II. D'UNE DURÉE DE VIE LIMITÉE ET AUX OBJECTIFS AMBITIEUX, LES PROGRAMMES DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » ONT TOUTEFOIS DÉJÀ FAIT L'OBJET DE PLUSIEURS ASSOUPLISSEMENTS

A. SI L'ESSENTIEL DES CRÉDITS A DÉJÀ ÉTÉ ENGAGÉ EN 2019, DES INTERROGATIONS DEMEURENT SUR LA CAPACITÉ DE CE PROGRAMME À RÉPONDRE AUX AMBITIONS QUI LUI ONT ÉTÉ FIXÉES

1. La rénovation des bâtiments domaniaux mutualisés vient seconder les instruments dédiés à la politique immobilière de l'État

Le programme 348, créé en 2018 dans le cadre du Grand plan d'investissement (GPI), répond à deux de ses priorités : l'accélération de la transition énergétique et la construction de l'État à l'âge numérique. Ce grand plan de rénovation sera doté d'un milliard d'euros en cinq ans pour financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et de lutter contre leur obsolescence. Ces travaux visent également à densifier les sites sous-occupés, réduisant par là-même la surface occupée par les services de l'État, avec l'objectif de se rapprocher de l'indicateur cible de 12 m² de surface utile nette par poste.

Sont spécifiquement visés par ce programme les cités administratives et les sites domaniaux multi-occupants, soit une surface totale d'environ un million de mètres carrés.

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux 21 ( * ) , le choix de recourir à un programme indépendant du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'explique par les contraintes fortes pesant sur l'utilisation des fonds ouverts sur ce CAS . En effet, les dépenses ne sont normalement engagées qu'à hauteur des recettes, issues des produits de cession et de redevance domaniale. Au vu de la fragilité financière du CAS ces dernières années 22 ( * ) , il aurait été impossible de mobiliser une telle somme sur cinq ans pour ces dépenses de rénovation et d'entretien, du moins pas sans que cela ne se fasse au détriment des autres bâtiments de l'État.

La démarche s'intègre donc dans les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) qui ont permis d'identifier les sites pouvant participer aux audits énergétiques et techniques. En effet, les SDIR, qui ont remplacé les schémas pluriannuels de stratégie immobilière, intègrent nécessairement un diagnostic préalable de l'ensemble des bâtiments à l'échelon régional. Ces propositions ont ensuite nourri la phase de diagnostic de la direction de l'immobilier de l'État. Cependant, il n'y avait là rien d'obligatoire et la DIE s'est employée à inciter les préfets à réfléchir à la création de projets globaux sur leurs cités administratives .

Il est opéré dans la présentation de ce programme un lien direct entre la rénovation de ces cités administratives et l'objectif de réduction et de mutualisation des effectifs de la fonction publique d'État d'ici 2022. Le FTAP pourra en effet accompagner les projets portés par le programme 348 (fusions, réorganisations).

2. L'anticipation des autorisations d'engagement doit permettre au programme de financer l'ensemble des travaux d'ici 2022

Le programme 348 a été marqué par une inscription massive d'autorisations d'engagement en 2019 et ceci pour deux raisons. D'abord, parce qu'au vu de l'ampleur des opérations à réaliser, il était nécessaire, pour que les travaux se concluent en 2022, d'engager au plus vite les crédits. Ensuite, en raison du principe de réallocation des crédits du GPI. En effet, il est bien précisé que les crédits alloués au GPI peuvent être « relabellisés » : pour éviter un tel phénomène, qui serait préjudiciable aux opérations d'ores et déjà lancées, l'inscription des AE est un moyen de sécuriser ces crédits.

Dans ce contexte d'engagement anticipé, au vu de l'ampleur des opérations à réaliser , 2018 et 2019 ont constitué des années de transition : d'abord pour conduire les audits énergétiques et techniques (2018) puis pour sélectionner les projets. 39 sites ont été retenus à la mi-juillet 2019, chaque candidat ayant auparavant été expertisé par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) puis examiné par la conférence nationale de l'immobilier public (CNIP).

D'après les informations reçues par vos rapporteurs spéciaux, la rénovation de ces bâtiments permettrait de réaliser un gain énergétique de 139 millions de kWh d'énergie primaire par an et l'optimisation des surfaces occupées devrait réduire le parc immobilier de l'État de 239 000  mètres carrés de surface utile brute, réduisant par là-même les frais liés aux loyers, aux charges et à la facture énergétique.

Alors que la sous-exécution était forte en 2018, mais plus facilement acceptable compte tenu de la jeunesse de la mission, il est probable que le programme 348 s'oriente à nouveau vers une sous-exécution, un risque que vos rapporteurs spéciaux jugent d'autant plus regrettable que les travaux ont commencé et que tous les sites n'ont pas pu bénéficier des crédits du programme 348 . Le montant de crédits de paiement inscrits en loi de finances pour 2020 a été revu à la baisse. Le Gouvernement assure pourtant que le programme sera bien doté d'un milliard d'euros sur le quinquennat. Si ces tendances se poursuivent, il faudra soit renoncer aux travaux, soit consacrer les crédits afférents à un autre programme, soit prolonger la mission.

Il est répété que la complexité des sujets immobiliers a conduit à des décalages dans le temps des projets. Par exemple, la direction de l'immobilier de l'État ne dispose pas de suffisamment de compétences techniques pour accompagner tous les porteurs de projet.

3. La limitation des crédits conduit à exclure de fait des bâtiments qui auraient pu être sélectionnés par le programme

Lors de sa création, le programme 348 a été centré sur les cités administratives , sites emblématiques de la présence de l'État et de la politique immobilière de l'État. Ces sites datent souvent des années 1970 et constituent, en l'absence de travaux, des « passoires thermiques ». Des critères d'éligibilité ont néanmoins été fixés par le programme. Ces cités administratives devaient exister au 1 er janvier 2017, l'État devait en être propriétaire et elles devaient avoir été identifiées comme des « actifs à conserver » dans les SDIR.

Il était alors précisé que les crédits ne seraient ouverts à d'autres catégories de sites domaniaux multi-occupants qu'en fonction des crédits disponibles. Les crédits étant entièrement alloués, le titre du programme est caduque . D'autres établissements, comme les universités, auraient pourtant pu en profiter, notamment pour mener à bien leur projet de rénovation énergétique 23 ( * ) .

39 projets ont été sélectionnés, dont 12 font l'objet d'un marché global de performance , un outil nouveau mais méconnu des adjudicateurs régionaux, ce qui a pu créer des retards dans la sélection des projets.

Pour conduire les opérations de travaux :
le recours au marché global de performance

Le marché global de performance, défini par l'article L.2171.3 du code de la commande publique, permet à l'acheteur d'associer l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance.

Dans le cadre de ce marché, la mission de maîtrise d'oeuvre est associée à celle de l'entrepreneur ; les objectifs de performance sont pris en compte dans la rémunération du titulaire au titre de la maintenance ou de l'exploitation des prestations réalisées.

Le choix du marché global de performance est préconisé dans les cas où des gains énergétiques importants sont recherchés par le biais de différents choix techniques possibles (isolation par l'intérieur ou l'extérieur, production autonome de chauffage ou raccordement à un réseau urbain, recours aux énergies renouvelables, etc...). Si les choix techniques sont évidents, le porteur de projet a plutôt intérêt à recourir à un marché classique.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Au total, sur les 55 projets qui pouvaient bénéficier de financements sur le programme 348 24 ( * ) , un seul fait l'objet d'études complémentaires, 10 n'ont pas été retenus, deux se sont retirés et trois cités n'ont déposé aucun projet. Si la Cour des comptes relevait qu'il faudrait sans doute 1,3 milliard d'euros pour financer l'ensemble des rénovations accordées, la direction de l'immobilier de l'État se montre plus optimiste quant à la réalisation de ces projets dans les conditions de crédit initiales.

4. Une révision bienvenue des objectifs de performance

La Cour des comptes avait en effet fortement critiqué les objectifs de performance tels qu'ils étaient inscrits dans le projet annuel de performances pour 2019, en regrettant qu'ils ne permettent pas d'apprécier rapidement les actions menées avec les crédits de la mission.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que le Gouvernement ait tenu compte de ces critiques et modifié les indicateurs de performance , qui permettent de donner une idée plus précise de l'impact des travaux financés par les crédits du programme 348. Ainsi, au lieu de suivre l'évolution de la performance énergétique, figurent maintenant comme premier sous-indicateur les économies d'énergie attendues. Le programme devant participer à la rationalisation immobilière de l'État, il est également bienvenu qu'il comprenne maintenant un sous-indicateur relatif à l'optimisation de la surface occupée.


* 21 Réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

* 22 Rapport général (2019-2020) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, fait au nom de la commission des finances. Projet de loi de finances pour 2020 : Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'État

* 23 Voir également rapport général (2019-2020) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, fait au nom de la commission des finances. Projet de loi de finances pour 2020 : Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'État.

* 24 Réponses adressées au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

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