SECONDE PARTIE
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

Observations principales sur le programme

- Principal programme de la mission par le montant de ses crédits, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » bénéficie d'une augmentation de 19,5 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2019, pour atteindre au total 439,7 millions d'euros en 2020.

- Le programme absorbe 80 % de l'augmentation de crédits de la mission , ainsi que 93 des 102 emplois créés. Ainsi, 59 nouveaux emplois seront affectés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), tandis que les autres juridictions administratives seront autorisées à recruter 21 juristes assistants - à condition que ces emplois soient autofinancés en gestion - en sus des 13 nouveaux emplois dont elles bénéficieront.

- Les crédits de la CNDA progresseront de plus de 20 % pour atteindre 67,5 millions d'euros en CP , afin de faire face à l'accroissement considérable du contentieux de l'asile (+ 53 % entre 2018 et 2020 selon les dernières estimations). La CNDA demeure ainsi l a première juridiction administrative française en termes de requêtes traitées (58 671 à la fin 2018).

- Les autres juridictions administratives font également face, depuis deux ans, à une augmentation préoccupante des affaires entrantes , principalement en raison de la forte hausse du contentieux des étrangers (+ 21 % en 2019), si bien que les délais moyens de jugements tendent à se dégrader pour 2020.

Principal programme de la mission par le montant de ses crédits (62 % du budget total), le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » a pour objet de garantir le respect du droit par les administrations , à travers les fonctions contentieuses et consultatives de ses 51 juridictions non spécialisées 2 ( * ) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), juridiction administrative spécialisée, rattachée au programme 165 depuis 2009.

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE DANS UN CADRE BUDGÉTAIRE PLUS CONTRAINT

En 2020, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » absorbe plus de 80 % de la hausse des crédits alloués à la mission « Conseil et contrôle de l'État », c'est-à-dire 19,5 millions d'euros sur l'augmentation totale de 24,2 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits par action du programme 165

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (volume)

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (%)

FDC et ADP attendus en 2020

Action 01

Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

AE

28,6

29,0

+ 0,4

+ 1,2 %

0,0

CP

28,6

29,0

+ 0,4

+ 1,2 %

0,0

Action 02

Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

AE

55,1

55,5

+ 0,3

+ 0,6 %

0,0

CP

55,1

55,5

+ 0,3

+ 0,6 %

0,0

Action 03

Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

AE

164,3

166,1

+ 1,8

+ 1,1 %

0,0

CP

164,3

166,1

+ 1,8

+ 1,1 %

0,0

Action 04

Fonction consultative

AE

16,1

16,2

+ 0,1

+ 0,6 %

0,0

CP

16,1

16,2

+ 0,1

+ 0,6 %

0,0

Action 05

Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

AE

8,3

8,3

+ 0,0

+ 0,6 %

0,0

CP

8,3

8,3

+ 0,0

+ 0,6 %

0,0

Action 06

Soutien

AE

174,4

187,1

+ 12,7

+ 7,3 %

0,2

CP

111,0

119,7

+ 8,7

+ 7,8 %

0,2

Action 07

Cour nationale du droit d'asile

AE

36,8

44,9

+ 8,2

+ 22,2 %

0,0

CP

36,8

44,9

+ 8,2

+ 22,2 %

0,0

Total programme 165

AE

483,6

507,1

+ 23,5

+ 4,9 %

0,2

CP

420,2

439,7

+ 19,5

+ 4,6 %

0,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces crédits supplémentaires bénéficient principalement aux actions 06 « Soutien » et 07 « Cour nationale du droit d'asile » dont le budget augmente respectivement de 7,8 % (+ 8,7 millions d'euros) et 22,2 % (+ 8,2 millions d'euros) en CP.

1. Pour la deuxième année consécutive, un abondement de crédits non prévu par la programmation pluriannuelle

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, le programme 165 bénéficie d' une ouverture de crédits supplémentaires d'environ 19,5 millions d'euros pour les crédits de paiement (CP) et de 23,5 millions d'euros pour les autorisations d'engagement (AE).

Pour la deuxième année consécutive, cet abondement dépasse de manière conséquente les montants inscrits dans la programmation pour les années 2018-2022 , d'environ 13 millions d'euros en CP et 14,4 millions d'euros en AE à périmètre constant.

En 2019 comme en 2020, à périmètre constant, l'écart entre la LFI et la LPFP est principalement dû au renforcement accéléré des moyens de la CNDA , avec la création de 122 emplois en 2019 puis 59 en 2020.

Programmation pluriannuelle des crédits du programme 165

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LPFP

419,3

405,2

407,8

411,7

472,5

416,3

400,9

419,8

446

425,5

PLF (périmètre constant)

418,4

405,2

488,5

425,2

486,9

429,3

LFI (périmètre constant)

420,4

406,2

488,7

425,3

-

-

Écart

+1,1

+1

+80,9

+13,6

+14,4

+13

PLF (périmètre courant)

420,4

406,2

483,4

420,05

481,8

424,2

Écart

+1,1

+1

+75,60

+8,35

+9,3

+7,9

Source : réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Les crédits progressent dans l'ensemble des titres de dépenses. Celles de titre 2 augmentent de 3,13 % (2,8 % hors CAS Pensions).

2. Une participation à la maîtrise des dépenses rendue difficile par un contexte contraint
a) Le maintien de la mise en réserve des crédits pour la troisième année consécutive

Depuis la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2005 , le programme 165, à l'instar du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » , était exonéré de mise en réserve en début de gestion 3 ( * ) .

Le Gouvernement a toutefois mis fin à cette dérogation en 2018 et a ainsi procédé à un gel des crédits en début d'exercice 2018 atteignant le seuil maximal du taux de mise en réserve fixé par circulaire 4 ( * ) - 0,5 % pour les dépenses de titre 2 et 3 % pour les autres titres.

L'application de cette mise en réserve a été reconduite en 2019 , le Conseil d'État subissant un gel en début de l'exercice 2019 de 5,7 millions d'euros en AE et 3,8 millions d'euros en CP. Néanmoins, selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, les crédits du titre 2 mis en réserve (1,75 millions d'euros en AE et en CP) feront l'objet d'un dégel avant la fin de l'exercice , pour permettre au programme de procéder à l'exécution de la totalité de son schéma d'emploi.

La mise en réserve devrait être reconduite en 2020, pour un taux semblable à celui de 2019.

b) Une hausse continue des frais de justice depuis 2017 malgré la poursuite des économies sur ce poste

En dépit des efforts entrepris par les juridictions administratives pour réduire leur frais de fonctionnement, notamment les frais de justice, à travers la dématérialisation croissante des procédures, la dotation pour les frais de justice devrait augmenter en 2020 pour atteindre 15,34 millions d'euros, soit un niveau inégalé jusqu'alors.

En pratique, cette évolution serait essentiellement imputable à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), dont la dotation pour frais de justice progresse de 2,2 millions d'euros en 2020 (+ 31,7 %). Elle résulterait de la hausse substantielle des entrées devant cette juridiction, nécessitant des dépenses croissantes pour l'interprétariat .

Évolution des frais de justice depuis 2013

(en millions d'euros)

* L'estimation des économies réalisées par les téléprocédures en 2019 et 2020 n'est pas encore disponible

Source : commission des finances, d'après les réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'après avoir permis des économies significatives (frais postaux notamment), le développement puis la généralisation des téléprocédures pour les avocats et les administrations semblent avoir atteint leurs limites, de telle sorte que peu de nouvelles marges de manoeuvre paraissent exister pour les années à venir .

En effet, l'utilisation de Télérecours pour les citoyens non représentés (12 % des recours devant les cours administratives d'appel et 38 % des recours devant les tribunaux administratifs) reste facultative et ne devrait donc pas concerner un aussi grand nombre d'affaires que celles portées par les avocats et les administrations.

Le développement des téléprocédures
devant les juridictions administratives

Après l'extension de l'application Télérecours et son utilisation obligatoire par les avocats et les administrations , le Conseil d'État a déployé en 2018 son équivalent pour les justiciables non représentés - « Télérecours citoyens » - afin de faciliter leurs échanges avec les juridictions administratives. Son usage n'est en revanche pas obligatoire.

Les modalités d'utilisation de « Télérecours citoyens » ont été précisées dans le décret n° 2018-251 du 6 avril 2018 . Après une phase de préfiguration, l'application a été généralisée à l'ensemble des juridictions administratives à compter du 30 novembre 2018.

Ces deux applications ont été améliorées au cours de l'année 2018-2019, avec le développement de fonctionnalités supplémentaires.

En parallèle, à la mi-mai 2019, la Cour nationale du droit d'asile a lancé une expérimentation pour la mise en place de « CNDém@t inversé » qui offre aux avocats inscrits la possibilité de déposer leurs recours, pièces et mémoires de manière dématérialisée ; en effet, la CNDA ne dispose pas de l'application Télérecours, mais devrait bénéficier de son « successeur », le portail contentieux. L'ouverture du service de saisine de la Cour de manière dématérialisée aux avocats se fera fin septembre.

Source : réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Dans ce contexte, le Conseil d'État estime que les économies sur les frais de justice générées par « Télérecours citoyens » atteindraient près de 0,35 million d'euros à l'horizon 2022, soit un montant relativement faible .


* 2 Il s'agit du Conseil d'État, des 8 cours administratives d'appel et des 42 tribunaux administratifs.

* 3 Lettre du Premier ministre adressée au vice-président du Conseil d'État du 25 mai 2005.

* 4 Circulaire du 29 novembre 2017 relative à la mise en oeuvre des mesures visant à assurer le respect en gestion du plafond de dépenses global de la loi de finances initiale 2018.

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