dernier. Comment apprécier ce chiffre ? Est-il possible de le diminuer ?

M. Marc Laménie . - Merci pour votre travail très précieux. Le déficit s'élève à 76 milliards d'euros. C'est important si l'on considère la hausse de l'endettement même si la charge de la dette demeure stable grâce au maintien de taux d'intérêt bas.

Les opérateurs de l'État sont très nombreux, avec des missions très diverses. Parvenez-vous à quantifier leur poids financier ? Enfin, vous évoquez les dépenses fiscales, déplorant qu'elles ne soient ni pilotées ni évaluées. Pourquoi ?

M. Jean-Claude Requier . - Je suis un peu noyé dans l'avalanche de chiffres...mais je reste impressionné par l'importance du déficit budgétaire. Certes, voilà 25 ans que la France n'a pas eu un budget en équilibre, ce n'est donc pas nouveau, mais 76 milliards ce n'est pas rien ! Quand j'étais jeune, on n'empruntait pas car on avait peur de faire faillite. Les choses ont bien changé...Néanmoins la situation budgétaire s'est un peu améliorée, mais cela semble précaire et aléatoire. Quelle est la part due à l'action de l'État ? Quelle est la part due à l'amélioration de la conjoncture ?

M. Victorin Lurel . - J'ai des incertitudes sur l'estimation des immobilisations financières. Il est difficile de les évaluer et de déterminer les valeurs d'équivalences. Beaucoup d'entités existent avec des normes comptables différentes. J'aimerais avoir plus de précisions. Je pense en particulier à l'Agence des participations de l'État. Dans votre recommandation n o 9, vous préconisez le retour des recettes et des dépenses des fonds sans personnalité juridique au budget général, en recourant si possible aux mécanismes d'affectation prévus par la LOLF, ou en plaçant la gestion déléguée, si elle est maintenue, dans le cadre d'une convention de mandat. Cela correspond à ce que notre commission des finances avait demandé. Vous émettez d'ailleurs une réserve substantielle à propos des immobilisations financières, vous ne pouvez pas les certifier car les méthodes sont fluctuantes.

Sur les participations de l'État, dans la recommandation n o 10, vous plaidez pour la substitution au fonds pour l'innovation et l'industrie d'un dispositif de soutien inclus dans le budget général. On a en effet l'impression que la LOLF n'est pas respectée : lorsque les dividendes sont payés en numéraire, ils alimentent le budget général ; lorsque c'est sous forme de titres, c'est l'Agence des participations de l'État ou la Banque publique d'investissement qui gèrent...Cela ressemble à un tour de passe-passe comptable qui ne respecte ni l'esprit ni la lettre de la LOLF. Pouvez-vous nous en dire plus ? Le fonds pour financer l'innovation de rupture devait rapporter 250 millions chaque année. Depuis, le Conseil constitutionnel s'est prononcé et on est dans l'expectative...Ne faudrait-il pas rationaliser davantage le financement de l'innovation dans la mesure où différents fonds et programmes existent déjà ? Pourriez-vous donc nous éclairer davantage sur les immobilisations financières et le respect de la LOLF ?

M. Jean-François Husson . - Après trois années de baisse, le déficit budgétaire augmente de 10 %. Ce n'est pas rien ! Cette hausse est imputable à l'État. L'an dernier, le Gouvernement avait mis à contribution les collectivités territoriales, les désignant ainsi comme responsables, au moins partiellement, du déficit. On constate finalement que, grâce à la contractualisation, les collectivités territoriales ont fait un effort et qu'en même temps le déficit de l'État a augmenté. Avez-vous des préconisations à adresser à la représentation nationale ? Comment expliquer cette dégradation ? Je note l'alourdissement sensible de 4 milliards d'euros de la fiscalité énergétique, qui était à l'origine du mouvement des gilets jaunes.

Vous soulignez la complexité croissante du cadre budgétaire de l'État en regrettant le manque de lisibilité, entrave au respect des principes d'unité et d'universalité budgétaires. Quelles sont vos préconisations pour renforcer la transparence ? Là encore, le manque de lisibilité et de transparence n'est pas étranger au mouvement de révolte récent de nos concitoyens.

M. Julien Bargeton . - La Cour des comptes note la meilleure programmation des dépenses qui a amélioré la sincérité du budget. On ne peut que s'en féliciter. On parle de la réforme de l'État, de la réduction des dépenses publiques et de la baisse du nombre de fonctionnaires. Mais dans le contexte des gilets jaunes, ce n'est pas évident et l'on peine parfois à proposer des économies parce que l'on sent dans les territoires une demande de services publics. Il n'appartient pas à la Cour de faire des propositions d'ordre politique sur la réduction des dépenses ou sur l'affectation des personnels. La Cour a-t-elle néanmoins des propositions sur la méthode à suivre pour réduire efficacement les dépenses ? Les méthodes jusque-là mises en oeuvre pour réformer l'État n'ont pas toujours donné les résultats escomptés...

M. Thierry Carcenac . - Vous insistez sur la faible lisibilité et la difficile appréhension du cadre budgétaire. Les périmètres sont instables. Rapporteur spécial des crédits de l'immobilier de l'État, je ne peux que déplorer, en effet, la dispersion de la gestion de l'immobilier de l'État entre 44 missions et l'existence, en outre, d'une direction de l'État. Tout cela ne contribue pas à donner une vision claire de ce qui est fait en la matière. Il en va de même pour les systèmes d'information où chaque ministère oeuvre dans son coin, même si une agence nationale existe. Comment améliorer la lisibilité du budget ?

Certains ont souligné la contradiction entre la volonté de réduire les déficits et la nécessité d'améliorer les services publics, et donc d'embaucher. De fait, si une année on réduit le nombre d'enseignants, on constate une augmentation des recrutements l'année suivante. On manque de continuité.

Vous appelez à une nécessaire refondation de la démarche de performance, appel d'autant plus intéressant que vous figurez parmi les pères fondateurs de la LOLF. Nos voisins ont réduit de manière drastique le nombre d'objectifs. Entendez-vous faire des propositions au Gouvernement en ce sens ?

M. Michel Canévet . - Le déficit demeure à un niveau significatif même s'il est inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale. Il est plus élevé que l'an passé et l'on peut s'inquiéter pour l'avenir alors que des baisses de recettes et d'impôts ont été annoncées. Je m'inquiète aussi des propos sur la certification. La Cour indique qu'elle n'est pas en mesure de se prononcer sur la fiabilité de l'estimation d'une part importante du parc immobilier de l'État. Elle souligne qu'il existe de nombreuses inconnues comme sur les créances fiscales à la fin de l'exercice.

Vu la situation, il est nécessaire de faire des efforts pour réduire la dépense. J'avais ainsi proposé, lors de l'examen du projet de loi de finances, de réduire les dépenses de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » dont je suis le rapporteur, et je constate qu'en exécution on parvient à une baisse de 10 % par rapport aux prévisions initiales ; c'est la preuve qu'il existe des marges de manoeuvre. Jusqu'où la Cour peut-elle aller dans l'examen des dépenses de l'État, pour évaluer certaines dépenses, comme celles évoquées par Vincent Delahaye, déceler les abus et les postes où l'on pourrait réduire les crédits de manière significative ?

Mme Christine Lavarde . - Je tiens à remercier la Cour pour la modification des NEB. J'ai lu avec intérêt celle consacrée au programme des investissements d'avenir. La présentation est claire, problématisée. J'y ai retrouvé vos interrogations sur la pertinence des indicateurs de performance. Je note aussi que les constats que vous faites sur l'exécution du budget sont les mêmes que ceux que nous faisons à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initial, et nos remarques sont identiques d'une année sur l'autre...Que pouvons-nous faire collectivement pour faire bouger les choses ? J'ai peur qu'en 2020 on fasse les mêmes remarques que cette année...

M. Didier Migaud . - Je confirme notre analyse sur les droits de mutation : une recette de 1,4 milliard a été imputée sur l'exercice 2018 alors qu'elle trouvait son origine en 2017. Nous l'avions déjà remarqué l'an dernier.

Nous avons souhaité insister à nouveau sur la lisibilité budgétaire dans notre rapport qui contient un certain nombre de constats et de recommandations. Les dépenses fiscales ont augmenté plus sensiblement que les autres dépenses. On ne peut que constater l'échec des conférences fiscales qui ont été organisées, un échec de la démarche de plafonnement global recherché par les lois de programmation des finances publiques - l'objectif était, il est vrai, très limité, comme nous l'avions souligné dans nos observations sur la dernière loi de programmation. Les dépenses fiscales sont un guichet ouvert et constituent un moyen de contourner les normes d'évolution de la dépense, avec un risque de dérive. Nous invitons à refaire le point sur la maitrise des dépenses fiscales. Évidemment, cela aboutirait à augmenter mécaniquement le taux des prélèvements obligatoires mais on pourrait profiter de l'occasion pour baisser d'autres impôts.

Le déficit budgétaire est moins important que prévu en raison du dynamisme des recettes. Il est la conséquence du choix politique de baisser les impôts. L'année 2018 est éclairante. D'un côté, la dépense continue d'évoluer positivement, malgré un effort de maîtrise plus important que les années précédentes ; d'un autre côté, les recettes diminuent avec des baisses d'impôts. Mécaniquement, le déficit se creuse ! Si l'on veut réduire le déficit, une action plus puissante de maitrise de la dépense publique s'impose, qui devrait concerner l'ensemble des secteurs, État comme collectivités territoriales ou Sécurité sociale. Des marges d'amélioration en termes d'efficacité existent.

On compte plus de 150 fonds sans personnalité juridique. Comme ils ne figurent pas dans le budget de l'État, ils peuvent s'affranchir des règles budgétaires et de la norme d'évolution de la dépense publique. Ils se soustraient aussi au contrôle du Parlement qui n'est pas aussi systématique que pour les dépenses budgétaires classiques et ils ne contribuent pas à la lisibilité de l'action publique. Ainsi près de la moitié des crédits de la mission « cohésion des territoires » est éparpillée dans des fonds divers. Il est bien difficile d'évaluer la qualité et l'efficacité de l'action de l'État en ce secteur ! Il en va de même pour l'innovation, la recherche ou l'industrie. Un fonds a été créé en 2018 pour accueillir les recettes provenant de privatisations possibles afin de financer l'innovation et la recherche, mais d'autres dispositifs similaires existent déjà, dans le cadre du budget général ou dans d'autres fonds ! Dans un souci de transparence, nous plaidons donc pour un retour de ces actions dans le budget. Cela contribuerait à une plus grande transparence de l'action de l'État. Il en va de même pour les modifications de périmètre, récurrentes, même si elles peuvent parfois se justifier. C'est pourquoi nous nous efforçons de faire des analyses à périmètre constant.

Il est tout à fait possible de chiffrer les frais de communication ou de représentation à travers le portail Chorus, même si nous ne l'avons pas fait dans notre rapport. Je laisse la parole à M. Briet sur les immobilisations financières et les restes à payer.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes . - Les incertitudes comptables sont de trois ordres. Tout d'abord certains systèmes d'information, notamment en matière de recettes, sont très anciens, avec des référentiels qui sont encore ceux de l'ordonnance de 1959 et non ceux de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Certaines opérations sont encore parfois manuelles. On n'a visiblement pas encore tiré tout le parti de Chorus.

Ensuite, en dépit de progrès dans la maitrise des risques et le contrôle interne dans les ministères, les avancées ne sont pas suffisantes pour disposer d'une assurance raisonnable sur la qualité de ces comptes.

Enfin, les données sont souvent incomplètes ou imprécises. C'est le cas notamment pour les participations financières de l'État, pour lesquelles on ne dispose pas d'indications solides et homogènes provenant de l'ensemble des participations financières de l'État, soit parce que les référentiels comptables ne sont pas homogènes, soit parce que l'on ne dispose pas des rapports des commissaires aux comptes, soit parce qu'il n'y a pas de certification des comptes du tout...Les problèmes de valorisation à l'actif de l'État de l'immobilier n'empêchent toutefois nullement de contrôler la gestion quotidienne de l'immobilier de tel ou tel ministère. Nous notons aussi une amélioration concernant la valorisation de l'immobilier à l'étranger.

Les restes à payer, c'est-à-dire les autorisations d'engagement pour lesquelles les crédits de paiement n'ont pas été ouverts, sont globalement stables, en hausse à la Défense, en baisse pour la mission « Travail et emploi ». Si l'on croise la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale, on s'aperçoit que seuls 10 % des restes à payer correspondent à des passifs à court terme, c'est-à-dire à des dettes certaines. Le reste correspond à des engagements hors bilan. Vu le niveau atteint fin 2018, il n'y a pas de préoccupations particulières à avoir à ce sujet.

M. Didier Migaud . - Nous souhaitons aussi compléter le dispositif de performance par une revue des dépenses et une évaluation des politiques publiques qui seraient présentées au Parlement dans le cadre de la loi de programmation. Les autres pays ont fait le choix d'une démarche cohérente entre la revue des dépenses, le dispositif de performance et les réformes proposées. En France, ces démarches sont indépendantes, juxtaposées, sans cohérence. Une diminution du nombre d'objectifs et d'indicateurs serait évidemment souhaitable et pertinente.

M. Vincent Éblé , président . - Je vous remercie.

B. AUDITION DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (15 MAI 2019)

Réunie le mercredi 15 mai 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

M. Vincent Éblé , président . - Mes chers collègues, M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics vient nous présenter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, examiné ce matin par le Conseil des ministres.

Nous ne pouvons pas dire que nous ignorons tout de l'exécution du budget en 2018. Le 21 février dernier, monsieur le ministre, vous nous avez vous-même donné les premiers éléments dont vous disposiez. Vous pouvez à présent nous faire part des résultats définitifs, d'autant que les rapports annuels de performance sont aujourd'hui disponibles, ainsi que les travaux menés par la Cour des comptes.

En outre, nous venons de recevoir le premier président de la Cour des Comptes, M. Didier Migaud, qui nous a fait part de ses remarques, certaines positives - sur la sincérité de l'exécution budgétaire -, d'autres plus critiques, notamment sur les dépenses fiscales ou la démarche de performance.

Je vous précise, monsieur le ministre, que notre commission recevra plusieurs de vos collègues, membres du Gouvernement, sur l'exécution budgétaire des missions dont ils sont responsables : le 5 juin, M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement ; le 18 juin, Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales ; le 19 juin, Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; enfin, le 26 juin, Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Le contrôle ne se limite pas à l'examen de la loi de règlement : les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont engagé des contrôles budgétaires sur de nombreux sujets depuis le mois de janvier, chacun dans son domaine. Nous bénéficions également de l'appui de la Cour des comptes que nous avons déjà reçue trois fois depuis le début de l'année dans le cadre de l'article 58, paragraphe 2, de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai tenu l'engagement que j'avais pris devant vous d'avancer la date du dépôt du projet de loi de règlement, afin que le Parlement puisse travailler plus sérieusement et plus efficacement dans le cadre du contrôle de l'action gouvernementale.

L'examen du projet de loi de règlement des comptes de l'année est toujours un moment de vérité pour le Gouvernement, puisqu'il met en lumière les écarts avec les prévisions des lois de finances de l'année considérée, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement. Il s'agit d'un exercice démocratique.

Le calendrier de sa présentation devant vous a ainsi été anticipé, tout comme la transmission des rapports annuels de performance. Cela aidera les parlementaires à mieux contrôler encore l'action gouvernementale. De la même manière, j'ai souhaité que votre Assemblée puisse bénéficier d'un accès direct au logiciel Chorus et que soient pour la première fois mises à disposition du public, en open data, les données détaillées de comptabilité générale. Cet effort de transparence s'ajoute ainsi à l'effort de sincérité auquel le Gouvernement a procédé ces deux dernières années du point de vue tant de la budgétisation initiale que de notre endettement.

Sur le fond, l'examen de ce projet de loi sera pour moi l'occasion de revenir sur les bons résultats que nous avons obtenus en matière budgétaire l'an passé et qui sont même meilleurs que ceux que j'avais eu l'occasion de présenter devant votre commission au mois de février dernier.

En effet, cette exécution budgétaire démontre qu'il est possible de réduire à la fois notre déficit public, les prélèvements obligatoires et la dépense publique tout en stabilisant, pour la première fois depuis dix ans, notre endettement à 98,4 % du PIB. C'est d'ailleurs grâce à la maîtrise de notre dépense publique, qui s'est contractée de 0,3 point en volume, que nous sommes parvenus à réduire à la fois notre déficit à 2,5 % du PIB ainsi que les impôts. Si le travail est encore long, l'année 2018 est à marquer d'une pierre blanche, puisque nous sommes en train de parler, non pas de prévisions, mais de constats vérifiés. L'ensemble des acteurs de la dépense publique ont concouru à cet objectif, qu'il s'agisse de l'État, des organismes de sécurité sociale ou bien des collectivités territoriales.

Il reste des choses encore à améliorer. Je sais que vous en discutez beaucoup, notamment dans le cadre de la révision constitutionnelle à venir. Nous avons une vision parcellaire des dépenses publiques en général : nous ne parlons que de l'État. Il faudrait peut-être ajouter les comptes sociaux et il serait bon, pour le Parlement et pour nos concitoyens, de disposer de tous les chiffres de toutes les administrations publiques et pas simplement de ceux de l'État et des collectivités locales.

S'agissant de l'État, les résultats sont en nette amélioration par rapport à nos prévisions : le déficit s'élève non pas à 86 milliards d'euros comme il était prévu en loi de finances initiale, mais à 76 milliards d'euros, soit 10 milliards d'euros de moins. Ce résultat doit notamment être mis en regard des efforts budgétaires majeurs auxquels le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont consenti. Je pense à l'augmentation très importante des crédits de la mission « Défense », mais également aux fortes consommations de crédits liées à la transition écologique, à l'instar du chèque énergie et de la prime à la conversion.

Si le déficit de l'État reste important et supérieur au déficit de toutes les administrations publiques confondues, c'est parce que c'est l'État qui porte l'essentiel de la baisse de la fiscalité : les dégrèvements très importants pour les collectivités locales - 16 milliards d'euros -, 10 milliards d'euros de transfert de TVA à la sécurité sociale et les baisses d'impôts décidées par le Gouvernement - impôt sur les sociétés, taxe d'habitation... La question se reposera en 2019 et 2020 pour la CSG, notamment pour les petites retraites.

L'objectif total de dépenses, fixé à 425,4 milliards d'euros en loi de finances initiale, a été respecté. Sur le périmètre de la dépense dite « pilotable », ce sont même 1,4 milliard d'euros de crédits qui n'ont pas été consommés. L'État, notamment le Gouvernement, en gérant bien les crédits votés par le Parlement, a multiplié par deux la demande faite en projet de loi de finances pour retrouver 1,4 milliard d'euros d'économies, ce qui explique les bons chiffres de déficit que j'ai mentionnés.

Je me tiens à votre disposition pour évoquer, à un niveau de détail plus fin, la plus-value de 8,8 milliards d'euros de recettes fiscales par rapport à la prévision initiale. Ce montant se répartit à parts égales entre la TVA et l'impôt sur les sociétés, signe de la robustesse de notre économie, malgré les difficultés que nous avons connues l'année dernière - les diverses journées de grève de la SNCF et la crise dite des gilets jaunes dont nous avons déjà évalué les conséquences à 0,2 % du PIB, c'est-à-dire à environ 4 milliards d'euros.

Par ailleurs, la situation patrimoniale de l'État s'améliore nettement. Le résultat patrimonial atteint même son meilleur niveau depuis 2008 - - 51,9 milliards d'euros contre - 61,1 milliards d'euros en 2007 -, grâce à l'augmentation de la valeur de l'actif immobilisé de l'État ainsi qu'à l'apurement de dettes contractées au cours des exercices précédents.

Même si les comptes sociaux ne figurent pas dans ce projet de loi de règlement, il faut constater la très grande maîtrise des dépenses d'assurance maladie, qui se traduit par le respect de l'ONDAM pour la neuvième année consécutive, permettant même le redéploiement de plus de 300 millions d'euros en faveur de l'hôpital public.

S'agissant des collectivités, force est de constater que la contractualisation imaginée par le Gouvernement a bien fonctionné. J'ai entendu ici plusieurs critiques invoquant son aspect non constitutionnel, ce qu'a contredit le Conseil constitutionnel. En moyenne, les collectivités entrant dans ce champ ont connu une diminution de leurs dépenses de fonctionnement de 0,2 %, bien au-delà de l'objectif fixé à Cahors. Sans baisse des dotations aux collectivités locales, l'investissement public local a augmenté comme jamais au cours des dix dernières années.

Le Gouvernement aura l'occasion de dresser le bilan de l'application des dispositifs de maîtrise des dépenses locales pour l'année 2018 avant le débat d'orientation des finances publiques, tandis qu'un second bilan développera les résultats obtenus par catégorie de collectivités, à l'automne 2019. Je suis le destinataire des conclusions de la première année budgétaire du pacte de Cahors, mais n'ai pas encore tous les chiffres de toutes les collectivités.

J'ajoute que les autres collectivités sont restées proches de l'objectif national, avec une progression de leurs dépenses de fonctionnement de 1,1 %, si bien qu'en moyenne les résultats de l'année 2018 sont globalement favorables, avec un net ralentissement des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités, de l'ordre de 0,3 %.

Si ce projet de loi de règlement contient des motifs de satisfaction et de fierté sur le fond, il témoigne également d'une gestion budgétaire plus apaisée et plus respectueuse de l'autorisation parlementaire. Ainsi, pour la première fois depuis plus de trente ans, le Gouvernement n'a procédé à aucune ouverture ou annulation de crédits par décret d'avance en cours de gestion. De la même manière, aucun dégel de la réserve de précaution n'a été nécessaire durant le premier semestre 2018. À l'exception de crédits de la Cour des comptes, extrêmement modestes, je n'ai toujours pas dégelé de crédits.

Enfin, toujours dans une logique de responsabilisation des gestionnaires, le taux de mise en réserve a été considérablement réduit, passant de 8 % à 3 %, c'est-à-dire de 10 milliards d'euros de crédits gelés en 2017 à 4 milliards d'euros en 2018.

J'ai demandé à ce que des mesures préventives soient mises en place pour empêcher que ne se reproduise l'erreur d'imputation des droits de mutation pour les départements. Ce plan d'action a ainsi permis de réduire, au 31 décembre 2018, le solde du compte de tiers en matière de droits de mutation au niveau constaté à la fin de l'année 2016, soit à son niveau résiduel. La DGFiP a par ailleurs fait évoluer son système d'information afin de disposer, à la fin de ce semestre, d'un suivi quotidien du compte de tiers et de simplifier la liquidation des droits de mutation. Une telle erreur ne peut donc pas se reproduire.

Nous ne saurions, pour l'avenir, nous contenter de ces bons résultats. Il faut poursuivre ce travail de maîtrise de la dépense publique ainsi que de baisse du déficit public.

Je voudrais ici souligner l'importance et la leçon de l'année 2018, qui consistait à baisser les impôts. Ceux-ci ont baissé fortement pour les entreprises comme pour les particuliers. Tout en réduisant le déficit, c'est par la baisse de la dépense que nous avons financé les baisses d'impôts de l'année 2018. Ce point très important doit nous inspirer pour l'année 2019, mais surtout pour les dernières années du quinquennat.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je salue l'engagement qui a été pris de resserrer le calendrier pour la présentation du projet de loi de règlement. Je note également l'engagement tenu sur le suivi des décrets d'avance et les taux de mise en réserve. Nous nous sommes suffisamment plaints des précédents gouvernements pour que cela soit souligné.

Par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, l'exécution est meilleure que prévu, même si les chiffres ne sont toujours pas satisfaisants. Comment se satisfaire d'un déficit budgétaire de 76 milliards d'euros, qui est d'ailleurs reparti à la hausse ?

Si l'exécution est meilleure, c'est parce que les recettes fiscales se sont bien tenues. On a en revanche plus de mal à chiffrer les économies. Je pense notamment à la masse salariale de l'État : celle-ci, hors compte d'affectation spéciale « Pensions », a augmenté de 2 % contre une moyenne de 0,9 % sur les dix années précédentes. Certes, c'est largement le fait des créations de postes qui ont été décidées antérieurement, mais Bruno Le Maire a annoncé une diminution de 50 000 équivalents temps plein pendant le quinquennat qui commencerait dès 2018. Or l'année 2018 a vu des créations nettes de postes.

Cette diminution est-elle toujours d'actualité après le dernier discours du Président de la République ? N'a-t-on pas renoncé à toute mesure de réforme de l'État et d'économie et décidé d'attendre que la conjoncture apporte les recettes fiscales supplémentaires ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous me citer les réformes structurelles qui ont été engagées par le Gouvernement et qui auraient généré de vraies économies sur le budget de l'État en 2018 ?

Les dépenses fiscales ont continué à largement augmenter au titre de 2018. Leur coût dépasse maintenant 100 milliards d'euros, soit une augmentation de plus de 6,7 milliards d'euros par rapport à 2017. Vous avez exprimé le souhait d'y revenir, mais ce travail semble se réduire peu à peu : cela ne concernerait que les dépenses fiscales des entreprises, hors CICE et crédit impôt recherche. Le plafonnement est inopérant et l'évolution demeure très lacunaire. Comment expliquez-vous cette dérive non maîtrisée des dépenses fiscales ?

J'en viens à la recapitalisation d'Areva. Selon vous, ce n'est pas une mesure exceptionnelle, mais elle a une incidence non pas sur le déficit nominal, mais sur l'ajustement structurel. Pourquoi ce choix ?

S'agissant des droits de mutation, une erreur a été commise en 2017 et ils ont été comptabilisés en 2018. Cette comptabilisation décalée a conduit à un décalage de 2,8 milliards d'euros de dépenses, ce qui explique la différence d'appréciation sur l'augmentation spontanée des recettes fiscales entre la Cour des comptes et le Gouvernement.

Sans évoquer déjà 2019, en matière d'effectifs de la fonction publique et de dépenses fiscales, l'année 2018 est très décevante. Dans un contexte de ralentissement général en Europe, de moindre marge de manoeuvre, y compris sur le plan politique - les gilets jaunes sont passés par là -, le Gouvernement n'a-t-il pas d'ores et déjà renoncé à toute réforme et à toute volonté d'économie ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Le déficit a baissé. Pour la première fois depuis 15 ans, les dépenses publiques ont été tenues - de l'ordre de 0,3 point, contre entre 0,9 et 1 point lors du quinquennat précédent. Par ailleurs, nous avons baissé les impôts : la baisse de 0,2 point de prélèvements obligatoires représente 4 milliards d'euros. Enfin, pour la première fois depuis désormais 14 ans, la dette a été stabilisée.

J'en viens à votre question sur l'augmentation de 2 % de la masse salariale de l'État. L'État, c'est 30 % de la dépense publique. Les crédits de l'État ont augmenté de 2,7 milliards d'euros entre 2017 et 2018 : 1,7 milliard d'euros ont été consacrés à nos armées, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), ce qui répond à une demande quasi unanime. Par conséquent, il y a un milliard d'euros d'augmentation, montant inférieur aux 2 % d'augmentation de la masse salariale.

La masse salariale augmente pour plusieurs raisons, notamment en raison de décisions antérieures : 14 000 créations de postes la dernière année du quinquennat de M. Hollande, ce qui crée des dépenses immédiates, augmentation de 0,6 point du point d'indice l'année de l'élection présidentielle, entrée en vigueur du plan parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR)...

En tant que ministre en charge de la fonction publique et des comptes publics, j'ai pris fin 2018 des dispositions que vous m'avez parfois encouragé à prendre : rétablissement du jour de carence pour l'État et les collectivités locales, décalage du PPCR, non-augmentation du point d'indice. Pour la première fois, nous avons inversé, lors du projet de loi de finances pour 2018, le nombre de créations de postes par rapport au nombre de non-remplacements de fonctionnaires. Le procès que vous faites pour l'année 2018 s'adresse donc non au Gouvernement, mais à ses prédécesseurs.

Quid de l'avenir ? Le Président de la République n'a pas annoncé qu'il renonçait à l'objectif de 120 000 fonctionnaires en moins d'ici à la fin du quinquennat. Il s'agit de savoir si ce qu'il annonçait était compatible avec l'objectif de 120 000 suppressions de postes : 70 000 pour les collectivités locales, 50 000 pour l'État. Nous tiendrons l'objectif de suppression de postes dans les collectivités locales, par la maîtrise de la dépense des grandes collectivités. Pour l'État, je pense toujours que l'objectif est atteignable. La question est de savoir ces suppressions doivent intervenir en 2022 ou en 2023.

Réduire le nombre d'agents publics n'a pas d'intérêt budgétaire. Si nous décidions demain de ne pas remplacer les 50 000 postes, cela aurait peu de conséquences sur les années budgétaires à venir, puisqu'un fonctionnaire représente 40 années de traitement, 20 à 25 ans de retraite et des pensions de réversion. On ne réduit pas le nombre d'emplois publics pour des raisons budgétaires, mais pour transformer l'action publique : la technique, la simplicité des normes, l'arrêt d'un certain nombre d'interventions de l'État le permettent.

L'augmentation de la masse salariale a été résorbée par des économies, puisqu'il n'y a que 2,7 milliards d'euros d'augmentation de crédits. Le budget que l'on vous a présenté en 2018 était sincère et nous avons tenu les dépenses.

Vous ne vous souvenez pas des économies engagées par le Gouvernement, monsieur le rapporteur général ? Pourtant, je me souviens bien des cris de votre groupe politique lorsque l'on a supprimé les contrats aidés, engagé la réforme de la formation professionnelle, mis en place les loyers locatifs différenciés, réformé le CICE. Le ministère du travail et le ministère du logement sont les deux ministères qui ont le plus contribué à la baisse de la dépense publique.

Concernant Areva, l'opération est complexe et en partie requalifiée par l'INSEE, qui est notre comptable national indépendant : ce n'est pas une décision du Gouvernement. Elle a eu lieu en 2017 et le contrecoup s'est manifesté en 2018 seulement.

J'en viens au décalage de 2,8 milliards d'euros de droits de mutation : 1,4 milliard d'euros étaient liés au rattachement, dès 2018, des recettes qui auraient dû être comptabilisées en 2017. Les collectivités locales, notamment les départements, ne s'en sont pas aperçu, parce que c'était une année de très grande recette des droits de mutation. Lorsque j'ai constaté cette erreur, j'ai tout de suite alerté la Cour des comptes et les présidents de département. L'argent a été reversé très rapidement et on a évité que cela ne se reproduise.

J'en viens aux dépenses fiscales, c'est-à-dire aux niches fiscales. Dans son rapport, la Cour des comptes critique à la fois l'affectation des niches fiscales, notamment le fonds d'innovation créé par Bruno Le Maire, et l'augmentation des dépenses fiscales. En ce qui me concerne, j'ai critiqué l'affectation des recettes à un certain nombre de politiques publiques. Si la commission des finances est d'accord sur le fait qu'il ne faut pas multiplier les affectations, car cela met en cause le budget général, dans l'hémicycle, votre chambre demande et redemande des affectations pour l'écologie, le sport, la culture...

Si l'affectation a une valeur pédagogique, trop d'affectation vient tuer le budget général et remettre en cause les budgets d'autres ministères. Ainsi, s'agissant de l'écologie, ce n'est pas une bonne chose : l'affectation est inférieure aux crédits d'État versés et, lorsque l'affectation s'effondre, on demande à l'État de compenser la baisse du montant affecté. En d'autres termes, quoi qu'il arrive, l'État y perd et le déficit se creuse. Je ne peux qu'être d'accord avec les remarques de la Cour des comptes : il faut limiter au maximum les affectations, ce qui ne veut pas dire les interdire complètement.

Par ailleurs, le montant des dépenses fiscales représente quasiment 100 milliards d'euros - pour les entreprises et les particuliers - et est supérieur au montant de l'impôt sur le revenu - entre 76 et 77 milliards d'euros.

Si l'on supprimait les niches de toutes les entreprises et si l'on appliquait la recette correspondante à une baisse de l'impôt sur les sociétés, le taux de celui-ci serait inférieur à 15 %, contre 31 % aujourd'hui. Finalement, personne n'est libéral : ni la France, ni le patronat, ni même les partis libéraux. Lorsque nous proposons une baisse d'impôts ou une suppression d'impôts, tout le monde propose de garder des niches, comme si l' homo economicus ou l'entreprise n'était pas capable de mettre l'argent là où elle pense que c'est prioritaire. Les débats sur l'ISF-PME en attestent.

Toujours est-il que l'État reste très interventionniste, avec des impôts très élevés et des dépenses fiscales pour orienter l'argent. On ne peut pas à la fois regretter que les dépenses fiscales augmentent et demander à les garder lors des débats parlementaires. Pour ma part, je pense qu'il faut réduire ces niches, mais je ne gagne pas toujours les arbitrages...

M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le ministre, le sénateur du Lot que je suis vous remercie d'employer l'expression contrat de Cahors.

Yvon Collin et moi sommes les rapporteurs spéciaux du budget de l'aide publique au développement. Au mois de février 2008, le Premier ministre a annoncé un renforcement du pilotage de la politique d'aide au développement, notamment avec la création d'un conseil du développement présidé par le Président de la République et d'un observatoire des coûts de l'aide publique au développement (APD). Ces mesures n'ont toujours pas vu le jour. Quid de la mise en oeuvre de ces instances ?

M. Yvon Collin . - Le projet de loi d'orientation de la politique de développement devrait clarifier la trajectoire budgétaire pour les années à venir, mais il n'a pas encore été présenté en conseil des ministres. La trajectoire de l'APD est à la hausse en 2018 et 2019, mais nous n'avons pas encore de cap clairement défini. Avez-vous des précisions à nous apporter sur le calendrier ?

L'année 2018 a été marquée par des mouvements budgétaires imprévus en matière d'APD, en particulier le déblocage de 50 millions d'euros pour répondre à la crise syrienne annoncé en avril 2018 par le Président de la République. Cette somme non budgétée a principalement été financée par le reliquat de la participation de la France au fonds européen de développement et le dégel de crédits. Quels leviers auraient-ils pu être actionnés si ces fonds n'avaient pas été disponibles ? Un dispositif budgétaire plus pérenne a-t-il été prévu pour l'avenir ?

Mme Nathalie Goulet . - Je suis déçue : vous aviez annoncé la formation d'une mission parlementaire sur la fraude et l'évasion fiscales, mais vous l'avez finalement confiée à la Cour des comptes. Quant à la mission annoncée sur la fraude sociale, nous n'en avons pas de nouvelles.

Mme Sylvie Vermeillet . - La création de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) associée à la suppression de l'ISF représente une perte de recettes de 3,2 milliards d'euros. Avez-vous commencé à en évaluer les bienfaits, à les caractériser et dans quels domaines ?

M. Bernard Delcros . - Je salue la sincérité des prévisions et la rigueur dans l'exécution du budget 2018. Aucun décret d'avance n'a été pris. Néanmoins, malgré les efforts, le déficit s'élève à 76 milliards d'euros. Vous avez conservé l'objectif de réduction de ce déficit à l'horizon 2022, dans un contexte de baisse des prélèvements obligatoires, ce qui vous contraint à des efforts de réduction de la dépense publique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les orientations que vous allez prendre en la matière ?

La suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de contribuables qui y restaient soumis devait faire partie d'un projet de loi de finances rectificative prévu au printemps, mais elle figurera finalement dans le projet de loi de finances pour 2020. Les collectivités territoriales bénéficieront-elles d'une recette pérenne et dynamique en compensation, et quelles seront les modalités du dispositif ?

Le mouvement des gilets jaunes a-t-il eu un impact sur les recettes fiscales de l'État ?

Il a été question de modifier la chronologie du calendrier budgétaire en faisant passer l'examen de la loi de règlement avant celui du programme de stabilité. Ce réaménagement, qui nous semble logique, est-il toujours à l'ordre du jour ?

M. Marc Laménie . - Quel est votre point de vue sur le niveau d'endettement ? Les taux d'intérêt sont certes très bas, mais jusqu'à quand le resteront-ils ? La complexité de l'examen du budget de l'État est un thème récurrent. Le nombre d'opérateurs les rend parfois difficiles à identifier dans les différentes missions.

Le prélèvement sur les recettes du budget de l'État en faveur des collectivités repart à la hausse, dépassant les 100 milliards d'euros. Faut-il réellement s'en réjouir ?

M. Michel Canévet . - On peut se féliciter d'une situation budgétaire améliorée par rapport à la loi de finances initiale. Cependant, le déficit reste en forte augmentation par rapport à 2017 ; or des échéances difficiles arrivent avec la compensation pour les collectivités de la suppression de la taxe d'habitation, les dépenses induites par les mesures sociales en réponse à la crise des gilets jaunes, et la baisse de recettes d'impôt sur le revenu. Ce contexte budgétaire risque d'affecter fortement l'exercice 2019. Les perspectives ne sont plus aussi bonnes qu'en début d'année.

L'IFI, qui s'est substitué en 2018 à l'ISF, a rapporté 1,3 milliard d'euros de recettes contre 1,5 milliard d'euros attendus. Est-ce le régime de croisière ou peut-on attendre une augmentation, sachant que le secteur du bâtiment est en difficulté ? Qu'en est-il, également, du prélèvement forfaitaire unique censé inciter les entreprises à investir ? Les recettes ont-elles atteint leur régime de croisière ?

M. Claude Nougein . - Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a jugé très correctes les prévisions du budget 2018. Cependant, un impôt, l'IFI, est apparu comme mal cadré puisque la prévision budgétaire évaluait sa recette à 850 millions d'euros. Or, dès 2018, elle s'est élevée à 1,2 milliard d'euros. Pourquoi un tel écart, qui pourrait avoir un impact sur les années suivantes ? La fiscalité sur l'immobilier est très lourde, avec des impacts sur les particuliers, puisque les propriétaires peuvent répercuter les hausses sur les locataires.

De plus, avec la suppression de la taxe d'habitation, de nombreuses collectivités territoriales seront tentées d'augmenter l'impôt foncier. Or les Français souffrent de l'augmentation des dépenses contraintes. Quant aux entreprises, les sociétés patrimoniales françaises sont de plus en plus nombreuses à se vendre à des groupes étrangers qui, eux, ne sont pas soumis à l'IFI, ce qui engendre une concurrence déloyale et fait échapper notre patrimoine aux Français.

Mme Christine Lavarde . - J'aimerais partager votre optimisme, monsieur le ministre, sur la réussite de la contractualisation avec les collectivités territoriales ; mais la baisse des dépenses des collectivités les plus importantes résulte moins d'efforts de gestion que de facteurs conjoncturels : elles ont des difficultés à recruter, et les dépenses de personnel constituent la plus grosse part de leur budget. Pouvez-vous nous expliquer, dans le détail, comment les grandes collectivités ont réduit leurs dépenses de fonctionnement pour l'année 2018 ?

En 2018, au moment de la mise en place de ces contrats, une révision du dispositif était envisagée à la lumière des enseignements de la première année. Est-ce toujours à l'ordre du jour ?

M. Dominique de Legge . - Vous avez beaucoup insisté, monsieur le ministre, sur les engagements du Gouvernement en matière de défense. Mais le 1,7 milliard d'euros d'augmentation de son budget vient après les 800 millions d'euros d'annulations de crédits en 2017. De plus, en 2018, le surcoût lié aux opérations extérieures (OPEX), soit 1,2 milliard d'euros, a entièrement pesé sur le budget de la Défense alors que la loi de programmation militaire prévoyait que ces surcoûts seraient supportés par la solidarité interministérielle. Ce n'est pas la meilleure illustration de votre sincérité budgétaire...

M. Jean-Marc Gabouty . - Certes, 76 milliards d'euros de déficit, c'est mieux que 86 milliards d'euros, mais cela reste insatisfaisant. Le gros de l'effort reste devant nous. Les réductions de postes dans la fonction publique devraient être précédées de réformes structurelles dans l'organisation des services de l'État. Quelles sont les pistes que vous envisagez ?

Serait-il possible de redéfinir le périmètre de l'IFI en y réintégrant des valeurs improductives comme les bateaux, les oeuvres d'art ou encore certains placements financiers à la traçabilité incertaine ?

Qu'envisagez-vous de faire du montant de taxe d'habitation perçu par les collectivités du fait des augmentations qu'elles ont librement décidées ?

Les pertes de 600 millions d'euros de recettes d'amendes radar liées à la crise des gilets jaunes semblent surévaluées, car la recette augmente traditionnellement entre juin et septembre. Ne faut-il pas retravailler le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dont le produit est versé à l'Afitf, pour ne pas pénaliser celle-ci dont le budget de 2,5 milliards d'euros est déjà insuffisant pour répondre aux engagements assignés par la loi d'orientation des mobilités ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Les orientations de l'aide publique au développement, monsieur Collin, relèvent davantage du ministère des affaires étrangères et européennes que de celui des finances. Je crois savoir qu'elles seront présentées au mois de juin, avant le G7. Quoi qu'il en soit, l'engagement du Président d'y consacrer 0,55 % du revenu national brut d'ici à 2025 sera tenu. La programmation budgétaire jusqu'à 2022, en cours d'élaboration, prévoit une forte augmentation de l'aide. Pour l'aide débloquée en faveur de la Syrie que vous évoquez, nous aurions pu utiliser la réserve de précaution, qui est réservée aux dépenses imprévues.

Madame Goulet, nous avons proposé aux parlementaires de travailler sur la fraude fiscale. On entend ici et là circuler des chiffres délirants, alors qu'aucune estimation sérieuse n'a été conduite. Monsieur Bocquet a été au demeurant l'un des seuls à prendre ses responsabilités : nous nous sommes rencontrés plusieurs fois au ministère - alors que certaines institutions se contentent de dénoncer la fraude sans l'évaluer. La mission que vous avez évoquée n'est aucunement remise en cause ; au demeurant, ce n'est pas une mission parlementaire, car il n'appartient aucunement au Gouvernement de les constituer. Le Président de la République en a saisi le premier président de la Cour des comptes, qui rendra son rapport au plus vite afin que l'on puisse, avec le Parlement, intégrer les premières mesures dans le prochain PLF. Il faut constater la fraude objectivement et agir.

Concernant l'ISF, les questions, qui viennent pourtant du même groupe, sont quelque peu contradictoires... L'ISF rapportait à l'État un peu moins de 3 milliards d'euros. Comme M. Nougein l'a souligné, pour l'IFI nous avons enregistré 1,25 milliard d'euros de recettes en 2018, pour une estimation de 850 millions d'euros. Je vois deux raisons principales à cet écart.

D'abord, au contraire de l'ISF, l'impôt sur le revenu et l'IFI font l'objet d'une déclaration simultanée. Cette simplification a fait prendre conscience à certains contribuables qu'ils devaient remplir une déclaration pour l'IFI, alors qu'ils ne l'auraient pas fait pour l'ISF.

Ensuite, les contrôles ont été renforcés à ma demande. Le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), mis en place sous le quinquennat précédent, a aussi fait rentrer des recettes. Tout cela explique le différentiel de 400 millions d'euros que vous pointez.

Je conteste l'idée d'un alourdissement de la fiscalité immobilière. L'IFI revient à conserver la part de l'assiette de l'ISF qui n'est pas délocalisable ; je ne crois pas, monsieur Nougein, qu'il désavantagera qui que ce soit. De plus, les Français qui possèdent un patrimoine important détiennent aussi une assurance-vie et des actions, sur lesquelles la fiscalité diminue.

Quant au lien entre la suppression de la taxe d'habitation et l'augmentation de la fiscalité locale, 92 % des départements, pris à la gorge par l'accroissement des dépenses sociales, avaient déjà fixé leur taux de taxe foncière au maximum autorisé par la loi. S'il y a eu inflation fiscale, elle a été très localisée. Au demeurant, c'est dans les départements où l'immobilier est le plus cher que les droits de mutation sont les plus élevés. Ainsi dans le sud de la France, où les mineurs isolés et les personnes au RSA ne sont pas les plus nombreux, les droits de mutation augmentent de 17 % en moyenne, et 40 % pour le département le plus riche. En revanche, dans le Pas-de-Calais, où la pauvreté est très concentrée, les droits de mutation sont modérés.

La fiscalité locale sera réformée dans le cadre du PLF ; les élus connaîtront alors, à la veille des élections municipales, leurs recettes avec précision. Nous pouvons discuter ensemble des modalités d'entrée en vigueur de cette réforme. Beaucoup ont douté que les pertes de recettes liées à la taxe d'habitation seraient compensées à l'euro près. Or personne ne m'interroge plus sur le sujet : les dégrèvements de l'État ont bien été compensés à l'euro près, ils ont suivi le dynamisme des bases fiscales et des valeurs locatives. Je ne crois pas souhaitable d'opérer un dégrèvement à 100 % de la recette de l'impôt, comme le demande l'Association des maires de France. Il faut entrer dans une fiscalité locale moderne, avec toutes les difficultés de péréquation que cela comporte.

Il est trop tôt pour évaluer l'impact du prélèvement forfaitaire unique et de l'IFI sur l'économie. L'ISF n'a été supprimé, dans les faits, que depuis moins d'un an. Je constate simplement que la politique économique du Gouvernement a fait entrer davantage de recettes fiscales parce que les entreprises créent plus de richesses, et ce malgré la situation en Italie, le Brexit et la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. La France emprunte à un taux d'intérêt de 0,4 % sur les marchés financiers, contre 2,7 % pour l'Italie. La fiscalité que nous avons mise en place a protégé les investissements étrangers en France et donné confiance aux prêteurs ; ne l'alourdissons pas. Le Parlement évaluera les effets de ces mesures. Je suis toujours favorable à la stabilité fiscale.

Monsieur Delcros, il est toujours difficile de réduire les dépenses publiques : en la matière, il y a beaucoup de croyants et peu de pratiquants ! En 2019 et 2020, nous allons pourtant réviser l'attribution des allocations chômage, réformer l'audiovisuel public, réformer les retraites qui représentent 14 points de PIB, évidemment c'est une question de dépenses publiques. L'État fait beaucoup d'efforts, mais rappelons que 30 % de la dépense publique relève du champ social. Quand l'État augmente ses crédits de 2 à 3 milliards d'euros par an, les dépenses du champ social augmentent de 13 à 14 milliards d'euros. C'est un modèle de société : l'Europe représente 6 % de la population mondiale, concentre 25 % de la richesse mondiale, mais 50 % des dépenses de santé. La France, c'est 1 % de la population mondiale et 20 % des dépenses de santé. Nous pouvons être fiers de ce modèle qui nous fait vivre plus longtemps, mais il faut le financer.

L'endettement se stabilise, même si nous souhaiterions qu'il diminue. La charge de la dette est en baisse, mais c'est pour des raisons conjoncturelles : les taux d'intérêt restent bas. Je rappelle qu'à la veille de la crise financière, la France était endettée à hauteur de 60 % de son PIB, comme l'Allemagne. Alors que notre voisin a mené une politique de relance similaire à la nôtre, l'Allemagne est revenue à son niveau d'avant-crise, alors que nous sommes à 98 %. Oui, nous avons des difficultés à réduire la dépense.

Monsieur Laménie, les opérateurs d'État sont trop nombreux ; c'est le résultat du laxisme des gouvernements successifs. Dans mon propre ministère, on dénombre une vingtaine d'opérateurs. Le Président a donc demandé au Gouvernement de proposer des suppressions.

Vos chiffres, monsieur de Legge, ne sont pas les miens. Les Opex sont déjà, de fait, payées par la solidarité nationale. Notre effort consiste à en sincériser le coût, ce que nous faisons par tranches de 200 millions d'euros chaque année. Le ministère des armées doit relever le défi du renouvellement de la dissuasion nucléaire, et il bénéficie pour cela d'augmentations de crédits. Enfin, notre LPM constitue la plus grande augmentation de crédits de l'armée depuis la guerre froide.

Faut-il, monsieur Gabouty, étendre l'IFI aux oeuvres d'art, aux bateaux ? Les oeuvres d'art en ont été exclues pour des raisons diverses. Quant aux bateaux, on peut choisir l'idéologie fiscale en taxant ces signes extérieurs de richesse, mais reconnaissons qu'un faible nombre d'entre eux battent encore pavillon français.

Au cours de la crise des gilets jaunes, des radars ont été cassés par centaines ; le manque à gagner de 600 millions d'euros correspond à peu près à ce qui manque à l'Afitf. Cela a eu pour conséquences une baisse des recettes et une augmentation du nombre de morts sur les routes. Cependant, vous avez raison de souligner que l'Afitf a un problème budgétaire structurel : elle finance des dépenses qui n'ont rien à voir avec son objet, comme les trains d'équilibre du territoire. Ce sont des centaines de millions d'euros de contrats. On paie du fonctionnement sur un budget prévu pour autre chose. De plus, l'Afitf ne reçoit que le reliquat du produit des amendes routières, dont une part va à l'État et aux collectivités territoriales.

La Cour des comptes, madame Goulet, doit remettre son rapport sur la fraude fiscale début novembre, ce qui laissera le temps à une commission parlementaire de se constituer et de travailler sur le sujet. La fraude sociale n'a pas été oubliée : c'est une lutte très importante pour le Gouvernement.

M. Vincent Éblé , président . - Je croyais que vous étiez le ministre des chiffres - vous êtes aussi celui des mots ! J'ai été ravi d'apprendre que la réforme des retraites avait pour but de faire des économies. J'avais cru entendre, au contraire, que c'était une réforme de justice, qui n'avait aucunement vocation à conduire à des économies... Comme quoi, tout est dans tout !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je pense à nos enfants : vous n'avez pas dû entendre le Président de la République annoncer qu'il faudrait changer la durée de cotisation - et non l'âge légal. Cela fera des économies, dont nous parlerons à l'occasion du PLFSS.

M. Vincent Éblé , président . - Merci de vos explications.

C. AUDITION DE M. JULIEN DENORMANDIE, MINISTRE CHARGÉ DE LA VILLE ET DU LOGEMENT (5 JUIN 2019)

Réunie le mercredi 5 juin 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, sur l'exécution des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous recevons M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Nous recevrons après lui plusieurs autres membres du Gouvernement sur l'exécution du budget en 2018 : Mme Jacqueline Gourault viendra le 18 juin avec M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales ; le 19 juin nous recevrons Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Enfin, le 26 juin, nous entendrons Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, vous venez échanger avec les membres de notre commission au sujet de l'exécution en 2018 des crédits relatifs à la ville et au logement, c'est-à-dire des programmes 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », 147 « Politique de la ville » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », dont le rapporteur spécial est notre collègue Philippe Dallier. Nombre de politiques portées par votre ministère jouent un rôle majeur dans nos territoires, comme la politique de la ville. Et votre venue est d'autant plus utile que nous nous souvenons des débats très intenses que nous avons eus avec le Gouvernement, lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2018, sur la réforme des aides au logement et la réduction des loyers perçus par les bailleurs sociaux.

Je salue la présence parmi nous de M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et de Mmes Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot, rapporteures pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement . - Je vous remercie pour votre invitation à discuter de l'exécution 2018. C'est la deuxième année que nous faisons cet exercice, qui me paraît très utile, notamment en matière de cohésion des territoires. Cette fois, la Cour des comptes a salué la sincérité du budget de cette mission, alors qu'elle avait coutume de souligner, pour ces programmes, les différences entre la programmation et l'exécution.

C'est la politique qui doit guider le budget, et pas l'inverse. L'exécution 2018 a manifesté plusieurs choix politiques du Gouvernement.

Sur le programme 177, relatif à l'hébergement d'urgence et au logement d'abord, la situation reste très difficile. Vous m'avez interrogé à plusieurs reprises dans l'hémicycle. Il y a encore des milliers de personnes dans des situations de grande précarité, qui sont à la rue. Nous apportons des solutions d'hébergement d'urgence : la semaine dernière, nous avons annoncé la pérennisation de 6 000 nouvelles places s'ajoutant aux 5 000 places pérennisées dans le budget 2018. Nous cherchons également, avec la politique du logement d'abord, à apporter des solutions durables, c'est-à-dire à permettre à ceux qui en ont besoin de sortir de la pauvreté et d'avoir une adresse, un chez soi, et pas simplement un abri. En effet, il est beaucoup plus difficile de se réinsérer lorsqu'on a comme adresse celle d'un centre d'hébergement d'urgence. Cette stratégie du logement d'abord a porté ses fruits en 2018 : nous avons permis à plus de 70 000 personnes de sortir de la rue ou de l'habitat de grande précarité. C'est 30 % de plus qu'en 2017. Bien sûr, il faut aller encore plus fort, encore plus loin, encore plus vite - et nous continuons à le faire.

Malgré la sincérisation du programme 177, on déplore toujours une certaine porosité avec le programme 303, géré par le ministère de l'Intérieur et consacré aux places dédiées aux demandeurs d'asile. Nous avons procédé à un abondement de crédits complémentaires à hauteur de 60 millions d'euros dans l'exécution 2018 au titre de ce programme - somme en forte baisse par rapport aux habitudes passées.

Le programme 109, d'aide à l'accès au logement, reflète dans son exécution en 2018 les dispositions prises dans la loi de finances initiale, qui a instauré le mécanisme de la réduction de loyer de solidarité. L'idée est d'opérer une réduction d'aide personnalisée au logement (APL) couplée à une réduction de la quittance. La mise en oeuvre du mécanisme s'est bien déroulée, grâce à une association étroite entre l'ensemble des partenaires. Deuxième enseignement : l'effort demandé en 2020 était trop important - il faut savoir le reconnaitre. Nous avons donc mis en place une clause de revoyure avec l'ensemble des bailleurs sociaux, et plusieurs d'entre vous, comme M. Dallier et Mme Estrosi-Sassone, s'y sont impliqués. Nous avons obtenu un accord de toutes les familles des bailleurs sociaux pour trouver un nouveau chemin pour 2020.

Le budget 2018 s'accompagne de la grande réforme portée par la loi « Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique » (ELAN), qui a fait l'objet de la conférence de consensus voulue par le président Gérard Larcher et par le ministre Jacques Mézard, qui a duré plusieurs mois et fut lancée au Sénat. Au titre de la réforme du logement social, se posait la question du regroupement des bailleurs sociaux, avec un seuil de 12 000 logements. Ces regroupements sont très largement enclenchés et se passent bien, avec plus de 260 regroupements lancés sur 350 organismes concernés.

Notre politique publique du logement doit s'appuyer sur deux jambes : la construction neuve, avec tous les dispositifs fiscaux - même si on ne les retrouve pas dans l'exécution budgétaire - et la politique en faveur de la rénovation, là aussi avec des dispositifs fiscaux, et notamment celui qui porte mon nom, comme le veut la coutume, et qui favorise l'investissement locatif dans l'ancien, dans les villes de nos territoires qui en ont besoin, et notamment toutes celles du programme Action Coeur de ville, mais aussi toutes celles qui mettent en place une opération de revitalisation du territoire. C'est l'une des premières fois qu'un dispositif fiscal n'est pas attaché à un zonage bête et méchant, mais associé à un projet territorial.

Avec le plan initiative copropriété, près de 700 grandes copropriétés dégradées sont en cours de traitement. Les crédits de la politique de la ville, dans le programme 147, ont été sanctuarisés, comme nous nous y étions engagés au début du quinquennat, et nous avons accéléré un certain nombre de décaissements. En matière de rénovation urbaine, notamment, nous avons tenu nos engagements, puisque la dernière loi de finances, comme celle de 2018, incluent de véritables autorisations d'engagement pour que l'État abonde à hauteur de 1 milliard d'euros le nouveau programme de rénovation urbaine. Nous avons beaucoup travaillé pour accélérer la rénovation urbaine et avons engagé plus de 5,7 milliards d'euros sur les 10 milliards d'euros du nouveau plan de rénovation urbaine. Le travail de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), avec les élus locaux et les bailleurs sociaux, partout sur le terrain, a abouti à la rénovation de plus de 200 écoles et de plus de 40 000 logements. La consolidation des programmes de réussite éducative (PRE) est au coeur de notre stratégie de réussite républicaine en faveur des quartiers. Ceux-ci sont non seulement stabilisés sur l'exécution 2018 mais ils progresseront en 2019, puisque nous lançons, avec le ministre Jean-Michel Blanquer, l'initiative des cités éducatives, qui vise à accompagner nos jeunes dans les quartiers vers la pleine maîtrise de leur destin.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - La Cour des comptes le dit : pour l'exercice 2018, on observe une notable amélioration en termes de sincérisation, pour la prévision comme pour la réalisation. J'ai assez dénoncé la tendance des gouvernements à ajouter, en fin d'année, des dizaines et parfois des centaines de millions d'euros de crédits, pour reconnaître bien volontiers un effort important et une inflexion notable en 2018.

Il y a tout de même quelques remarques à faire. L'un des problèmes que nous connaissons depuis longtemps est la porosité entre le programme 177 et ceux qui relèvent de l'asile et de l'intégration. La Cour pointe toujours la difficulté qu'il y a à y voir clair, et se demande même si vous serez un jour capable, en accord avec ceux qui gèrent le programme « intégration », de séparer clairement les choses. Bien sûr, c'est difficile, puisque l'accueil est forcément inconditionnel : lorsque quelqu'un se présente et qu'on doit le mettre à l'abri, qu'il soit demandeur d'asile, en phase de demande ou qu'il relève d'une autre situation, la séparation complète est difficile à obtenir. La Cour note toutefois qu'on peut encore faire des progrès. En Île-de-France, les crédits seront mieux séparés en 2019. Pour la préparation du budget 2020, pourrez-vous nous apporter des éléments permettant d'obtenir ce résultat ? Plus que de sincérité, il s'agit de bien éclairer le Parlement.

Sur le logement d'abord, vous nous dites que la sortie vers le logement est en progression, ce dont on peut se féliciter mais, en 2018, le recours aux nuitées hôtelières a continué à progresser ! On nous dit chaque année qu'on cherche à diminuer ce recours, mais il augmente toujours, et on est, en 2018, à plus de 48 000...

La création de places de pensions de famille avance aussi difficilement. Un objectif de 10 000 créations a été fixé. En 2018, on est à 1 400, et il semble très peu probable qu'on atteigne l'objectif. De même, l'intermédiation locative rencontre des difficultés de mise en oeuvre.

On constate sur le programme 109 un gros effort de sincérisation : nous n'avons ajouté que 90 millions d'euros en loi de finances rectificative ! Mais la Cour pointe que la dette du fonds national d'aide au logement (FNAL) envers les organismes payeurs a augmenté d'une soixantaine de millions d'euros en 2018, pour atteindre 313 millions d'euros. Si on inscrit moins d'un côté et que de l'autre côté on reconstitue de la dette, ce n'est pas très vertueux ! L'année 2019 pourrait peser relativement lourd. Pouvez-vous nous dire un mot de la prise en compte des revenus contemporains pour les bénéficiaires des APL ? Votre objectif était d'économiser 1,2 milliard d'euros en année pleine. On sait que ce ne sera pas le cas. Les 900 millions d'euros d'économies que vous aviez inscrits en 2019 ne seront pas réalisés, et il manquera des sommes importantes pour le FNAL.

La réduction de loyer de solidarité (RLS) devait s'accompagner d'un système d'aide à la réorganisation des bailleurs, mis en place par la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Cela n'a pas été fait en 2018 mais, à l'occasion d'une réunion en mars dernier, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages nous a indiqué que les décrets étaient en cours d'écriture. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La RLS visait à réaliser une économie de 1,5 milliard d'euros dès 2018. Après d'âpres discussions au Parlement, nous avions obtenu l'étalement de la mesure sur trois ans et, en contrepartie, l'augmentation de la TVA pour les bailleurs, évaluée à 800 millions d'euros. Ces éléments ne semblent toutefois pas figurer dans le chiffrage de cette dépense fiscale en 2018, qui est au près au même niveau qu'en 2017. Certes, les rentrées de TVA sur les opérations de construction sont décalées dans le temps, mais n'y a-t-il pas une autre explication ?

Le recentrage du Pinel, du prêt à taux zéro (PTZ) et la suppression de l'APL accession sont des choix politiques à visée budgétaire que vous dites assumer. Avec un an de recul, qu'en pensez-vous ? La construction a baissé : y voyez-vous un lien de cause à effet ? Entendez-vous revenir sur ces choix ?

Sur le programme 147, un indicateur de performance affiche une surprenante évolution : l'écart de revenu entre les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les habitants de l'agglomération dans laquelle ils se trouvent s'accroît. C'est un paradoxe absolu ! Quelles conclusions en tirez-vous ?

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Je m'associe à toutes les remarques et questions qui ont été dites.

La clause de revoyure a été signée, mais nous n'avons encore aucune visibilité sur ce qui se passera ensuite. À l'issue de la clause de revoyure, nous devrions être à un montant global de RLS de 1,3 milliard d'euros. Y aura-t-il toujours une baisse de la TVA sur certaines opérations ? Avez-vous évalué l'impact de toutes les mesures - RLS, baisse des APL, suppression de l'APL accession, hausse de la TVA, etc. - sur la santé des bailleurs sociaux ? Savez-vous combien d'entre eux pourraient rester dans une situation difficile ?

Le fonds national des aides à la pierre (FNAP) a connu des difficultés de fonctionnement - l'absence de président, le retard de versement de la contribution d'Action logement... Qu'en est-il en 2019 ?

Des rapports devaient être remis sur les différents dispositifs fiscaux. Un rapport d'évaluation sur les zonages a été remis au Parlement - quoique tardivement. D'autres, relatifs à l'évaluation des dispositifs eux-mêmes et leur réforme, doivent nous être remis avant le 1 er septembre : les recevrons-nous en temps et en heure ? Dans son rapport sur la gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, la Cour des comptes invite le Gouvernement à renoncer aux dépenses fiscales dont l'administration n'est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties attendues des bénéficiaires : mettrez-vous en oeuvre cette recommandation ?

Quel recul avez-vous sur le dispositif Denormandie, notamment en termes de nombre de logements et de coût budgétaire ?

En 2018, le Gouvernement a voulu mettre un coup d'accélérateur sur la rénovation énergétique en fixant l'objectif de 75 000 logements à rénover ; seuls 62 345 logements ont été aidés. Comment expliquer que l'objectif n'ait pas été atteint ? Comment y remédier ?

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour le programme 147 . - La Cour des comptes, dans sa note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2018, a remarqué à propos des indicateurs de performance retenus pour le programme 147, que les résultats restaient globalement proches de l'exercice précédent mais qu'ils ne permettent pas d'évaluer réellement les effets de cette politique. Ces indicateurs mesurent pour l'essentiel les résultats d'actions auxquelles le programme 147 ne contribue que très marginalement - la mixité fonctionnelle des territoires et la réussite scolaire, par exemple. En outre, ajoute la Cour des comptes, ils prennent peu en compte les dispositifs fiscaux en dépit de leur poids financier, qui est énorme, et la démarche ne comporte pas de volet relatif à la cohésion sociale alors qu'il s'agit d'un des pivots des actions construites en faveur des quartiers prioritaires.

L'institut d'aménagement et d'urbanisme vient d'ailleurs de publier une étude, dont Le Monde s'est fait l'écho, qui met en évidence le recul de la mixité sociale en Île-de-France, l'accroissement des inégalités entre les quartiers et, surtout, comme Valérie Létard et moi l'avions dit dans le cadre de notre mission d'évaluation commune sur la politique de la ville, la paupérisation absolue de secteurs urbains entiers - une centaine. Dans 44 communes parmi les plus pauvres de la région Île-de-France, regroupant 15 % de la population, le revenu médian aurait baissé... C'est ce qu'illustre aussi le film Les misérables , tourné à la cité des Bosquets. Comptez-vous suivre les observations de la Cour des comptes et modifier les indicateurs de performance du programme, qui sont d'ailleurs liés à l'application des crédits de droit commun ?

Où en est-on de la mise en oeuvre du pacte de Dijon, signé le 16 juillet 2018, auquel les élus et les maires tiennent beaucoup ? Je songe notamment aux mesures de simplification du fonctionnement de l'ANRU : simplification administrative et financière, réduction du nombre d'études - la métropole de Lyon vient de repartir sur une étude de 800 000 euros pour un quartier de Bron -, rapprochement avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour améliorer la lutte contre les copropriétés dégradées, etc.

La Cour des comptes a pointé dans son analyse budgétaire 2018 le financement de l'ANRU. Quel sera l'impact de la création de l'agence nationale de cohésion des territoires sur ce financement ?

Je ne tire pas le même bilan que vous sur la RLS et la clause de revoyure. Dans certains quartiers, l'entretien a chuté de 30 % à 40 % car l'office HLM a fait des économies. Et la moindre revalorisation des APL, de 0,3 % au lieu de 1,8 %, va peser sur les ménages. Avec les aides au logement en temps réel, près de 1,2 million de ménages ne percevront plus cette aide, or ils ne s'y attendent pas ! De plus, la situation des caisses d'allocations familiales (CAF) est préoccupante ; certaines ferment des journées entières pour traiter les dossiers. Quel est l'impact de la RLS sur la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain ? Des bailleurs engagés dans ce programme ont-ils décidé de renoncer à leur engagement ou de le réduire ? On le lit parfois.

Où en êtes-vous des emplois francs ? Près de 740 quartiers font partie du dispositif. Envisagez-vous de le réformer ? Où en sont les postes « Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire » (Fonjep), dont vous aviez annoncé le doublement, ainsi que les postes d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) ?

La Cour des comptes, dans son analyse budgétaire, souligne aussi une sous-exécution des crédits consacrés au programme de réussite éducative : elle atteint 62 millions d'euros en 2018, contre 68 millions d'euros budgétés. À quoi est due cette sous-exécution ? Pouvez-vous nous donner une estimation des crédits pour 2019 ?

Pouvez-vous enfin nous dire un mot sur la consommation des crédits relatifs au dispositif d'adultes-relais, dont le doublement était prévu ?

M. Jean-Marie Morisset , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le programme 177 . - En 2018, une fois n'est pas coutume, le budget était égal au budget réalisé l'année précédente, ce qui n'avait guère été le cas auparavant. Il manque cependant 145 millions d'euros en exécution, par rapport à ce qui était prévu.

Ce budget n'est pas facile à gérer, car il est en permanence à l'épreuve de l'urgence. M. Guillaume Arnell et moi-même travaillons sur le financement des structures d'hébergement. Les structures d'hébergement d'urgence - nous en avons visité à Lille et à Nantes - suscitent de nombreuses interrogations en matière de gestion.

Le programme 177 pâtit de la gestion des campements. Il faut régler ce problème une fois pour toutes pour éviter les mélanges !

Un gros effort a été fait sur les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui fonctionnent bien.

L'hébergement d'urgence est saturé, ce qui se répercute sur l'hôtel : en 2018, nous sommes passés d'environ 45 000 à 48 000 nuitées d'hôtel, soit une augmentation de 5,3 %, alors que l'objectif d'une stabilisation avait été fixé.

Sur les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), nous avons eu un grand débat sur l'objectif de convergence des coûts dans le cadre du dernier PLF. Cela a déstabilisé tous nos opérateurs, vous en avez été le témoin, monsieur le ministre. Vous avez accordé une enveloppe supplémentaire de 5 millions d'euros pris sur le plan pauvreté, mais le système reste à améliorer. Tous les établissements ont été pénalisés par la définition des plafonds. Il n'est pas normal de sanctionner ceux qui ont fait des efforts.

Sur les logements adaptés, un effort a été fait, mais il va falloir prévoir un budget supplémentaire pour mettre en oeuvre le plan que vous avez proposé de 40 000 places d'intermédiation et 10 000 places en pension de famille car, en 2018, seules 1 378 places en pension ont été créées.

Une petite ligne est prévue dans le budget pour financer le programme européen de relocalisation des réfugiés. En 2017, le Gouvernement avait décidé d'accorder aux communes une aide de 1000 euros par réfugié accueilli. Beaucoup de communes avaient répondu à l'appel du Gouvernement, mais on leur a opposé une fin de non-recevoir au dernier moment... Une circulaire a pourtant été cosignée en ce sens ! Une telle somme pour une commune de 300 habitants qui accueille un réfugié syrien, c'est pourtant une bonne chose.

Les opérateurs se posent un certain nombre de questions en ce moment. Nous aurons à réfléchir sur le statut de toutes les structures : centre d'hébergement et de réinsertion sociale, centre d'hébergement d'urgence, résidence hôtelière à vocation sociale, etc. Leur public n'est pas forcément le public prévu - nous aurons l'occasion de vous le dire lorsque nous présenterons les conclusions de notre mission.

Avez-vous l'intention d'étendre la convergence tarifaire à toutes les structures d'hébergement ? Il faudrait, je crois, revoir la tarification en fonction des activités menées et en fonction des territoires, pour éviter que les tarifs soient uniformes. Clarifions en outre la tarification entre le parc généraliste et le dispositif national d'accueil des migrants. Nous le disons depuis plusieurs années.

Enfin, nous sommes satisfaits que la situation budgétaire s'arrange, mais il manque 103 millions d'euros au budget 2019 par rapport au budget réalisé en 2018. Et vous nous avez annoncé la pérennisation de 6 000 places ! C'est une interrogation supplémentaire...

M. Julien Denormandie, ministre . - La porosité entre les programmes 177 et 303, nous la constatons tous. Nous avons fait des progrès, notamment avec les centres d'hébergement d'urgence pour les migrants (CHUM), qui sont passés du programme 177 au programme 303. Nous savons que quelques lignes budgétaires du premier programme relèvent encore du second. L'immense difficulté est que nous restons tous attachés au principe intangible de l'inconditionnalité de l'accueil, qui a pour conséquence inévitable que de nombreuses personnes, réfugiées, demandeurs ou éligibles à l'asile, sont dans des centres d'hébergement d'urgence. Cela n'empêche toutefois pas de travailler à améliorer la sincérité budgétaire et la coordination entre mon ministère, celui de l'intérieur et les associations.

La politique du logement d'abord repose sur des objectifs très ambitieux : 40 000 intermédiations locatives, 10 000 pensions de famille. Nous avons aussi fixé des objectifs ambitieux de sortie vers le logement social ou les dispositifs adaptés comme les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) adaptés. Avec 6 000 intermédiations locatives et 1 300 pensions de famille, la progression est nette par rapport aux années précédentes. Pour les intermédiations locatives, l'objectif que j'avais fixé cette année a été dépassé ; pour les pensions de famille, nous sommes encore en-deçà. Selon les territoires, les unes décollent nettement mieux que les autres.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Pourquoi ?

M. Julien Denormandie, ministre . - Pour les pensions de famille, il faut identifier les lieux où c'est possible et prévoir de la formation. Nous y avons travaillé, avec Nexity par exemple. L'immense difficulté de l'intermédiation locative est d'identifier les propriétaires acceptant de mettre leur logement à disposition. Je me suis époumoné sur le sujet, lançant des appels, publiant des tribunes, mobilisant les associations ; nous menons encore une campagne de publicité pour alerter nos concitoyens. J'aime autant les propriétaires que les locataires et je suis le ministre des deux, mais j'estime que l'on ne peut être un propriétaire citoyen et posséder un logement vacant. De nombreuses raisons peuvent certes l'expliquer. Je sais bien que l'on peut ne pas avoir les moyens de réhabiliter son logement - je me suis toujours battu contre la caricature du propriétaire nanti, comme celle du locataire indélicat - mais certains estiment qu'il est trop compliqué de gérer un locataire... Bref, nous nous battons pour que tout propriétaire d'un logement vacant en donne les clés à une association ; garantie de loyer, garantie de remise en état du bien, bail classique 3-6-9, tout est alors prévu. J'ai adopté une politique très proactive : des objectifs ont été fixés à chaque préfet de région et j'échange en visioconférence avec eux régulièrement - toutes les semaines en période hivernale, tous les mois ou tous les deux mois sinon - pour savoir où en sont les sorties d'hébergement d'urgence.

La dette du FNAL est aux alentours de 300 millions d'euros et a augmenté de 50 à 60 millions d'euros cette année. C'est encore trop ; nous travaillons à sa résorption totale.

J'en viens à la contemporanéité des aides au logement. Le rendement de la mesure initialement prévu pour l'année 2019 a été revu à la baisse. Cette réforme, qui consiste à calculer le droit aux APL à partir de l'année n et non plus de l'année n-2, est juste, mais aussi extrêmement complexe techniquement. Songez que l'instruction sur le versement des APL fait plus 100 pages, et le tableau Excel recensant tous les cas de figure entre 200 et 300 lignes ! Sans compter que certaines situations ne sont pas prévues dans les mesures de compensation en attendant que la contemporanéité soit mise en place, telle celle de la femme à la tête d'une famille monoparentale travaillant à mi-temps. La réforme est donc complexe, et il faudra s'assurer qu'elle n'aura pas d'effets de bord. Je salue le travail de la CAF, qui mène cette réforme sous la tutelle de la ministre de la santé et du ministre du budget, qui avait déjà été sollicitée lors de la mise en place de la prime d'activité. Nous prendrons le temps nécessaire pour que la réforme se passe bien, car il y va de la situation de millions de personnes.

Le décret relatif à la CGLLS vient de sortir du Conseil d'État. La première réunion de la commission est prévue pour début juillet.

S'agissant des dispositifs fiscaux, l'objectif premier est de donner de la visibilité aux acteurs. J'ai découvert à ma prise de fonction en mai 2017 que tous les dispositifs fiscaux - PTZ, Pinel... - prenaient fin en décembre de la même année : pour planifier des investissements, bonjour ! C'est pourquoi notre première décision a été de les reconduire pour quatre ans, hors les cas particuliers du PTZ en zone rurale dans le neuf, reconduit pour deux ans seulement, et le Pinel en zones B2 et C, que nous avons interrompu. Notre choix politique, que j'assume, consiste à privilégier la rénovation des centres villes qui périclitent au bénéfice de leurs alentours. Le rétrécissement des dispositifs dans les zones B2 et C entraîne toutefois une chute de la construction neuve. La difficulté est qu'une telle décision exige un zonage pour s'appliquer ; or ce n'est pas une bonne approche de l'aménagement du territoire, car la zone B2 de l'Oise n'a rien à voir avec la zone B2 du Bas-Rhin : il peut être absolument nécessaire d'encourager la construction neuve en périphérie ici, et en centre-ville là. Ma priorité est donc à présent de sortir de ce zonage. Nous expérimenterons ainsi un dispositif non zoné en Bretagne, que nous vous présenterons dans les prochains textes financiers. Ce sera une composante du prochain acte de décentralisation annoncé par le président de la République. Je crois beaucoup à la possibilité de rendre les zonages intelligents, c'est-à-dire répondant aux réalités des territoires définies par les élus locaux.

Les QPV font partie des derniers endroits où l'ascenseur social fonctionne encore, mais ceux qui en sortent sont remplacés par des personnes dont les difficultés peuvent être plus grandes encore. Un jeune sur six vit dans un QPV : le défi est donc colossal et nous concerne tous. Je crois beaucoup à la politique de réussite républicaine que nous mettons en oeuvre. La première des libertés est la sécurité ; c'est l'objet de la politique de reconquête républicaine du ministre de l'intérieur. Mais le deuxième enjeu, que connaît tout père de famille, est celui de l'école. J'ai entendu un promoteur dire qu'il tenait compte de l'heure de sortie des classes pour organiser des visites immobilières en-dehors de celle-ci... Vous pouvez faire toute la rénovation urbaine que vous voulez, si vous ne tenez pas compte de l'école, vous n'avez traité que la moitié du problème ! C'est pourquoi il était fondamental pour moi que l'État participe de nouveau au financement de l'ANRU - c'est chose faite, à hauteur d'un milliard d'euros sur les 10 milliards -, pour rénover les écoles. Les 5,7 milliards d'euros que j'évoquais représentent 200 écoles rénovées, et 300 équipements publics. La difficulté de cette politique est qu'elle prend du temps. J'en profite pour indiquer que le 13 juin, nous organiserons un grand événement sur cette politique de réussite républicaine autour de deux piliers : la réussite éducative et l'insertion par le travail.

Madame Estrosi Sassone, la clause de revoyure porte sur trois ans. À la demande des offices publics de l'habitat, nous ferons cependant un nouveau point en 2021, et non en 2022. Sur le volet TVA, nous sommes redescendus à un taux de 5,5 % sur les PLAI, les acquisitions-améliorations et les programmes ANRU.

Je reconnais que l'effort demandé pour atteindre les objectifs était trop important, d'où la clause de revoyure. Nous avons réalisé des analyses macro, mais aussi micro, pour l'ensemble des bailleurs. C'est aussi pourquoi les missions de la CGLLS ont été élargies. Sur ce sujet, nos équipes ont beaucoup travaillé ; je les en remercie, ainsi que les préfets et les responsables de la mission Pierre Quercy et Marie-Dominique de Veyrinas.

Le retard de versement de la contribution d'Action logement au FNAP a été rattrapé et n'a eu aucune conséquence sur la programmation.

Je vous confirme que les rapports seront bien remis au Parlement au 1 er septembre 2019.

Améliorer la connaissance des endroits où les dispositifs fiscaux fonctionnent est un énorme enjeu, y compris pour le ministre du logement lui-même... Par exemple, je pouvais jusqu'à récemment vous dire combien de dispositifs Pinel avaient été actionnés mais pas où ils l'avaient été. Dans le même ordre d'idée, le ministère du logement publie tous les trois mois les chiffres de la construction, mais ceux de la rénovation ne sont pas consolidés.

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis . - Et les mises en vente ?

M. Julien Denormandie, ministre . - Ceux-là existent. Mais la politique que je mène de soutien à la rénovation se heurte à ce manque d'informations - de même que votre fonction de contrôle, d'ailleurs.

Je ne peux vous dire quels sont les effets du dispositif Denormandie dans l'ancien, car l'instruction fiscale n'a été finalisée qu'à la fin mars. Ce décalage s'explique par le fait que les premières moutures du dispositif étaient trop complexes. J'ai pris le temps nécessaire pour élaborer quelque chose de simple ; il faudra par exemple choisir deux travaux de rénovation énergétique parmi cinq, ou réduire de 30 % sa consommation d'énergie, pour être éligible. Le coût budgétaire prévu s'élève à 120 millions d'euros.

J'avais fixé à l'ANAH un objectif de 75 000 rénovations énergétiques en 2018, soit une augmentation de 18 % par rapport à l'année précédente. Il était certes très ambitieux, mais c'est ainsi que l'on avance... Le véritable défi à relever reste celui de la simplification des aides. La complexité des dispositifs que nous avons créés ne doit pas reposer sur les Français ! Avec la chaudière à un euro, pour la première fois, ce sont les administrations et les entreprises qui consolident l'ensemble des aides. C'est l'objet de la plateforme Faire, joignable au 0 808 800 700. J'ai très bon espoir que l'objectif de 75 000 rénovations soit atteint cette année, grâce au nouveau portail créé par l'ANAH.

M. Victorin Lurel . - L'ANAH a-t-elle des instructions particulières pour les outre-mer ?

M. Julien Denormandie, ministre . - Bien sûr, et nous travaillons avec Annick Girardin sur le plan logement outre-mer 2019-2022.

En ce qui concerne la politique du logement, beaucoup d'indicateurs ont été définis. Un observatoire a même été créé. Mais notre but est surtout de chercher à savoir si les indicateurs et objectifs retenus permettent d'améliorer la vie des Français. J'ai ainsi eu l'honneur il y a quelques jours d'être l'un des premiers ministres à inaugurer la première partie du Conseil des ministres consacrée aux résultats, à propos de la politique de la ville. Les indicateurs en matière de politique de la ville sont nombreux, encore faut-il savoir s'ils ont un effet sur la vie des Français. Ainsi, il y a 18 mois, le Président de la République a fixé un objectif de 30 000 stages de troisième en faveur des lycéens des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous avons réussi à en proposer 33 000. On aurait pu s'arrêter à ce chiffre flatteur. Mais nous avons préféré retenir comme objectif le nombre de stages pourvus, qui est seulement de 8 000 stages. Cela change le regard et conduit à réfléchir avec l'Éducation nationale sur les causes de ce phénomène pour prendre les mesures correctives. Nous avons fixé un objectif de 15 000 stages pourvus l'année prochaine. La partie du Conseil des ministres consacrée aux résultats est donc fondamentale.

Sur le pacte de Dijon, on a simplifié et 5,7 milliards d'euros ont déjà été engagés en 8 mois. Il fallait parfois attendre un an à partir de la décision du conseil d'administration avant de voir la convention financière signée et les crédits débloqués. Cela a changé.

On voit dans les territoires, comme j'ai pu le constater à Toulouse récemment, la complémentarité entre les programmes de l'ANRU et le dispositif des copropriétés dégradées de l'ANAH. La création de l'ANCT n'a aucun impact sur les financements de l'ANRU.

On a fixé un objectif de 20 000 emplois francs, on en est à 6 000, c'est mieux que le dispositif précédent qui n'avait permis d'en créer que 300, mais il reste encore beaucoup à faire ; nous avons pris des mesures correctrices pour améliorer la visibilité du dispositif car plutôt que de retenir des départements entiers, où tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville auraient été éligibles, on avait ciblé des quartiers spécifiques ; on travaille aussi avec Pôle Emploi pour sensibiliser les entreprises.

Je ne peux vous dire actuellement le nombre de postes Fonjep qui ont été créés mais je vous répondrai par écrit.

En ce qui concerne le programme des réussites éducatives (PRE), l'exécution s'élève à 62 millions d'euros pour 68 millions d'euros planifiés. La progression est forte grâce à un meilleur ciblage et une meilleure gestion des crédits. Les cités éducatives que nous avons lancées avec Jean-Michel Blanquer s'accompagneront en 2019 d'une hausse des crédits PRE de 12 millions d'euros et des crédits Fonjep.

On vise également 1 000 postes supplémentaires d'adultes relais en 2019.

Monsieur Morisset, il est important en effet de prévenir les expulsions. La loi ELAN contient des mesures à ce sujet. On constate une diminution du nombre d'expulsions réalisées mais le nombre d'expulsions prononcées par la justice stagne. Le seul remède consiste à prévenir les expulsions. C'est le sens de notre politique. Merci d'avoir salué le rôle des SIAO. En ce qui concerne l'exécution 2018, n'oublions pas que nous avons connu trois vagues de grand froid. Dans le budget 2019, nous avons prévu 4 millions d'euros pour accompagner la sortie d'hôtel. Il n'est plus possible de voir des familles rester de nombreuses années dans des hôtels faute d'être accompagnées à la sortie.

Vous avez aussi raison sur les prix plafond des CHRS : l'instruction que j'ai envoyée n'a pas été comprise ou mise en oeuvre comme elle aurait dû. Dans certains territoires, en effet, tous les CHRS ont été affectés et pas seulement ceux au-dessus du prix plancher. Nous avons pris les mesures correctives.

Enfin, l'an dernier, nous avons identifié 8 600 logements vacants que nous avons pu flécher vers les réfugiés. Nous visons un objectif de 16 000 cette année.

M. Vincent Éblé , président . - Je voulais poser une question, mais vous y avez largement répondu, sur la mise en place du plan logement, en particulier sur le retard concernant la création de places en pensions de famille : vous aviez annoncé vouloir réaliser 10 000 places en 5 ans et finalement, la première année, on n'en compte que 1 300 ; le compte n'y est pas tout à fait...Dans le même temps, les nuitées d'hôtel - dispositif coûteux et peu satisfaisant pour les personnes ainsi hébergées - passent de 45 700 en 2017 à 48 195 en 2018. L'inquiétude est donc grande. Si l'intention est bonne en général, il y a donc loin de la coupe aux lèvres et la réalisation ne suit pas.

Par ailleurs, dans la loi de finances initiale pour 2018, nous avions adopté, à l'initiative de notre rapporteur général, un plafonnement du montant des frais et commissions payées lors de l'acquisition d'un logement faisant l'objet du dispositif Pinel. Un projet de décret avait été mis en consultation il y a un an et la loi de finances pour 2019, sur la proposition du Gouvernement, a précisé le dispositif pour faciliter sa mise en oeuvre. Néanmoins, le décret n'est toujours pas publié. J'ai interrogé le secrétariat général du gouvernement sur cette question et on nous a répondu qu'il fallait consulter le comité du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière. Où en sommes-nous ? Comment surmonter ces difficultés d'ordre administratif pour faire en sorte qu'un dispositif voté par le Parlement soit enfin mis en oeuvre ?

M. Jean-François Husson . - Vous avez évoqué la rénovation des écoles dans le programme ANRU et le programme de réussite éducative. Comment s'établit la clef de répartition des financements entre l'État et les collectivités territoriales dans ces programmes de rénovation des écoles, qui sont des programmes d'investissement ? De même les programmes de réussite éducative qui ont été resserrés sur les territoires prioritaires sont-ils pris en charge totalement par des crédits d'État ?

M. Antoine Lefèvre . - Je voulais vous interroger sur le nouveau mode de calcul de l'APL et ses conséquences pour les finances publiques en raison du décalage dans le temps, mais vous avez déjà évoqué le sujet.

La Banque des territoires a noté, dans son étude d'octobre 2018, une baisse de 40 % de la production de logements neufs. J'ai entendu votre réponse. Certes il ne faut pas se focaliser sur le neuf et la rénovation des centres-villes et des centres bourgs est indispensable. Mais on manque de chiffres sur cette politique. Je ne suis pas un adepte des observatoires mais il serait intéressant de connaître les efforts faits par les bailleurs publics ou privés. Parvenir à reconquérir nos centres-villes tout en créant des logements, et des logements sociaux en centre-ville, serait l'idéal. Il y a urgence dans nos centres-villes. Faute de chiffres, on continuera toujours à vous dire que la production de logements est insuffisante. La demande de logements sociaux n'a jamais été aussi forte. On a parfois l'impression que plus on légifère, moins on construit. Peut-être faut-il moins légiférer et privilégier une approche plus pragmatique, comme vous semblez le faire avec les rénovations.

M. Bernard Delcros . - Il est très délicat de définir un zonage car on risque toujours en voulant répondre à un problème dans certains territoires d'en pénaliser d'autres. Les différents zonages ont été resserrés au profit des zones dites tendues où la pénurie de logements est la plus forte. Mais cette approche reste théorique : si l'idée fonctionne bien sur le papier, c'est moins net sur les territoires car il y a des effets pervers. En concentrant trop les dispositifs fiscaux sur certaines zones, on provoque une forte hausse du foncier et on pénalise d'autres territoires, notamment les bourgs ruraux, qui ont aussi besoin d'investisseurs pour rénover les centres-bourgs et les centres-villes. Le dispositif que vous avez mis en place me parait intéressant. Je partage votre point de vue selon lequel il faut progressivement passer de zonages nationaux à des dispositifs adaptés aux besoins des territoires et aux projets locaux. Mais quelle réponse comptez-vous apporter aux petits bourgs ruraux ? Les charges de centralité ne dépendent pas du nombre d'habitants. Dans mon département, certains petits bourgs d'un millier d'habitants jouent un rôle fondamental de centralité et ont besoin de fonds pour rénover et revitaliser leur centre. Le nombre d'habitants ne saurait être le seul critère. Un rapport d'évaluation des critères attachés au logement locatif devrait paraître. Où en est-on ? Quelles sont vos intentions pour faire en sorte que le resserrement des zonages ne pénalise pas les autres territoires qui ont aussi besoin d'attirer des investisseurs privés ?

De même, pour le PTZ, vous avez, à raison, choisi de privilégier dans certains territoires, notamment dans le monde rural, la rénovation sur la construction. Je partage l'idée. J'ai été maire d'une petite commune. On a essayé de revitaliser le centre-bourg. Mais à côté de cette volonté politique, il faut aussi tenir compte des réalités de terrain : comment expliquer au fils d'agriculteur qui veut construire sa maison dans un hameau où il n'y a pas de logement vacant à rénover pour installer sa famille qu'il n'aura pas droit au PTZ, alors qu'il y aurait été éligible en ville ; il en va de même pour le couple de jeunes qui veut construire une maison à la campagne pour profiter du terrain autour. Ces situations sont vécues comme injustes. C'est d'autant plus injuste pour mon département qui se dépeuple et cherche à attirer des jeunes. J'attire donc votre attention sur les effets induits de politiques pertinentes au niveau national, avec l'accent mis sur la rénovation plutôt que sur la construction, mais qui peuvent avoir des conséquences perverses sur le terrain. Quelles sont donc vos intentions sur le zonage et la suppression du PTZ pour la construction en milieu rural ? Nous avons aussi besoin d'un zonage adapté aux projets locaux, avec des dispositifs simples et stables dans le temps qui ne changent pas tous les ans.

M. Yvon Collin . - Le dispositif Pinel, dernier-né d'une succession de dispositifs, constitue une dépense fiscale très importante. N'est-ce pas le dénaturer que de le présenter comme une aubaine fiscale, lorsqu'on en fait la promotion, alors qu'il avait pour objet que les gens s'approprient et gèrent les logements qu'ils mettaient à disposition de leurs locataires ? En tant que maire, j'ai vu des Strasbourgeois acheter dans le Tarn-et-Garonne. Autant dire qu'ils ont acheté un appartement qu'ils ne verront jamais. Ne serait-il pas temps de faire un bilan de ce dispositif ? Vous dites vous-mêmes que vous avez du mal à localiser les endroits où le dispositif Pinel est mis en oeuvre.

M. Jérôme Bascher . - J'ai bien noté que vous connaissiez l'Oise et le pays de Bray. S'il est difficile de faire un zonage, que ce soit en matière agricole ou de logement, il est encore plus difficile de le défaire. J'ai bien noté l'amélioration de la connaissance de votre ministère. Cependant, des politiques d'annonce sans résultats, c'est dommage.

Dans tous nos centres-bourgs, nous voyons des logements aux fenêtres désespérément fermées, aux façades décrépies, en déshérence. Ce problème ne mérite-t-il pas qu'on s'y intéresse ?

M. Michel Canévet . - Le dispositif du PTZ est important en Bretagne où les gens sont très attachés à la propriété individuelle. Il faut l'accompagner, car il permet à ceux qui ont des ressources limitées d'accéder à la propriété. Cela contribue aussi à réduire la pression de la demande sur le parc du logement locatif.

Pas moins de 212 millions d'euros avaient été inscrits en autorisations d'engagement en 2017 pour les contrats de ruralité, dont 22 millions d'euros ont été consommés en 2017 et 44 millions d'euros en 2018. Y a-t-il encore des dossiers en attente ? Comment se passe le financement des projets en cours ?

M. Victorin Lurel . - Vous avez supprimé l'allocation logement accession en Outre-mer et restreint le champ de la défiscalisation notamment pour la rénovation des maisons vieilles de plus de vingt ans, ce qui a considérablement réduit le nombre de projets subventionnés : on est passé de 476 à 94 projets pour tous les outre-mer. Un plan a été agréé qui prévoyait de rénover 150 000 logements. On constate un effondrement total des objectifs, avec seulement 8 000 logements rénovés. Vous avez engagé des travaux pour améliorer l'accession sociale à la propriété pour les ultra-marins. Pouvez-vous m'en dire plus sur les conséquences qu'auront ces travaux, notamment dans la prochaine loi de finances ?

M. Julien Denormandie, ministre . - Monsieur Éblé, le décret du plafonnement des frais de gestion dans le dispositif Pinel se heurte non pas à un problème administratif, mais juridique, avec des modifications dans la loi ELAN. Les décrets sont en cours de discussion et le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (Cntgi) doit se prononcer. Cela relève de l'application de la loi.

Monsieur Husson, les bailleurs sociaux, Action logement et les collectivités participent au financement des programmes de l'ANRU. Pour ce qui est des programmes de réussite éducative, l'État et les collectivités les financent à part égale. Les associations et un grand nombre d'acteurs participent aussi au projet des cités éducatives. Paul Valéry écrivait que « l'éducation ne s'arrête pas aux murs de l'école ».

Monsieur Lefèvre, beaucoup de dispositifs existent en matière de rénovation. L'enjeu est de consolider les chiffres, afin de piloter et d'évaluer la politique de manière fine. Nous connaissons les chiffres de l'ANRU et de l'ANAH, mais pas ceux de la fédération Solidaires pour l'habitat (SOliHA), ni ceux de la TVA à taux réduit, et nous n'avons pas non plus de vision fine sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Le diable se cache dans les détails.

Monsieur Delcros, sur le zonage, nous cherchons à mettre en oeuvre la politique d'aménagement du territoire la plus territorialisée possible. Je suis ingénieur agronome du génie rural. À la fin de ma formation, en 2003, il a fallu que j'aille au « grand rendez-vous », à 150 mètres de Matignon, avec le Secrétaire général au Plan qui pilotait toutes les politiques d'aménagement du territoire. On ne peut plus fonctionner comme cela.

Il y a quelques semaines, j'étais à La Rochelle, pour inaugurer la rénovation urbaine de Villeneuve-les-Salines, qui était le centre de vie initial de la ville, d'où partaient les bateaux, il y a encore 40 ans. On l'a recouvert de béton ! Et il nous faut désormais rénover le quartier pour rouvrir les salines qui font l'identité de ce territoire. Le zonage repose sur des dépenses fiscales. Territorialiser ce genre de dépenses n'est pas facile.

Monsieur Collin, depuis le 1 er janvier 2018, nous avons obtenu un échange d'informations entre les ministères sur le dispositif Pinel. Nous savons exactement dans quelle mesure les dépenses que nous faisons sont utiles. Je salue le travail de Bercy.

Monsieur Bascher, je n'ai pas bien compris votre allusion à une politique d'annonce sans résultat.

M. Jérôme Bascher . - Un certain nombre de chiffres n'ont pas été consolidés. On annonce beaucoup de créations, et à la fin on obtient bon gré mal gré un chiffre de la construction.

M. Julien Denormandie, ministre . - Ce n'est pas ma façon de faire.

Pour ce qui est des centres-bourgs, la politique de rénovation n'est pas limitée au programme Action coeur de ville. Dans certains endroits, on a constaté que certains dispositifs, comme le Pinel, ne fonctionnaient pas. Il faut absolument qu'il soit lié à une politiques de revitalisation du territoire. Mme Gourault finalise le pendant du programme Action coeur de ville pour les centres-bourgs.

Monsieur Canévet, vous voyez bien quelle est ma conception du zonage. Une expérience bretonne devrait se mettre en place. Sur les contrats de ruralité, des annulations de crédits ont retardé le programme 112 en 2017.

Monsieur Lurel, le dispositif APL Accession en outre-mer a la particularité d'être un outil privilégié de lutte contre l'habitat indigne. D'où le mécanisme transitoire que nous avons prévu pour les territoires ultra-marins. Il faudra voir dans quelle mesure nous pourrons le pérenniser.

Quant au soutien à la construction en outre-mer, il pose la question des normes de construction, qui s'opposent parfois de manière irréconciliable dans certain territoires, par exemple lorsque coexistent la norme sismique et la norme anticyclonique. Avec Action logement, nous avons finalisé un plan de relance d'investissements volontaires de 9 milliards d'euros pour, notamment, rénover 25 000 pavillons en zone rurale. À partir du 1 er septembre, nous lancerons le premier plan de rénovation des salles de bain avec pour objectif de remplacer 200 000 baignoires par des douches pour les plus de 70 ans. Le nombre d'accidents domestiques devrait ainsi diminuer. Ce plan sera financé par Action logement et par les partenaires sociaux.

Nous développons aussi un soutien à la construction, avec un volet dédié à l'outre-mer qui bénéficiera de 1,5 milliard d'euros sur un total de 9 milliards d'euros. Ce programme est en cours de finalisation dans le cadre des assises de l'outre-mer que nous avons lancées avec Mme Annick Girardin.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour vos réponses, même si elles n'ont pas toujours réussi à nous satisfaire, concernant particulièrement l'application du plafonnement des frais dans le cadre du dispositif « Pinel », voté en décembre 2017.

M. Julien Denormandie, ministre . - Nous devons recueillir l'avis du Cntgi .

D. AUDITION DE M. SÉBASTIEN LECORNU, MINISTRE CHARGÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (18 JUIN 2019)

Réunie le mardi 18 juin 2019, sous la présidence de M. Jean-François Husson, vice-président, la commission a entendu M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, sur l'exécution des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

M. Jean-François Husson , président . - Nous recevons M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, pour évoquer les résultats de l'exécution en 2018 des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Pour notre commission et, plus largement, pour le Sénat qui représente les collectivités territoriales, cette audition est importante et nécessaire. Certes, en comparaison des 107 milliards d'euros que constitue l'ensemble des transferts financiers de l'État aux collectivités, l'importance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui retrace 3,7 milliards d'euros de crédits, ou du compte de concours financiers, peut sembler limitée, voire mineure. Ce serait toutefois omettre qu'elle finance un nombre croissant de dispositifs essentiels à la vie des territoires, notamment la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

Alors que les élus locaux, comme les sénateurs, demeurent confrontés à la plus grande incertitude concernant les modalités de compensation de la suppression de la taxe d'habitation et, plus amplement, la nature de la réforme de la fiscalité locale évoquée par le Premier ministre, la présente audition sera également l'occasion d'obtenir certains éclaircissements.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales . - Gérald Darmanin, Jacqueline Gourault, Olivier Dussopt et moi-même recevons les associations d'élus pour réfléchir aux scénarios concernant la suppression de la taxe d'habitation.

Je vous propose une présentation assez exhaustive de l'exécution 2018 et un début d'éclairage sur ce que vous avez voté pour 2019, puisque cela s'inscrit dans une continuité de construction budgétaire. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » semble plus consensuelle que par le passé, probablement parce que l'enveloppe globale des concours financiers de l'État, celle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) notamment, demeure stable alors qu'elle avait considérablement diminué lors du quinquennat précédent. Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales représentent 40 milliards d'euros, dont 27 milliards d'euros consacrés à la DGF.

Une stabilisation globale n'est pas synonyme de stabilisation individuelle ; nous devons à cet égard faire preuve de pédagogie auprès des maires et des présidents d'intercommunalités. Des fluctuations persistent en fonction des critères de démographie et de richesse, qui constituent des principes de justice. Il semble normal qu'avec plus d'habitants, il faille construire davantage et mettre à disposition plus de services publics, et inversement. Les critères d'évolution de la richesse ont connu une spirale infernale liée aux modifications de la carte intercommunale dans le cadre d'une enveloppe fermée. Beaucoup d'élus municipaux et communautaires ont subi un recul inattendu de leur DGF en 2018. En 2019, le dispositif a été stabilisé : soixante-seize communes connaissent une évolution de la DGF, qui représente moins de 1 % de leurs recettes de fonctionnement.

S'agissant de la péréquation, que nous avons conjointement souhaitée, nous observons également une stabilisation. Le mécanisme bénéficie aux communes rurales les plus fragiles avec, en outre, des systèmes de garantie de sortie, et aux communes urbaines en difficulté. Ainsi, la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine (DSU) ont chacune fait l'objet d'un effort à hauteur de 90 millions d'euros. Le Gouvernement défend à cet égard la solidarité territoriale, souvent prônée au sein des associations d'élus mais critiquée dans les territoires. De fait, certains perdent au profit des autres. La péréquation verticale représente 40 % du montant de la DGF, contre 14 % il y a douze ans.

La dotation d'intercommunalité, imaginée en 2018, a été créée en 2019 en co-construction avec le Comité des finances locales (CFL), les associations d'élus locaux et le Parlement. Précédemment, les intercommunalités bénéficiaient d'une enveloppe en fonction de leur nature : les variations de DGF étaient considérables lorsque les cartes des intercommunalités évoluaient. La loi a unifié la taille des EPCI et, partant, les enveloppes de DGF. Désormais, 85 % des EPCI sont stables : la réforme fonctionne. Toutefois, de nombreux élus peinent à comprendre le dispositif. La DGF est issue de petites taxes locales, désormais disparues, remplacées par des dotations successives, lesquelles, par sédimentation, ont formé la DGF. Ni son histoire ni son fonctionnement ne sont aisés : la communication gagnerait à être améliorée, notamment sur les questions liées à la démographie et aux critères de richesse. Déjà, les services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des préfectures s'y sont engagés avec la publication de la DGF en une seule fois, le développement d'une carte interactive des 27 milliards d'euros de la DGF et la communication de chaque préfet aux associations d'élus sur les principales baisses observées dans le département. Un bilan sera présenté au CFL avant l'été. Pour ce qui concerne les indicateurs de performance applicables à la DGF, les députés souhaiteraient traiter de l'efficacité de la péréquation. La question est théoriquement passionnante, mais difficile à aborder pratiquement. De fait, les charges pesant sur les collectivités ne sont pas forcément identiques. Le Gouvernement sera attentif à toute proposition que vous formulerez.

Les dotations d'investissement - DETR, DSIL, dotation politique de la ville (DPV) et dotation de soutien à l'investissement départemental (DCID) - ont, quant à elles, considérablement augmenté. La DETR a ainsi bénéficié, depuis 2014, de 400 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre plus d'un milliard d'euros en 2019, en stabilité par rapport à 2018. Si la DSIL a été rapportée, en 2019, à 570 millions d'euros, contre 615 millions d'euros en 2018, son évolution s'explique par l'extinction progressive des contrats de ruralité et des crédits afférents. Enfin, la DPV, d'un montant de 150 millions d'euros, soutient des projets en faveur des quartiers défavorisés. Le gouvernement précédent a augmenté les crédits de la DETR et de la DSIL pour compenser la réduction de la DGF et ses conséquences sur les capacités d'investissement des collectivités territoriales. Nous avons choisi de stabiliser la DGF, en maintenant les aides à l'investissement à un niveau élevé, soit 2 milliards d'euros. Nous avons également élargi la DSID - 212 millions d'euros en 2019 - à toutes les dépenses d'investissement des conseils départementaux.

Lors de la discussion du projet de loi de finances, vous nous aviez fait part, via un amendement déposé par Hervé Maurey, de votre souhait de disposer d'éléments de transparence sur les aides à l'investissement. Nous avons, en conséquence, développé un outil de cartographie sur l'utilisation des fonds de la DETR, destinés à des priorités décidées localement. En 2018, la DETR a financé 21 475 projets, contre 20 623 en 2017, pour une somme identique, signe de l'attention portée aux dossiers modestes, conformément à vos souhaits après la suppression de la réserve parlementaire. Le taux moyen de financement des projets retenus s'établit à 25,6 % et le montant moyen à 47 357 euros. Dans le cadre du projet de loi sur l'engagement et la proximité, qui sera présenté au mois de septembre, je proposerai quelques mesures de libération normative, notamment sur le plafond de subventions au maître d'ouvrage à hauteur de 80 % de la dépense pour l'entretien du patrimoine, enjeu essentiel pour les communes rurales. En 2018, les opérations financées grâce à la DETR ont principalement concerné la construction de bâtiments, l'urbanisme, les transports et le patrimoine.

La DSIL, pour sa part, a vocation à financer des priorités nationales, proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement. Elles font souvent écho à de grands plans d'investissement, sur la transition écologique ou l'accessibilité par exemple. En 2018, 4 821 projets ont été retenus, contre 3 786 en 2017, avec, là aussi, une bienveillance particulière accordée aux petits dossiers par le montant ou par la nature des collectivités concernées. Ces projets, pour la plupart, permettent de continuer à faire vivre les contrats de ruralité ; ils portent majoritairement sur la rénovation thermique des bâtiments. La DETR et la DSIL créent conjointement un effet de levier estimé à 6,7 milliards d'euros en faveur des investissements locaux. Nous pouvons débattre de savoir si cela est suffisant, mais l'effort, quoi qu'il en soit, est considérable. Il convient également de reconnaitre que l'investissement local est particulièrement dynamique lors de la dernière année du mandat municipal.

Sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », 3,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été prévus et 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement ont été réglés, soit un taux de consommation élevé. Le constat est logique, puisque nombre des crédits de la mission sont constitutionnellement dus. En 2019, les indicateurs d'exécution ont été renforcés. Ils n'existaient auparavant que sur la DETR. Désormais, s'agissant de la DSIL, le taux de subvention moyen et le délai moyen entre la décision d'attribution et l'achèvement du projet seront disponibles. Nous prévoyons également de créer un indicateur vert, les territoires ayant un rôle majeur à jouer en matière de transition écologique. Des éléments devraient également être accessibles à l'automne sur la DCID, créée par la loi de finances pour 2019.

Vous avez été nombreux à mettre en doute la parole du Gouvernement sur le dégrèvement ; or, en 2018, chaque commune a été correctement dégrevée de la taxe d'habitation. Nous avons, à cet égard, débuté un cycle de concertation avec les associations d'élus sur le fondement de plusieurs principes, notamment la compensation de la suppression de la taxe d'habitation à l'euro près aux collectivités territoriales. Il convient plus largement de réfléchir à la fiscalité locale, notamment du fait de l'évolution dynamique des dépenses départementales, soit structurellement s'agissant du vieillissement, soit conjoncturellement pour la pauvreté. Les régions étaient très prudentes à l'idée de récupérer une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), elles n'y voient désormais plus d'inconvénient : faire évoluer la fiscalité locale peut s'avérer bénéfique. Nous ferons un point en juillet sur la concertation en cours et sur l'avenir des contrats de Cahors.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Nous vous remercions pour votre présentation très complète. Je souhaitais vous interroger justement sur l'avenir des contrats de Cahors, mécanisme qui concerne 322 collectivités territoriales dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 millions d'euros. Quel bilan dressez-vous de leur mise en oeuvre ? Envisagez-vous d'approfondir le dispositif ou de l'étendre à d'autres collectivités territoriales ? Avez-vous identifié des modifications du comportement des collectivités concernées en matière d'investissement ? Pour la réforme de la DGF, le Gouvernement, lorsqu'il s'est engagé dans la contractualisation de Cahors, s'est inspiré d'un rapport que j'avais commis avec Claude Raynal, dans lequel nous avions appelé de nos voeux une réflexion sur les critères de charges des collectivités territoriales. Le prévoyez-vous ? Avec la disparition de la taxe d'habitation à plus ou moins longue échéance et son remplacement par des impôts nationaux, la fiscalité locale est devenue obsolète. De fait, la péréquation ne considère que les ressources - alors que l'évaluation des charges se pratique, par exemple, en Italie - : cela crée des difficultés d'acceptation d'un dispositif qui représente désormais 40 % de la DGF, même s'il ne s'agit pas de remettre en cause son efficacité.

Sur la dotation d'intercommunalité, il y a eu un progrès, mais on a voulu la faire reposer de nouveau sur des critères de charges, en prenant par exemple le coefficient d'intégration fiscale (CIF), tout en fixant des amortisseurs au profit de certaines collectivités. Sommes-nous toujours dans cette philosophie ? Les huit zonages relatifs aux avantages fiscaux pour certains territoires déshérités disparaissent en 2020. Nos amendements sur ce point ont été refusés l'année dernière. Allons-nous en reparler ? La dotation pour les parcs nationaux a disparu, alors qu'un parc national va se créer. Sur la DSIL, mon appréciation diffère de la vôtre : les contrats de ruralité ayant disparu, il y a une baisse de 4 %... Par ailleurs, confirmez-vous que l'automatisation du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) sera effective au 1 er janvier 2020 ?

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Je commencerai par les contrats de Cahors - sénateur d'Occitanie, j'ai toujours plaisir à voir nos villes mises à l'honneur ! Le Gouvernement communique beaucoup sur la croissance des dépenses réelles de fonctionnement, disant que celles-ci sont plutôt bien contenues, malgré quelques dépassements ici ou là. Ces contrats avaient trois volets. Leur but n'était pas de pousser à une baisse des dépenses de fonctionnement en elles-mêmes, mais d'alimenter l'autofinancement des investissements pour réduire le besoin de financement et améliorer la capacité de désendettement. Or je n'ai rien lu sur le désendettement ou sur la réduction du besoin de financement, alors que c'était bien l'enjeu. Pouvez-vous nous en dire plus ? Peut-on considérer qu'une collectivité a rempli son contrat une fois qu'elle a limité son objectif de dépenses, même si elle ne satisfait pas aux deux autres critères ? Ces contrats comportent une clause de revoyure. Cette clause est-elle engagée ? Apporte-t-elle de nouveaux éléments ? Il y avait deux sujets de friction : les participations à des syndicats extérieurs, qui étaient comprises dans la dépense globale alors que, pour une grande part, ces sommes sont de l'investissement en matière de transport ; et le lien avec les opérations soutenues par l'État, qui imposent un supplément de dépenses.

Quelles seront les cibles macroéconomiques du Gouvernement, en termes de dépenses de fonctionnement, dans la loi de programmation pour 2020-2023 ? Doit-on s'attendre à un durcissement ? Le suivi du besoin de financement sera-t-il plus marqué ? Les soldes effectifs des collectivités locales seront-ils mieux suivis ? Cette loi de programmation répartira-t-elle mieux l'effort entre l'État, les collectivités locales et la Sécurité sociale ?

Les dotations de soutien à l'investissement des départements sont une nouveauté qui date de l'an dernier : on est passé d'une logique de guichet à une logique de projet. Pouvez-vous en dresser un premier bilan ?

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Les contrats de Cahors concernent 322 collectivités, et 279 en ont signé un. Je n'ai jamais compris pourquoi ce dispositif avait suscité autant de critiques au début du quinquennat. J'ai été maire d'une commune qui n'entre pas dans le champ des contrats de Cahors et président d'un département qui est concerné et, en 2014, je n'ai pas eu le choix de contractualiser puisqu'on m'a notifié de manière autoritaire que ma DGF diminuait : à l'aveugle, sans regarder si nous avions fait des économies, ni si nous avions une capacité d'autofinancement pour investir, ni si nous avions fait des schémas de mutualisation. Entre cette manière de procéder à l'aveugle et un contrat, même imparfait, mieux vaut un contrat !

On nous a reproché de concentrer les efforts sur les 322 plus grosses collectivités territoriales. Mais c'est justement le but de la manoeuvre ! Il s'agit, pour le dire franchement, de ficher la paix aux plus petites communes - ce qui est un bon postulat de départ. Dans les programmes pour l'élection présidentielle de 2017, tous les candidats voulaient diminuer les dépenses publiques, et ils parlaient tous de demander des efforts aux collectivités territoriales - certes, avec des méthodologies différentes. Toute la question est dans l'exécution. Or les contrats, ce n'est pas prendre de l'argent, c'est demander à des collectivités de limiter leurs dépenses. Ce n'est pas la même chose ! J'aurais bien aimé, en 2014 et en 2015, que le Gouvernement de l'époque daigne débattre de l'évolution de mes dépenses plutôt que de me diminuer radicalement la DGF...

Oui, une revoyure annuelle souple est prévue. Elle aura lieu en juillet, sous la forme d'un comité de pilotage, après que les préfets auront bouclé leurs échanges opérationnels avec les collectivités concernées. Si vous souhaitez nous auditionner spécifiquement après ce cycle de juillet sur les contrats de Cahors, nous serons à votre disposition. Je ne pense pas que le Gouvernement doive se réjouir qu'on ait limité les dépenses, car ce n'est pas un but en soi. Mieux vaudra se réjouir que l'investissement reparte, ou qu'on ait garanti des services publics. Les premières indications sont que seule une petite poignée de collectivités ne vont pas respecter le contrat.

Nous avons tenu parole sur le retraitement. C'est un contrat, cela se négocie et, comme chez votre assureur, il y a des petites lignes. Les dépenses que l'État demande aux collectivités territoriales font l'objet de retraitements. Par exemple, si un conseil départemental a un taux d'évolution de ses dépenses de fonctionnement proche de 1,2 %, ou du taux qui lui a été notifié soit par l'arrêté, soit par le contrat, on retraite la part des mineurs non accompagnés. Il y a une différence entre une dépense normée, rigide, et les autres dépenses de fonctionnement, qui relèvent de la libre administration de la collectivité territoriale en question.

Vous mentionnez les critères de charge de la DGF. Au moins, le mouvement intercommunal, depuis les lois Chevènement de 1999, a permis de se poser des questions. Sur la péréquation, il y a ce que nous pouvons faire ensemble au niveau national, mais il y a aussi des enjeux au sein des intercommunalités. Faut-il que le législateur s'en empare et définisse des critères ? Je ne suis pas favorable à ce qu'on se mêle de tout. Mais si le partage de la richesse ne se fait pas naturellement au sein des intercommunalités, il faudra peut-être y regarder de près. Il faut que le niveau d'intégration des intercommunalités prenne en compte cette réflexion sur les charges, même si cela n'améliore pas la lisibilité de la DGF...

Sur la dotation d'intercommunalité, nous avons assumé ensemble le CIF, et créé des amortisseurs dans le projet de loi de finances. Chat échaudé craint l'eau froide : si j'avais laissé les choses en l'état, il y aurait eu beaucoup de mouvements dans les dotations d'intercommunalité, et vous auriez incriminé le Gouvernement. Nous avons donc mis en place un système plus rigide, plus lent à créer ses effets, qui a épargné une génération entière d'élus intercommunaux, qui ont déjà connu des baisses de DGF depuis 2014, et sur lesquels la réforme des dotations d'intercommunalité devait se faire selon un rythme acceptable.

Sur les zones de revitalisation rurale, on reste sur le rendez-vous de 2020, et c'est Mme Gourault qui suit ce dossier. Sur la DSIL et les contrats de ruralité, je ne partage pas votre point de vue. Quand les crédits sont consommés, on peut relancer des contrats de ruralité, certes. Mais nous avons aussi créé d'autres dispositifs, comme « coeur de villes ». Il faut aussi faire appel à d'autres outils, comme les fonds européens, dont on a beaucoup parlé pendant la campagne européenne. L'automatisation du FCTVA n'accuse aucun retard, et c'est une belle avancée pour les collectivités territoriales.

Si la dotation globale d'équipement des départements ne pouvait servir que pour des projets d'aménagement, dans certaines régions, la DSIL a permis de financer un foyer départemental de l'enfance, ce qui n'aurait pas été possible avec l'ancien dispositif.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Sur les contrats de Cahors, la position du Sénat n'est pas une position d'hostilité. Le système contractuel, même s'il s'agit de faux contrats, est préférable à un système aveugle. En revanche, nous considérons qu'on ne peut contractualiser, et s'engager sur une baisse de dépenses, que là où l'on a des marges de manoeuvre. Les dépenses contraintes, comme la prise en charge des mineurs non accompagnés, doivent être défalquées des objectifs. Par ailleurs, la bonne exécution des contrats de Cahors ne s'explique-t-elle pas aussi par le report du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ?

On observe une stabilisation globale des dotations, ce qui n'équivaut pas à une stabilisation individuelle. Certaines communes voient leurs dotations baisser fortement, ce qui peut les mettre en difficulté. N'est-il pas envisageable de prévoir des mécanismes d'amortissement - effet de cliquet, baisse en sifflet - en cas de baisse trop brutale - ou de hausse ?

Sur la taxe d'habitation, les parlementaires semblent avoir été réunis ce matin - pour ma part, je n'ai pas reçu d'invitation. L'on communique beaucoup sur l'ouverture de la concertation, en tous cas. Pouvez-vous nous confirmer que la totalité de la réforme, y compris la partie qui s'appliquera jusqu'en 2023, figurera dans le prochain projet de loi finances ? Quid de la révision des bases ? Notre groupe de travail sur l'évolution de la fiscalité locale était parvenu à des conclusions relativement partagées. Je ne suis pas hostile à l'idée d'un transfert du foncier bâti départemental vers les communes, au vu des évolutions de la TVA ou de la CSG qui pourraient le compenser. Depuis 2013, la TVA a crû en moyenne de 2,3 % par an en évolution spontanée, contre 2,2 % pour la CSG. Le Président de la République a dénoncé dans la taxe d'habitation une taxe fondée sur des bases injustes. Le même raisonnement devrait s'appliquer sur le foncier bâti. Avez-vous prévu dans cette réforme la révision des valeurs locatives ?

On annonce une révision du réseau des trésoreries. Les élus s'inquiètent pour les services rendus en termes de comptabilité publique. Ne peut-on alléger leur charge en supprimant des transferts inutiles et précipités, comme celui de la distribution de l'eau au 1 er janvier, partout considéré comme brutal ?

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Pour le PPCR, 300 millions d'euros peuvent être mobilisés. C'est en-deçà des économies que dégagent les collectivités, mais il y a là un sujet qui sera vu au cas par cas, entre chaque préfet et chaque collectivité concernée.

Un cliquet pour la DGF ? Beau sujet ! Il existe déjà des garanties de sortie. Une commune rurale qui perd sa DSR subit d'une année sur l'autre une perte sèche importante. Vous avez voté, dans le projet de loi de finances, une garantie de sortie à 50 % : même si la commune en question n'y a plus droit - c'est-à-dire si elle est plus riche - on lui donne tout de même 50 % de ce qu'elle touchait. C'est très généreux ! Cela donne de la prévisibilité aux élus pour bâtir leurs documents budgétaires.

Faut-il figer la DGF ? Pendant le grand débat national et les 96 heures d'échanges entre le Président de la République et les maires, que j'ai animés, beaucoup de maires l'ont demandé. Le résultat serait que, dans la même communauté d'agglomération ou la même communauté de communes, un maire qui gagnera beaucoup d'habitants ne verra pas sa DGF augmenter, et un maire qui perdra des habitants, lui, aura la même DGF qu'avant.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il existe une solution intermédiaire : une baisse un peu moins brutale et, en contrepartie, une augmentation aussi moins brutale. Un lissage, en somme.

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Pour 6 % d'augmentation de population, faut-il encore complexifier les choses et rendre cette dotation, qui a toujours été vivante, moins vivante ? Je ne sais pas. Si le Sénat veut avancer, je serai à votre disposition.

Ce matin, en effet, une réunion avec les parlementaires de la majorité a fuité : le Gouvernement n'interdit pas l'usage des réseaux sociaux pour les parlementaires ! Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances, le ministre de l'action et des comptes publics sera amené à consulter les commissions des finances et à travailler avec elles. En tout cas, sur mon propre budget, je crois avoir démontré que je procédais comme cela, quelles que soient les appartenances politiques des commissaires. Cette réforme est difficile mais capitale pour l'intérêt général. Il faut des ressources dynamiques pour ceux qui ont des dépenses dynamiques. L'objectif de la réforme est de remettre du dynamisme et de la clarté dans les outils de fiscalité dont disposent les collectivités territoriales, et notamment le bloc communal.

La disparition de la taxe d'habitation est déjà une mesure d'assouplissement pour le réseau des finances publiques, et elle libérera du temps, comme d'ailleurs l'impôt à la source.

La distribution de l'eau arrive après la sécabilité des compétences. En vue du projet de loi, j'ai entamé les concertations. Nous souhaitons instituer une mesure de délégation de cette compétence sur l'eau et l'assainissement, sans sécabilité au niveau intercommunal, vers un syndicat ou une commune.

Mme Christine Lavarde . - Le ministre nous dit que les variations de DGF sont, pour 70 % des communes, inférieures à 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Il serait bon de tenir compte de la définition des recettes réelles de fonctionnement, et de regarder ce que ce petit pourcentage représente en baisse réelle, qui peut aller jusqu'à 50 % de la DGF d'une année sur l'autre. Historiquement, la part forfaitaire de la DGF devait venir compenser des transferts de charges de l'État vers les collectivités ou des suppressions de recettes précédemment affectées aux collectivités et qui repartaient vers l'État ou un autre échelon. Certaines communes sont à présent en contribution négative, puisqu'elles contribuent au redressement des finances publiques, tout en continuant à assumer des missions pour l'État, en nombre toujours croissant. La philosophie de la DGF a été complètement dévoyée. Ne serait-il pas temps de concevoir un dispositif global assurant une juste rétribution des missions exercées pour l'État par les collectivités, et d'articuler les mécanismes de péréquation existants, tels le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ? Ne faisons pas peser sur la DGF un nouveau mécanisme de péréquation.

M. Philippe Dallier . - Passée la période 2014-2017, on aurait pu penser que tout irait mieux. Mais les effets des mesures passées se cumulent, et il ne faudrait pas sous-estimer l'effet ciseau subi par les collectivités territoriales. La DGF, même quand elle ne baisse plus, est rognée par l'inflation, et se pose alors la question de la soutenabilité du système. À un moment, pour un grand nombre de collectivités, cela va coincer !

Nous sommes à neuf mois des élections municipales et, pour les maires, les présidents d'intercommunalités ou de départements, les choses sont plus floues qu'elles n'ont jamais été. Comment les candidats pourront-ils bâtir un projet à six ans ? Nous avons suffisamment démontré ici, à la commission des finances, qu'en l'absence de réforme globale de la DGF et de la péréquation, nous n'arriverons à rien ! Je rappelle que certaines communes sont contributrices au FPIC, éligibles à la DSU et éligibles au FSRIF : cela suffit à démontrer l'aberration du système. Selon que l'on vous compare à telle ou telle autre collectivité, vous êtes riche ou pauvre ; tout cela ne veut plus rien dire.

À cela s'ajoute l'incertitude sur la taxe d'habitation. Certes, le bloc communal va récupérer le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, mais cela ne compensera pas forcément la perte ; il faudra donc reconstituer une espèce de fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui va créer des bénéficiaires et des contributeurs nets... Et le Premier ministre de nous annoncer que la réforme aboutirait à affecter au bloc communal des recettes dynamiques : comment ferez-vous ? Si vous avez la solution, donnez-la nous, que l'on en informe nos grands électeurs... Pour l'instant, nous n'avons pas le début d'une piste.

Mme Sylvie Vermeillet . - La dotation particulière élu local (DPEL) bénéficie aux communes de moins de 1 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,25 fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 1 000 habitants. Mais elle n'est plus versée à la commune nouvelle résultant de la fusion de deux communes qui la percevait. Or la charge à assumer est la même, et le nombre d'élus pour le faire reste inchangé. Ne pensez-vous pas devoir remédier à cette injustice ?

Vous avez estimé l'effet levier de la DETR et de la DSIL à 6,7 milliards d'euros, ce qui est en effet colossal. On sait que les projets sont plus nombreux en fin de mandat mais, faute d'avoir augmenté la DETR cette année, les préfets ont dû écarter certains dossiers ou diminuer le taux de subvention. Il y avait un coup à jouer pour renforcer cet effet de levier en 2019, monsieur le ministre !

M. Jérôme Bascher . - Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler le nombre de critères d'attribution de la DGF ? Je crois que nous gagnerions en lisibilité en les diminuant. Les élus locaux seraient ainsi mieux informés, non du montant, mais de l'affectation de leur DGF.

Le Gouvernement avait des objectifs très ambitieux en matière de diminution du personnel des collectivités territoriales. Quelle tendance constatez-vous à ce stade ?

Pensez-vous utile de modifier les règles d'utilisation de certaines recettes, telles les recettes affectées aux dépenses environnementales, qui n'ont pas toujours trouvé facilement à s'imputer ? Les chambres régionales des comptes ont fourni des pistes...

Une question philosophique enfin : est-il encore logique de parler de bloc communal ? N'êtes-vous pas victime d'une forme de syndrome de Stockholm, votre ministère semblant considérer qu'intercommunalités et communes sont une seule et même chose ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Quelques remarques d'abord. Sur la DETR, je vous suis ; de nombreux élus demandent simplement que les préfets soient plus actifs, ou plus participatifs, surtout dans les départements où il y a beaucoup de parlementaires.

Je pense aussi que l'architecture générale du système de dotations est illisible. On peut expliquer les évolutions de la DGF, mais pas les bases. Les correctifs, tels le FPIC, ont des effets pervers : ma commune en bénéficie alors qu'elle est deux fois plus riche que ses voisines, qui ne font qu'y contribuer.

Qu'avez-vous envisagé de faire du supplément de taxe d'habitation des collectivités qui en ont augmenté le taux ? Va-t-il s'évaporer ?

Peut-on déconnecter la réforme de la fiscalité locale de la redéfinition des dotations de l'État ? Peut-on, en la matière, procéder par touches successives ? Une telle méthode n'est-elle pas une manière de repousser éternellement une réforme globale ?

Les écarts de DGF par habitant entre les différents types de blocs communaux et les territoires sont-ils tenables ? Ils varient du simple au double, voire plus, sans que des éléments objectifs ne le justifient.

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Madame Lavarde, une DGF négative suppose un potentiel financier et fiscal important, ce qui est le cas dans les Hauts-de-Seine. La péréquation consiste en effet à prendre là, par exemple, pour donner ailleurs... Méfions-nous cependant des évolutions exprimées en pourcentages, qui peuvent masquer des variations de quantités très faibles.

Je comprends les propositions de remise en cause du dispositif dans son ensemble, mais c'est de trente ans de mouvements législatifs dont nous parlons. La DGF actuelle compense la disparition de nombreuses taxes depuis les années 1960, nécessaires en leur temps car il fallait tenir compte d'enjeux de ruralité ou d'urbanité pauvre. Et à l'automne dernier encore, nous étions unanimes à vouloir améliorer les dispositifs de péréquation.

M. Dallier plaide pour une telle réforme globale de la DGF. Certains ont essayé : ils ont eu des problèmes... Je songe à Mme Pirès-Beaune, sous le quinquennat précédent. C'est qu'une telle réforme fait nécessairement des gagnants et des perdants, et que ces derniers, au début, sont nombreux. C'est pourquoi personne n'est très pressé de s'y atteler, pas même le comité des finances locales. Toucher à la fiscalité locale, qui n'est déjà pas très juste, est soit un instrument d'opposition - c'est de bonne guerre - soit un sujet d'angoisse pour une génération d'élus rendus groggys par les baisses de dotations. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas évident. Si les associations d'élus souhaitent avancer dans ce sens, nous les accompagnerons - c'est ce qu'a dit le Président de la République. Le Gouvernement ne pourra en toute hypothèse en décider seul.

Le nombre de critères - certains ne sont que des sous-critères - n'est pas l'essentiel du sujet...

M. Jérôme Bascher . - Cela n'aide pas !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Nous le verrons encore à l'automne prochain dans l'hémicycle, lorsque vos collègues de montagne de tous partis se rassembleront pour demander la compensation de problèmes d'altitude... Je le dis avec bienveillance, car vous ne vous rendez pas toujours compte qu'un nouveau critère, tout sympathique qu'il paraisse, peut déstabiliser l'édifice ! L'an dernier, les appels à la raison de votre collègue Charles Guené n'ont pas suffi. Vous êtes toutefois souverains en la matière.

La compensation de la perte de taxe d'habitation par la taxe foncière n'est qu'une hypothèse. Nous discutons avec tout le monde, monsieur Dallier. Une délibération du comité des finances locales, présidé par M. Laignel, a retenu l'idée d'une affectation de taxe foncière aux communes ; une autre demandait le dégrèvement perpétuel...

M. Philippe Dallier . - Nous signons tout de suite !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - ...or je n'ai jamais entendu le Sénat proposer le dégrèvement perpétuel. Je vous donne rendez-vous cet automne pour en parler dans le cadre du projet de loi de finances, afin de donner de la visibilité dans la perspective des municipales. Certains ont fait de mauvais procès au Gouvernement en l'accusant de vouloir se refaire sur les collectivités ; or, vous l'avez vu, aucune commune ne manque d'un euro de dégrèvement. Et pour cause : nous partons du produit perçu par les collectivités pour bâtir la réforme, ce qui est une garantie de justice.

Monsieur Gabouty, la question des taux fait partie des points en cours de négociation avec les associations d'élus, de même que celle des bases. La hausse des prélèvements obligatoires s'explique en partie par le dynamisme des recettes fiscales locales, qui ont rapporté aux collectivités presque 18 milliards d'euros de plus ces dix dernières années, notamment grâce à la CFE et à la CVAE. Les fédérations du bâtiment et des travaux public vous en parlent, j'imagine, sur le terrain...

Madame Vermeillet, la DPEL est calculée sur le nombre d'habitants, pas sur le nombre d'élus. Cette question n'a pas été abordée dans le cadre des travaux de Mme Françoise Gatel sur l'exercice des mandats locaux. C'est même la première fois que l'on m'interroge sur ce point. La DPEL ne représente qu'une trentaine de millions d'euros par an, mais faisons attention. Je rappelle que les communes nouvelles sont des communes à part entière, soumises dès lors aux effets de seuils.

Nous reviendrons sur la question du personnel des collectivités territoriales dans le cadre du bilan des contrats de Cahors.

Monsieur Bascher, l'emploi du produit de la taxe d'équipement pour les espaces naturels sensibles dépend des conseils départementaux : dans certains départements, cela finance le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, ailleurs cela permet de restaurer des kilomètres carrés de zones humides.

Je crois encore à la notion de bloc communal car les EPCI ne sont pas des collectivités territoriales, mais des établissements publics qui fédèrent des communes. Le projet de loi dont nous discuterons au mois de septembre redonnera de la place aux maires dans les structures intercommunales, qui ne doivent pas singer les communes.

Monsieur Gabouty, je vous rejoins sur les effets pervers du FPIC.

Nous pouvons avancer sur la réforme fiscale, qui est un sujet important.

Vous contrôlez le Gouvernement, qui a autorité sur les préfets : n'hésitez donc pas à me faire part des difficultés précises que rencontrent les élus sur la répartition par les préfets des crédits de DETR. J'évite de m'en mêler par trop, pour que l'on ne dise pas que je politise la dotation. Un de mes prédécesseurs procédait lui-même aux arbitrages mais Jacqueline Gourault et moi-même sommes désireux de maintenir le caractère déconcentré de cette dotation.

M. Jean-Marc Gabouty . - C'est moins une question de fond que de méthode.

M. Jacques Genest . - La péréquation est une question essentielle, tant pour les communes rurales que pour les communes de banlieue. Les députés évalueront les difficultés de la péréquation ? Mais ils n'ont, pour la plupart, jamais été maires !

La DETR et la DSIL ne fonctionnent pas trop mal dans l'Ardèche. Seul accroc à déplorer : nous avons insisté pour que les communes gardent la compétence eau et assainissement, mais le préfet se défausse sur les agences de bassin, qui ne subventionnent pas non plus. Bref, c'est un pouvoir qu'on ne peut pas exercer.

Sur la réforme de la taxe d'habitation, je redis ce que j'ai déjà dit : attention au foncier ! Dans les communes où les logements sociaux sont nombreux, les gens ne paieront pas de taxe foncière, et les organismes ne compenseront qu'à hauteur de 15 %, ce qui créera des déséquilibres et distendra le lien entre les habitants et la commune.

Nous avons travaillé sur la réforme de la DGF avec MM. Guéné et Raynal. Le résultat n'était pas celui que nous attendions puisque les gagnants étaient les plus riches - je l'ai observé dans l'Ardèche en particulier !

Ces dernières années, les contentieux relatifs aux dotations de l'État aux collectivités territoriales lui ont coûté près de 40 millions d'euros. Pouvez-vous nous donner quelques informations sur les contentieux pendants ?

Pouvez-vous enfin faire le point sur les indemnités versées aux communes qui abritent des stations de délivrance des titres sécurisés ? Dans ma commune de 800 habitants, Coucouron, la délivrance des cartes grises se passe mal, mais celle des passeports et des cartes d'identité se passe très bien.

M. Jean-François Rapin . - Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas porter le poids des fardeaux du passé, mais tiens à porter à votre connaissance quelques chiffres sur le Pas-de-Calais qui, d'après le préfet, reçoit des dotations importantes : 29,1 millions d'euros, 28,8 millions d'euros, 27,5 millions d'euros, tels sont les montants des dotations - DETR et DSIL - pour les années 2016, 2017 et 2018. La baisse est nette. En 2018, il faut ajouter à ces montants 2,4 millions d'euros au titre de la subvention exceptionnelle à la ville de Calais, répartis sur un fonds de développement de la vie associative (FDVA) dont nous ignorons l'usage qui en est fait. Ce sont 2,5 millions d'euros retirés du budget du département, qui soutenaient l'investissement des communes ! Comment envisagez-vous la suite et, surtout, comment voyez-vous la redistribution des crédits de cette dotation au milieu associatif ?

M. Bernard Delcros . - Merci de votre présence, monsieur le ministre.

Sur la DGF, je ne partage pas du tout l'idée qu'une remise à plat règlerait tous les problèmes. Fin 2015, nous avons voté un tel objectif dans la loi de finances : l'article a finalement été abrogé l'année suivante, car les simulations montraient que les effets obtenus seraient contraires aux objectifs poursuivis. Ceux qui disent que le système est injuste pensent bénéficier d'une réforme mais, à enveloppe constante, il y aura forcément des gagnants et des perdants. Bref, je crois qu'il faut être très prudent.

Cela dit, la DGF peut être améliorée. Elle a baissé, c'est vrai, mais la péréquation est passée de 14 % à 40 % ; c'était utile, car une baisse forfaitaire linéaire aurait fragilisé les territoires déjà fragiles. Vous avez donc bien fait de poursuivre le mouvement de péréquation engagé par le gouvernement précédent. Le rôle de la DGF est aussi de réguler les richesses. Les modifications importantes que nous avons observées sont pour l'essentiel liées aux évolutions des périmètres des intercommunalités, qui ont modifié leurs potentiels financiers. Bref, je crois qu'il vaut mieux améliorer l'existant plutôt que tout remettre à plat.

Je ne défends pas non plus à tout prix l'autonomie fiscale des collectivités, qui fragilise les territoires privés d'expansion démographique et économique. Il faut en revanche garantir l'autonomie financière des collectivités. À l'approche d'un nouveau mandat, les élus ont besoin de visibilité sur leurs ressources et donc leur autonomie financière. Je ne suis par exemple pas opposé à ce que le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties profite au bloc communal, car c'est à ce niveau que la compétence d'aménagement est exercée. Attribuer une part d'impôt national à une collectivité, c'est aussi une façon de faire de la péréquation.

Les annexes financières aux contrats de ruralité sont signées chaque année, mais parfois au détriment des projets classiques éligibles à la DSIL. Il est important pour la ruralité de maintenir des contrats de ruralité avec des crédits dédiés. Les supprimer ou les noyer dans des contrats plus généraux ne serait pas une bonne chose.

Nous n'avons guère parlé du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), sur lequel on entend à peu près tout, y compris des propositions de suppression. Or c'est un outil souple de financement d'investissements, de projets privés ou d'ingénierie territoriale. Avez-vous bien l'intention de le conserver ?

M. Didier Rambaud . - Certaines collectivités n'ont pas signé les contrats dits de Cahors, mais elles en ont respecté l'esprit, en maîtrisant notamment leurs dépenses de fonctionnement. Quelles sont les conséquences pour elles ? Qu'ont-elles perdu à ne pas signer ce contrat ?

M. Michel Canevet . - Monsieur le ministre, la Cour des comptes préconise dans son rapport le regroupement dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » des crédits du programme 216 qui sont destinés au fonctionnement de votre ministère. Qu'en pensez-vous ?

En ce qui concerne l'évolution de la DGF, je crois que nous devons être prudents, même s'il est vrai qu'elle est inégalement répartie, souvent au détriment des communes rurales.

Par ailleurs, il serait nécessaire de revoir les bases de la taxe foncière. Ce processus pourrait se faire au fil de l'eau, au moment de la mutation des biens.

Enfin, la réserve ministérielle existe-t-elle encore ?

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Monsieur Genest, les travaux d'évaluation des indicateurs de péréquation sont menés par Christophe Jerretie, député de Corrèze, et Jean-René Cazeneuve, député du Gers et président de la délégation de l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Tous deux ont été maires.

En ce qui concerne la compétence eau et assainissement, le projet de loi à venir permettra une délégation. Dans la même dynamique, nous devrons certainement toiletter les critères d'intervention des agences de l'eau.

Je souhaite remercier le sénateur Delcros de sa franchise ! Chacun sait bien qu'une réforme de la DGF est toujours très compliquée et qu'elle est rarement portée par tous les acteurs... Je rappelle que les élus ont commencé à s'intéresser à ce sujet, non pas au moment où la DGF a drastiquement diminué, mais lorsque, au sein d'une enveloppe globalement stable, les allocations individuelles ont commencé à varier de manière erratique, ce qui résultait de l'évolution du schéma intercommunal. Par ailleurs, la DGF a toujours été complexe !

Tous les contentieux relatifs aux dotations sont apurés, soit à la suite d'une décision de justice soit de manière transactionnelle.

En ce qui concerne les titres sécurisés, une enveloppe de 40 millions d'euros a été mise en place, mais ce sujet relève du ministère de l'intérieur. La question difficile reste évidemment celle du lieu où sont implantées les stations.

Monsieur Rapin, la DETR est passée de 10 millions d'euros à 16 millions entre 2014 et 2019 dans votre département.

M. Jean-François Rapin . - Le problème est le décalage avec les projets !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Nous devrons évidemment regarder ce sujet, mais vous savez que les calculs sont là aussi complexes. Nous devons trouver un équilibre entre la stabilité et la prise en compte de la vitalité des départements.

S'agissant du FDVA, diverses remontées du terrain me sont parvenues ces dernières semaines. La traçabilité des sommes et l'information au sein des commissions départementales doivent être mieux assurées. Je propose de vous préparer une note courte à ce sujet.

Monsieur Delcros, vous avez raison sur les différences qui existent entre autonomies financière et fiscale. La première est inscrite dans la Constitution et certaines grandes associations d'élus réclament la seconde. Je crois que le Sénat aurait tout à fait raison de débattre de ce sujet.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous l'avons déjà fait !

M. Sébastien Lecornu, ministre . - Sur l'impôt national, ce qui est vrai pour les départements le sera aussi pour les intercommunalités. C'est un outil de péréquation, mais il faut faire attention à l'évolution de ces impôts : ils peuvent être dynamiques en période de croissance, mais beaucoup moins, lorsque celle-ci est plus faible.

Sur le bilan de la DETR, de la DSIL et de la DPV, un rapport sera publié durant l'été, comme chaque année.

Les enveloppes du FNADT sont moins importantes qu'avant, notamment parce que les crédits destinés à d'autres dotations augmentent - je pense par exemple à la DETR. Je n'ai pas d'informations sur d'éventuelles difficultés.

Monsieur Rambaud, les contrats dits de Cahors sont des outils politiques pour les élus qui les ont signés et respectés : il leur est donné acte de leur maîtrise des dépenses, ce qui ne peut être que positif durant une campagne électorale... Pour les collectivités qui n'ont pas signé le contrat, mais le respectent, rien ne change. L'outil est souple : un élu peut décider, par exemple pour des raisons politiques, de ne pas le signer, mais il n'est pas pénalisé pour cela, si tant est qu'il le respecte en pratique. Les choses sont évidemment différentes pour les collectivités qui ne respectent pas le contrat. C'est un peu le principe du bonus-malus !

En ce qui concerne la réserve ministérielle, je vous assure qu'elle n'existe plus, même si le fantasme a la vie dure...

Enfin, monsieur Canevet, les crédits du programme 216 que vous évoquez relèvent encore, en effet, du ministère de l'intérieur qui continue d'assurer les fonctions support de la DGCL, même si celle-ci ne lui est plus rattachée. Les autres fonctions support du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sont assurées par le ministère de la transition écologique et solidaire. Nous verrons ce qu'il convient de faire pour l'avenir.

M. Jean-François Husson , président . - Je vous remercie.

E. AUDITION DE MME EMMANUELLE WARGON, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE D'ÉTAT, MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE (19 JUIN 2019)

Réunie le mercredi 19 juin 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'exécution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État chargée de la transition écologique et solidaire.

Madame la ministre, vous venez nous présenter les résultats de l'exécution en 2018 des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Nous pourrons également aborder le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres », qui retrace les crédits du bonus-malus automobile et de la prime à la conversion, compte qui disparaît en 2019 - vous pourrez d'ailleurs nous rappeler les raisons de sa suppression.

Les dépenses de la mission en 2018 s'élèvent à 13,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 13,5 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente des augmentations d'environ 13 % par rapport aux crédits exécutés en 2017. Si on laisse de côté les mesures de périmètre entre 2017 et 2018, il est incontestable que cette hausse témoigne de l'augmentation des moyens alloués aux politiques portées par la mission. L'année 2018 a ainsi emporté la généralisation du chèque énergie ainsi qu'un recalibrage de la prime à la conversion.

Alors que le Premier ministre a annoncé dans sa déclaration de politique générale que les « douze prochains mois seront ceux de l'accélération écologique », peut-être pourrez-vous nous en dire plus sur les mesures envisagées à ce stade par le Gouvernement, en particulier en matière fiscale ?

Notre collègue Jean-François Husson, rapporteur spécial des crédits de la mission et des comptes d'affectation spéciale, vous interrogera et nous passerons ensuite aux questions de l'ensemble des commissaires.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. - Le bilan de l'exécution pour l'exercice 2018 du budget du ministère de la transition écologique et solidaire comprend les crédits de la mission, les crédits rattachés de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ».

Le montant des autorisations d'engagement (AE) ouvertes en 2018 s'élève à 29,7 milliards d'euros, en augmentation de 2,6 milliards d'euros par rapport à 2017, soit une progression de 9,5 %. Le montant des crédits de paiement (CP) ouverts en 2018 s'élève à 29,2 milliards d'euros, en augmentation de 2 milliards d'euros par rapport 2017, soit une progression de 8,2 %.

Ces augmentations s'expliquent principalement par trois raisons : la budgétisation du financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), à hauteur de 600 millions d'euros, alors qu'elle était auparavant financée par une taxe affectée, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ; la montée en puissance du chèque énergie avec l'augmentation de 500 millions d'euros des crédits du programme 345 pour accompagner la transition énergétique et la hausse du coût des énergies pour les plus modestes ; enfin, l'augmentation des dépenses de transition énergétique pour 200 millions d'euros environ, à la suite des nouvelles estimations de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

En loi de finances rectificative (LFR), assez peu de mouvements ont été opérés, eu égard au montant des crédits de budgétisation initiale.

Ainsi, 278,4 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts sur les programmes suivants : 115,5 millions d'euros sur le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » ; 85,5 millions d'euros sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » ; 77,4 millions d'euros sur le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants ».

Parallèlement, 784 millions d'euros ont été annulés sur les programmes suivants : 594,6 millions d'euros sur le programme 764 « Soutien à la transition énergétique » ; 89,9 millions d'euros sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports » ; 50,1 millions d'euros sur le programme 345 « Service public de l'énergie » ; 16,4 millions d'euros sur le programme 181 « Prévention des risques » ; 14,3 millions d'euros sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » ; 6,5 millions d'euros sur le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » ; 5,5 millions d'euros sur le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologique » ; 4,4 millions d'euros sur le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » ; 2,3 millions d'euros sur le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ». C'est généralement le gel de la réserve de précaution qui mène à une annulation en fin d'année.

Le montant des AE consommées atteint 28,2 milliards d'euros, soit 95,1 % des crédits ouverts, tandis que celui des CP consommés atteint 28,5 milliards d'euros, soit 97,6 % des crédits ouverts. Le taux de consommation des crédits est légèrement supérieur à celui de 2017, qui était de 94,4 % en AE et de 96,7 % en CP.

En CP, le montant des crédits non consommés diminue de 192 millions d'euros entre 2017 et 2018, passant de 903 millions d'euros à 711 millions d'euros. Cette baisse s'explique notamment par un schéma de fin de gestion moins contraignant que l'an dernier : les seules annulations de crédits ayant été opérées sur des crédits initialement mis en réserve, elles n'ont pas perturbé la programmation de la dépense. Par ailleurs, contrairement aux années précédentes, le programme 203 n'a pas été soumis à l'obligation de reporter une partie de ses fonds de concours, permettant d'améliorer la consommation de ce programme.

J'en viens aux faits marquants.

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » a bénéficié du dégel de sa réserve et de l'ouverture de 85,5 millions d'euros en LFR en remboursement de l'avance qu'il avait dû consentir au CAS « bonus-malus » au titre de la prime à la conversion - 38 millions d'euros - et pour couvrir les besoins de l'enveloppe spéciale de transition énergétique (ESTE), à hauteur de 60 millions d'euros.

Le programme 205 « Affaires maritimes » a bénéficié d'une levée partielle de sa réserve pour régler, en toute fin de gestion, des arriérés de dette sociale.

Le programme 345 « Service public de l'énergie » a bénéficié d'une levée partielle de sa réserve en CP et d'une ouverture importante en AE pour résorber une partie du report des charges déterminées par la CRE pour les différents opérateurs, passant ainsi de 628,9 millions d'euros à 542 millions d'euros.

Les régimes sociaux ont nécessité un dégel intégral de leur mise en réserve et même, pour celui des transports terrestres, de l'ouverture de 115,5 millions d'euros supplémentaires en LFR.

Le taux de consommation des crédits des CAS dédiés aux trains d'équilibre et à la transition énergétique a fortement progressé, mais il conserve un niveau très bas pour le CAS relatif à l'électrification rurale, à 52,7 %.

S'agissant des dépenses de personnel, les crédits ouverts en 2018 s'élèvent à 2,86 milliards d'euros, en diminution de 13 millions d'euros par rapport à 2017, soit 0,4 %.

Le montant des crédits consommés atteint 2,82 milliards d'euros, soit 98,9 % des crédits ouverts. Le taux de consommation des crédits de personnel est donc légèrement supérieur à celui de 2017, qui s'élevait à 98 %.

Le schéma d'emplois assigné au ministère était de 828 équivalents temps plein (ETP) en loi de finances initiale et a été exécuté à hauteur de 801 ETP.

Le plafond d'autorisation d'emplois du ministère s'élevait à 40 328 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et a été réalisé à hauteur de 40 008, dont 9 163 au titre du pôle ministériel de la cohésion des territoires, soit une sous-consommation de 320 ETPT, soit moins de 1 % du plafond d'emplois.

Le schéma d'emplois du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit BACEA, assigné en loi de finances initiale était nul, avec un plafond d'autorisation d'emplois fixé à 10 536 ETPT et une exécution du plafond d'emplois à 10 431 ETPT.

Le schéma d'emplois assigné aux opérateurs du ministère était quant à lui de 504 ETP, soit un plafond d'autorisation d'emplois de 25 325 ETPT, pour une exécution établie à 24 937 fin 2018.

Enfin, le CAS « bonus-malus » n'a pas été supprimé, puisque seule la prime à la conversion a été budgétisée sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », en 2019. À la suite de cette rebudgétisation, le CAS a été réorganisé avec la création de deux programmes : le programme 797 « Aide à l'acquisition de véhicules propres pour les personnes physiques » et le programme 798 « Aide à l'acquisition de véhicules propres pour les personnes morales ».

M. Jean-François Husson , rapporteur spécial . - Pouvez-vous faire le point sur le lancement des contrats de transition écologique (CTE) ? Comment le ministère a-t-il sélectionné les quarante nouveaux CTE lancés en juillet prochain ?

Quel bilan faites-vous de la généralisation du chèque énergie en 2018 ? Comment expliquez-vous que le taux d'usage du chèque énergie par les ménages ne soit que de 70 %, ce qui est inférieur aux prévisions ? Comment imaginez-vous l'extension du chèque énergie à deux millions de ménages supplémentaires cette année ?

La commission des finances du Sénat a plusieurs fois réclamé que le Parlement soit consulté sur le montant des charges de soutien au développement des énergies renouvelables, eu égard aux montants en jeu. Envisagez-vous d'agir en ce sens ?

Comment expliquez-vous la sous-estimation importante du rendement du malus automobile, mais également du nombre de demandes de primes à la conversion en 2018 ?

Enfin, pourquoi le coût total du protocole d'indemnisation d'EDF pour la fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Fessenheim n'est-il pas encore connu ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État . - La démarche qui sous-tend les CTE est simple : il s'agit d'accompagner les territoires souhaitant se doter d'un projet à dominante écologique, laquelle s'ajoute généralement à une composante économique et sociale. Quatre CTE visent des territoires touchés par la fermeture d'une centrale à charbon. Les autres, plus proactifs, portent sur des territoires souhaitant évoluer sur des sujets écologiques. L'initiative lancée par Sébastien Lecornu a abouti à la sélection d'une première cohorte d'une dizaine de CTE, dans une approche dite bottom-up , sans cadre préétabli. Les projets sont donc très variés : une communauté urbaine globale, une réindustrialisation, des mobilités, des liaisons entre énergies renouvelables et agriculture, la biodiversité. J'ajoute qu'il n'existe pas de financement dédié, mais que la contractualisation facilite la mobilisation de financements de droit commun, voire privés, et apporte un appui très apprécié en matière d'ingénierie.

Une dizaine de nouveaux projets devraient être finalisés à l'été et nous souhaitons en sélectionner une cinquantaine d'ici au 9 juillet prochain, sachant que nous avons reçu 127 candidatures. Pour assurer la cohérence de la démarche, nous travaillons à une coordination entre les différents dispositifs portés par l'État, notamment le programme Action coeur de ville, les territoires d'innovation, les appels à projets « French impact », les territoires d'industrie. À moyen terme, un contrat de développement devra forcément réaliser une synergie entre les dimensions écologique et économique. Nous recherchons également une cohérence territoriale avec le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Nous lancerons dès que possible de nouvelles cohortes, jusqu'à banaliser complètement la démarche.

Selon nos données, le taux de recours au chèque énergie est de 80 %, monsieur le rapporteur, situé plutôt dans la fourchette haute pour une prestation sociale. Le chèque énergie est un progrès récent. En 2019, pour sa deuxième année d'application à la France entière, les montants individuels devraient passer à 272 euros et le nombre de foyers éligibles à 5,6 millions.

Cette aide de l'État versée par l'Agence de services et de paiement (ASP) doit être mieux relayée par les services sociaux de proximité. Nous devons améliorer la coordination avec les collectivités territoriales, mairies et départements. C'est une marge de progrès pour l'année prochaine. Nous avons par ailleurs simplifié les modalités de mobilisation, mais nous devons parfaire la communication avec les usagers pour atteindre un taux de recours supérieur à 90 %. Nous prévoyons environ 850 millions d'euros de dépenses sur le chèque énergie en 2019.

Pour le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres », 365 millions d'euros de crédits ont été ouverts. Pour ce qui est du rendement du malus écologique, la prévision en PLF était de 388 millions d'euros, pour une réalisation de 596 millions d'euros résultant d'une hausse de l'achat de véhicules neufs de type Sport Utility Vehicle (SUV).

Le conseil d'administration d'EDF a examiné une première version du protocole d'indemnisation relatif à la fermeture de Fessenheim, mais le décalage de la date de fermeture des réacteurs a conduit à le renégocier. Il est à présent pratiquement finalisé. Il devra, aux termes de la loi pour un État au service d'une société de confiance, passer par un comité interministériel de transaction qui vient d'être créé - le 25 avril dernier - au ministère de la transition écologique. La fermeture du premier réacteur est prévue pour mars 2020, celle du second à la fin de l'été 2020.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Merci, madame la ministre, pour ces premiers éclairages.

Nous avons bien noté que le rendement du malus automobile avait progressé, mais cela veut dire que l'objectif de conversion du parc n'est pas complètement atteint ; les gens achètent notamment plus de véhicules de type Sport Utility Vehicle (SUV) - nous les voyons circuler à Paris... Est-ce à dire que le barème n'est pas adapté ?

Le coût des dépenses fiscales et autres crédits d'impôt a connu une forte hausse, de plus d'un milliard d'euros, pour atteindre près de 4,7 milliards d'euros. C'est normal, me direz-vous, puisque cela dépend des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Le commissariat général au développement durable et la Cour des comptes - saisie au titre de l'article 58 alinéa 2 de la LOLF - affirment que certaines exonérations de TICPE sont dommageables à l'environnement. Que répondez-vous ? Où en êtes-vous concernant la suppression du taux réduit sur le gazole non routier (GNR) ? Nous avions considéré l'an dernier qu'il fallait à tout le moins l'étaler dans le temps et épargner au maximum les PME. On est finalement allé au-delà en renonçant à la suppression de ce taux réduit en 2019.

Le coût du crédit d'impôt transition énergétique (CITE), lui aussi, est reparti à la hausse puisqu'il atteint 1,9 milliard d'euros en 2018, contre 1,7 milliards d'euros en 2017. Or, je le rappelle, le CITE devait prendre la forme d'une prime en 2019, avant que le Gouvernement annonce sa transformation en une aide de l'agence nationale de l'habitat (ANAH) pour partie et en crédit d'impôt pour une autre partie à compter de 2020. Qu'est-ce qui justifierait l'une et l'autre de ces hypothèses et où en est-on exactement ?

M. Vincent Éblé , président . - Lors de l'examen du projet de loi relatif à la restauration de Notre-Dame de Paris, nous nous sommes interrogés sur la création d'un éventuel crédit d'impôt pour les personnes modestes non assujetties à l'impôt sur le revenu, qui n'auraient donc pas bénéficié de la réduction fiscale sur les dons versés en vue de la restauration de la cathédrale. Il peut en aller de même en matière de transition énergétique, afin que celle-ci n'aggrave pas les inégalités sociales. Pour que cette transition réussisse, il est essentiel d'aider les ménages modestes à rénover leur logement, à utiliser de nouvelles sources d'énergie, à acheter un véhicule moins polluant. Notre commission a mesuré, grâce à l'appui de la Cour des comptes, les résultats positifs du programme Habiter mieux, qui aide les propriétaires modestes à réduire la consommation énergétique de leur logement. Toutes les dépenses fiscales ayant un objet de transition écologique et énergétique sont-elles à présent sous forme de crédit d'impôt ou de prime ? Certains publics modestes échappent-ils encore à de telles incitations ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. - Les dépenses du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres » représentaient 550 millions d'euros en 2018. Ce chiffre dissimule des mouvements contraires. La prime à la conversion, qui accompagne l'achat de tout type de véhicule, augmente fortement puisqu'elle a dépassé la prévision de 76 % et conduit à abonder le CAS de nouveau ; en revanche, les bonus versés sur les achats de véhicules électriques ont été inférieurs de 37 % au montant prévisionnel en raison de ventes plus faibles que prévu - même si 40 000 bonus ont été versés. Le mouvement de transition du parc est en définitive assez fort, mais il doit moins aux achats de véhicules électriques, dont l'offre ne sera massive et donc à plus bas coût que dans les mois à venir, qu'à la prime à la conversion, qui a fini à force d'ajustements par trouver son public. En 2018, 255 000 ménages l'ont réclamée, et nous estimons ce chiffre à 400 000 en 2019. Le Premier ministre a dit dans son discours de politique générale que nous visions désormais le million de primes à la conversion. Bref, le dispositif fonctionne et transforme effectivement le parc automobile, ce qui a un effet sur le climat.

Un mot sur les niches fiscales. Nous suivons les travaux de Bénédicte Peyrol sur le sujet. Une mission a été confiée à l'inspection générale des finances et au conseil général de l'environnement et du développement durable pour évaluer l'impact écologique de la fiscalité. Gérald Darmanin pilote les réflexions sur les niches fiscales. Le Gouvernement envisage de revenir sur celle relative au GNR de manière étalée dans le temps, afin de rendre le dispositif réellement incitatif.

Nous avons pris l'engagement de transformer le CITE en prime, afin d'accélérer le versement des aides. Le fait de devoir avancer de l'argent pendant une période relativement longue ralentit en effet l'engagement des travaux, et le prélèvement à la source n'y a rien changé. L'évolution du dispositif sera engagée à compter de l'exercice 2020. À terme, la prime sera fusionnée avec celles versées par l'Anah aux ménages les plus modestes. L'Anah n'étant toutefois pas capable d'absorber la transformation du dispositif d'un coup, nous procéderons par étapes. À moyen terme, la prime sera modulée selon les revenus du ménage.

La plupart des outils fiscaux sont désormais des aides directes : c'est le cas de la prime à la conversion, du bonus écologique, du chèque énergie - même si ces aides ne sont pas toutes versées selon les mêmes circuits -, du CITE bientôt. Ne retenir que des crédits d'impôt ou des primes est une exigence de justice sociale et permet de toucher tous nos concitoyens, qu'ils soient ou non assujettis à l'impôt sur le revenu.

M. Antoine Lefèvre . - La lutte contre les passoires thermiques est un vrai sujet. Le taux de recours au chèque énergie reste faible, même à 80 %. Quelles sont les pistes de simplification pour rendre le dispositif plus lisible ? La partie rénovation du dispositif « Action coeur de ville » permet d'en faire la promotion. N'oublions pas que ce sont les questions énergétiques qui ont déclenché le mouvement des Gilets jaunes.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. - Des mesures de simplification ont été prises entre l'avant-dernière campagne et celle de cette année. D'une part, le chèque a été dématérialisé auprès des fournisseurs d'énergie - et une fois utilisé, le fournisseur d'énergie rappelle automatiquement au consommateur qu'il peut être utilisé à la bonne période. D'autre part, les résidents d'Ehpad et d'autres types de résidences collectives peuvent, depuis un décret récent, en bénéficier. Il faut en toute hypothèse un peu de temps pour qu'une prestation soit utilisée. Mais je vous rejoins : 80 % de recours, ce n'est pas entièrement satisfaisant. Nous avons identifié deux leviers pour améliorer cet indicateur : la mobilisation des services des collectivités, tels les CAF, et la promotion du dispositif auprès des Français.

M. Bernard Delcros . - Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'exécution des opérations retenues sur les territoires à énergie positive pour la croissance verte ? Les appels à projets avaient conduit à en lancer plusieurs vagues, à l'initiative des territoires, avec des financements spécifiques. Certains projets ont cependant été remis en question. Où en est-on à présent ?

M. Jean-Claude Requier . - Le marché mondial de démantèlement des centrales nucléaires est évalué à 220 milliards d'euros. À lui seul, le marché français représente environ 650 millions d'euros par an et l'on peut anticiper un fort développement dans les dix ans à venir. La France est en pointe dans ce secteur. Quelles sont les perspectives de développement de cette filière prometteuse en termes d'emplois ?

M. Yvon Collin . - Merci, madame la ministre, pour vos informations. Quelles sont les relations qu'entretient votre ministère avec les agences de l'eau, et que pouvez-vous nous dire de la qualité de l'eau ? Dans quelles conditions articulez-vous vos interventions avec celles des agences de l'eau et du ministère de l'agriculture, en particulier en ce qui concerne le développement de l'agriculture biologique et le plan Ambition Bio ? Les agences sont appelées à contribuer de plus en plus largement en la matière, et leur doctrine diffère parfois de celle du ministère de l'agriculture.

M. Philippe Dallier . - Certes, le CITE coûte cher : 1,9 milliard d'euros. Le Premier ministre a aussi critiqué le fait que ses bénéficiaires n'étaient pas forcément les plus modestes. L'Anah, qui a connu des périodes difficiles en matière de financement, s'est vu fixer l'objectif de traiter 75 000 dossiers par an. La Cour des comptes, saisie dans le cadre de l'article 58 paragraphe 2 de la LOLF, a pointé le risque que l'exigence de quantité l'emporte sur celle de qualité des dossiers. Les sommes affectées au CITE seront-elles intégralement transférées sur un autre dispositif - que l'Anah ou un autre acteur pourrait prendre en charge ? Les annonces du Premier ministre sur ce sujet n'ont pas été très claires. S'oriente-t-on vers une autre logique, plus axée sur les résultats ?

M. Thierry Carcenac . - Je reviendrai pour ma part sur le chèque énergie. Je ne retrouve nulle part les 80 % dont vous parlez. La note de la Cour des comptes sur l'analyse de l'exécution budgétaire pour l'année 2018 mentionne, page 55, le chiffre de 70 %, le nombre de chèques distribués et encaissés s'élevant respectivement à 3,6 millions et 2,5 millions. Vos partenaires sont en outre nombreux : vous avez parlé de la CAF, des CCAS, ou des départements via le fonds de solidarité pour le logement. On voit également poindre le revenu universel d'activité, le RSA, la prime d'activité, les APL... Ne peut-on se doter d'une vision globale, en mettant autour de la table tous les partenaires ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. - Pour mettre en oeuvre les principes inscrits dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte, une enveloppe spéciale transition énergétique a été mise en place. Ce fonds a été confié à la Caisse des dépôts et consignations. À ce jour, 3 000 conventions ont été conclues, pour un total de 626 millions d'euros - 606 millions pour les seuls territoires à énergie positive pour la croissance verte. Nous sommes en train de résorber les difficultés de suivi budgétaire de ces dépenses. Au 30 mai 2019, 300 millions d'euros ont été versés. Pour 2020, nous prévoyons 200 millions d'euros de paiements compte tenu des crédits disponibles à la Caisse des dépôts - sachant que nous avons alimenté ce fonds à hauteur de 535 millions d'euros. Le besoin de crédits de paiement devrait être de 58 millions pour 2020 et probablement de 72 millions d'euros pour 2021. Nous sommes à présent en mesure de suivre les paiements conformément aux conventions signées avec les collectivités concernées.

Je vous rejoins sur le démantèlement des centrales nucléaires, qui peut constituer un domaine d'excellence française. Un comité de filière nucléaire, sous l'égide du ministre de l'économie et des finances et du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, travaille aussi sur la question du démantèlement - posée dans le projet de territoire de Fessenheim. Nous pouvons sans doute développer une filière et des emplois. S'agissant de Fessenheim, la difficulté est de convaincre nos partenaires de l'autre côté du Rhin de la pertinence du technocentre, qui pourrait être un point d'appui pour la filière française du démantèlement et recevoir les déchets en provenance de centrales démantelées en Allemagne.

Les six agences de l'eau, dont le budget global représente 2,1 milliards d'euros, sont des opérateurs très importants du ministère. Elles sont compétentes à la fois pour le petit cycle - qualité de l'eau au sens strict et assainissement - et pour le grand cycle - respect des masses d'eau et équilibre de nos écosystèmes. La fin de de la première phase des assises de l'eau a donné lieu à la mise en place d'une enveloppe de prêt à la Caisse des dépôts et consignations pour financer l'assainissement et le repositionnement de ces agences. Le ministre d'État et moi-même annoncerons les conclusions de la deuxième phase des assises le 1 er juillet prochain.

La qualité de l'eau reste très bonne en France puisque plus de 98 % des Français ont accès à une eau de qualité, ce qui est très supérieur aux standards. Toutefois, des tensions saisonnières subsistent. Le comité de suivi de la situation hydrique que j'ai présidé il y a quelques semaines a révélé que ni les nappes ni les cours d'eau n'avaient totalement reconstitué des niveaux satisfaisants. Aussi le ministère de l'agriculture et le mien ont-ils souhaité avancer sur les retenues d'eau pour les agriculteurs, dans des conditions maîtrisées. Une circulaire a été cosignée à cet effet par nos deux ministères en avril dernier.

Les agences de l'eau sont bien sûr des acteurs importants pour l'agriculture, ne serait-ce que parce qu'elles collectent la redevance pour pollution diffuse, affectée à la transition vers l'agriculture biologique. Nous sommes en outre en train de configurer les paiements pour services environnementaux, soit 150 millions d'euros, qui serviront aux agences d'appui pour la transition bio et agroécologique, avec une priorité sur la protection des captages. Je n'ai pas connaissance de doctrines spécifiques, mais il est vrai que les comités de bassin sont présidés par les élus et peuvent se doter d'une doctrine légèrement différente, sous le contrôle toutefois de toutes les parties prenantes - agriculteurs, usagers, etc.

L'enjeu de la rénovation thermique des bâtiments est de trouver le bon équilibre entre quantité et qualité. Le Premier ministre entend s'assurer que les rénovations sont concentrées sur les rénovations les plus efficaces d'une part, les ménages qui en ont le plus besoin d'autre part. La refonte du barème des aides ANAH et du CITE améliorera l'efficacité du dispositif : les aides seront en quelque sorte proportionnelles à la quantité de carbone évitée, suivant les recommandations de France Stratégie et du rapport Quinet, et ainsi plus cohérentes avec les programmes « Habiter mieux agilité » et « Habiter mieux sérénité » de l'ANAH. Les arbitrages relatifs au nombre et aux types de ménages aidés n'ont pas encore été rendus, mais la philosophie reste de concentrer les aides sur ceux qui en ont le plus besoin, afin de rendre les rénovations possibles dans toutes les couches de la population. Nous souhaitons même étendre le bénéfice de ces aides aux propriétaires bailleurs, ce qui est indispensable pour rénover les copropriétés.

Le taux d'usage du chèque énergie que j'ai indiqué est le plus récent fourni par la direction générale de l'énergie et du climat concernant la campagne 2018 : il s'élève à 78 %, soit 424 millions d'euros consommés rapportés à 539 millions d'euros émis. La trajectoire de la campagne 2019 étant un peu meilleure, nous espérons passer la barre des 80 %.

M. Vincent Éblé , président . - Il nous reste à vous remercier.

F. AUDITION DE MMES AGNÈS BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ, ET CHRISTELLE DUBOS, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUPRÈS DE LA MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ (26 JUIN 2019)

Réunie le mercredi 26 juin 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, sur l'exécution des crédits de la mission « Santé ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous avons le plaisir de recevoir Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre. Mme Buzyn, retenue à Metz, nous rejoindra bientôt.

Elle viendra nous présenter les résultats de l'exécution en 2018 des crédits de la mission « Santé ». Les dépenses de la mission en 2018 s'élèvent à 1,34 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ce qui représente des augmentations d'environ 7 % par rapport aux crédits exécutés en 2017.

La loi de finances pour 2018 a constitué, à ce titre, la dernière étape en matière de rationalisation de la participation de l'État au financement des opérateurs de santé. Le programme 204 ne finance plus désormais que quatre opérateurs de l'État dédiés à la prévention et à la sécurité sanitaire, contre dix en 2015. Reste que cette rationalisation ne produit pas les gains attendus, la mutualisation des moyens semble non-aboutie et les gains d'efficience attendus du regroupement de trois opérateurs au sein de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) tardent à être enregistrés. La mission porte également les crédits de l'aide médicale d'État sur laquelle la ministre reviendra sans doute.

S'agissant des crédits de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances », ils s'élèvent à 19,85 milliards d'euros en crédits de paiement sur 2018. Les deux principaux postes de dépenses sont la prime d'activité, avec 5,6 milliards d'euros et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) avec 9,7 milliards d'euros.

Pour la première fois, après des années de sous-budgétisations récurrentes, le montant des crédits ouverts en loi de finances rectificative est resté relativement limité : 261,5 millions d'euros pour financer la prime d'activité contre 1,2 milliard d'euros l'an dernier.

Toutefois, des sujets de tension budgétaire demeurent : la prime d'activité et l'AAH constituent des dépenses croissantes, de même que les montants consacrés au dispositif des mineurs non accompagnés (MNA) et le dispositif d'aide alimentaire rencontre d'importantes difficultés de gestion. Nous sommes plusieurs à avoir présidé un département et nous avons été confrontés directement à cette question. Par ailleurs, s'agissant de la prime d'activité, dont les crédits avaient été abondés, en loi de finances, à la suite du mouvement des gilets jaunes, nous serions intéressés, Madame la Ministre, d'avoir les premiers chiffres de l'exécution sur 2019.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - La présentation de l'exécution budgétaire des crédits des différentes missions est un moment important dans le travail de contrôle du Parlement. La priorité du Gouvernement a été de remédier aux sous-budgétisations des lois de finances précédentes. Cela a concerné deux grands dispositifs de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », la prime d'activité sur le programme 304 et l'AAH sur le programme 157. La Cour des comptes s'est félicitée de l'amélioration de la budgétisation initiale des crédits en loi de finances initiale pour 2018, et donc d'une plus grande sincérité budgétaire.

Le dispositif de lutte contre la précarité alimentaire qui avait fait l'objet d'un rapport du Sénat, l'an dernier, est assuré par des réseaux associatifs et relayé par des associations locales en charge de la distribution des denrées. Il permet de lutter contre la pauvreté et d'initier des démarches d'inclusion. En 2018, plus de 5 millions de personnes ont bénéficié de l'aide alimentaire. Ce dispositif reçoit des financements publics et privés, et les crédits budgétaires proviennent de l'action 14 du programme 304. En 2018, la contribution française au Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) s'est élevée à 12,7 millions d'euros auxquels s'ajoutent 7,7 millions d'euros versés à FranceAgriMer pour compenser les refus de remboursement de l'Union européenne. Il faut aussi prendre en compte les crédits nationaux aux épiceries sociales à hauteur de 8,2 millions d'euros, la dotation aux services déconcentrés pour le soutien à l'activité locale de l'aide alimentaire pour 13,5 millions d'euros, et les subventions versées aux associations de tête de réseau pour un montant de 4,6 millions d'euros. Les dons des particuliers et des entreprises ont représenté 47 000 tonnes de denrées pour les Restaurants du coeur, soit 43 % de leurs sources d'approvisionnement, et 41 000 tonnes de denrées pour la Fédération française des banques alimentaires, soit 39 % de ses sources d'approvisionnement.

Votre rapport porte cette année sur la prime d'activité. Le décret du 21 décembre 2018 a revalorisé de 90 euros le montant maximum de la bonification individuelle depuis le 1 er janvier 2019. Au 19 mai 2019, les caisses d'allocations familiales (CAF) ont enregistré 1,5 million de nouvelles demandes de prime d'activité, et la dotation de la prime d'activité prévue par le projet de loi de finances pour 2019 a été portée à 8,8 milliards d'euros, dont 6 milliards d'euros dans le PLF initial et 2,8 milliards d'euros supplémentaires en cours de discussion pour les mesures nouvelles.

Quant aux crédits du programme 304, ils sont alloués à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Annoncée le 13 septembre dernier, cette stratégie porte une ambition d'investissement social dans l'éducation et la formation d'une part, dans l'accompagnement et l'émancipation sociale par l'emploi, d'autre part. Pilotée à partir des territoires, elle se met en oeuvre dans le cadre d'une contractualisation entre l'État et les départements. Pas moins de sept conventions sur quatorze ont d'ores et déjà été signées avec des territoires démonstrateurs, et 11 millions d'euros ont été délégués aux services déconcentrés à cet effet, traduisant l'engagement financier de l'État à hauteur de 135 millions d'euros pour 2019. Cette contractualisation vise à renforcer l'insertion des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), à éviter les sorties sèches des jeunes au titre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), et à refonder le travail social. Une enveloppe financière est également laissée à l'initiative des territoires.

La stratégie porte en elle une ambition d'investissement social, avec le déploiement de 150 points de conseil en 2019, dédiés à l'accompagnement budgétaire des ménages. La tarification sociale des cantines sera lancée dans le courant de l'été, et à compter du 1 er avril 2019, dans les communes les plus pauvres, l'État apportera une subvention de deux euros pour chaque repas facturé à la tranche la plus basse, qui ne peut excéder 1 euro. Des petits déjeuners sont proposés depuis le printemps dans huit académies, cette mesure ayant vocation à être généralisée.

L'AAH a également été revalorisée de manière exceptionnelle en novembre 2018 pour être portée à 860 euros mensuels. Elle le sera à nouveau en novembre 2019 pour se monter à 900 euros mensuels. En parallèle, le plafond des ressources pour les couples sera abaissé et stabilisé à 1629 euros par mois. La Cour des comptes a salué la fin des sous-budgétisations récurrentes concernant l'AAH. Le ministère a en effet pris en compte les prévisions techniques de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), de sorte que pour la première fois depuis cinq ans aucune ouverture de crédit n'a été nécessaire.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Merci, Madame la ministre, pour votre intervention. La prime d'activité suscite effectivement, comme vous l'avez souligné, tout notre intérêt : nous visiterons deux CAF dans les semaines à venir. Une ouverture de crédits de plus de 200 millions d'euros - bien qu'inférieure aux années précédentes - a encore été nécessaire, en loi de finances rectificative, s'agissant de la prime d'activité. Les crédits prévus pour 2019 ne risquent-ils pas, de nouveau, d'être insuffisants vu l'afflux des demandes ? Pouvez-vous faire un premier bilan de l'exécution des crédits sur 2019 ?

D'après les documents transmis par votre ministère, la montée en charge très forte constatée en janvier 2019 dans les CAF semble ralentir très nettement. Qu'en est-il ? Le recrutement de 140 agents supplémentaires annoncé en février pour permettre aux CAF de faire face au surcroît d'activité liée à la prime d'activité sera-t-il suffisant ? Ne doit-on pas redouter des répercussions sur les délais d'instruction des autres prestations servies par la CAF ?

Par ailleurs, en loi de finances pour 2018, l'exclusion de la prime d'activité des bénéficiaires des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité avait été votée contre l'avis du Sénat. Cette mesure n'a toutefois jamais été mise en oeuvre en 2018, l'État ayant pris conscience de son impact sur certaines familles, notamment monoparentales, qui pouvaient perdre jusqu'à 300 euros mensuels. En loi de finances pour 2019, un rétablissement partiel a été opéré : les bénéficiaires garderont le bénéfice de cette prime, alors que les nouveaux entrants en seront exclus. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de cette mesure ?

Enfin, un rapport d'évaluation sur la revalorisation de la prime d'activité devait être remis au Parlement courant juin. Qu'en est-il ? Auriez-vous des premières observations à nous communiquer ?

J'aimerais également aborder le sujet des mineurs non accompagnés. Les dépenses concernant les mineurs non accompagnés sont, en effet, exponentielles pour l'État et les départements. Lorsque j'ai été élu du département du Val d'Oise, en 2011, elles s'élevaient à 3 millions d'euros. Aujourd'hui, elles atteignent 39 millions d'euros. Les dépenses sont ainsi devenues considérables dans les budgets des départements. Le montant exécuté sur la mission s'élève à 145,1 millions d'euros, moins élevé que la prévision faite pour 2019. Dans ces conditions et au vu du nombre croissant de mineurs non accompagnés, la budgétisation pour 2019 sera-t-elle réellement tenue ?

L'accord trouvé entre les départements et l'État, à la fin de 2018, sur les nouvelles modalités de financement de l'État devrait être repris dans un décret en Conseil d'État au premier semestre 2019. Qu'en est-il ? Compte tenu de la situation financière des départements, ne faudrait-il pas que l'État prenne en charge, en totalité, les dépenses d'évaluation et de mise à l'abri, comme l'avait indiqué le Premier ministre au congrès de l'Association des départements de France, en 2017 ?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Nous avions échangé, le 16 mai dernier, dans votre ministère, au sujet du plan pauvreté et de l'aide alimentaire. Le plan pauvreté nécessite une action résolue des pouvoirs publics, au-delà des mesures conjoncturelles. Le rapport produit il y a quelques semaines par l'Observatoire des inégalités indique que les 10 % des Français les plus aisés disposent de revenus 8,7 fois supérieurs à ceux des 10 % les moins aisés, et perçoivent 23,8 % des revenus de l'ensemble des ménages et que 5 millions de nos compatriotes vivent avec moins de 855 euros par mois. Deux rapports non publiés de France Stratégie mettent en évidence le risque que les dispositions à venir sur le revenu universel d'activité créent 3,5 millions de ménages perdants et 3,3 millions de ménages gagnants. Quelle est la position du Gouvernement sur le revenu universel ?

Le deuxième point que j'aimerais aborder est l'aide alimentaire. La gestion du FEAD par la France a été quelque peu chaotique, comme nous avions pu le montrer dans notre rapport d'information : du retard avait été pris notamment sur les appels de fonds auprès de l'Union européenne, et la situation financière de FranceAgriMer était très délicate. Les dépenses des campagnes 2016 et 2017 devaient faire l'objet d'appels de fonds en mars et juin 2019. Ont-ils été lancés ? Comment s'annonce la fin de programmation du FEAD ?

L'affaire des faux steaks hachés concerne directement FranceAgriMer, opérateur principal de cette collecte. L'État a saisi la justice. Je viens d'apprendre qu'un rapport sera élaboré par la commission des affaires économiques, dont se chargera notre collègue Fabien Gay. Les associations bénévoles se voient imposer des centaines de milliers de contrôles, avec le risque qu'on leur réduise leurs subventions en cas de non-respect des critères. Et il y aurait un défaut de contrôle à la source de la fourniture des produits ? Quel est votre point de vue sur le sujet ?

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Merci Monsieur le Président pour votre invitation. Je souhaitais d'abord évoquer le revenu universel d'activité. L'AAH sera potentiellement touchée par la réforme concernant le revenu universel d'activité, et les personnes en situation de handicap sont inquiètes. Où en êtes-vous de votre réflexion ?

Je salue la revalorisation de l'AAH que vous avez annoncée. Cependant, elle semble glisser vers un statut de revenu de remplacement de droit commun, sous l'effet de la prise en compte de la situation familiale. Sur 250 000 allocataires vivant en couple, soit près d'un quart, 20 000 verront leur allocation augmenter, 80 000 la verront neutralisée et 150 000 la verront dégradée. Aurons-nous l'occasion d'avoir un bilan quantitatif et qualitatif de ces évolutions ?

Les crédits du dispositif d'accompagnement dans l'emploi des personnes en situation de handicap n'ont pas été entièrement utilisés. Pourquoi ? Comment envisagez-vous l'élargissement de ce dispositif ?

Enfin, l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution a été minimisée l'an dernier. Où en est-on ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Nous n'avons pas d'éléments chiffrés sur la prime d'activité, car nous manquons de recul sur son élargissement au 1 er janvier. Un rapport devrait vous être remis au mois de juillet qui portera notamment sur la gestion de ce dispositif. Des crédits ont été débloqués pour que la CNAF recrute 140 agents supplémentaires. Je crois que certains agents ont déjà été recrutés. Le rapport fera également un point sur les bénéficiaires de pensions d'invalidité et rentes AT/MP.

L'enveloppe budgétaire pour la prime d'activité a été définie en fonction d'hypothèses de recours raisonnables. Le recours a été exceptionnel, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, car cela signifie que nous avons résolu la question du non-recours. Nous avons élargi les bénéficiaires de la prime d'activité en 2019, et on estime que 55 % des bénéficiaires auraient pu y prétendre en 2018. Les Français s'en saisissent. Nous ferons un point budgétaire en juillet. Nous suivons de très près l'évolution de l'enveloppe, afin de la réalimenter au besoin.

Les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont clairs sur les mineurs non accompagnés : l'État doit mieux aider les départements. Ces mineurs ne représentaient que 2 à 3 % du public de l'aide sociale à l'enfance il y a cinq ans, ils en constituent désormais 10 % à 20 %, selon les territoires. En 2018, l'État a pris à sa charge le remboursement aux départements des dépenses d'évaluation de la minorité et de l'isolement, à hauteur de 49 millions d'euros, conformément aux engagements pris avec l'Association des départements de France (ADF). L'État a aussi pris à sa charge une partie du surcoût du dispositif de l'aide sociale à l'enfance pour les jeunes reconnus mineurs, soit 96 millions d'euros, pour un montant total d'aide de 145 millions d'euros. L'apport de l'État est maintenu en 2019 selon les modalités de financement qui ont été définies en lien avec l'ADF pour renforcer le soutien en phase de mise à l'abri et d'évaluation, grâce à un forfait de 500 euros par mineur pour l'évaluation et à une indemnisation jusqu'au 23 e jour du recueil du jeune. Ce sont 141 millions d'euros qui ont été inscrits en loi de finances pour 2019, auxquels s'ajoutent 35 millions d'euros de reports de crédits, soit 176 millions d'euros au total pour cette année.

Monsieur Bocquet, les rapports de France Stratégie n'engagent en rien le Gouvernement. D'où la concertation que nous menons sur le revenu universel d'activité, depuis le 3 juin, avec l'ensemble des acteurs. Plutôt que de « revenu », je parlerai volontiers de « socle » comprenant le RSA, l'aide au logement et la prime d'activité. À cela, nous nous poserons la question d'ajouter l'AAH et l'allocation de solidarité spécifique (ASS) qui a été maintenue malgré la création du revenu minimum d'insertion (RMI). La superposition de ces aides complexifie le dispositif. Il faudra aussi s'interroger sur la question d'inclure ou non l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et le minimum vieillesse qui connaît un fort taux de non-recours. Nous travaillerons également sur la question de la précarité des jeunes avec la Fédération des jeunes.

La première phase de cette concertation, lancée la semaine dernière, s'achèvera à la mi-juillet. Suivront d'autres phases qui traiteront du périmètre, de la gouvernance, mais aussi du financement du dispositif. Un rapport sera publié en 2019, pour un texte de loi dont l'examen est prévu en 2020.

Les fonds du FEAD ont été débloqués et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) sera auditionnée au Sénat dans le cadre de la mission de la commission des affaires économiques. Nous avons également lancé une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour anticiper la future programmation du FEAD à partir de 2021. Des crédits supplémentaires de l'État ont permis de compenser le non-financement de FranceAgriMer par l'Union européenne. FranceAgrimer a fait évoluer ses procédures. La mission de l'IGAS va se pencher sur la question de la qualité et de la quantité des produits distribués. Il faut que la France n'ait pas les mêmes difficultés sur la prochaine programmation du FEAD. On sait que les associations sont composées de bénévoles, et parfois un problème sur un bon de livraison peut empêcher le remboursement de l'Union européenne. Nous devons ainsi accompagner les associations en leur allouant des crédits spécifiques pour la formation des bénévoles. Concernant la programmation du FEAD, un plan de trésorerie a été mis en place pour gérer les retards de traitement. Nous travaillons également avec l'ensemble des têtes de réseau, les Restos du coeur, la Banque alimentaire et l'ensemble des associations pour anticiper 2021, sur la question de qualité, de quantité et les procédures. 5 millions de personnes bénéficient de ces repas, financés pour un quart par l'Union européenne.

Nous souhaitons rassurer chacun sur l'AAH et le revenu universel d'activité. Un collège spécifique sera créé sur la question du handicap, et nous travaillerons en lien avec Sophie Cluzel et le conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). L'enveloppe versée dans le cadre de l'AAH sera maintenue si elle est intégrée au revenu universel d'activité. Les incidences sur les familles ont bien été identifiées et feront l'objet de la concertation.

La sortie de la prostitution est un sujet qui concerne davantage Marlène Schiappa. En 2018, le programme 137 a connu son taux de consommation de crédits le plus élevé, à 98,2 % contre 94,4 % l'année précédente. Le dispositif continue de monter en charge, puisque le nombre de bénéficiaires de l'allocation financière d'insertion sociale (AFIS) a progressé de 50 % au 1 er janvier 2019. Mais le nombre d'allocataires reste très minime. On continue ainsi à travailler au développement de ce dispositif.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Je suis heureuse de pouvoir échanger avec vous sur l'exécution budgétaire 2018 de la mission « Santé », qui a été marquée par l'amélioration de la sincérité de la budgétisation du programme 183, comme la Cour des comptes l'a souligné. Elle a aussi été marquée par la mise à disposition de crédits pour couvrir l'ensemble des dépenses et apurer une partie de la dette de l'État vis-à-vis de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (CNAM). Plusieurs opérations d'apurement ont permis de réduire considérablement le niveau de la dette de l'État sur l'aide médicale d'État (AME), et comme le souligne la Cour des comptes, le dispositif fait l'objet d'une budgétisation de plus en plus précise, limitant ainsi l'évolution de la dette.

Des travaux visant à gagner en efficience de gestion des dispositifs et soins urgents ont été poursuivis en 2018 et porteront leurs fruits en 2020, notamment parce que le nouvel outil d'instruction des demandes est testé depuis juillet 2018. Sa fiabilisation nécessite de reporter le déploiement du projet à décembre 2019. La centralisation des demandes permettra d'atteindre des objectifs ambitieux en 2020, c'est-à-dire le renforcement des contrôles et la réduction des délais d'instruction à 20 jours au lieu de 25.

La centralisation du paiement des factures de soins urgents a débuté en juin 2018 avec 35 départements repris par les caisses de Paris et Calais, permettant un renforcement des contrôles : 10 % des factures font l'objet d'un contrôle aléatoire ou sur les plus gros montants. L'accès des caisses à la base Visabio du ministère de l'intérieur, devrait être mis en place au dernier trimestre afin de détecter les fraudes liées à la dissimulation de visa. Nous poursuivons en 2019 cette recherche d'efficience et nous nous appuierons notamment sur les conclusions de la mission de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances (IGAS-IGF) sur les dispositifs de l'AME et des soins urgents.

Quant au programme 204, il finance les actions engagées en faveur de la prévention de la sécurité sanitaire et de l'offre de soins, en complément des crédits d'assurance-maladie. L'examen de ces crédits permet de constater le maintien des dépenses en administration centrale, un retour à l'équilibre des budgets des opérateurs de l'État, une stabilisation des fonds de roulement, et la poursuite de l'effort concernant l'agence de santé du territoire de Wallis-et-Futuna.

Enfin, le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, créé en mai 2017, a nécessité un délai de mise en oeuvre qui explique le retard dans l'indemnisation. Ce retard tient à la complexité scientifique et médicale du sujet, car il n'était pas évident pour les experts de se mettre d'accord sur l'imputabilité des dommages liés à la prise de ce médicament et sur la détermination des responsabilités. Pour autant, ce délai n'est pas supportable pour les victimes, et il est impératif d'accélérer la procédure d'indemnisation qui a débuté à la fin de l'année 2018. Mon objectif est que toutes les victimes soient indemnisées. L'ensemble des institutions responsables du dispositif a travaillé pour améliorer son efficacité. Des progrès notables ont déjà été enregistrés concernant le délai de présentation des offres d'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) en lien avec les caisses de l'Assurance-maladie. L'Oniam a par ailleurs défini des procédures de gestion visant à traiter les demandes de la manière la plus rapide possible, comme le prévoit la loi de finances pour 2019. Le Gouvernement vous remettra un rapport le 1 er septembre prochain.

M. Antoine Lefèvre . - J'ai été nommé, par la commission des finances, représentant du Sénat au sein du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Les mesures sociales récemment adoptées risquent de maintenir la Sécurité sociale dans le rouge. Le déficit agrégé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait atteindre 4,4 milliards d'euros en 2019, alors que nous attendions un excédent de 700 millions d'euros. Fort de cet excédent, la CADES devait reprendre en 2020, une partie de la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, soit environ 15 milliards d'euros. Ce transfert devait être financé par l'affectation d'une part de CSG. Lors du dernier comité de surveillance, de la CADES, j'ai cru comprendre que cela semblait compromis. Quelles pistes envisagez-vous pour sortir de de cette impasse ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'interviens au nom de M. Joyandet, rapporteur spécial de la mission « Santé ». L'examen des indicateurs contenus dans le rapport annuel de performances laisse songeur. Deux des trois indicateurs de l'objectif n° 1 assignés à la mission « Améliorer l'état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé » ne sont ainsi pas atteints - notamment pour le dépistage du cancer colorectal - ou bien marquent un retard au regard de la cible définie par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), par exemple pour la couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de 5 ans ou plus.

Plus largement, il convient de s'interroger sur l'indicateur « état de santé perçu » introduit par le projet annuel de performances 2016. Il correspond au pourcentage de la population de 16 ans et plus se déclarant en bonne ou en très bonne santé générale. Aucune cible n'a cependant été indiquée pour 2018. Il est dès lors très difficile d'apprécier sa pertinence. Il en va de même pour celui concernant l'espérance de vie, stable en 2016 et 2017 mais non renseigné en 2018. Allez-vous engager une réflexion sur ces indicateurs dans le cadre du prochain projet de loi de finances ?

La loi de finances pour 2018 avait bien anticipé une majoration des dépenses de l'AME, mais celle-ci s'est avérée une nouvelle fois insuffisante. Un décret de virement du 23 novembre 2018 et la loi de finances rectificative pour 2018 ont comblé cet écart. Le décret s'est ainsi traduit par un virement de 9,7 millions d'euros pris sur le programme 204.

Je constate que si l'effectif moyen des bénéficiaires n'a que légèrement augmenté de 0,5 % entre 2017 et 2018, le coût moyen par bénéficiaire a, quant à lui, progressé de 5,1 %. Comme le relevait la Cour des comptes dans sa note de 2017, en l'absence de mesure structurelle, tout effort en la matière paraît condamné. Peut-on espérer que soient proposées des mesures structurelles destinées à maîtriser ces dépenses dans le prochain projet de loi de finances ?

Enfin, sur les 77,7 millions d'euros prévus pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine, 15,3 millions d'euros seulement ont été versés. Pourquoi ? Est-ce parce que les dossiers n'ont pas été établis ? Ou bien s'agit-il d'une remise en cause de la prévision initiale qui avait fixé un coût d'indemnisation de 422,4 millions d'euros sur six ans ?

M. Éric Bocquet , rapporteur . - La CAF du Nord connaît des difficultés de gestion des dossiers dont elle a la charge et des retards importants. On a assisté à des fermetures de l'accueil du public pour résorber un tant soit peu ces retards, mais la situation ne semble guère s'améliorer. À partir de septembre prochain, la réforme du logement nécessitera des formations auprès des personnels. Cette réforme concernera 300 000 des 598 000 allocataires des départements du Nord. Pas moins de 250 000 dossiers sont en attente s'agissant de la prime d'activité, avec un délai de traitement de 12 semaines. La direction de la CAF souhaite que la mise en oeuvre de la réforme soit reportée. Qu'en pensez-vous ?

Mme Agnès Buzyn, ministre . - La dette de la Cades est placée et sécurisée. Celle relevant de l'Acoss nécessite un retour rapide à l'équilibre des comptes. Seuls les excédents permettront d'apurer la dette, et c'est la raison pour laquelle les transferts à l'État sont suspendus pour l'instant. Nous travaillons à différents scénarios avec Gérald Darmanin.

Les indicateurs de santé sont insuffisants, notamment pour identifier les inégalités. Nous savons que les actions de prévention sont beaucoup plus complexes à mettre en oeuvre dans certains territoires, par exemple en Corse pour le dépistage colorectal. Les campagnes de dépistage des cancers dépendent des structures de gestion départementales. J'ai souhaité qu'elles soient régionalisées, via les Agences régionales de santé (ARS), afin qu'elles soient beaucoup plus efficientes. Ce processus est en cours.

Quant aux vaccins, l'indice de confiance des citoyens augmente, grâce à l'obligation vaccinale, mais aussi pour des vaccins comme celui contre le virus du papillome humain (HPV) ou celui contre la grippe. Pour favoriser la couverture vaccinale, nous avons ouvert à tous les publics la possibilité d'être vaccinés en pharmacie, à partir d'octobre 2019. Nous avions testé le dispositif dans deux régions en 2018, puis trois régions supplémentaires en 2019, avec 700 000 personnes vaccinées en pharmacie en France dans ces cinq régions. Le Parlement avait voté dans le PLFSS de l'année dernière cette possibilité offerte à tous les pharmaciens et pour tous les publics, pour la vaccination antigrippale, qu'il s'agisse de la première vaccination ou d'une vaccination ultérieure.

L'état de santé perçu est un très mauvais indicateur. Un certain nombre d'études scientifiques montrent que les Français sont globalement pessimistes. Toutes les études sur la sur l'espérance de vie en bonne santé indiquent que la population française répond de façon plus négative à cette question que les populations du Nord, à état de santé équivalent. Le sujet est sociologique et dépasse le champ de la santé.

En ce qui concerne l'AME, nous sommes de plus en plus proches de la cible exacte. Nous allons encore améliorer notre capacité à fixer la bonne enveloppe. Nous travaillons évidemment à développer les contrôles sur les fraudes et la centralisation des dossiers pour améliorer l'usage des fonds. Une augmentation de 1,7 % du coût moyen par bénéficiaires me paraît bien faible.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le coût moyen a augmenté de 5,1 %, alors que le nombre des bénéficiaires a augmenté de 0,5 %.

Mme Agnès Buzyn, ministre . - Le coût de la santé augmente en moyenne mécaniquement de 2,4 % chaque année, en lien avec le coût moyen des médicaments et des actes. Nous devons donc prendre en compte cette évolution quand nous analysons le coût moyen de l'AME par bénéficiaire. Nous avons lancé une mission IGAS-IGF sur cette question ainsi que sur celle du panier de soins. Celui de l'AME est réduit par rapport au panier de soins de la CMU. Faut-il encore l'affiner ? Je reste convaincue qu'on ne doit pas réserver l'AME aux soins urgents, car cela ne ferait qu'augmenter le coût final. Mieux vaut traiter tôt que tard.

J'attends les conclusions de la mission avant de prendre une décision sur l'Oniam. L'enveloppe de 77 millions d'euros dédiée à la Depakine a été sous-exécutée parce que le démarrage de l'indemnisation a été lent : à la fin de 2018, on comptait à peu près 1 000 dossiers en cours de traitement, sans qu'aucune indemnisation n'ait été versée. Les experts ont mis du temps à s'accorder sur les symptômes liés à l'utilisation de la Dépakine, et donc à définir les personnes devant être indemnisées. L'enveloppe sera néanmoins utilisée et nous ne remettrons pas en cause la prévision du coût global d'indemnisation. Nous avons ouvert 73 millions d'euros en gestion 2019, et au 11 juin, on ne compte que quatre offres définitives acceptées pour des montants allant de 1,3 million d'euros à 115 000 euros. Par ailleurs, 26 offres ont été adressées, pour un montant total de 316 000 euros pour 10 victimes sur 24. Le déficit fonctionnel permanent s'établit à 60 %.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Nous suivons de près les problèmes de gestion de la CAF, et pas seulement de celle du Nord. Des moyens ont été débloqués pour anticiper les réformes. Des formations sont en cours sur la contemporéanisation des aides au logement, afin que les agents soient opérationnels. J'ai eu l'occasion de les remercier pour leur travail, lors de mes déplacements dans les CAF. Ils ont reçu une prime, au printemps, à la suite de la mise en oeuvre des mesures d'urgence, marque de notre reconnaissance pour tout le travail accompli.

M. Vincent Éblé , président . - Madame le ministre, je reste sur ma faim en ce qui concerne la prime d'activité. Avez-vous des chiffres précis à nous donner ? On sait que les taux de recours sont élevés, ce qui laisse craindre un risque d'ajustement en fin d'année. Pouvez-vous nous indiquer si les prévisions budgétaires sont correctes, à ce jour ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Pour la prime d'activité, les versements du mois de mai ont été effectués le 5 juin, et nous n'avons que six mois de recul. Nous suivons de très près la dépense ; plus de 1,5 million de nouvelles demandes sont arrivées à la CAF, sur lesquelles les droits sont ouverts. Les Français s'en sont donc saisis. Notre priorité est l'accès aux droits et aux prestations, et nous cherchons à aboutir à un taux de non-recours aussi bas que possible. Le rapport qui sera remis au Parlement dans quelques semaines fera un point sur l'exécution budgétaire.

M. Vincent Éblé , président . - Donc c'est trop tôt...

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Sur les cinq premiers mois, 55 % de la prime versée l'a été à des allocataires qui auraient pu en bénéficier en 2018. Nous avons voulu une prime élargie, et la meilleure conjoncture économique a conduit à augmenter le nombre de bénéficiaires. Nous continuons à communiquer sur la prime d'activité pour que les Français puissent en bénéficier.

M. Thierry Carcenac . - Je souhaite revenir sur le propos de M. Bazin sur les MNA. Certes l'État a fait un effort budgétaire s'agissant de l'évaluation des mineurs, mais leur nombre croit de manière très impressionnante : jusqu'à 20 % par an dans certains départements. Le compte n'y est pas, et ce dossier ne devrait pas relever des départements, même s'ils doivent s'occuper de l'enfance et recueillir les personnes en difficulté - ou alors, il faudrait qu'ils soient mieux indemnisés. Par ailleurs, sur l'aide alimentaire, les représentants de la banque alimentaire sont inquiets de ce qu'ils entendent sur la défiscalisation des dons des grandes surfaces, et la réduction des taux. Pourriez-vous nous rassurer ? Car ces dons sont très importants pour l'aide alimentaire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Concernant la générosité publique, j'associe le mécénat, dont le taux est aujourd'hui de 60 % pour la recherche médicale, taux que le projet de loi de finances devrait faire baisser à 40 %. Avec un impôt sur les sociétés à 33 %, le différentiel sera faible, et le risque existe que les sociétés se détournent du mécénat, en le remplaçant par un accroissement de leurs charges. Cela impactera la culture, la recherche, l'humanitaire, pour une économie de 200 millions d'euros que nous ne percevrons sans doute même pas.

M. Gérard Longuet . - Je soutiens les propos de Thierry Carcenac. La tragédie de l'immigration de masse est un problème mondial, c'est une responsabilité internationale, européenne, nationale - et la France s'efforce de traiter le problème très en amont. Ce n'est en rien une question que peuvent régler les conseils départementaux, même s'ils ont la responsabilité sociale. Sur quels critères ces jeunes apparemment mineurs sont-ils répartis entre les différents départements ? On a l'impression que l'accessibilité en chemins de fer est le principal critère... Beaucoup souhaiteraient travailler, et nombre d'employeurs souhaiteraient les faire travailler, mais c'est à peu près impossible. Et, dans les petites villes de province, on voit ces jeunes déambuler inlassablement, en perte de repères - avec tout de même un portable vissé à l'oreille - et on aimerait faire quelque chose : il y a beaucoup de gens de bonne volonté qui ont envie de s'en occuper. Mais il n'y a absolument aucune action concrète possible pour les associations locales, et en particulier pour celles qui s'occupent d'insertion par le travail.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Sur les MNA, je vous ai donné les chiffres. Lorsqu'ils sont évalués mineurs, les MNA intègrent l'aide sociale à l'enfance et notre travail avec les départements, dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, consiste aussi en un accompagnement financier en fonction des besoins des territoires, avec une enveloppe spécifique pour éviter les sorties sèches et prévoir un accompagnement de ces jeunes à partir de 16 ou 17 ans : à 18 ans, ils ont plutôt tendance à vouloir s'échapper pour vivre leur propre vie... Un quart des SDF français a bénéficié de l'aide sociale à l'enfance.

J'entends les inquiétudes que suscite la réduction du FEAD. Nous réalisons un gros travail sur la défiscalisation et le don alimentaire. Les associations nous disent que, sur certains territoires, cela se passe très bien. La mission de l'IGAS dont je parlais comprend une évaluation de la loi Garot en termes de qualité : il ne faut pas que l'aide alimentaire ouvre la porte à des dérives de redistribution sous couvert de défiscalisation par les entrepôts et la grande distribution alimentaire.

En France, l'aide alimentaire est portée par les associations. Nous poussons fortement à ce que l'enveloppe soit maintenue et qu'on puisse continuer à distribuer l'aide alimentaire auprès des plus démunis, par le biais de la structure ad hoc que nous aurons choisie avec les acteurs au terme de la mission IGAS. La protection de l'enfance est un sujet suivi par le secrétaire d'État Adrien Taquet.

Mme Agnès Buzyn, ministre . - Ce matin, nous avons clôturé, avec M. Taquet, les travaux de la concertation sur la protection de l'enfance, où la question des MNA est traitée : une fois que la minorité est établie, ces jeunes intègrent l'ASE, où ils sont généralement très volontaires pour l'apprentissage, et s'intègrent très rapidement. Il y a eu un groupe de travail sur la sortie de l'ASE, notamment pour les MNA.

Sur le mécénat, la mesure est encore en discussion. Elle ne toucherait que le mécénat des entreprises, et pas celui des particuliers. Beaucoup d'entreprises font du mécénat en dehors du dispositif fiscal, d'après l'Observatoire du don de la Fondation de France. Le quantum envisagé demeure extrêmement limité par rapport au total de la niche fiscale. M. Darmanin vous précisera l'état des travaux en cours, mais nous y sommes attentives dans la mesure où cela concerne le secteur des solidarités et de la santé.

Mme Christine Lavarde . - Pouvez-vous nous donner des précisions sur la mise en oeuvre du petit-déjeuner ? Vous avez dit que les collectivités territoriales percevraient de l'État une subvention de deux euros. Cette subvention sera-t-elle accordée à l'ensemble des communes qui accordent ces tarifs de solidarité ou uniquement à celles qui entrent dans le dispositif ? Bref, la jurisprudence « école privée » s'appliquera-t-elle ? Quel sera le calendrier ? On ne peut mettre à disposition des petits déjeuners du jour au lendemain... Ces nouvelles charges imposées aux collectivités seront-elles défalquées de l'enveloppe contractualisée dans le cadre du plafond d'augmentation de la dépense ?

M. Arnaud Bazin , rapporteur . - Quand on parle de MNA, vous parlez en millions d'euros ; les départements comptent en milliards d'euros. Cela se passe de commentaires. Il faut bien le distinguer de la nécessité, pour les départements, de répondre aux difficultés du public traditionnel que sont les enfants en risque ou en danger dans leur milieu familial et qu'on nous confie parfois pour de très longues durées, pour lesquels nous avons, dans les départements, mis en place un accompagnement allant parfois au-delà de 18 ans, pour donner toutes leurs chances aux jeunes qui leur sont confiés. Il n'est pas rare que nous accompagnions ces jeunes jusqu'à 21 ans et leur insertion parfaite et complète, même si malgré les moyens, les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. À côté de ce public traditionnel, il y a une deuxième population, qui était jusqu'à récemment peu nombreuse, que constituent les MNA, quand leur minorité est reconnue.

Ces MNA viennent dans notre pays par des filières qui relèvent de la criminalité organisée, pour travailler le plus rapidement possible parce que leurs familles ont des obligations vis-à-vis des passeurs et qu'eux-mêmes ont des obligations vis-à-vis de leur famille. Quand un département - comme celui que j'ai présidé - consacre une centaine de millions d'euros à son système d'aide sociale à l'enfance, et que les MNA en viennent à représenter 40 % de ce budget, ce n'est pas seulement une question financière, c'est une question d'organisation des services et de capacité à répondre : on ne peut pas improviser, même sur une année, des réponses au bon niveau. C'est un profond bouleversement pour les départements, et un vrai risque : on commence à voir apparaître des problèmes d'ordre public dans les départements qui accueillent beaucoup de MNA, notamment dans la phase nécessaire à leur évaluation, pendant laquelle ils sont dans des hôtels. Depuis plus de cinq ans, ce sujet est un enjeu extrêmement fort pour les départements, et ils n'ont pas été accompagnés par l'État au niveau qu'ils attendaient.

Mme Agnès Buzyn, ministre . - Les passeurs ne relèvent pas de notre compétence, mais je sais que Christophe Castaner est extrêmement sensible à la question des réseaux, et qu'il y travaille. Sur la prise en charge des MNA, il y a eu une mission conjointe du ministère de la Justice et de l'IGAS. Les conclusions ont été rendues il y a un an et demi, mais elles ne nous ont pas permis de dégager de pistes très robustes d'évolution, mais simplement une augmentation des crédits, que nous avons effectuée, pour organiser un meilleur accompagnement de l'État pour les départements. Ces travaux sont toujours en cours, et nous travaillons avec l'ADF. Le sujet est traité par le secrétaire d'État et la ministre de la Justice, garde des Sceaux. Il y a encore des évolutions à prévoir. Entre autres solutions, il y a ce registre national, qui permettra d'éviter le nomadisme de ces jeunes. Une fois qu'un département authentifie la minorité, l'enfant doit être protégé et ne pas faire d'essais dans d'autres départements. Favoriser une meilleure péréquation dans la façon dont ces jeunes sont répartis entre les départements relève aussi de la responsabilité de l'ADF, avec le Gouvernement...

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Pour le petit-déjeuner, nous avons lancé l'opération le 1 er avril sur huit académies préfiguratrices, pour un déploiement au mois de septembre. Le dispositif concernera n'importe quelle commune ou, dans une commune, certaines écoles ciblées. Nous souhaitons surtout qu'il n'y ait pas de stigmatisation des enfants : dès lors qu'un projet pédagogique sera monté et validé, l'ensemble de l'école en bénéficiera. Il s'agira d'un petit-déjeuner équilibré, une diététicienne prenant part à la construction du projet. Nos crédits seront transférés à l'Éducation nationale, qui les transférera au niveau départemental. Les projets peuvent être initiés par l'équipe pédagogique de l'école, par une association de parents d'élèves, par les élus, ou même par plusieurs de ces acteurs de manière concertée. Nous leur laissons toute latitude : un petit-déjeuner, trois, deux, sur le temps scolaire ou hors temps scolaire - voire même déploiement d'un panier distribué la veille pour le lendemain, pour que les enfants puissent prendre le petit-déjeuner en famille à la maison. Un euro par petit-déjeuner et par enfant sera financé. Ce sera donc gratuit pour la collectivité, et n'impacte donc pas le plan Cahors pour les communes.

La cantine à 1 euro est prévue pour les communes de moins de 10 000 habitants qui touchent une DSR cible, c'est-à-dire les communes les plus pauvres en termes de revenu médian par habitant. Nous sommes partis du constat que 80 % des communes entre 10 000 et 100 000 habitants avaient déjà mis en place des tarifs sociaux adaptés, contre à peine un tiers des communes de moins de 10 000 habitants. Les communes qui ont déjà mis en place un tarif à 1 euro pourront bénéficier de la mesure - pour les écoles publiques. Le calendrier commence le 1 er avril, et le remboursement sera simple : une unique délibération et, trois fois par an, la commune nous donnera le nombre de familles qui ont bénéficié de tarifs. Le remboursement sera de deux euros par famille ayant payé un euro. Pour les petits déjeuners, six millions d'euros sont prévus pour 2019, et 12 millions d'euros en année pleine. Pour la cantine, la montée en charge sera progressive jusqu'en 2020.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour l'ensemble de ces éclairages utiles.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 juillet 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

M. Vincent Éblé , président . - Nous en venons à l'examen du rapport d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous nous trouvons à un moment important du calendrier budgétaire, où nous sommes amenés à regarder le passé - l'exécution 2018 - pour mieux préparer l'avenir - ce sera l'objet de notre réunion de la semaine prochaine, consacrée au débat d'orientation des finances publiques.

D'un point de vue macro-économique, l'année 2018 pourrait constituer un tournant, en signant la fin de la croissance de rattrapage dont a bénéficié le Gouvernement depuis le début du quinquennat et qui l'a grandement aidé à atteindre ses objectifs budgétaires. L'an dernier, le Gouvernement a de nouveau pu « surfer » sur la conjoncture, en bénéficiant d'une croissance effective de 1,7 %, soit un niveau conforme à la prévision et nettement supérieur à la croissance potentielle de l'économie française, que l'on estime comprise entre 1,2 et 1,3 %.

Cependant, l'économie française semble progressivement s'essouffler. Ce ralentissement est particulièrement visible lorsque l'on suit l'évolution du PIB en glissement annuel, en comparant le niveau du PIB pour un trimestre donné à ce qu'il était au même trimestre de l'année précédente. Ainsi mesurée, la croissance française a connu une forte accélération entre le quatrième semestre de 2016, avec 1,2 %, et le dernier trimestre de 2017, au cours duquel elle a même frôlé les 3 %. Depuis ce point haut, elle a continûment ralenti, pour finalement retrouver au quatrième trimestre de 2018 un rythme de 1,2 %. Le ralentissement observé l'an dernier s'explique par une moindre contribution de la demande intérieure, et non par le commerce extérieur, qui apporte pour la première fois depuis 2012 une contribution positive à la croissance française.

Cette évolution paraît compatible avec la thèse d'un épuisement de la « capacité de rebond » de l'économie française. En effet, si l'économie peut croître temporairement à un rythme plus élevé que son potentiel pendant une phrase dite de rattrapage, elle doit ralentir une fois son « potentiel de rebond », aussi appelé écart de production, revenu à zéro. D'après le Gouvernement, c'est précisément dans cette situation que l'économie française se trouverait désormais.

Des interrogations demeurent sur la position exacte de l'économie française dans le cycle. En effet, les indicateurs macroéconomiques traditionnels de surchauffe (inflation, dynamique des salaires) restent aujourd'hui atones, ce qui pourrait suggérer l'existence d'une « capacité de rebond » supplémentaire. Dès lors, les estimations du niveau de l'écart de production à l'issue de l'exercice de 2018 divergent selon les instituts. L'hypothèse gouvernementale selon laquelle la « capacité de rebond » serait désormais épuisée présente néanmoins un caractère central au regard des estimations disponibles et paraît ainsi la plus plausible.

Pourtant, le Gouvernement a préféré différer une nouvelle fois le redressement structurel des comptes publics, ce qui risque d'isoler encore davantage la France au sein de la zone euro. À l'issue de l'exercice de 2018, le solde public s'est établi à - 2,5 % du PIB, contre - 2,8 % du PIB en 2017. Il s'agit d'un résultat légèrement meilleur que celui qui est attendu dans le cadre du PLF de 2018 et de la prévision actualisée du PLFR de 2018, à savoir 2,6 % du PIB. Un tel constat ne permet toutefois ni d'apprécier si ce redressement présente un caractère pérenne, ni s'il est imputable au Gouvernement.

Or ce dernier a bénéficié non seulement d'une croissance de rattrapage, mais également d'un fort dynamisme des prélèvements obligatoires, dont l'élasticité à l'activité s'est élevée à 1,2.

Au total, il ressort de la décomposition de l'évolution du solde public que son amélioration traduit pour deux tiers l'effet de la conjoncture et du dynamisme des recettes, et pour un tiers seulement un effort structurel de redressement des comptes publics. En effet, la baisse des prélèvements obligatoires a permis de diminuer leur poids dans la richesse nationale de 0,2 point.

La diminution de la dépense publique en volume mise en avant par le Gouvernement est trompeuse. Si l'on neutralise les facteurs exceptionnels que constituent le contrecoup de la recapitalisation d'Areva effectuée en 2017 et le moindre remboursement de la taxe à 3 % sur les dividendes, et que l'on tient compte des crédits d'impôt enregistrés en dépense en comptabilité nationale, la croissance de la dépense publique en volume est en réalité positive et même supérieure au niveau de 2017.

L'exercice de 2018 me paraît marquer l'échec de la stratégie budgétaire du « en même temps », qui visait à mener en parallèle une baisse du déficit structurel et des prélèvements obligatoires, faute d'un effort suffisamment important en matière de maîtrise de la dépense publique. Seules la conjoncture et la forte élasticité des recettes permettent encore de le masquer, mais nous avons vu que cela ne devrait pas durer !

Ce manque de sérieux budgétaire transparaît plus clairement encore à la lumière des règles budgétaires européennes et surtout des efforts réalisés par nos principaux voisins. La France n'a respecté aucun de ses engagements européens en 2018. La déviation maximale autorisée a même été dépassée s'agissant de la règle de dette, ce qui a conduit la Commission européenne à rédiger un rapport préalable à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif.

À l'issue d'une évaluation globale de l'ensemble des facteurs pertinents, tenant compte notamment des faibles risques qui pèsent à court terme sur la soutenabilité de la dette française et des réformes structurelles mises en oeuvre par le Gouvernement, elle a toutefois conclu qu'une procédure pour déficit excessif fondée sur la dette n'était pas justifiée à ce stade, à l'inverse de ce qu'elle a décidé dans le cas italien. Si le Gouvernement a donc une nouvelle fois pu compter sur la bienveillance des institutions européennes, l'absence de respect des règles budgétaires nourrit la divergence observée entre la France et le reste de la zone euro.

Sur le plan du déficit, avec une amélioration du solde nominal limitée à 0,2 point, la France figure parmi les pays de la zone euro où le redressement opéré l'an dernier est le plus faible. L'écart avec le reste de la zone euro, déjà important à l'issue de l'exercice de 2017, continue ainsi à se creuser, alors même que le reste de la zone euro est désormais à l'équilibre budgétaire.

Le ratio d'endettement français est pour la première fois supérieur à celui du reste de la zone euro hors Allemagne, tandis que le différentiel avec l'Allemagne atteint près de 40 points de PIB. En matière de coût budgétaire de la dette, ce différentiel avec l'Allemagne atteint 34 millions d'euros, même avec des taux d'intérêt très faibles. L'économie française est vulnérable, en dépit de l'effet anesthésiant de la baisse des taux. Nous y reviendrons plus longuement dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques.

L'amélioration nominale du déficit a cette fois encore été portée par la sphère sociale et les collectivités territoriales, qui confortent leurs excédents. S'agissant des administrations publiques locales, si la croissance de la dépense publique (+ 2,4 %) est très légèrement supérieure à l'objectif (+ 2,3 %), cela tient à la reprise plus forte qu'escompté de l'investissement local (+ 7,8 %). Ainsi, c'est bien la contribution des dépenses d'investissement qui explique l'essentiel de la croissance de la dépense locale en 2018.

À l'inverse, la progression des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales (+ 0,3 %) est très inférieure à l'objectif fixé dans le cadre de la contractualisation (+ 1,2 %). Cela correspond à un montant d'économies de 3,5 milliards d'euros si l'on retient le tendanciel du Gouvernement et même de 5 milliards d'euros si l'on prend pour base de calcul celui de la commission des finances, qui tenait compte des efforts consentis par les collectivités territoriales lors de la période de référence. Encore une fois, les collectivités territoriales ont démontré leur capacité à participer à l'effort collectif en matière de maîtrise de la dépense.

La situation est plus contrastée pour la sphère sociale. L'amélioration du solde est inférieure de plus de 2 milliards d'euros à la prévision révisée et tient en grande majorité à la conjoncture et aux hausses de prélèvements obligatoires, ainsi que l'a rappelé la Cour des comptes la semaine dernière.

Surtout, il faut garder à l'esprit que l'excédent de la sphère sociale est subordonné à la contribution positive de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui s'élève actuellement à 0,6 point de PIB. Or, cette contribution a de fortes chances de s'éteindre avec la Cades en 2024. En l'absence de contribution positive de la Cades, les administrations de sécurité sociale resteraient légèrement déficitaires en 2018, ce qui témoigne à la fois de la fragilité de la situation budgétaire de la sphère sociale et de la nécessité de poursuivre le redressement des comptes sociaux dans la durée.

Venons-en maintenant à l'État, dont le besoin de financement en comptabilité nationale, à hauteur de 69,9 milliards d'euros, explique à lui seul le déficit public. En comptabilité budgétaire, le déficit est de 76 milliards d'euros, en aggravation de 8,4 milliards d'euros par rapport à 2017. Mais, pour avoir une vision correcte des effets de la politique gouvernementale, il faut neutraliser certains effets, en particulier la recapitalisation du secteur énergétique qui avait aggravé temporairement le solde de 7,5 milliards d'euros en 2017. Le creusement du déficit budgétaire réellement lié à la politique menée en 2018 est nettement plus élevé : je l'estime à 13 milliards d'euros. Cette évolution est due aux mesures de réduction d'impôts, que l'on approuverait si elles étaient gagées par des mesures d'économie : ce n'est pas le cas puisque les dépenses sont en réalité en nette augmentation.

Passons en effet à un examen rapide des missions dont la consommation des crédits évolue le plus en valeur absolue. Sur 29 missions, 20 voient leurs dépenses augmenter. La mission « Enseignement scolaire » croît de 1,3 milliard d'euros, avec, toutefois, un ralentissement dans la création de postes. La mission « Défense », qui subit une sous-budgétisation récurrente sur les opérations extérieures et les missions intérieures, progresse de près de 1 milliard d'euros aussi bien en dépenses de personnel qu'en fonctionnement et en investissement. Pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », c'est la revalorisation de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui explique l'exécution supérieure de près de 800 millions d'euros. Enfin, il faut noter, pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », la hausse des crédits consacrés à la formation supérieure, la recherche spatiale et aux projets de l'Agence nationale de la recherche. S'agissant enfin de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », c'est la généralisation du « chèque énergie » qui a l'impact le plus important.

À l'inverse, il faut noter la baisse notable des crédits de la mission « Travail et emploi », liée à la réduction du nombre de contrats aidés et à l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises (PME). Pour la mission « Cohésion des territoires », on peut constater les effets sur le budget de la réforme des aides personnelles au logement dans la loi de finances initiale pour 2018. Enfin la mission « Agriculture » revient à un niveau de crédits plus usuel, après une année 2017 marquée par des dépenses exceptionnelles liées à des refus d'apurement d'aides européennes.

Les dépenses de personnel, après un pic exceptionnel en 2017, reprennent une progression plus habituelle avec une hausse de 1,9 %. Le principal facteur d'augmentation est la mise en place de l'indemnité compensatrice de la CSG. Le schéma d'emploi a un impact positif sur les dépenses de personnel. On ne voit toujours pas venir la diminution des emplois de l'État à hauteur de 50 000 postes qui figure dans la loi de programmation des finances publiques, mais que le Gouvernement semble avoir mise de côté.

Sous l'effet d'une conjoncture favorable, les recettes progressent nettement plus vite que la croissance pour la deuxième année consécutive, ce qui suffit à compenser les effets des mesures prises avant ou à l'occasion de la loi de finances initiale. Si l'on prend un à un les principaux impôts, les recettes de l'impôt sur les sociétés sont légèrement supérieures à la prévision en raison d'une évolution spontanée assez favorable, mais en baisse par rapport à 2017 pour plusieurs raisons : l'année 2017 avait connu des recettes exceptionnelles, dont l'instauration des contributions exceptionnelle et additionnelle ; en 2018, les taux ont par ailleurs diminué.

Les recettes issues de l'impôt sur le revenu sont stables, car l'évolution spontanée a été contrebalancée par les effets de la transformation de la réduction d'impôt relative à l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt et par l'entrée en vigueur du prélèvement forfaitaire unique.

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a fourni des recettes en hausse de 4,3 milliards d'euros. Celles de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui s'applique pour la première fois en 2018, sont de 1,3 milliard d'euros, soit un montant supérieur de 52 % au produit prévu lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018. Si l'on ajoute les encaissements au titre de l'impôt sur la fortune (ISF) pour les exercices antérieurs, le produit total est inférieur de 3,2 milliards d'euros à celui de l'ISF en 2017.

Les recettes non fiscales enregistrent un produit stable d'année en année, autour de 14 milliards d'euros. Elles ont toutefois dépassé de 700 millions d'euros le produit attendu, qui s'explique par le versement par la Caisse des dépôts et consignations d'un dividende de 1 milliard d'euros, contre 500 millions d'euros prévus, et par la soudaine augmentation du coût de la tonne de CO 2 qui a permis à l'État de récupérer une partie des recettes issues des ventes de quotas carbone.

Je note toutefois des imprécisions dans les documents budgétaires sur les retours financiers que produisent les investissements d'avenir : selon que l'on regarde les données des opérateurs ou celles de l'État, ces retours varient de plus de 400 millions d'euros.

Le coût total estimé des dépenses fiscales est de 100,2 milliards d'euros en 2018, contre 93,4 milliards d'euros en 2017. Cette augmentation de près de 7 milliards d'euros est due en partie à la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mais le coût des dépenses fiscales hors CICE est également en hausse de 2,4 milliards d'euros sur un an. Il faut souligner une nouvelle fois la grande approximation de ces chiffrages : seules 287 des 474 dépenses fiscales font l'objet d'un chiffrage dans les documents budgétaires au titre de l'année 2018. Le montant de 100,2 milliards d'euros inclut donc en réalité, pour 34 dépenses fiscales, le chiffrage de 2017 parce que celui de 2018 n'est pas encore disponible.

Certains chiffres sont d'ailleurs incompréhensibles : alors que la loi de finances initiale pour 2018 a fait passer la TVA de 5,5 % à 10 % pour les logements sociaux, le coût de la dépense fiscale correspondante n'a pas changé dans les documents budgétaires, ce qui rend le débat pour le moins biaisé.

S'agissant à présent de l'exécution du budget par rapport à l'autorisation en loi de finances initiale, nous l'avions constaté en examinant le budget de 2018 et cela est confirmé : il y a eu un réel effort de sincérisation du budget.

M. Vincent Éblé , président . - Un budget mauvais, mais sincère, n'est pas non plus la solution !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Aucun décret d'avance n'a été pris en cours d'année, la réserve de précaution hors dépenses de personnel a été limitée à 3 %, et les ouvertures de crédits ont eu lieu dans une loi de finances rectificative limitée aux mesures de fin de gestion. L'amélioration du solde en cours d'exécution est d'abord due à un effet artificiel : un montant élevé de droits de mutation a été comptabilisé sur l'exercice 2018 au lieu de l'exercice 2017.

Ces bonnes surprises concernent les ressources. Du côté des dépenses, l'exécution n'a pas permis de dégager des économies nouvelles. Les crédits consommés ont été pratiquement ceux qui ont été prévus en loi de finances initiale. Les reports vers l'exercice suivant sont comparables aux reports depuis l'exercice précédent. Les fonds de concours ont apporté 900 millions d'euros de plus que prévu, ce qui correspond à peu près aux montants de crédits annulés en loi de finances rectificative ou en loi de règlement.

Au niveau des missions, les écarts à la prévision ne sont pas aussi spectaculaires qu'en 2017, année où trois missions avaient connu un dérapage supérieur à 1 milliard d'euros, mais ils n'en sont pas pour autant négligeables.

La surexécution de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est liée à un afflux non prévu de fonds de concours, notamment de la part de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). À l'inverse, la sous-exécution de la mission « Travail et emploi » provient de la baisse du nombre de contrats aidés et de l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche, pourtant déjà prévue dans le projet de loi de finances.

Enfin, il faut mettre l'accent sur les ouvertures de crédits complémentaires prévues par l'article 4 du présent projet de loi de règlement, qui concernent la mission « Remboursements et dégrèvements », pour un montant inhabituel de 1,4 milliard d'euros. Le ministre de l'action et des comptes publics nous a indiqué par courrier, au mois de mai, que ce dépassement résultait de contentieux individuels à fort enjeu au titre de l'impôt sur les sociétés, intervenus en fin d'année.

Les explications sont peu satisfaisantes, alors que les dégrèvements et restitutions liés à des contentieux sur l'impôt sur les sociétés s'élèvent au total à 3,2 milliards d'euros, contre une prévision de 0,8 milliard d'euros. Il est indispensable de mieux comprendre les raisons qui semblent entraîner une multiplication de contentieux importants perdus par l'administration en matière d'impôt sur les sociétés, mais aussi d'autres impôts tels que l'impôt sur le revenu. On parle de milliards d'euros.

Je prendrai enfin quelques instants pour aborder la démarche de performance. C'est un bel acquis de la LOLF, mais force est de constater que son potentiel n'est pas toujours pleinement exploité. Mme la ministre de la santé Agnès Buzyn nous parlait encore récemment de cet indicateur sur l'espérance de vie ressentie par les Français. Les indicateurs sont souvent théoriques et peu utiles. La maquette de performance en compte encore trop, même si ce phénomène s'est atténué depuis 2015. En 2018, le budget de l'État ne comptait plus que 765 indicateurs contre 1 025 en 2014. La lisibilité de la maquette s'est aussi améliorée avec la mise en place, depuis 2012, d'indicateurs considérés comme les plus représentatifs de la mission, au nombre de 93 en 2018. Cependant, en 2018, moins de 65 % de ces indicateurs sont exploitables, alors qu'ils sont censés être les plus représentatifs d'une mission.

Certaines des missions du budget général sont complètement sinistrées sous cet angle de la performance : pour les missions « Santé » ou « Travail et Emploi », par exemple, aucun sous-indicateur n'est exploitable. Dès lors, à quoi sert la démarche de performance ?

Pour conclure, ce projet de loi de règlement comporte les articles habituels, qui sont de pure constatation et n'appellent pas d'observation particulière. L'article liminaire concerne l'ensemble des finances publiques : la publication du compte provisoire 2018 complet par l'Insee, le 29 mai dernier, a conduit les députés à amender cet article afin de tenir compte de la révision de la croissance et de diminuer de 0,2 point le solde structurel et en améliorant du même montant le solde conjoncturel ; cela n'a pas d'effet sur le solde effectif, mais réduit l'ajustement structurel de 0,1 point.

Les articles 2 à 6 présentent le résultat budgétaire de l'État, son tableau de financement en 2018, le compte de résultat et le bilan en comptabilité générale, le montant définitif des crédits pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Il s'agit d'articles de pure constatation qu'il n'y a pas lieu d'amender.

L'article 7 ratifie deux décrets intervenus en décembre 2018, concernant, d'une part, certains services rendus par le ministère de la défense et, d'autre part, les redevances des services de navigation aérienne. Cette ratification permet à ces décrets d'éviter de devenir caducs.

Enfin l'article 8, introduit par amendement à l'Assemblée nationale, prévoit que le « jaune budgétaire » relatif aux opérateurs de l'État distingue ceux qui sont considérés comme des organismes divers d'administration centrale (ODAC) et ceux qui ne le sont pas. Je ne suis pas sûr que le passage par la loi soit indispensable pour enrichir un document budgétaire, mais toute amélioration relative à la connaissance des opérateurs de l'État est utile.

Ce projet de loi de règlement est, pour l'essentiel, un texte de constatation qui témoigne d'une exécution plutôt conforme à l'autorisation. Il découle toutefois du projet de loi de finances pour 2018, dans le cadre duquel le Sénat avait marqué son désaccord avec plusieurs choix du Gouvernement. Je m'en remettrai donc à la sagesse de la commission sur le texte.

Enfin, je dois vous préciser, en ce qui concerne le périmètre du texte qui nous est soumis, que tout amendement déposé en vue de l'examen du texte en séance, pour être recevable, doit respecter le domaine des lois de règlement. Celui-ci est défini par l'article 37 de la LOLF, auquel les auteurs d'amendement sont invités à se reporter.

M. Vincent Éblé , président . - Nous vous remercions pour ce rapport synthétique et clair.

M. Vincent Delahaye . - Cette loi de règlement a fait l'objet du printemps de l'évaluation à l'Assemblée nationale. Je suis curieux d'en connaître les résultats. Il serait bon que le Parlement dispose de son propre outil d'évaluation. Cela nous permettrait d'avancer de manière plus rassurante dans nos analyses et nos propositions.

M. Vincent Éblé , président . - On peut toujours mettre en place un outil d'évaluation. Si nous n'avons pas les données, il tournera à vide.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On nous a présenté, hier, un outil de simulation fiscale. Il est resté limité à l'impôt sur le revenu et se contente pour le moment de permettre de faire varier les tranches d'impôt sur le revenu pour en obtenir son montant, sans pouvoir modifier les règles du quotient familial. Il ne mesure pas non plus encore l'impact budgétaire. Il reste du chemin à faire. On peut déjà faire appel à des consultants extérieurs. Il est certain qu'il faut avoir accès aux données pour pouvoir mener une évaluation efficace.

M. Vincent Delahaye . - Des consultants extérieurs pourraient effectivement nous aider. Le Sénat pourrait prendre en charge dans son budget une partie de ces études qui contribueraient à compléter notre analyse.

Le rapporteur général a bien décrit la situation générale de nos finances publiques. Le redressement est très lent. Le choix du Gouvernement d'alléger les impôts sans baisser la dépense publique est malheureux pour l'amélioration des comptes publics. On peut s'interroger sur un budget qui serait mauvais tout en étant sincère, mais n'est-ce pas toujours mieux que ce que l'on avait avant, à savoir un budget à la fois mauvais et insincère ? Le déficit a augmenté en 2018, car la dépense a continué à croître, même si elle a été mieux maîtrisée que dans le passé. Le Gouvernement n'a pas été assez économe, mais il a été sincère.

Le groupe UC votera en faveur de ce projet de loi de règlement, non pas pour donner un blanc-seing au Gouvernement, mais pour l'inciter à procéder à une revue importante des dépenses publiques, en vue d'un assainissement de nos finances publiques.

M. Dominique de Legge . - Les crédits de la mission « Défense » étaient inscrits en augmentation de + 1,8 milliard d'euros dans la loi de finances pour 2018. On leur enlève 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) non consommées et non reportées et 102 millions d'euros en crédits de paiement (CP), alors que, pour la première fois, le budget de la Défense a dû supporter le surcoût des Opex à hauteur de 600 millions d'euros. Il y a un décalage entre les déclarations du Gouvernement et la réalisation budgétaire.

Mme Nathalie Goulet . - Je parle en tant que rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ». Le bon résultat affiché provient du bas niveau des taux d'intérêt. À force de crier au loup alors que les taux n'augmentent pas, la sanction n'arrive pas. Tant mieux si nous bénéficions de taux d'intérêt qui restent faibles. Cependant, n'oublions pas l'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Par ailleurs, un certain nombre de missions sont mal évaluées. C'est le cas pour 31 dépenses fiscales attachées au programme 145 de la mission que je rapporte. Cependant, je suivrai la position de Vincent Delahaye.

M. Marc Laménie . - Vous indiquez à la page 17 de votre présentation que les annulations de crédits ont augmenté de 1,2 milliard d'euros sur l'enseignement scolaire par rapport à 2017, alors qu'il s'agit pourtant de la première mission du budget de l'État. Le projet de loi précise que beaucoup d'annulations portent sur des crédits non consommés et non reportés et qu'elles représentent 1,1 milliard d'euros pour l'ensemble des missions. Comment expliquer ces différences ?

M. Jean-Marc Gabouty . - On ne peut pas s'étonner d'une croissance plus atone au quatrième trimestre 2018, où le contexte a pénalisé la consommation intérieure. Une capacité de rebond existe, liée à une augmentation du pouvoir d'achat ou à des achats différés dans un contexte d'amélioration du moral des ménages et du climat des affaires. Le Gouvernement préfère stratégiquement avoir des résultats supérieurs à ses annonces.

J'ai eu une difficulté à comprendre le graphique de la page 10 de votre document. Le solde de la zone euro hormis la France et l'Allemagne y apparaît moins bon que celui de la zone euro hormis la France, ce qui laisse à penser que l'Allemagne contribuerait à la dégradation du solde de la zone euro. Pourriez-vous m'expliquer ce paradoxe ?

M. Éric Bocquet . - À la page 9, vous mentionnez un début de redressement de la situation du Portugal. Ce pays a fait des choix à contre-courant de ce que Bruxelles préconise, en augmentant notamment les salaires en échange d'une baisse des cotisations. La France ne pourrait-elle pas s'en inspirer ?

Le 20 juin dernier, le journal Les Échos faisait état d'une baisse des recettes fiscales en matière de recouvrement contentieux pour la troisième année consécutive. Bercy aurait renoncé à des redressements à hauteur de 1,4 milliard d'euros dans le dossier Vivendi et de 1,9 milliard d'euros pour deux autres dossiers. Connaît-on les raisons de ces abandons ?

M. Claude Raynal . - La sincérité des comptes est un sujet particulier. Elle est considérée comme acquise, alors que certaines suppressions sont significatives : 3 milliards d'euros en AE et 500 millions d'euros en CP. Cela mériterait des explications. Dans certains domaines comme l'agriculture, on connaît les raisons de la sous-consommation des crédits. C'est moins vrai pour la mission « Défense ».

Il faudra que nous revenions sur les propos que M. Darmanin nous tenait en 2017, en les opposant à la réalité en 2018. En matière de sincérité politique, il y a loin de la coupe aux lèvres.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vincent Delahaye, l'Assemblée nationale a effectivement beaucoup communiqué sur le printemps de l'évaluation. Au Sénat, un accord-cadre permettant de lancer des marchés d'études existe déjà. Nous en avons d'ailleurs demandé une dans le cadre de notre mission sur la fiscalité du patrimoine. Nous pourrons aussi nous en servir pour des chiffrages lors de la loi de finances. Mais s'ils n'ont pas accès aux données, même les meilleurs chercheurs du monde ne seront d'aucun recours.

Marc Laménie, selon les tableaux, les chiffres incluent ou non les fonds de concours et les contributions au CAS « Pensions ». Pour connaître les raisons des annulations, il faudrait mener un travail plus précis avec les rapporteurs spéciaux.

Jean-Marc Gabouty, l'Insee table sur une croissance inférieure de 0,1 point aux prévisions du Gouvernement. Quant au graphique de la page 10, il montre au contraire que l'Allemagne, avec son excédent primaire, améliore par définition la situation de la zone euro.

Quelques mots enfin de l'écart entre redressements et recouvrement dans les contentieux fiscaux. La situation, il est vrai, ne s'améliore pas. Le président Vincent Éblé et moi avons eu accès à un certain nombre de dossiers portant sur l'impôt des sociétés, les prix de transfert, la fiscalité internationale : ces affaires sont très compliquées. Lorsque l'administration prononce un redressement, les intéressés invoquent nombre d'arguments pour justifier, par exemple, de loger tels bénéfices dans telle filiale, située dans tel pays. Et devant les tribunaux, ils gagnent souvent alors que les montants sont significatifs ! On doit du reste s'interroger sur le nombre important de contentieux perdus. Le tribunal administratif de Paris, ainsi, a donné systématiquement raison aux « géants du numérique » à propos de la notion d'établissement stable.

Je précise à Marc Laménie qu'il se produit toujours des annulations et des mises en réserve sur les crédits de l'enseignement scolaire, mais finalement cette année moins que dans le passé.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2018 sans modification .


* 1 Pour une analyse détaillée, voir : « Pour une programmation budgétaire crédible : les enjeux des hypothèses de croissance potentielle », rapport d'information n° 764 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 6 juillet 2016.

* 2 Le lecteur est invité à se reporter aux développements figurant dans le rapport suivant : rapport n° 628 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier relatif au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, fait au nom de la commission des finances et déposé le 4 juillet 2018, p. 12 et suivantes.

* 3 À titre de rappel, cet indice est corrigé des mesures fiscales (ex : variations de la TVA) et exclut les prix soumis à l'intervention de l'État (ex : tabac, alcool) ou qui présentent un caractère particulièrement volatile et sont avant tout déterminés par des phénomènes exogènes (ex : énergie).

* 4 Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2019-2 (actualisé), 4 juin 2019, p. 4.

* 5 La règle en dépense présente deux avantages. D'une part, elle est construite de façon à exclure de l'agrégat les dépenses non pilotables, alors que l'ajustement structurel dépend de nombreux éléments qui échappent au contrôle des gouvernements (ex : variation de l'élasticité des prélèvements obligatoires). D'autre part, elle ne dépend pas de l'écart de production - dont la mesure est particulièrement instable et controversée - mais de la croissance potentielle de moyen terme.

* 6 L'agrégat des dépenses publiques retenu correspond aux dépenses publiques totales diminuées de la charge d'intérêt, des dépenses exceptionnelles, des dépenses liées aux programmes de l'Union européenne intégralement couvertes par des fonds européens ainsi que de la composante cyclique des dépenses d'indemnisation du chômage. Les dépenses d'investissement sont lissées sur quatre ans. La prise en compte les mesures discrétionnaires en matière de recettes permet ensuite d'obtenir l'agrégat des dépenses publiques nettes.

* 7 Rapport « France » de la Commission européenne établi le 5 juin 2019 conformément à l'article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 8 Rapport d'information n° 468 (2018-2019) d'Albéric de Montgolfier, précité, pp. 30-39.

* 9 Christina D. Romer et David H. Romer, « Fiscal Space and the Aftermath of Financial Crises », Brookings, 2019, p. 15.

* 10 Christina D. Romer et David H. Romer, « Why some times are different : Macroeconomic policy and the aftermath of financial crisis », NBER Working Paper No. 23931, octobre 2017.

* 11 Globalement, les dépenses publiques les plus propices à la croissance ont diminué, en particulier dans les pays les plus vulnérables, tandis que les dépenses au titre des retraites ont augmenté régulièrement sur toute la période d'ajustement. Voir sur ce point : « La composition des finances publiques dans la zone euro », Bulletin économique de la Banque centrale européenne, n° 5/2017, p. 49 et s.

* 12 Rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fait au nom de la commission des finances et déposé le 31 octobre 2017, p. 37 et suivantes.

* 13 Il peut être souligné que le périmètre d'application du mécanisme de contractualisation est différent, dans la mesure où ce dernier porte sur les seules dépenses des collectivités territoriales et des groupements à fiscalité propre. Toutefois, l'objectif de 1,2 % retenu par le Gouvernement avait bien été fixé à partir de l'évolution observée des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des administrations publiques locales entre 2009 et 2014, et non des dépenses de fonctionnement des seules collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre.

* 14 Voir le commentaire de l'article 10 figurant dans le rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, précité.

* 15 Cour des comptes, « La situation financière de la sécurité sociale en 2018 », juin 2019, p. 34 et suivantes.

* 16 De la même manière, pour un ménage, la charge de remboursement du capital emprunté pour acquérir son logement n'est pas considérée comme une dépense de consommation, dès lors qu'elle est la contrepartie d'une augmentation du patrimoine détenu. Par conséquent, si les intérêts versés par un ménage réduisent son revenu disponible brut, tel n'est pas le cas des remboursements du capital.

* 17 Dominique Libault, Rapport issu de la concertation « Grand âge et autonomie », mars 2019, p. 18.

* 18 Voir le rapport n° 628 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, déposé le 4 juillet 2018.

* 19 Voir le commentaire par votre rapporteur général de l'article 25 du projet de loi de finances pour 2017, dans le rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016.

* 20 Parmi les principales raisons de l'écart entre le déficit budgétaire et le résultat patrimonial, le rapport de présentation du compte général de l'État en 2010 cite le lancement des investissements d'avenir (dépenses de 24,7 milliards d'euros au budget général) et le prêt à la Grèce (dépenses de 4,4 milliards d'euros).

* 21 Comme votre rapporteur général l'a indiqué dans son rapport général n° 108 (2017-2018) sur le projet de loi de finances pour 2018, une prime à l'émission est versée à l'État par les souscripteurs lorsque l'État émet une OAT sur une souche créée plusieurs années auparavant, au taux d'origine de cette souche. Cette prime compense l'obligation pour l'État de verser tout au long de la durée de l'obligation un coupon supérieur au taux actuel. C'est donc le mouvement constaté de baisse des taux qui est à l'origine du versement de primes importantes à l'émission.

* 22 Le rapport de présentation du compte général de l'État indique que, à partir de 2018, les prélèvements sur les revenus de placement sont imputés en produit dès leur encaissement tout au long de l'exercice, tandis qu'ils étaient auparavant comptabilisés sur l'exercice suivant lors de la liquidation définitive de l'impôt.

* 23 Par exemple, l'État dispose d'un actif non comptabilisé, qui est la capacité à lever l'impôt, et il enregistre comme charges les dépenses d'enseignement qui, sur le long terme, pourraient être considérées comme un investissement.

* 24 Cour des comptes, Rapport sur le budget de l'État en 2018 .

* 25 La mission a connu une importante extension de périmètre en 2018 avec la rebudgétisation de l'ensemble des dépenses d'allocations de solidarité, ce qui a augmenté les crédits de 1,46 milliard d'euros.

* 26 Les aides versées au titre de la politique agricole commune sont préfinancées par les États qui sont ensuite remboursés par la Commission européenne. Celle-ci peut toutefois refuser tout ou partie du remboursement si elle constate des irrégularités dans la gestion et le contrôle national de ces aide.

* 27 Un travail mené par la direction générale des finances publiques (bureau CE-1A « Production et valorisation des comptes ») a permis d'aboutir à la production de données consolidées du compte général de l'État et des projets de loi de règlement entre 2014 et 2018. Ce travail résulte d'un projet soumis par le Sénat au hackhaton « Exploitez les données financières publiques » tenu à l'Assemblée nationale les 15 et 16 juin 2018.

* 28 Voir à titre d'exemple, outre le graphique supra , le référé de la Cour des comptes « Les prévisions de recettes fiscales de l'État » , publié le 25 février 2014.

* 29 Ce montant a été communiqué à votre rapporteur général par le ministre de l'action et des comptes publics dans un courrier en date du 20 juin 2019. Le montant indiqué dans l'annexe 1 au projet de loi de règlement est de 1 247 millions d'euros.

* 30 Projet de loi de finances pour 2019 : Investissements d'avenir , rapport spécial de Mme Christine Lavarde, annexé au rapport général n° 147 (2018-2019), fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 31 La Cour des comptes indique, dans sa note d'exécution budgétaire relative aux dépenses non fiscales, que ce résultat plus favorable est dû à l'anticipation d'une modification des règles de calcul du dividende, ainsi qu'à un contexte plus favorable que prévu.

* 32 Le projet de loi de finances pour 2018 indique ainsi, en page 21, que « La prévision au titre des amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence est maintenue à 0,5 milliard d'euros en 2018 mais elle est susceptible d'être revue à la baisse en fin d'année, à la lumière des encaissements constatés. »

* 33 Les Échos, Entretien avec Jean-Bernard Lévy , 18 février 2019.

* 34 Calculs commission des finances du Sénat, à partir des données disponibles dans l'annexe 1 au projet de loi de règlement.

* 35 Annexe 1 au projet de loi de règlement pour 2018 et document « Voies et moyens », tome 2, annexé au projet de loi de finances pour 2019.

* 36 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire relative à la mission « Cohésion des territoires », p. 105.

* 37 « Le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances. » ( article 41 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances).

* 38 Hors charge de la dette (programme 117) et hors remboursements et dégrèvements, dont les crédits sont évaluatifs.

* 39 C'est le cas du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui a reçu 440,5 millions d'euros en fonds de concours en 2018, utilisés pour financer les aides à la pierre, alors que les crédits votés en loi de finances initiale étaient de 308,1 milliards d'euros.

* 40 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », p. 21.

* 41 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

* 42 La mission « Écologie » n'apparaît toutefois pas en sur-exécution par rapport à l'article 15 de la LPFP parce que les plafonds fixés par celui-ci n'incluent pas les fonds de concours et les attributions de produits. Or c'est sur une plus-value inattendue sur les fonds de concours que se concentre, comme on l'a vu, sa sur-exécution par rapport à la loi de finances initiale.

* 43 Voir le tome I du rapport général sur le projet de loi de finances pour 2019.

* 44 Voir la deuxième partie du tome I du rapport n°759 au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2015 .

* 45 Compte-rendu de la réunion de commission des finances du 15 mai 2018.

* 46 « La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs », Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

* 47 Rapport annuel sur le budget de l'État, Cour des comptes, 2018.

* 48 Circulaire du ministre de l'action et des comptes publics 18 avril 2019 relative à la préparation des volets «performance» des projets annuels de performance (PAP) du PLF 2020 et élaboration des documents de politique transversale (DPT) - NOR CPAB1909986C.

* 49 Voir le IV de la présente partie.

* 50 Les analyses exhaustives figurent au Tome II du présent rapport.

* 51 Décret n° 83-927 du 21 octobre 1983 fixant les conditions de remboursement de certaines dépenses supportées par les armées, décret n° 86-366 du 11 mars 1986 relatif à la rémunération de certains services rendus par le ministère de la défense et décret n° 81-97 du 2  février 1981 modifié autorisant la perception par le ministère de la défense de rémunérations pour services rendus par les formations musicales des armées.

* 52 Règlement d'exécution (UE) n° 390/2013 de la Commission du 3 mai 2013 établissant un système de performance pour les services de navigation aérienne et les fonctions de réseau.

* 53 Règlement d'exécution (UE) n° 391/2013 de la Commission du 3 mai 2013 établissant un système commun de tarification des services de navigation aérienne.

* 54 Article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 55 Un arrêté du 4 septembre 2018 fixe en outre la liste des organismes divers d'administration centrale ayant interdiction de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois ou d'émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée, ce qui inclut la quasi-totalité des ODAC.

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