C. LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES : L'ÉPINEUSE QUESTION BUDGÉTAIRE

Vos rapporteurs reconnaissent les efforts entrepris par le Gouvernement sur ce sujet , qui est cependant parfois enclin à s'attribuer la création de mesures déjà existantes ou à faire fi des politiques passées.

Cette remarque faite, vos rapporteurs ne nient pas l'ambition du Gouvernement sur ce sujet, mais elle semble pour le moment se heurter sur l'épineuse question budgétaire.

1. Une diminution des crédits du programme 137 et aucune enveloppe budgétaire, à ce stade, pour financer les mesures du Grenelle

Une partie des crédits du programme 137 sont affectés à la prévention des violences faites aux femmes. Ils sont en diminution entre 2019 et 2020, passant de 13,8 millions d'euros à 13,3 millions d'euros .

Mesures de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes
prévues dans le programme 137 - PLF pour 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Par ailleurs, les crédits inscrits, dans le projet de loi de finances pour 2020, sur le programme 137 et les autres programmes concernés, ne comprennent pas, à ce stade, de financement pour les mesures annoncées dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales . Vos rapporteurs interrogeront ainsi la Ministre, en séance publique, sur les modalités de financement de ce Grenelle, qui devraient être annoncées le 25 novembre prochain.

Grenelle des violences conjugales : des mesures importantes
mais pas de financement à ce stade

Le Grenelle contre les violences conjugales s'est ouvert le 3 septembre 2019, en écho au 39 19, le numéro d'écoute anonyme et gratuit destiné aux femmes victimes de violence , à leur entourage, aux témoins ainsi qu'aux professionnels concernés. Depuis le 1 er janvier, 134 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou leurs ex-compagnons.

À l'ouverture du Grenelle, 10 mesures d'urgence ont été annoncées pour :

- protéger les femmes victimes de violences en les mettant à l'abri : création de 1 000 nouvelles places d'hébergement et de logement temporaires à partir du 1 er janvier 2020 ; faciliter l'accès des femmes victimes de violences à la garantie Visale (garantie locative) ; lancement d'une plateforme de géolocalisation à destination des professionnels afin d'identifier rapidement les places d'hébergement réservé disponibles à proximité ;

- protéger les femmes victimes de violences en les éloignant réellement de leurs agresseurs : mise en place d'un dispositif électronique anti-rapprochement dans les 48 heures après le prononcé de la mesure dans le cadre d'une ordonnance de protection ou d'un contrôle judiciaire. ;

- garantir aux femmes victimes de violences une protection tout au long de la chaîne pénale : lancement d'un audit de 400 commissariats et gendarmerie, mise en place d'une grille d'évaluation du danger dans tous les services de police et de gendarmerie, généralisation de la possibilité de déposer plainte dans les hôpitaux, mise en place d'un « retex » (retour d'expérience) au niveau local suite à un féminicide.

- protéger la mère et ses enfants en limitant l'exercice de son autorité parentale par le père violent : possibilité pour le juge pénal de suspendre ou d'aménager l'exercice de l'autorité parentale et suspension de plein droit de l'autorité parentale en cas de féminicide dès la phase d'enquête ou d'instruction.

Le 29 octobre dernier, un point d'étape a été réalisé . Parmi les 65 recommandations formulées par les groupes de travail du Grenelle, se trouvent notamment la création d'un «brevet contre la violence dans les écoles», une meilleure formation des forces de l'ordre, une prise en charge plus importante des soins psychologiques, ou encore l'évolution du secret médical.

Les mesures qui seront prises et leurs modalités de financement devront être annoncées le 25 novembre , journée internationale contre la violence à l'égard des femmes. Vos rapporteurs y seront attentifs.

Sur le sujet du financement des mesures de lutte contre les violences conjugales, vos rapporteurs souhaitent mettre en avant une étude tout à fait intéressante, réalisée par le Haut Conseil à l'égalité, le Conseil économique, social et environnemental, le fonds pour les femmes en Méditerranée et Women's Worldwide web . Cette étude, intitulée, «Où est l'argent contre les violences faites aux femmes ? », réalisée en novembre 2018, estimait qu'une prise en charge «de qualité» des femmes victimes de violences nécessiterait au minimum 506 millions d'euros par an, voire 1,1 milliard, selon l'hypothèse la plus haute. En 2019, seuls 79 millions d'euros y auraient été consacrés, selon les calculs réalisés dans ce rapport ( cf.infra ).

2. Des associations qui ont connu une augmentation de leurs demandes, à la suite du mouvement « me too », sont fragilisées alors qu'elles constituent des piliers essentiels de cette politique

Les associations pour les droits des femmes jouent un rôle essentiel dans la prévention et la parcours de sortie des femmes victimes de violences , en offrant un service de conseil, d'accès à l'information, de mise à l'abri notamment.

Elles font face à un afflux de demandes, à la suite du mouvement « me too », qui n'a pas été entièrement compensé par des ressources budgétaires correspondantes. Seul un nombre restreint d'associations a bénéficié d'une légère hausse de leurs crédits.

L'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AFVT) a ainsi connu une hausse de demandes, après le mouvement « me too » qui ne s'est jamais arrêtée . Elle reçoit, depuis, 6 à 9 demandes d'ouvertures de dossiers par semaine, qu'elle ne peut - faute de moyens - toutes traiter. Vos rapporteurs souhaitent rappeler, dans ce rapport, le travail remarquable fait par cette association, en particulier, qui est la seule à agir dans le champ des violences au travail.

Outre le montant des financements, ce sont également les modalités de financement qui posent problème . Des versements de subvention tardifs dans l'année conduisent  « au mieux » les associations à utiliser leur trésorerie et « au pire » mettent en péril leurs actions.

Des associations reçues par vos rapporteurs n'avaient pas encore reçu le versement des subventions pour l'année en cours , ni d'ailleurs obtenu d'accord du ministère s'agissant du renouvellement de leurs conventions pour 2020. Cette situation n'est pas acceptable .

Vos rapporteurs considèrent qu'il est essentiel de donner de la visibilité aux associations , le financement pluri-annuel devant être encouragé. De même, ces associations font face à un morcellement des financements les incitant à une « course aux ressources » . Le mécénat n'étant pas une ressource aisément mobilisable pour les associations, vos rapporteurs saluent l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative du député Erwan Balanant, prévoyant une hausse de la réduction d'impôts de 66 % à 75 % durant une période d'expérimentation de deux ans.

3. Le financement de la lutte contre la prostitution : un manque de volonté politique

Évolution des crédits alloués à la prévention et lutte contre la prostitution
et la traite des êtres humains

(en euros)

2016

2017

2018

2019

2020

LFI

Exécuté

LFI

Exécuté

LFI

Exécuté

LFI

Exécuté

PLF

Crédits niveau national (associations nationales)

nc

538 000

523 000

895 500

520 000

320 000

520 000

nc

nc

AFIS

nc

0

3 785 376

50 000

2 376 000

645 236

1 980 000

nc

1 200 000

Crédits déconcentrés

(Associations locales)

nc

2 585 887

2 320 069

1 812 276

2 124 878

2 597 239

2 100 000

nc

2 100 000

Total action 15

4 983 960

3 123 887

6 264 755

2 757 776

5 020 878

3 562 475

4 580 000

nc

3 300 000

Source : DGCS

L'évolution des crédits révèle une sous-consommation récurrente du dispositif ainsi qu'une diminution des crédits pour 2020 .

Ces crédits financent, d'une part, le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, prévu par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Ce parcours, proposé aux personnes victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, doit leur permettre notamment de bénéficier d'une aide financière à la réinsertion sociale et professionnelle (AFIS) ainsi que d'un accompagnement social et professionnel afin d'accéder à des alternatives à la prostitution.

D'autre part, ces crédits permettent de subventionner les associations têtes de réseau en matière de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, en particulier les associations « Amicale du nid », « Accompagnement lieu d'accueil » et « Mouvement du Nid ». Les crédits versés aux associations sont essentiels car, ce sont elles qui mettent en oeuvre le dispositif sur le terrain.

Cette sous-consommation des crédits, résulterait, pour les associations spécialisées, du manque de moyens de celles-ci pour faire vivre le dispositif, comme l'avaient noté vos rapporteurs dans leur rapport budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2019. Vos rapporteurs rappellent ainsi leur attachement à maintenir un niveau de financement suffisant aux associations - qui sont actuellement fragilisées - et souhaitent que le Gouvernement s'attèle à la mise en oeuvre effective du dispositif .

Le parcours de sortie de la prostitution : un maigre bilan

Dans le cadre du déploiement du parcours de sortie de la prostitution, au 15 mars 2019 :

- 62 commissions départementales installées sous l'autorité des préfets (55 au 30 novembre 2018), dont 32 commissions avec examen de demandes (21 au 30 novembre 2018).

- 105 associations agréées pour la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution (85 au 30 novembre 2018).

- 183 parcours de sortie de la prostitution autorisés par décision préfectorale (24 personnes en 2017 - 89 personnes en 2018 - 113 au 30 novembre 2018).

Source : DGCS

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