III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CASDAR » qui a été créé par la loi de finances pour 2006.

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural orientées par les priorités du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Celui-ci, qui couvre actuellement les années 2014 à 2020, a pour priorité de « conforter le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point de vue économique, environnemental et sanitaire » en s'inscrivant dans le cadre de « Projet agro-écologique pour la France » .

L'importance des enjeux est évidente dans un contexte où les innovations doivent permettre d'améliorer des modes de production présentant des coûts de toute nature et exposés à des risques qu'il importe de réduire.

1. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », deux programmes aux destinataires propres

La mission repose sur deux programmes : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

Les crédits du programme 775 (voir infra ) sont principalement destinés aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Il s'agit de diffuser des bonnes pratiques et des connaissances .

Quant au programme 776 , davantage orienté vers la recherche appliquée 29 ( * ) , il finance des recherches réalisées par une pluralité d'acteurs, au premier rang desquels les instituts techniques agricoles et FranceAgriMer. Par ailleurs, le pilotage de la recherche passe aussi pour une proportion de 35 % par la procédure d'appel à projets .

Le schéma ci-dessous illustre l'emploi des ressources du CAS en 2017. Compte tenu de l'inertie de la gestion des interventions financées par le compte, il donne un aperçu fiable de la structure des dépenses de 2018.

On y observe que chaque programme est dirigé vers des partenaires propres et prépondérants : les chambres d'agriculture pour le programme 775 (60 % des dépenses) et les instituts techniques agricoles pour le programme 776.

Dans les deux cas, FranceAgrimer se voit déléguer une partie des disponibilités de chaque programme.

Budget de la programmation PNDAT

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2017 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

2. Après des déconvenues récurrentes par rapport aux prévisions de recettes du compte, une meilleure anticipation, mais une charge non négligeable pour les exploitants

Le CASDAR, alimenté jusqu'en 2015 par une fraction (85 %) du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts, en perçoit depuis la totalité.

La taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles

La taxe est due par les exploitants agricoles au titre de leurs activités agricoles, à l'exclusion de ceux placés en dehors du régime de la TVA, sous le régime du remboursement forfaitaire agricole. Elle est assise sur le chiffre d'affaires de l'année précédente ou du dernier exercice clos auquel sont ajoutés les paiements accordés aux agriculteurs au titre des soutiens directs attribués en application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009, à l'exclusion du chiffre d'affaires issu des activités de sylviculture, de conchyliculture et de pêche en eau douce. Le tarif de la taxe est composé d'une partie forfaitaire comprise entre 76 euros et 92 euros par exploitant et d'une partie variable fixée à 0,19 % jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires et à 0,05 % au-delà.

Évolution de la recette du CASDAR

(en millions d'euros)

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2017 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

Après l'extension de l'affectation de recettes, les prévisions (147,5 millions d'euros en 2016 et 2017) ont été systématiquement déjouées avec une moins-value de recettes de 16,7 millions d'euros en 2016 et de 14,1 millions d'euros (dont 15,3 millions d'euros pour la seule taxe, des recettes diverses de 1,3 million d'euros ayant été constatées) en 2017.

Pour l'exercice 2018, la prévision de recettes a été ajustée avec davantage de réalisme à 136 millions d'euros, évolution conforme aux recommandations de vos rapporteurs spéciaux.

Le produit de la taxe a été un peu meilleur que prévu permettant de financer le CAS à hauteur de 136,2 millions d'euros auxquels se sont ajoutées des recettes diverses pour 311 639 euros.

L'augmentation des recettes de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles affectées au compte s'est ainsi élevée entre 2017 et 2018 à 3,1 %.

Cette évolution traduit l'amélioration du chiffre d'affaires des exploitants agricoles en 2017 30 ( * ) après la très nette dégradation de 2016.

La production des exploitations « moyennes et grandes » a augmenté de 6 % en 2017, accroissement qui ne se répercute que partiellement dans les produits de la taxe, en raison notamment de son barème dégressif et largement forfaitaire.

Ces deux caractéristiques limitent l'élasticité du produit de la taxe dans les périodes de croissance de l'assiette mais, à l'inverse, elles altèrent l'ampleur des stabilisateurs automatiques lorsque la conjoncture agricole se retourne.

Par ailleurs, force est de constater que plusieurs intervenants majeurs de la filière agroalimentaire, qui in fine , sont susceptibles de tirer parti des interventions financées par le CAS sont totalement exonérés de cette taxe, que les agriculteurs redevables ne sont souvent pas en position de répercuter dans leurs prix de vente. Or, même si la charge unitaire moyenne de la taxe apparaît modérée (de l'ordre de quelques dizaines d'euros), le niveau très faible des revenus agricoles impose une retenue fiscale rigoureuse.

Vos rapporteurs spéciaux sont ainsi amenés à s'interroger sur l'imposition qui alimente le CAS, d'autant qu'au-delà de son affectation formelle au compte d'affectation spéciale, qui l'exonère de tout écrêtement, les modalités effectives de son emploi l'assimilent à une recette affectée.

Par ailleurs, comme c'est structurellement le cas (voir le tableau ci-dessous), le CAS a, à nouveau connu une inflation de son solde cumulé qui tend vers la moitié des recettes annuelles tirées de la taxe affectée.

Exécution et prévision des recettes du CASDAR
et dépenses constatées 31 ( * )

(en millions d'euros)

Année

Recettes LFI

Recettes constatées

Exécution (CP)

Solde cumulé

2006

134,46

145,96

99,70

46,26

2007

98,00

102,05

101,34

46,97

2008

102,50

106,30

98,47

54,8

2009

113,50

110,56

112,34

53,02

2010

114,50

104,89

111,21

46,7

2011

110,50

110,44

108,38

48,72

2012

110,50

116,76

114,35

51,13

2013

110,50

120,58

106,98

64,73

2014

125,50

117,10

132,40

49,43

2015

147,50

137,10

131,30

55,23

2016

147,5

130,8

129,2

56,83

2017

147,5

133,4

128,1

62,13

2018

136

136,5

131,2

67,6

Source : commission des finances du Sénat

Dans ces conditions, les interrogations sur les conditions de financement du CAS, la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles pouvant se révéler lourdement procyclique en raison de la volatilité des conditions économiques de l'activité agricole, persistent ainsi que celles sur ses effets redistributifs et les conditions concrètes de son recouvrement.

3. Un taux de consommation des crédits peu satisfaisant

La gestion des crédits de paiement peut être résumée comme suit pour 2018.

Dépense et gestion des crédits du CASDAR

(en millions d'euros)

Programme 775

Programme 776

Total

LFI

65

71

136

LFR

0

Reports

11,5

43,9

55

Crédits disponibles

76,5

114,5

191

Crédits consommés

62,2

69,01

131,2

Crédits non consommés

14,3

45,5

59,04

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Le taux de consommation des crédits ressort comme satisfaisant hors crédits reportés.

La gestion des projets soutenus par le CAS implique, tout particulièrement pour le programme 776, un dépassement de l'annualité budgétaire. Ils sont conduits sur une durée souvent supérieure à l'année et mobilisent une séquence de versements qui l'excède.

Dans ce contexte, des reports et des restes à payer interviennent à chaque fin d'exercice.

C'est ainsi que pour l'exercice 2018, les crédits ouverts en cours d'année et non consommés sont équivalents en quasi-totalité aux crédits nécessaires à l'exécution d'engagements déjà décidés.


* 29 La recherche fondamentale financée sur fonds publics est principalement prise en charge par les dispositifs fiscaux ou budgétaires mis en oeuvre par le ministère de la recherche.

* 30 On rappelle que le paiement de la taxe intervient avec un an de décalage.

* 31 Aux arrondis près jusqu'en 2018

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