Rapport n° 116 (2019-2020) de Mme Catherine DEROCHE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 13 novembre 2019

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N° 116

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 novembre 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
tendant à
instituer une carte Vitale biométrique ,

Par Mme Catherine DEROCHE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Michelle Gréaume, Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, MM. Jean Sol, Dominique Théophile, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe .

Voir les numéros :

Sénat :

517 (2018-2019) et 117 (2019-2020)



LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 13 novembre 2019 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de Mme Catherine Deroche sur la proposition de loi n° 517 (2018-2019) présentée par M. Philippe Mouiller tendant à instituer une carte Vitale biométrique.

Ce texte vise à substituer , dans un délai d'un an et pour l'ensemble des bénéficiaires de prestations d'assurance maladie, une carte Vitale biométrique à la carte Vitale actuelle . La mise en oeuvre d'un tel dispositif s'accompagne d'un traitement de données spécifique, qui intègre notamment l' image numérisée des empreintes digitales du titulaire.

La commission des affaires sociales partage pleinement l'objectif poursuivi par le texte de lutte contre la fraude sociale, qui motive l'instauration d'une carte Vitale biométrique. Elle s'est montrée attentive à ce que les dispositifs de prévention de la fraude soient proportionnés aux montants concernés. Or il est apparu, au cours des travaux de votre rapporteure, qu'au sein de l'ensemble des fraudes aux prestations d'assurance maladie, la fraude à la carte Vitale ne représentait qu'un montant faiblement significatif .

Pour autant, attentive aux conclusions récentes d'un rapport rendu par nos collègues Mmes Nathalie Goulet et Carole Grandjean sur la fraude sociale et faisant état du problème persistant (et néanmoins partiellement inexpliqué) des cartes Vitale surnuméraires , la commission des affaires sociales a conservé l'idée d'un dispositif faisant appel à l'outil biométrique, qui s'insérerait dans les réflexions en cours sur l'évolution de la carte Vitale.

Elle propose en conséquence que la carte Vitale biométrique fasse l'objet d'une expérimentation sur le ressort d'un nombre limité de caisses de sécurité sociale.

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La fraude aux prestations sociales constitue une atteinte à l'équilibre de notre pacte républicain. La solidarité nationale, qui s'exerce à l'égard de tout bénéficiaire dont les ressources ou l'état de santé ne lui permettent pas d'assurer lui-même la couverture de ses frais, est un devoir hérité de notre histoire dont notre pays a tout lieu de s'enorgueillir.

C'est pourquoi la prévention et la sanction de tout acte visant sciemment à solliciter de manière abusive des prestations servies au titre de la solidarité nationale doivent figurer en bonne place parmi les objectifs de nos politiques publiques.

La plupart des personnes auditionnées par votre rapporteure ont convenu que, par le préjudice financier, la fraude à la carte Vitale n'était pas la plus significative ; elle est en revanche l'une de celles dont l'occurrence est la plus fréquente et celle qui porte le plus visiblement atteinte au pacte républicain qui fonde la solidarité nationale. C'est donc à un dommage autant financier que symbolique que la présente proposition de loi entend s'atteler.

L'instauration d'une carte Vitale biométrique permettrait la vérification immédiate de l'identité du bénéficiaire au moment de la présentation de la carte, lors du paiement d'un acte médical, ce dispositif assurerait la disparition de toute forme de fraude à la carte Vitale.

La solution retenue est à mettre en regard des sommes fraudées et strictement rattachables à l'usage de la carte Vitale. Par ailleurs, l'introduction d'un élément biométrique au sein d'un titre ouvrant le droit à des prestations sociales suppose la création d'un traitement spécifique de données, dont le caractère particulièrement sensible suppose d'importantes précautions.

À ce titre, la commission des affaires sociales du Sénat, qui s'est toujours prononcée en faveur d'une lutte contre la fraude proportionnée aux enjeux financiers de cette dernière, fondée sur une analyse et une gestion des risques préalables, a souhaité ajuster le dispositif proposé. Elle en conserve le principe, tout en en aménageant les contours afin d'assurer sa réalisation.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA FRAUDE À LA CARTE VITALE AU SEIN DE LA FRAUDE SOCIALE

A. LA CARTE VITALE : UN OUTIL LIMITÉ À LA FACILITATION DU REMBOURSEMENT DES FRAIS DE SANTÉ DES ASSURÉS SOCIAUX

L'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale (CSS) dispose que « les organismes d'assurance maladie délivrent une carte électronique individuelle inter-régimes à tout bénéficiaire de l'assurance maladie qui comporte une photographie de celui-ci. Cette carte est valable partout en France et tout au long de la vie de son titulaire, sous réserve que la personne bénéficie de prestations au titre d'un régime d'assurance maladie ».

Les prestations sociales auxquelles la détention ou l'usage d'une carte Vitale ouvre droit ne couvrent donc que le champ des prestations d'assurance maladie versées aux assurés sociaux . Ces prestations sont de natures diverses. Elles désignent pour l'essentiel :

- au titre des articles L. 160-1 et suivants du CSS, la prise en charge des frais de santé (en établissement ou au titre des soins de ville) de toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière. Par exception, les personnes résidant à l'étranger et n'exerçant pas d'activité professionnelle peuvent bénéficier de la couverture de leurs frais de santé à la condition d'être titulaire d'une pension ou d'une allocation servie par un régime de base de la sécurité sociale ;

- au titre de l'article L. 321-1 du CSS, le versement d' indemnités journalières en cas d'une incapacité physique constatée par le médecin traitant de continuer ou de reprendre le travail. Le versement de ces prestations ne passe néanmoins pas par la carte Vitale.

Ainsi, toute action ambitionnant de lutter contre la fraude aux prestations sociales, avec la sécurisation de l'attribution de la carte Vitale pour seul vecteur , ne viserait potentiellement qu'un seul type de fraude, strictement imputable aux bénéficiaires : la fraude aux prestations d'assurance maladie en obtention des droits , autrement dit par l'utilisation d'un titre (comme la carte Vitale) permettant la délivrance ou le remboursement de prestations d'assurance maladie sans en être bénéficiaire.

À cet égard, il faut rappeler que la fraude aux prestations d'assurance maladie, qui ne constitue qu'une partie de la fraude aux prestations sociales, n'est elle-même que très partiellement approchée par la fraude en obtention des droits . À ses côtés, figurent notamment la fraude aux prestations pratiquées par les établissements de santé (fraude à la T2A), la fraude aux prestations en nature pratiquées en ville (actes fictifs) ou encore la fraude aux prestations en espèces (versement indu d'indemnités journalières).

D'après les données récemment publiées par la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la lutte contre la fraude aux prestations d'assurance maladie en 2018 a permis de détecter et de recouvrer 261,2 millions d'euros de préjudices. La Cnam prend soin de distinguer le type de fraude du responsable de la fraude : si les assurés représentent plus de la moitié des cas de fraudes en volume , le préjudice financier constaté qui leur est imputable ne concerne que 22,12 % des sommes en jeu , qui concernent pour 30 % les établissements de santé et pour 47 % les professionnels de santé.

Par ailleurs, la fraude en obtention des droits, comme le montre le graphique suivant, ne représente qu'un montant de 11 millions d'euros , faiblement variable depuis trois ans, soit moins de 5 % du montant total des fraudes détectées aux prestations d'assurance maladie. Lors de son audition par votre rapporteure, le directeur général de la Cnam a indiqué que la part de la fraude en obtention des droits strictement liée à l'usurpation de la carte Vitale avait donné lieu au recouvrement d' un million d'euros en 2018 , soit 0,5 % de la fraude à l'assurance maladie.

Source : Cnam

Mais ces montants, qui ne désignent que les sommes effectivement détectées au titre des fraudes, n'ont par conséquent qu'une valeur indicative. Pour le cas spécifique des fraudes en obtention de droits à prestations d'assurance maladie, il est toutefois admis que :

- l'usurpation de droits en matière d'assurance maladie, notamment pour la couverture des frais de santé, ne peut être que d' occurrence relativement marginale compte tenu de la législation en vigueur , très largement favorable au remboursement des soins. La protection universelle maladie (Puma) couvre toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière, l'aide médicale d'État (AME) assurant la couverture des soins des personnes en situation irrégulière. La Cnam a ainsi précisé à votre rapporteure que l'usurpation des droits ne pouvait, en l'état actuel, bénéficier qu'aux personnes en situation irrégulière, au cours du délai de trois mois préalable à leur admission à l'AME et qui n'auraient aucun accès à un service d'hospitalisation d'urgence, ou bien à des personnes en séjour temporaire utilisant les droits d'assurés pour des prestations pharmaceutiques ;

- par ailleurs, les deux tiers de la dépense d'assurance maladie concernant le traitement de pathologies lourdes, dont on peut difficilement soupçonner qu'elles soient frauduleuses, le phénomène de fraude à l'obtention des droits se trouve de facto limité par le seul volume des prestations qu'elle pourrait concerner.

Il est enfin important de préciser que, bien que sa délivrance à tout assuré social soit rendue obligatoire par la loi, la production d'une carte Vitale par le bénéficiaire n'est pas indispensable à l'ouverture de ses droits aux prestations de l'assurance maladie , l'article L. 161-33 du CSS disposant que cette dernière « est subordonnée à la production de documents dont le contenu, le support ainsi que les conditions et délais de transmission à la caisse du bénéficiaire sont fixés par décret en Conseil d'État ». Ces documents prennent couramment la forme d'une attestation d'affiliation à un régime obligatoire de base (en format papier), qui suffit à déclencher la couverture des soins.

B. LE NOMBRE DE CARTES VITALE EN CIRCULATION : DES ÉCARTS PARTIELLEMENT INEXPLIQUÉS

L'exposé des motifs de la présente proposition de loi fait un départ explicite entre deux problèmes relatifs aux cartes Vitale et tous deux générateurs potentiels de fraudes : l'utilisation de cartes Vitale valides par des non-bénéficiaires de prestations de l'assurance maladie, qui « apparaît comme une évidence » et la circulation de fausses cartes Vitale qui, elle, ne serait « pas démontrée ».

Compte tenu des chiffres que votre rapporteure vient d'avancer, la réalité des faits plaiderait plutôt pour l'affirmation inverse. Si les montants de la fraude en obtention des droits désignent la fraude à la carte Vitale par des non-bénéficiaires comme un phénomène plutôt marginal, la circulation de cartes Vitale surnuméraires demeure un problème persistant dont les causes ne sont que partiellement expliquées.

Un rapport conjoint de 2013 de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) estimait que le nombre de bénéficiaires pris en charge par une caisse d'assurance maladie obligatoire, donc titulaires d'une carte Vitale, excédait de plus de 7 millions le nombre de personnes résidant en France 1 ( * ) . Le rapport récemment rendu au Premier ministre de Mmes Nathalie Goulet et Carole Grandjean 2 ( * ) fait quant à lui état d'un nombre de cartes Vitale surnuméraires compris en 2019 entre 2 millions et 5,3 millions .

Au problème dénoncé par la présente proposition de loi de « plusieurs bénéficiaires pour une même carte » s'ajouterait un problème de « plusieurs cartes pour un même bénéficiaire ».

Les explications jusqu'ici avancées ne sont qu'en partie satisfaisantes.

Lors de son audition par votre rapporteure, le groupement d'intérêt économique (GIE) SESAM-Vitale, chargé de l'émission des cartes Vitale et de la sécurisation des échanges entre les professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie, a indiqué compter parmi ses missions la gestion d'un fichier central, alimenté par les listes d'opposition des différents régimes de sécurité sociale . En effet, l'article L. 161-31 du CSS dispose bien que « les organismes servant les prestations d'un régime de base d'assurance maladie inscrivent sur une liste d'opposition les numéros des cartes en circulation et en cours de validité perdues, volées ou dénoncées ». La centralisation de ces listes d'opposition par le GIE SESAM-Vitale permet d'obtenir, au gré des informations transmises par les régimes , le nombre et l'indicatif des cartes Vitale dont la désactivation doit être opérée. Les données de ce fichier central sont ensuite transmises par le GIE aux professionnels de santé.

En conséquence, le phénomène des cartes Vitale surnuméraires résiderait dans un défaut d'actualisation des données relatives à leurs bénéficiaires par les caisses d'assurance maladie . À ce stade, votre rapporteure n'identifie que deux grandes causes à ces attributions erronées : les migrations entre régimes 3 ( * ) et l' absence de prise en compte du décès ou de la fin de la condition de résidence des bénéficiaires , la carte Vitale étant attribuée à vie et ne nécessitant pas de renouvellement en dehors des mouvements d'affiliation.

II. LA PROPOSITION DE LOI : LE RECOURS À L'OUTIL BIOMÉTRIQUE POUR SÉCURISER L'ATTRIBUTION DE LA CARTE VITALE

A. L'ATTRIBUTION DE NOUVELLES CARTES VITALE : UN MOYEN INTÉRESSANT DE RÉINITIALISER L'ENRÔLEMENT DES ASSURÉS SOCIAUX

Le principal avantage de l'introduction d'un élément biométrique à la carte Vitale pourrait être celui d'un « réenrolement » de la population concernée (à savoir l'attribution de cartes réinitialisées) , propice à la réinitialisation de leurs droits et à la vérification de leur bonne affiliation. L'introduction d'une donnée biométrique , qui permet l'établissement indiscutable du lien entre la carte Vitale et son détenteur, présente a priori le moyen le plus efficace d'en garantir et d'en vérifier la correcte attribution.

Le recours à l'outil biométrique présente par ailleurs d'importants avantages, que votre rapporteure associe aux enjeux croissants de sécurisation des données personnelles de santé , touchées par un phénomène croissant de dématérialisation 4 ( * ) .

La Cnam a indiqué à votre rapporteure que le déploiement prochain d'une carte Vitale dématérialisée (« e-carte Vitale »), avec mise en place d'une identification biométrique préalable , pouvait être de nature à répondre à cet objectif 5 ( * ) . Actuellement expérimentée par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes et du Rhône et les caisses de la Mutualité sociale agricole Ain-Rhône et Provence-Azur, la carte Vitale dématérialisée a été présentée par la Cnam et le GIE SESAM-Vitale comme une solution aux défauts d'actualisation préalablement identifiés :

- elle garantira l'actualisation des droits en donnant la possibilité au professionnel de santé de vérifier les droits du bénéficiaire en temps réel . Cette possibilité sera assurée par l'outil de consultation des droits intégrée (CDRi), qui est un service de consultation des droits inter-régimes intégré au logiciel de gestion administrative des patients ;

- elle devrait par ailleurs garantir que le titulaire de la carte soit bien celui qui la détient , grâce à une identification biométrique préalable au moment de l'enrôlement , réalisée par l'intégration au sein de la carte Vitale dématérialisée d'une copie d'un document d'identité et d'une photographie d'identité comparée avec une « photographie vivante ». Il convient toutefois de noter que la garantie apportée par l'identification biométrique au moment de l'enrôlement ne se maintiendra que partiellement à l'usage, puisque la production de la carte Vitale au professionnel de santé ne fera, quant à elle, appel à aucun élément biométrique. Bien qu'il ait été indiqué lors de ses auditions à votre rapporteure que la dématérialisation de la carte Vitale rendrait moins aisée sa communication aux non-bénéficiaires (un téléphone portable se prêtant moins facilement qu'une carte physique), ce pronostic ne sera pas nécessairement vérifié dans les cercles intrafamiliaux.

À ce stade, votre rapporteure estime donc que l'intervention de l'élément biométrique au seul moment de l'enrôlement du bénéficiaire sécurise l'attribution de la carte Vitale mais ne suffit pas à s'assurer de son bon usage . Par ailleurs, le caractère facultatif de la carte Vitale dématérialisée fait indubitablement manquer la cible que la présente proposition de loi entend viser : les fraudeurs.

Enfin, les aménagements apportés à l'attribution de la carte Vitale ne seront d'aucun effet quant à la lacune très importante que connaît le contrôle des droits . Ce dernier, lorsqu'il n'est pas directement exercé par les organismes chargés du recouvrement, échoit de facto aux professionnels de santé, au moment de la lecture de la carte ; or on ne peut attendre de ces derniers, déjà surchargés de travail, qu'ils se livrent à un contrôle de l'identité de la personne qui, même avec une carte dématérialisée à l'enrôlement biométrique, ne sera peut-être pas en détention de son propre téléphone.

Au-delà de l'objectif de lutte contre la fraude, désigné par la présente proposition de loi, c'est un objectif de santé publique que l'identification stricte servirait : l'usage par un bénéficiaire d'une carte Vitale qui n'est pas la sienne, alors que celle-ci est appelée à contenir, via le dossier médical partagé (DMP), des informations personnelles sur la santé du titulaire, pourrait aboutir à des prescriptions mal fondées, voire dangereuses.

B. L'IMPLANTATION D'UNE DONNÉE BIOMÉTRIQUE : LA NÉCESSITÉ DE SE CONFORMER AU DROIT EUROPÉEN DE LA PROTECTION DES DONNÉES

Ces différentes remarques militent pour la mise en place d'un dispositif assurant par lui-même l'identification stricte du bénéficiaire et du détenteur de la carte Vitale. Déjà largement déployé pour les titres d'identité, l'outil biométrique s'imposerait logiquement : le stockage numérique de l'empreinte digitale dans la carte serait à n'en pas douter le meilleur garant d'un versement ou d'un remboursement servi à bon droit .

Compte tenu de la sensibilité des données personnelles concernées, d'importantes précautions doivent être prises. De façon générale, toute intégration d'un élément biométrique à un dispositif existant doit tenir compte, d'une part, de la législation en vigueur en matière de protection des données personnelles , très largement issue du règlement européen général de protection des données 6 ( * ) (RGPD) et, d'autre part, de la doctrine développée par la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Le RGPD étant d'application directe et s'imposant à la loi, une disposition de la présente proposition de loi sur l'obligation d'effectuer une analyse d'impact préalablement à la mise en oeuvre d'un traitement de données pose un problème de conformité.

Par ailleurs, il est nécessaire que le texte soit conforme aux grands principes dégagés par la Cnil. Bien que le système d'informations que supposerait le traitement de données biométriques soit bien motivé par une mission d'intérêt public, il soulèverait plusieurs interrogations en matière de proportionnalité de l'outil retenu et de sécurité .

• Le traitement de données biométriques revêt par définition un caractère particulièrement sensible. L'opportunité d'un traitement de données sensibles, lorsqu'il sert un objectif d'intérêt public, doit d'abord être examinée à l'aune des traitements existants, dont l'insuffisance manifeste doit être démontrée. Compte tenu de l'expérimentation en cours de déploiement de la carte Vitale dématérialisée et de ses effets en matière de lutte contre la fraude, l'objectif visé par la proposition d'une carte Vitale biométrique pourrait être considéré comme déjà satisfait par les traitements de données existants ;

• en matière de sécurité , la doctrine de la Cnil énonce le principe d'une proportionnalité des mesures de sécurité aux risques présentés par les traitements de données. Or la proposition de loi prévoit un stockage centralisé des données biométriques collectées, qui constituerait une base de données particulièrement exposée aux risques de cybercriminalité . Ce risque serait par ailleurs amplifié par l'exigence d'une durée de conservation de 10 ans prévue dans le texte, alors que la Cnil estime la durée de conservation actuelle de trois mois suffisante.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : ARTICULER LE DISPOSITIF PROPOSÉ AVEC LES CHANTIERS ENGAGÉS DE DÉMATÉRIALISATION DE LA CARTE VITALE

Compte tenu de ces observations, et en accord avec l'objectif de lutte contre la fraude que poursuit la présente proposition de loi, votre rapporteure propose une solution respectueuse de l'esprit du texte, articulée avec les chantiers en cours.

A. UN DISPOSITIF À CALIBRER EN FONCTION DES ENJEUX LIÉS À SA RÉALISATION

• Le coût de la mesure

Le réenrolement de l'ensemble des bénéficiaires des prestations d'assurance maladie par l'attribution d'une carte Vitale biométrique représenterait un coût important, à rapporter aux montants concernés.

La Cnam a fourni à votre rapporteure le chiffrage du coût d'une telle mesure. Prenant pour hypothèse le renouvellement annuel moyen de 3,6 millions de cartes Vitale, vingt années seraient nécessaires à l'actualisation intégrale du stock de cartes. Cette opération conduirait à l'embauche massive de personnels spécifiquement dédiés à la collecte des données biométriques, pour un coût d'embauche de 400 millions d'euros , avec l'incertitude sur le maintien de ces personnels une fois l'enrôlement terminé. Ce coût serait rapporté à 26 millions d'euros si l'enrôlement s'organisait « en flux ».

Par ailleurs, à ces coûts de personnel doivent être ajoutés des coûts liés à la nouvelle carte qui, d'un coût actuel de production de 4,40 euros, passerait à 15 euros avec l'introduction d'une donnée biométrique. Cela représenterait une masse financière de 900 millions d'euros .

Il convient enfin d'y inclure le coût en équipement de l'ensemble des professionnels de santé, estimé pour sa part à 60 millions d'euros, sans compter le développement nécessaire de logiciels adaptés par tous les éditeurs de cartes Vitale .

• La réception de la mesure par les assurés et les professionnels de santé

Au cours de ses auditions, il a par ailleurs été indiqué à votre rapporteure que l'efficacité de la mesure proposée par le présent texte était fortement conditionnée à sa réception par les assurés, qui seront tenus de se prêter à l'enrôlement biométrique, et par les professionnels de santé qui, en recevant la carte Vitale biométrique, exerceraient de facto un contrôle du droit du bénéficiaire, sans qu'une telle tâche ne rentre actuellement dans leurs missions .

• Le maintien d'une alternative obligatoire pour l'accès au remboursement

Les effets de la mesure contenue dans le présent texte sont susceptibles d'être compromis par le maintien obligatoire d'un titre alternatif à la carte Vitale pour l'ouverture des droits aux prestations d'assurance maladie. Ce titre alternatif prend, dans la majeure partie des cas, la forme d'une attestation d'affiliation en format papier, revêtue de la même valeur probatoire que la carte Vitale. La présentation par le bénéficiaire d'une carte Vitale biométrique d'une attestation en format papier lui conservera donc l'ouverture de ses droits.

• L'articulation avec l'engagement d'autres chantiers

Tel que décrit par le texte, qui prévoit la généralisation de la carte Vitale biométrique, le dispositif doit pouvoir compléter l'expérimentation de la carte Vitale dématérialisée.

Le GIE SESAM-Vitale a par ailleurs indiqué à votre rapporteure que la mesure contenue par la présente proposition de loi n'était pas compatible avec l'exécution des marchés publics de fourniture de lecteurs de carte Vitale , qu'il conviendrait par conséquent de réinitialiser. L'acquisition de nouveaux lecteurs de cartes Vitale biométriques donnerait lieu à un nouveau marché public, qui ne pourrait se substituer aux marchés publics en cours en raison de l'absence de cas de force majeure.

B. LA CARTE VITALE BIOMÉTRIQUE : UNE EXPÉRIMENTATION RICHE D'ENSEIGNEMENTS POTENTIELS

Votre commission se montre attachée au principe qui motive la présente proposition de loi, à savoir la lutte contre la fraude aux prestations d'assurance maladie. Bien qu'elle reconnaisse tout l'avantage que présente le recours à l'outil biométrique en la matière, elle constate qu'en l'état le dispositif proposé de généralisation présente des difficultés.

En conséquence, votre commission souhaite maintenir, à titre expérimental et sur un territoire circonscrit, l'idée d'une carte Vitale biométrique et ce parallèlement aux expérimentations en cours. On disposera ainsi d'un enrôlement biométrique total sur les territoires retenus, ce qui palliera le manque de l'expérimentation de la carte Vitale dématérialisée, fondée sur l'accord préalable du bénéficiaire.

Ces « territoires témoin », qui devront être différents de ceux où la carte Vitale dématérialisée est en cours d'expérimentation, se prêteront à d'utiles comparaisons en matière de fraude aux prestations d'assurance maladie, et l'enrôlement généralisé des bénéficiaires ne manquera pas de mettre un terme au problème persistant des cartes Vitale surnuméraires.

EXAMEN DES ARTICLES

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Article 1er
Instauration d'une carte Vitale biométrique

Objet : Cet article prévoit l'instauration d'une carte Vitale biométrique et d'un traitement de données correspondant.

I - Le dispositif proposé

A. Un nouveau traitement de données

Le du présent article complète l'article L. 161-31 du CSS par un paragraphe relatif à la nouvelle base de données mise en oeuvre pour la conservation de données biométriques .

Il prévoit la mise en oeuvre par le ministre chargé des affaires sociales d'un traitement de données à caractère personnel permettant l'enregistrement de l'image numérisée des empreintes digitales du titulaire. La base de données ainsi créée serait par ailleurs alimentée par des données relatives à l'identité, au sexe, à la taille et à la couleur des yeux, ainsi que par la photographie.

La consultation de cette base de données serait restreinte aux seuls agents désignés et habilités des organismes de sécurité sociale. Les données stockées seraient conservées pour une durée maximale de dix ans après la délivrance de la carte.

Les et opèrent en conséquence plusieurs coordinations, en précisant la nature biométrique de la carte alimentée par ces données.

B. Un régime juridique partiellement dérogatoire

1. L'application du droit commun en matière de protection de données

Le droit applicable à ce nouveau traitement de données est ensuite défini par plusieurs renvois à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés 7 ( * ) (dite loi « LIL »).

Le paragraphe fait également mention des obligations qui s'imposeraient au responsable du traitement qui, outre celles résultant directement du RGPD, recouvrent :

- l'obligation de notification du titulaire en cas de rectification ou d'effacement des données stockées ;

- l'obligation d'assurer leur protection par des mesures techniques et organisationnelles appropriées ;

- l'obligation d'information de la Cnil et du titulaire intéressé en cas de violation de ses données personnelles ;

- enfin les obligations incombant éventuellement au sous-traitant en cas de délégation par le responsable de traitement de la gestion de la base de données.

Le paragraphe précise par ailleurs que les droits de la personne concernée recouvrent notamment :

- son droit à être informé de la destination et de l'usage des données collectées, étant néanmoins entendu que l'intéressé ne pourrait se prévaloir de ce droit dans le cas où la base de données créée servirait à contrôler la commission éventuelle d'une infraction ;

- son droit à accéder aux données collectées ;

- son droit de rectifier les données collectées ;

- son droit à limiter le traitement des données collectées, dans les cas où la personne contesterait leur exactitude et dans des délais permettant au responsable de traitement de procéder à leur vérification.

Le texte spécifie enfin que le nouveau traitement de données est pleinement intégré au champ de compétences de la Cnil, et qu'outre les mentions spécifiques évoquées précédemment, les régimes de droit commun d'obligations des responsables de traitements et de droits des personnes s'appliquent.

2. Deux exceptions au cadre fixé par le RGPD

Il est précisé que, par dérogation aux dispositions de la LIL telle que résultant de la transposition du RGPD, le titulaire des données biométriques stockées dans le nouveau traitement ne pourra pas se prévaloir d'un droit à l'effacement (« droit à l'oubli ») ni exercer de droit d'opposition .

En outre, et bien que le traitement visé par la présente proposition de loi soit susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des titulaires des données biométriques, le texte prévoit la non-application des articles 62 et 63 de la LIL , qui obligent le responsable du traitement à :

- effectuer, préalablement à la mise en oeuvre du traitement, une analyse d'impact des opérations de traitement envisagées ;

- consulter la Cnil préalablement à la mise en oeuvre du traitement lorsqu'il ressort de cette analyse d'impact que le traitement présenterait un risque élevé si le responsable du traitement ne prenait pas de mesures pour atténuer le risque. Cette disposition spécifique pose une difficulté au regard de l'application directe du RGPD.

II - La position de la commission

En cohérence avec la position précédemment exprimée, votre commission, favorable sur le principe à l'introduction d'un élément biométrique au sein de la carte Vitale, souhaite assurer l'articulation du dispositif proposé avec les expérimentations en cours de carte Vitale dématérialisée .

Par un amendement n° 1 , elle substitue au présent article 1 er un dispositif expérimental qui, pour une durée de douze mois, autorise des organismes gestionnaires de l'assurance maladie, qui seront désignés par décret, à délivrer une carte Vitale biométrique aux bénéficiaires qui leur sont rattachés.

Le pilotage, le suivi et l'évaluation de cette expérimentation seront confiés aux organismes d'assurance maladie ainsi qu'au GIE SESAM-Vitale.

Au moment de l'enrôlement, les bénéficiaires seront informés de la mise en place d'un traitement de données dédié et des modalités d'exercice des droits d'accès et de rectification prévues par la LIL.

Une disposition spécifique prévoit la procédure applicable en cas de perte ou de vol de la carte Vitale biométrique, qui, à l'instar de la carte Vitale actuelle, prévoit un signalement du titulaire à sa caisse d'affiliation, lui-même transmis au GIE SESAM-Vitale. Ce dernier en informera les professionnels de santé qui participent à l'expérimentation.

La fin du bénéfice des droits aux prestations d'assurance maladie entraîne par ailleurs l'impossibilité d'utiliser la carte Vitale biométrique.

Enfin, le dispositif prévoit la remise d'un rapport, deux mois avant la fin de l'expérimentation, faisant notamment état de l'évolution des chiffres de la fraude en obtention des droits dans le ressort des caisses désignées.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Entrée en vigueur

Objet : Cet article prévoit une entrée en vigueur de la présente proposition de loi un an après sa publication.

I - Le dispositif proposé

Le présent article 2 laisse un délai d'un an à compter de la publication de la présente proposition de loi pour la mise en oeuvre du nouveau traitement de données biométriques.

II - La position de la commission

En cohérence avec le dispositif adopté par votre commission à l'article 1 er , votre commission a supprimé, par un amendement n° 2 , le délai d'entrée en vigueur à un an.

La commission a supprimé cet article.

Article 3
Gage

Objet : Cet article gage les mesures contenues dans la présente proposition de loi susceptibles d'avoir un impact sur les finances publiques.

I - Le dispositif proposé

Le présent article 3 propose un gage financier, pour les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et l'État, des mesures contenues dans la présente proposition de loi susceptibles d'avoir un impact sur les finances publiques.

II - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie mercredi 13 novembre 2019, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport de Mme Catherine Deroche, rapporteure, sur la proposition de loi n° 517 (2018-2019) de M. Philippe Mouiller tendant à instituer une carte Vitale biométrique.

M. Alain Milon , président . - Nous examinons à présent la proposition de loi, présentée par Philippe Mouiller, tendant à instituer une carte Vitale biométrique.

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - Nous avons à examiner aujourd'hui une proposition de loi de notre collègue Philippe Mouiller, inscrite à l'ordre du jour réservé du groupe Les Républicains et visant à instituer une carte Vitale biométrique. Les hasards du calendrier, qui font que nous examinons ce texte en même temps que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous donnent l'opportunité de nous attarder sur un aspect qui, bien souvent, n'est qu'éludé au moment de l'examen des budgets sociaux, alors qu'il est essentiel : le problème de la fraude sociale, et plus particulièrement de la fraude à l'assurance maladie. Comme rapporteure de la branche maladie, vous comprendrez l'intérêt particulier que je porte à cette question.

Le texte initial porte une ambition de grande envergure : réinitialiser l'attribution - « réenrôler », pour utiliser le terme exact - à l'ensemble des bénéficiaires de l'assurance maladie d'une carte Vitale biométrique, c'est-à-dire enrichie de l'image numérisée des empreintes digitales du titulaire.

Les auditions que j'ai menées, au cours desquelles j'ai pu m'entretenir avec l'ensemble des acteurs que concernerait ce réenrôlement, ont été riches d'enseignements. Elles m'ont permis de dresser plusieurs constats, qui sont autant de préalables qu'il me faut vous exposer avant de vous livrer la position que je vous proposerai, en accord avec l'auteur.

Premier constat : les montants de la fraude à la carte Vitale doivent être estimés en regard de ceux de la fraude aux prestations d'assurance maladie, dont ils sont un sous-ensemble. La plupart des personnes auditionnées conviennent que, par le préjudice financier, la fraude à la carte Vitale n'est pas la plus significative ; elle est en revanche l'une de celles dont l'occurrence est la plus fréquente et celle qui porte le plus visiblement atteinte au pacte républicain qui fonde la solidarité nationale. C'est donc à un dommage autant financier que symbolique que la présente proposition de loi entend remédier.

Deuxième constat : les fraudes à la carte Vitale sont plurielles, ce que nous ont appris des travaux récents. Nous sommes plusieurs, comme élus des territoires, à avoir connu de situations de multi-usage de la même carte par plusieurs bénéficiaires des prestations d'assurance maladie. Cette fraude, relativement marginale en raison de la couverture très large assurée par les pouvoirs publics en matière de remboursement des soins, existe néanmoins et n'est pas supportable dans un contexte de tension de nos finances publiques. Par ailleurs, un travail récent commandé par le Gouvernement à deux parlementaires, Mmes Nathalie Goulet et Carole Grandjean, a mis en lumière le phénomène inverse, tout aussi générateur de fraudes : le nombre de cartes Vitale en activité excède de plusieurs millions - les estimations oscillent entre 2 et 5 millions - le nombre de bénéficiaires couverts par des caisses de sécurité sociale. Depuis 2013 et les premiers constats de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), ce hiatus n'est que très partiellement expliqué et toujours pas jugulé. La détention de plusieurs cartes Vitale encore valides permet, sans difficulté, à une personne de bénéficier indûment de prestations servies pour un autre nom ;

Troisième constat : la fraude à la carte Vitale s'explique en grande partie par un arsenal très lacunaire de contrôle des droits. J'ai pu, dans le cadre du PLFSS, interroger chacune des organisations représentatives des professions de santé ou d'établissements de santé sur l'opportunité d'une carte Vitale biométrique, dont ils se trouveraient les principaux destinataires. Déjà surchargés de travail, bien peu m'ont assuré que l'introduction d'un élément biométrique au sein de la carte Vitale les inciterait à se livrer à des opérations de contrôle plus rigoureuses que celles qu'ils exécutent aujourd'hui. Le contrôle des droits n'a pas vocation à entrer dans les missions du soignant !

Ces différentes remarques militent par conséquent pour la mise en place d'un dispositif assurant par lui-même l'identification stricte du bénéficiaire et du détenteur de la carte Vitale.

Déjà largement déployé pour les passeports, l'outil biométrique s'impose logiquement : le stockage numérique de l'empreinte digitale dans la carte serait à n'en pas douter le meilleur garant d'un versement ou d'un remboursement servi à bon droit.

Cette idée judicieuse se heurte néanmoins à plusieurs obstacles. Le premier est son coût. Bien qu'il soit parfaitement légitime d'engager la lutte contre tous les types de fraudes, il me paraît primordial, dans le contexte que nous connaissons, de prioriser les dispositifs à raison des préjudices financiers qu'ils combattent. Or, de l'avis unanime, une généralisation de la carte Vitale biométrique sur l'ensemble du territoire représenterait un coût important dont l'amortissement ne serait réalisé qu'à long terme.

La carte Vitale biométrique doit par ailleurs tenir compte d'un chantier dont le déploiement a été lancé par un décret de mai dernier : la carte Vitale dématérialisée, dite « e-carte ». Le dispositif présente quelques similitudes avec celui conçu par les auteurs de la proposition de loi, sans toutefois se confondre avec lui. Il fait intervenir l'élément biométrique, mais limite son intervention au seul moment de l'enrôlement : le bénéficiaire est invité - et non contraint - à une identification biométrique lors de l'attribution de la carte, dont l'usage sera par la suite simplement conditionné à la présentation de son téléphone portable. Voilà qui ne garantira pas tout à fait la stricte identification... Autres inconvénients de taille : l'attribution fondée sur le volontariat et la distribution limitée aux seuls bénéficiaires équipés d'un support mobile manquent indubitablement la cible que la proposition de loi a urgemment identifiée comme devant être visée par la biométrie : les fraudeurs.

L'appel à l'outil biométrique ne doit cependant pas se faire à la légère. La collecte de données personnelles de santé, enrichies d'empreintes digitales, supposerait la construction d'une base de données extrêmement sensible, exposée à de multiples risques, et qu'on ne peut envisager sans considération des dangers correspondants. La Commission nationale informatique et libertés (Cnil), que j'ai auditionnée, n'a pas caché sa perplexité face au caractère aventureux d'une telle mesure, surtout rapportée aux bénéfices financiers qui sont escomptés. Je dois admettre, mes chers collègues, que la proposition alternative que je vous soumettrai doit beaucoup à cet enjeu - pragmatique - de sécurité des données personnelles de nos concitoyens.

Elle consiste à conserver le principe qui a guidé l'intention, tout en aménageant les contours du dispositif afin d'en assurer la réalisation. Je vous présenterai un amendement qui procède à la réécriture de l'article 1 er et qui substitue à une carte Vitale biométrique généralisée une carte Vitale biométrique expérimentale, dont le déploiement sera limité à quelques ressorts de caisse de sécurité sociale, avec un enrôlement obligatoire des bénéficiaires.

Ces « territoires témoin », aux côtés de ceux où la carte Vitale dématérialisée est en cours d'expérimentation, se prêteront à d'utiles comparaisons en matière de fraude aux prestations d'assurance maladie, et l'enrôlement généralisé des bénéficiaires ne manquera pas de mettre un terme au problème persistant des cartes Vitale surnuméraires.

C'est en plein accord avec l'auteur de la proposition de loi, avec lequel le travail s'est fait en parfaite intelligence, que je soumets cet amendement à votre vote. Nous franchissons aujourd'hui le premier pas d'une idée ambitieuse dont je ne doute pas qu'elle inspirera un nouveau paradigme du juste versement des droits, unique boussole que notre commission des affaires sociales s'est choisie pour préserver notre modèle de solidarité nationale.

M. Philippe Mouiller , auteur de la proposition de loi . - Ce sujet est complexe techniquement, financièrement, et même moralement. Les études menées recouvrent des périmètres différents. Leurs chiffres se contredisent, et l'estimation de la fraude à la carte Vitale varie de 1 million d'euros à 1,2 milliard d'euros ! Il y a entre 2 et 5 millions de cartes Vitale actives de plus que d'inscrits à l'Insee.

Au-delà, cette proposition de loi pose aussi la question du contrôle et du suivi des décès non déclarés, des départs de France non déclarés, des remboursements à l'étranger pour des ressortissants français, des remboursements de soins pour des personnes étrangères en France. L'Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) estime qu'en 2015 les impayés se sont élevés à 118 millions d'euros pour des personnes solvables.

Je remercie notre rapporteure de sa proposition. L'expérimentation qu'elle propose permettra de procéder à des évaluations et des analyses, d'identifier les éventuelles difficultés techniques et juridiques avant une éventuelle généralisation. Avant de conclure, je rappelle pour mémoire que l'on peut acheter sur Internet une carte Vitale pour quelques dizaines d'euros... Je suis aussi prudent quant à la dématérialisation par le biais des téléphones portables, car un téléphone se pirate très facilement. Il faut donc accompagner l'initiative lancée par l'assurance maladie, mais les questions de sécurité restent essentielles. Notre groupe soutiendra la position de notre rapporteure.

Mme Nadine Grelet-Certenais . - Le groupe socialiste n'est pas du même avis. Ce texte reprend l'une des mesures proposées par M. Sarkozy, en 2012, dans son programme, et qui réapparait, depuis, régulièrement dans le débat public. Il contribue à entretenir le fantasme d'une gabegie sociale qui profiterait aux étrangers et à certains Français résidents qui utiliseraient des cartes Vitale d'autres personnes, alors même que le rapport de Mmes Goulet et Grandjean sur la fraude sociale, qui vient juste d'être publié, ne parvient pas à chiffrer le montant de cette fraude. Selon les chiffres que notre commission a pu se procurer, le montant de la fraude aux prestations sociales semble dérisoire par rapport à la fraude aux cotisations sociales qui dépasse les 8 milliards d'euros d'après l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Dénué de bases solides, ce texte s'inscrit dans la lignée de la remise en cause systématique de l'aide médicale d'État (AME) et de la polémique de ces derniers mois sur le dévoiement de notre système social par les immigrés et les demandeurs d'asile. L'exposé des motifs de la proposition de loi évoque l'utilisation frauduleuse des cartes Vitale. Le texte ne résout en rien le problème : il ne porte pas sur l'utilisation de la carte, mais s'intéresse uniquement à ses modalités de réalisation. Il soulève aussi la question de la protection des données sensibles réunies en un seul fichier susceptible d'être piraté, et ne précise pas non plus le rapport entre les coûts et les avantages pour l'assurance maladie. Finalement, cette initiative n'est-elle pas déjà dépassée par l'expérimentation en cours, dans le Rhône et les Alpes-Maritimes, d'une carte Vitale dématérialisée via une application de smartphone ? La carte Vitale a pour objet d'établir des droits, non de permettre de vérifier l'identité du porteur, ce que, d'ailleurs, les professionnels de santé refuseront, sans nul doute, de faire. Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à ce texte.

Mme Michelle Gréaume . - L'idée d'une carte biométrique n'est pas nouvelle. Elle s'inscrit dans la perspective d'une chasse obsessionnelle et idéologique aux fraudeurs et s'accompagne d'une stigmatisation d'une partie de la population. Il s'agissait à l'origine d'une proposition du Front national, reprise ensuite par Nicolas Sarkozy. En 2014, une proposition de loi similaire avait déjà été déposée ; elle fut rejetée car le système avait été jugé coûteux et difficile à mettre en oeuvre. Inscrire des données biométriques sur la carte Vitale n'aura d'intérêt que si l'identité du patient est vérifiée au moment de l'utilisation de la carte afin d'éviter toute usurpation d'identité. L'installation de lecteurs d'empreintes digitales dans tous les hôpitaux et cabinets de médecins semble irréalisable, et les professionnels de santé n'accepteront pas de se transformer en contrôleurs d'identité. La carte Vitale n'est pas un document d'identité.

En septembre dernier, le rapport d'information de notre commission a rétabli la vérité sur la fraude documentaire aux prestations sociales, en l'estimant entre 117 millions et 138 millions d'euros. La Délégation nationale à la lutte contre la fraude évalue la fraude sociale à 1,29 milliard d'euros en 2017, soit 0,28 % du montant total des prestations versées par la sécurité sociale... La fraude des assurés sociaux est bien inférieure à la fraude des professionnels de santé, à la fraude patronale, à la fraude fiscale et également au non-recours aux prestations. Le déficit de la sécurité sociale est davantage alimenté par les tricheries des professionnels que par celles des assurés sociaux : 47 % du montant des fraudes est le fait des offreurs de soins, 30 % des établissements, et seulement 23 % des assurés sociaux. C'est pourquoi le groupe communiste ne votera pas ce texte.

Mme Patricia Schillinger . - Nous devons aussi aborder ce sujet sous l'angle de la santé. Utiliser la carte Vitale d'une autre personne constitue une fraude susceptible de mettre la personne en danger. On le constate dans la région des Trois-Frontières : certaines personnes réussissent à obtenir une carte Vitale par le biais de familles françaises habitant en Suisse pour se rendre chez le médecin ; elles se mettent en danger car le professionnel de santé risque, sans le savoir, de leur prescrire des produits auxquels elles sont allergiques. Le danger est particulièrement net aux urgences.

M. Martin Lévrier . - Je suis un peu perplexe. Il est vrai que le nombre de cartes Vitale en circulation révèle un problème. Il est possible qu'il y ait des fraudes, mais on n'en connaît pas l'étendue. Nous devons avancer intelligemment sur ce dossier. Or, la carte biométrique risque d'être rapidement dépassée. Il faut aussi avancer de concert avec les professionnels de santé car ils ne sont pas du tout convaincus par le système proposé. Cette carte coûterait une fortune. Il ne semble pas non plus logique de s'engager dans cette voie alors qu'une expérimentation sur la dématérialisation est en cours. Poursuivons plutôt cette dernière et tirons-en les leçons plutôt que de lancer une nouvelle expérimentation à côté.

Mme Nassimah Dindar . - Je suis assez réservée sur la généralisation d'une carte biométrique à cause de son coût, mais l'expérimentation pourrait être intéressante. Cessons d'opposer les fraudes entre elles, en fonction de l'identité des fraudeurs. Si l'on avait vraiment voulu traiter la question des familles comoriennes qui viennent à Mayotte ou à La Réunion pour se faire soigner, on aurait pu depuis longtemps, grâce aux fonds de l'aide européenne et internationale, installer des hôpitaux aux Comores. Mais on préfère débattre pour déterminer qui a droit, ou non, à l'AME... On oppose les bons citoyens et les fraudeurs, les fraudeurs entre eux, et la discussion est biaisée. Évitons les caricatures. Toute personne malade a le droit d'être soignée. Oui, des Comoriens passent en fraude en France pour se faire soigner, c'est humain ! Mais on ne fait rien pour traiter le problème à la racine. L'expérimentation me parait une solution plutôt sage.

M. Daniel Chasseing . - On compte beaucoup plus de cartes Vitale en circulation qu'il n'y a d'habitants. Certains disent que la fraude est d'ampleur limitée, sans doute, mais cela ne doit pas nous interdire de mettre en place un système pour la limiter autant que possible. C'est l'objet de cette proposition de loi. L'expérimentation permettra d'affiner le dispositif.

Mme Florence Lassarade . - La fraude était plus importante lorsque l'on utilisait encore des feuilles de soins. Au moment où l'on a introduit la carte Vitale pour y remédier, certains avaient déjà souligné le coût du dispositif. L'argument du coût n'est donc pas pertinent. La carte Vitale a aussi permis de mieux suivre l'activité médicale.

Pédiatre, je suis parfois amenée à me demander si l'enfant que j'examine en consultation est bien celui qui figure sur la carte Vitale. Si un jour la carte Vitale sert de support au dossier médical partagé, la sécurité des patients risque d'être mise en danger. L'enfant n'a pas sa propre carte Vitale, c'est dommage. Si l'on devait attribuer une carte Vitale à chaque enfant, à partir de quel âge pourrait-on utiliser la biométrie ?

Mme Victoire Jasmin . - La carte Vitale a évolué depuis sa mise en circulation, elle comporte désormais la photographie de son détenteur. Il faut dissocier les sujets. J'ai toujours le souvenir de cette personne décédée dont on s'était rendu compte, à la morgue, que les documents d'identité qu'elle avait sur elle n'étaient pas les siens ; il avait fallu que le procureur intervienne. Il est parfois difficile d'identifier les personnes à l'hôpital, et je ne parle pas du problème des homonymes dans certaines régions...

Cette proposition n'est probablement pas parfaite, mais il importe toutefois de trouver des solutions, sans stigmatiser certaines populations. Ayant été responsable de laboratoire, j'ai souvent eu l'occasion de voir des résultats d'analyses incompatibles avec les dossiers d'antériorité du patient. On demandait de nouvelles analyses et on se rendait compte alors qu'il s'agissait de personnes différentes ! L'utilisation d'une carte Vitale d'une autre personne peut être dangereuse, notamment aux urgences, lorsqu'il faut faire des transfusions sanguines ou si la démarche préopératoire ne peut être effectuée faute de temps. Le risque d'accident est réel. Je comprends la réaction de certains collègues, mais il faudrait discuter sereinement du texte, analyser précisément les situations pour trouver des solutions adaptées, ne serait-ce que pour garantir la sécurité des patients en cas d'hospitalisation. Je ne suis pas opposée à ce texte car le problème qu'il vise est réel.

M. Michel Forissier . - J'irai dans le même sens que Mme Jasmin. La première carte Vitale ne comportait pas la photographie. Qu'elle contienne des empreintes ou des données personnelles ne me gêne pas, c'est un gage de sécurité des soins. Il n'est pas anormal qu'un soignant vérifie l'identité de la personne. C'est déjà souvent le cas lorsque l'on change de médecin ou d'hôpital. Je ne stigmatiserai personne et je parlerai de manière générale. On vit à l'ère de la dématérialisation. Plus la carte comprendra d'informations sur son titulaire, mieux cela sera, ne serait-ce que pour garantir la sécurité du patient en cas d'accident et d'hospitalisation en urgence. On peut aussi aller très loin en matière de sécurité numérique et les données seront protégées. D'ailleurs, on court autant de risques à voir ses données piratées lorsque l'on fait un achat sur Internet ! L'expérimentation proposée par notre rapporteure est judicieuse et permettra d'y voir plus clair. La société évolue. Il faut vivre avec son temps.

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - Vous avez raison de souligner le risque que l'on prend pour sa santé en utilisant une carte Vitale qui n'est pas la sienne.

Une expérimentation de dématérialisation de la carte Vitale sur le téléphone mobile est déjà en cours. Mais tout le monde ne téléchargera pas l'application. L'accès au réseau est limité dans certains territoires. Elle vise donc plutôt des publics jeunes, familiarisés avec le numérique, davantage que des personnes âgées. On l'a bien constaté dans les Pays-de-la-Loire lors de la mise en place du « e.pass santé ». Les fraudeurs ne téléchargeront évidemment pas non plus l'application. C'est pour cela que j'ai proposé une expérimentation limitée. Une nouvelle expérimentation, sur un territoire différent, permettra, grâce à l'enrôlement généralisé des bénéficiaires, d'éclaircir la question des cartes surnuméraires.

Madame Lassarade, on peut réaliser des passeports biométriques à partir de l'âge de 16 ans, mais je n'ai pas la réponse pour les cartes Vitale. Il est vrai que les médecins ne savent pas toujours si la personne qu'ils ont en face d'eux est bien celle qui figure sur la carte. Il faut aussi rappeler que les cas d'usage de la même carte par plusieurs bénéficiaires sont très divers. Il arrive que l'on aille à la pharmacie avec la carte de quelqu'un qui ne peut se déplacer pour lui acheter des médicaments. Hormis ce cas, les pharmaciens et les professionnels de santé constatent parfois que la prescription ne correspond pas au patient qu'ils connaissent, mais ce n'est pas en changeant la carte Vitale que l'on résoudra ce problème. Les fraudes sont donc multiples, il est difficile de les chiffrer. Nous avons proposé une solution raisonnable, qui correspond à l'esprit du texte.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - L'amendement COM-1 substitue à l'article 1 er le dispositif expérimental que j'ai déjà présenté.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - Par cohérence, l'amendement COM-2 supprime l'entrée en vigueur généralisée que prévoyait la proposition de loi initiale.

L'amendement COM-2 est adopté. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

L'article 3 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

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• Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam)

Nicolas Revel , directeur général

Veronika Levendof , responsable du département juridique

Emmanuel Sourisseau , cabinet du directeur général

• GIE SESAM-Vitale

Jacques de Varax , directeur général

Michel Venet , directeur de l'identité numérique

• Commission nationale informatique et libertés (Cnil)

Jean Lessi , secrétaire général

Hélène Guimiot-Breaud , cheffe du service santé

Tiphaine Havel , conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

• Nathalie Goulet , sénateur de l'Orne, coauteur du rapport remis au Gouvernement sur la fraude sociale

• Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général de la commission des affaires sociales, sénateur du Pas-de-Calais


* 1 IGF et IGAS, Les coûts de l'assurance maladie , septembre 2013.

* 2 N. GOULET et C. GRANDJEAN, Lutter contre les fraudes aux prestations sociales, un levier de justice sociale pour une juste prestation , octobre 2019.

* 3 Dès 2013, le GIE SESAM-Vitale attribuait la moitié des cartes Vitale surnuméraires à des phénomènes de migration de régime, notamment du régime étudiant de sécurité sociale (RESS) vers un régime obligatoire de base.

* 4 Comme l'indique le GIE SESAM-Vitale sur son site internet, le système originel de la transmission des données de santé était « 100 % offline pour un service essentiel, la télétransmission des feuilles de soins. Aujourd'hui, un bouquet de services variés pour le secteur libéral et les établissements s'impose dans un mix online et offline , et en mobilité ».

* 5 Décret n° 2019-528 du 27 mai 2019 relatif à l'expérimentation d'une « e-carte d'assurance maladie ».

* 6 Règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

* 7 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

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