CHAPITRE II
DE L'ÉLARGISSEMENT DU PORT
DU BRACELET ANTI-RAPPROCHEMENT

Article 3
(art. 131-4-1, 131-22, 132-45, 132-45-1 [nouveau] et 222-18-3 du code pénal, art. 471 et 712-19 du code de procédure pénale)
Port du bracelet anti-rapprochement en cas de condamnation pénale

1. Le dispositif initial de la proposition de loi

Dans sa version initiale, la proposition de loi tendait à modifier deux articles du code pénal :

- d'une part, l'article 131-4-1, dans sa rédaction issue de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, relatif à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

La peine de détention à domicile sous surveillance électronique est une peine autonome qui représente une alternative à l'emprisonnement. Elle emporte, pour le condamné, l'obligation de demeurer dans son domicile et de porter un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette obligation. Le condamné n'est autorisé à s'absenter de son domicile pendant des périodes déterminées par la juridiction ou le juge de l'application des peines que pour le temps nécessaire à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion.

Il était proposé que, lorsque la peine de détention à domicile sous surveillance électronique est prononcée à l'encontre de l'auteur d'un délit commis sur le conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) et qu'elle est assortie d'une interdiction de rencontrer la victime, cette dernière puisse se voir proposer un « dispositif électronique permettant de signaler à distance que la personne condamnée se trouve à proximité », c'est-à-dire un bracelet anti-rapprochement . Le coût du dispositif aurait été à la charge de la personne condamnée ;

- d'autre part, la proposition de loi tendait à modifier l'article 131-36-12-1 du code pénal, qui concerne les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire . Le suivi socio-judiciaire vise à favoriser la réinsertion et à prévenir la récidive en soumettant le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines (JAP), à des mesures de surveillance et d'assistance, comme une injonction de soins par exemple. Il peut être prononcé en complément d'une peine privative de liberté.

À titre de mesure de sûreté, le suivi socio-judiciaire peut déjà prévoir un placement sous surveillance électronique mobile, c'est-à-dire l'obligation pour le condamné de porter un bracelet électronique. Le bracelet électronique permet de s'assurer de la présence du condamné à son domicile à certaines heures déterminées. Cette possibilité est notamment ouverte, à l'article 131-36-12-1, lorsqu'une expertise médicale a constaté la dangerosité d'un individu condamné pour des faits de violences ou de menaces, commis contre son conjoint, concubin ou partenaire de PACS ou contre les enfants du foyer.

Dans ce cadre, et si le suivi socio-judiciaire comporte une interdiction pour le condamné de rencontrer la victime , la proposition de loi indiquait que cette dernière aurait pu se voir proposer un bracelet anti-rapprochement , aux frais du condamné. Cette mesure aurait pu s'ajouter au placement sous surveillance électronique mobile, le même bracelet permettant de contrôler le respect des deux mesures.

2. Un dispositif largement remanié à l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale a entièrement réécrit l'article 3 en adoptant, avec l'avis favorable du rapporteur, deux amendements identiques CL 81 et CL 91, présentés respectivement par les membres du groupe La République en Marche (LaREM) et par le Gouvernement.

a) Présentation du dispositif

Cette nouvelle rédaction tend à prévoir que le port du bracelet anti-rapprochement pourra être imposé dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve (SME), auquel se substituera le sursis probatoire à compter du 24 mars 2020, en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice 69 ( * ) .

Le SME (ou le sursis probatoire) est un dispositif, prévu à l'article 132-40 du code pénal, qui permet à une juridiction qui prononce une peine d'emprisonnement d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution, en contrepartie d'un certain nombre d'obligations que le condamné doit respecter pendant la durée de sa mise à l'épreuve (ou de sa période de probation). Le condamné peut être incarcéré s'il ne respecte pas les obligations auxquelles il est astreint.

L'article 132-44 du même code fixe la liste des mesures de contrôle auxquelles tout condamné doit se soumettre dans le cadre d'un SME ou d'un sursis probatoire (répondre aux convocations du JAP, recevoir les visites d'un travailleur social, etc .).

L'article 132-45 du code pénal contient ensuite une liste, plus longue, de mesures que la juridiction peut choisir d'imposer au condamné : par exemple, exercer une activité professionnelle, réparer le dommage qu'il a causé, accepter de suivre un traitement médical, effectuer un stage ou encore s'abstenir de paraître en certains lieux ou de rencontrer certaines personnes, dont la victime.

Il est d'abord proposé (au du paragraphe I du présent article) de compléter l'article 132-45 du code pénal pour ajouter à la liste des obligations qui peuvent être imposées au condamné le fait de respecter une interdiction, contrôlée par un dispositif électronique, de se rapprocher d'une victime de violences commises au sein du couple .

Puis il est proposé (au du paragraphe I ) d'insérer dans le code pénal un nouvel article 132-45-1 pour définir le régime applicable à ce « dispositif électronique », c'est-à-dire au bracelet anti-rapprochement.

Le nouvel article 132-45-1 préciserait d'abord pour quelles infractions la juridiction pourrait ordonner le recours au bracelet électronique :

- pour les infractions commises contre le conjoint, le concubin, ou le partenaire de PACS, même lorsqu'ils ne cohabitent pas (ce qui permettrait de sanctionner un compagnon qui n'a jamais emménagé avec la victime) ;

- pour les infractions commises par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire de PACS ;

- à condition que les infractions précitées soient punies d'au moins trois ans d'emprisonnement, ce qui permettrait de couvrir toutes les violences entre conjoints et certaines menaces (menace avec ordre 70 ( * ) , menace de mort).

Afin que le port du bracelet électronique soit possible en cas de menace sans ordre commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS, le du paragraphe I propose de porter à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende la peine encourue, au lieu de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende comme c'est le cas aujourd'hui. Cette modification permettrait d'élargir les cas de recours au bracelet anti-rapprochement et de couvrir toutes les hypothèses de violences ou menaces au sein du couple .

Le recours au bracelet électronique serait décidé soit à la demande de la victime, soit à l'initiative de la juridiction de jugement, mais avec l'accord exprès de la victime recueilli par tout moyen.

Le port du bracelet viendrait à l'appui d'une interdiction faite au condamné de se rapprocher de la victime à moins d'une certaine distance .

Afin d'assurer le respect de cette interdiction, le condamné serait astreint au port, pendant toute la durée de la mesure, d'un bracelet intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur le territoire et permettant de déterminer s'il s'approche de la victime, à laquelle serait attribué un dispositif de téléprotection permettant également de déterminer sa localisation.

La pose du bracelet ne pourrait être effectuée sans le consentement du condamné ; toutefois, un refus constituerait une violation de ses obligations pouvant justifier la révocation du SME ou du sursis probatoire , et donc son incarcération.

Le dispositif serait homologué par le ministre de la justice, sa mise en oeuvre devant garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne sans entraver son insertion sociale.

Un décret, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), préciserait les modalités d'application de l'article.

Ce décret devra en particulier autoriser la mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel assurant le contrôle à distance de la localisation du condamné et de la victime, en reprenant, le cas échéant, les finalités du traitement prévu par l'article 763-13 du code de procédure pénale. Cet article 763-13, qui concerne les personnes placées sous surveillance électronique, autorise les officiers de police judiciaire (OPJ) habilités à consulter les données figurant dans ce traitement dans le cadre des recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit.

Les personnes contribuant au contrôle à distance pourront être des personnes privées, habilitées dans des conditions prévues par ce même décret, étant précisé que ce contrôle ne pourra avoir pour effet d'imposer la présence du condamné dans certains lieux.

b) Un champ d'application plus large par le jeu des renvois

Le bracelet anti-rapprochement pourra être utilisé dans d'autres hypothèses que le SME ou le sursis probatoire dans la mesure où plusieurs dispositions renvoient à l'article 132-45 du code pénal.

Ainsi, il pourra être utilisé dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, d'une libération conditionnelle 71 ( * ) , d'une libération sous contrainte 72 ( * ) , d'une surveillance judiciaire 73 ( * ) ou d'une surveillance de sûreté 74 ( * ) . Le bracelet anti-rapprochement pourra donc être ordonné non seulement par la juridiction de jugement mais aussi par les juridictions de l'application des peines .

Pour la peine de détention à domicile sous surveillance électronique créée, à compter du 24 mars 2020, par la loi du 23 mars 2019 précitée, ce renvoi a été omis par le législateur. Le du paragraphe I du présent article 3 comble cette lacune.

Le du même paragraphe corrige une erreur de rédaction à l'article 131-22 du code pénal, relatif à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Cette peine a également été créée par la loi du 23 mars 2019 et elle entrera elle aussi en vigueur en mars 2020. Il s'agit ici de supprimer le renvoi à l'article 132-45, qui n'a pas de raison d'être dans le cadre d'un TIG.

c) Les mesures de coordination dans le code de procédure pénale

Le paragraphe II a été introduit en séance publique à l'initiative du rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Il contient deux mesures de coordination dans le code de procédure pénale.

La première porte sur l'article 471 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, qui entrera en vigueur le 24 mars 2020. Il s'agit de prévoir que la peine de détention à domicile sous surveillance électronique puisse faire l'objet d'une exécution provisoire, sans quoi l'appel de la personne condamnée en première instance ferait obstacle à la pose du bracelet anti-rapprochement dans l'attente du prochain jugement.

La seconde porte sur l'article 712-19 du même code et concerne également la future peine de détention à domicile sous surveillance électronique : elle vise à donner la possibilité au JAP d'ordonner une incarcération provisoire si le condamné ne respecte pas ses obligations, dans l'attente du débat contradictoire qui pourra décider de son emprisonnement définitif.

3. La position de votre commission

Le bracelet anti-rapprochement, dont les modalités de fonctionnement ont été précisées dans l'exposé général du présent rapport, constitue un outil intéressant dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Cet outil a fait ses preuves en Espagne , où il est utilisé depuis une dizaine d'années, comme moyen de dissuasion des hommes violents et de prévention des agressions.

L'utilisation de ce bracelet dans le cadre pénal ne suscite pas d'objections de principe : le port du bracelet viendrait à l'appui d'une interdiction de rapprochement décidée par la juridiction de jugement, au terme d'une procédure qui garantit le respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence. Le juge pénal, habitué à prononcer des mesures privatives ou restrictives de liberté, ne devrait pas rencontrer de difficultés pour s'approprier cet outil et le mettre en oeuvre dans l'intérêt de la protection des victimes.

Le succès de la mesure dépendra donc surtout de la capacité du Gouvernement à réunir rapidement les conditions techniques et organisationnelles nécessaires à son succès et à promouvoir ce nouveau dispositif auprès des juridictions.

Favorable au déploiement du bracelet anti-rapprochement, la commission a seulement adopté à cet article un amendement COM-25 de précision rédactionnelle du rapporteur. Cet amendement vise tout d'abord à employer l'expression de « dispositif électronique mobile anti-rapprochement » dans le code pénal, afin de bien distinguer ce nouveau dispositif des bracelets électroniques qui existent aujourd'hui et qui permettent de contrôler que le condamné se trouve bien à son domicile. Ensuite, l'amendement propose de retenir l'expression « dispositif électronique » pour désigner le boîtier remis à la victime, au lieu de l'expression « dispositif de téléprotection », qui est déjà utilisée dans le code pénal pour désigner le téléphone grand danger, ce qui pourrait être source de confusion. Enfin, l'amendement impose que le décret d'application soit un décret en Conseil d'État, ce qui se justifie par la sensibilité de la matière, qui touche aux libertés individuelles, mais aussi par un souci d'harmonisation avec l'article 2 de la proposition de loi qui renvoie déjà à un décret en Conseil d'État.

La commission a également adopté un amendement COM-6 , déposé par notre collègue Jean-Pierre Grand, qui procède à une coordination à l'article 745 du code de procédure pénale.

Cet article prévoit que lorsque le condamné à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve est soumis à une interdiction de paraître en certains lieux ou à une interdiction d'entrer en contact avec la victime, cette dernière est informée, par le juge de l'application des peines ou par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, de la fin de la mise à l'épreuve. L'amendement étend cette obligation d'information au cas où le condamné serait soumis à une interdiction de rapprochement. Votre rapporteur a fait observer que cette information serait nécessairement dispensée puisque la victime sera invitée à restituer son boîtier électronique. La commission a néanmoins jugé utile de le préciser dans la loi afin de s'assurer que cette information sera effectivement dispensée.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4
(art. 138 et 138-3 nouveau du code de procédure pénale)
Port du bracelet anti-rapprochement pendant la phase pré-sentencielle

Le port du bracelet anti-rapprochement peut aussi avoir son utilité pendant la phase d'enquête, avant qu'un jugement soit rendu, pour s'assurer notamment que les obligations imposées dans le cadre d'un placement sous contrôle judiciaire sont bien respectées.

1. Le dispositif initial de la proposition de loi

Dans sa version initiale, la proposition de loi tendait à autoriser le recours au bracelet anti-rapprochement dans le cadre d'une assignation à résidence exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique.

Cette assignation à résidence sous surveillance électronique, prévue aux articles 142-5 et suivants du code de procédure pénale, est une alternative à un placement en détention provisoire, qui peut être ordonnée par un juge d'instruction ou un juge des libertés et de la détention (JLD).

Elle peut notamment être décidée, en application de l'article 142-12-1, lorsque la personne est mise en examen pour des faits de violences ou de menaces, punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et commis contre son conjoint, concubin ou partenaire de PACS ou contre ses enfants ou ceux du conjoint, concubin ou partenaire. Elle peut aussi être décidée à l'initiative du procureur de la République dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, d'une convocation par procès-verbal ou en cas de comparution à délai différé, en application des articles 394 à 397-7 du code de procédure pénale.

2. Un dispositif réécrit à l'Assemblée nationale

Avec l'avis favorable de son rapporteur, la commission des lois a adopté deux amendements identiques CL 82 et CL 92 de réécriture globale de l'article, présentés respectivement par les membres du groupe La République en Marche et par le Gouvernement.

Ils tendent à modifier la sous-section du code de procédure pénale relative au contrôle judiciaire .

En application de l'article 138 du code de procédure pénale, le placement sous contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction ou par le JLD lorsque la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel ou une peine de réclusion criminelle. En l'absence de mise en examen, il peut également être ordonné dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ou de la procédure de convocation par procès-verbal, en application de l'article 397-3 du même code, ainsi que dans le cadre de la procédure de comparution immédiate à délai différé, prévue à l'article 397-1-1 et issue de la récente loi du 23 mars 2019.

L'article 138 du code de procédure pénale prévoit que la personne placée sous contrôle judiciaire est astreinte à respecter une ou plusieurs obligations décidées par le juge : par exemple ne pas se rendre en certains lieux, répondre aux convocations, s'abstenir de rencontrer certaines personnes, ne pas détenir ou porter une arme, etc.

Le 17° de l'article 138 concerne plus particulièrement l'hypothèse où la personne placée sous contrôle judiciaire a commis une infraction contre son conjoint, concubin ou partenaire de PACS, ou contre ses enfants ou ceux du conjoint, concubin ou partenaire. Dans ce cas, le juge peut ordonner à la personne mise en examen de résider hors du domicile du couple, voire de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou à ses abords immédiats. Il peut également lui ordonner de suivre une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. Ces mesures peuvent également concerner un ancien conjoint, concubin ou partenaire.

Il est proposé d'insérer après cet alinéa un nouvel alinéa 17° bis pour ajouter à la liste des obligations pouvant être imposées par le juge dans le cadre d'un contrôle judiciaire le fait de respecter l'interdiction de se rapprocher d'une victime de violences commises au sein du couple sous le contrôle d'un dispositif électronique , c'est-à-dire d'un bracelet anti-rapprochement.

Il est ensuite proposé d'insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article 138-3 qui définit le régime applicable au bracelet anti-rapprochement dans le cadre d'un contrôle judiciaire .

Cet article 138-3 reprend mutatis mutandis les termes de l'article 132-45-1 nouveau du code pénal, présenté dans le commentaire de l'article 3. Les dispositions qui concernaient le condamné à l'article 132-45-1 s'appliquent ici à la personne placée sous contrôle judiciaire.

Sous cette réserve, les dispositions sont identiques : une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement doit avoir été commise contre le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS, ou contre l'ancien conjoint, concubin ou partenaire ; le juge doit avoir prononcé une interdiction de se rapprocher de la victime, sous le contrôle d'un bracelet anti-rapprochement ; le consentement de la personne placée sous contrôle judiciaire est exigé, mais son refus peut entraîner son placement en détention provisoire ; enfin, les modalités d'application sont renvoyées à un décret, pris après avis de la CNIL.

3. La position de votre commission

Il est fréquent qu'une personne placée sous contrôle judiciaire se voie interdire de se rendre dans certains lieux ou de rencontrer certaines personnes. La nouvelle interdiction de rapprochement s'insère donc naturellement dans ce dispositif qui vise à éviter que la personne mise en cause ne commette une autre infraction.

La combinaison des articles 3 et 4 permettra d'utiliser le bracelet anti-rapprochement à toutes les étapes de la procédure pénale : avant le jugement, au moment de la condamnation puis en phase post-sentencielle , ce qui paraît adapté pour exploiter au mieux les potentialités de ce dispositif technique.

Il est à noter que la décision d'ordonner le port du bracelet reviendra toujours à un juge du siège, gardien des libertés, ce qui constitue une garantie appréciable pour le justiciable.

Votre commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle COM-26 du rapporteur, analogue à celui adopté à l'article 3.

Elle a également adopté un amendement COM-8 , déposé par notre collègue Jean-Pierre Grand, qui procède à une coordination à l'article 141-4 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que les forces de police et de gendarmerie peuvent appréhender une personne placée sous contrôle judiciaire à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de penser qu'elle a manqué aux obligations de son contrôle judiciaire. Par cohérence, il est proposé d'ajouter à la liste de ces obligations la nouvelle interdiction de rapprochement créée par la proposition de loi.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 4 bis (nouveau)
(art. 230-19 du code de procédure pénale)
Inscription dans le fichier des personne recherchées

Régi par l'article 230-19 du code de procédure pénale, le fichier des personnes recherchées (FPR) recense les personnes faisant l'objet d'une mesure de recherche ou de vérification de leur situation juridique. Il vise à faciliter les recherches et les contrôles effectués par les gendarmes, les agents de la police nationale ou les agents des douanes.

Il est divisé en vingt-et-une catégories qui se distinguent par le motif de l'inscription au fichier : recherche de personne disparue, recherche de police judiciaire, débiteur du Trésor public, mineur en fugue, etc .

Le présent article, inséré par votre commission à l'initiative de votre rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-30 , tend à compléter, par coordination, la liste des personnes inscrites au FPR.

À l'heure actuelle, les personnes qui sont soumises à des obligations ou à des interdictions dans le cadre d'un contrôle judiciaire y sont inscrites. Il paraît cohérent que celles qui seraient soumises à une interdiction de rapprochement, contrôlée par un bracelet électronique , y figurent également. Tel est l'objet du de l'article, qui complète à cette fin le 2° de l'article 230-19 du code de procédure pénale.

De même, les personnes soumises à des obligations ou à des interdictions dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un suivi socio-judiciaire, d'un aménagement de peine, d'une libération conditionnelle, d'une surveillance judiciaire ou d'une surveillance de sûreté sont inscrites au FPR. Il est logique qu'y soient inscrites également les personnes soumises à une interdiction de rapprochement dans le cadre de ces différentes mesures, comme le prévoit l'article 3 de la proposition de loi. Le de l'article modifie en ce sens le 8° de l'article 230-19.

En matière civile, enfin, les interdictions de contact et les interdictions de port d'arme prononcées par le juge aux affaires familiales sont inscrites au FPR. Il est proposé d'y ajouter, par cohérence, les interdictions de paraître en certains lieux introduites par l'article 2 de la proposition de loi. Dans ce but, le de l'article complète le 17° de l'article 230-19.

Votre commission a adopté l'article 4 bis ainsi rédigé .

Article 5
(art. 15-3-1 du code de procédure pénale)
Information de la victime au moment du dépôt de plainte

Cet article vise à ce que les victimes soient bien informées de leur possibilité de bénéficier du nouveau dispositif de bracelet anti-rapprochement.

1. Le dispositif initial de la proposition de loi

Dans sa version initiale, l'article 5 tendait à prévoir qu'il serait possible d'utiliser le bracelet anti-rapprochement dans le cadre de mesures d'aménagement de peine : peine exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique (articles 132-26-1 du code pénal et 723-7 du code de procédure pénale) ou libération conditionnelle (article 731-1 du code de procédure pénale).

2. Un article entièrement réécrit à l'Assemblée nationale

Considérant que l'article 5, dans sa rédaction initiale, était satisfait par la nouvelle rédaction adoptée pour l'article 3 de la proposition de loi, la commission des lois a adopté, avec l'avis favorable du rapporteur, un amendement des membres du groupe La République en Marche qui procède à une réécriture complète de l'article.

Dans sa nouvelle rédaction, l'article 5 tend à insérer dans le code de procédure pénale, dans la section consacrée aux dispositions générales relatives à la police judiciaire, un nouvel article 15-3-2 qui crée une obligation d'information à la charge des officiers et agents de police judiciaire (OPJ et APJ).

Lorsqu'ils reçoivent une plainte déposée pour une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement commise contre le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS, y compris lorsqu'ils ne cohabitent pas, ou commise par l'ancien conjoint, concubin ou partenaire, ils devront ainsi informer la victime qu'elle peut demander à bénéficier d'un bracelet anti-rapprochement ou qu'elle peut consentir à en bénéficier s'il est ordonné par la juridiction compétente.

3. La position de votre commission

Les personnes entendues par votre rapporteur ont souvent souligné que les victimes de violences au sein du couple étaient souvent perdues et en demande d'information sur les démarches à accomplir.

Pour cette raison, la mesure proposée à cet article apparaît bienvenue. Le succès du bracelet anti-rapprochement dépend de la qualité de l'information qui sera dispensée aux victimes susceptibles d'en bénéficier.

Considérant qu'il pourrait être intéressant d'étoffer l'information donnée à la victime, la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-38 prévoyant que l'information portera également sur la possibilité de bénéficier d'un bracelet anti-rapprochement dans le cadre d'une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales.

Elle a également adopté un amendement COM-10 , dans une rédaction modifiée, de notre collègue Jean-Pierre Grand. Cet amendement prévoyait que l'information serait donnée à la victime en lui remettant un document. Le rapporteur a fait valoir que ce document pourrait ne pas être lu ou compris. Dans un esprit de synthèse, la commission a décidé que l'information serait donnée oralement puis qu'un document serait remis à la victime venue porter plainte.

La commission a enfin adopté un amendement rédactionnel COM-29 de son rapporteur visant à inscrire également à cet article l'expression de dispositif électronique mobile anti-rapprochement.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6
(art. 721 du code de procédure pénale)
Conditionnement des réductions de peine automatiques
dont peuvent bénéficier les auteurs de violences intrafamiliales
au respect de leur obligation de soins

L'article 6 de la proposition de loi permet au juge de l'application des peines (JAP) d'ordonner le retrait des réductions automatiques de peines en cas de refus de traitement de la part d'une personne condamnée pour violences commises sur son conjoint, concubin ou partenaire de PACS.

1. Le dispositif proposé

En application de l'article 721 du code de procédure pénale, tous les détenus bénéficient de crédits automatiques de réduction de peine calculés en fonction de la durée de la condamnation prononcée, à raison de :

- trois mois de réduction de peine pour la première année d'emprisonnement ;

- deux mois pour les années suivantes ;

- sept jours par mois pour les durées calculées sur une période inférieure à une année (dans la limite de l'attribution de deux mois maximum pour toute période dépassant la première année d'écrou).

Ces réductions sont accordées automatiquement dès le début de l'exécution de la peine sans demande de la part de la personne condamnée afin de favoriser son bon comportement.

Elles peuvent cependant être retirées, en tout ou partie, par le JAP, notamment en cas de mauvaise conduite du condamné pendant l'exécution de sa peine, ou par une juridiction de jugement en cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par la personne condamnée après sa libération pendant une période égale à la durée du crédit de réduction de peine dont elle a bénéficié.

En outre, le JAP peut ordonner le retrait des crédits de réduction de peine lorsque le détenu a été condamné pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu'il refuse, pendant son incarcération, de suivre le traitement qui lui est proposé, sur avis médical .

Cette possibilité de proposer un traitement au condamné est prévue par l'article 717-1 du code de procédure pénale ; elle suppose qu'un médecin estime que la personne condamnée soit susceptible de faire l'objet d'un tel traitement. Ce traitement peut, par exemple, consister en un traitement inhibiteur de libido si cela est jugé approprié pour traiter un délinquant ou criminel sexuel. Un traitement peut également être proposé, en application de l'article 763-7 du même code, dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, assorti d'une injonction de soins.

La modification proposée par l'Assemblée nationale tend à élargir aux crimes ou délits commis contre le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS la possibilité aujourd'hui offerte en cas de crime ou délit commis sur un mineur.

Ainsi, le JAP aurait la possibilité d'ordonner le retrait des crédits de réduction de peine lorsque la personne condamnée pour des faits de meurtre ou assassinat, torture ou acte de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle commis à l'encontre de son conjoint, concubin ou partenaire de PACS, refuse le traitement qui lui est proposé sur avis médical.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur.

2. La position de votre commission

Votre commission juge pertinente la mesure adoptée par l'Assemblée nationale en ce qu'elle donne au juge de l'application des peines un moyen supplémentaire d'inciter certains détenus à suivre un traitement médical adapté.

Ce suivi médical peut constituer, pour une partie des condamnés, un outil efficace pour lutter contre la récidive. Un nombre important de personnes incarcérées souffrent de troubles psychiatriques et ont besoin d'un accompagnement thérapeutique. Les moyens consacrés à la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice apparaissent cependant insuffisants et mériteraient d'être mis à niveau pour donner sa pleine efficacité à la mesure prévue à cet article.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté l'article 6 sans modification .


* 69 Le sursis probatoire se substituera également, à la même date, à la contrainte pénale, introduite en 2014, qui est une peine autonome consistant à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines (JAP), à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions destinées à prévenir la récidive et à favoriser sa réinsertion au sein de la société. Elle est très proche du SME dans ses modalités pratiques.

* 70 On parle de menace avec ordre lorsque la menace est assortie d'une demande de faire ou de ne pas faire quelque chose.

* 71 La libération conditionnelle est la libération d'un détenu avant l'expiration de sa peine carcérale. La justice prend en compte le comportement personnel du détenu, ou sa situation de fragilité liée à son âge, à son état de santé ou de grossesse, et à la présence d'un enfant. Certaines contraintes, dont le non-respect peut entraîner le retrait de la mesure, sont imposées au détenu qui bénéficie de la libération conditionnelle.

* 72 La libération sous contrainte permet à un détenu d'exécuter la fin de sa peine hors de prison. La mesure est prise uniquement pour les détenus qui remplissent certaines conditions. Le juge de l'application des peines examine la possibilité de libérer sous contrainte les détenus condamnés à une peine de moins de cinq ans d'emprisonnement et qui ont effectué les deux tiers de leur peine. Des obligations de suivi et de contrôle sont imposées au bénéficiaire de la mesure.

* 73 Cette mesure de suivi concerne les personnes condamnées à sept ans de prison ou plus - cinq ans ou plus pour un récidiviste - pour une infraction grave et ayant bénéficié de réductions de peine. Elle dure le temps des réductions de peine accordées.

* 74 La surveillance de sûreté consiste en des obligations imposées au détenu qui a purgé une peine criminelle, mais qui présente un risque de récidive élevé. La décision est prise par une juridiction spécialisée, à la fin de l'exécution de la peine ou à la fin des mesures de surveillance qui lui ont succédé.

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