Rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15a

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES - CRÉDITS NON RÉPARTIS

Action et transformation publiques

Rapporteurs spéciaux : MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

A. La stabilisation des crédits dans le projet de loi de finances pour 2020

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l'État . L'administration fiscale (la DGFiP ) et l'administration des douanes (la DGDDI ) représentent 89 % des crédits de la mission (programmes 156 et 302), les 11 % restant étant alloués à diverses politiques transversales portées par les programmes 148 « Fonction publique » et 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ».

Si l'infléchissement des crédits est significatif entre 2018 et 2020 (- 2,83 %), la stabilisation constatée entre 2019 et 2020 (+ 0,14 %) illustre la nécessité pour la mission, et notamment pour ses deux grandes administrations, de « marquer une pause » dans la recherche d'économies. La DGFiP et la DGDDI sont en effet toutes deux confrontées à d'importants défis .

Hors mesures de périmètre, les crédits de la mission devraient être légèrement supérieurs au plafond inscrit en loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (+ 1,33  %). La hausse des dépenses de fonctionnement et d'investissement consacrées aux projets informatiques, ainsi que la revalorisation des prestations d'action sociale interministérielle et le protocole d'accord signé entre la DGDDI et les organisations syndicales après le mouvement de grève du printemps 2019 expliquent ce dépassement.

Les dépenses de personnel représentent 82,14 % des crédits de la mission . Cette part est en légère baisse (82,68 % en LFI 2019), mais toujours bien plus élevée que celle constatée en 2018 (80,16 %) ou en 2017 (79,22 %). La baisse des dépenses de personnel en volume (- 0,5 %) s'explique par la diminution des effectifs de la mission, le plafond d'emplois devant diminuer de 1 471 ETPT entre 2019 et 2020. La DGFiP, qui représente 81,34 % des ETPT de la mission, est la plus sollicitée . À rebours de son schéma d'emplois des deux dernières années, la DGDDI devrait également contribuer à la réduction des effectifs de la mission, même si son schéma d'emplois (- 50 ETP) est bien inférieur à celui de la DGFiP (- 1 500 ETP). Vos rapporteurs spéciaux constatent que les efforts demandés au ministère de l'action et des comptes publics demeurent élevés : la DGFiP pourrait contribuer au tiers des suppressions de postes annoncées sur le quinquennat (15 000 dans la fonction publique d'État).

B. Les trois principaux défis auxquels sont confrontées la DGFiP et la DGDDI

Si ces défis sont anciens , ils ont eu tendance à prendre une ampleur considérable ces dernières années. Soumises à d'importantes transformations, ces deux administrations devront améliorer leur gestion des ressources humaines si elles veulent mener à bien les chantiers qui s'engagent aujourd'hui.

1. La réorganisation des deux plus grandes administrations de réseau de Bercy

Deux axes doivent être distingués. Le premier concerne la réorganisation du réseau territorial de la DGFiP et de la DGDDI, à savoir la cartographie de leurs implantations. La seconde concerne la « déconcentration » des services d'administration centrale vers les villes des territoires ruraux et périurbains. Les enjeux sont ici beaucoup plus forts pour la DGFiP.

Un nouveau processus de concertation a été lancé en juin 2019 afin qu'élus locaux, préfets et directeurs départementaux des finances publiques puissent s'accorder sur la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Ce processus ne se fait pas sans accroc : les contestations sont venues à la fois de certains élus locaux, le DGFiP reconnaissant ainsi que les négociations étaient difficiles dans 15-20 départements et conduiraient probablement à un report de la réforme, et des agents des finances publiques. Dans le cadre de la construction de son « nouveau réseau de proximité », la DGFiP sera également amenée à collaborer aux Maisons France Services (MFS) . Elle est aujourd'hui présente dans 460 maisons de services au public (MSAP), sur les 1 340 existantes.

La « démétropolisation » des services devrait fortement mettre à contribution la DGFiP, à hauteur d'environ 3 000 agents. D'après l'appel à candidatures publié le 17 octobre 2019, il semble que soient principalement ciblées les villes moyennes . En effet, parmi les critères d'éligibilité figurent la capacité de mettre à disposition, au meilleur coût possible, des surfaces immobilières pouvant accueillir plusieurs dizaines d'agents, ainsi que l' attractivité de la collectivité (bassin d'emploi dynamique, accès facilité aux services publics).

Le chantier qui s'ouvre en matière de réorganisation est donc colossal . Vos rapporteurs spéciaux attirent l'attention sur les deux pendants de ce processus : l'accompagnement des agents et la gestion immobilière des emprises .

2. La gestion de la dette technologique et la capacité de la DGFiP et de la DGDDI à développer des projets informatiques innovants

Les enjeux informatiques de la DGFiP et de la DGDDI sont très élevés, les deux assurant une mission essentielle au bon fonctionnement de l'État : le recouvrement de ses ressources . À cela s'ajoute pour la DGDDI la gestion d'un service de cloud au profit de plusieurs administrations, pour lequel elle devrait consacrer 9,4 millions d'euros en 2019.

Résorber la dette technologique , alors que de nombreux systèmes ont plus de 20 ans, est une absolue nécessité pour s'assurer de leur sécurité et de leur résilience . La DGFiP estime ainsi que 9 % de ses applications sont obsolètes ... dont celle chargée d'éditer les bulletins de salaire et de pension des agents de la fonction publique.

Obligées de se confronter à cette dette technologique, la DGFiP et la DGDDI doivent allouer la majorité de leurs crédits informatiques à la maintenance d'applications anciennes , ce qui préempte, en retour, tout investissement sur des projets innovants et davantage porteurs de gains de productivité. Pour contourner ce problème, elles ont toutes deux recours au Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) de la mission « Action et transformation publiques ». Outre les moyens financiers, c'est également sur les moyens humains que la DGFiP et la DGDDI doivent agir : les recrutements sont difficiles (80 % des postes d'informaticiens ouverts à la DGDDI en 2018 n'ont pas été pourvus), et la fidélisation des compétences d'autant plus.

Vos rapporteurs spéciaux voient toutefois d'un oeil favorable le changement amorcé dans le projet de loi de finances pour 2020. En effet, les crédits informatiques connaissent une hausse conséquente , ils devraient ainsi bondir de 40% (AE) et 22 % (CP) pour la DGFiP. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que cela ne soit pas un simple effet d'annonce, mais bien l'amorce d'une trajectoire pluriannuelle vertueuse .

3. La transformation des métiers et des procédures doit inviter la DGFiP et la DGDDI à faire preuve de beaucoup de précaution dans la gestion de leurs personnels

Vos rapporteurs spéciaux insistent tout particulièrement sur la nécessité de donner davantage de visibilité aux agents . Il y a certes des aléas qui ne dépendent pas de l'administration, comme le report du Brexit, mais il existe d'autres marges de progrès : éviter les restructurations répétées sur un même site, disposer d'un système d'information suffisamment pertinent pour anticiper les vacances et éviter les déséquilibres...

Les personnes auditionnées par vos rapporteurs spéciaux se sont montrées extrêmement prudentes sur les impacts que pourraient avoir sur les effectifs les mesures actuellement mises en place ou à l'étude et touchant au périmètre de ces deux administrations : réorganisation territoriale, dématérialisation des procédures, mise en oeuvre du prélèvement à la source, suppression de la taxe d'habitation, unification du recouvrement (mission Alexandre Gardette). Aucun chiffre précis n'est ainsi transmis sur l'effet de la mise en oeuvre du prélèvement à la source ou sur les futurs effets de l'unification du recouvrement. Il semble que les directions soient réticentes à donner tout chiffre qui pourrait ensuite être brandi comme un objectif impératif, nourrissant ainsi les critiques des opposants comme des partisans de ces transformations.

Dans les changements métiers, vos rapporteurs spéciaux insistent sur les effets du recours accru à l'intelligence artificielle et au data-mining sur l'exercice du contrôle fiscal. Au lieu de se prononcer pour une sanctuarisation des effectifs du contrôle, le Gouvernement semble privilégier la création de services spécialisés et la mobilisation de nouveaux outils. Le service d'enquêtes judiciaires des finances, service à compétence nationale, est le dernier né de ces nouvelles brigades spécialisées (1 er juillet 2019). Il regroupera en son sein des officiers de douanes judiciaires ainsi que des officiers fiscaux judiciaires. Quant aux outils, de plus en plus de contrôles devraient être ciblés par le recours à l'intelligence artificielle et au data-mining (35 % en 2020), illustrant ainsi la montée en puissance de la mission « requêtes et valorisation ».

La mission « Crédits non répartis »

1. Pour 2020, la mission « Crédits non répartis » est dotée d'un montant de 150 millions d'euros en CP et de 450 millions d'euros en AE , soit un écart de - 700 millions d'euros par rapport au plafond prévu par la programmation pluriannuelle pour la même année. Cet écart s'explique par le recours à la « réserve centrale de budgétisation » .

2. Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » est une nouvelle fois budgétisé, à hauteur de 26 millions d'euros , afin de couvrir le financement du forfait mobilité durable pour les agents de la fonction publique d'État ainsi que deux mesures de revalorisation , décidées lors du rendez-vous salarial de la fonction publique. Ce rendez-vous ayant eu lieu début juillet, le maintien durable des crédits correspondants sur le programme 551 n'est pas satisfaisant, aussi le Gouvernement devrait-il entreprendre au plus vite leur répartition dans les différentes missions au cours de l'examen du PLF 2020.

3. La dotation du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » demeure égale au montant ouvert en LFI 2018 et 2019, soit 124 millions d'euros . Il est à craindre que les règles d'utilisation de cette dotation ne soient une nouvelle fois détournées en 2019 et 2020 . En effet, en 2018, 84,2 % des crédits du programme 552 ont été consommés dans le but de compenser l'absence de budgétisation du programme 336 de la mission « Mécanisme européen de stabilité » de la mission « Engagements financiers de l'État ». Or aucun crédit de paiement n'est ouvert sur ce même programme pour 2019 et 2020, alors que des dépenses sont prévisibles .

La mission « Action et transformation publiques »

Créée par la loi de finances pour 2018, la mission « Action et transformation publiques » constitue le vecteur budgétaire de la démarche de réforme de l'action publique engagée par le Gouvernement sous le terme d'« Action publique 2022 ». L'ensemble des crédits alloués sur le quinquennat à la mission (1,7 milliard d'euros) participe également au Grand plan d'investissement , à travers deux de ses priorités : la transition énergétique et la construction de l'État de l'âge numérique .

Les crédits inscrits au titre de l'année 2020 (+ 39,32 %) montrent que la mission poursuit sa montée en charge, ce qui s'explique en grande partie par sa durée de vie limitée (2018-2022). Toutefois, vos rapporteurs spéciaux alertent sur le niveau criant de sous-exécution qui risque d'être constaté en 2019 . Si le Gouvernement avait pu s'en sortir en 2018 en expliquant que la sous-exécution constatée provenait de retards pris dans l'élaboration des règles de sélection lors des appels d'offre, ce qui pouvait s'entendre au vu de la complexité des projets, notamment sur le programme 348 « Rénovation des cités administratives et sites multi-occupants », et du caractère relativement nouveau de la mission, ce n'est plus le cas aujourd'hui. De multiples reports sont ainsi effectués d'une année sur l'autre et vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la capacité de la mission à atteindre ses objectifs d'ici à la fin du quinquennat .

Il semble enfin que le critère des économies attendues soit devenu moins déterminant dans la sélection des lauréats, en particulier s'il s'agit de soutenir des projets innovants portés par des administrations qui n'auraient pas eu les moyens de le faire autrement. La modernisation prend ici le pas sur la rationalisation.

À la date du 10 octobre 2019, date limite fixée par l'article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), vos rapporteurs spéciaux avaient reçu 96 % des réponses du ministère au questionnaire budgétaire sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Crédits non répartis ».

À cette date, 97 % des réponses étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Action et transformation publiques ».

PREMIÈRE PARTIE
MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
ET DES RESSOURCES HUMAINES »

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

A. LES EFFORTS BUDGÉTAIRES DEMANDÉS AU MINISTÈRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS SE TRADUISENT PAR UNE BAISSE CONTINUE DES CRÉDITS DE LA MISSION

1. Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » se stabilisent en 2020

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte l'essentiel des crédits du pôle économique et financier de l'État. Les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2020 se stabilisent (+ 0,14 %) mais l' infléchissement constaté entre 2018 et 2020 est significatif (- 2,83 %) .

Évolution des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(à périmètre constant format PLF 2020, en millions d'euros)

Exécution 2018

Ouverts en 2019

Prévision 2020

Variation 2020/2018

Variation 2020/2019

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

AE

8 103,57

7 980,96

7 779,22

- 4,00 %

- 2,53 %

CP

8 020,13

7 737,28

7 703,86

- 3,94 %

-0,43 %

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 535,88

1 609,89

1 587,96

3,39 %

-1,36 %

CP

1 530,79

1 586,03

1 590,97

3,93 %

0,31 %

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

931,28

899,53

933,09

0,19 %

3,73 %

CP

1 009,39

913,23

951,06

- 5,78 %

4,14 %

[148] Fonction publique

AE

203,03

205,58

211,21

4,03 %

2,74 %

CP

201,62

205,58

211,21

4,75 %

2,74 %

Total

AE

10 773,78

10 695,97

10 511,48

- 2,43 %

- 1,72%

CP

10 761,92

10 442,12

10 457,09

- 2,83 %

0,14%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission se compose de quatre programmes pouvant être répartis en deux catégories :

- les programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local » et 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » portent les crédits des deux grandes directions à réseau du périmètre ministériel que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ils devraient porter 89  % des crédits de paiement de la mission en 2020.

- les programmes 148 « Fonction publique » et 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » correspondent aux politiques de coordination et de pilotage au niveau interministériel.

En termes de crédits de paiement, ces programmes sont de poids très inégaux, la mission étant dominée par les enjeux auxquels doivent aujourd'hui se confronter la DGFiP et la DGDDI (89 % des crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2020).

La répartition des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » par programme

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En termes d'efforts sur la dépense publique, vos rapporteurs spéciaux relèvent que la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » continue à faire partie des missions les plus vertueuses. Parmi les missions du budget général de taille comparable, c'est d'ailleurs la seule à connaitre une quasi-stabilisation de ses crédits.

2. Cette stabilisation ne permet pourtant pas à la mission de respecter le plafond des crédits inscrits en loi de programmation des finances publiques

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a fixé le plafond de dépenses de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » , hors contribution au CAS « Pensions » et hors mesures de périmètre, à 7,79  milliards d'euros pour l'année 2020 . Les crédits de paiement inscrits au titre de la mission dépassent ce plafond de 102,43 millions d'euros (+ 1,33 %).

Ce décalage s'explique par plusieurs mesures ayant justifié, sur chacun des programmes, un ajustement à la hausse des crédits 1 ( * ) . Ces mesures ont concerné, d'un côté, les dépenses d'investissement et de fonctionnement consacrées aux projets informatiques (programmes 156 et 302), ainsi qu'au décalage d'une opération immobilière (programme 218) et, de l'autre, des mesures sociales à destination des agents. L'accord salarial de revalorisation des prestations d'action sociale interministérielle (programme 148) est ainsi entré en vigueur, tout comme deux autres accords conclus par la DGDDI avec, d'une part, les buralistes et, de l'autre, les organisations syndicales.

3. Si les crédits globaux se stabilisent, les quatre programmes de la mission ne sont pas tous mis à contribution

Le programme 156 (DGFiP) est le premier contributeur aux efforts visant à stabiliser les crédits de paiement inscrits au titre de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Ses crédits, qui représentent les trois quart des dépenses inscrites sur la mission en projet de loi de finances pour 2020, sont ainsi en baisse de 0,43 % . La DGDDI s'est, elle, engagée dans une trajectoire de stabilisation (+ 0,31 %), après deux hausses marquées en 2018 (+ 2,53 %) et 2019 (+ 4,8%).

A contrario de la DGFiP et de la DGDDI, les programmes 148 et 218 connaissent une augmentation significative de leurs crédits de paiement , de respectivement 2,7  % et 4,1 %, en partie due à l'accord salarial de revalorisation des prestations d'action sociale interministérielle. Du fait de leur faible poids dans la mission, cette évolution n'a qu'un faible impact sur les crédits de la mission.

B. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT MAJORITAIREMENT ALLOUÉS AUX DÉPENSES DE PERSONNEL

Part des différents types de dépenses dans les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. La baisse des effectifs de la mission entraine avec elle celle des dépenses de personnel
a) Une contribution toujours forte de la DGFiP à la réduction du plafond d'emplois de la mission

Les dépenses de personnel représentent 82,14 % des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » . Leur part connait en 2020 une légère baisse, tout comme leur volume. Cependant, vos rapporteurs spéciaux relèvent que, là-encore, les programmes ne sont pas mis à contribution de la même façon , ne serait-ce que parce que le poids des dépenses de personnel dans leurs crédits varie fortement d'un programme à l'autre, le plus consommateur étant le programme support de la DGFiP.

Évolution du plafond d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en équivalent temps plein travaillé, ETPT)

Exécution 2018

LFI 2019

PLF 2020

Écart 2020/2019

Programme 156

101 394

100 816

99 264

- 1 552

Programme 302

16 776

17 351

17 428

77

Programme 218

5 314

5 334

5 337

3

Total pour la mission

123 484

123 501

122 029

- 1 472

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 156 , qui représente 81,34 % des ETPT de la mission, est le programme le plus sollicité pour faire baisser les effectifs de la mission et, plus généralement, de l'État .

Évolution du schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en équivalent temps plein, ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La DGFiP devrait ainsi fortement contribuer à la réduction du nombre d'agents publics d'État sur le quinquennat , tout comme la DGDDI, après deux années de hausse en 2018 (+ 200 ETP) et 2019 (+ 50 en 2019). Avec 1 800 et 1 600 suppressions de postes supplémentaires prévues en 2021 et 2022, ce serait 4 900 postes qui seraient supprimés à la DGFiP d'ici la fin du quinquennat, soit quasiment les deux tiers de l'objectif aujourd'hui fixé à 15 000 suppressions de postes dans la fonction publique d'État . Le ministère de l'action et des comptes publics fait partie de ceux qui contribuent le plus à la réduction des effectifs de l'État.

Évolution des effectifs des missions du budget général en 2020

(Périmètre État hors opérateurs)

Ministère

Schéma d'emplois (ETP)

Plafonds d'emplois (ETPT)

Taux d'effort

Action et comptes publics

- 1 653

122 029

- 1,35 %

Agriculture et alimentation

130

29 799

0,44 %

Armées

300

271 125

0,11 %

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

- 8

291

- 2,75 %

Culture

- 15

9 593

- 0,16 %

Économie et finances

- 282

12 294

- 2,29 %

Éducation nationale et jeunesse

- 60

1 022 849

- 0,01 %

Enseignement supérieur, recherche et innovation

- 42

6 992

- 0,60 %

Europe et affaires étrangères

- 81

13 524

- 0,60 %

Intérieur

1 347

292 469

0,46 %

Justice

1 520

88 011

1,73 %

Outre-mer

35

5 583

0,63 %

Services au Premier ministre

169

9 759

1,73 %

Solidarités et santé

- 40

7 436

- 0,54 %

Sports

- 203

1 529

- 13,28 %

Transition écologique et solidaire

- 797

37 382

- 2,13 %

Travail

- 226

8 599

- 2,63 %

Total budget général

94

1 939 264

0,00 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de finances pour 2020

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, les schémas d'emploi prévus pour la DGFiP ces trois prochaines années entendent tenir compte de la dématérialisation des procédures, de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source ou encore de la disparition de la taxe d'habitation. Participeraient également à la réalisation de ce schéma les réformes engagées avec le soutien du Fonds pour la transformation de l'action publique (- 1 000 postes en trois ans). Toutefois, interrogés plus précisément par vos rapporteurs spéciaux, les personnes auditionnées ont eu du mal à exactement quantifier le nombre d'agents qui pourraient être concernés. En effet, jouent parfois des effets de sens contraire .

Prélèvement à la source et taxe d'habitation :
des impacts difficiles à évaluer pour la DGFiP

La mise en oeuvre du prélèvement à la source (PAS) a conduit à la disparition des encaissements des acomptes et des soldes des paiements par chèque, carte bancaire ou espèces (environ 30 % des contribuables), ainsi qu'à la disparition des travaux de relance des défaillants de paiement (environ 800 000 lettres adressées chaque année). Le PAS diminue en outre les travaux de gestion des contrats de mensualisation de l'impôt sur le revenu, réalisés par les Centres Prélèvement Services, ainsi que les demandes de délai de paiement et de remise gracieuse. En contrepartie, de nouvelles tâches sont apparues, tenant tant à l'accompagnement des collecteurs (les entreprises) qu'à l'assistance portée aux particuliers dans la gestion de leurs choix personnels en matière de PAS.

La taxe d'habitation sur la résidence principale doit être supprimée en intégralité d'ici 2023. S'il est difficile de donner une évaluation exacte du nombre d'ETP affectés par la réforme, il est possible d'identifier quelques tendances, aux sens opposés. Ainsi, les travaux relatifs à l'assiette demeureront, mais les actions ayant trait au recouvrement ou à la gestion des gracieux et contentieux non.

261 ETP ont été mobilisés en 2018 dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux des professionnels mais vos rapporteurs spéciaux ne disposent pas de ces données pour la revalorisation des valeurs locatives des habitations.

Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

b) Les dépenses de personnel connaissent ainsi une légère baisse, tirée par le programme 156

Conséquence de son schéma d'emploi, le programme 156 connait une baisse marquée de ses dépenses de personnel en 2020 , contrairement aux autres programmes. La hausse des dépenses de titre 2 sur les autres programmes provient tant d'un schéma d'emploi positif que de mesures de revalorisation salariale, notamment à la DGDDI.

Évolution des dépenses titre 2 (T2) et hors titre 2 (HT2) de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en euros, en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le montant des mesures catégorielles devraient s'élever à 27,96  millions d'euros en 2020, du fait de la poursuite de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) relatif à l'avenir de la fonction publique, ainsi que de la deuxième tranche de l'application du protocole de la douane (12,1 millions d'euros en 2020).

2. Les autres dépenses de la mission connaissent des évolutions extrêmement fortes

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que les autres types de dépenses de la mission connaissent des évolutions très contrastées. S' ils apprécient la hausse de 26,1 % des crédits de paiement dédiés aux investissements , ils regrettent que cette augmentation ne se soit faite que « dos au mur », notamment pour les projets informatiques (cf. supra ). Seule la DGDDI n'est pas concernée par cette hausse (- 7,2 % entre les crédits ouverts en 2019 et le projet de loi de finances pour 2020), ce qui s'explique notamment par l'achèvement de son programme d'achats d'équipements maritimes et aériens lourds.

Évolution des dépenses de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en euros, en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ET LA DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS DOIVENT RÉPONDRE À DES ENJEUX SIMILAIRES

Les crédits de la DGFiP et de la DGDDI connaissent certes, dans le projet de loi de finances pour 2020, des évolutions contraires, avec respectivement une baisse de 0,43 % et une hausse de 0,31 %, mais ces deux directions font face à des défis communs .

Si vos rapporteurs spéciaux ne remettent pas en cause le bien-fondé de certaines logiques à l'oeuvre au sein de ces deux grandes directions de réseau, ils se montrent plutôt réservés sur les choix opérés et sur les conséquences négatives qu'ils pourraient avoir à l'avenir .

A. LES DEUX PLUS GRANDES ADMINISTRATIONS DE BERCY DOIVENT MENER À BIEN LA RÉORGANISATION DE LEUR RÉSEAU

1. La réorganisation territoriale de la DGFiP et de la DGDDI : entre rationalisation du réseau et proximité du service public
a) La réorganisation du réseau territorial de la DGFiP : une vraie concertation ?

La DGFiP est soumise depuis longtemps à de profondes transformations visant son réseau, et notamment les trésoreries et services d'impôts.

Évolution du réseau déconcentré de la DGFiP ces cinq dernières années

2015

2016

2017

2018

2019 (projection)

Évolution 2015/2020

Trésoreries mixtes

1 525

1 337

1 120

884

670

-56,07 %

Trésoreries spécialisées

982

1 017

1 107

1 200

1 295

31,87 %

Services d'impôts des particuliers

535

514

515

516

507

- 5,23 %

Services d'impôts des entreprises

529

501

469

449

427

- 19,28 %

SIP-SIE

216

205

186

167

144

- 33,33 %

Pôles de recouvrement spécialisés

104

104

103

103

103

- 0,96 %

Services de la publicité foncière

354

354

354

350

350

- 1,13 %

Service départemental de l'enregistrement

1

14

19

19

-

Total

4 245

4 033

3 868

3 688

3 515

- 17,20 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Estimant que la méthode devait être revue , le ministre de l'action et des comptes publics a souhaité modifier le processus de réorganisation territoriale de la DGFiP. Il répondait là à une critique fréquemment adressée à la DGFiP ces dernières années : les agents, les élus locaux et la Cour des comptes regrettaient que les fermetures de trésoreries se fassent « à vue », sans vision de long terme .

Un nouveau processus de concertation a ainsi été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Ce processus doit réunir les élus locaux, les directeurs départementaux des finances publiques ainsi que les préfets. Vos rapporteurs spéciaux regrettent toutefois que les négociations se tiennent sur la base de cartes déjà préparées , ce qui ne peut qu'alimenter les suspicions quant aux marges de négociation dont disposent réellement les élus locaux. Le Premier ministre a toutefois rappelé dans son discours devant l'Association des maires ruraux de France, le 20 septembre 2019, qu'aucune trésorerie ne serait fermée sans l'accord des maires concernés.

Intitulé « Nouveau réseau de proximité » , ce processus doit, selon le Gouvernement, répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP , dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité des services publics . S'il est prometteur, ce programme n'a pas emporté l'adhésion de l'ensemble des élus et des agents, échaudés par les nombreuses années durant lesquelles l'administration s'est montrée incapable de se projeter à long-terme et d'adopter une vision pluriannuelle.

Lors de son audition par vos rapporteurs spéciaux, le directeur général des finances publiques a toutefois estimé que, sur l'ensemble des départements, les discussions avançaient bien dans 40 à 50 départements et qu'un consensus avait déjà été trouvé dans une trentaine d'autres . Les discussions seraient plus difficiles dans une quinzaine de départements et le directeur général a reconnu qu'il faudrait sans doute faire preuve d'un peu plus de patience avant d'y dessiner la nouvelle carte des implantations de la DGFiP.

La DGFiP sera aussi amenée à participer aux Maisons France Services (MFS). Aujourd'hui, selon un décompte du Commissariat général à l'égalité des territoires , les agents des finances publiques assurent des permanences dans 460 maisons de services au public (MSAP), sur les 1 340  existantes. Outre cette présence, la DGFiP assure également une formation à destination des animateurs des MSAP, afin qu'ils puissent répondre aux interrogations les plus simples des contribuables, ou tout du moins les orienter.

Alors que l'objectif du Gouvernement est de monter en gamme, par le biais du label « Maison France Services », la DGFiP devra fournir un effort supplémentaire pour assurer une présence dans chacune des MFS (une dans chaque canton, soit 2 000 d'ici à la fin du quinquennat, contre 1 350  actuellement). Cet effort devra être tant humain, par la mobilisation d'agents capables d'assurer une permanence régulière, que financier. Au sein des crédits alloués aux moyens généraux (5,74 millions d'euros), une enveloppe devrait ainsi y être allouée.

Enfin, vos rapporteurs spéciaux relèvent que la réorganisation territoriale de la DGFiP n'a pas qu'un impact sur les particuliers, elle bouleverse aussi l'exercice des missions de certains de ses agents auprès des collectivités territoriales . Le comptable local est souvent le premier point d'entrée pour ces collectivités, que ce soit en matière de conseil financier ou fiscal. Celui-ci pouvait ensuite s'appuyer sur l'expertise des correspondants déployés dans les directions départementales et régionales des finances publiques.

Autant le secrétaire d'État placé auprès du ministre de l'action et des comptes publics que le directeur général des finances publiques ont tenté de rassurer vos rapporteurs spéciaux sur la qualité du service qui serait rendu dans ces MFS ou à travers les « points de contact mobiles » et les permanences assurées par des agents de la DGFiP. En effet, si le ministre estime que le nombre de points de contact serait augmenté de 30% après la réforme, vos rapporteurs spéciaux se méfient d'une réforme qui ne brandirait que la quantité, au détriment de la qualité . Comme le précise la Charte nationale d'engagement France Services, le rôle de ces maisons sera bien d'assurer « une information de premier niveau en matière de fiscalité des particuliers » et d'orienter les usagers vers les interlocuteurs compétents. Ils pourront ensuite recourir à des référents locaux, qui tiendront lieu de back office .

Or, en parallèle à l'introduction d'un nouvel interlocuteur de référence au niveau régional, le responsable de la mission conseil aux décideurs publics (CDP), le Gouvernement souhaite créer des conseillers aux décideurs locaux (CDL), qui auraient vocation à devenir l'interlocuteur privilégié des ordonnateurs . Le Gouvernement estime que cela participe au double objectif de déploiement du nouveau réseau de proximité et de renforcement de la mission de conseil aux élus locaux. Vos rapporteurs spéciaux sont toutefois plus circonspects et rejoignent les réticences de certains élus locaux. Une relation de confiance avait souvent été établie entre l'élu local et le comptable et des incertitudes demeurent en cas de désaccord entre le CDL et le comptable local. La DGFiP doit encore convaincre du bien-fondé de cette restructuration des tâches.

b) La réorganisation de la DGDDI vise à rééquilibrer les implantations territoriales de la Douane

Au sein de la DGDDI, cette réorganisation se traduit par un basculement géographique : alors que des emprises régulières sont allégées dans les départements de l'est et du sud de la France, d'autres structures sont créées au nord de la France. Ainsi, en 2019, ce sont quatre nouvelles structures (deux bureaux et deux brigades) qui ont été installées dans les Hauts-de-France, afin de répondre aux effets induits par le rétablissement d'une frontière tierce en cas de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce processus devrait se poursuivre, davantage d'effectifs appelant à être mobilisés au nord de la France.

2. La déconcentration des services de l'administration centrale : pallier les transformations à l'oeuvre au sein de ces directions ?

Devant vos rapporteurs spéciaux, le directeur général des finances publiques a parlé du processus de « démétropolisation » des services, de l'administration centrale vers les territoires périurbains et ruraux . Cet objectif de « déconcentration » a été rappelé par le Président de la République au mois d'avril 2019, à l'issue des conclusions du Grand débat national.

La DGDDI ne devrait pas être autant mobilisée par ce processus. En effet, son « stock » de services pouvant être potentiellement concernés par cette réforme est limité : les ressources humaines sont d'ores et déjà à Bordeaux, les finances à Lyon, les systèmes informatiques à Osny, la formation à Tourcoing et à la Rochelle. Certains services à fiscalité spécialisée ont en outre été créés à Nice (fiscalité environnementale) ou à Metz (fiscalité routière) ou répartis sur cinq pôles (fiscalité énergétique). La DGFiP, deuxième administration civile de l'État, devrait donc être particulièrement mise à contribution.

Un appel à candidature a été publié le 17 octobre 2019 à destination des communes des territoires ruraux ou périurbains désireuses d'accueillir des services de la DGFiP. Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu' au vu des critères inscrits dans le cahier des charges, seules les villes moyennes devraient satisfaire les critères exigés pour prétendre à accueillir un service « déconcentré » . En effet, ce dernier précise que les services ont besoin d'une surface suffisante de bureaux, ce qui suggère un potentiel immobilier étendu, rapidement mobilisable et au coût le plus intéressant possible. Surtout, il est précisé que la ville doit être attractive pour l'agent et pour sa famille, ce qui suggère, par exemple, un bassin d'emploi dynamique et un accès facilité à des services publics (crèches, écoles, transports, etc.). Le secrétaire d'État, auditionné par vos rapporteurs spéciaux, ne s'en est pas caché. C'est aussi l'une des conditions pour que les agents des finances publiques acceptent leur mobilité géographique.

3. Des défis communs à ces deux dynamiques de réorganisation : la gestion des ressources humaines et du parc immobilier

Pour ces deux grandes administrations de réseau, et en particulier pour la DGFiP, le chantier qui s'ouvre en matière de réorganisation est colossal. Surtout, vos rapporteurs spéciaux insistent sur les deux pendants d'une telle restructuration : (a) la gestion et l'accompagnement des ressources humaines et (b) la gestion immobilière des emprises territoriales, à la fois celles qui seraient délaissées, transformées ou acquises.

a) Les ressources humaines

Les personnes auditionnées par vos rapporteurs spéciaux, en particulier les directeurs de la DGFiP et de la DGDDI, n'ont pas caché que les différents projets de restructurations étaient sources de tensions et d'inquiétudes au sein de chacune des administrations.

De tels projets de restructuration, qui visent à rationaliser les effectifs et les coûts, peuvent en effet se traduire par des coûts de transition extrêmement élevés. Il en est par exemple ainsi des dispositifs d'accompagnements proposés aux agents des finances publiques qui ne voudraient pas effectuer une mobilité géographique ou de métier : prime de restructuration de service, garantie de rémunération, indemnisation en cas de départ définitif de la fonction publique, formation, etc.

Par ailleurs, ces tensions ont pu déboucher sur des mouvements de grèves, parfois très suivis. Ce fut le cas pour les douanes au mois de mars 2019 ou pour les agents des finances publiques le 16 septembre dernier.

b) Le parc immobilier

La réorganisation de la DGDDI s'est déjà traduite par une rationalisation de ses implantations immobilières . La transformation de son réseau territorial implique en effet soit de rénover des bâtiments anciens, afin que puissent y être mutualisés des services, soit d'acquérir ou de louer de nouvelles emprises.

Vos rapporteurs spéciaux notent que les nouveaux projets de réorganisation nécessitent, dans les crédits alloués aux programmes 156 et 302, des dépenses dédiées spécifiquement à des projets immobiliers visant à aménager les sites existants afin d'accueillir de nouveaux personnels ou services. Ces montants demeurent toutefois relativement faibles pour la DGFiP (3,3 millions d'euros identifiés).

Crédits alloués aux projets immobiliers de la DGFiP et qui visent à accompagner la transformation de son réseau

(en millions d'euros)

Projets (M€)

2018

2019

2020

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Immobilier

DDFiP d'Epinal - travaux de densification

0

0

0,35

0,29

0

0,06

0,35

CDFiP de Versailles - travaux de densification

0

0

0,09

0,01

0,51

0,4

0,41

DRFiP de Strasbourg - travaux de relogement du centre prélèvement à la source

0

0

0,85

0,03

0

0,5

0,53

DDFiP de Melun - travaux pour la densification d'un bâtiment

0

0

0,45

0,05

0

0,4

0,45

DRFiP de Marseille - travaux de densification et désamiantage

0

0

0,49

0,05

0

0,44

0,49

DDFiP de Besançon - travaux de densification et réfection

0

0

0,12

0,04

0,75

0,45

0,49

CDFiP d'Haguenau - restructuration pour l'intégration de la trésorerie municipale

0

0

0,07

0,05

0,61

0,56

0,61

Total

0

0

2,42

0,52

1,87

2,81

3,33

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les montants plus conséquents alloués par la DGDDI à ce type de projets s'expliquent par la nécessité, pour elle, de gérer les bâtiments autrefois destinés à loger des agents de la Douane. Ceux-ci sont parfois vacants ou mis à disposition de d'autres administrations, alors même que la DGDDI est également engagée dans une logique de rationalisation de ses emprises.

Crédits alloués aux projets immobiliers de la Douane et qui visent à accompagner la transformation de son réseau

(en millions d'euros)

Projets

2018

2019

2020

2021

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Densification et rénovation de l'Hôtel des douanes de Marseille

1

6,5

0,9

3,2

3,4

7,5

Regroupement de services maritimes étatiques sur le site de la pointe Fouilloles en Guadeloupe

0,8

0,8

1,2

1,2

2

Agrandissement du site domanial de Lons le Saulnier pour y loger une brigade et un bureau

1,1

0,3

0,8

1,1

Relogement des services douaniers sur le site de l'aéroport de Beauvais Tillé

1

0,2

0,8

1

Relogement de la brigade d'Amiens sur le site de Poulainville

0,8

0,5

0,1

1,2

1,3

Relogement de la brigade de Menton

0,9

0,3

0,6

0,6

1,2

Total

2,7

0

8,1

1,7

3,3

5,6

0

6,8

14,1

B. ACCABLÉES PAR LEUR DETTE TECHNOLOGIQUE, LA DGFIP ET LA DGDDI DOIVENT TROUVER DE NOUVEAUX MOYENS POUR FINANCER LEURS PROJETS INFORMATIQUES

Les grands projets informatiques des programmes 156 et 302

Au titre du programme 156 :

- MISTRAL : management interactif de la situation au trésor. Ce projet vise à moderniser l'activité bancaire de la DGFiP, qui découle du principe d'obligation de dépôt des fonds au Trésor pour 130 000 organismes publics (État ou locaux).

- PAYSAGE : consolidation de l'application de paye des agents de l'État. Après la suspension du volet système d'information paye du programme d'Opérateur national de paye, ce projet entend consolider l'application actuelle de paye afin de sécuriser le paiement des traitements des fonctionnaires.

- ENSAP : espace numérique sécurisé de l'agent public. Ce projet entend faciliter les échanges par voie dématérialisée entre administratif et agents de l'État.

-PAS : prélèvement à la source. Si la majorité des modifications du système informatique de la DGFiP ont déjà été menée à bien afin d'adapter les systèmes d'information de la DGFiP aux nouvelles modalités de recouvrement de l'impôt sur le revenu, quelques travaux doivent encore être menés.

Au titre du programme 302 :

- GUN : Guichet unique national du dédouanement. Ce projet interministériel permet de mettre en place des liaisons informatiques entre le système d'information douanier et les bases des 15 administrations qui délivrent les autorisations nécessaires à l'importation et à l'exportation.

- NSTI Delta T : Nouveau système de transit informatisé. La refonte de l'application NTSI , qui permet la gestion et le suivi du régime douanier de transit. Cette application traite plus de cinq millions de déclarations par an et cette refonte devrait lui permettre d'assurer une meilleure traçabilité des marchandises.

Source : documents budgétaires

1. Les enjeux informatiques pour chacune des deux directions

Les enjeux informatiques de la DGFiP et de la DGDDI sont très élevés. Les deux assurent une mission essentielle au bon fonctionnement de l'État, en assurant le recouvrement de ses ressources .

À cela s'ajoute pour la DGDDI la gestion d'un service de cloud au profit de plusieurs administrations . Elle avait donc dû fortement investir en 2019 dans ces équipements de stockage pour faire face à la volumétrie croissante des données mais aussi à l'obsolescence de son matériel. Les crédits informatiques alloués à ce service d'infrastructure devraient atteindre 9,4 millions d'euros en 2019 (8% des dépenses d'investissement). En retour, les administrations rémunèrent la DGDDI à hauteur d'environ 9 000 euros par an et par baie de stockage (soit 6 950 euros par baie, tarif défini par la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication [Dinsic], hors frais d'électricité). La facturation fait l'objet d'un décret de transfert de la part du ministère concerné.

Vos rapporteurs spéciaux estiment que les crédits informatiques de ces deux directions avaient quelque peu servi de variables d'ajustement , jusqu'au moment où les circonstances ont exigé d'eux qu'ils soient les plus résilients possibles. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI 2 ( * ) , les crédits informatiques de la DGDDI ont été relevés pour lui permettre de faire face à la dématérialisation du dédouanement, au plan de lutte contre le terrorisme et à la préparation du Brexit, tandis que la baisse du budget informatique de la DGFiP a été enrayée pour la mise en oeuvre du prélèvement à la source.

Résorber la dette technologique, c'est avant tout s'assurer de la sécurité des systèmes d'information à long terme et gérer les risques liés à leur fonctionnement. Dans son rapport, la Cour des comptes juge que les systèmes sont gérés avec fiabilité, mais que c'est bien leur ancienneté qui est source de faiblesses . La DGFiP estime ainsi que 9 % de ses applications sont obsolètes... dont celle chargée d'éditer les bulletins de salaire et de pension des agents de la fonction publique. Dans leur rapport de contrôle sur le recouvrement des amendes de circulation et les forfaits de post-stationnement, vos rapporteurs spéciaux avaient longuement insisté sur les insuffisances du logiciel utilisé, vieux de 25 ans et aux possibilités limitées 3 ( * ) .

Il a sans doute fallu faire des choix et, à cet égard, vos rapporteurs spéciaux notent que la directrice générale des douanes et droits indirects se montre plutôt rassurante quant à la résilience des systèmes d'information de la DGDDI et à leur capacité d'absorber le choc du Brexit.

2. L'existence d'une dette technologique insoutenable préempte des crédits qui auraient pu être alloués au développement de projets informatiques innovants

Forcées de se confronter à cette dette technologique, la DGFiP et la DGDDI doivent allouer la majorité de leurs crédits informatiques à la maintenance d'applications anciennes, ce qui préempte, en retour, tout investissement sur des projets innovants et davantage porteurs de gains de productivité.

Outre cet impact au niveau national, vos rapporteurs spéciaux notent que l'insuffisance de crédits dédiés aux projets informatiques peut également nous pénaliser et nous placer en porte à faux vis-à-vis de nos partenaires européens . Par exemple, alors que de nouvelles dispositions du code des douanes doivent entrer en vigueur, les systèmes d'information requis pour assurer le principe de dématérialisation des échanges d'informations entre opérateurs et services douaniers ainsi que leur stockage, n'étaient pas prêts. L'échéance initiale de fin de l'année 2020 a été repoussée, même si vos rapporteurs spéciaux relèvent que ce retard ne concerne pas seulement la France. Résultat cependant, l'article 278 du code des douanes de l'Union a été amendé le 17 avril 2019, fixant le 31  décembre 2025 comme date de livraison des six projets transeuropéens les plus structurants.

En parallèle, la mise à niveau des systèmes nationaux d'importation et de présentation a, quant à elle, été repoussée au 31 décembre 2022 . Ce n'est pas la première fois que nos projets informatiques prennent du retard, comme vos rapporteurs spéciaux ont déjà pu s'en inquiéter 4 ( * ) . À cet égard, ils ne peuvent que souscrire à la quatrième recommandation de la Cour dans le rapport précité, qui porte sur la mise en place d'indicateurs de suivi des coûts et des délais. Cela n'a pour l'instant pas d'impact sur l'indice de satisfaction des applications informatiques évaluées par les usagers (8,11/10 en 2018, avec une cible en 2020 de 7,5/10).

Enfin, vos rapporteurs spéciaux voient d'un oeil favorable le changement amorcé dans le projet de loi de finances pour 2020. En effet, les crédits informatiques connaissent une hausse conséquente, ils devraient ainsi bondir de 40 % (AE) et 22 % (CP) pour la DGFiP. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que cela ne soit pas un simple effet d'annonce, mais bien l'amorce d'une trajectoire pluriannuelle vertueuse .

3. Le manque de moyens s'observe également sur le plan humain

Si vos rapporteurs spéciaux soutiennent le choix de la DGFiP et de la DGDDI de recourir à des compétences en interne, ils en perçoivent également les défauts. Plus d'un quart des effectifs du service des systèmes d'information de la DGFiP devrait partir à la retraite d'ici trois ans et 80  %  des postes d'informaticiens ouverts à la DGDDI en 2018 n'ont pas pu être pourvus 5 ( * ) .

À la suite du rapport de la Cour des comptes sur les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI, la Douane a conduit en 2018 un audit sur ses quatre modes de recrutement (concours, corps interministériel des ISIC, détachement, contrats) afin d'identifier les difficultés rencontrées pour le recrutement d'informaticiens. Celles-ci sont de trois ordres différents : le manque d'attractivité de la fonction publique (déficit de visibilité sur ces métiers, concurrence forte sur le marché de l'emploi informatique, perspectives d'évolution professionnelle limitées), le processus de recrutement (voie prédominante du concours, concours mal adapté aux compétences attendues, vivier interne limité) et les obstacles règlementaires aux recours de contractuels.

En sus de leurs difficultés de recrutement, l'autre problème majeur de la DGFiP et de la DGDDI est de fidéliser les effectifs et les talents . Le turnover des informaticiens est de 14 % à la DGDDI (22 % dans les services centraux), soit un taux bien supérieur à celui constaté dans les autres ministères. Les écarts sont similaires pour la vacance des postes (10 % pour les services centraux).

D'après les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux, l'audit précité a conduit à énoncer plusieurs pistes pour répondre à cette inquiétante dynamique. Les premières d'entre elles consistent à réformer les épreuves du concours et à mieux cibler les candidats potentiels, par exemple à l'aide d'un algorithme qui pourrait repérer sur des sites comme LinkedIn les profils les plus susceptibles de s'inscrire aux concours ou d'être recrutées par contrat. Vos rapporteurs spéciaux considèrent que ces modifications sont nécessaires et reconnaissent que les effets ne pourront en être mesurés que dans le courant de l'année 2020, une fois passées les premières sessions de recrutement. Ils soutiennent également les efforts de ces deux directions pour nouer davantage de partenariats avec les écoles spécialisées ou les écoles du type « École 42 ».

Saisies de ce sujet, la Dinsic et la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGFAP) travaillent sur des propositions communes afin d'attirer, de recruter et de fidéliser les compétences informatiques au sein de l'État . L'une des 31 mesures du plan qui sera progressivement mis en oeuvre entend répondre à l'un des obstacles majeurs au recrutement : le manque de compétitivité des rémunérations offertes par le secteur public vis-à-vis de celles de leurs homologues du secteur privé. Une nouvelle grille de salaires de référence pourrait voir le jour pour les recrutements de contractuels informaticiens.

De même, les dispositions introduites par la loi pour la transformation de la fonction publique pourraient venir apporter davantage de flexibilité, que ce soit en élargissant le recours au contrat, y compris pour faire appel à des compétences spécialisées, ou en autorisant le recours au contrat de projet.

4. Ces insuffisances expliquent que les deux directions recourent, pour leurs projets innovants, aux fonds pour la transformation de la fonction publique

Pour contourner ces difficultés, et ce malgré la hausse des budgets informatiques, la DGFiP et la DGDDI recourent, pour le financement de leurs projets innovants, au Fonds pour la transformation de la fonction publique (FTAP), en particulier pour le développement d'applications destinées à tirer profit des données massives à leur disposition.

La DGDDI a ainsi obtenu 18,8 millions d'euros au profit du « Projet 3D » (Développement de la donnée en Douane), destiné à « placer la donnée au coeur des métiers de la douane ». Son objectif est de faire émerger, sur une période de trois, de nouveaux outils capables de transformer en profondeur le fonctionnement de la douane, grâce à la data science . Cela devrait concerner l'ensemble des métiers de la DGDDI, de la fiscalité douanière à la lutte contre la fraude, en passant par la facilitation des démarches des entreprises.

Quant à la DGFiP, elle a par exemple obtenu pour le projet PILAT (Pilotage et analyse du contrôle) 13,4 millions d'euros . Ce projet est destiné à aider les agents à mieux cibler la fraude et à automatiser les travaux de suivi en améliorant les interfaces entre les nombreuses applications numériques dédiées au contrôle fiscal. Outre une amélioration du taux de recouvrement, le projet PILAT vise à décloisonner les bases de données de l'ensemble des acteurs impliqués dans le recouvrement et dans le contrôle de la fraude. Il vient compléter le projet Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (CFRV), lauréat du premier appel à projet au coeur de la nouvelle stratégie de la DGFiP en matière de contrôle fiscal (cf. infra ).

C. ALORS QUE LEURS MÉTIERS ÉVOLUENT, LA DGFIP ET LA DGDDI DOIVENT ACCOMPAGNER LES AGENTS DANS LA TRANSFORMATION DE LEURS FONCTIONS

1. La gestion des effectifs au sein de la DGFiP et de la DGDDI est soumise à de nombreux aléas

La gestion des ressources humaines à la DGFiP et la DGDDI est d'autant plus importante que les dépenses de personnel représentent 82,14 % des dépenses de la mission et que ces directions comptent à elles deux plus de 116 000 ETP.

a) Donner de la visibilité aux agents

Des auditions et des informations reçues par vos rapporteurs spéciaux, il ressort que le manque de visibilité donnée aux agents sur l'évolution de leur métier et de leur mobilité est l'un des principaux points de contentieux qui se dressent aujourd'hui entre les directeurs d'administration et les organisations syndicales.

Si l'administration a du mal à anticiper recrutements et affectations, cela dépend parfois d'aléas sur lesquels elle n'a pas de prise . Il en va ainsi de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Comme l'a expliqué la directrice générale des douanes et droits indirects à vos rapporteurs spéciaux, les reports du Brexit sont éreintants pour les personnels comme pour les gestionnaires. Par exemple, le 28 octobre 2019, les 600 personnels recrutés pour répondre au Brexit et assurer la fluidité des échanges entre la France et le Royaume-Uni devaient être appelés sur leur lieu d'affectation, avant que ne soit prise la décision de ne pas les mobiliser immédiatement, le précédent du mois de mars ayant marqué les esprits. Cela fait donc plus d'un an que ces effectifs sont sans cesse reportés et n'exercent pas encore les tâches pour lesquelles ils ont été recrutés et formés . Les reports de trois mois ne permettent pas non plus à la DGDDI de se prononcer sur l'éventuelle nécessité de faire appel à la dernière tranche d'effectifs qui lui ont été alloués pour le Brexit (100 ETP). S'ils sont bien inscrits dans le schéma d'emplois du programme 302, il est encore trop tôt pour savoir si ce plafond sera respecté en 2020.

Seule certitude, ces effectifs seront sans doute mobilisés sur la façade maritime nord . Ainsi, le rétablissement d'une frontière tierce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne aura un impact particulièrement fort sur l'exercice des missions douanières dans les Hauts-de-France, mais aussi dans les directions interrégionales de Bretagne-Pays de la Loire et de Normandie. L'abondement en emplois a, par conséquent, principalement concerné ces trois inter-régions (277 emplois dans les Hauts-de-France, 68 en Normandie, 47 en Bretagne-Pays de la Loire). D'autres circonscriptions ont reçu des effectifs compte tenu de leur mission particulière (82 emplois à la direction de Paris-Aéroports) ou d'une activité ciblée renforcée liée au dédouanement (centres d'expertise) ou aux flux de passagers notamment sur les aéroports secondaires.

Il est cependant des circonstances sur lesquelles les administrations peuvent agir et des situations dans lesquelles les conséquences des décisions relatives à la gestion des ressources humaines auraient dû être mieux anticipées. Vos rapporteurs spéciaux partagent le constat de la directrice générale des douanes et des droits indirects : on ne peut pas imposer à des agents trois restructurations en six ans , comme c'est le cas à Metz. Ce constat vaut également pour la DGFiP où davantage d'agents devraient être de surcroît concernés par la déconcentration des services et par la restructuration du réseau en région.

Des problèmes similaires s'observent sur les prévisions des départs en retraite , avec un impact sur les primo-recrutements et sur le taux de vacance. Comme vos rapporteurs spéciaux l'avaient précédemment relevé 6 ( * ) , la DGFiP a eu tendance, ces dernières années, à sous-estimer les départs en retraite, ce qui contribuait ainsi à la sur-exécution de son schéma d'emplois.

Écart constaté entre les prévisions de départs retraite
et les départs en retraite effectifs à la DGFiP

2015

2016

2017

2018

Total

LFI

Exécution

LFI

Exécution

LFI

Exécution

LFI

Exécution

Prévision

Exécution

Nombre de départs en retraite

3 500

3 748

3 650

3 752

3 650

4 008

3 800

4 300

14 600

15 808

Écart à la prévision

7,09 %

2,79 %

9,81 %

13,16 %

8,27 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Interrogée sur ce sujet par vos rapporteurs spéciaux, il semble que la direction préfère garder ses prévisions prudentes 7 ( * ) . Or, vos rapporteurs spéciaux soulignent que ces départs en retraite ont un impact sur les effets de la réorganisation du réseau . S'ils sont mal pris en compte dans les effectifs répartis par département, cela signifie que, d'ici quelques années, certains centres de la DGFiP se retrouveront sans aucun agent ou avec un faible nombre d'agents.

Par ailleurs, dans son rapport sur l'affectation et la mobilité des fonctionnaires, la Cour des comptes relève que, dans certaines directions, il y a un décalage croissant entre le nombre de postes estimés nécessaires et le nombre de postes réellement ouverts. Cela s'expliquerait, selon elle, par une anticipation déficiente des besoins en effectifs qui se traduirait, dans certains endroits, par des sur-effectifs, au détriment de zones en sous-effectif. La Cour cible plus particulièrement la DGDDI, avec des taux de vacance élevés, et la DGFiP, dont le logiciel de suivi des emplois, le « tableau de gestion des emplois de référence des finances publiques », est marqué par une multitude de biais, prévenant par là-même une gestion optimale des effectifs.

Si les outils techniques et budgétaires ne parviennent pas à assurer un suivi rigoureux des emplois et des vacances, il est fort à craindre que la restructuration du réseau de ces deux administrations ne révèle de mauvaises surprises .

b) La gestion de l'unification du recouvrement

Après la publication de son rapport sur la simplification du recouvrement fiscal et social, pour lequel il avait été mandaté par les ministres de l'action et des comptes publics et des solidarités et de la santé, Alexandre Gardette a été nommé à la tête de la mission interministérielle France Recouvrement. Conformément à ses préconisations, ainsi qu'à la quinzième recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur la DGFIP 10 ans après la fusion, une partie de l'assiette et du recouvrement de taxes aujourd'hui traitées par la DGDDI sera prise en charge par la DGFiP . Si ce mouvement a été enclenché dès l'année 2019, il devrait s'accélérer avec la direction interministérielle.

Si vos rapporteurs spéciaux considèrent que cette unification peut générer, à terme, des économies liées à la mutualisation des tâches ainsi que des gains de productivité , ils se montrent beaucoup plus sceptiques quant à la possibilité de réaliser des économies à court terme. En effet, cette réforme ne se fait pas sans susciter de nombreuses protestations auprès des agents concernés par cette unification.

Conscientes de la sensibilité de cette réforme, la DGFiP et la DGDDI participent conjointement à des groupes de travail et réunions techniques destinés à étudier les aspects de chacun des produits dont il est question de transférer le recouvrement (règlementation juridique, système informatique, contrôle et recouvrement). Une concertation sociale est menée en parallèle et au même rythme que la constitution de ces groupes de travail, c'est-à-dire pour chaque produit.

Se pose en effet la question de la gestion des effectifs douaniers auparavant affectés au recouvrement de ces produits. Émettant l'idée que les prochains transferts pourraient, d'après certaines informations, concerner 700 à 1 000 agents de la DGDDI, soit au moins 4,2 % de ses effectifs, vos rapporteurs spéciaux n'ont pas pu obtenir de chiffres précis de la part des deux directeurs généraux . Ils estiment tous deux qu'il est trop tôt pour connaitre précisément des impacts de la réforme sur les effectifs de chacune des directions et que la publication d'un chiffre donnerait l'impression d'avoir fixé un quota. Certains agents de la DGDDI pourraient en effet, sur la base du volontariat, rejoindre les services de la DGFiP afin d'y apporter leur expertise. Si vos rapporteurs spéciaux entendent ces arguments, ils notent également que cela va à l'encontre de leur volonté de donner davantage de visibilité aux agents , ainsi qu' à l'encontre d'une information claire et précise sur les impacts des réformes de l'État sur ses effectifs .

c) La gestion du dialogue social

Le climat social est marqué en 2019 par une conflictualité fluctuante selon les directions locales liée au projet de « nouveau réseau de proximité » (dit également « géographie revisitée »), mais également à la déconcentration des services et, pour la DGDDI également, à l'unification du recouvrement. À ce jour, les taux de grève à la DGFiP lors des principaux mouvements d'appel nationaux de 2019 se sont échelonnés entre 0,55 % (31  janvier) et 37 % (16 septembre), ce dernier représente un taux élevé mais comparable à des mouvements récents comme la mobilisation contre la loi de transformation de la Fonction Publique en 2018.

Le mouvement des douaniers a quant à lui été particulièrement suivi au mois de mars, conduisant à l'adoption d'un protocole d'accord par lequel des mesures indemnitaires ont été prises en faveur des agents mobilisés pour le Brexit. L'accord porte également sur l'amélioration des conditions de travail, notamment en termes d'habillement, d'équipement, d'immobilier et d'organisation du travail. Le coût global du protocole est de 17 millions d'euros, dont 2,6 millions d'euros en 2019 et 12,1 millions d'euros en 2020.

2. Les processus de numérisation et de dématérialisation risquent de ne pas se traduire immédiatement par des gains de productivité
La dématérialisation pourrait permettre de réduire les effectifs

La mise en place du prélèvement à la source et la dématérialisation croissante des procédures est aujourd'hui l'un des arguments les plus entendus en faveur de la restructuration de la DGFiP et de la suppression des effectifs. Toutefois, comme vos rapporteurs spéciaux ont pu le dire plus haut, les impacts du PAS en termes de gains de productivité pourraient encore prendre un peu de temps à se matérialiser .

Il est vrai que le taux de paiement dématérialisé augmente . Utilisé comme sous-indicateur de performance du programme 156, il est attendu à 97 % en 2020, contre 95,02 % en 2017 et 96 % en 2018. Cette hausse continue provient de l'abaissement du seuil de paiement obligatoire par voie dématérialisée à 300 euros pour tout avis d'impôt et de la généralisation de moyens de paiement dématérialisés par les entités publiques. Toutefois, la cible de ce sous-indicateur présente un biais puisque le paiement en espèces (en deçà de 300 euros) ne serait plus opéré par le réseau de la DGFiP mais par les buralistes.

L'article 201 de la loi de finances pour 2019
et le marché remporté par les buralistes

Se préparer à la fin du paiement en espèces au sein du réseau de la DGFiP

L'article 201 de la loi n° 2018-1317 de finances pour 2019 a autorisé l'État à confier à un ou plusieurs prestataires extérieurs certaines opérations relevant jusqu'alors de la compétence des comptables publics. Il s'agit des opérations d'encaissement et de décaissement en numéraire au titre des recettes et dépenses de l'Etat, des établissements publics de santé ainsi que des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cette mesure permettrait d'achever le processus entamé en 2014 visant à réduire l'utilisation des espèces dans le réseau de la DGFiP. Cette suppression est également l'une proposition du comité d'action publique 2022. La DGFiP demeure toutefois seule compétente pour les procédures de recouvrement, ainsi que pour l'octroi de délais de paiement.

Les paiements réalisés directement auprès de régies ou auprès d'établissements publics nationaux ou d'établissements publics locaux d'enseignement ne sont pas concernés.

Le marché conclu avec les buralistes

Le marché a été attribué après une procédure concurrentielle avec négociation ouverte à la fin du mois de décembre 2018. Cette procédure devait permettre de vérifier l'expérience des candidats (opérations d'encaissement, respect de la confidentialité des données) et de négocier les aspects tarifaires de l'offre. Ce marché est d'une durée de cinq ans, renouvelable d'un an cinq fois, la durée du marché ne pouvant excéder 10 ans.

Le cahier des charges fixait des exigences très précises pour les candidats, notamment en termes de maillage territorial. Puisqu'il s'agissait d'une mission de service public, elle devait être assurée par un usager unique, facilement identifiable et expérimenté. Pour protéger les données des contribuables, la DGFiP appose sur chaque facture concernée par ce marché un « datamatrix » (code à barre à deux dimensions) : le candidat doit donc s'équiper de dispositifs de lecture optique. Il doit également s'engager à respecter les standards de la charte « Marianne », c'est-à-dire les principes qui régissent l'accueil dans un service public.

C'est le groupement formé par MDB Services, filiale de la Confédération des buralistes, et par la Française des jeux qui ont remporté ce projet d'appels d'offre, qui pondérait à 40 % le critère du prix et à 60 % les autres critères techniques (dont 30 % pour l'accueil des usagers). La DGFiP s'est engagée à former les agents concernés.

Le forfait global de mise en place de la prestation s'élève à 1,7 millions d'euros et devrait couvrir les frais liés aux développements techniques pour assurer la lecture des données dans les factures, à la centralisation des flux comptables et financiers, ainsi qu'à la formation).

Source : réponses au questionnaire budgétaire, audition du directeur général des finances publiques

3. L'application de la loi pour un État au service d'une société de confiance

Les deux grandes directions de Bercy ont été particulièrement mobilisées par la mise en oeuvre de la loi pour un État au service d'une société de confiance 8 ( * ) , dite « loi ESSOC ». Outre leur contribution au site « oups.gouv.fr », elles participent toutes deux à une expérimentation lancée le 1 er décembre 2018 et qui vise à limiter la durée des contrôles opérés par l'administration.

Un an après l'adoption de la loi, la DGFiP a peu ou prou fixé le cadre global qui vient modifier les pratiques de l'administration, afin de développer une « nouvelle relation de confiance » avec les administrations. Dès l'été 2018, la Douane s'est employée à diffuser les informations contenues dans les dispositifs de la loi Essoc de la manière la plus large possible (infographies, création d'une rubrique dédiée sur le site internet, numéro dédié de Douane magazine , etc.).

La loi ESSOC : de nouvelles garanties pour les contribuables contrôlés

La garantie fiscale : le contribuable peut se prévaloir des positions prises par l'administration à l'issue d'un contrôle fiscal externe, y compris sur les points examinés et n'ayant pas donné lieu à rectification, et non plus seulement sur les points ayant fait l'objet d'un redressement (article 9).

Le rescrit en cours de contrôle : le contribuable peut se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration sur un point du contrôle (article 9).

L'encadrement des durées de contrôles : expérimentation en cours dans les Hauts-de-France ainsi qu'en Auvergne-Rhône-Alpes. Cela concerne les entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros. La durée cumulée du contrôle ne peut pas dépasser de neuf mois sur une période de trois ans (article 32).

Source : réponses au questionnaire budgétaire

La progressive entrée en vigueur des dispositifs créés par la loi ESSOC se traduit dans les indicateurs de performance . L'indicateur du programme 302 (DGDDI) dispose maintenant d'un sous-indicateur relatif au taux de réponse dans les délais règlementaires aux demandes de rescrit. Cependant, comme l'ont expliqué à vos rapporteurs spéciaux les représentants de Solidaires Finances publiques, les agents ont parfois eu l'impression, par la mise en place de cette loi, d'être directement attaqués dans leurs métiers et dans leurs compétences. Ce mécontentement serait d'autant plus fort au sein des effectifs en charge du contrôle fiscal.

4. Le contrôle fiscal : une priorité du Gouvernement qui se traduit par une multiplication des outils et des services de contrôle

La promesse d'une « sanctuarisation » des effectifs du contrôle fiscal, reprise par les gouvernements successifs, n'a été que partiellement tenue. Entre 2013 et 2018 9 ( * ) , s'observe ainsi une baisse de 3,7 % du total des effectifs du contrôle fiscal. Toutefois, au lieu d'une sanctuarisation des effectifs, le Gouvernement actuel semble davantage s'orienter vers la création et le renforcement de bridages spécialisées ainsi que la mobilisation de nouveaux outils .

a) Des hausses d'effectifs concentrées sur les brigades spécialisées

Ainsi, les effectifs des directions du contrôle fiscal, de la direction nationale des enquêtes fiscales, ou encore de la direction des vérifications nationales et internationales sont en hausse. Ce choix permet une concentration sur les dossiers à fort enjeu, ce que vos rapporteurs spéciaux ne contestent pas. Ce qu'ils regrettent, c'est la baisse corrélative des effectifs consacrés au contrôle fiscal « de proximité ».

Évolution des effectifs chargés du contrôle fiscal par type de service
entre 2013 et 2019

(en nombre de services et en ETP)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dernier en date, le service d'enquêtes judiciaires des finances, service à compétence nationale, a été créé le 1 er juillet 2019 10 ( * ) . Il est dirigé par un magistrat de l'ordre judiciaire et regroupe au sein du ministère de l'action et des comptes publics des officiers de douane judiciaire (ODJ - au nombre de 241) et des des officiers fiscaux judiciaires (OFJ - 25 + 14 d'ici le mois de juillet 2020). Les ODJ continueront, comme c'était le cas sous l'ancien service national de la douane judiciaire, à mener des enquêtes judiciaires sur les grands trafics, tandis que le pôle d'investigations fiscales, au sein duquel seront regroupés les OFJ, se concentrera sur les enquêtes judiciaires fiscales. Cette mission étant exclusivement judiciaire, les OFJ ne pourront pas assurer eux-mêmes le contrôle des contribuables sur lesquels ils ont enquêté.

Ce service vient seconder le dispositif de procédure judiciaire d'enquête fiscale , qui repose aujourd'hui sur la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF). Cette dernière intervient en effet sur un champ d'enquête plus large que les seuls dossiers de fraude fiscale présumée. Or, du fait de l'accroissement du nombre de dossiers complexes et aux enjeux budgétaires élevés, il est apparu nécessaire de créer ce second dispositif.

Si vos rapporteurs spéciaux se félicitent de telles initiatives , qui participent de l'efficacité de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales en regroupant dans un même pôle des compétences pointues et variées, ils seront néanmoins très attentifs à la bonne articulation de ces services . L'absence de coordination risquerait en effet de nuire aux résultats du contrôle fiscal.

b) Des algorithmes qui doivent encore faire leur preuve

Le contrôle fiscal a connu ces dernières années une transformation profonde de ses outils, avec un recours accru à l'intelligence artificielle, aux algorithmes, ainsi qu'au datamining. Ces nouvelles techniques sont au coeur des objectifs ambitieux affichés par le Gouvernement, qui entend mettre à profit ces outils pour redresser les résultats du contrôle fiscal, bien ternes ces dernières années.

L'évolution des opérations et des recettes du contrôle fiscal
ces cinq dernières années

(en nombre et en millions d'euros)

2014

2018

Évolution 2018/2014

A. Contrôle sur place

I. Vérification de comptabilité

Nombre d'opérations

47 776

45 330

- 5,12 %

Résultats

Droits simples rappelés

7 576

6 758

- 10,80 %

Pénalités appliquées

2 724

2 030

- 25,48 %

II. Examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle

Nombre d'opérations

3 964

3 134

- 20,94 %

Droits simples rappelés

400

469

17,25 %

Pénalités

184

259

40,76 %

B. Contrôle sur pièce

Nombre d'opérations

Impôt sur les sociétés

71 178

88 867

24,85 %

Impôt sur le revenu

635 507

516 687

- 18,70 %

Droits simples rappelés

Impôt sur les sociétés

680

496

- 27,06 %

Impôt sur le revenu

1 463

1 586

8,41 %

Pénalités appliquées

1 056

946

- 10,42 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Afin d'assurer un meilleur suivi des bénéfices tirés du recours à ces nouvelles technologies, le Gouvernement a introduit, au sein de l'indicateur sur l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, un nouveau sous-indicateur portant sur la part des contrôles fiscaux ciblés par l'intelligence artificielle et le data-mining . Cette cible est fixée à 35 % en 2020, après 13,85  % en 2018 et 21,85 % attendus en 2019. Cette hausse conséquente, qui pourrait atteindre 50 à 60 % en 2021, illustre la montée en puissance de la mission requêtes et valorisation (MRV) et la conviction de la DGFiP que les agents parviendront à se saisir à bon escient de ces nouveaux outils de programmation.

La mission requêtes et valorisation (MRV)

Depuis avril 2018, la MRV, qui s'appuie pour cela sur un logiciel d'intelligence artificielle, le ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (CFRV), envoie chaque trimestre aux services en charge du contrôle un volume de dossiers déterminé en fonction des objectifs de contrôle. Elle couvre la plupart des risques fiscaux et son processus d'apprentissage permanent lui permet de fournir, pour chaque entreprise relevant d'un régime déclaratif réel, une cotation traduisant le niveau de son risque fiscal.

En 2018, les productions de la MRV ont été à l'origine de 6 917 propositions de contrôle fiscal externe (3 000 en 2017, 345 en 2016) et 34 200 contrôles du bureau (22 700 en 2017). Les premiers contrôles terminés ont permis de rappeler plus de 250 millions d'euros de droits et 59 millions d'euros de pénalités. Cela semble d'autant plus satisfaisant que, compte tenu des délais d'investigations et des délais prévus par les procédures de contrôle, seule une petite partie des contrôles effectués à la suite d'une proposition de la MRV sont terminés (2 600 dossiers de contrôle externe au 31 décembre 2018 sur 55 000 dossiers transmis par la MRV entre le 1 er janvier 2017 et le 31 décembre 2018).

Des investissements importants ont été consentis par la DGFiP pour développer la MRV, et ce avec l'appui du fonds pour la transformation de l'action publique : acquisition de matériels informatiques pour obtenir davantage de puissance de calcul ; acquisition de bases de données auprès d'entreprises privées ; renforcement de l'équipe initiale de 14 à 26 agents de la fin de l'année 2017 à fin juin 2019). La MRV devrait continuer à renforcer ses capacités d'analyse en 2019, à la fois en développement des techniques de text-mining , mais aussi en acquérant de nouveaux outils et en renforçant son équipe.

Source : auditions, réponses au questionnaire budgétaire

Vos rapporteurs spéciaux estiment néanmoins que cet indicateur ne permet pas de bien évaluer l'apport de ces nouvelles technologies . En effet, il ne permet pas de connaître la part des contrôles ciblés par intelligence artificielle et datamining et qui ne l'aurait pas été en recourant aux méthodes de programmation traditionnelle.

Lors de son audition par vos rapporteurs spéciaux, le directeur général des finances publiques a expliqué que les progrès de ces méthodes de ciblage des contrôles s'appuyaient sur un processus structuré de retour d'expériences , afin de pouvoir corriger les algorithmes, affiner la pertinence des productions et tenir compte des observations des services utilisateurs. Pour ce faire, la MRV s'appuie sur un réseau de correspondants au sein des pôles de programmation des Dircofi.

La programmation des contrôles fiscaux est au coeur du métier du contrôle fiscal et son remplacement partiel par des données tirées d'un programme numérique suscite quelques remous. S'opposent en effet ici deux conceptions : celle défendue par les syndicats devant vos rapporteurs spéciaux, qui refusent de se reposer sur une programmation centralisée , qui ne prendrait pas en compte les spécificités du tissu fiscal et économique local, et celle du directeur général des finances publiques et du ministre, qui vantent au contraire le décloisonnement permis par ces nouvelles techniques . En effet, contrairement aux travaux d'analyse des risques aujourd'hui effectués via des applications cloisonnées pour deux tiers des opérations des services territoriaux, la MRV permettrait de tirer profit de la richesse des données dont dispose l'administration 11 ( * ) .

La DGDDI a elle-même développé son propre service à compétence national dédié au traitement des données, le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC).

Le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC)

Le SARC, service à compétence nationale, a été créé par un arrêté du 29 février 2016. Entré en fonction en 2016, il est chargé de la production de l'intégralité des analyses de risque et études à vocation opérationnelle portant sur l'avant dédouanement, le dédouanement et la fiscalité.

Le SARC a une vocation directement opérationnelle : l'intégration des profils de ciblage dans l'outil Risk management system (RMS) ; l'orientation des contrôles ex-post 1et ex-post 2 grâce à l'attribution des dossiers aux services concernés par le type de risque préalablement identifié. Le SARC est composé de cinq cellules de travail spécialisées : sûreté-sécurité ; protection des intérêts financiers ; protection du consommateur et datamining et fiscalité.

Selon le rapport d'activité de la Douane en 2018, le niveau de pertinence des cibles choisies par le SARC serait de 50%. Pour autant, il n'aurait permis sur cette année de ne notifier qu'un million d'euros de droits et taxes éludés, sur 49 millions d'euros d'avoirs criminels financiers saisis.

Source : ministère de l'action et des comptes publics

Pour développer leurs processus de traitement de la donnée, la DGFiP et la DGDDI consacrent une partie de leurs dépenses de fonctionnement à l'alimentation des bases de données utiles à l'exploration ou à l'analyse de données . La DGDDI devrait ainsi recourir à trois prestations visant soit à préparer et mettre en forme les données, soit à les extraire et les traiter, soit encore à les explorer, pour un montant total prévisionnel de 1,9 million d'euros en 2020. Quant à la mission requêtes et valorisation, 700 000 euros devraient être engagés en 2020. La DGFiP recourt en effet à un prestataire spécialisé pour intégrer le plus rapidement possible les dernières évolutions technologiques, afin que ces outils conservent toute leur efficacité.

c) La fin des derniers traitements au titre du service de traitement des déclarations rectificatives

Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) a traité plus de 49 000 dossiers de sa création en 2013 au 1 er juin 2019 . Si la fin de ce dispositif a été annoncé par le ministre de l'action et des comptes publics le 15 septembre 2017, eu égard à l'entrée en vigueur de l'échange automatique d'informations bancaires, les pôles de régularisation ont continué à traiter les demandes reçues avant la date butoir du 1 er janvier 2018. Un arrêté a ensuite été signé pour prolonger les compétences de ces différents pôles jusqu'au 1 er juin 2019 (Lille, Nantes, Ermont) ou jusqu'au 30 juin 2019 (Paris, Vanves, Saint-Germain-en-Laye, Lyon, Marseille, Strasbourg et Bordeaux). Ce sont maintenant les services des impôts des particuliers qui traitent les régularisations déposées après le 1 er janvier 2018.

Les recettes du STDR depuis 2016

(en millions d'euros, sauf pour les dossiers traités)

Au 31 décembre 2016

Au 31 décembre 2017

Au 31 décembre 2018

Au 1 er juin 2019

Nombre de dossiers traités en N

11 650

12 000

11 300

2 200

Avoirs correspondants

8 800

5 200

4 300

1 100

Recettes budgétaires au titre de N

2 470

1 310

939

246

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

III. LES PROGRAMMES 148 ET 218 SONT DYNAMIQUES MAIS NE SUFFISENT PAS À ACCOMPAGNER LES TRANSFORMATIONS À L'oeUVRE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

A. LE PROGRAMME 148 NE CONSACRE QU'UNE PART MINIMALE DE SES CRÉDITS À LA FORMATION CONTINUE DES AGENTS PUBLICS

Le programme 148 « Fonction publique » se compose de trois actions, au poids très inégal au sein des crédits du programme.

Les crédits du programme 148 « Fonction publique »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Un programme dont les crédits sont majoritairement alloués à la formation d'une petite partie des futurs fonctionnaires

37,62 % des crédits sont alloués, via des subventions pour charges du secteur public, aux deux opérateurs de la mission que sont l'École nationale d'administration (ENA) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA). Le coût complet annuel d'un élève de l'IRA ou de l'ENA a augmenté ces dernières années, appelant à de nécessaires réformes. Ces réformes se traduisent d'ailleurs dans le projet de loi de finances pour 2020, avec une stabilisation du montant attribué à l'ENA (1,45 %) et une baisse conséquente (- 9 %) de la subvention attribuée aux IRA.

La réforme de l'ENA a été annoncée par le Président de la République au mois d'avril 2019. La mission, conduite par Frédéric Thiriez, devrait rendre ses conclusions au mois de novembre 2019 . Dans l'intervalle, et conformément au plan de rationalisation proposé par le directeur de l'École, Patrick Gérard, le déficit de l'ENA a diminué , de près de 2,85  millions d'euros en 2017 à 340 000 euros en 2018. L'École devrait être en excédent en 2019. Huit postes ont été supprimés en 2018, quatre emplois permanents supplémentaires devraient l'être en 2019 et le nombre de places offertes au concours 2019 a également diminué (83 places, 90 en 2018). La durée de la scolarité sera en outre réduite pour la promotion 2019-2020, ce qui devrait contribuer à alléger les charges de l'École.

Quant aux IRA, au nombre de cinq, la réforme de la formation est entrée en vigueur le 1 er septembre 2019 et réduit notamment la durée de la scolarité, de douze à six mois. La scolarité sera suivie d'un stage de six mois, mais dont le coût sera pris en charge par l'administration d'accueil . Ainsi, alors même que le nombre d'élèves formés augmente (820 étudiants en 2019 contre 730 en 2018), l'économie globale sur le montant de la subvention pour charges de secteur public (44,87 millions d'euros en 2018) pourrait atteindre 10 % de son total à horizon 2020.

2. Le dynamisme des crédits dédiés aux prestations d'actions sociales

La hausse des crédits du programme constatée dans le projet de loi de finances pour 2020 (+ 2,74 %) provient principalement de l'action 2 , dédiée aux prestations d'action sociale interministérielle (garde d'enfants, places en crèche, chèques vacances, etc.), qui connait une hausse de 6,23 %.

Le « CESU garde d'enfant de 0 à 6 ans » devait notamment connaitre une hausse de 4,98 %. Après la suppression de la tranche d'aide à 220 euros sans plafond de ressources le 1 er janvier 2014, le nombre de bénéficiaires du CESU a en effet diminué. D'après les informations de vos rapporteurs spéciaux, une tranche d'aide supplémentaire de 200 euros et une revalorisation des barèmes de 5 % pourraient être prochainement actés par une circulaire et prendraient effet au 1 er janvier 2020, expliquant ainsi la hausse des crédits constatée.

L'augmentation la plus forte revient cependant à la dotation pour le logement d'urgence (+ 222 %, de 310 000 euros en 2019 à un million d'euros en 2020), mais son poids dans l'action est minime par rapport aux dispositifs dits « d'aide aux familles » (réservation de places en crèche, chèque vacances, CESU garde d'enfants).

3. Des crédits insuffisants pour faire de la DGAFP une véritable direction interministérielle des ressources humaines

Un troisième aspect du programme est consacré à un triptyque « ressources humaines » : l'innovation RH, l'amélioration des conditions de travail ainsi que les systèmes d'information pour les ressources humaines (SIRH).

La fonction « Appui et Innovation RH » est principalement portée par trois fonds : le fonds d'innovation RH, destiné à soutenir l'innovation en matière RH dans la fonction publique d'État, sur la base d'appels à projets (1  million d'euros) ; le fonds interministériel d'amélioration des conditions de travail, qui vise à cofinancer des projets soumis par les employeurs afin d'améliorer les conditions de travail de leurs employés (1,1 million d'euros) ; le fonds des systèmes d'information RH (1,32 million d'euros). Si les trois fonds existants conservent leur niveau de crédits (un million d'euros), la hausse des crédits du programme de 25,31 % (de 4,6 à 5,7 millions d'euros) provient en grande partie de la création d'un quatrième fonds dédié à l'égalité professionnelle .

Si le rôle de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) s'est renforcé ces dernières années, il n'en demeure pas moins que cette direction ne constitue pas encore la grande direction des ressources humaines de l'État. Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent en outre sur la pertinence du fonds d'innovation RH , alors même que son objet ressemble beaucoup à celui du fonds d'accompagnement interministériel RH  de la mission « Action et transformation publiques » (cf. infra ). Il y a ici un risque de doublon et donc, par-là même, d'un manque d'efficacité. Il serait judicieux d'évaluer la possibilité de mettre temporairement le fonds d'innovation RH en sommeil, afin de pouvoir le réactiver à l'expiration de la mission « Action et transformation publiques ».

B. LA HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 218 S'EXPLIQUE PRINCIPALEMENT PAR LE FONDS DE TRANSFORMATION MINISTÉRIEL

Le programme 218 porte les crédits de divers services à vocation transversale, voire interministérielle : les cabinets des ministres et des secrétaires d'État, le secrétariat général des ministères économiques et financiers, la direction du budget (DB), la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), le contrôle général économique et financier (CGEFI), la direction générale de l'administration et la fonction publique (DGAFP), l'inspection générale des finances (IGF), la cellule anti-blanchiment Tracfin, l'agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE), la direction des achats de l'État (DAE), l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), l'agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), ou encore le centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH). Sont également inscrits sur cette action, depuis 2017, les effectifs et les crédits de l'agence française anti-corruption.

Ce programme connait une légère hausse de ses crédits de paiement de 38 millions d'euros (+ 4,14 %). Cette augmentation provient à près de 80 % de l'action 8 « Accompagnement du changement de l'action publique » puisqu'y sont désormais inscrits les crédits affectés au Fonds de transformation ministériel , destiné à financer des projets innovants des directions et services des ministères économiques et financiers. Vos rapporteurs spéciaux estiment que davantage de précisions pourraient être apportées sur les actions soutenues par ce fond, ainsi que sur son articulation avec ceux portés par les programmes de la mission « Action et transformation publiques ».

DEUXIÈME PARTIE
MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

L'existence des deux dotations de la mission « Crédits non répartis » est prévue par l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) . Aussi les programmes 551 et 552 correspondent-ils respectivement à la dotation pour la « provision relative aux rémunérations publiques » et à la dotation pour « dépenses accidentelles et imprévisibles » . Les crédits de paiement de cette mission sont habituellement faibles, l'essentiel des dépenses de l'État devant être réparti par mission, en vertu du principe de spécialité budgétaire , établi par le même article 7. Conformément à l'article 11 de la LOLF, ces dotations sont réparties dans les missions du budget général en cours de gestion et en tant que de besoin par voie réglementaire, sur le rapport du ministre chargé des finances. Le Parlement n'est pas informé a priori de la préparation des éventuels décrets, lesquels peuvent d'ailleurs ne pas être publiés en vertu du secret défense. La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles est en effet régulièrement utilisée pour abonder les « fonds spéciaux », sous-action du programme 129 « Coordination du travail intergouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », comme c'est encore le cas en 2019.

Mouvements réglementaires intervenus en 2019

En 2019, une seule opération de répartition de crédits au profit du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », a été effectuée à partir de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (programme 552). Le décret du 2 septembre 2019, non publié, a ainsi ouvert 13,64 millions d'euros en AE et en CP. Le taux de consommation actuel de la dotation s'élève à 3 % en AE et 11 % en CP.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

I. UN ÉCART NOTABLE PAR RAPPORT À LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE, DU FAIT D'UN RECOURS À LA « RÉSERVE CENTRALE DE BUDGÉTISATION »

Pour 2020, la mission « Crédits non répartis » demeure la moins dotée du budget général, avec un montant de 150 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) .

A. UNE TRAJECTOIRE CROISSANTE DES CRÉDITS DE LA MISSION FIXÉE PAR LA PROGRAMMATION POUR 2018-2022

1. Un niveau de crédits en hausse par rapport à la programmation précédente, justifiée par la diminution de la mise en réserve des crédits des autres missions

Au contraire de la programmation précédente, qui avait fixé un plafond de crédits de paiement à un niveau relativement bas - entre 14 et 20 millions d'euros par an - le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a rehaussé la trajectoire de la mission « Crédits non répartis ».

Évolution des crédits de paiement - programmation pluriannuelle

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Crédits de paiement programmés

0,01

0,02

0,02

0,12

0,12

0,85

Crédits de paiement ouverts / demandés

0,01

0,04

0,02

0,12

0,17

0,15

Source : commission des finances, d'après la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

D'après le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, l'augmentation du plafond de crédits de 100 millions d'euros à partir de 2018 tire la conséquence de la réduction du taux de mise en réserve de 8 % à 3 % des crédits , hors dépenses de personnel, pour lesquelles le taux s'élève à 0,5 %. Cet ajustement ne devait toutefois compléter que très marginalement les capacités de redéploiements interministériels en cas d'évènements imprévisibles, estimées à 8 milliards d'euros les années précédentes 12 ( * ) .

2. Une ouverture de crédits inférieure de 83 % au plafond prévu en 2020 par la programmation triennale

La dotation du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est inchangée par rapport aux PLF pour 2018 et PLF pour 2019, avec 124 millions d'euros de CP et 424 millions d'euros d'AE , alors que les crédits initiaux du programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » s'élèvent à 26 millions d'euros en AE et CP.

Le montant global des crédits non répartis s'élève ainsi à 150 millions d'euros en CP pour 2020 , soit un montant proche des crédits ouverts en 2019 (176 millions d'euros), mais très éloigné de celui prévu par la programmation triennale, à hauteur de 850 millions d'euros . Cette différence de 83 % s'explique par l'utilisation en 2020 de la mission « Crédits non réparti » comme « réserve centrale de budgétisation ».

B. UNE UTILISATION DE LA MISSION COMME « RÉSERVE CENTRALE DE BUDGÉTISATION » QUI INTERROGE

1. Une réserve introduite dans le but d'améliorer la sincérité de la programmation

À l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation pour 2018-2022, vos rapporteurs spéciaux avaient pris acte du recours à la mission « Crédits non répartis », comme « réserve centrale de budgétisation » , comme cela avait été le cas lors de la programmation pour 2009-2012.

Le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 justifiait la mise en place de cette réserve en raison de « l'incapacité de prévoir la totalité des événements susceptibles d'intervenir et la nécessité de pouvoir initier des actions nouvelles en cours de programmation » 13 ( * ) .

Ainsi, les crédits de cette réserve doivent être répartis en cours de programmation entre différentes missions, notamment celles qui feraient face à des dépenses non escomptées lors de la discussion du projet de loi de programmation pour 2018-2022 et qui ne pourraient être absorbées après application du principe d'auto-assurance.

2. Une utilisation opaque de la réserve de budgétisation, prévue par la loi de programmation des finances publiques

La mise en place de la réserve de budgétisation s'est traduite par un montant programmé de 0,85 milliard d'euros en 2020 au niveau de la mission « Crédits non répartis » , soit 0,7 milliard d'euros supplémentaires par rapport aux montants programmés pour 2019 et 2018. Le Gouvernement avait annoncé que cette réserve « [permettrait] en 2020, de rehausser le cas échéant les plafonds de mission soumis à des dépenses plus dynamiques que prévues ou imprévisibles » 14 ( * ) afin de couvrir des dépenses non prévues au moment de l'élaboration du projet de loi de programmation, telles que le service national universel (SNU).

Or la destination finale des 0,7 milliard d'euros de cette réserve pour 2020 s'avère très imprécise . Le PLF 2020 prévoit bien une ouverture de 30 millions d'euros de CP supplémentaires au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », afin de financer la prise en charge du SNU pour 2020. Mais les documents budgétaires ne précisent pas si ces 30 millions d'euros sont bien issus de la réserve de budgétisation.

Le Gouvernement indique seulement qu'en 2020, cette réserve permettra d'« abonder les plafonds de mission soumis à des dépenses plus dynamiques que prévues ou imprévisibles, [...] notamment la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" pour la revalorisation de la prime d'activité » . Cette revalorisation s'élèvera toutefois à 3,7 milliards d'euros en 2020, ce qui dépasse largement le montant de la réserve.

Dès lors, cette opacité de l'utilisation des 0,7 milliard d'euros prévus par la loi de programmation des finances publiques interroge sur la pertinence même de la réserve de budgétisation et sur la réalité de l'effort de sincérisation mis en avant par le Gouvernement.

II. UNE OUVERTURE DE CRÉDITS SUR LES DEUX DOTATIONS POUR 2020

Si des crédits sont systématiquement inscrits pour le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » , compte tenu de la nature particulière des dépenses qu'il est censé couvrir, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » fait en revanche plus rarement l'objet d'une ouverture de crédits. Or, pour la troisième fois depuis 2009, ce programme est budgétisé, à hauteur de 26 millions d'euros pour 2020.

A. LA RECONDUCTION DE CRÉDITS SUR LE PROGRAMME 551, À LA SUITE DU « RENDEZ-VOUS SALARIAL » DE LA FONCTION PUBLIQUE

Le PLF pour 2020 prévoit, comme celui pour 2019, une ouverture de crédits sur le programme 551, à la suite des conclusions des négociations salariales entre les représentants de la fonction publique et le Gouvernement, qui ont eu lieu cette année le 2 juillet.

1. Une dotation destinée à couvrir des mesures de revalorisation et le financement du forfait « mobilité durable »

Parmi les décisions retenues lors du rendez-vous salarial, deux mesures de revalorisation , qui concernent notamment les agents de la fonction publique d'État, ne se sont pas traduites par une répartition des crédits correspondants.

La première mesure concerne le régime indemnitaire des agents de la filière sociale interministérielle (assistants sociaux et conseillers techniques de service social), en cohérence avec leur positionnement en catégorie A.

La seconde mesure concerne le barème de remboursement des frais de repas des agents en formation ou en mission. Ce barème était fixé à 15,25 euros depuis 2006 et sera réévalué à 17,5 euros à partir de 2020.

Les crédits pour ces deux mesures sont retracés dans la provision relative aux rémunérations publiques, qui, par définition, ne recouvre que des dépenses de personnel (titre 2) . À cet égard, l'inscription de crédits couvrant la revalorisation du remboursement des frais de repas au titre 2 suscite un doute quant au respect de la nomenclature budgétaire. En effet, de telles dépenses sont généralement comptabilisées dans les dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel (titre 3) .

La dotation du programme 551 pour 2020 comprend en outre le déploiement du forfait mobilité durable pris en charge par l'employeur public. Ce forfait devrait s'élever à 200 euros par an pour les agents concernés, afin d'encourager à effectuer les trajets domicile-travail à vélo, en covoiturage, ou en utilisant des services de mobilité partagée.

La mise en place du forfait avait déjà été budgétisée pour 2019, pour un montant total de 9 millions d'euros. Pour 2020, le coût direct pour l'État de cette mesure n'est pas précisé dans les documents budgétaires. Toutefois, l'étude d'impact de l'article 26 du projet de loi d'orientation des mobilités , qui prévoit l'introduction de ce forfait, détaille les conséquences financières de cette mesure. Elle révèle ainsi que « la mise en place d'un forfait de 200 euros pour les fonctions publiques d'État et hospitalière coûterait 30 millions d'euros par an » , d'après une évaluation du Commissariat général au développement durable (CGDD) 15 ( * ) . L'estimation approximative du coût pour la seule fonction publique d'État peut s'obtenir en appliquant, sur le montant cité par le CGDD, une quote-part de 67,5 % (nombre d'agents de la fonction publique d'État sur l'ensemble du personnel de la fonction publique d'État et de la fonction publique hospitalière en 2018), et s'élève ainsi à environ 20 millions d'euros .

2. Une répartition des crédits qui mériterait d'intervenir au plus tôt, afin de respecter le principe de spécialité budgétaire

Comme l'an dernier, l'ouverture de crédits sur le programme 551 pour financer des mesures de revalorisation peut interroger, alors même que le rendez-vous salarial a eu lieu il y a 4 mois.

En effet, comme c'était le cas lors de l'examen de la loi de finances pour 2018, le programme 551 avait fait l'objet d'une ouverture de crédits dans l'attente de la conclusion des négociations salariales. Celles-ci s'étaient tenu à la mi-octobre 2017, aussi les crédits n'avaient pas été maintenus et leur répartition avait eu lieu au cours de la discussion parlementaire.

Dès lors, le maintien de crédits sur le programme 551 après le rendez-vous salarial pour la seconde année consécutive laisse à penser que ce procédé va devenir systématique . Si le montant total des crédits inscrits demeure faible relativement aux dépenses totales de l'État, il faut rappeler que la mission « Crédits non répartis » déroge au principe de spécialisation des crédits , et qu'il n'est jamais satisfaisant que l'affectation de crédits de titre 2 demeure ainsi inconnue jusqu'à la fin des débats parlementaires .

Cette absence de répartition peut même se prolonger bien au-delà de la discussion parlementaire, puisque les 57,6 millions d'euros de crédits qui étaient restés ouverts par la loi de finances pour 2019 sur le programme 551 n'ont toujours pas été affectés dans les différentes missions budgétaires, 10 mois après la promulgation de la loi de finances initiale .

Vos rapporteurs spéciaux ne peuvent donc qu'inviter le Gouvernement à entreprendre au plus vite la répartition de ces crédits afin de garantir une meilleure information du Parlement sur le PLF en cours d'examen.

B. UNE DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES DONT LES CONDITIONS DE RECOURS RISQUENT D'ÊTRE UNE NOUVELLE FOIS DÉTOURNÉES

1. Une dotation soumise à une doctrine d'emploi précise et dont le montant de crédits ouverts est stable depuis 2018
a) Des crédits dont l'utilisation est encadrée afin d'éviter le financement de mesures discrétionnaires ou de pallier des sous-budgétisations

L'objet du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est de couvrir d'éventuelles dépenses liées à des événements aléatoires (catastrophes naturelles, calamités...) , qui ne peuvent être financées par les mesures de régulation de droit commun - utilisation de la réserve de précaution, transfert entre programmes.

Le principe d'auto-assurance doit en effet s'appliquer en premier ressort et se traduit « soit par le redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d'économies complémentaires. Ces redéploiements ou économies doivent être mis en oeuvre prioritairement au sein du programme qui supporte les aléas ou les priorités nouvelles. À défaut, ils doivent être réalisés entre les programmes de la même mission » 16 ( * ) .

Dès lors, le recours à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ne doit se faire qu'en dernier ressort . Par ailleurs, l'utilisation des crédits du programme 552 en cours de gestion est très encadrée. Les documents budgétaires rappellent ainsi que ces crédits ne doivent pas compenser des sous-budgétisations ou financer « des mesures nouvelles décidées de manière discrétionnaire en gestion » .

b) Une dotation identique à celle de 2018 et 2019

Les crédits du programme 552 pour 2020 s'élèvent à 124 millions d'euros en CP et 424 millions d'euros en AE, comme en 2018 et 2019. L'écart de 300 millions d'euros entre les AE et les CP est fixé à titre conventionnel depuis 2012 . Il s'explique par la nécessité de couvrir les éventuelles prises à bail privées, lesquelles peuvent durer « généralement 6 ou 9 ans, dans de rares cas 25 ans » 17 ( * ) .

Les crédits sont ouverts à titre conservatoire sur le titre 3 dans la catégorie « dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel ». À cet égard, le Gouvernement considère que la concentration de ces crédits sur le titre 3 n'empêche pas d'abonder des crédits de titre 2 en cours de gestion, comme cela a été le cas en 2018 18 ( * ) . En effet, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles n'ayant pas la nature d'un programme au sens de la LOLF, elle n'est pas soumise à la règle de la fongibilité asymétrique 19 ( * ) .

2. Un détournement des règles d'utilisation de la dotation à craindre pour 2019 et 2020, afin de compenser une éventuelle sous-budgétisation

Comme mentionné supra , le montant des crédits du programme 552 a été revu à la hausse à partir de 2018, pour accompagner l'abaissement du taux de mise en réserve des crédits du budget de l'État .

Il s'avère que l'utilisation des CP de la dotation n'a aucunement répondu à cette finalité depuis 2018 . En effet, outre l'abondement des fonds spéciaux, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a étonnamment servi à financer des mesures ni accidentelles, ni imprévisibles, palliant ainsi la sous-budgétisation des missions « Action extérieure de l'État » et « Engagements financiers de l'État ».

Au cours de l'examen de la loi de règlement pour 2018, vos rapporteurs spéciaux avaient contesté ce détournement des règles d'utilisation du programme 552, évoquées supra , opéré dans le but de « compenser à la fois l'engagement du Gouvernement de ne plus avoir recours aux décrets d'avance et le raccourcissement du délai d'examen du PLFR 2018 » 20 ( * ) . Pour mémoire, ces deux engagements avaient été portés par le Gouvernement à l'automne 2017 dans le but de renforcer la lisibilité de la procédure budgétaire et la qualité des débats parlementaires. De fait, le Gouvernement s'est privé de la possibilité d'un décret d'avance ou d'une LFR, et a finalement eu recours aux crédits non répartis en prenant deux décrets, une procédure qui ne permet aucun examen préalable par le Parlement .

Il est à craindre que ce détournement ne se reproduise en 2019 et 2020 du fait de l'absence de dotation du programme 336 « Mécanisme européen de stabilité » de la mission « Engagements financiers de l'État » depuis 2017. Or ce programme devrait porter les crédits de la rétrocession des intérêts négatifs au Mécanisme européen de stabilité. Si elle n'est pas certaine, cette opération est à tout le moins prévisible, du fait de sa récurrence depuis 2017, et mérite donc d'être budgétisée dès le projet de loi de finances initial, comme le rappelle notre collègue Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ».

L'absence chronique de dotation du programme 336 depuis 2017

« Le programme 336 « Mécanisme européen de stabilité » soutient la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), organisation permanente inaugurée en octobre 2012 pour remplacer le Fonds européen de stabilité financière, une institution temporaire créée pour financer les programmes d'assistance financière à destination de trois pays de la zone euro (Irlande, Portugal, Grèce).

La contribution de la France au MES est légèrement supérieure à 20 % de son capital , composé à la fois de parts libérées (80,5 milliards d'euros au total dont 16,3 pour la France) et de parts appelables (624,3 milliards d'euros au total dont 126,3 pour la France). La participation de la France aux parts libérées a déjà été versée, sous la forme de cinq tranches de 3,3 milliards d'euros.

Cependant, en 2017, le MES s'est vu retirer la dérogation lui permettant de ne pas payer les intérêts négatifs sur ses facilités de dépôt placées auprès des banques centrales nationales composant l'Eurosystème (taux de - 0,4 %). Pour que la levée de cette dérogation n'affecte pas le capital du MES, les autorités françaises et allemandes ont pris l'engagement de rétrocéder au MES les intérêts perçus sur les dépôts placés auprès de la Banque de France et de la Bundesbank . Considérant que la rétrocession reste conditionnée à un engagement similaire de l'Allemagne et ne constitue donc pas une dépense certaine, le Gouvernement ne dote pas ce programme. [...] Si l'inscription de 100 millions d'euros conduirait certes à dépasser le plafond de dépenses inscrit en LPFP, elle répondrait au souci, constamment réaffirmé par le Gouvernement, de sincérité de la budgétisation . C'est également l'une des recommandations de la Cour des comptes. »

Source : note de présentation de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », projet de loi de finances pour 2020

Ces observations ne peuvent qu'inciter le Gouvernement à procéder à une ouverture de crédits sur le programme 336 pour 2019, dans le cadre du prochain examen du projet de loi de finances rectificative, et pour 2020, tandis que la discussion du projet de loi de finances initial se poursuit.

TROISIÈME PARTIE
MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES »

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES »

A. SI LES CRÉDITS DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » NE CONSTITUENT QU'UNE PARTIE MINORITAIRE DU GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT, ILS Y SONT ENTIÈREMENT DÉVOLUS

Les programmes de la mission répondent aux objectifs du Grand plan d'investissement, mais également à ceux d'Action publique 2022 . La mission « Action et transformation publiques », placée sous la responsabilité du ministre de l'action et des comptes publics, se compose ainsi de quatre programmes, à vocation interministérielle :

- le programme 348 « rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » doit financer la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs. Il est placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État ;

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP) est censé soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. Il est placé sous la responsabilité de la direction du budget ;

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines » (FAIRH), créé par la loi de finances initiale pour 2019, doit supporter, sous la responsabilité de la DGAFP, une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles à forte dimension ressources humaines ;

- le programme 352 « Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État » (FAST) a également été créé en loi de finances initiale pour 2019.

Entièrement dévolus à la réalisation de deux priorités du Grand plan d'investissement (GPI), la transition écologique et la construction de l'État à l'âge du numérique, les crédits de la mission « Action et transformation publiques » n'en restent pas moins relativement faibles à l'égard du total des crédits prévus au titre du GPI (3 %).

Comparaison des crédits quinquennaux de la mission « Action et transformation publiques » et du montant global du Grand plan d'investissement

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » S'EXPLIQUE PAR LA DURÉE DE VIE LIMITÉE DE LA MISSION

La mission « Action et transformation publiques » n'est pas une mission pérenne : elle a vocation à s'éteindre en 2022 . Cette durée de vie limitée explique la montée en charge très rapide des crédits sur chacun des programmes, afin que les premiers audits et les premiers projets puissent être lancés.

Les crédits de paiement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2020 demeurent toutefois bien inférieurs au montant inscrit en loi de programmation des finances publiques pour l'année 2020 : 434,81 millions d'euros contre 550 millions dans le budget triennal, soit un écart de 21,09 %.

Cet écart ne fait que confirmer un point sur lequel vos rapporteurs spéciaux ont constamment appelé à la vigilance : la capacité des directions responsables de ces programmes à mobiliser ces crédits à un rythme aussi soutenu . Il semble que ce ne soit pas le cas aujourd'hui et vos rapporteurs spéciaux regrettent de ne disposer que de peu d'informations sur la gestion concrète et temporelle des crédits de la mission. Au regard des objectifs ambitieux de cette mission, que ce soit au titre de la transition énergétique ou de la transformation de l'État, les sous-exécutions constatées chaque année sont dommageables, et 2020 ne semble pas devoir y faire exception .

Évolution des crédits de la mission
« Action et transformation publiques »

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. D'UNE DURÉE DE VIE LIMITÉE ET AUX OBJECTIFS AMBITIEUX, LES PROGRAMMES DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » ONT TOUTEFOIS DÉJÀ FAIT L'OBJET DE PLUSIEURS ASSOUPLISSEMENTS

A. SI L'ESSENTIEL DES CRÉDITS A DÉJÀ ÉTÉ ENGAGÉ EN 2019, DES INTERROGATIONS DEMEURENT SUR LA CAPACITÉ DE CE PROGRAMME À RÉPONDRE AUX AMBITIONS QUI LUI ONT ÉTÉ FIXÉES

1. La rénovation des bâtiments domaniaux mutualisés vient seconder les instruments dédiés à la politique immobilière de l'État

Le programme 348, créé en 2018 dans le cadre du Grand plan d'investissement (GPI), répond à deux de ses priorités : l'accélération de la transition énergétique et la construction de l'État à l'âge numérique. Ce grand plan de rénovation sera doté d'un milliard d'euros en cinq ans pour financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et de lutter contre leur obsolescence. Ces travaux visent également à densifier les sites sous-occupés, réduisant par là-même la surface occupée par les services de l'État, avec l'objectif de se rapprocher de l'indicateur cible de 12 m² de surface utile nette par poste.

Sont spécifiquement visés par ce programme les cités administratives et les sites domaniaux multi-occupants, soit une surface totale d'environ un million de mètres carrés.

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux 21 ( * ) , le choix de recourir à un programme indépendant du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'explique par les contraintes fortes pesant sur l'utilisation des fonds ouverts sur ce CAS . En effet, les dépenses ne sont normalement engagées qu'à hauteur des recettes, issues des produits de cession et de redevance domaniale. Au vu de la fragilité financière du CAS ces dernières années 22 ( * ) , il aurait été impossible de mobiliser une telle somme sur cinq ans pour ces dépenses de rénovation et d'entretien, du moins pas sans que cela ne se fasse au détriment des autres bâtiments de l'État.

La démarche s'intègre donc dans les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) qui ont permis d'identifier les sites pouvant participer aux audits énergétiques et techniques. En effet, les SDIR, qui ont remplacé les schémas pluriannuels de stratégie immobilière, intègrent nécessairement un diagnostic préalable de l'ensemble des bâtiments à l'échelon régional. Ces propositions ont ensuite nourri la phase de diagnostic de la direction de l'immobilier de l'État. Cependant, il n'y avait là rien d'obligatoire et la DIE s'est employée à inciter les préfets à réfléchir à la création de projets globaux sur leurs cités administratives .

Il est opéré dans la présentation de ce programme un lien direct entre la rénovation de ces cités administratives et l'objectif de réduction et de mutualisation des effectifs de la fonction publique d'État d'ici 2022. Le FTAP pourra en effet accompagner les projets portés par le programme 348 (fusions, réorganisations).

2. L'anticipation des autorisations d'engagement doit permettre au programme de financer l'ensemble des travaux d'ici 2022

Le programme 348 a été marqué par une inscription massive d'autorisations d'engagement en 2019 et ceci pour deux raisons. D'abord, parce qu'au vu de l'ampleur des opérations à réaliser, il était nécessaire, pour que les travaux se concluent en 2022, d'engager au plus vite les crédits. Ensuite, en raison du principe de réallocation des crédits du GPI. En effet, il est bien précisé que les crédits alloués au GPI peuvent être « relabellisés » : pour éviter un tel phénomène, qui serait préjudiciable aux opérations d'ores et déjà lancées, l'inscription des AE est un moyen de sécuriser ces crédits.

Dans ce contexte d'engagement anticipé, au vu de l'ampleur des opérations à réaliser , 2018 et 2019 ont constitué des années de transition : d'abord pour conduire les audits énergétiques et techniques (2018) puis pour sélectionner les projets. 39 sites ont été retenus à la mi-juillet 2019, chaque candidat ayant auparavant été expertisé par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) puis examiné par la conférence nationale de l'immobilier public (CNIP).

D'après les informations reçues par vos rapporteurs spéciaux, la rénovation de ces bâtiments permettrait de réaliser un gain énergétique de 139 millions de kWh d'énergie primaire par an et l'optimisation des surfaces occupées devrait réduire le parc immobilier de l'État de 239 000  mètres carrés de surface utile brute, réduisant par là-même les frais liés aux loyers, aux charges et à la facture énergétique.

Alors que la sous-exécution était forte en 2018, mais plus facilement acceptable compte tenu de la jeunesse de la mission, il est probable que le programme 348 s'oriente à nouveau vers une sous-exécution, un risque que vos rapporteurs spéciaux jugent d'autant plus regrettable que les travaux ont commencé et que tous les sites n'ont pas pu bénéficier des crédits du programme 348 . Le montant de crédits de paiement inscrits en loi de finances pour 2020 a été revu à la baisse. Le Gouvernement assure pourtant que le programme sera bien doté d'un milliard d'euros sur le quinquennat. Si ces tendances se poursuivent, il faudra soit renoncer aux travaux, soit consacrer les crédits afférents à un autre programme, soit prolonger la mission.

Il est répété que la complexité des sujets immobiliers a conduit à des décalages dans le temps des projets. Par exemple, la direction de l'immobilier de l'État ne dispose pas de suffisamment de compétences techniques pour accompagner tous les porteurs de projet.

3. La limitation des crédits conduit à exclure de fait des bâtiments qui auraient pu être sélectionnés par le programme

Lors de sa création, le programme 348 a été centré sur les cités administratives , sites emblématiques de la présence de l'État et de la politique immobilière de l'État. Ces sites datent souvent des années 1970 et constituent, en l'absence de travaux, des « passoires thermiques ». Des critères d'éligibilité ont néanmoins été fixés par le programme. Ces cités administratives devaient exister au 1 er janvier 2017, l'État devait en être propriétaire et elles devaient avoir été identifiées comme des « actifs à conserver » dans les SDIR.

Il était alors précisé que les crédits ne seraient ouverts à d'autres catégories de sites domaniaux multi-occupants qu'en fonction des crédits disponibles. Les crédits étant entièrement alloués, le titre du programme est caduque . D'autres établissements, comme les universités, auraient pourtant pu en profiter, notamment pour mener à bien leur projet de rénovation énergétique 23 ( * ) .

39 projets ont été sélectionnés, dont 12 font l'objet d'un marché global de performance , un outil nouveau mais méconnu des adjudicateurs régionaux, ce qui a pu créer des retards dans la sélection des projets.

Pour conduire les opérations de travaux :
le recours au marché global de performance

Le marché global de performance, défini par l'article L.2171.3 du code de la commande publique, permet à l'acheteur d'associer l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance.

Dans le cadre de ce marché, la mission de maîtrise d'oeuvre est associée à celle de l'entrepreneur ; les objectifs de performance sont pris en compte dans la rémunération du titulaire au titre de la maintenance ou de l'exploitation des prestations réalisées.

Le choix du marché global de performance est préconisé dans les cas où des gains énergétiques importants sont recherchés par le biais de différents choix techniques possibles (isolation par l'intérieur ou l'extérieur, production autonome de chauffage ou raccordement à un réseau urbain, recours aux énergies renouvelables, etc...). Si les choix techniques sont évidents, le porteur de projet a plutôt intérêt à recourir à un marché classique.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Au total, sur les 55 projets qui pouvaient bénéficier de financements sur le programme 348 24 ( * ) , un seul fait l'objet d'études complémentaires, 10 n'ont pas été retenus, deux se sont retirés et trois cités n'ont déposé aucun projet. Si la Cour des comptes relevait qu'il faudrait sans doute 1,3 milliard d'euros pour financer l'ensemble des rénovations accordées, la direction de l'immobilier de l'État se montre plus optimiste quant à la réalisation de ces projets dans les conditions de crédit initiales.

4. Une révision bienvenue des objectifs de performance

La Cour des comptes avait en effet fortement critiqué les objectifs de performance tels qu'ils étaient inscrits dans le projet annuel de performances pour 2019, en regrettant qu'ils ne permettent pas d'apprécier rapidement les actions menées avec les crédits de la mission.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que le Gouvernement ait tenu compte de ces critiques et modifié les indicateurs de performance , qui permettent de donner une idée plus précise de l'impact des travaux financés par les crédits du programme 348. Ainsi, au lieu de suivre l'évolution de la performance énergétique, figurent maintenant comme premier sous-indicateur les économies d'énergie attendues. Le programme devant participer à la rationalisation immobilière de l'État, il est également bienvenu qu'il comprenne maintenant un sous-indicateur relatif à l'optimisation de la surface occupée.

B. SI LES MODALITÉS D'EXERCICE DES FONDS POUR LA TRANSFORMATION ONT ÉTÉ PRÉCISÉES, LEUR CAPACITÉ À ATTEINDRE LEURS OBJECTIFS DEMEURE FLOUE

1. Les fonds de la mission, qui se sont multipliés ces dernières années, s'appuient sur une méthode originale d'appels à projet

Chaque fonds doit couvrir un domaine bien précis, afin d'éviter tout risque de doublon entre les différents programmes, ce qui nuirait à leur efficacité globale. Ils partagent toutefois quasiment tous un trait commun : des retards de mise en oeuvre préoccupants . Pour des fonds de transformation, les procédures semblent bien complexes.

a) Le Fonds pour la transformation de l'action publique : donner vie au rapport sur le Grand plan d'investissement de Jean Pisani-Ferry

Dans son rapport sur le Grand plan d'investissement 25 ( * ) , Jean Pisani-Ferry recommandait de créer un fonds pour la transformation de l'action publique (initiative 20). Le programme 359 en est la traduction budgétaire et en reprend les principaux critères : une dotation de 700 millions d'euros sur le quinquennat, un retour sur investissement d'un euro économisé au bout de trois ans pour un euro investi, la signature de contrats de transformation avec objectifs de performance pour les services bénéficiaires et la participation de personnalités qualifiées extérieures au processus de sélection.

Les projets soutenus par ce fonds doivent participer à la transformation de l'État, générer des économies, améliorer la qualité du service rendu aux usagers et les conditions de travail des agents. Les principaux lauréats du fonds sont donc en grande majorité des projets informations ou de réorganisation. Y sont cependant éligibles les projets immobiliers, même si ceux-ci sont encore très peu nombreux. Une exception est à relever : le projet « Prisons expérimentales » du ministère de la justice, lauréat du second appel à projets en 2019.

Ils sont sélectionnés et suivis par un comité de pilotage, sous l'égide du ministre de l'action et des comptes publics et composé de la directrice du budget, du directeur interministériel à la transformation publique et du secrétaire général pour l'investissement, ainsi que de cinq personnalités qualifiées. Le secrétaire d'État au numérique est associé aux décisions portant sur des projets informatiques.

Il y a deux sessions d'appels à projets par an et les candidats doivent satisfaire à plusieurs exigences, ayant tant trait au respect des objectifs du fonds qu'à la taille du projet, à son portage (État ou opérateurs), à sa pérennité ou encore à sa cohérence avec les priorités stratégiques ministérielles et interministérielles. Le Fonds n'apportant pas la totalité des financements nécessaires, ces projets doivent en outre être cofinancés par les porteurs du projet. Une fois cette barre d'éligibilité franchie, la sélection s'appuie en mesure le mérite respectif de chacun des projets sur plusieurs critères (économies substantielles, qualité de service et conditions de travail, gouvernance, cohérence avec l'action gouvernementale en matière de transformation publique, conformité aux principes de l'État plateforme pour les projets informatiques).

Afin d'encourager les projets portés par des acteurs territoriaux, les seuils d'éligibilité ont été abaissés, seulement pour eux, d'un million à 200 000 euros. 9 projets territoriaux ont ainsi été retenus en 2019, une ouverture appréciée par vos rapporteurs spéciaux, qui avaient regretté que les premiers appels à projet se soient traduits par une écrasante présence de projets d'administration centrale 26 ( * ) .

65 projets ont déjà été sélectionnés par le fond et sont issus de quatre appels d'offres. À l'instar du programme 348, des retards de contractualisation ont également été constatés sur ce programme . À cet égard, vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent de voir que la cible du délai d'instruction des projets a été révisée à la hausse entre 2018 et 2020 (de 55 à 60 jours, après une prévision de 70 jours en 2019).

État d'avancement des projets sélectionnés

1er appel à projet

2e appel à projet

3e appel à projet

Total

Contractualisation (signature)

13

9

4

26

52,00 %

En cours de signature (éventuellement après évolution du projet initial)

1

5

12

18

36,00 %

Désistement

2

0

2

4,00 %

Difficultés d'avancement

1

2

1

4

8,00 %

Total

17

16

17

50

100,00 %

Note : le quatrième appel à projet, qui s'est tenu en septembre 2019, n'est pas indiqué. Il est trop tôt pour tirer un premier bilan du processus de contractualisation.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les informations dont disposent vos rapporteurs spéciaux sur l'exécution en cours d'année des fonds alloués au programme 349 pour 2019 sont encore plus inquiétantes . Le niveau de consommation resterait limité. Au 30 juin 2019, la consommation s'élevait ainsi à 8,2 millions d'euros en AE et 12,3 millions d'euros en CP, un niveau bien inférieur à la prévision annuelle. Le niveau de consommation devrait être explicité dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

b) Le Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines

Le Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines (FAIRH) vise à cofinancer des actions en matière de ressources humaines lors de la mise en oeuvre de plans de transformation ministériels . Cinq critères déterminent l'éligibilité des projets : la solidité du dossier et la gouvernance du projet ; la cohérence avec les enjeux de transformation ministérielle ; l'impact chiffré des actions d'accompagnement envisagées ; le montage financier du projet ; l'impact sur les effectifs et sur la masse salariale. Présidé par le directeur général de l'administration et de la fonction publique, le comité de sélection se compose de la directrice du budget, du délégué interministériel à la transformation publique, d'un représentant de l'Agence d'accompagnement des reconversions et des mobilités ou le cas échéant du préfigurateur de l'agence, du coordonnateur national de la réforme des services déconcentrés de l'État au secrétariat général du Gouvernement, ou de leurs représentants, et de trois personnalités qualifiées ayant une forte expérience dans le domaine des ressources humaines et issues du service public.

À la suite de sa première réunion au mois de juin 2019, le comité de sélection du FAIRH a retenu trois projets de transformation, puis un quatrième en août. Vos rapporteurs spéciaux relèvent que, pour le premier, cela permet aux ministères économique et financier de faire porter une partie du coût de sa réorganisation sur une autre mission que la mission GFPRH . En effet, il a vocation à accompagner les 417 agents concernés par la réforme des pôles chargés de l'économie, des entreprises et de l'emploi (pôles 3E) des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Cet accompagnement se traduira par la mobilisation d'outils indemnitaires et de formation.

c) Le Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État : mobiliser les agents de l'administration

Sous l'égide du Dinsic, le Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État (FAST) doit inciter les administrations à investir dans des initiatives innovantes portées par des agents publics pour résoudre des problèmes de politique publique . Trois objectifs ont guidé la création de ce fonds par la loi de finances pour 2019 : (1) soutenir des projets avec une forte dimension de risque; (2) promouvoir l'innovation dans le secteur public, mais également dans les méthodes de travail des agents, inspirées de celles des start-ups d'État, avec une équipe autonome ; (3) encourager les agents publics à devenir des « intrapreneurs ».

Le FAST lance un appel à projets tous les trois mois, délai au terme duquel son équipe présélectionne des candidats. Ces derniers présentent ensuite leurs projets devant le jury du FAST, composé de membres de l'administration et de la société civile. Dans sa décision, le jury s'appuie sur trois exigences : l'impact pour l'utilisateur final, l'existence d'un sponsor dans l'administration porteuse et l'adéquation du projet avec les enjeux numériques de l'État. Le FAST cofinance ensuite jusqu'à 50 % de chacun des projets lauréats et ces crédits sont en majeure partie dédiés au recrutement d'experts du numérique (via beta.gouv.fr).

Le financement alloué aux lauréats dépend également de la phase de vie du projet : 10 000 euros pour accompagner les projets visant à trouver des solutions concrètes à un problème de politique publique (pré-incubation) ; 70 000 euros pour les projets à forte incertitude, avec le développement d'une première solution et son expérimentation auprès des usagers (amorçage) ; 250 000 euros pour faire de ces solutions de véritables produits, une fois qu'elles ont fait la preuve de leur bien-fondé.

La sélection est exigeante, trois projets ayant été choisis lors du premier appel à projet, sur les 39 candidats (7,7 %). Promus par une intercommunalité, une région et une académie, ils portent sur le traitement des déchets, le retour à l'emploi et la simplification des démarches pour les élèves handicapés.

La création de ce fonds a nécessité, en parallèle, de définir des indicateurs de performance. Ceux-ci reprennent les critères d'éligibilité du fonds, y compris pour chacune des tranches de financement : nombre de problèmes étudiés, nombre de produits lancés / abandonnés par an, nombre de produits devenus des services publics à impact national. Ils entendent également illustrer la capacité de l'État à se doter des compétences requises puisqu'ils tiennent également compte du nombre d'entrepreneurs d'intérêt général sélectionnés dans l'année, recrutés en suivant dans l'administration et du nombre « d'intra-entrepreneurs » formés aux méthodes de travail de startups d'État.

2. En dépit des objectifs affichés par la mission, les critères de sélection des projets conduisent à davantage privilégier la modernisation que l'économie sur la dépense publique

Ces fonds visent à donner budgétairement corps au processus de réforme des politiques publiques initié par le Gouvernement sous le terme « Action publique 2022 ». Selon le rapport du Comité action publique 2022 (CAP 22), il s'agit de conjuguer trois objectifs d'apparence contradictoire : transformer l'administration, renouveler le service public, faire des économies substantielles. Vos rapporteurs spéciaux estiment que ces belles ambitions se sont rapidement heurtées au principe de réalité.

Comme l'a admis M. Olivier Dussopt lors de son audition par vos rapporteurs spéciaux, le critère des économies attendues est devenu moins déterminant, en particulier s'il s'agit de soutenir à côté des projets innovants portés par les administrations qui n'auraient pas eu les moyens de le faire en interne 27 ( * ) . Si ce n'est pas à proprement parler un contournement des règles budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent s'empêcher d'y voir une organisation bien plus motivée par un besoin d'affichage politique que par de pures considérations budgétaires.

Si vos rapporteurs spéciaux comprennent la volonté du Gouvernement de vouloir isoler, à travers cette mission, des crédits dédiés à la transformation de l'État et à l'accompagnement des réformes dites structurelles, ils n'en sont pas moins surpris par la méthode . Il ne s'agit ni plus ni moins que d'ouvrir sur de nouveaux programmes des crédits destinés à financer des dépenses et des réformes que les propres crédits du ministère de l'action et des comptes publics, notamment à travers la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ne lui permettent pas d'assumer. Sous couvert d'afficher une maitrise de la dépense publique sur cette mission, une brèche s'ouvre par l'utilisation de ces fonds. Il en va de même pour d'autres ministères, qui financent également leurs projets innovants par ces fonds, ou du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État, qui n'aurait pas pu seul assurer la rénovation des sites multi-occupants. Vos rapporteurs spéciaux estiment donc que les informations sur les ministères, administrations et collectivités bénéficiaires mériteraient d'être clarifiées.

Enfin, vos rapporteurs spéciaux insistent sur l'exécution fragile de cette mission . Sur l'ensemble de la mission, la ressource disponible à la fin du mois d'août 2019 s'élevait à 1 395 millions d'euros (AE) et 333 millions d'euros (CP). Cette somme conséquente s'obtient en additionnant les crédits en loi de finances, ainsi que celui des reports. Sur les huit premiers mois de l'année, la consommation atteint 19 millions d'euros (CP). Jusqu'où pourra-t-on reporter les crédits ? Quel impact une éventuelle cession de la mission en 2022 aura-t-elle sur ces crédits ? Autant de questions qui devront être rapidement résolues, la mission dépassant en 2020 la moitié de sa durée de vie programmée .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

I. SUR LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

L'Assemblée nationale a adopté, sans modification, les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement n° II-21 minorant de 13,14 millions d'euros en autorisations d'engagements et en crédits de paiement les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » . Cet amendement tire les conséquences, pour la mission, des votes intervenus dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 (minoration de 15 millions d'euros), ainsi que du rendez-vous salarial du 2 juillet 2019 concernant la revalorisation du barème de remboursement des frais de repas pour les agents publics en formation ou en mission (majoration de 1,86 million d'euros).

II. SUR LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES »

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission des finances, un amendement du Gouvernement transférant 1,5  million d'euros du titre III (dépenses de fonctionnement) du programme 352 « Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État » vers le titre II (dépenses de personnel) de ce même programme .

Ce transfert est destiné à financer, sur le programme 352, le dispositif « Entrepreneurs d'intérêt général » (EIG) , lancé en 2017. Ce programme permet aux administrations de recruter, sur une durée inférieure à un an, des experts du numérique et de la société civile. Le programme EIG était jusqu'ici financé par le programme PIA 2 (fonds « Transition numérique de l'État ») mais le Gouvernement souhaite lui donner une place plus importante au sein de la mission « Action et transformation publiques », dédiée à la transformation de l'État.

AMENDEMENTS PROPOSÉS PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

I. SUR LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020

SECONDE PARTIE

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

II-16

22 novembre 2019

A M E N D E M E N T

présenté par M. Albéric de Montgolfier, Rapporteur général

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 38

État B

Modifier comme suit les crédits du programme :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

0

2 270 000 000

2 270 000 000

0

2 270 000 000

2 270 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

0

0

0

0

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

0

0

0

0

Fonction publique

dont titre 2

0

0

0

0

TOTAL

0

2 270 000 000

0

2 270 000 000

SOLDE

- 2 270 000 000

- 2 270 000 000

OBJET

Selon l'Enquête emploi de l'Insee, la durée « habituelle » de travail de l'ensemble des actifs serait proche de 37,5 heures par semaine.

L'alignement du temps de travail dans la fonction publique sur cette durée « habituelle » de travail se traduirait par une augmentation moyenne de la durée hebdomadaire de travail dans le secteur public de 7 %.

Dans son enquête sur la masse salariale de l'État réalisée en 2015 en application de l'article 58-2° de la LOLF à la demande de votre commission des finances, la Cour des comptes estimait qu'une augmentation de 1 % du temps de travail dans la fonction publique permettrait une économie de 700 millions d'euros pour l'ensemble de la fonction publique (avec 5,4 millions d'agents).

L'alignement de la durée du travail dans le secteur public sur le temps de travail « habituel » permettrait par conséquent un gain de 5 milliards d'euros.

Rapportée à la seule fonction publique de l'État (2,45 millions d'agents), cette économie s'élèverait à 2,27 milliards d'euros. Le présent amendement vise donc à diminuer de 2,27 milliards d'euros les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » afin de tirer les conséquences de cette hausse du temps de travail dans la fonction publique en 2019 - sachant que cette mesure continuerait à produire des effets au cours des exercices à venir.

Par convention, cette diminution est imputée sur les actions 02 « Fiscalité des PME », 03 « Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale », 07 « Gestion financière du secteur public local hors fiscalité » et 09 « Soutien » du programme 156, à hauteur de 567 millions d'euros chacune.

Il s'agit toutefois d'une mesure concernant l'ensemble de la fonction publique de l'État. Elle n'a donc pas vocation à s'appliquer aux seules dépenses de personnel du programme 156 et les économies correspondantes devront être réparties entre l'ensemble des missions.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020

SECONDE PARTIE

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

II-17

22 novembre 2019

A M E N D E M E N T

présenté par Albéric de Montgolfier, Rapporteur général

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 38

État B

Modifier comme suit les crédits du programme :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

0

216 000 000

216 000 000

0

216 000 000

216 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

0

0

0

0

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

0

0

0

0

Fonction publique

dont titre 2

0

0

0

0

TOTAL

0

216 000 000

0

216 000 000

SOLDE

- 216 000 000

- 216 000 000

OBJET

L'article 115 de la loi de finances pour 2018 28 ( * ) a réinstauré un jour de carence dans la fonction publique.

Selon l'évaluation préalable de l'article 48 du projet de loi de finances pour 2018 à l'origine de l'article 115 précité, l'économie liée à la réinstauration d'un jour de carence devait s'élever pour la seule fonction publique d'État à 108 millions d'euros (270 millions d'euros pour l'ensemble des administrations publiques).

Porter ce délai à trois jours se traduirait donc, par hypothèse, par une économie supplémentaire de l'ordre de 216 millions d'euros pour la fonction publique d'État (540 millions pour l'ensemble des trois fonctions publiques).

Par convention, cette économie est imputée sur les actions 02 « Fiscalité des PME », 03 « Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale », 07 « Gestion financière du secteur public local hors fiscalité » et 09 « Soutien » du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », à hauteur de 54 millions d'euros chacune en AE et CP.

Il s'agit toutefois d'une mesure concernant l'ensemble de la fonction publique de l'État. Elle n'a donc pas vocation à s'appliquer aux seules dépenses de personnel du programme 156 et les économies correspondantes devront être réparties entre l'ensemble des missions.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020

SECONDE PARTIE

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

II-18

22 novembre 2019

A M E N D E M E N T

présenté par M. de Montgolfier, Rapporteur général

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 38

État B

Modifier comme suit les crédits du programme :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

0

40 400 000

40 400 000

0

40 400 000

40 400 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

0

0

0

0

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

0

0

0

0

Fonction publique

dont titre 2

0

0

0

0

TOTAL

0

40 400 000

0

40 400 000

SOLDE

- 40 400 000

- 40 400 000

OBJET

Le présent projet de loi de finances pour 2020 prévoit seulement la suppression de 47 postes pour l'État et ses opérateurs.

Cette baisse est très nettement insuffisante au regard du « référentiel » initialement fixé par le Président de la République de réduire de 120 000 postes les effectifs de la fonction publique, dont 50 000 dans la fonction publique d'État et 70 000 dans la fonction publique territoriale. Les objectifs ont d'ailleurs été abandonnés.

Or des marges de progression importantes existent, qu'il s'agisse du temps de travail des agents comme de la rationalisation des services publics, ainsi qu'en attestent notamment les travaux du comité « Action publique 2022 ».

Il appartient à l'État de définir les missions sur lesquelles il doit prioritairement se concentrer, en évitant notamment les doublons avec d'autres entités, en particulier les collectivités territoriales.

Des pistes de réduction d'effectifs peuvent notamment être constatées dans les administrations centrales, qui, en 2020, représenteront 3,47 % du plafond d'emplois total de l'État (67 251 ETPT sur 1,95 million ETPT).

En appliquant ce ratio aux « primo-recrutements » prévus au total en 2020 (77 638 ETP) et en retenant des dates d'entrée en fonction en moyenne à mi-année, une économie de l'ordre de 1 347 ETPT pourrait être dégagée en cas de « gel » de ces entrées.

Le présent amendement vise donc à réduire les effectifs des administrations centrales en revenant sur l'ensemble des « primo-recrutements » en 2019, sans toucher aux effectifs en place.

Cette mesure se traduira, dans l'hypothèse d'un coût d'entrée s'élevant à 30 000 euros, par une économie de l'ordre de 40,4 millions d'euros. En année pleine, ce montant doublerait, atteignant près de 80,8 millions d'euros.

Cette réduction est imputée sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » dans un souci de clarté des débats parlementaires et de lisibilité. Par convention, cette économie est imputée sur les actions 02 « Fiscalité des PME », 03 « Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale », 07 « Gestion financière du secteur public local hors fiscalité » et 09 « Soutien » du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », à hauteur de 10,1 millions d'euros chacune en AE et CP.

Il s'agit toutefois d'une mesure concernant l'ensemble de la fonction publique de l'État. Elle n'a donc pas vocation à s'appliquer aux seules dépenses de personnel du programme 156 et les économies correspondantes devront être réparties entre l'ensemble des missions.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

II-19

22 novembre 2019

A M E N D E M E N T

présenté par Albéric de Montgolfier, Rapporteur général

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 76 OCTIES

I. - Après l'article 76 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l'article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'un intitulé ainsi rédigé :

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

OBJET

Le présent amendement vise à porter le délai de carence pour les congés de maladie dans la fonction publique d'un jour, comme cela est prévu par l'article  115 de la loi de finances pour 2018 29 ( * ) , à trois jours.

Ainsi, les agents publics ne percevraient pas leur rémunération pendant les trois premiers jours de leur congé maladie ordinaire.

La loi de finances pour 2012 avait déjà instauré un jour de carence pour les fonctionnaires, mais celui-ci a été supprimé par la loi de finances pour 2014.

Pourtant, le jour de carence est une mesure qui a fait la preuve de son efficacité, en réduisant l'absentéisme. D'après l'Insee, la proportion d'agents en arrêt maladie de moins de 15 jours est passée, entre 2011 et 2012, de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique d'État, et de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière. Une étude du groupe Sofaxis de décembre 2013 fait état d'une baisse de 40 % des arrêts maladie d'une journée dans les hôpitaux, et de 43 % dans les collectivités territoriales.

Il s'agit enfin - et surtout - d'une mesure d'équité entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé qui sont soumis à trois jours de carence.

Certes, près des deux tiers des salariés du secteur privé bénéficient d'une prise en charge des jours de carence par leur complémentaire santé au titre des conventions collectives. Mais un tiers des salariés ne bénéficie d'aucune prise en charge.

Au regard de l'impératif d'équité entre les fonctionnaires et les salariés, de la nécessité d'améliorer le fonctionnement des services publics et de la situation budgétaire dégradée, il est proposé de généraliser la règle de trois jours de carence pour tous.

Selon l'évaluation préalable de l'article 48 du projet de loi de finances pour 2018 à l'origine de l'article 115 précité, l'économie liée à la réinstauration d'un jour de carence s'élèvera pour la seule fonction publique d'État à 108 millions d'euros (270 millions d'euros pour l'ensemble des administrations publiques).

Porter ce délai à trois jours se traduira donc, par hypothèse, par une économie supplémentaire de l'ordre de 216 millions d'euros, pour la seule fonction publique d'État (540 millions d'euros pour l'ensemble des trois fonctions publiques).

II. SUR LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020

SECONDE PARTIE

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

II-8

22 novembre 2019

A M E N D E M E N T

présenté par

MM. NOUGEIN et CARCENAC

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 38

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Provision relative aux rémunérations publiques

dont titre 2

Dépenses accidentelles et imprévisibles

100 000 000

100 000 000

TOTAL

100 000 000

100 000 000

SOLDE

- 100 000 000

- 100 000 000

OBJET

Cet amendement d'appel vise à minorer de 100 millions d'euros les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) inscrits à l'action 01 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » .

En 2018, le Gouvernement avait en effet majoré la dotation du programme 552 de 100 millions d'euros par rapport à 2017, en raison de l'abaissement du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %. Il faut néanmoins rappeler que cette majoration était sans commune mesure avec le montant total de la mise en réserve, estimé à 8 milliards d'euros.

Par ailleurs, l'exécution des crédits en 2018 et au 10 octobre 2019 nous révèle que les derniers recours au programme 552 n'ont aucunement servi à pallier cette diminution du taux de mise en réserve. En effet, outre l'abondement des fonds spéciaux, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a étonnamment servi à financer des mesures ni accidentelles, ni imprévisibles, palliant ainsi la sous-budgétisation des missions « Action extérieure de l'État » et « Engagements financiers de l'État ».

Au cours de l'examen de la loi de règlement pour 2018, vos rapporteurs spéciaux avaient contesté ce détournement des règles d'utilisation du programme 552, opéré dans le but de « compenser à la fois l'engagement du Gouvernement de ne plus avoir recours aux décrets d'avance et le raccourcissement du délai d'examen du PLFR 2018 » . 30 ( * ) De fait, le Gouvernement s'est privé de ces deux mesures de régulation et a finalement eu recours aux crédits non répartis - une procédure qui n'autorise aucun examen préalable par le Parlement.

Il est à craindre que ce détournement ne se reproduise en 2019 et 2020 du fait de l'absence de dotation du programme 336 « Mécanisme européen de stabilité » de la mission « Engagements financiers de l'État » depuis 2017. Or le programme 336 devrait porter les crédits de la rétrocession des intérêts négatifs au Mécanisme européen de stabilité. Si elle n'est pas certaine, cette opération est à tout le moins prévisible, du fait de sa récurrence depuis 2017 - ouverture en cours de gestion de 86,7 millions d'euros en 2017 et 100 millions d'euros en 2018 - et mérite donc d'être budgétisée dès le projet de loi de finances initial, comme le rappellent à la fois notre collègue Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et la Cour des comptes.

Par cet amendement, vos rapporteurs spéciaux proposent donc de minorer les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » d'un montant égal à celui de la dernière exécution du programme 336. La loi organique relative aux lois de finances de 2001 (LOLF) ne permettant pas au Parlement de diminuer les crédits d'une mission au profit d'une autre, il s'agit donc d'inciter le Gouvernement à confirmer ses intentions d'améliorer la sincérité budgétaire, et à procéder à une ouverture de crédits sur le programme 336 pour 2019, dans le cadre du prochain examen du projet de loi de finances rectificative, et pour 2020, alors que la discussion du projet de loi de finances initial se poursuit.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Crédits non répartis », « Action et transformation publiques » et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Nous avons parlé à l'instant des efforts insuffisants du Gouvernement en matière de maîtrise des dépenses publiques et de réduction de la masse salariale de l'État. S'il est bien une mission qui participe à ces efforts, c'est la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Principale mission du pôle économique et financier de l'État, elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

D'un montant de 10,46 milliards d'euros, ses crédits devraient ainsi se stabiliser entre 2018 et 2019 - ils augmentent de 0,14 % seulement - avec une baisse des dépenses de personnel. La réduction des effectifs de la DGFiP devrait ainsi compter pour un tiers des 15 000 postes de fonctionnaires d'État qui seraient supprimés d'ici à la fin du quinquennat.

Ce sont de bonnes nouvelles, mais nous risquons d'en rester là. En effet, la stabilisation de ces crédits provient moins d'une logique de rationalisation arrivée à son terme que de la nécessité de marquer une pause afin que la DGFiP et la DGDDI puissent répondre aux défis auxquels elles devront faire face ces prochaines années.

Le premier grand défi de ces administrations de réseau, qui comptent à elles deux plus de 117 000 emplois équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) - 100 000 à la DGFiP, 17 000 à la DGDDI - est celui de leur réorganisation.

Cela implique, d'abord, la réorganisation du réseau territorial. Le ministre de l'action et des comptes publics nous avait adressé à l'été un courrier pour défendre le nouveau processus de concertation mis en place dans chaque département. Selon les informations dont nous disposons, la mise en place de la nouvelle carte des implantations de la DGFiP pourrait être reportée dans une quinzaine de départements, faute d'accord. La DGFiP contribuera également aux trois quarts au processus de « déconcentration » des services publics, des administrations centrales vers les villes des territoires périurbains et ruraux. Les villes éligibles ont peu de temps pour se porter candidates et le cahier des charges indique clairement que ce seront surtout les villes moyennes qui satisferont à l'ensemble des critères.

Nous alertons sur les risques inhérents à de tels projets de restructuration, qui visent à rationaliser les coûts et les effectifs. Si nous ne sommes pas opposés à ces objectifs, nous craignons que ces processus s'accompagnent de coûts de transition extrêmement élevés. Tel est ainsi le cas des dispositifs d'accompagnement proposés aux agents des finances publiques ou des douanes qui ne voudraient pas effectuer une mobilité géographique ou changer de métier.

Nous ne disposons en outre que de peu d'informations sur les effets réels sur le personnel des réformes déjà à l'oeuvre : prélèvement à la source, suppression progressive de la taxe d'habitation, dématérialisation, ou encore unification du recouvrement. Pour vous montrer la sensibilité du sujet, aucun de nos interlocuteurs n'a voulu nous donner de chiffres précis ! Ils ont certainement peur que ce chiffre ne devienne un nouveau chiffon rouge dans un contexte social déjà très délicat.

En 2020 commencera également l'expérimentation visant à confier aux buralistes l'encaissement et le décaissement des recettes de l'État, des établissements publics de santé et des collectivités territoriales, jusqu'ici confiés au comptable public. La mise en oeuvre de ce marché devrait coûter, la première année, 1,7 million d'euros à la DGFiP, notamment pour financer l'achat d'équipements et la formation des buralistes.

Le deuxième défi de la DGFiP et de la DGDDI concerne leurs systèmes informatiques. Thierry Carcenac et moi-même alertons depuis plusieurs années sur la vétusté des systèmes d'information de ces deux administrations, un vrai problème pour notre sécurité et pour l'exercice de leurs missions. À titre d'exemple, parmi les 9 % de logiciels que la DGFiP juge obsolètes figure celui qui est chargé d'éditer les bulletins de salaire et de pension des agents publics. Attention à ne pas créer un nouveau Louvois !

La situation est devenue tellement préoccupante que la Cour des comptes, comme nos interlocuteurs, parle de dette technologique. C'est même une dette insoutenable qui connaît son propre effet boule de neige. En effet, les crédits informatiques sont happés par la maintenance et ne sont donc que très peu consacrés à l'investissement et à la création de nouveaux systèmes innovants, ce qui entretient l'obsolescence des systèmes d'information.

Enfin, le troisième défi pour la DGFiP et la DGDDI est celui de la transformation de leurs métiers. J'ai parlé plus tôt de l'unification du recouvrement. Cela concerne aussi le contrôle fiscal, qui devra dans l'avenir faire davantage appel aux nouvelles technologies que sont l'intelligence artificielle ou le data mining . La mission « Requête et valorisation » devrait ainsi être à l'origine d'un tiers des contrôles l'an prochain et de la moitié en 2021.

Sur le recours à ces outils, nous avons entendu des choses très diverses. Cela tient le plus souvent à deux conceptions opposées du contrôle fiscal. Le directeur général des finances publiques défend cette programmation centralisée des contrôles, qui permet selon lui de décloisonner les bases de données, tandis qu'une partie des agents estiment qu'il faudrait davantage prendre en compte les spécificités du tissu fiscal et économique local. Si nous pensons qu'il est encore trop tôt pour trancher ce débat, nous regrettons de ne pas disposer d'indicateurs de performance plus robustes pour nous éclairer. Il est en effet impossible de connaître le nombre de contrôles qui n'auraient pas été menés sans l'appui de la mission « requête et valorisation ». Difficile alors de savoir si nous pourrons enfin redresser les résultats du contrôle fiscal.

Pour résumer, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » semble, en apparence, bien fonctionner : ces administrations se modernisent et rationalisent leurs coûts. Toutefois, lors de nos auditions, nous avons pu constater que ces transformations ne se faisaient pas dans un contexte apaisé et qu'il y avait, au sein de la DGFiP et de la DGDDI, de réelles fragilités, du point de vue tant des moyens que des ressources humaines.

Sans remettre en cause les logiques aujourd'hui à l'oeuvre au sein de ces administrations, il est nécessaire de donner davantage de visibilité aux agents touchés par ces transformations. Il n'est pas normal, comme nous l'a expliqué la directrice des Douanes, que les agents d'un même site subissent leur troisième restructuration en six ans. Cela démontre à tout le moins un grave problème d'anticipation dans la gestion des effectifs, problème relevé par la Cour des comptes. Les programmes support de la mission, qui représentent 11 % de ses crédits, sont en outre trop faibles pour accompagner les agents et les administrations.

Pour finir, s'il y a un point sur lequel nous serons particulièrement vigilants, c'est bien la réorganisation du réseau. La DGFiP sera amenée à participer aux maisons France services (MFS). Aujourd'hui, selon un décompte du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), les agents des finances publiques assurent des permanences dans 460 maisons de services au public (MSAP), sur les 1 340 existantes. Outre cette présence, la DGFiP assure également une formation à destination des animateurs des MSAP, afin qu'ils puissent répondre aux interrogations les plus simples des contribuables, ou tout du moins les orienter.

Alors que l'objectif du Gouvernement est de monter en gamme, par le biais du label maison France services, la DGFiP devra fournir un effort supplémentaire pour assurer une présence dans chacune des MFS, sachant qu'il devrait y en avoir 2 000 d'ici à la fin du quinquennat, soit une par canton. Cet effort devra être autant humain, par la mobilisation d'agents capables d'assurer une permanence régulière, que financier.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - La mission « Action et transformation publiques », créée en 2018 pour cinq ans, est censée constituer le vecteur budgétaire de la rationalisation des administrations et contribuer à la réalisation du Grand plan d'investissement.

C'est encore loin d'être le cas. Nous considérons qu'il y a, cette année, encore, un risque criant de sous-exécution des crédits. Si le Gouvernement avait pu s'en sortir en 2018, en expliquant que la sous-consommation constatée provenait des retards pris dans l'élaboration des règles d'appels d'offres, il ne pourra pas recourir à la même justification cette année. De même, les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2020 sont très inférieurs au plafond prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Il est assez surprenant de voir qu'une mission qui est supposée aller vite et participer à la transformation de nos administrations met autant de temps avant d'atteindre sa pleine vitesse d'exécution.

Par ailleurs, nous avons pu constater que les fonds portés par les différents programmes de la mission venaient, dans les faits, compenser l'insuffisance des crédits inscrits sur les programmes traditionnels. Il en est ainsi de la DGFiP et de la DGDDI, qui ont participé à plusieurs appels d'offres afin de financer leurs projets informatiques innovants. Le Fonds pour la transformation de l'action publique leur permet ainsi de contourner les obstacles créés par leur dette technologique. Le Gouvernement en a bien conscience puisque, comme l'a affirmé devant nous le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, M. Olivier Dussopt, le critère de la rentabilité des projets est devenu moins déterminant dans leur sélection.

S'il est bien un autre programme qui a bénéficié de la création de cette mission, c'est le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». En effet, c'est la mission « Action et transformation publiques » qui porte le milliard d'euros dédié, sur les cinq ans à venir, à la rénovation des cités administratives et des sites multioccupants, et non ce CAS. Pour mobiliser un tel montant, il aurait fallu que le CAS y consacre la quasi-totalité de ses dépenses sur cinq ans, au détriment de toutes les autres opérations structurantes et d'entretien lourd qu'il est urgent de mener sur notre patrimoine immobilier.

Celui-ci couvre près de 97 millions de mètres carrés, pour une valeur comptable estimée à 63,4 milliards d'euros. Pour autant, les moyens du compte d'affectation spéciale ne sont pas à la hauteur de ces enjeux, avec des recettes qui connaissent une nouvelle baisse de 8 %. Or les dépenses de ce CAS, pourtant essentielles pour assurer l'entretien du parc immobilier de l'État et sa valorisation, sont conditionnées aux produits tirés des cessions. Malgré un rebond attendu en 2019, ces produits connaissent une baisse tendancielle. Cela s'explique par le fait que les biens les plus rapidement vendus étaient les plus faciles à céder : 75 % des biens restant dans le stock à céder sont classés comme difficiles, voire très difficiles, à céder. Ainsi, 524 biens sont en vente depuis plus de trois ans.

C'est pour toutes ces raisons que nous recommandons depuis plusieurs années de diversifier les modes de valorisation du patrimoine immobilier de l'État. Une mission sur la valorisation locative des biens inutiles aux besoins de l'État a ainsi été confiée par le ministère de l'action et des comptes publics à M. Jean-Marc Delion. Nous en suivrons attentivement les retours.

À ces problèmes s'ajoute la faiblesse de la direction immobilière de l'État. Censée illustrée la séparation entre l'État propriétaire et les ministères occupants, elle a dû mal à trouver sa place. 62 autres programmes concourent à la politique immobilière de l'État ; ce CAS ne représente que 6,5 % des crédits qui y sont dédiés et environ 10 % des personnels. La direction immobilière de l'État (DIE) elle-même reconnaît souffrir d'une pénurie de compétences techniques, qui l'empêche de disposer d'un réseau mobilisable sur l'ensemble du territoire. Nous nous étonnons également de voir que, depuis le mois de juillet, aucun nouveau directeur n'a été nommé à la tête de la DIE.

Dès lors, le bilan du compte d'affectation spéciale est décevant. La rationalisation des surfaces utiles nettes par agent, indicateur de performance du compte, piétine depuis cinq ans. Nous devrions avoir une surface utile nette par agent de 12 mètres carrés, nous sommes au-delà de 14. Le CAS est également supposé contribuer au Grand plan d'investissement et à la transition énergétique. Nous considérons plutôt que c'est un simple effet d'affichage. Il est par exemple impossible de connaître précisément le montant des crédits consacrés aux travaux d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments de l'État.

Enfin, les règles de gestion du CAS sont contournées. Les produits de cessions sont en principe répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le CAS. Cette règle de gestion vise, en reversant aux ministères une partie des produits issus de leurs actions de valorisation, à les encourager à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État. Cette règle a déjà fait l'objet de plusieurs exonérations, dont une, très importante, au profit du plateau de Saclay.

Tout aussi problématiques sont les octrois d'avances sur cession. Nous parlons de 100 millions d'euros au profit du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, alors même que nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud ont montré que les produits de cession de ce ministère étaient de plus en plus faibles. C'est à se demander si le CAS sera un jour remboursé ! Nous avons eu également la surprise de constater qu'une avance de six millions d'euros serait attribuée à l'Élysée. Enfin, malheureusement, la disparition des loyers budgétaires en loi de finances pour 2019 ne s'est pas encore traduite par la mise en oeuvre d'un dispositif véritablement incitatif à destination des ministères occupants.

J'en viens pour terminer à la mission « Crédits non répartis », mission particulière dont les deux programmes sont prévus par la LOLF.

Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 26 millions d'euros pour 2020. Ces crédits doivent couvrir le déploiement du forfait mobilité durable pour la fonction publique d'État, ainsi que deux mesures de revalorisation décidées lors du dernier rendez-vous salarial de la fonction publique. L'absence de répartition des crédits pour ces deux mesures interroge, alors que ce rendez-vous salarial a eu lieu il y a plus de quatre mois.

Les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » s'élèvent à 124 millions d'euros pour 2020 ; elles sont inférieures de 700 millions d'euros à la prévision de la programmation triennale. Le Gouvernement a en effet réparti ces 700 millions d'euros dès la présentation du projet de loi de finances pour 2020, afin d'augmenter les plafonds de missions soumises à des dépenses plus dynamiques que prévu. Toutefois, cette répartition n'est guère détaillée. D'après le Gouvernement, elle a notamment permis d'abonder le plafond de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », au titre de la revalorisation de la prime d'activité.

Considérant par ailleurs que le programme 552 a couvert en 2018 des sous-budgétisations qui risquent de se reproduire en 2019 et 2020, nous présenterons un amendement visant à inciter le Gouvernement à entreprendre une budgétisation plus sincère.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - À l'évidence, l'État n'a pas de politique immobilière à long terme. On vend le consulat général à Hong Kong, puis on loue un autre bâtiment. Cela produit une recette ponctuelle, mais des coûts durables. C'est une constante, malheureusement : je n'accuse pas seulement ce Gouvernement. L'État détient des locaux vides dans Paris ; ses opérateurs en louent d'autres au prix fort. L'hôpital d'instruction des armées du Val de Grâce est un exemple typique de cette politique à courte vue.

M. Antoine Lefèvre . - Concernant la réforme de la DGFiP, on ne peut qu'être favorable à la modernisation et à la numérisation de ces services, mais c'est délicat sur le terrain, où la situation ne correspond pas aux discours qui nous sont faits par le Gouvernement. Dans mon département, 14 services auprès du public vont être supprimés, de même que de multiples points de contact avec les entreprises ; c'est inquiétant. Comment s'organisera le calendrier d'application de cette réforme ? Dans certains départements, on peut trouver un accord, mais c'est parfois un marché de dupes. Dans l'autre on la reporte jusqu'après les élections municipales. Dans certains cas, on opère simplement un transfert de charges vers les collectivités, notamment les intercommunalités, par le biais des maisons France services, et ce sans compensation.

Quant à la gestion immobilière, l'absence de réelle politique immobilière de l'État est en effet assez catastrophique, alors que l'immobilier se porte bien dans les plus grandes métropoles. Il est scandaleux que les cessions de l'État ne lui rapportent pas davantage. En outre, les délais de réalisation de ces ventes sont incroyablement longs. N'y a-t-il pas moyen d'accélérer le processus ? C'est le cas même quand des collectivités ou des établissements publics sont désireux de rapidement acquérir ces biens. L'immobilier détenu par l'État à l'étranger représente lui aussi des sommes énormes.

M. Bernard Delcros . - La réforme de la DGFiP est tout de même importante : la réduction de ses effectifs représenterait un tiers des suppressions d'emplois dans la fonction publique d'État. Quant à la réorganisation de son réseau territorial, quoique des évolutions soient nécessaires, il n'empêche que les propositions faites diffèrent énormément d'un département à l'autre. Il faut être vigilant pour les territoires ayant beaucoup de petites communes, où il est important de garder un service de proximité efficace. Certaines propositions sont dès lors inacceptables. A-t-on accès à des données par département, nécessaires pour effectuer des comparaisons ?

M. Michel Canévet . - Quelle est la position de nos rapporteurs sur la réforme de la DGFiP ? Nous demandons tous que des efforts soient faits. Avec la rationalisation et la déconcentration, c'est l'occasion d'une réforme ambitieuse, qu'il faut encourager. Nos rapporteurs en conviennent-ils ? L'évolution numérique doit être encore plus efficiente ; il faudrait d'ailleurs peut-être, à l'échelle de l'État, une direction interministérielle du numérique plus conséquente. Quant à la DGFiP, la réforme du prélèvement à la source est opérante, les recettes sont au-dessus des espérances. La capacité d'adaptation de cette direction est indéniable.

Certains corps de l'État pourraient être plus efficients. Pourquoi ne fusionnerait-on pas les différents corps d'inspection générale ? En optimisant les moyens, on modernisera l'État. Il nous faut parvenir à faire des économies sans rechigner, et être capables de formuler des propositions concrètes.

Mme Sylvie Vermeillet . - Je veux revenir sur la réorganisation du réseau des trésoreries. Avez-vous des précisions concernant l'appel à candidatures lancé par M. Darmanin afin de transférer jusqu'à 3 000 agents de la DGFiP sur des territoires ruraux et périurbains ? Quels services seraient concernés ? Comment seraient-ils répartis ?

M. Marc Laménie . - Les moyens humains déclinent sur le terrain ; c'est le cas pour les trésoreries comme pour les services des douanes dans les départements frontaliers. Quel est l'impact de ces changements sur les contrôles fiscaux et la lutte contre la fraude ? Il semble contradictoire de baisser les effectifs sur cette mission, quand il s'agit de garantir les recettes de l'État.

M. Emmanuel Capus . - Je souhaite moi aussi savoir quelles communes sont visées par l'offre de décentralisation faite par M. Darmanin. Des entités de quinze à trente personnes seraient difficiles à mettre à place dans l'extrême ruralité.

Quant à l'obsolescence des outils informatiques, vous êtes assez alarmants. Ce problème me semble sérieux au regard des ambitions assez fortes affichées en matière d'utilisation de l'informatique et, notamment, des réseaux sociaux pour le contrôle fiscal. Dispose-t-on des outils nécessaires ? Quelle est l'exposition de ces services à la cyberdélinquance et au cyberterrorisme ?

M. Jérôme Bascher . - Concernant le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », a-t-on le détail des recettes et dépenses par programme ? Un bilan post mortem des opérations précédentes a-t-il été effectué ? Y a-t-il eu des surcoûts ? Les recettes attendues sont-elles au rendez-vous ?

Les crédits des instituts régionaux d'administration sont en diminution, mais ceux de l'ENA progressent ! Est-ce bien raisonnable ? Je ne souhaite pas la suppression de cette école, mais il faut sans doute réviser le nombre de ses élèves. Peut-être faudrait-il déposer un amendement sur ce point.

M. Roger Karoutchi . - Je voudrais revenir sur la vente des biens de l'État, notamment à Paris et en première couronne. J'avais cru comprendre que l'État allait négocier les prix avec les collectivités locales pour soutenir des programmes de construction de logements ou d'installation d'entreprises. La réalité est tout autre ! En fait, l'État se conduit comme un spéculateur : il attend que les prix augmentent encore à Paris et en Île-de-France pour vendre le plus cher possible. Je peux comprendre cette logique - j'espère simplement que les prix ne vont pas chuter dans les années à venir -, mais elle est exactement à l'inverse de ce qui avait été annoncé. L'État ne négocie pas, il attend !

M. Rémi Féraud . - Je rejoins les propos de Roger Karoutchi. Le comportement de l'État reflète une forme de résistance interne au dispositif de la décote Duflot. Est-ce normal que l'État résiste ainsi à une décision prise par le législateur ?

En regardant d'autres missions budgétaires, on voit bien que la politique actuelle de l'immobilier de l'État atteint ses limites - je pense aux exemples du Val-de-Grâce ou des biens situés à l'étranger. Louer revient de plus en plus cher, d'autant que nos implantations sont souvent dans les grandes villes occidentales où le prix de l'immobilier est très cher et augmente rapidement. Or l'État semble faire l'autruche ! Il suffit de penser à ce que nous a dit en substance Jean-Yves Le Drian : si les sénateurs ont des idées, qu'ils nous en fassent part. Qu'en pensez-vous ?

M. Sébastien Meurant . - J'aimerais aussi connaître votre avis sur cette cacophonie au sein de l'État en ce qui concerne la gestion de ses biens immobiliers. L'expérience montre qu'on ne sait jamais qui décide quoi en la matière ! Il est vraiment dommage que l'État se prive du bénéfice des prix actuels qui sont élevés, notamment dans les zones tendues. La politique, c'est choisir !

En ce qui concerne le réseau de la DGFiP, on ne peut que se féliciter que les progrès techniques permettent d'améliorer le service public. Encore faut-il qu'il y ait réellement amélioration du service public ! Va-t-on mieux répondre aux demandes des collectivités territoriales en matière de conseil financier ? C'est quelque chose que nous devrons suivre attentivement. À votre avis, la transformation en cours est-elle bien gérée ?

M. Patrice Joly . - Il est clair que la gestion du patrimoine de l'État, en tout cas hors de Paris, n'est pas franchement optimisée et que l'on ne sait pas vraiment qui décide en la matière. Aujourd'hui, la situation n'est satisfaisante pour personne. Comment les choses pourraient-elles s'améliorer ?

En ce qui concerne la réorganisation des services, je peux comprendre que la situation évolue selon les besoins et les techniques, mais les maisons France services ressemblent plutôt à de l'eau tiède... J'espère simplement que ce dispositif permettra d'élargir la gamme des services offerts à la population. On constate en outre des transferts de compétences et de charges vers les collectivités locales, notamment pour l'hébergement de ces maisons. Par ailleurs, les contraintes fixées pour la labellisation ne sont pas toujours adaptées aux territoires, par exemple la nécessité d'avoir au minimum deux agents. Il faut que le dispositif soit plus proche de la réalité des territoires, sans remettre en cause ce qui fonctionne déjà.

L'appel à projets pour réimplanter des services de l'État en province ne concerne finalement que 3 000 personnes, ce qui n'est quand même pas extraordinaire. En outre, certains critères de sélection ne sont pas raisonnables : par exemple, l'accessibilité au numérique relève en fait de la compétence de l'État. Et prendre en compte la modestie des loyers, voire leur gratuité, est également fort de café !

Enfin, il faut bien garder en mémoire que le réseau de la DGFiP est indispensable sur le territoire pour conseiller les ménages et surtout les entreprises qui n'ont pas nécessairement d'autres possibilités de conseil facilement accessibles sur le plan tant géographique que financier. Les contrôles fiscaux seront encore plus allégés avec les évolutions en cours et il semble que certaines entreprises développent déjà des stratégies pour s'implanter dans des zones où le risque de contrôle sera plus faible du fait de la réorganisation du réseau. Allons-nous créer de petits paradis fiscaux locaux ? Certains peuvent se dire que c'est tant mieux pour les territoires concernés, mais cela pose tout de même question.

M. Jacques Genest . - Il est vrai que les trésoreries n'encaissent plus les chèques et sont plutôt chargées de conseiller les usagers, notamment les collectivités locales. C'est leur rôle essentiel, mais les échanges vont de plus en plus se faire par internet. Or, dans certains territoires, internet fonctionne mal et les interlocuteurs de la DGFIP ne pourront de toute façon pas connaître la commune s'ils en gèrent par ailleurs des dizaines d'autres. Certes, la réforme en cours va créer des postes de « conseillers spéciaux », mais elle supprime des postes sur le terrain, ce qui me fait plutôt penser à une opération de recasage de hauts fonctionnaires en surnombre. Or les trésoreries doivent jouer un rôle de protection pour les petites communes, notamment dans le cadre de l'allègement que nous constatons, voire la disparition de facto , du contrôle de légalité.

Cette réforme peut aussi nous inquiéter en ce qui concerne le recouvrement des impôts locaux ; j'ai peur que les admissions en non-valeur n'explosent. En tout cas, quel est le calendrier de cette réforme ? J'ai l'impression que personne ne le sait vraiment. Le Gouvernement a lancé un appel à projets, même si les choses sont sûrement bouclées d'avance. Mais j'attire votre attention : il ne faut pas croire au père Noël, les maisons France services vont coûter cher ! L'exemple du dispositif créé par La Poste n'est guère prometteur. En tout cas, la situation est grave.

M. Arnaud Bazin . - En ce qui concerne la problématique, inquiétante, des capacités numériques qui a été évoquée par Claude Nougein, des moyens sont-ils prévus en 2020 pour la gestion du Brexit par les douanes ? Si tel n'est pas le cas, cela signifie-t-il que des moyens avaient été programmés les années précédentes et qu'ils étaient suffisants ?

M. Alain Houpert . - J'ai récemment été saisi d'un cas concret qui peut poser problème dans la réforme en cours du réseau de la DGFiP, celui d'un gîte d'étape qui reçoit des chèques de ses clients. Le maire va à la perception pour faire encaisser ces chèques mais son trésorier lui dit que c'est aux clients de venir. Que va-t-il se passer pour ces opérations ?

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Beaucoup de questions ont été posées !

On peut grosso modo répartir les départements en trois catégories à peu près égales : dans une trentaine, un accord a été signé avec le président de l'association des maires ; dans une autre trentaine, les négociations sont en cours ; dans les autres, la situation est bloquée. Une partie d'une enveloppe de 6 millions d'euros a été ouverte au sein de la DGFiP pour le dispositif des maisons France services.

Des cartes du réseau territorial sont disponibles sur Internet et il est vrai qu'il existe des disparités entre les départements. Dans mon département, la Corrèze, le principe d'une trésorerie par intercommunalité est à peu près respecté et aucune fermeture n'est prévue.

L'évolution du réseau est censée apporter des économies. On nous rappelle souvent que quand ils veulent s'installer dans une commune, les gens ne demandent généralement pas s'il y a une trésorerie. Pour autant, leur présence fait partie d'un contexte plus général, notamment dans les zones rurales, et elles sont utiles dans le conseil aux collectivités. On peut comprendre que certaines évolutions, comme le prélèvement à la source ou la numérisation, permettent de réduire les effectifs, mais certaines parties du territoire n'ont pas accès à Internet et une part de la population ne sait pas se servir des outils informatiques. C'est pourquoi j'estime qu'avancer à marche forcée est dangereux. Nous allons aujourd'hui trop vite de ce point de vue.

L'appel d'offres pour la délocalisation de certains services de l'État dans les territoires est en cours ; 3 000 agents publics seraient concernés. La cible, ce sont des villes moyennes, autour de 10 000 ou 20 000 habitants. Il est vrai que certains critères me semblent incompatibles entre eux, puisqu'il faut que ces villes soient très dynamiques et accessibles, qu'elles puissent proposer beaucoup d'emplois afin que les conjoints trouvent facilement un travail et qu'elles disposent de surfaces immobilières importantes et libres de suite ! L'État veut aller vite, ce qui n'est pas compatible avec la nécessité de construire des bureaux. Parmi les services concernés, il y aurait celui de la publicité foncière.

Les redevables installés en zone rurale sont aujourd'hui plus contrôlés que les autres ! Dans les métropoles, les contrôles sont beaucoup moins fréquents, ce qui crée évidemment des inégalités, même si la numérisation rend ces contrôles plus faciles.

L'obsolescence informatique est un vrai problème et le Gouvernement semble s'en rendre compte puisque les dépenses informatiques augmentent en 2020. Cependant, outre les moyens financiers, il y a aussi le problème des moyens humains. Cette administration peine à recruter : il serait bon de revoir la grille des traitements.

En 2020, le budget de l'ENA devrait connaître un retour à l'équilibre. Par la réduction de la durée de scolarité, du nombre des élèves et des enseignements, les comptes ont été équilibrés au forceps.

Les conseillers dits « spéciaux » des trésoreries jouent un rôle essentiel pour les collectivités territoriales. Ils aident à élaborer le budget, en particulier dans les plus petites communes : on en a tenu compte avec succès dans le département dont je suis l'élu.

M. Arnaud Bazin, face au Brexit, nous sommes prêts, et ce depuis des mois ! Du personnel a également été recruté, sans être encore déployé. Il devait être déployé au 31 octobre dernier. Une centaine d'emplois doivent encore être créés.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - L'instauration du prélèvement à la source, la suppression de la taxe d'habitation et la numérisation impliquent bien de réformer les services fiscaux. Mais les agents doivent être associés à cette transformation. Ils ont le sens de l'État et s'étonnent de ne pas être impliqués dans ce travail et dans l'évolution de leurs missions : on a pourtant connu de grandes difficultés à cause de cela lors des précédentes réformes, en 1989, puis dans les années 2000.

Aucune perspective n'est donnée à ces agents. Dans les trésoreries, on entend distinguer le front office et le back-office , mais chaque département propose sa propre solution. Il faut procéder rigoureusement, dans chaque territoire. Lors de la réforme de La Poste, un débat avait été organisé entre la direction de l'entreprise et l'Association des maires de France (AMF), en particulier pour répondre aux problématiques du monde rural. En l'occurrence, on nous annonce une série de chartes établies avec le président de l'association des maires, sans vision globale. Nous ne savons pas ce qui se passe sur le terrain.

La mission de conseil soulève également une véritable difficulté : en quoi consistera-t-elle pour les anciens trésoriers chargés de l'exercer ? Ces agents n'auront plus de vision des comptes, notamment pour ce qui concerne la séparation de l'ordonnateur et du comptable, et, pour certains d'entre eux, il n'y aura plus de carrière possible. Il est donc indispensable que la réforme soit faite avec les agents.

Le contrôle fiscal pose lui aussi divers problèmes. Dans certains territoires autrefois très dynamiques, les brigades sont restées en place, ce qui n'est pas le cas dans les nouvelles métropoles : en résulte un très grand déséquilibre à cet égard. Avec le data mining , le taux de dossiers sélectionnés par algorithme va atteindre 33 %. De leur côté, les directeurs d'administration centrale ne disposent pas forcément de directives : j'en veux pour preuve le cas de la directrice des douanes, dont les services vont pourtant connaître au moins trois réformes en six ans.

En matière informatique, l'on vise toujours l'excellence. Pour le prélèvement à la source, la transition s'est bien passée, mais aucune évaluation n'a été menée : il faut donc attendre une analyse du contentieux. De plus, comme nous l'avons constaté avec Claude Nougein dans notre rapport d'information, pour le recouvrement des amendes de police, les logiciels sont obsolètes. La Cour des comptes a consacré un rapport éclairant à ces questions. Au lieu de laisser chaque ministère gérer lui-même ses problèmes informatiques, en lien avec la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic), il faudrait développer une vision transversale et nommer, à cette fin, un responsable placé auprès du Premier ministre.

La direction de l'immobilier de l'État (DIE) ne représente que 6,5 % des crédits en la matière, le reste étant réparti entre les ministères. Les préfets de région doivent élaborer des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) sans disposer de toutes les informations quant au nombre d'agents de chaque administration, pour faire respecter le critère de 12 mètres carrés par agent. Du fait de cette situation ubuesque, l'on en revient aux schémas départementaux, élaborés également par les préfets, sans dialoguer avec les collectivités territoriales !

À Paris, la décote dite « Duflot » est très forte. Toutefois, il faut tenir compte d'un ensemble de facteurs, notamment les cessions de terrains militaires à l'euro symbolique qu'impliquent un certain nombre de projets immobiliers. Enfin, au sujet des bâtiments à vendre, seul le site de la DIE fait foi ; mais, j'y insiste, cette direction devrait être rattachée au Premier ministre.

Compte tenu des incertitudes et du manque d'informations, nous proposons que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat au sujet de ces crédits.

M. Vincent Éblé, président . - Nous examinons les trois amendements de crédit du rapporteur général sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vous connaissez déjà les dispositions de ces amendements : le Sénat les vote en effet depuis plusieurs années.

L'amendement n° 1 a pour objet le temps de travail dans la fonction publique. Il tend à garantir, autant que possible, l'équité entre le secteur public et le secteur privé dont la durée de travail approche les 37,5 heures. La masse salariale de l'État représente 40 % du budget de l'État, CAS compris ; concrètement, l'État doit faire un effort sur le temps de travail. S'il s'alignait sur le secteur privé, l'on ferait une économie de 2,27 milliards d'euros.

L'amendement n° 2 tend à instaurer trois jours de carence, au lieu d'un seul, dans la fonction publique. Une telle mesure dégagerait 540 millions d'euros par an pour l'ensemble des trois fonctions publiques, et 216 millions d'euros pour la fonction publique d'État.

Les opérateurs se multiplient ; ils constituent un véritable enjeu, d'autant que leurs missions et leur mode de recrutement présentent parfois une certaine opacité. Il faut réduire les postes, non dans les territoires - je ne suis certainement pas pour restreindre les services au public dans les trésoreries -, mais dans les administrations centrales. J'ai choisi de cibler les primo-recrutements, avec une économie potentielle de 40,4 millions d'euros. Tel est l'objet de l'amendement n° 3, qui tend à envoyer un signal : présence dans les territoires, réduction dans les administrations centrales.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Pour ce qui concerne ces amendements, je m'en remets à la sagesse de la commission.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - À titre personnel, je rappelle que je suis contre ces amendements.

L'amendement n° 1 a été adopté.

L'amendement n° 2 a été adopté.

L'amendement n° 3 a été adopté.

M. Vincent Éblé , président . - Sur les crédits de la mission « GFPRH », faut-il s'en tenir à l'avis de sagesse proposé par les rapporteurs ?

M. Jean-Claude Requier . - Puisque nous avons voté les amendements, il faut voter les crédits !

M. Michel Canévet . - Absolument !

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - L'amendement n°4 tire les conséquences de l'amendement n°2 pour tenir compte de l'instauration de trois jours de carence.

L'amendement n°4 portant article additionnel a été adopté.

M. Vincent Éblé, président . - Nous examinons l'amendement de crédit des rapporteurs spéciaux, Claude Nougein et Thierry Carcenac, sur la mission « Crédits non répartis ».

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Nous proposons de diminuer les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 552 d'un montant égal à celui de la dernière exécution du programme 336 de la mission « Engagements financiers de l'État », soit 100 millions d'euros. À cet égard, nous reprenons les observations formulées par notre collègue Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ». Cet amendement vise à amener le Gouvernement à ouvrir des crédits sur le programme 336 pour 2019, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, et pour 2020, dans le présent projet de loi de finances.

L'amendement n° 1 a été adopté à l'unanimité.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Crédits non répartis », sous réserve de l'adoption de son amendement.

M. Vincent Éblé, président . - Nous passons à la mission « Action et transformation publique ».

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Certains crédits, prélevés sur cette mission, devraient normalement être imputés ailleurs, notamment sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Nous proposons donc que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat.

La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Action et transformation publiques ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines tels que modifiés par les amendements adoptés le 6 novembre 2019, et l'article additionnel rattaché. Elle a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Crédits non répartis » tels que modifiés par l'amendement qu'elle a adopté le 6 novembre. Elle a confirmé sa position de sagesse concernant les crédits de la mission « Action et transformation publiques ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'action et des comptes publics

- M. Olivier DUSSOPT, Secrétaire d'État auprès du ministre ;

- Mme Marine DARNAULT, directrice adjointe de cabinet.

Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI)

- Mme Isabelle BRAUN-LEMAIRE, directrice générale ;

- M. Jean-Michel THILLIER, directeur adjoint ;

- M. François BOLARD, sous-directeur des finances et achats.

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

- M. Jérôme FOURNEL, directeur général ;

- Mme Marine CAMIADE ;

- Mme Anne GUYOT WELKE, représentante du syndicat Solidaires Finances Publiques ;

- Mme Laure DUTHILLEUL, représentante du syndicat Solidaires Finances Publiques.

ANNEXE

Évaluation du coût et du rendement des projets sélectionnés par le Fonds pour la transformation de l'action publique

Nom du projet retenu

Appel à projets

Coût total du projet (M€)

Financement apporté par le FTAP (M€)

Montant d'économies attendu (M€)*

Retour sur investissement attendu

Total

346,0

127,9

229,9

1,8

IncubO

AAP 1

2,7

1,2

1,8

1,5

CFVR

AAP 1

11,7

5,2

27,8

5,3

Dématérialisation déclarations foncières

AAP 1

5,0

4,0

5,6

1,4

Numérique en détention

AAP 1

25,0

7,9

8,5

1,1

Intelligence emploi

AAP 1

49,5

20,0

27,0

1,4

Transformation numérique PJM

AAP 1

4,0

2,2

3,9

1,8

Indicateurs d'insertion des apprentis lycéens

AAP 1

4,8

1,1

1,6

1,5

Démat traitement des demandes d'urbanisme

AAP 1

5,7

3,6

6,2

1,7

Systèmes experts en météorologie et climat

AAP 1

3,9

2,9

2,3

0,8

Datasciences

AAP 1

6,2

1,7

1,0

0,6

AIFE

AAP 1

9,3

6,6

12,1

1,8

Health Data Hub

AAP 1

77,6

9,6

54,2

5,6

100 % Démat

AAP 1

10,0

2,0

1,1

0,5

Télé-enregistrement

AAP 2

6,0

1,0

6,0

6,1

PILAT

AAP 2

26,0

13,4

13,5

1,0

PFRA-étendue

AAP 2

5,2

3,6

5,3

1,5

Code du travail numérique

AAP 2

2,9

1,9

1,9

1,0

HIPE

AAP 2

14,0

7,0

4,2

0,6

SI fourrières

AAP 2

4,7

1,7

1,9

1,1

Pôle de l'Etat bisontin

AAP 2

2,8

1,8

1,1

0,6

Chatbot démarches

AAP 2

2,8

0,3

0,1

0,4

Logement des personnes vulnérables

AAP 2

7,0

1,9

7,0

3,7

Cerem'Avenir

AAP 3-1

26,6

12,3

12,8

1,0

Contrôles DGCCRF

AAP 3-1

5,5

2,6

3,8

1,5

Santé Franciliens

AAP 3-1

2,9

0,3

6,8

22,7

Foncier innovant

AAP 3-1

24,3

12,1

12,6

1,0

*Sur la base des engagements contractuels des porteurs de projets.

Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux


* 1 Réponses transmises au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

* 2 Cour des comptes, Les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI, mai 2019.

* 3 Rapport d'information n°651 (2018-2019) de MM. Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN, fait au nom de la commission des finances

* 4 Contribution de MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux, au rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018. https://www.senat.fr/rap/l18-625-2/l18-625-2.html

* 5 Rapport précité de la Cour des comptes

* 6 Contribution de MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux, au rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018. https://www.senat.fr/rap/l18-625-2/l18-625-2.html

* 7 Réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

* 8 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.

* 9 Dernières données transmises à vos rapporteurs spéciaux

* 10 Article 28-2 du code de procédure pénale

* 11 Réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 12 Rapport n° 56 (2017-2018) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 de M. Albéric de Montgolfier , fait au nom de la commission des finances, déposé le 31 octobre 2017.

* 13 Rapport annexé à la loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 14 Rapport annexé à la loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 15 Étude d'impact du projet de loi d'orientation des mobilités http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl18-157-ei/pjl18-157-ei.html#_Toc530973267

* 16 Rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 17 Réponse du ministère au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux sur le PLF pour 2019.

* 18 Contribution de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac au rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, 3 juillet 2019 : http://www.senat.fr/rap/l18-625-2/l18-625-278.html#toc1169

* 19 Le IV de l'article 12 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose en effet qu'« aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre »

* 20 Contribution de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac au rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, 3 juillet 2019 : http://www.senat.fr/rap/l18-625-2/l18-625-278.html#toc1169

* 21 Réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

* 22 Rapport général (2019-2020) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, fait au nom de la commission des finances. Projet de loi de finances pour 2020 : Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'État

* 23 Voir également rapport général (2019-2020) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, fait au nom de la commission des finances. Projet de loi de finances pour 2020 : Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'État.

* 24 Réponses adressées au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

* 25 Jean Pisani-Ferry, Le Grand plan d'investissement 2018-2022. Rapport au premier ministre, (septembre 2017) . Lien : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2017/09/rapport_de_m._jean_pisani-ferry_-_le_grand_plan_dinvestissement_2018-2022.pdf

* 26 Contribution de MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux, au rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018. https://www.senat.fr/rap/l18-625-2/l18-625-2.html

* 27 Annexe 1 du présent rapport.

* 28 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 29 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 30 Contribution de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac au rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, 3 juillet 2019.

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