D. LE PROGRAMME 147 : LES RÉSULTATS TOUJOURS INSUFFISANTS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L'exécution du programme 147 a été moins heurtée en 2018 qu'en 2017, année au cours de laquelle il avait connu d'importantes annulations de crédit 78 ( * ) . Il n'y a pas eu de mouvement de crédit important en cours d'année et les crédits annulés en loi de finances rectificative ont porté sur ceux qui avaient été mis en réserve.

1. Une année de transition en attendant le lancement des opérations du nouveau programme de renouvellement urbain

Les crédits de paiement ont été consommés à hauteur de 399,2 millions d'euros , pour un montant ouvert en loi de finances initiale de 428,6 millions d'euros. Cet écart s'explique principalement par :

- une annulation de crédits de 12,3 millions d'euros en loi de finances rectificative ;

- un transfert de crédits de 15,7 millions d'euros à destination d'autres ministères au titre de la mise à disposition d'agents par ces ministères.

Les crédits du programme 147 sont dans l'ensemble stables sur les années 2016 à 2018, après une diminution au cours des années précédentes. Les crédits consommés sont toutefois systématiquement inférieurs aux crédits ouverts, même si le taux de consommation a été plus élevé en 2018, à un niveau de 93,1 %, qu'au cours des quatre années précédentes où il variait entre 85 % et 92 %.

Évolution des crédits ouverts et consommés sur le programme 147

En millions d'euros

Source : commission des finances, à partir des données des projets de loi de règlement.

Dès l'année 2019, les crédits consommés devraient augmenter dans la mesure où le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) 79 ( * ) entre progressivement en phase opérationnelle.

2. L'ANRU et le démarrage ralenti du NPNRU

S'agissant du programme national de rénovation urbaine (PNRU) 80 ( * ) , dont les engagements sont clos depuis la fin 2015, 91 % des 30 000 opérations étaient soldées à la fin 2018, année au cours de laquelle 328 millions d'euros ont été payés.

L'engagement du NPNRU, en revanche, a été plus lent que prévu . Depuis la création de ce programme par la loi de programmation pour la ville de 2014 81 ( * ) , le lancement effectif a été ralenti, notamment par le manque de crédits de l'État. Si ces crédits sont désormais assurés depuis 2018, les dépenses de l'Agence relatives à ce programme étaient au mois d'octobre 2018 de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24 millions d'euros en crédits de paiement, alors que le budget initial de l'Agence prévoyait des autorisations d'engagement de 464 millions d'euros et des crédits de paiement de 108 millions d'euros 82 ( * ) . Il faut toutefois noter que l'adoption tardive de la loi ELAN 83 ( * ) a pu ralentir l'engagement des crédits.

3. Une dette liée aux ZFU en augmentation

La Cour des comptes met en cause l'augmentation de la dette à l'égard de l' Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) liée à l'exonération de charges en zone franche urbaine (ZFU).

Seules les entreprises entrées dans le dispositif avant le 1 er janvier 2015 bénéficient du dispositif, qui a été supprimé au profit des exonérations de droit commun lors de la transformation du dispositif des zones franches urbaines en zones franches urbaines - territoire entrepreneur (ZFU-TE).

Or un nombre d'entreprises plus élevé que prévu continue à rester dans le dispositif ZFU, de sorte que les crédits prévus au programme 147 ne sont plus suffisants pour rembourser le manque à gagner à l'ACOSS. Les paiements effectifs se révélant chaque année nettement supérieurs au chiffrage initial, la dette s'est accrue progressivement de 5,4 millions d'euros en 2015 à 37,7 millions d'euros en 2018.

À titre d'exemple, cette dépense a été chiffrée à 21,5 millions d'euros seulement en loi de finances initiale pour 2018. Or le montant effectif des paiements a été de 30,9 millions d'euros. Le manque à gagner de 9,4 millions d'euros a été comblé principalement par des redéploiements de crédits.

Votre rapporteur spécial s'inquiète de l'augmentation persistante de cette dette . L'augmentation des crédits en 2019 et 2020 risque donc de servir à combler cette dette et non pas seulement à financer des projets de rénovation urbaine.

4. Une performance insuffisante pour réduire l'écart entre les quartiers de la politique de la ville et les autres territoires

La Cour des comptes note que la part des jeunes en provenance des quartiers prioritaires pris en charge par l'EPIDe 84 ( * ) est de 30 % seulement , au lieu des 50 % prévus ; ce programme étant financé aux deux tiers par le programme 102 « Aide au retour à l'emploi » et au tiers par le programme 147, elle suggère de faire assurer l'intégralité de son financement au programme 102 pour en faciliter la gestion, tout en maintenant le critère de localisation des jeunes en quartier prioritaire.

Votre rapporteur spécial met l'accent , une nouvelle fois, sur l'indicateur 3.1 « Écart de revenu et d'emploi entre les QPV et celui des agglomérations environnantes » 85 ( * ) : il s'agit d'un indicateur important pour la mesure de la réussite des politiques de la ville, mais insuffisant car, au-delà d'un revenu global, il devrait aussi vérifier l'évolution de la mixité sociale au sein des QPV, par exemple en étudiant dans quel sens évolue la proportion de ménages aisés et de ménages pauvres.

En outre, cet indicateur évolue de manière négative et n'atteint pas ses objectifs. Le rapport de revenu entre les QPV et leur agglomération a en effet diminué en passant de 47,5 % en 2015 à 47,1 % en 2016 et 46,4 % en 2017 alors que, pour cette année-là, l'objectif était fixé à 50 %. Votre rapporteur spécial s'étonne que le même objectif ait été fixé pour les exercices 2018 , année pour laquelle les chiffres ne sont pas encore disponibles, et 2020 , alors qu'aucune mesure particulière n'est présentée pour inverser la courbe.

Il constate que, malgré l'ensemble des politiques menées en faveur des quartiers depuis la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine en 2003, il demeure toujours aussi difficile de réduire l'écart entre ces quartiers et le reste de leur agglomération .


* 78 En particulier, une augmentation des autorisations d'engagement par la loi de finances initiale, d'un montant de 100 millions d'euros, avait été annulée par décret d'avance.

* 79 Le NPNRU a été lancé par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 80 Le PNRU a été lancé par la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* 81 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 82 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire de la mission « Cohésion des territoires » en 2018.

* 83 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 84 L'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) est chargé d'assurer l'insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes volontaires, en s'adressant notamment aux populations des QPV. 19 centres de l'EPIDe sont installés dans 15 régions.

* 85 L'indicateur mesure le rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et celui de leurs agglomérations.

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