D. LES DÉGRÈVEMENTS ET RESTITUTIONS D'IMPÔT AUX ENTREPRISES POSENT LA QUESTION DU JUSTE NIVEAU DE LEUR IMPOSITION

En application des principes de libre circulation des capitaux et d'égalité de traitement issus du droit de l'Union européenne, les États membres sont régulièrement contraints de restituer une partie importante des impositions perçues auprès des entreprises .

Le juge, qu'il soit européen ou national, tranche régulièrement les grands litiges fiscaux en condamnant des États à reverser les impôts perçus en vertu des dispositifs contestés . Les raisonnements juridiques suivis par les juges conduisent à s'aligner sur les dispositifs fiscaux les plus favorables aux entreprises et les ressources publiques sont régulièrement mises à contribution pour en restituer les montants à l'ensemble des entreprises concernées .

Votre rapporteur spécial considère qu'il s'agit encore une fois du témoignage de ce que les fondements de l'Union européenne sont viciés. L'Union européenne, fondée sur une vision économique libérale, permet sans difficulté aucune de grever les finances de l'État de plusieurs dizaines de milliards d'euros pour favoriser la circulation des capitaux, mais ne parvient pas à trouver les moyens d'agir devant nombre de grands défis bien plus urgents .

De plus, ce sont ces mêmes règles de libre circulation qui favorisent la concurrence fiscale entre les États membres . Sans qu'il soit nécessaire de revenir aux exemples des différents États de l'Union européenne qui ont fait du taux d'impôt sur les sociétés un instrument au service de leur attractivité économique, il convient de rappeler que le taux moyen implicite d'impôt sur les sociétés n'a cessé de diminuer depuis plusieurs années dans de nombreux États et en particulier en Europe .

Évolution du taux implicite d'imposition sur les sociétés
dans les autres principaux États membres

(en % d'impôt sur les bénéfices)

Source : commission des finances, d'après les données Eurostat

Dès lors se pose la question de la trajectoire du taux d'impôt sur les sociétés dans une société où la priorité semble réservée à la libre circulation des capitaux .

Votre rapporteur spécial considère que le taux d'imposition des entreprises idéal dans une société avancée doit être le fruit d'une réelle coopération entre les États et ne saurait résulter d'une concurrence à la baisse .

Après la baisse de taux aux États-Unis et la trajectoire observée dans de nombreux pays, il existe un risque majeur de course au moins-disant sous prétexte de renforcement de l'attractivité économique .

Cette tendance à la baisse de l'imposition sur les sociétés s'observe également au niveau mondial, avec une diminution constatée dans l'ensemble des régions du monde .

Ainsi, si l'on exclut les juridictions qui appliquent un taux zéro d'imposition, le taux légal moyen est passé 31,7 % 2020 à 24,0 % en 2018 d'après l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 7 ( * ) . Alors que 62 % des juridictions appliquaient en 2000 un taux d'imposition sur les sociétés au moins égal à 30 %, elles sont désormais moins de 20 % .

Taux légaux moyens de l'impôt sur les sociétés selon les régions

(en % d'impôt sur les bénéfices)

Source : OCDE 8 ( * )

Votre rapporteur spécial considère donc qu'il est nécessaire de repenser en profondeur les règles applicables à la libre circulation des capitaux et qu'il est plus que temps de trouver des solutions pour limiter la concurrence fiscale entre les États .

Sur ces sujets, il est indispensable de renforcer la coordination internationale et de ne plus percevoir de la fiscalité comme un outil au service de l'attractivité mais bien comme un instrument indispensable à la justice sociale .


* 7 OCDE, Statistiques de l'impôt sur les sociétés, Première édition, 2019 .

* 8 ibid

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