C. UN SOLDE MOINS EXCÉDENTAIRE EN 2018 MAIS UN EXCÉDENT APPAREMMENT DURABLE

Sur longue période, tant les recettes que les charges du CAS ont connu une progression continue et forte.

Mais, comme l'illustre le graphique ci-dessous, une inflexion s'est produite après la mise en oeuvre des réformes des régimes de retraite dans les fonctions publique, les masses financières impliquées par les régimes de retraite des fonctionnaires progressant sur un rythme nettement modéré.

Évolution des recettes et des dépenses du CAS
(2009-2017)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017

En outre, depuis 2013, les recettes affectées au financement des pensions avaient augmenté régulièrement plus vite que celles-ci.

De 2013 à 2017, les recettes du CAS ont progressé de 6,8 % tandis que les dépenses se sont alourdies de 3,8 % aboutissant à la constitution d'un excédent à partir de 2013 dont l'ampleur n'avait depuis cessé de croître.

L'exercice 2018 marque une inversion de ce processus.

En dépit de la stabilité du taux de contribution employeur observée depuis 2014, et qui se poursuit en 2018, et malgré une nouvelle hausse du taux de cotisation salariale de 2,6 %, les recettes du compte ont subi un essoufflement. Malgré une progression modérée des dépenses du compte « Pensions » (+ 1,4 % au total), le différentiel entre les recettes et les dépenses a entraîné une réduction du résultat, demeuré positif, de l'exercice

L'inversion du différentiel en 2018 a entraîné une inversion de cette trajectoire, tout en laissant subsister un excédent, qui a accru le solde cumulé du compte.

Malgré des perspectives plus incertaines à moyen terme, le régime de retraite de la fonction publique d'État ressort en projection de long terme comme sur-financé.

1. Un excédent réduit mais qui contribue à accroître le « fonds de roulement » du compte

Les dynamiques effectives des recettes et des dépenses du compte en 2018 ont conduit à un solde d'exécution inférieur au niveau envisagé par la loi de finances initiale mais aussi au résultat de l'exercice précédent.

L'excédent a atteint 1 457,9 millions d'euros (contre 2 099, 5 millions en prévision) en repli de près de 500 millions d'euros par rapport au solde de l'exercice 2017.

Cependant, le niveau du solde de 2018 reste près de deux fois plus élevé que celui de 2016 et permet d'atteindre un niveau d'excédents cumulés de 6,6 milliards d'euros compte tenu des résultats dégagés depuis 2006.

Solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : rapport annuel de performances 2018

En dix ans, depuis 2008, le compte a accumulé des excédents de 5,8 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 580 millions d'euros, le résultat pour 2018 excédant cette moyenne de près de un milliard d'euros.

Il atteint en 2018 l'équivalent d'une année de cotisations salariales.

Ce niveau, techniquement excessif par rapport aux normes usuelles, doit cependant être apprécié en fonction de considérations plus structurelles.

Parmi celles-ci doit d'abord être mentionné le processus de convergence des cotisations salariales de retraite des fonctionnaires avec celles en vigueur dans le régime général qui aboutit à une élévation du taux de contribution des fonctionnaires au financement du régime, même à contribution inchangée des employeurs.

Compte tenu de l'objectif de parité des systèmes de prélèvement entre public et privé, la réduction du taux de contribution des employeurs apparaît comme la seule variable d'ajustement mobilisable pour limiter la progression du solde du compte.

Or, deux éléments au moins rendent cette variable peu maniable :

- la nature de la « contribution employeur » affectée au compte ne correspond pas strictement à une cotisation sociale vieillesse employeur, mais, destinée à équilibrer les dépenses du compte, elle intègre partiellement la contrainte de financement correspondant à des « avantages » non contributifs. Dans ces conditions, une baisse de cette contribution ne saurait être entreprise sans qu'une clarification des déterminants divers de son taux n'intervienne ;

- et, probablement surtout, l'atténuation de la contrainte budgétaire appliquée aux ministères dans la gestion de leurs personnels qu'induirait une baisse de la contribution des employeurs.

2. Un excédent structurel ?

Le régime de retraite de la fonction publique de l'État (civile et militaire), qui représente l'essentiel des engagements du compte d'affectation spéciale, doté d'un excès de financement en 2018 semble également doté d'un excédent structurel à moyen et, surtout, à long terme.

Ce résultat permet (aux réserves près développées dans la section suivante) de tempérer l'impression exercée par le niveau élevé des engagements de retraite portés par l'État publiés dans le hors-bilan du compte général de l'État .

a) Des engagements de retraites élevés correspondant à un patrimoine important pour les ménages...

Ces engagements 244 ( * ) , qui totalisent l'ensemble des prestations que l'État devrait servir aux retraités actuels et, en fonction des droits acquis au moment où ils sont évalués, aux personnes en activité, étaient estimés à 2 212 milliards d'euros à la fin de l'année 2017 .

Le compte général de l'État pour 2018 les chiffre entre 1 413,5 milliards d'euros et 2 080,4 milliards d'euros.

Engagements de retraites de l'Etat

Source : compte général de l'État pour 2018

La fourchette d'estimation est large selon le taux d'actualisation envisagé.

Le passage entre l'estimation de 2017 et l'évaluation de 2018 met en évidence la sensibilité des estimations au taux d'actualisation de référence. Du taux de - 0,55 % utilisé l'an dernier au taux le plus défavorable (- 0,33 %) du nouveau compte général de l'Etat, l'estimation des engagements de retraite se réduit de 131 millions d'euros. Moyennant quelque simplification, 1 point de rendement supplémentaire allège les contraintes liées aux engagement de pension de l'État d'un niveau de l'ordre de 380 millions d'euros.

Passage de l'évaluation des engagements de retraite de l'État
de 2017 à celle de 2018

Source : compte général de l'État pour 2018

La réduction des engagements de l'État résulte, en outre, d'une différence positive entre les droits éteints au cours de l'année et ceux nés en 2018. La différence atteint 21,4 milliards d'euros et illustre la décrue attendue des charges de pension qui devrait caractériser les régimes des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat.

Etant observé que l'indicateur des engagements de pension du hors-bilan de l'État permet d'apprécier l'équivalent patrimonial des droits à la retaite des fonctionnaires couverts par le régime, information utile à toute analyse des comportements d'épargne des ménages, on doit en nuancer l'intérêt pour ce qui concerne la soutenabilité du régime.

Celle-ci est nettement mieux appréciable à partir d'un raisonnement sur le besoin de financement du régime de retraite.

b) ... mais une capacité de financement durable du système de pensions de la fonction publique d'État

Dans les évaluations publiées jusqu'à présent, le besoin de financement 245 ( * ) actualisé à l'horizon de 2050 était plus ou moins négatif en fonction des perspectives de croissance économique, mais il était toujours négatif, ce qui signifie que le régime dégage une capacité de financement.

L'estimation des besoins de financement actualisés pour 2050 présentée dans le compte général de l'Etat pour 2018 vient nuancer, mais légèrement, ce panorama.

Dans l'hypothèse d'un taux d'actualisation négatif (- 0,33 %), les nouvelles estimations des besoins de financement actualisés à l'horizon 2050 extériorisent un besoin de financement net très modéré au vu des masses financières en jeu, de 1 milliard d'euros.

Projection du besoin de financement à l'horizon 2050

Source : compte général de l'État pour 2018

Dans tous les autres scenarios, le besoin de financement actualisé des régimes sous revue serait négatif, la capacité de financement pouvant atteindre près de 6 milliards d'euros sous l'hypothèse d'un taux d'actualisation positif de 1,5 %.

Les perspectives à 2050 sont l'aboutissement d'une séquence de soldes financiers des régimes que présente le graphique ci-dessous.

Projection des soldes financiers des régimes de retraite
de la fonction publique d'État (2019-2050)

Source : compte général de l'État pour 2018

Le solde cumulé des régimes de fonctionnaires augmenterait jusqu'à atteindre un pic en 2030. Au-delà une longue période de déficits modérés viendrait entamer les « réserves » accumulées au point que le solde actualisé cumulé du régime passerait quelques années dans le rouge avant de se redresser en fin de période.

Ainsi, malgré la résurgence de déficit après 2031, les charges de pensions pourraient être acquittées sans nouvelle augmentation des taux de prélèvements obligatoires jusqu'en 2044.

À plus long terme, le système de pensions de l'État serait plus que financé, du moins si l'on se reporte aux informations publiées dans le compte général de l'État pour 2015 246 ( * ) .

La courbe verte du graphique ci-dessous cumule les barres du graphique colorées en rouge, qui figurent les excédents annuels du régime. À l'horizon de la projection (2111), l'excédent cumulé atteignait 437 milliards d'euros .

Les résultats de la projection publiée en 2015, qui reposait sur la législation en vigueur, montraient qu'en l'état actuel des financements et des projections portant sur les dépenses de pensions civiles et militaires correspondant aux engagements de retraite les régimes concernés étaient équilibrés structurellement.

Besoin de financement actualisé des retraites du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015

On doit cependant insister sur les incertitudes que comportent les projections à long terme d'équilibre du régime des pensions civiles et militaires de l'État, le solde projeté étant sensible à des erreurs portant à la fois sur les recettes et les charges projetées.

Les projections publiées par le COR, mises en regard de la projection présentéé ci-dessus, illustrent les écarts pouvant apparaître en fonction des hypothèses posées sur les différents paramètres gouvernant l'équilibre des régimes de retraite de la fonction publique.

Dans les projections du COR, le solde de ces régimes est moins bien orienté en début de période et s'il se redresse par la suite cette amélioration est plus ou moins forte selon le scenario envisagé.

Projection du solde technique du régime de retraite
des fonctionnaires de l'État à l'horizon 2070

(en milliards d'euros)

Source : rapport du COR, novembre 2017


* 244 Les différentes évaluations des engagements de retraite de l'Etat pour ses fonctionnaires civils et militaires correspondent au montant des réserves dont devrait disposer l'État pour financer l'ensemble des prestations de retraite actuellement portées en engagements par l'État, tout au long de la retraite des pensionnés.

* 245 Le besoin de financement intègre les perspectives de recettes des régimes des fonctionnaires de l'État et décompose les engagements de retraite exposés plus haut par année. Un besoin de financement négatif correspond à une capacité de financement c'est-à-dire à une situation d'excès des recettes par rapport aux dépenses.

* 246 Depuis l'édition 2016, le compte général de l'État pour 2016 ne reprend plus la projection à très long terme (horizon de 100 ans) des besoins de financement actualisés cumulés du compte, ce qu'il faut regretter compte tenu de la durée pertinente d'appréciation des équilibres des régimes de retraite.

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