Rapport n° 85 (2019-2020) de M. Didier MANDELLI , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 octobre 2019

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N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire
et du développement durable (1) sur le projet de loi
, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, d' orientation des mobilités ,

Par M. Didier MANDELLI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Pascale Bories, MM. Patrick Chaize, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Mmes Françoise Ramond, Esther Sittler, Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Première lecture : 157 rect. , 347 , 350 , 368 , 369 et T.A. 84 (2018-2019)

Commission mixte paritaire : 662 et 663 (2018-2019)

Nouvelle lecture : 730 (2018-2019) et 86 (2019-2020)

Première lecture : 1831 , 1937 , 1938 , 1942 , 1974 et T.A. 286 rect.

Commission mixte paritaire : 2131

Nouvelle lecture : 2135 , 2206 et T.A. 331

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Accroître l'offre de mobilités durables sur l'ensemble du territoire est un enjeu majeur des années à venir pour lutter contre les fractures sociales et territoriales et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France .

Le projet de loi d'orientation des mobilités était très attendu sur cette question tant par les acteurs du secteur que par les citoyens .

Abordant ce texte dans un état d'esprit constructif, en partageant son objectif de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » et de développer les mobilités propres et partagées, le Sénat a, en première lecture, amélioré ce texte sur de nombreux volets, en adoptant plus de 450 amendements.

La majeure partie de ces apports ont été conservés dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Toutefois une lacune essentielle du texte, qui avait conduit à l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) en juillet dernier, n'a pas été comblée : celle du financement de la compétence d'organisation des mobilités qu'exerceront un certain nombre de communautés de communes à compter du 1 er juillet 2021.

I. L'ESSENTIEL DU TRAVAIL RÉALISÉ PAR LE SÉNAT POUR AMÉLIORER LE PROJET DE LOI A ÉTÉ CONSERVÉ

A. SANCTUARISER LES RESSOURCES DE L'AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFITF) ET PÉRENNISER LE CONSEIL D'ORIENTATION DES INFRASTRUCTURES

Afin d'assurer la soutenabilité de la programmation des infrastructures de transport prévue par le projet de loi, le Sénat a sanctuarisé les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) , en précisant que son budget ne doit pas dépendre de ressources fluctuantes et imprévisibles et qu'il bénéficiera de l'affectation intégrale du produit de l'augmentation de la taxe sur les carburants opérée en 2015 pour financer les infrastructures de transport 1 ( * ) .

Par ailleurs, le Sénat a pérennisé le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) , dont le rôle est essentiel pour contrôler la mise en oeuvre de la programmation des infrastructures et procéder à sa réévaluation périodique.

B. DONNER DE LA SOUPLESSE AUX INTERCOMMUNALITÉS POUR SE SAISIR DE LA COMPÉTENCE D'ORGANISATION DES MOBILITÉS ET RENFORCER LA COORDINATION DES ACTEURS DE LA MOBILITÉ

En matière de gouvernance des mobilités , le Sénat a procédé à plusieurs modifications substantielles visant à :

- donner de la souplesse aux collectivités territoriales, en laissant davantage de temps aux communautés de communes pour se saisir de la compétence d'organisation des mobilités sur leur territoire - report du transfert de cette compétence du 1 er janvier au 1 er juillet 2021 - et aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) pour élaborer leurs plans de mobilité ;

- renforcer la coordination et la concertation entre les autorités organisatrices de la mobilité , notamment en prévoyant la définition de contrats opérationnels de mobilité devant préciser les modalités concrètes de coordination entre ces autorités, et en inscrivant le principe d'une concertation préalable à la délimitation par la région des bassins de mobilité ;

- enrichir le contenu des documents de planification en matière de mobilité , notamment en ajoutant au sein du plan de mobilité un volet consacré à la continuité et à la sécurisation des itinéraires cyclables et piétons et un schéma de desserte fluviale ou ferroviaire .

C. PERMETTRE AUX DÉPARTEMENTS D'ADAPTER LOCALEMENT LA RÈGLE DES 80 KM/H

La réduction de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/ h sur les routes secondaires appliquée depuis le 1 er juillet 2018 a été vécue comme pénalisante dans de nombreux territoires enclavés, pour lesquels la route constitue un moyen de déplacement incontournable.

Afin de permettre d'adapter localement les limitations de vitesses aux réalités des territoires, le Sénat a, conformément aux préconisations du groupe de travail qu'il avait mis en place sur la sécurité routière en 2018 2 ( * ) , permis aux présidents de département de remonter les vitesses maximales autorisées sur les voies dont ils ont la gestion à 90 km/h , après avis de la commission départementale de la sécurité routière.

D. CLARIFIER LE CADRE JURIDIQUE DE L'OUVERTURE DES DONNÉES DE TRANSPORT ET MIEUX RÉGULER LES SERVICES DE FREE-FLOATING (VÉLOS, TROTTINETTES, ETC.)

En matière d'ouverture des données de transport , outre plusieurs dispositions de clarification du cadre juridique prévu par le projet de loi, le Sénat a souhaité s'assurer que cette ouverture n'impose pas de charges disproportionnées aux collectivités territoriales, et que le coût de la mise à disposition des données puisse être répercuté sur le réutilisateur .

Afin d'encourager les mobilités partagées , et en particulier le covoiturage, qui permet de réduire l'autosolisme et donc les congestions routières et les émissions de gaz à effet de serre, le Sénat a introduit dans la loi la possibilité de créer des voies réservées aux transports en commun et au covoiturage sur les routes et les autoroutes

Enfin, le Sénat a souhaité mieux réguler les nouveaux services de mobilité , notamment le free-floating (vélos, trottinettes, etc.), dont l'essor rapide et non-contrôlé pose des problèmes de sécurité et de partage de l'espace public. Il a permis aux collectivités territoriales de soumettre les opérateurs de ces services à des prescriptions relatives, entre autres, au nombre de véhicules et d'engins mis en circulation, à leurs conditions de déploiement et à leurs émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre.

E. ENCOURAGER L'USAGE DU VÉLO ET LE DÉVELOPPEMENT DES VÉHICULES PROPRES AFIN DE LUTTER CONTRE LA POLLUTION DE L'AIR

Le Sénat a adopté de nombreuses dispositions visant à encourager l'usage du vélo, par exemple : l'obligation pour les trains neufs et rénovés et pour les autocars neufs utilisés pour des services réguliers de transport public de disposer d'emplacements destinés au transport de vélos , l'apprentissage obligatoire de l'usage du déplacement à vélo par les élèves du premier degré, ou encore l'obligation pour les gestionnaires de voirie de mener une étude sur la nécessité et la faisabilité de réaliser une piste cyclable sur les voies interurbaines, à l'occasion de la création d'une nouvelle voie ou de leur aménagement.

S'agissant du développement des véhicules propres , le Sénat a introduit une obligation pour les entreprises gérant un parc de plus de 100 véhicules et les centrales de réservation de verdir leurs flottes , en acquérant un pourcentage minimal de véhicules à faibles ou très faibles émissions.

Afin d'accroitre le recours au forfait mobilités durables , qui permettra une prise en charge par les employeurs d'une partie des frais de déplacement domicile-travail de leurs salariés à vélo ou en covoiturage, le Sénat l'a ouvert aux conducteurs des trajets en covoiturage , et a permis aux salariés de le cumuler partiellement avec la prise en charge de l'abonnement aux transports aux communs .

Enfin, s'agissant de la lutte contre la pollution de l'air , le Sénat a permis à toutes les agglomérations, et non seulement aux grandes agglomérations, de mettre en place des zones à faibles émissions .

F. GARANTIR LA SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS ET SÉCURISER LES PASSAGES À NIVEAU

Afin de renforcer la sûreté dans les transports collectifs , le Sénat a introduit dans le projet de loi plusieurs mesures visant notamment à améliorer la répression des infractions à la police du transport ferroviaire en cas de fuite du contrevenant et à autoriser, à titre expérimental, l'utilisation de caméras-piétons par les agents assermentés de l'exploitant d'un service de transport.

Le Sénat a également adopté des dispositions pour renforcer la sécurité des passages à niveau : l'obligation pour les opérateurs de GPS de fournir aux usagers de la route des informations relatives à la localisation des passages à niveau, l'obligation pour les véhicules de transport collectif d'être équipés de dispositifs permettant la localisation des passages à niveau et la réalisation d'un diagnostic de sécurité des passages à niveau par les gestionnaires de voirie.

Afin de préserver les « petites lignes » ferroviaires , le Sénat a permis le transfert de la gestion des lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic du réseau ferré national aux collectivités territoriales qui en feraient la demande.

Enfin, afin d'améliorer la mesure des nuisances sonores ferroviaires, le Sénat a prévu la prise en compte par les indicateurs de nuisances des pics de bruits .

II. UNE ABSENCE DE FINANCEMENT DE LA COMPÉTENCE D'ORGANISATION DES MOBILITÉS QUI NE PERMETTRA PAS DE METTRE FIN AUX « ZONES BLANCHES DE LA MOBILITÉ »

L'une des ambitions majeures portées par le projet de loi d'orientation des mobilités est de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » , en prévoyant que les communautés de communes pourront se voir transférer la compétence d'organisation des mobilités à compter du 1 er juillet 2021.

Or, le projet de loi initial ne comportait aucun financement dédié aux intercommunalités pour exercer cette compétence, et développer une offre de mobilité sur les territoires qui en sont aujourd'hui dépourvus.

Le Sénat avait par conséquent intégré, en première lecture un dispositif de financement permettant à ces intercommunalités d'instaurer un versement mobilité à taux minoré, même en l'absence de services réguliers de transports, et de bénéficier d'une part du produit de la taxe sur les carburants en complément lorsque les ressources perçues sont insuffisantes pour développer une offre de mobilité satisfaisante.

Ce dispositif a été supprimé par les députés, sans que rien ne le remplace , ce qui a conduit à l'échec de la commission mixte paritaire (CMP), le Gouvernement renvoyant au prochain projet de loi de finances le règlement de cette question.

Or le projet de loi de budget pour 2020 ne propose aucune mesure permettant d'assurer un financement dédié et pérenne de la compétence « mobilité » des intercommunalités.

L'octroi aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d'une fraction de TVA à compter de 2021 pour compenser la suppression de la taxe d'habitation ne constitue en effet pas une nouvelle ressource dédiée aux services de mobilité .

Pire, loin d'attribuer aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) des moyens supplémentaires, il les prive en réalité d'une partie de leurs ressources , puisqu'il prévoit d'amputer de 45 millions d'euros la compensation que l'État leur verse à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016.

Dans ces conditions, la promesse du Gouvernement de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » risque de rester lettre morte, au détriment des habitants de ces territoire s.

C'est pourquoi, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a considéré qu'il était inutile de poursuivre les discussions sur ce texte, la question du financement devant être désormais débattue à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances et l'essentiel des améliorations introduites par le Sénat ayant été conservées par l'Assemblée nationale. Elle a en conséquence adopté une motion tendant à opposer la question préalable.

EXAMEN DU PROJET DE LOI

I. DE NOMBREUX APPORTS DU SÉNAT CONSERVÉS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. SANCTUARISER LES RESSOURCES DE L'AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFITF) ET PÉRENNISER LE CONSEIL D'ORIENTATION DES INFRASTRUCTURES (TITRE IER A/TITRE IV)

Afin de faire figurer dès le début du projet de loi les enjeux relatifs à la programmation des investissements de l'État dans les transports , qui constituent un élément essentiel de la politique relative aux transports, le Sénat avait inséré un titre I er A relatif aux objectifs, aux moyens et au contrôle de cette programmation.

L'Assemblée nationale a maintenu cette architecture , et conservé les principaux apports du Sénat dans ce titre :

- au sein du rapport annexé au projet de loi, la sanctuarisation des ressources affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) , en précisant que son budget ne doit pas dépendre de ressources fluctuantes et imprévisibles et qu'il bénéficiera de l'affectation intégrale du produit de l'augmentation de 2 centimes d'euro par litre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers et de 4 centimes pour les poids lourds instaurée par la loi de finances pour 2015 3 ( * ) .

De même, ont été conservées les mentions relatives :

o à l'entretien des ouvrages d'arts et des ponts , en prévoyant qu'un effort particulier devra être réalisé pour renforcer la connaissance du patrimoine d'ouvrages et que l'État accompagnera les collectivités territoriales pour réaliser l'inventaire de leurs ouvrages et leur apportera un appui en matière d'ingénierie 4 ( * ) ;

o au soutien financier de l'Afitf aux actions de renouvellement du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET) dans le respect des engagements pris vis-à-vis des régions et des usagers ;

o à l'organisation concomitante de travaux de régénération et de modernisation des infrastructures ferroviaires lorsque cela est possible, afin de limiter les nuisances pour les usagers ;

o au développement de nouvelles lignes de TET, notamment afin d'améliorer l'offre de trains de nuit ;

o à l'effort devant être effectué en faveur de l'aménagement et la sécurisation des routes nationales non concédées traversant tout département métropolitain dépourvu de desserte ferroviaire, autoroutière, ou de route nationale non concédée à 2x2 voies ;

o au soutien à la filière hydrogène dans l'usage des mobilités quotidiennes et marchandes ;

o au soutien au développement de la végétalisation des infrastructures de la mobilité ;

o à l'engagement de l'État à la réalisation de la liaison ferroviaire internationale fret et voyageurs Lyon-Turin ;

o à l'accompagnement de l'État à la mise en oeuvre de sociétés de financements permettant l'identification de ressources territoriales nouvelles et de financements innovants, afin d'accélérer le portage et la réalisation de grandes infrastructures.

- à l'article 1 er A, qui détermine les objectifs de la programmation financière et opérationnelle des investissements de l'État dans le système de transports , plusieurs précisions quant à cette programmation, qui devra améliorer la qualité et la sécurité des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux, améliorer les liaisons entre les territoires ruraux et les pôles urbains, ou encore accélérer la diminution des émissions de gaz à effet de serre ;

- à l'article 1 er B, la trajectoire de dépenses de l'Afitf sur la période 2019-2023, et la perspective d'une enveloppe de 14,3 milliards d'euros sur la période 2023-2027 ;

- à l'article 1 er C, la pérennisation du Conseil d'orientation des infrastructures . L'Assemblée nationale a souhaité allonger d'un an - du 30 juin 2022 au 30 juin 2023 - le délai relatif à la première révision de la programmation financière et opérationnelle des investissements de l'État dans les transports, pour des raisons de calendrier électoral, et supprimer la référence à un débat en séance publique après la remise au Parlement du rapport du Gouvernement relatif à la mise en oeuvre de cette programmation, afin de ne pas contraindre l'organisation des travaux des Assemblées ;

- à l'article 1 er D, le renforcement de la priorité donnée par la planification régionale à l'optimisation des infrastructures existantes par rapport à la construction de nouvelles infrastructures.

B. DONNER DE LA SOUPLESSE AUX INTERCOMMUNALITÉS POUR SE SAISIR DE LA COMPÉTENCE D'ORGANISATION DES MOBILITÉS ET RENFORCER LA COORDINATION DES ACTEURS DE LA MOBILITÉ (TITRE IER)

1. Donner de la souplesse aux collectivités en matière d'exercice de la compétence d'organisation des mobilités

La première préoccupation du Sénat était de laisser davantage de temps aux communautés de communes pour se saisir de la compétence d'organisation des mobilités sur leur territoire - elle a été entendue par le Gouvernement et les députés.

Ainsi, le projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale maintient l'allongement du délai donné aux communes pour décider du transfert de la compétence d'organisation des mobilités aux communautés de communes : la délibération devra intervenir avant le 31 décembre 2020 (au lieu du 30 septembre 2020) en vue d'un transfert de la compétence effectif au plus tard au 1 er juillet 2021 (au lieu du 1 er janvier 2021).

Compte tenu du calendrier des élections municipales et communautaires de 2020, l'échéance initiale paraissait en effet irréaliste, les élus ayant besoin d'un certain délai pour évaluer leur capacité à organiser localement les services de mobilité .

Dans le même esprit, l'allongement de 18 à 24 mois du délai imparti aux AOM nouvellement créées pour élaborer leur plan de mobilité , prévu à l'article 5, a été conservé par l'Assemblée nationale.

D'autres modifications à l'article 1 er ont été conservées, notamment celles visant :

- à permettre aux régions en tant qu'autorités organisatrices de déléguer à un syndicat mixte de transport un service de mobilité ;

- à préciser que les AOM doivent contribuer aux objectifs de lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air ;

- à clarifier la faculté donnée aux communes qui ont mis en place des services réguliers de transport préalablement au transfert de la compétence d'organisation des mobilités à la région, de continuer à prélever le versement mobilité pour financer ces services, après en avoir informé la région ;

- en matière de transports scolaires , à favoriser l'ouverture des services de transports scolaires à d'autres usagers et à permettre à Île-de-France Mobilités de déléguer l'organisation de ces services à différentes personnes publiques ou privées , en reprenant les possibilités prévues par le droit commun applicable aux autres régions.

2. Renforcer la coordination entre les autorités organisatrices de la mobilité

La seconde préoccupation du Sénat était de renforcer la coordination et la concertation entre les autorités organisatrices de la mobilité , afin de favoriser une mobilité fluide et sans rupture de charge. Plusieurs ajouts en ce sens ont été confirmés aux articles 4 et 6 :

- le principe d'une concertation préalable à la délimitation par la région des bassins de mobilité avec les AOM, les syndicats mixtes de transport, les départements, ainsi que les communautés de communes ou communes isolées concernés ;

- la définition de contrats opérationnels de mobilité à l'échelle de chaque bassin de mobilité entre la région, les AOM, les syndicats mixtes de transport et les départements concernés, afin de préciser les modalités concrètes de la coordination entre les différentes autorités organisatrices ;

- la nécessité pour les AOM de consulter au moins une fois par an le comité des partenaires , qui associe a minima les représentants des employeurs et des associations d'usagers ou d'habitants ;

- le principe de coordination de l'action des collectivités, groupements et organismes concourant au service public de l'emploi en matière de mobilité solidaire , permettant notamment d'intégrer les départements, maillon essentiel en matière d'action sociale .

3. Enrichir le contenu des documents de planification en matière de mobilité

La troisième préoccupation du Sénat s'agissant du volet « gouvernance » était d' enrichir le contenu des documents de planification en matière de mobilité, mentionnés à l'article 5. Plusieurs modifications en ce sens ont été conservées, notamment :

- l'ajout au sein du plan de mobilité d'un volet consacré à la continuité et à la sécurisation des itinéraires cyclables et piétons , et définissant les principes de localisation des zones de stationnement des vélos à proximité des gares, des pôles d'échanges multimodaux et des entrées de ville situés dans le ressort territorial ;

- la prise en compte du ou des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) par le plan de mobilité - l'Assemblée nationale a complété cette disposition pour prévoir que le plan de mobilité est compatible avec le PCAET lorsque ce dernier couvre en totalité le ressort territorial de l'AOM concernée ;

- l'intégration par le plan de mobilité d'un schéma de desserte fluviale ou ferroviaire lorsque l'agglomération est desservie par une voie de navigation fluviale, devant notamment identifier les quais utilisables pour les transports de marchandises et de passagers, les zones et les équipements d'accès au réseau ferré, ainsi que leur articulation avec les équipements logistiques existants et futurs - l'Assemblée nationale a rendu ce schéma facultatif et non obligatoire ;

- l'obligation faite aux EPCI d'Île-de-France d'élaborer un plan local de déplacements , en complément du plan de mobilité régional
- l'Assemblée nationale a exclu de cette obligation les communautés de communes d'Île-de-France.

C. CLARIFIER LE CADRE JURIDIQUE DE L'OUVERTURE DES DONNÉES DE TRANSPORT, PERMETTRE AUX DÉPARTEMENTS D'ADAPTER LOCALEMENT LA RÈGLE DES 80 KM/H ET MIEUX RÉGULER LES NOUVELLES MOBILITÉS (TITRE II)

1. L'ouverture des données nécessaires à l'information du voyageur et le développement des services d'information et de billettique multimodales dans des conditions équilibrées pour les autorités organisatrices et leurs opérateurs.

Le Sénat a accueilli favorablement le principe de l'ouverture des données (article 9). Mais il a également souhaité s'assurer que le dispositif n'impose pas de charges disproportionnées aux collectivités territoriales .

Il s'est ainsi assuré que le coût de leur mise à disposition puisse être répercuté sur le réutilisateur , notamment en précisant que les critères de définition des « petits réutilisateurs » auxquels le principe de gratuité s'appliquera iront au-delà du seul critère du volume de données afin d'éviter les possibilités de contournement.

Il a également clarifié le fait que la mission d'animation de l'ouverture des données confiée aux régions et aux métropoles relève d'une démarche d'accompagnement , qui n'avait donc pas vocation à faire l'objet d'un contrôle, d'un règlement des différends ou d'une sanction par l'Autorité de régulation des transports.

Afin de garantir l'efficacité de cette mission en misant sur l'intelligence territoriale, le Sénat a également permis de confier aux métropoles cette mission d'animation au-delà de leur territoire , c'est-à-dire à l'échelle du bassin de mobilité, si la région en est d'accord.

Enfin, le Sénat a clarifié le fait que les données issues des services d'engins de déplacement personnel étaient bien concernées par l'ouverture des données.

Le Sénat avait créé, à l'article 11, un numéro unique d'appel national pour la réservation et l'accompagnement des personnes à besoins spécifiques dans le transport ferroviaire . Cet élément a été conservé dans son esprit à l'Assemblée nationale à la suite d'une concertation : le dispositif prévoit désormais la création d'une plateforme unique de réservation associant tous les acteurs et l'accueil en gare en un point d'accueil unique.

Enfin, bien que regrettant le recours à une ordonnance à l'article 13, le Sénat a voté l'élargissement de sa portée proposé par le Gouvernement ? notamment afin de renforcer l'information à la disponibilité des AOM en vue d'améliorer la conduite de leur politique de mobilité : dans le cadre de cette ordonnance, elles pourront avoir accès aux données des véhicules connectés pour mieux connaître les flux du trafic routier et, pour leur mission d'organisation de la mobilité, aux données relatives aux déplacements produites par les services numériques d'assistance au déplacement (par exemple, l'application Waze).

2. Un élargissement du pouvoir de police et de la circulation afin de permettre aux présidents de département d'adapter localement la règle des 80 km/h, d'encourager la création de voies réservées et leur contrôle et de permettre la mise en place d'une tarification de stationnement solidaire

La réduction de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/ h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central au 1 er juillet 2018 a été vécue comme pénalisante dans de nombreux territoires enclavés, pour lesquels la route constitue un moyen de déplacement incontournable.

Le groupe de travail sur la sécurité routière mis en place par le Sénat avait recommandé, au mois d'avril 2018, que la décision de réduction des vitesses soit décentralisée au niveau des départements , afin de l'adapter aux réalités des territoires, en prenant appui sur les commissions départementales de la sécurité routière 5 ( * ) .

Afin de redonner du pouvoir d'appréciation aux élus locaux, le Sénat a introduit dans le projet de loi un article 15 bis B permettant aux présidents de département et aux préfets de remonter les vitesses maximales autorisées sur les voies dont ils ont la gestion , par arrêté motivé et après avis de la commission départementale de la sécurité routière.

L'Assemblée nationale a limité cette possibilité aux seuls présidents de département , et ajouté la condition de réalisation d'une étude d'accidentalité préalable. La commission regrette que cette faculté d'adaptation de la norme au contexte local n'ait pas été conservée pour les préfets , et qu'elle ne puisse donc pas concerner les routes nationales, qui peuvent pourtant jouer un rôle important dans le désenclavement de certains territoires.

Par ailleurs, afin d'encourager les mobilités partagées , et en particulier le covoiturage, qui permet de réduire l'autosolisme et donc les congestions routières et les émissions de gaz à effet de serre, le Sénat a introduit dans la loi la possibilité de créer des voies réservées aux transports en commun et au covoiturage sur les routes et les autoroutes (article 15).

En vue d'assurer un meilleur contrôle des voies réservées, l'article 16 a été complété pour étendre aux services de police municipale la possibilité de mettre oeuvre des dispositifs de contrôle automatisé des voies réservées .

Afin d'améliorer la protection et l'information des personnes concernées par ces contrôles, le Sénat également a prévu :

- l'obligation de traiter les données collectées en masquant de manière irréversible l'identification des personnes présentes à bord du véhicule, à l'exception du conducteur ;

- l'information du public préalablement à la mise en place de dispositifs de contrôles automatisés.

En matière de stationnement , deux dispositifs ont été insérés par le Sénat :

- la possibilité pour les collectivités de définir des tarifs de redevance de stationnement spécifiques en fonction du revenu des personnes ou du nombre de personnes vivant au sein de leur foyer, afin de favoriser la mobilité des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale (article 15 bis ) ;

- la possibilité pour les EPCI à fiscalité propre et les établissements publics territoriaux en Ile-de-France d'instituer une redevance de stationnement , après accord d'Ile-de-France Mobilités (article 15 ter ).

Enfin, un article 14 bis a été introduit prévoyant que les conventions passées entre les autorités organisatrices de la mobilité et les entreprises de transport doivent encourager le développement de solutions de mobilité innovantes .

3. Mieux réguler les nouvelles mobilités (free-floating, vélotaxis, co-transportage de colis)

S'il permet d'offrir de nouvelles solutions de mobilité peu polluantes pour les citoyens, l'essor rapide et non-contrôlé de nouveaux services de mobilité partagée , comme le free-floating , pose des problèmes de sécurité et de partage de l'espace public.

C'est pourquoi, le Sénat a adopté plusieurs dispositions visant à donner aux collectivités des outils pour mieux réguler ces services :

- s'agissant des véhicules et engins en free-floating (article 18), le Sénat a permis aux collectivités de soumettre les opérateurs de ces services de partage au respect d'un certain nombre de règles relatives au nombre de véhicules et d'engins mis en circulation, à leurs conditions de déploiement, à leurs émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, à l'interdiction d'apposer sur ces véhicules de la publicité, ainsi qu'au paiement d'une redevance d'occupation du domaine public. Alors que le Sénat avait souhaité que ces règles soient définies dans le cadre d'une autorisation préalablement délivrée aux opérateurs de free-floating souhaitant exercer leur activité, l'Assemblée nationale a prévu de les intégrer dans le régime des titres d'occupation du domaine public ;

- s'agissant des vélotaxis (article 19), le Sénat avait souhaité permettre aux communes et aux EPCI compétents en matière de police de la circulation et du stationnement de soumettre ces engins à un régime d'autorisation préalable - l'Assemblée nationale a remplacé ce régime par la possibilité de soumettre ces services de transport à des prescriptions particulières, afin de s'assurer qu'ils respectent les obligations légales d'aptitude et de sécurité.

Par ailleurs, afin d'encadrer l'activité de co-transportage de colis (article 17), qui n'est aujourd'hui pas réglementée, le Sénat a inscrit dans le projet de loi la définition de cette activité , et précisé que le montant des contributions financières perçues par le conducteur au titre de celle-ci ne pourront dépasser un plafond annuel fixé par arrêté , sans quoi l'activité sera qualifiée d'activité professionnelle de transport public routier de marchandises.

D. ENCOURAGER L'USAGE DU VÉLO ET LE DÉVELOPPEMENT DES VÉHICULES PROPRES AFIN DE LUTTER CONTRE LA POLLUTION DE L'AIR (TITRE III)

1. Promouvoir l'usage du vélo

Afin d'encourager le développement du vélo , le Sénat a introduit de nombreuses dispositions dans le projet de loi :

- l'interdiction d'aménager des places de stationnement cinq mètres en amont des passages piétons, sauf pour les cycles et les engins de déplacement personnels , et la mise en conformité des emplacements dans un certain délai - avancé par l'Assemblée nationale de 2029 au 31 décembre 2026 - (article 21 bis ) ;

- la modulation du nombre de stationnements sécurisés pour vélos en fonction de la fréquentation des gares (article 22) ;

- la possibilité de supprimer des places de véhicules motorisés au profit de places pour les vélos lorsque la surface des emprises pour créer des emplacements de stationnement pour les vélos est insuffisante (article 22) ;

- l'obligation pour les trains neufs et rénovés, ainsi que pour les autocars neufs utilisés pour des services réguliers de transport public - à l'exception des services urbains - de disposer d'un nombre minimal d'emplacements destinés au transport de vélos non démontés (article 22) ;

- l'apprentissage obligatoire de l'usage du déplacement à vélo par les élèves du premier degré (article 22 bis A) - l'Assemblée nationale a précisé que cet apprentissage pourrait être organisé dans un cadre scolaire, périscolaire ou extrascolaire, et que les programmes d'enseignement du premier degré « visent à faire acquérir à l'élève « la compétence d'adapter ses déplacements à des environnements variés et contribuent à cet apprentissage » ;

- l'obligation que les places de vélos créées dans les nouveaux bâtiments accueillant des services publics ou dans les établissements commerciaux soient sécurisées (article 22 bis C) ;

- l'inscription dans la loi du schéma national des véloroutes , qui définit le réseau structurant de véloroutes sur le territoire national (article 22 bis ) ;

- l'obligation pour les gestionnaires de voirie de mener une étude sur la nécessité et la faisabilité de réaliser un aménagement cyclable sur les voies interurbaines à l'occasion de la création d'une nouvelle voie ou lors de l'aménagement d'une voie existante (article 22 ter ).

2. Encourager le développement des véhicules à faibles émissions

Plusieurs dispositions introduites par le Sénat afin d'encourager le développement des véhicules à faibles émissions ont été maintenues par l'Assemblée nationale.

À l'article 23, portant sur le développement des infrastructures pour la mobilité durable, la clarification du statut juridique de l'activité de recharge en gaz et la modulation de la prise en charge du tarif de raccordement des bornes de recharge électrique ouvertes au public pour améliorer la couverture des territoires peu denses en solutions de mobilité propre ont été conservés.

L'article 23 bis clarifiant les missions des gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité en matière d'études de raccordement a également été maintenu par les députés.

Concernant les renouvellements de flottes de véhicules , le Sénat a introduit des obligations de verdissement des flottes pour les entreprises gérant un parc de plus de 100 véhicules à l'article 26 A. Toutefois l'Assemblée nationale a substantiellement relevé ces obligations, à un niveau qui semble peu réaliste et qui pourrait constituer une charge importante pour les entreprises 6 ( * ) .

En outre, l'article 26 B, introduit par le Sénat en première lecture, créant des obligations d'acquisition de véhicules à faible émission par les centrales de réservation , n'a été modifié qu'à la marge par les députés, qui ont souhaité renvoyer la fixation du taux de renouvellement au décret.

Enfin, l'article 28 bis qui permet aux collectivités territoriales de mutualiser leurs flottes de véhicules à faibles émissions a été conservé
- tout en étant élargi à l'ensemble des flottes de véhicules.

3. Lutter contre la pollution de l'air

Afin d'accroitre le recours au forfait mobilités durables , qui permet une prise en charge par les employeurs d'une partie des frais de déplacement domicile-travail de leurs salariés à vélo ou en covoiturage bénéficiant d'une exonération fiscale et sociale dans la limite de 400 euros par an, le Sénat l'a ouvert aux conducteurs des trajets en covoiturage (et non seulement aux passagers), et a permis aux salariés de cumuler ce forfait avec la prise en charge de l'abonnement aux transports aux communs
- l'Assemblée a limité l'avantage fiscal de ce cumul à 400 euros par an (article 26).

S'agissant de la lutte contre la pollution de l'air , le Sénat a étendu la possibilité de mettre en place des zones à faibles émissions à toutes les agglomérations et non seulement aux agglomérations de plus de 100 000 habitants (article 28).

Par ailleurs, comme pour le contrôle des voies réservées, le Sénat a prévu, dans le cadre des contrôles automatisés des zones à faibles émissions, l'obligation de traiter les données collectées en masquant de manière irréversible l'identification des passagers du véhicule .

Enfin, il a été prévu qu'en Ile-de-France, l'étude obligatoire portant sur la mise en place d'une zone à faibles émissions soit réalisée par la Métropole du Grand Paris et non par chacun de ses établissements publics territoriaux (article 27).

4. Lutter contre les nuisances sonores provoquées par les trains

Afin de mieux appréhender les pics de bruits dans la mesure des nuisances sonores ferroviaires, le Sénat a adopté un article 28 ter qui prévoit que les indicateurs évaluant ces nuisances prennent en compte des critères d'intensité, en particulier à travers la définition d'indicateurs de bruit événementiel. Un arrêté devra être pris pour préciser les modalités d'évaluation des nuisances sonores ferroviaires en tenant compte de ce critère.

E. GARANTIR LA SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS ET RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DU TRANSPORT MARITIME ET FLUVIAL (TITRE V)

1. Garantir la sécurité dans les transports collectifs

L'Assemblée nationale a conservé plusieurs mesures introduites ou modifiées par le Sénat en première lecture et relatives à la sûreté dans les transports collectifs de personnes . Il s'agit notamment des mesures visant à :

- adapter le périmètre d'intervention du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la RATP à l'article 33 : consécration du monopole du GPSR sur la sûreté des réseaux souterrains de transport public guidé et clarification de ses compétences concernant les réseaux de surface (intervention de droit sur les lignes de tramway et de transport routier régulier ou à la demande exploitées par la RATP et intervention à la demande de l'autorité organisatrice de la mobilité ou des exploitants pour les autres services de transport public guidé et de transport routier réguliers ou à la demande fournis dans le périmètre de l'Île-de-France) contrôle de l'Autorité de régulation des transports sur la tarification des prestations de sûreté du GPSR ;

- encadrer strictement les possibilités de recours à l'intervention des équipes cynotechniques pour la recherche et la détection d'explosifs dans les transports publics ferroviaires ou guidés et leurs infrastructures (article 32) ;

- améliorer la répression des infractions à la police du transport ferroviaire ou guidé en cas de fuite du contrevenant (article 32 bis ) ;

- mettre en place un dispositif expérimental autorisant l'utilisation de caméras-piétons par les agents assermentés de l'exploitant d'un service de transport (article 32 ter ).

2. Sécuriser les passages à niveau

Le Sénat a renforcé la sécurité des passages à niveau , en introduisant plusieurs dispositions nouvelles dans le texte :

- l'obligation pour les opérateurs de GPS de fournir aux utilisateurs les informations relatives à la localisation des passages à niveau sur les itinéraires routiers qu'ils empruntent (article 33 bis ) ;

- pour les véhicules de transport collectif d'être équipés de dispositifs permettant la localisation des passages à niveau (article 33 ter ). L'Assemblée nationale a toutefois réduit la portée de cette disposition , en étendant le champ de l'exonération (aux véhicules qui effectuent des services réguliers de manière non-exclusive) et en prévoyant que les dispositifs de localisation peuvent être fixes ou amovibles ;

- la réalisation d'un diagnostic de sécurité des passages à niveau ouverts au trafic automobile par les gestionnaires de voirie, en coordination avec le gestionnaire d'infrastructure ferroviaire (article 33 quater ). L'Assemblée nationale a étendu ce dispositif aux passages à niveau ouverts à la circulation ferroviaire, routière et piétonne.

3. Renforcer la compétitivité du transport maritime et fluvial

En première lecture , le Sénat avait validé l'essentiel des dispositions du projet de loi consacrées au renforcement de la compétitivité du transport de fret maritime et fluvial français tout en apportant des compléments et des enrichissements sur plusieurs sujets.

À l' article 35 , des précisions avaient été apportées afin de sécuriser la possibilité, pour les grands ports maritimes (GPM), de conclure de simples conventions domaniales pour l'exploitation de leurs terminaux et, plus largement, pour la réalisation des missions que leur assigne le code des transports. La possibilité accordée aux GPM d'indemniser leurs cocontractants, dans le cadre d'une convention de terminal, pour les éléments immobiliers qu'ils ont réalisés de leur propre initiative (et d'acquérir les biens meubles nécessaires à l'activité exercée), vise en outre à créer un chaînage vertueux pour le développement de l'infrastructure portuaire et devrait soutenir la compétitivité (prix et hors prix) des places portuaires, en assurant le renouvellement de l'outil industriel.

Le Sénat a également adopté des amendements permettant à la commission des investissements des GPM d'être informée sur la politique de celui-ci en matière de recours aux conventions de terminal et aux concessions de services et de travaux.

Enfin, le Sénat a précisé que le recours à des concessions de travaux ou de services doit répondre à des besoins « spécifiques » du GPM.

Les députés ont conservé l'essentiel de ces apports et en ont même renforcé la portée , en garantissant une périodicité minimale pour la présentation, à la commission des investissements, des orientations du GPM concernant le recours aux conventions de terminal ou aux concessions, et en précisant que le nouveau titulaire d'une convention de terminal ou d'une concession bénéficie de droits réels sur les immeubles qu'il a financés par un droit d'entrée en contrepartie de l'indemnisation susmentionnée, afin de faciliter le financement de son implantation.

Le Sénat a introduit un article 35 bis mettant en place un dispositif provisoire permettant de déroger aux règles relatives à la maîtrise de la langue et de la réglementation françaises pour les capitaines de navires et leurs suppléants. Dans la perspective du Brexit , l'objectif de cette mesure était de faciliter, pour les armateurs disposant de navires sous pavillon britannique, le rapatriement de navires sous pavillon français et leur inscription sur le registre international français.

À l' article 37 , le Sénat a adopté plusieurs modifications visant à préciser le champ de nombreuses habilitations à légiférer par ordonnance demandées par le Gouvernement et à réduire le délai accordé à ce dernier pour prendre certaines de ces ordonnances .

Plusieurs modifications complémentaires ont été introduites pour mettre en place une expérimentation permettant au représentant de l'État territorialement compétent d'autoriser, pour une durée limitée, la navigation des bateaux, engins flottants et navires autonomes ou commandés à distance , à l'amont de la limite transversale de la mer ainsi que sur les lacs et plans d'eau.

D'autres précisions avaient été apportées afin de sécuriser l'opérateur Voies navigables de France dans l'exercice de ses missions actuelles et futures .

Sans remettre en cause ces apports, les députés ont adopté plusieurs amendements visant à :

- ratifier les ordonnances n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française et n° 2015-1736 du 24 décembre 2015 portant transposition de la directive 2012/33/UE du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32/CE en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins ;

- préciser le champ de plusieurs habilitations autorisant le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance, notamment celle relative aux dérogations aux règles applicables aux marins, y compris en matière sociale, pour les professionnels n'exerçant leur activité de marin qu'à titre accessoire ;

- ajouter trois nouvelles habilitations concernant en premier lieu, le renforcement des sanctions applicables en cas de non-respect des règles de police en matière de navigation intérieure, en second lieu, la transposition de la directive 2017/2397 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et, en troisième lieu, le renforcement des conditions d'accès à la profession de transporteur public fluvial de personnes.

Les députés ont également adopté une série d'amendements pour améliorer et moderniser certaines dispositions du code des transports , s'agissant par exemple de la définition de l'épave , de la formalisation des contrats des marins et de la suppression de l'état des services qui n'avait jamais été mis en place.

L'Assemblée nationale a également prévu que les titres de sécurité ou les certificats de prévention de la pollution des navires d'une longueur inférieure à 24 mètres , à l'exception de ceux délivrés pour les navires à passagers et de ceux délivrés par les sociétés de classification (conformément au souhait exprimé en commission au Sénat), sont délivrés sans limitation de durée . L'objectif de cette mesure est de concentrer les contrôles sur les navires « à risques » par le redéploiement des moyens actuellement consacrés aux contrôles périodiques systématiques de certains navires, comme les navires de pêche. Les députés ont par ailleurs adopté un amendement unifiant le contentieux social individuel des marins au sein de la juridiction judiciaire, en transférant au juge judiciaire les litiges relatifs aux sanctions disciplinaires.

Enfin, le Sénat avait souhaité conforter VNF dans ses différentes missions administratives, industrielles et commerciales en créant, à l'initiative du rapporteur, un contrat d'objectif et de performance (COP) liant cet établissement public à l'État, au sein d'un nouvel article 37 bis .

4. Dispositions relatives au transport ferroviaire et routier

L'Assemblée nationale a maintenu les modifications du Sénat insérées à l'article 46, à savoir l'extension du champ des dérogations applicables aux lignes destinées uniquement à l'exploitation de services ferroviaires urbains ou suburbains de transport ferroviaire de voyageurs et aux lignes qui ne sont utilisées, pour des services ferroviaires de transport de marchandises, que par une seule entreprise ferroviaire locale, afin de les exempter des règles relatives à la régulation par l'Autorité de régulation des transports.

En outre, l'Assemblée nationale a maintenu la possibilité, introduite au Sénat à l'article 46 bis , de transfert de la gestion des lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic du réseau ferré national aux collectivités territoriales et à leur groupements qui en feraient la demande.

S'agissant du transport routier, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur la suppression, par le Sénat, de la peine d'emprisonnement en cas de fraude habituelle au péage initialement prévue à l'article 40, la nature de l'infraction commise ne justifiant pas une telle sanction - elle a en revanche rétabli l'obligation, pour le Trésor public, de faire opposition au transfert du certificat d'immatriculation du véhicule en cas de non-paiement de l'amende forfaitaire majorée.

5. Dispositions relatives au Grand Paris Express

L'Assemblée nationale a conservé - et précisé - plusieurs dispositions relatives au Grand Paris Expres introduites par le Sénat , notamment :

- l'article 38 bis , qui vise à octroyer la possibilité à Île-de-France Mobilités de recourir à un marché global de conception - réalisation pour les sites de maintenance et de remisage des services de transport collectif de personnes, dans l'objectif de permettre à IDFM d'obtenir plus rapidement les sites de maintenance et de remisage de matériels roulants dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des services de transport par autobus dès le 1 er janvier 2025 ;

- l'article 38 ter , qui précise que les dispositions du code de la commande publique relative aux modifications du contrat de concession et à l'indemnisation du concessionnaire en cas de résiliation du contrat sont applicables aux contrats de service public conclus par Île-de-France Mobilités pour l'exploitation des lignes de métro qu'il met en concurrence .

6. Dispositions diverses

L'Assemblée nationale a conservé plusieurs apports du Sénat relatifs à la procédure de transfert des salariés de la RATP en cas de changement d'attributaire d'un contrat de service public portant sur un service de transport public urbain par autobus en Île-de-France (article 39). Elle a en outre précisé la procédure applicable en cas de transfert vers le nouvel attributaire. L'article dans sa nouvelle rédaction prévoit ainsi que le salarié dont le contrat de travail est transféré peut faire connaître à son employeur son refus par écrit dans un délai de deux mois à compter du moment où il est informé que son contrat doit être transféré. À défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté le transfert de son contrat. En outre, il est prévu que le refus de transfert constitue le motif de rupture de son contrat de travail ; cette rupture repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Elle est prononcée par le cessionnaire et prend effet à la date effective du changement d'exploitant du service. Le salarié, quelle que soit son ancienneté, a droit à une indemnité versée par le cessionnaire, qui se substitue à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail.

Le Sénat a également renforcé les modalités d'éviction des contrevenants à un ensemble de dispositions du code des transports 7 ( * ) sans domicile fixe des véhicules de transport et des gares lorsqu'un hébergement d'urgence a été trouvé . L'Assemblée nationale a précisé ce dispositif, notamment pour prévoir que les mesures d'éviction sont mises en oeuvre de façon proportionnée, en tenant compte de la vulnérabilité éventuelle de la personne.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. DE NOUVELLES DISPOSITIONS N'APPELANT PAS DE RESERVES PARTICULIERES

1. Les modifications relatives à la programmation financière des infrastructures (Titre Ier A/titre IV)

L'Assemblée nationale a complété le rapport annexé par de nouvelles dispositions utiles , notamment : la mention selon laquelle la programmation des dépenses de l'Afitf est appréciée de façon globale (13,7 milliards d'euros sur 2019-2023) pour permettre de lisser sur la durée les dépenses et de rattraper l'écart de 200 millions constaté en 2019 entre le budget de l'Agence et la programmation, l'affectation à l'Afitf du surplus des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion , la mention des projets de « RER métropolitains » parmi les opérations à enclencher dans le domaine ferroviaire ou encore la mention selon laquelle la programmation financière tient compte des enjeux en matière d'accessibilité des territoires de montagne, insulaires, ultra-marins et frontaliers.

Par ailleurs, l'article 1 er A relatif aux objectifs de la programmation des infrastructures a été complété pour affirmer l'objectif d'amélioration des offres de déplacements du quotidien et prévoir la prise en compte d'un objectif de sécurité pour le déploiement des nouvelles solutions de mobilité ou des mobilités alternatives .

Enfin, les députés ont inséré dans le titre I er A deux nouveaux articles :

- un article 1 er DA qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 24 mois, toute mesure afin de créer un ou plusieurs établissements publics locaux ayant pour mission le financement d'un ensemble cohérent d'infrastructures de transport terrestre . Il s'agit d'une demande de plusieurs territoires qui souhaitent pouvoir créer, sur le modèle de la Société du Grand Paris, un établissement local permettant de financer une infrastructure de transport ;

- un article 1 er EA qui prévoit qu'en cas de défaillance du maître d'ouvrage à réaliser le bilan économique et social d'un projet d'infrastructure réalisé avec le concours de financements publics cinq ans après sa mise en service, ce bilan est réalisé par un tiers, à la charge du maître d'ouvrage.

2. Les modifications relatives à la gouvernance des mobilités (Titre Ier)

L'Assemblée nationale a adopté de nombreuses modifications qui précisent et complètent le volet « gouvernance » du projet de loi.

À l'article 1 er , une modification a été opérée pour prévoir que les communautés de communes reprenant la compétence d'organisation des mobilités exercée par une région sont tenues de reprendre les différentes catégories de services organisés (réguliers, scolaires, à la demande) en bloc, et non de manière sécable.

À l'article 4 , plusieurs amendements ont été adoptés visant à : ajouter la répartition territoriale des points de vente physiques aux modalités de l'action commune des AOM que coordonne la région ; intégrer les gestionnaires de gares de voyageurs et de pôles d'échanges multimodaux dans la liste des parties au contrat opérationnel de mobilité ; préciser qu'un EPCI ne peut être découpé en plusieurs bassins de mobilité, sauf accord formel de son assemblée délibérante ; permettre la création de bassins de mobilité interrégionaux ; rétablir les comités de suivi des dessertes ferroviaire.

De même, à l'article 5 , plusieurs modifications ont été effectuées afin : d'intégrer des objectifs d'amélioration des conditions de franchissement des passages à niveau ainsi que la lutte contre la pollution sonore dans les plans de mobilité ; de renommer le plan de mobilité rurale « plan de mobilité simplifié » ; de permettre explicitement au règlement d'un plan local d'urbanisme (PLU) d'imposer la réalisation d'aires de livraison ; de préciser que le plan de mobilité n'a pas de portée prescriptive vis-à-vis des PLU en matière de lutte contre l'étalement urbain ; de prévoir que le volet piéton et cycliste du plan de mobilité vise également à améliorer l'information des usagers (signalétique) ; d'intégrer dans le rapport de présentation des PLU portant sur des territoires non couverts par un plan de mobilité une analyse des flux de circulation franchissant les passages à niveau.

À l'article 7 , les amendements adoptés par l'Assemblée nationale visent à : préciser que les mesures particulières prises en faveur des personnes handicapées ou à mobilité réduite (PMR) en matière de transports doivent intégrer la diversité des handicaps (physiques mais aussi psychiques et cognitifs) ; préciser que les mesures tarifaires en faveur des PMR et de leurs accompagnateurs peuvent aller jusqu'à la gratuité ; introduire la notion de services de substitution, comprenant soit des transports de substitution (services spécifiques) soit des mesures de substitution (organisation particulière au sein de services existants) pour diversifier les solutions pouvant être apportées aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ; donner la possibilité aux AOM, lorsque la mise en accessibilité d'un arrêt identifié comme prioritaire est techniquement impossible, de mettre en place de services de substitution ou de mettre en accessibilité deux arrêts supplémentaires non prioritaires.

En outre, plusieurs articles additionnels ont été insérés au sein de ce titre :

- un article 1 er bis AA visant à intégrer la création ou l'aménagement de pôles d'échanges multimodaux aux objectifs d'intermodalité de la politique globale des transports ;

- un article 1 er bis A visant à permettre aux communes des îles mono-communales d'interdire la circulation sur l'ensemble de leur territoire ;

- un article 1 er bis B visant à compléter les objectifs du système des transports par une mention expresse de la mobilité active et par la lutte contre la sédentarité ;

- un article 5 bis prévoyant un avis de l'AOM sur les demandes de permis de construire portant sur des projets de construction de plus de deux cents nouveaux logements en habitat collectif , au regard des risques de saturation des infrastructures de transports ;

- un article 7 bis A, excluant de l'obligation de respecter des conditions techniques et de confort fixées par voie réglementaire les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) qui contribuent à la préservation du patrimoine automobile et des véhicules adaptés aux personnes à mobilité réduite ;

- un article 8 ter prévoyant que dans les territoires ultramarins archipélagiques, l'AOM met en place une politique de continuité territoriale inter-île .

3. Les modifications relatives à l'ouverture des données et aux nouvelles mobilités (Titre II)
a) Le cadre de l'ouverture des données

En ce qui concerne l'ouverture des données (article 9), plusieurs ajouts adoptés à l'Assemblée nationale sont à souligner :

- la poursuite de l'inclusion de tous les modes de mobilité dans le champ d'application de la démarche d'ouverture des données : inclusion des données de covoiturage à la demande des AOM ; transmission des données des taxis au service Le.Taxi dans des conditions équilibrées - avec la possibilité de passer par une centrale de réservation et la clarification des conditions dans lesquelles l'exploitant peut refuser d'effectuer une prestation de transport ;

- le renforcement de la portée des accords de licence d'utilisation et de réutilisation des données , afin de s'assurer que le réutilisateur respecte le cadre fixé par le producteur de la donnée, en particulier les autorités organisatrices et leurs opérateurs, en permettant à l'Autorité de régulation des transports de sanctionner les manquements aux conditions de réutilisation des données définies dans ces accords en édictant une interdiction temporaire d'accès à tout ou partie des données mises à disposition par le point d'accès national ;

- la possibilité, pour les associations de défense des intérêts des consommateurs , de demander à l'Autorité de régulation des transports de procéder à un contrôle des déclarations de conformité des fournisseurs de données et des fournisseurs de services d'information sur les déplacements.

Les députés ont également introduit une disposition renforçant les obligations actuellement en vigueur relatives à l'ouverture des données relatives aux points de recharge publics pour véhicules électriques ou hybrides .

Enfin, ils ont davantage précisé les étapes du calendrier de l'ouverture des données.

En créant un article 9 bis , l'Assemblée nationale a renforcé la base légale permettant à l'Autorité de régulation des transports d'exercer ses missions au travers de collectes régulières de données.

Le volet relatif aux services de billettique multimodale figurant à l'article 11 a été totalement réécrit suite aux conclusions de la concertation menée par le Gouvernement en parallèle de l'examen de la loi au Sénat
- méthode que la commission n'avait pas manqué de déplorer. L'approche du Sénat consistait à s'assurer que l'ouverture de la billettique n'aurait pas pour effet de priver les autorités organisatrices et leurs opérateurs de la maîtrise de leur politique tarifaire .

Cette préoccupation a été suffisamment prise en compte par les travaux de l'Assemblée nationale , qui prévoient plusieurs « garde-fous », tels que : des obligations générales à respecter par tout service numérique multimodal (intégration de l'ensemble des services de transport de façon à éviter que les plateformes ne choisissent de renseigner que les services rentables tout en délaissant les services les moins rentables ; la transmission au gestionnaire du service de transport des informations sur les déplacements effectués, le service après-vente des produits vendus et la lutte contre la fraude ; l'établissement d'un plan de gestion des informations concernant les services dont il assure la vente qui sont protégées par le secret des affaires ; la transparence des critères de classement utilisés pour présenter les différentes solutions de déplacement...) ; l'obligation de conclure un contrat dont le contenu est encadré, un pouvoir de régulation de l'Autorité de régulation des transports, la précision du dispositif par décret en Conseil d'État et une entrée en vigueur au 1 er juillet 2021 du dispositif de droit d'accès aux produits tarifaires. Par ailleurs, à l'initiative du Gouvernement, la compétence des AOM pour créer des services numériques multimodaux est désormais clairement affirmée.

L'Assemblée nationale a inséré un article 11 bis A, qui exige des services numériques d'information sur les déplacements mis en place par les autorités organisatrices de présenter l'ensemble des aides financières individuelles liées à la mobilité recensées ou mises en place dans le cadre de plan d'action sur la mobilité solidaire.

Les députés ont également introduit un article 11 bis obligeant les opérateurs de transport à publier par voie électronique les informations relatives à une annulation ou à un retard susceptible d'ouvrir des droits au voyageur. Entrant en vigueur six mois après la publication de la loi, ce dispositif permettra de renforcer la transparence en la matière et peut donc être accueilli favorablement.

L'Assemblée nationale a voté l'insertion d'un nouvel item de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance à l'article 13, et portant sur l'accès des services d'assurance aux données d'état de délégation de conduite enregistrées par les véhicules en cas d'accident de la route. Elle a également inséré la consultation obligatoire de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur les projets d'ordonnances présentés en application de cet article.

b) Le renforcement des aides au covoiturage

Plusieurs modifications ont été réalisées à l'article 15 pour encourager le covoiturage, notamment en permettant aux AOM de verser des aides aux conducteurs même si ceux-ci n'ont pas trouvé de passagers
- afin de les inciter à s'inscrire sur des plateformes de covoiturage -, en permettant que les allocations reçues par les conducteurs excèdent le simple partage de frais pour les déplacements de courte distance - dans la limite de deux déplacements par jour et par conducteur - et en prévoyant une défiscalisation de ces allocations jusqu'en 2022.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a précisé que seuls les taxis , et non l'ensemble des véhicules de transport public particulier de personnes, pourront circuler sur les voies réservées .

Les députés ont adopté un article 18 bis pour étendre aux engins à déplacement personnel et aux vélos à assistance électrique les sanctions prévues par le code de la route en cas de débridage de ces engins (un an d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende)

c) De nouvelles dispositions relatives aux VTC

L'Assemblée nationale a adopté quatre articles additionnels relatifs aux véhicules de transport avec chauffeur (VTC) qui règlent certaines difficultés rencontrées par cette profession :

- la possibilité pour les chambres de métier et de l'artisanat de confier l'organisation des sessions d'examens VTC à des personnes agréées par l'autorité administrative présentant des garanties d'honorabilité', de capacité' d'organisation, d'impartialité' et d'indépendance (article 20 bis ) ;

- la création d'une base de données nationale sur le transport public particulier de personnes recensant les informations relatives aux conducteurs, aux exploitants et aux véhicules, pour permettre la dématérialisation des procédures relatives à l'exercice des professions du transport public particulier au 1 er janvier 2022, et pour faciliter le contrôle des professionnels et la lutte contre les fraudes (article 20 ter ) ;

- le droit d'accès des travailleurs des plateformes a` l'ensemble des données concernant leurs activités propres au sein de la plateforme et permettant de les identifier, dans un format structuré (article 20 quater ) ;

- une habilitation au Gouvernement à légiférer par ordonnance pour déterminer : les modalités de vérification et de délégation de la vérification des conditions d'aptitude professionnelle des transports particuliers de personnes en vue d'améliorer l'organisation de l'examen ; les modalités de représentation des travailleurs indépendants et les conditions d'exercice de cette représentation (article 20 quinquies ).

4. Les modifications relatives aux véhicules propres, aux mobilités actives et à la lutte contre la pollution de l'air (Titre III)
a) Le développement de l'usage du vélo

L'Assemblée nationale a inséré deux nouveaux articles dans le projet de loi relatifs aux servitudes de marchepied et de halage : un article 21 BA qui permet à l'autorité' administrative de restreindre l'usage des servitudes de marchepied afin de préserver la biodiversité, et un article 21 C qui permet à Voies navigables de France (VNF) de promouvoir l'usage du vélo sur le réseau qui lui est confié' et d'ouvrir, sauf impossibilité' technique avérée, les chemins de halage aux cyclistes en passant des conventions avec les personnes publiques concernées.

S'agissant des vélos , l'Assemblée nationale a complété et précisé les articles insérés au Sénat, notamment en :

- prévoyant que l'autorisation donnée à un ou plusieurs copropriétaires d'effectuer à leurs frais les travaux permettant le stationnement sécurisé des vélos dans les parties communes peut être décidée à la majorité simple des copropriétaires présents (22 bis AAA) ;

- inscrivant dans le code de la voirie routière une définition des véloroutes (article 22 bis ) ;

- étendant l'obligation de créer des stationnements pour vélos sécurisés aux travaux réalisés sur un parc de stationnement annexe à un ensemble d'habitations, à un bâtiment commercial et à un bâtiment accueillant du public (article 22 bis C) ;

- indiquant que la création d'itinéraires cyclables lors de la réalisation ou de la rénovation de voies urbaines peut être satisfaite en autorisant les cyclistes à emprunter une voie en site propre destinée aux transports collectifs, mais uniquement si l'emprise est insuffisante pour permettre la réalisation d'une bande cyclable (article 22 ter A) ;

- rendant la création d'un itinéraire cyclable obligatoire lors de la réalisation ou de l'aménagement d'une voie interurbaine lorsque, sur le fondement de l'étude préalable, le besoin est avéré - et sauf impossibilité technique et financière - (article 22 ter ) ;

- prévoyant que la continuité des aménagements piétons et cyclables existants doit être maintenue à l'issue de la construction et de la réhabilitation d'infrastructures de transport terrestre ou fluvial, en cas de besoin avéré et de faisabilité technique et financière (article 22 quater ).

b) Le développement des véhicules propres

Dans la continuité des travaux du Sénat, les députés ont encouragé le développement des véhicules propres .

Concernant le développement des infrastructures pour la mobilité durable, l'Assemblée a introduit plusieurs dispositions nouvelles à l'article 23, notamment celles visant à faciliter le raccordement au réseau public de distribution d'électricité des bornes de recharges pour véhicules électriques en autorisant leur raccordement indirect, à donner davantage de souplesse au raccordement indirect des infrastructures de recharge , en prévoyant que l'installation d'un mécanisme de décompte individuel n'est obligatoire qu'en cas de demande expressément formulée, et à appliquer des sanctions pénales en cas de méconnaissance des nouvelles obligations de pré-équipement des bâtiments proposées par le projet de loi.

Sur le sujet des infrastructures, les députés ont également inséré deux articles nouveaux :

- un article 23 quater visant à la mise en place de schémas territoriaux de développement des bornes de recharge de véhicules électriques , non contraignants, par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les autorités organisatrice de la mobilité (AOM) ou les autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE) , accompagnés d'une prolongation de la réfaction tarifaire sur les raccordements entre 2022 et 2025 pour inciter les territoires à la mise en oeuvre de ces dispositions ;

- un article 24 bis prévoyant une compétence des métropoles pour créer des points de ravitaillement en gaz ou en hydrogène pour véhicules ou pour navires.

Les députés ont par ailleurs adopté des dispositions relatives aux aires de stationnement :

- un article 23 bis A, qui ouvre la faculté pour les organismes HLM de sous-louer leurs aires de stationnement ;

- un article 25 ter visant à garantir l'application de l'article L. 151-31 du code de l'urbanisme qui permet de réduire de 15 % les obligations réglementaires de construction de parkings dans les immeubles neufs dans le cas où des véhicules électriques dotées de bornes ou des véhicules propres en auto-partage sont mis à disposition par le promoteur.

L'Assemblée nationale a en outre largement modifié l'article 23 ter qui avait été introduit en première lecture au Sénat. Cet article définit désormais un régime juridique général relatif aux carburants alternatifs : définition des carburants alternatifs, principales propriétés attendues des infrastructures de recharge et d'avitaillement en carburants alternatifs, règles techniques d'utilisation, amendes administratives en cas de non-respect de l'obligation de mise en oeuvre de l'interopérabilité de l'infrastructure pour permettre l'itinérance de la recharge ou du ravitaillement.

L'Assemblée nationale a également adopté des dispositions relatives aux obligations de renouvellement des flottes de véhicules :

- un article 26 AC qui prévoit un renforcement substantiel des obligations de verdissement des flottes publiques ;

- un article 26 CB qui repousse à 2023 les obligations législatives de renouvellement du parc automobile pour les véhicules de transport de marchandises , en raison de l'offre insuffisante de véhicules utilitaires légers propres.

Les députés ont aussi adopté des dispositions tendant à garantir le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux véhicules propres par :

- l'introduction à l'article 29 d'un régime de sanctions pour les personnes faisant réaliser sur un véhicule des transformations ayant pour effet de supprimer un dispositif de maîtrise de la pollution ;

- un nouvel article 29 bis visant à interdire aux exploitants de centres de contrôle technique de véhicules l'exercice d'une activité dans le commerce ou la réparation automobile.

Enfin, un nouvel article 26 ABA introduit par l'Assemblée nationale habilite le Gouvernement à transposer la directive modifiant la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie 8 ( * ) .

c) La lutte contre la pollution de l'air

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs modifications substantielles à l'article 26 , en incluant la question de l'amélioration des mobilités domicile-travail dans les négociations obligatoires des entreprises dont plus de cinquante salariés sont employés sur un même site, et en rendant la mise en place d'un plan de mobilité employeur obligatoire en cas d'absence d'accord sur ce sujet - ce plan devant dans ce cas inclure des dispositions relatives aux déplacements domicile-travail

Cela conduirait des entreprises de plus de cinquante salariés à devoir mettre en place un tel plan de mobilité, alors que cette obligation ne concerne aujourd'hui que les entreprises regroupant plus de cent salariés , soit une diminution par deux du seuil qui pourrait être contraignante pour les plus petites entreprises.

S'agissant du forfait mobilités durables , les députés ont :

- étendu le bénéfice de ce forfait à l'utilisation d'autres services de mobilité définis par décret ;

- prévu que le montant, les modalités et les critères d'attribution de la participation aux frais de déplacement des entreprises soient déterminés par accord d'entreprise, par accord interentreprises ou par accord de branche - à défaut d'un tel accord, cette prise en charge sera mise en oeuvre par décision unilatérale de l'employeur ;

- prévu que cette prise en charge puisse prendre la forme d'une solution de paiement spécifique (titre-mobilité), dématérialisé et prépayé.

Par ailleurs, un nouvel article 26 bis A a été inséré habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les conditions de la prise en charge par l'employeur des frais de transport au regard d'un bilan effectué 18 mois après la promulgation de la loi, et permettre d'expérimenter des modalités particulières à certaines régions selon lesquelles l'employeur prend en charge une partie des frais de transport.

En matière de lutte contre la pollution de l'air , l'Assemblée nationale a adopté des mesures visant à :

- prévoir l'affichage obligatoire, lors de la vente d'un véhicule à moteur, de la catégorie Crit'Air à laquelle il appartient (article 26 bis ) ;

- prévoir que les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) sont consultées avant l'adoption du plan d'actions de lutte contre la pollution de l'air par l'EPCI concerné (article 27) ;

- prévoir que les objectifs de réduction des émissions de polluants atmosphériques contenus dans les plans d'action de lutte contre la pollution de l'air sont biennaux, et non fixés à 2025 et 2030 (article 27) ;

- prévoir que la révision du plan de lutte contre la pollution de l'air lorsque les objectifs biennaux ne sont pas atteints n'emporte pas la révision du PCAET ;

- rendre obligatoire la mise en place d'une zone à faibles émissions dans les territoires où les normes de pollution de l'air ne seraient pas respectées à l'avenir (article 28) ;

- permettre aux maires de restreindre ou d'interdire de manière permanente - et non pas seulement à des horaires particuliers - la circulation sur les voies eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement (article 28 bis B).

d) La lutte contre les nuisances sonores

Dans la continuité du travail du Sénat en première lecture, les députés ont adopté plusieurs dispositions relatives aux nuisances sonores :

- l'évaluation et la détermination d'une unité de mesure spécifique relative aux vibrations ferroviaires (article 28 quater A) ;

- l'expérimentation, pendant deux ans, de la constatation des niveaux d'émissions sonores des véhicules par des appareils de contrôle automatique fixes et mobiles (article 28 quater B) ;

- la définition, dans le code de l'environnement, d'un objectif de mise en oeuvre du droit reconnu à chacun de vivre dans un environnement sonore sain (article 28 quater) ;

- l'information des acquéreurs et des locataires de biens situés dans une zone de bruit des aérodromes par un document spécifique dans le dossier de diagnostic technique fourni par le vendeur (article 28 quinquies ).

5. Les modifications relatives à la sécurité dans les transports et au transport maritime et fluvial (Titre V)

L'Assemblée nationale a inséré plusieurs dispositions au texte avec lesquelles la commission est en accord.

a) La sécurité et la sûreté dans les transports

Certaines modifications portent sur le renforcement de la sécurité dans les transports , notamment par le renforcement des contrôles. Il s'agit en particulier de :

- l'obligation d'apposer sur des poids lourds, à compter du 1 er janvier 2021, une signalisation matérialisant la position des angles morts , afin de renforcer la sécurité routière (article 22 bis A) ;

- la mise en vente d'éthylotests à proximité des étalages de boissons alcooliques dans les débits de boissons à emporter (article 31 bis B), qui correspond à la mesure n° 11 du Comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier 2018 ;

- le renforcement de la protection sociale des conducteurs de véhicules utilitaires légers , auxquels les employeurs doivent assurer des conditions d'hébergement compatibles avec la dignité humaine et respectueuses de leur santé (article 31 bis D) ;

- la possibilité de recourir à des dispositifs fixes de c ontrôle automatisé d'infractions aux règles relatives au poids maximum autorisé de véhicules de transport routier de marchandises et de transport en commun routier de personnes (article 31 bis E) ;

- le renforcement des contrôles dans les transports par l'élargissement du champ d'intervention des agents qui en ont la charge, en leur permettant notamment d'effectuer des contrôles sur de nouveaux sites, comme les lieux de prise en charge et de dépose de passagers ainsi que les locaux des centrales de réservation (article 31 quater ) ;

- l'obligation d'étiquetage des bagages par les voyageurs des services de transport routier international (article 31 sexies A) ;

- l'allongement du délai de paiement des amendes pour les transports en commun de deux à trois mois prévu à l'article 31 quinquies A, qui permettra aux exploitants de recouvrer plus aisément les amendes qui leur sont dues ;

- la ratification de l'article 6 de l'ordonnance relative à la préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui vise à garantir la sûreté du tunnel sous la manche (article 32 quinques B ) ;

- la participation du gestionnaire d'infrastructure ferroviaire à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme concernant des zones qui comprennent des passages à niveau (article 33 quinquies ) ;

- la précision selon laquelle les AOM prennent toute mesure permettant de faciliter sur leur ressort territorial la mobilité des services de secours et des forces de police (article 33 bis A) ;

- l'obligation de déposer un dossier de conception accompagné d'un rapport sur la sécurité au début de la phase de conception détaillée des véhicules ferroviaires (article 34 bis A) ;

- l'obligation de subordonner la mise en service d'ouvrages et systèmes de transports dédiés aux activités de cyclodraisine à une autorisation délivrée par l'autorité compétente (article 34 bis A).

Plusieurs articles adoptés à l'Assemblée portent également sur les violences et atteintes à caractère sexiste dans les transports publics . L'article 32 quinquies prévoit la transmission d'un bilan sur cette question par les exploitants de service de transport et l'article 32 sexies A vise à mettre en place des actions de formation des personnels quant à la prévention de ces violences et atteintes.

Enfin, certaines dispositions introduites à l'Assemblée nationale concourent au renforcement de la sûreté des transports par l'amélioration de la diffusion de l'information auprès des usagers . Il s'agit notamment des articles 31 sexies B et 33 sexies , qui concernent le transport par autocar et prévoient respectivement le renforcement de l'information des voyageurs sur les limites maximales de transports de tabac, boissons alcoolisées et espèces protégées et l'introduction d'un dispositif informatif sur les règles de sécurité et les consignes d'évacuation.

b) Le transport maritime et fluvial

L'Assemblée nationale a introduit une série de dispositions relatives au transport maritime et fluvial, portant sur des sujets divers, qui ne soulèvent pas de difficultés aux yeux du rapporteur et constituent des mesures positives , même si certains éléments appellent une vigilance particulière .

Les députés ont adopté un amendement habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour créer un nouvel établissement public portuaire intégrant les GPM maritimes de Rouen et du Havre et le port autonome de Paris pour instituer, sur l'axe Seine, un système portuaire comparable à ceux que l'on retrouve en Europe du Nord 9 ( * ) .

Cette habilitation, qui constitue désormais l' article 34 quater du projet de loi, permet au Gouvernement de prendre toute mesure visant à faciliter la transformation des établissements existants et la création du nouvel établissement, y compris dans le domaine fiscal, tout en maintenant trois implantations territoriales . Elle est également nécessaire pour adapter la législation existante, en matière environnementale, domaniale, fiscale, sociale et de procédure administrative afin de faciliter l'exercice, par le nouvel établissement, de ses missions. Ce projet est conçu pour renforcer la compétitivité et l'attractivité des ports concernés . Une équipe de préfiguration a été mise en place et devrait proposer d'ici décembre 2020, un plan stratégique 2020-2025 pour l'axe Seine. Si ce projet est intéressant pour soutenir le développement des ports de l'axe Seine, la commission attire l'attention du Gouvernement sur son aspect social et sur la nécessité d'établir un dialogue de confiance avec les organisations syndicales.

S'agissant du développement économique des ports maritimes , les députés ont introduit un nouvel article 35 bis A afin d'ouvrir la possibilité d'hypothéquer un droit réel ou un bien immobilier en vue de garantir un emprunt destiné à financer la réalisation d'un autre bien sur une dépendance domaniale occupée par la même entité, qui bénéficierait de plusieurs titres au sein de la circonscription d'un même grand port maritime ou dans les limites administratives d'un port décentralisé .

À l' article 36 , relatif à l'évolution du statut de la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE), les députés ont adopté plusieurs modifications allant dans le sens souhaité par la commission et les acteurs locaux, en particulier les collectivités territoriales concernées. Les députés ont ainsi adopté un amendement du Gouvernement qui remplace l'habilitation à légiférer par ordonnance par des dispositions législatives qui remplissent les objectifs de l'habilitation et portent sur la gouvernance, le financement et les attributions de la SCSNE . La Commission européenne pourra par ailleurs ainsi désigner un représentant au conseil de surveillance de la société de projet (sans droit de vote), conformément à la demande du président de la Région Hauts-de-France.

Plusieurs articles introduits par les députés constituent des réponses ponctuelles pragmatiques à certains enjeux identifiés dans le secteur maritime . Il en va ainsi :

- de l' article 37 bis AAA , qui assouplit les possibilités de francisation des navires , pour faciliter l'inscription des navires qui n'entrent habituellement pas dans le champ d'application du code international de gestion de la sécurité dit « code ISM » 10 ( * ) afin d'accroître l'attractivité du pavillon français. Cette disposition répond à une demande de la fédération des industries nautiques (FIN) ;

- de l' article 37 bis AAB , qui institue une obligation de déclaration des substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD) reçues par voie maritime sur le sol français. La préparation de la ratification du protocole de 2010 modifiant la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer SNPD de l'Organisation maritime internationale de mai 1996 suppose en effet de mettre en place une obligation de déclaration afin de pouvoir comptabiliser précisément les quantités reçues ;

- de l' article 37 bis AAC , qui permet aux délégués de bord de bénéficier de la protection instituée par l'article L. 1235-3-1 du code du travail , prévoyant un déplafonnement des indemnités dues par l'employeur en cas de nullité du licenciement d'un salarié protégé en raison de l'exercice de son mandat ;

- l' article 37 bis AAD , qui étend les compétences de la Commission nationale de la négociation collective maritime et en change le nom . Cette commission, qui devient la Commission nationale de la négociation collective maritime, de l'emploi et de la formation professionnelle, est désormais chargée d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret dans le domaine de la politique de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle initiale et continue. Elle comprend des représentants des régions, des départements et des collectivités ultramarines ;

- l' article 37 bis AAE , qui abroge la réserve de nationalité pour les équipages à Mayotte , afin d'assurer la conformité de l'article L. 5725-2 du code des transports avec le droit européen 11 ( * ) ;

- l' article 37 bis AA , qui prévoit qu'à compter du 1 er janvier 2022, dans les ports de plaisance d'une capacité de plus de cent places, au moins 1 % des postes à quai privés sont réservés à des navires électriques . Unanimement saluée par les gestionnaires de ports 12 ( * ) , cette disposition doit permettre d'accompagner la réduction des émissions de dioxyde de carbone dans le secteur maritime ;

- l' article 37 bis AB , qui consolide le cadre juridique de la signalisation maritime . Ces articles clarifient la responsabilité de l'État en matière de police de la signalisation et devrait permettre de renforcer la sécurité de la navigation maritime , ce dont le rapporteur se réjouit, en lien avec la récente mission commune d'information conduite par le Sénat sur le sauvetage en mer 13 ( * ) ;

- l' article 37 bis AC , qui vise à renforcer l'effectivité des contrôles des navires en mer en prévoyant que, lorsque l'auteur de l'infraction se trouve hors d'état de justifier d'un domicile ou d'emploi sur le territoire français, le navire puisse être dérouté vers une position ou un port appropriés puis immobilisé, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Ces mesures sont conçues pour garantir le paiement des amendes ;

- l' article 37 bis AD , qui clarifie d'une part, la responsabilité du capitaine d'un navire en cohérence avec l'évolution de la jurisprudence, en particulier l'arrêt Costedoat de la Cour de cassation du 25 février 2000, et d'autre part la relation entre le capitaine et l'armateur ;

- l' article 37 bis AE , qui étend aux capitaines de navires la procédure de conciliation , en cas de litige lié au contrat de travail ;

- l' article 37 bis AF , qui étend les prérogatives des agents des entreprises privées de protection des navires dans le but de mieux protéger les navires contre la piraterie et le terrorisme . Ces agents pourront procéder à l' inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. En cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique, ils pourront également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité ;

- l' article 37 ter , inséré par l'adoption d'un amendement du Gouvernement, qui permet le t ransfert des biens du domaine public fluvial de l'État à Voies navigables de France et donne la possibilité à un syndicat mixte ouvert de bénéficier d'un transfert en pleine propriété de ces biens à titre gratuit. Cette mesure vise à corriger les lacunes de l'article 22 de la loi du 7 août 2015 dite NOTRe.

c) Dispositions diverses

Plusieurs dispositions tirent des conséquences de l'ouverture à la concurrence des transports ferroviaire et portent sur les compétences de l'Autorité de régulation des transports , dont la structure se voit renforcer (article 38 bis B).

Aussi, l'article 43 bis vise à sécuriser les garanties des salariés de la SNCF en cas de transferts de contrat de travail à un attributaire de service public non soumis à la convention collective de la branche ferroviaire.

En outre, un article vise à confier à l'Autorité de régulation des transports la compétence de règlement des différends entre Île-de-France Mobilités et la RATP lors de la détermination des effectifs à transférer dans le cadre des appels d'offre en cas de changement d'exploitant d'un service public de bus en Île-de-France.

S'agissant du transport routier , la libéralisation progressive du marché des pièces détachées visibles pour l'automobile est prévue à l'article 31 sexies , afin notamment de permettre la baisse des coûts pour les consommateurs et de renforcer la compétitivité des équipementiers. Par ailleurs, un article rend obligatoire, en cas d'avis défavorable de l'Autorité de régulation des transports, la motivation de la délivrance de l'agrément préalable à la conclusion des contrats des concessionnaires d'autoroutes pour la construction, l'exploitation et l'entretien des installations annexes. Un article inséré en commission à l'Assemblée nationale prévoit en outre d'alléger les procédures relatives à certains marchés jugés non sensibles des sociétés concessionnaires d'autoroutes (article 40 ter C).

B. PLUSIEURS MODIFICATIONS IMPORTANTES AVEC LESQUELLES LA COMMISSION EST EN DÉSACCORD

1. Les modifications relatives à la programmation financière des infrastructures (Titre Ier A/titre IV)

La commission regrette que plusieurs mentions insérées par le Sénat au sein du rapport annexé aient été supprimées par les députés, selon lesquelles :

- pour désenclaver les territoires, il convient de privilégier les aménagements routiers ponctuels plutôt qu'une mise à deux fois deux voies, sauf si une déclaration d'utilité publique a été prononcée et que des aménagements fonciers ont été réalisés ;

- la disponibilité des emprises des voies ferroviaires désaffectées est assurée afin de pouvoir recevoir de futures modes de transport ;

- les ressources relatives à la programmation des infrastructures doivent permettre, à terme, la réalisation des projets d'infrastructures prévus par le scénario 3 du Conseil d'orientation des infrastructures, et la réévaluation des projets pour lesquels aucun financement n'a été prévu sur la période 2019-2037 ;

- la sécurité des passages à niveau doit être renforcée et les crédits de l'Afitf augmentés pour atteindre 40 millions d'euros par an pour les passages à niveau prioritaires.

2. Les modifications relatives à la gouvernance des mobilités (Titre Ier)

Afin de donner aux collectivités territoriales de la flexibilité en matière d'exercice de la compétence d'organisation des mobilités, le Sénat avait souhaité introduire un nouveau cas de réversibilité , permettant à une communauté de communes de demander à la région de récupérer cette compétence même après la fin du processus de transfert, d'un commun accord .

La commission déplore que cette disposition ait été supprimée par l'Assemblée nationale, alors qu'elle aurait permis de donner davantage de souplesse aux collectivités, notamment pour tenir compte d'un changement de contexte ou de projet de la part des élus , et qu'elle ne créait pas d'instabilité dès lors que la collectivité compétente devait donner son accord exprès au transfert 14 ( * ) .

3. Les modifications relatives à l'ouverture des données et aux nouvelles mobilités (Titre II)
a) Le coût de l'obligation de collecte des données d'accessibilité par les collectivités territoriales

L'introduction, à l'article 10, d'une obligation de collecte des données d'accessibilité par les collectivités gestionnaires de la voirie d'ici au 1 er décembre 2023, un temps envisagée avant le dépôt du projet de loi puis retirée, générera un coût de 5,6 millions d'euros pour les collectivités concernées selon l'étude d'impact qui évaluait l'impact du dispositif.

Le délai d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour établir un cadre juridique pérenne au véhicule autonome , d'une durée de vingt-quatre mois, est toujours analysé comme excessif par votre rapporteur (article 12).

b) La suppression de la possibilité pour les préfets de moduler les vitesses maximales autorisées sur les routes dont ils ont la gestion

S'agissant de la création de voies réservées , la commission regrette la suppression de la possibilité qu'elle avait souhaité donner aux maires, à l'article 15, de créer de telles voies non pas uniquement pour les véhicules propres, mais pour les véhicules en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques (identifiés en fonction des vignettes Crit'Air).

En matière de limitation de vitesses , les députés ont supprimé la possibilité donnée aux préfets de moduler la vitesse maximale autorisée sur les routes dont ils ont la gestion ; cette faculté n'a été conservée que pour les présidents de département, les maires et les présidents d'EPCI sur les routes hors agglomération relevant de leur compétence (article 15 bis B).

c) Le rétablissement des dispositions relatives à la responsabilité sociale des plateformes

Les députés ont rétabli l'article 20 relatif à la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique, supprimé par le Sénat, en y apportant plusieurs modifications substantielles.

D'une part, de nouveaux droits pour les travailleurs indépendants réalisant des prestations de véhicule de transport avec chauffeur (VTC) ainsi que des prestations de livraison de marchandises à l'aide de deux ou trois roues ont été définis : obligations de transparence des plateformes sur la distance et le prix minimum garanti par prestation - les travailleurs ayant la possibilité de refuser d'effectuer ces prestations sans que cela menace la relation contractuelle - ; publication par la plateforme des indicateurs sur le revenu d'activité, le temps d'activité et le prix moyen des prestations ; possibilité pour les travailleurs de se connecter et se déconnecter librement et de choisir leurs temps d'activité.

D'autre part, la faculté de mettre en place des chartes sociales a été rétablie , mais limitée aux plateformes de transports. La nouvelle rédaction prévoit que les plateformes puissent saisir l'autorité administrative pour en apprécier la conformité au regard des dispositions prévues par l'article 20, par une décision d'homologation - lorsqu'une charte est homologuée, les engagements qu'elle contient ne peuvent caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs.

Bien que la définition de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes aille dans le bon sens, la commission considère qu'elle ne règle pas définitivement la question du statut de ces travailleurs , et que les chartes facultatives pouvant être mises en place et devant permettre de prémunir les plateformes d'un risque de requalification de leurs relations avec les travailleurs indépendants en contrats de travail auront une portée limitée et n'empêcheront pas forcément les juges de procéder à une telle requalification si le lien de subordination est avéré.

4. Les modifications relatives aux véhicules propres, aux mobilités actives et à la lutte contre la pollution de l'air (Titre III)
a) Des reculs regrettables sur le développement de la pratique du vélo

La commission regrette que deux articles relative aux servitudes introduits au Sénat aient été supprimés par les députés : l'article 21 A prévoyant qu'en cas de présence d'un obstacle naturel ou patrimonial rendant nécessaire le détournement de la servitude, il convient non pas de tracer ce détournement au plus près de la berge mais de rechercher une voie alternative ; l'article 21 C permettant à l'autorité administrative de restreindre la circulation des pêcheurs et piétons sur les chemins de halage qui présentent des difficultés de sécurité liées à la présence d'un établissement commercial.

Deux reculs sont également à déplorer s'agissant du développement de la pratique du vélo :

- la possibilité donnée aux autorités organisatrices de la mobilité de déroger sur décision motivée à l'obligation que les autocars neufs soient, à compter du 1 er juillet 2021, équipés de dispositifs permettant de transporter au minimum cinq vélos non démontés, qui réduit considérablement la portée de cette obligation (article 22) ;

- la suppression de l'obligation pour les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) d'identifier, à l'occasion de leur prochaine révision, les véloroutes d'intérêt régional à développer (article 22 bis ).

b) Plusieurs mesures relatives aux véhicules thermiques qui pénalisent et stigmatisent les entreprises au lieu de les encourager à verdir leurs flottes

En dépit des nombreux points de consensus concernant le développement des véhicules propres, la commission n'est pas favorable à plusieurs modifications introduites par l'Assemblée nationale .

Sur le volet des infrastructures pour la mobilité durable, le renforcement à l'article 23 de l'obligation d'équipement des parkings des bâtiments non résidentiels neufs et existants en bornes de recharge constitue pour la commission une transposition trop ambitieuse du droit de l'Union européenne, qui pourrait générer des coûts importants pour les entreprises.

À l'article 24, le renforcement du droit à la prise permis par plusieurs amendements de l'Assemblée nationale pourrait également faire peser des charges excessives sur les copropriétés , l'article prévoyant notamment la possibilité pour les copropriétaires de demander l'inscription à l'ordre du jour des assemblées générales de travaux devant être réalisés sous la responsabilité du syndicat des copropriétaires.

Concernant le développement du biogaz dans les transports , plusieurs dispositifs qui avaient été introduits par le Sénat ont été supprimés à l'article 25 : possibilité pour la Commission de régulation de l'énergie ( CRE ) de modifier le complément de rémunération en cours de contrat ; appréciation préalable de la CRE sur les conditions concurrentielles avant l'organisation d'appels d'offre ; encadrement de la faculté de raccorder les stations de ravitaillement au réseau de transport . Les députés ont également restreint le soutien aux producteurs de biogaz aux usages majoritairement destinés à la mobilité.

L'article 25 bis A, inséré par le Sénat, qui prévoyait la mise en place d'une action régionale de déploiement des points d'avitaillement de gaz et de biogaz pour véhicules via les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ( Sraddet ), a également été supprimé par l'Assemblée nationale.

Les députés ont en outre supprimé l'article 25 bis, introduit au Sénat, qui visait à flécher davantage les certificats d'économie d'énergie vers le secteur des transports et les routes solaires. Cette disposition semblait pourtant utile pour mettre à la disposition des collectivités publiques ou des acteurs privés des nouvelles sources de financement d'actions concourant au développement de la mobilité propre.

La commission n'est par ailleurs pas favorable aux objectifs non contraignants inscrits dans l'article 26 AA, introduit par les députés, qui contreviennent au principe de normativité de la loi. L'article 26 AA consacre en effet un objectif de hausse progressive de la part des véhicules à faibles et très faibles émissions parmi les ventes de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers neufs ainsi qu'un objectif de fin des ventes de voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles, d'ici 2040.

La commission est également opposé à l'article 26 CA, inséré par les députés, qui prévoit la publication par les services de l'État, dès 2021, des pourcentages de véhicules à faibles et à très faibles émissions dans les renouvellements des flottes pour l'ensemble des personnes assujetties aux obligations de verdissement de leurs véhicules. Un tel dispositif, qui s'apparenterait à du name and shame , ne permettrait pas nécessairement d'améliorer le renouvellement des flottes des personnes assujetties.

La commission n'est par ailleurs pas favorable à l'article 26 AB, inséré à l'Assemblée nationale, qui prévoit que toute publicité en faveur des véhicules à moteur est obligatoirement accompagnée d'un message promotionnel encourageant les mobilités actives. Cette disposition pourrait stigmatiser une partie importante de la population, pour qui l'usage de la voiture demeure aujourd'hui incontournable.

Enfin, la demande d'un nouveau rapport sur l'impact environnemental du développement du transport par autocar (article 29 ter ) ne semble pas opportune , cette politique ayant d'ores et déjà été évaluée par l'Ademe en 2016 15 ( * ) .

c) Une limitation des modalités de contrôle des zones à faibles émissions

La commission déplore que l'Assemblée nationale ait rétabli les limitations prévues dans le texte initial relatives à la mise en place de dispositifs de contrôle des zones à faibles émissions , qui pourraient empêcher, dans certaines agglomérations, d'assurer un contrôle efficace de ces zones (article 28).

Par ailleurs, les députés ont prévu qu'en cas de pic de pollution, les préfets soient contraints d'adopter des mesures de réduction des émissions par la restriction ou la suspension de la circulation , alors qu'il s'agissait jusqu'à présent d'une possibilité (article 28 bis A). Laisser aux préfets une capacité de discernement dans les mesures à prendre en cas de pics de pollution aurait été préférable.

5. Les modifications relatives à la sécurité dans les transports et au transport maritime et fluvial (Titre V)

S'agissant des mesures relatives à la sécurité et à la sûreté dans les transports , l'Assemblée nationale est revenue sur un certain nombre de modifications substantielles votées par le Sénat.

a) Le rétablissement de dispositions relatives à la sécurité insuffisamment protectrices des libertés publiques

L'Assemblée nationale est revenue sur plusieurs apports insérés par le Sénat à l' article 31.

Le Sénat avait ainsi supprimé les dispositions permettant au préfet d'interdire provisoirement à un candidat contre lequel un inspecteur du permis de conduire avait porté plainte pour violence ou outrage de se présenter à l'examen. Cette mesure, réintroduite à l'Assemblée nationale, ne permet pas d'assurer une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l'ordre public et la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis , dans la mesure où la mesure administrative prévue repose sur une simple plainte, qui n'est pas un indice de culpabilité.

L'Assemblée nationale est également revenue sur la suppression par le Sénat de l'extension du champ d'application des dispositions relatives à l'immobilisation et à la mise en fourrière administrative de véhicules à quatre cas (conduite en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise de l'état alcoolique, conduite après usage de stupéfiants, conduite sans permis de conduire). La commission avait en effet considéré que cet élargissement pourrait emporter d' importantes conséquences , notamment en matière opérationnelle dans les zones où les réseaux de fourrière sont moins denses.

L'institution d'une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport publics à l'encontre de personnes ayant commis certaines infractions - malgré les précisions introduites en nouvelle lecture à l'article 31 ter A quant à la liste des infractions concernées - constitue également une mesure privative de liberté dont la proportionnalité n'est pas établie au regard de la liberté d'aller et venir. Par ailleurs, les juridictions peuvent déjà prononcer de telles peines au titre de l'interdiction de séjour.

Enfin, la commission est défavorable aux dispositions introduites à l'Assemblée nationale relatives au signalement des contrôles routiers par les services électroniques d'aide à la conduite ou à la navigation. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État attirait déjà l'attention sur les conséquences possibles d'un tel dispositif (transmission d'informations potentiellement sensibles à des opérateurs privés).

b) Un élargissement inquiétant du périmètre des concessions autoroutières

S'agissant des dispositions relatives aux concessions autoroutières , la commission est opposée à l'article 40 ter A , qui permet d'intégrer dans le périmètre des concessions autoroutières des sections à « gabarit routier », une notion floue qui pourrait conduire à étendre le périmètre des concessions autoroutières en contrepartie d'une augmentation des péages. Il est donc impératif que le pouvoir réglementaire encadre strictement cette notion.

La commission est également défavorable à l'article 40 ter B qui, en retenant une approche plus large de la notion d'utilité, et en prévoyant que l'analyse du caractère accessoire des ouvrages adossés soit opérée non plus au regard de l'ouvrage principal mais du réseau concédé dans son ensemble , favorise l'intégration de nouveaux ouvrages par avenant au sein des concessions autoroutières.

c) Dispositions diverses

Au sein des dispositions diverses du titre V, le Sénat avait inséré deux articles pour répondre à des enjeux territoriaux importants.

En premier lieu, le Sénat avait inséré un article 34 bis pour exclure de l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale dues au titre de l'affiliation au régime général le prix des cartes de libre circulation attribuées par les exploitants de remontées mécaniques à leurs salariés . Considérant que ces cartes pourraient être utilisées par les salariés sur leur temps de loisirs, les députés ont considéré qu'elles devaient être conçues comme un avantage en nature entrant dans l'assiette des cotisations sociales. Selon les informations communiquées au rapporteur par le cabinet du ministre des transports, un travail a été engagé entre les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et Domaines Skiables de France pour négocier une approche forfaitaire. Le sujet pourrait resurgir à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 .

En second lieu, le Sénat avait inséré une disposition ( article 37 bis B) afin d'étendre le périmètre et d'augmenter le montant de la taxe de séjour applicable aux navires. L'objectif de la mesure était de compenser les externalités négatives occasionnées par la pollution atmosphérique due aux paquebots de croisière dans les communes subissant cette pollution , en créant un nouveau barème de taxe de séjour, applicable à tous les ports. Par délibération, le conseil municipal territorialement compétent pouvait introduire un tarif distinct pour les paquebots de croisière. Si ce dispositif se heurtait à certaines difficultés pratiques, il est dommageable que les députés n'aient proposé aucune mesure de substitution .

À l'article 38 bis A, la commission est en désaccord avec la suppression de l'avis conforme de l'Autorité de régulation des transports sur le document de référence du réseau de la RATP, qui a été remplacé par un avis motivé.

La commission est également en désaccord avec la suppression de l'article 40 ter , qui avait été introduit en séance et qui visait à limiter le transfert des compétences des communes aux communautés urbaines et aux métropoles en matière de voirie .

L'Assemblée nationale a en outre supprimé l'article 44 bis introduit au Sénat, qui prévoyait que les salariés des entreprises de transport terrestre informent leur employeur de leur intention de participer à une grève 72 heures avant son début (contre 48 actuellement). Cet article visait à permettre aux entreprises de transport d'organiser au mieux le service en cas de perturbation prévisible et ainsi de limiter les perturbations liées aux grèves pour les usagers.

L'Assemblée nationale a enfin ajouté une disposition dont la portée normative peut être interrogée , à savoir le fait de permettre l'arrêt des autobus à la demande en période nocturne. Cette disposition, qui figurait dans l'avant-projet de loi, avait été écartée par le Conseil d'État comme ne relevant pas du domaine de la loi (article 31 bis C).

III. UN POINT ESSENTIEL DE DÉSACCORD QUI PERSISTE : L'ABSENCE DE FINANCEMENT DE LA COMPÉTENCE « MOBILITÉ » DES INTERCOMMUNALITÉS

L'une des ambitions majeures portées par le projet de loi d'orientation des mobilités est de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » , en prévoyant que l'ensemble du territoire soit couvert, à compter du 1 er juillet 2021, par une autorité organisatrice de la mobilité.

L'article 1 er du projet de loi prévoit donc que les communes délibèrent avant le 31 décembre 2020 pour transférer la compétence d'organisation des mobilités aux communautés de communes dont elles sont membres .

Ce transfert pose la question des ressources dont ces intercommunalités disposeront pour développer une offre de mobilité, étant donné que la plupart d'entre elles ne mettront pas en place des services réguliers de transport, compte tenu du coût que de tels services représentent, et qu'elles ne bénéficieront donc pas des recettes du versement mobilité .

La question du financement de la compétence « mobilité » des communautés de communes a été identifiée, dès le début de l'examen du projet de loi, comme une ligne rouge par le Sénat . Sans ressources dédiées au financement de cette compétence, les intercommunalités ne seront en effet pas en mesure de développer une offre de mobilité sur les territoires qui en sont aujourd'hui dépourvus.

C'est pourquoi le Sénat avait intégré, en première lecture un dispositif de financement reposant sur deux volets :

- la possibilité pour les autorités organisatrices de la mobilité qui n'organisent pas un service régulier de transport d'instaurer un versement mobilité à taux minoré (dans la limite de 0,3 %) ;

- l'octroi aux communautés de communes d'une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques lorsque les ressources dont elles disposent au titre du versement mobilité sont insuffisantes pour développer une offre de mobilité satisfaisante.

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, ce dispositif de financement a été supprimé par les députés , sans que rien ne le remplace.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, la ministre chargée des transports Élisabeth Borne, avait renvoyé le règlement de cette question au projet de loi de finances pour 2020 : « la question se pose néanmoins de la ressource dont peuvent bénéficier les autorités organisatrices qui n'organisent pas de transports réguliers [...]. Je veux vous assurer l'engagement du Gouvernement pour qu'une ressource soit apportée pour cette situation : nous sommes en train d'examiner les différentes options possibles, mais tout cela est lié aux réflexions en cours sur la réforme de la fiscalité locale à la suite de la suppression de la taxe d'habitation. [...] L'objectif du Gouvernement est d'intégrer les dispositions qui seront retenues après concertation dans le prochain projet de loi de finances » 16 ( * ) .

Le Sénat était prêt à accepter la suppression du dispositif de financement qu'il avait inséré dans le projet de loi d'orientation des mobilités, en contrepartie d'un engagement formel du Gouvernement à prendre à l'occasion du prochain budget les mesures appropriées.

Deux jours avant la tenue de la commission mixte paritaire (CMP), un courrier du Premier ministre adressé aux rapporteurs du projet de loi a indiqué que, pour financer leur compétence « mobilité », les intercommunalités pourraient compter sur le dynamisme de la part de la TVA qui leur serait attribuée pour compenser la suppression de la taxe d'habitation prévue dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020 17 ( * ) .

La commission a considéré que cette réponse n'était pas à la hauteur des enjeux , pour deux raisons :

- d'une part, rien ne garantit que ce supplément de recettes de TVA sera suffisant et stable dans le temps , ce qui poserait problème aux communautés de communes souhaitant s'engager dans l'organisation de services de mobilité sur un temps long ;

- d'autre part, ces ressources ne seront pas liées à l'exercice de la compétence « mobilité », ce qui n'incitera pas les intercommunalités à se saisir de cette compétence , celles-ci devant par ailleurs financer de nombreuses autres politiques 18 ( * ) .

Le projet de loi de finances pour 2020 , actuellement en discussion au Parlement, entérine ce choix et ne propose aucune autre mesure permettant d'assurer un financement dédié et pérenne de la compétence « mobilité » des intercommunalités.

Pire, au lieu d'attribuer aux autorités organisatrices de la mobilité des moyens supplémentaires, il les prive en réalité d'une partie de leurs ressources, puisqu'il prévoit d'amputer de 45 millions d'euros la compensation que l'État leur verse à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016 19 ( * ) .

Cette baisse s'ajouterait par ailleurs à la perte de recettes - non compensée - de 45 millions d'euros en 2023, puis de 30 millions d'euros par an à partir de 2024 , que subiront les AOM du fait de la réforme des modalités de franchissement des seuils sociaux prévue par la loi « PACTE » du 22 mai 2019 20 ( * ) .

Dans ces conditions, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable considère que les intercommunalités ne seront pas incitées à se saisir de la compétence « mobilité » , car elles n'auront pas les moyens de développer des alternatives à la voiture individuelle, et que, par conséquent, la promesse du Gouvernement de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » risque fort de rester lettre morte, au détriment des habitants de ces territoire s.

La commission regrette que le problème du financement de la compétence d'organisation des mobilités, qui est identifié depuis le début de l'examen de ce projet de loi comme central pour lutter contre les inégalités d'accès à la mobilité, n'ait pas trouvé de réponse .

C'est pourquoi, la commission a considéré qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la délibération sur ce texte et a adopté une motion présentée par le rapporteur tendant à opposer la question préalable .

Au cours de sa réunion du 23 octobre 2019, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, d'orientation des mobilités (n° 730). En conséquence, elle n'a pas adopté de texte sur le projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 octobre 2019, la commission a examiné, en nouvelle lecture, le rapport de la commission sur le projet de loi d'orientation des mobilités.

M. Hervé Maurey , président . - Après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) est revenu à l'Assemblée nationale début septembre. Il sera examiné en séance publique au Sénat, en nouvelle lecture, mardi 5 novembre.

Le travail réalisé par le Sénat a été salué par tous les acteurs, et conservé en grande partie par l'Assemblée nationale. Toutes les conditions étaient réunies pour un accord en CMP. Notre ligne rouge était le financement, qui n'était pas prévu dans le texte initial. Nous avons eu un courrier du Premier ministre l'avant-veille de la CMP, un autre de la ministre quelques heures avant... Ils ne nous ont pas rassurés sur la question des moyens donnés aux intercommunalités pour exercer la compétence « mobilité ». Notre position était sage. On nous annonçait que le futur projet de loi de finances (PLF) résoudrait cette question, mais rien n'est prévu pour le moment...

Autre inquiétude, l'Assemblée nationale a adopté subrepticement des amendements élargissant le périmètre des concessions autoroutières aux sections à gabarit routier. Pour la ministre, cette modification ne change pas grand-chose, mais selon l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), elle autorise le transfert aux sociétés autoroutières de la gestion de certaines portions de routes, en contrepartie d'une augmentation des péages. Cela m'interroge, et va à l'encontre de la loi « Macron » qui voulait encadrer les sociétés d'autoroute et leur capacité à se voir renouveler les concessions ou à élargir leur périmètre.

M. Didier Mandelli , rapporteur . - Nous examinons en nouvelle lecture le projet de LOM à la suite de l'échec de la CMP le 10 juillet dernier.

Je rappelle l'important travail que nous avons réalisé, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour améliorer le projet de loi initial sur de nombreux volets. Plus de 35 ans après la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), la LOM était très attendue tant par les acteurs du secteur que par nos citoyens, en particulier ceux vivant dans des territoires dépourvus d'une offre de mobilité - en témoignent les manifestations depuis un an...

Nous avons abordé ce texte dans un état d'esprit constructif, en partageant son objectif de mettre fin aux « zones blanches de mobilité » et de développer les mobilités propres et partagées pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

Au Sénat, plus de 450 amendements ont été adoptés, la moitié en commission et l'autre moitié en séance. L'implication sur ce texte des différents groupes politiques a permis d'intégrer des propositions de tous bords, dans une logique transpartisane.

À l'issue de cet examen, le projet de loi était substantiellement amélioré par rapport à sa version initiale, ce qui a été salué par de très nombreux acteurs.

Nos collègues députés ont adopté, à leur tour, de nombreuses modifications qui, pour certaines, précisent et complètent utilement celles adoptées par le Sénat. Ils ont conservé un grand nombre des ajouts du Sénat, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Parmi ces apports, je citerai la sanctuarisation des ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), la pérennisation du Conseil d'orientation des infrastructures et des contrats opérationnels de mobilité, et l'allongement du délai pour la prise de compétence « mobilité » par les communautés de communes ou la possibilité pour les présidents de département d'adapter la vitesse maximale autorisée sur les routes dont ils ont la gestion, qui était un marqueur fort du Sénat à la suite des travaux du groupe de travail sur la sécurité routière dont notre collègue Michèle Vullien était corapporteure. On peut y ajouter les nombreuses dispositions visant à favoriser le développement des véhicules à faibles émissions - je pense, par exemple, à l'inscription d'une obligation de verdissement des flottes de véhicules des entreprises, sur l'initiative de M. Dantec -, à encourager les mobilités partagées et actives, avec la mise en place d'obligation de systèmes d'emport de vélos dans les trains et les bus sur l'initiative de Mme Assassi, ou encore à renforcer la sécurité et la sûreté dans les transports.

Toutefois, et c'est normal, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale comprend aussi un certain nombre de dispositions avec lesquelles nous sommes en désaccord.

Je citerai en particulier la suppression du troisième cas de réversibilité du transfert de la compétence « mobilité » fondé sur un commun accord entre la région et une communauté de communes, qui donnait pourtant de la souplesse aux collectivités, notamment en cas de changement de contexte ou de projet par les élus ; la suppression de la possibilité offerte aux préfets de relever les vitesses maximales autorisées sur les voies dont ils ont la gestion à 90 kilomètres par heure; le rétablissement de l'article 20 relatif à la responsabilité sociale des plateformes de mobilité, qui ne permet pas de définir un véritable statut pour les travailleurs indépendants de ces plateformes et qui conserve la possibilité pour celles-ci de mettre en place des chartes sociales facultatives à la portée juridique sans doute limitée ; la suppression de l'article visant à flécher davantage les certificats d'économies d'énergie en faveur de la mobilité propre ; l'obligation pour certaines personnes publiques et privées de publier les taux de verdissement de leurs flottes renouvelées tous les ans, qui pourrait conduire à une forme de « name and shame » ; ou encore les dispositions permettant d'inclure dans le périmètre des concessions autoroutières des sections à gabarit routier.

Les échanges que nous avons eus avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale en vue de préparer la commission mixte paritaire ont permis de trouver des rédactions de compromis sur la quasi-totalité des sujets qui restaient en discussion. J'indique que 110 propositions de rédaction ont été cosignées par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et moi-même, ce qui témoigne d'un important travail de concertation.

Ne subsistait en réalité qu'une seule question en suspens, mais une question de taille : celle du financement des intercommunalités qui se saisiront de la compétence d'organisation des mobilités.

Vous le savez, le projet de loi prévoit que les communes devront délibérer avant le 31 décembre 2020 pour transférer, à compter du 1 er juillet 2021, cette compétence aux communautés de communes dont elles sont membres. Il s'agit, selon la promesse du Gouvernement, de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité ».

Ce transfert pose la question des ressources dont disposeront ces intercommunalités pour développer une offre de mobilité, étant donné que la plupart d'entre elles ne mettront pas en place de services réguliers de transport, compte tenu du coût de tels services, et qu'elles ne bénéficieront donc pas des recettes du versement mobilité.

Nous avions à cette fin intégré au Sénat un dispositif de financement permettant à ces intercommunalités d'instaurer un versement mobilité à taux minoré, à hauteur de 0,3 %, même en l'absence de services réguliers de transport, et de bénéficier d'une part du produit de la taxe carbone en complément lorsque les ressources perçues sont insuffisantes pour développer une offre de mobilité satisfaisante.

Les députés ont supprimé ces dispositions, renvoyant, comme le Gouvernement, le règlement de cette question au prochain projet de loi de finances. Nous étions prêts à accepter cette suppression en contrepartie d'un engagement formel du Gouvernement à prendre, dans ce projet de loi de finances, les mesures appropriées.

Ce n'est que deux jours avant la commission mixte paritaire que le Gouvernement nous a indiqué, par courrier, que pour financer leur compétence « mobilité » les intercommunalités pourraient compter sur le dynamisme de la part de la TVA qui leur serait attribuée pour compenser la suppression de la taxe d'habitation.

Cette réponse ne nous a absolument pas paru à la hauteur des enjeux, pour deux raisons.

D'une part, rien ne dit que ce supplément de recettes de TVA sera suffisant et stable dans le temps, ce qui pose problème lorsque l'on souhaite organiser des services de mobilité sur un temps long nécessitant des investissements importants.

D'autre part, ces ressources ne seront pas liées à l'exercice de la compétence « mobilité », ce qui n'incitera pas les intercommunalités à se saisir de cette compétence, d'autant que celles-ci pourraient être amenées à les utiliser pour financer d'autres priorités budgétaires.

Le projet de loi de finances pour 2020 entérine ce choix et ne prévoit aucune autre mesure permettant d'assurer un financement pérenne de la compétence « mobilité ». Pire, au lieu d'attribuer aux autorités organisatrices de la mobilité des moyens supplémentaires, il les prive en réalité d'une partie de leurs ressources, puisqu'il prévoit d'amputer de 45 millions d'euros la compensation que l'État leur verse à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016.

Dans ces conditions, la promesse du Gouvernement de mettre fin aux « zones blanches de la mobilité » risque fort de rester lettre morte, au détriment des habitants de ces territoires, qui n'ont pourtant cessé de rappeler au cours des derniers mois à quel point il était urgent de répondre à leurs besoins de mobilité.

Je le regrette, car je crains que cette loi ne crée au final beaucoup de déception au regard des attentes de ceux qui habitent dans ces territoires dépourvus d'alternatives à la voiture individuelle.

C'est pourquoi je considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les discussions sur ce texte, et vous propose d'adopter une motion tendant à lui opposer la question préalable.

M. Hervé Maurey , président . - La proposition du rapporteur me paraît sage. De toute évidence, il n'est pas utile de consacrer de nombreuses heures à examiner de nouveau l'ensemble du texte avant de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Mme Michèle Vullien . - Je remercie le rapporteur de son propos. Nous avons fourni un travail important sur ce projet de loi car la mobilité est un enjeu transversal important, comme l'a montré le mouvement des gilets jaunes.

J'entends le raisonnement du rapporteur, mais je ne le partage pas totalement. J'ai l'impression de rester au milieu du gué. Il faudrait continuer à travailler, car il est par exemple dangereux de laisser les routes au privé
- on va finir par vendre tous les bijoux de famille !

Lever les fourches ne rend pas justice au travail que nous avons fait. Il faut dire avec force que nous ne sommes pas d'accord sur la question du financement. Les territoires attendent ce texte, et il ne faudrait pas donner l'impression que le Sénat s'en remet à l'Assemblée nationale.

M. Hervé Maurey , président . - Je rappelle que l'examen de la question préalable est précédé d'une discussion générale : l'ensemble des groupes pourront s'exprimer.

M. Didier Mandelli , rapporteur . - La question préalable est justifiée par le blocage sur la question du financement, mais également par le fait que la majeure partie de notre travail a été conservée par l'Assemblée nationale.

M. Claude Bérit-Débat . - Nous partageons la position du rapporteur, notamment sur la question du financement. Lors de la discussion générale, nous évoquerons les propositions qui n'ont pas été retenues, mais il est inutile de consacrer davantage de temps à ce texte si nos propositions doivent encore une fois être balayées d'un revers de main.

M. Jean-François Longeot . - Je suis ennuyé. Le rapporteur a souligné l'important travail de notre assemblée, qui a adopté plus de 450 amendements et amélioré le projet de loi. Alors que nous sommes en désaccord avec l'Assemblée nationale, nous brandissons la question préalable. Je ne suis pas certain que notre décision de ne pas poursuivre les débats soit bien interprétée par nos territoires. Comme Mme Vullien, je pense qu'il faut aller jusqu'au bout.

Certes, chaque groupe pourra exprimer son mécontentement lors de la discussion générale. C'est comme si une équipe de football ne jouait pas la deuxième mi-temps d'un match...

M. Guillaume Gontard . - Je partage les propos de Michèle Vullien et Jean-François Longeot : ce texte a été fortement enrichi par le travail constructif du Sénat.

J'ai participé à la commission mixte paritaire : nous étions très proches d'un accord, le seul problème restant étant celui du financement, sur lequel nous n'avancerons pas. La question préalable me convient donc.

M. Olivier Jacquin . - Par courrier, le Premier ministre et la ministre nous ont promis de prévoir des financements dans le projet de loi de finances. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agissait d'une arnaque, mais c'était à tout le moins de la tromperie sur la marchandise. Dans ces conditions, il est difficile de faire un simulacre de débat. La proposition du rapporteur me semble pertinente eu égard à ce que j'ai entendu lors de la commission mixte paritaire. Il était impossible de parvenir à un accord.

Je ferai une proposition : nous pourrions tous signer une tribune sur le seul point de l'absence de financement dédié, que les médias pourraient relayer. Il faut avoir la sagesse de n'évoquer que ce point, car nous ne pourrons être tous d'accord sur d'autres articles, comme l'article 20 ou celui sur les concessions autoroutières. Ce dernier point est extrêmement important, car sans argent il n'est pas possible d'avoir de politique des mobilités.

M. Didier Mandelli , rapporteur . - Je suis d'accord avec cette proposition.

M. Frédéric Marchand . - Je suis chagriné par la fin du film, car le Sénat a fait un travail extraordinaire. Je ne suis pas d'accord avec les propos d'Olivier Jacquin sur le déroulement de la commission mixte paritaire. Bien malin celui qui aurait pu dire comment les choses allaient se dérouler... Nous avions eu encore la veille des échanges avec le Premier ministre et la ministre chargée des transports. Étant nouveau dans la fonction, je suis peut-être naïf, mais je pense encore que la parole de l'État a du sens. Des engagements ont été pris, la discussion budgétaire a commencé à l'Assemblée nationale, les députés rapporteurs du texte ont aussi pris des risques... Le rapporteur l'a dit, les sujets de divergence sont relativement mineurs.

Nous ne pouvons nous rallier à la position du rapporteur.

M. Ronan Dantec . - Je rejoins l'analyse de Michèle Vullien et Jean-François Longeot. Nous perdons une occasion de réaffirmer notre position en refusant de discuter de nouveau du texte.

Le fait que ce projet de loi ait d'abord été soumis au Sénat était une victoire politique. La situation aurait été différente si l'on avait refusé de débattre d'un texte venant de l'Assemblée nationale.

J'aurais préféré que l'on se mette d'accord sur quelques amendements portés par le rapporteur, qui auraient correspondu aux amendements déposés en vue de la commission mixte paritaire, et que l'on remette le financement dans le texte. Nous aurions alors laissé l'Assemblée nationale prendre la responsabilité de retoquer les articles sur le financement. Cette solution aurait été politiquement plus lisible.

M. Didier Mandelli , rapporteur . - Monsieur Dantec, nous discutons aujourd'hui du texte issu de l'Assemblée nationale, qui l'a déjà examiné en nouvelle lecture après l'échec de la commission mixte paritaire.

M. Ronan Dantec . - Alors vous pouvez supprimer mon intervention du compte rendu !

M. Benoît Huré . - Quid du courrier du Premier ministre et de la ministre ?

M. Didier Mandelli , rapporteur . - Il portait uniquement sur l'affectation d'une partie de la TVA aux intercommunalités dans le cadre de la réforme de la taxe d'habitation. Ce n'était pas ce que nous attendions.

M. Benoît Huré . - La solution proposée par le Sénat était plus lisible.

M. Alain Fouché . - Je suis plutôt d'accord avec M. Longeot et avec M. Dantec qui a un peu changé d'avis en cours de route !

M. Hervé Maurey , président . - M. Dantec ne s'est pas exprimé !

M. Alain Fouché . - La proposition de M. Jacquin me semble intéressante. Notre retrait risque d'être mal compris sur le terrain. Je me rallierai à la majorité de la commission, comme à mon habitude.

M. Jean-Michel Houllegatte . - J'approuve la stratégie proposée par le rapporteur.

Nous sommes très cohérents : nous avons obtenu ce que nous voulions sur le fond du texte. Ne manque que le volet financier. À nous de poser un acte politique fort, en quelque sorte un préavis de grève !

M. Hervé Maurey , président . - Pas un droit de retrait ?...

M. Jean-Michel Houllegatte . - Le combat doit continuer dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances. Les intercommunalités doivent avoir les moyens d'exercer la compétence d'organisation des mobilités.

M. Hervé Maurey , président . - Le dispositif de la motion tendant à opposer la question préalable est bref. En revanche, l'objet de la motion développe longuement les raisons de notre position qui ont été rappelées par le rapporteur.

Comme certains d'entre vous l'ont dit, le projet de loi de finances pour 2020 nous permettra de déposer des amendements, notamment sur la baisse de la compensation du versement mobilité de 45 millions d'euros. Rien n'est prévu alors même que nous avions indiqué, dès le premier jour, que nous ne pourrions accepter qu'une compétence aussi importante soit confiée aux intercommunalités sans financement dédié.

Je retiens l'excellente suggestion d'Olivier Jacquin. Nous allons essayer de rédiger une tribune pour réaffirmer nos positions sur ce projet de loi.

La motion COM-9 est adoptée. En conséquence, la commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

L'ensemble des amendements deviennent sans objet.

M. Hervé Maurey , président . - La commission n'ayant pas adopté de texte, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Les amendements qui avaient été déposés pourront l'être de nouveau en vue de la séance publique. Dans l'hypothèse où la question préalable ne serait pas adoptée par notre assemblée, l'examen des articles porterait sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.


* 1 La loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a augmenté de 2 centimes d'euro par litre le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole pour les véhicules légers et de 4 centimes d'euros pour les poids lourds.

* 2 « Sécurité routière : mieux cibler pour plus d'efficacité », Rapport d'information de M. Michel Raison, Mme Michèle Vullien et M. Jean-Luc Fichet, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois, 18 avril 2018.

* 3 Loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 4 Cet ajout fait suite aux travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur la sécurité des ponts - Voir le rapport d'information « Sécurité des ponts : éviter un drame » du 26 juin 2019 : http://www.senat.fr/rap/r18-609/r18-609.html .

* 5 Voir le rapport « Sécurité routière : mieux cibler pour plus d'efficacité » du 18 avril 2018 : http://www.senat.fr/rap/r17-436/r17-436.html .

* 6 L'article 26 A tel qu'adopté par le Sénat disposait qu'avant 2025, les entreprises gérant un parc de plus de cent véhicules devaient acquérir ou utiliser des véhicules à faible émission, lors du renouvellement de leur parc, dans la proportion minimale de 10 % de ce renouvellement. L'Assemblée nationale a substantiellement relevé ces obligations: 10 % du renouvellement en 2022 ; 20 % en 2024 ; 35 % en 2027 ; 50 % en 2030.

* 7 D'après l'article L. 2241-6 du code des transports : « Toute personne qui contrevient aux dispositions tarifaires, à l'article L. 2241-10 ou à des dispositions dont l'inobservation est susceptible soit de compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, soit de troubler l'ordre public, ainsi que toute personne qui refuse de se soumettre à l'inspection visuelle ou à la fouille de ses bagages ou aux palpations de sécurité peut se voir interdire par les agents mentionnés au I de l'article L. 2241-1 l'accès au véhicule de transport, même munie d'un titre de transport valide. Le cas échéant, elle peut se voir enjoindre par ces mêmes agents de descendre du véhicule de transport ferroviaire ou routier au premier point d'arrêt suivant la constatation des faits ou de quitter sans délai les espaces, gares ou stations gérés par l'exploitant du réseau de transport public. »

* 8 Directive (UE) 2019/1161 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie.

* 9 Le processus de fusion des ports de l'axe de Seine avait été annoncé lors du comité interministériel de la mer du 15 novembre 2018.

* 10 Le navire concerné pourra être francisé si le gestionnaire prouve qu'il assure depuis la France les mesures équivalentes de gestion.

* 11 L'article L. 5522-1 du code des transports dispose déjà, pour la métropole, que l'équipage d'un navire immatriculé au registre international français comporte une proportion minimale de ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européenne ou de la Confédération suisse ou d'un État partie à tout accord international ayant la même portée en matière de droit au séjour et au travail. En cohérence, l'article 37 bis AAE introduit par les députés vise à harmoniser l'article L. 5725-2 du même code, qui définit les mesures adaptées de cette disposition à Mayotte.

* 12 Notamment : la fédération française des ports de plaisance, les ports de l'Atlantique, les ports de Bretagne.

* 13 Voir le rapport n° 81 (2019-2020), Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au coeur de la décision, de Didier Mandelli, fait au nom de la MCI sur le sauvetage en mer.

* 14 En dehors de cette disposition, la commission regrette la suppression au sein du titre I er des dispositions insérées au Sénat relative au financement de la compétence d'organisation des mobilités des communautés de communes, qui fait l'objet d'un développement dans la suite du rapport (partie III).

* 15 Ademe, Évaluation de l'impact environnemental du développement du transport par autocar, RAPPORT D'ETUDE, Décembre 2016.

* 16 Assemblée nationale, Rapport fait de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur le projet de loi d'orientation des mobilités, Tome III « Comptes rendus ».

* 17 Ce courrier mentionnait que le dynamisme de la TVA, de 3,2 % était supérieur à celui de la taxe d'habitation, de 1,4 %, ce qui permettrait aux communautés de communes de bénéficier d'un supplément de recettes évalué entre 30 et 40 millions d'euros chaque année.

* 18 Le courrier du Premier ministre indique d'ailleurs, s'agissant du supplément de recettes lié au dynamisme de la TVA, que les communautés de communes « pourront choisir de dédier [ces sommes] au développement de services de mobilités ».

* 19 Article 21 du projet de loi de finances pour 2020.

* 20 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

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