B. LE PASS CULTURE : SEUL VECTEUR DE L'IRRIGATION CULTURELLE ?

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, vos rapporteurs spéciaux avaient insisté pour que le développement du Pass culture ne s'effectue pas au détriment des actions traditionnelles en faveur de l'éducation artistique et culturelle (EAC). Cette inquiétude est encore plus prégnante à la lecture du projet de loi de finances pour 2020 qui prévoit une montée en charge du Pass culture dont les crédits seraient portés de 34 à 39 millions d'euros, alors même que les crédits affectés à l'action 02, où il s'inscrit, devraient diminuer de 4,3 millions d'euros (135,1 millions d'euros en CP contre 139,1 millions d'euros prévus en loi de finances pour 2019).

Le pass Culture est une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. L'année de ses 18 ans, jusqu'à la veille de ses 19 ans, chaque jeune résidant en France pourra demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques...

S'ils ne remettent pas en cause le bienfondé du Pass culture, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent cependant sur ses conditions de mise en oeuvre et sur les chiffres transmis au Parlement pour étayer celle-ci. Le projet annuel de performances pour 2020 insiste ainsi sur une majoration de la dotation de 10 millions d'euros, alors que la somme totale annoncée ne représente qu'une majoration de 5 millions d'euros par rapport aux chiffres annoncés en 2019. Il a par ailleurs été indiqué lors des auditions que le Pass bénéficierait d'une dotation supplémentaire de 10 millions d'euros au titre des crédits non consommés en 2019, alors même que le montant consommé devrait s'élever à 17 millions d'euros, soit 17 millions d'euros de moins que prévus.

La deuxième interrogation porte sur la pertinence de cette progression alors même que le dispositif peine à trouver son rythme de croisière. Initialement expérimenté sur 5 départements (Bas-Rhin, Finistère, Guyane, Hérault et Seine-Saint-Denis), le Pass culture a été étendu en 2019 a neuf nouveaux départements (Ardennes, Côtes d'Armor, Doubs, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Nièvre, Saône-et-Loire, Val-de-Marne, Vaucluse). Cette extension ne s'est pas traduite par un recours accru. Le nombre de comptes ouverts est passé de 12 000 à 26 000, alors que 150 000 jeunes sont éligibles à ce dispositif. 520 000 propositions présentées par 2 500 offreurs sont d'ores et déjà en ligne mais n'ont suscité que 72 000 réservations.

Le Gouvernement indique aujourd'hui que la création tardive de la société Pass culture, le 22 juillet dernier explique pour partie cette faiblesse du recours et le ralentissement observé dans l'expérimentation du dispositif 15 ( * ) . Il table désormais sur un objectif de 35 000 comptes ouverts à la fin de l'année 2019, le seuil de 50 000 devant être atteint pour poursuivre l'expérimentation.

V os rapporteurs spéciaux constatent que si le dispositif peut représenter une réelle valeur ajoutée - une étude des offres devra cependant être rapidement proposée pour en juger - il est, pour l'heure, mal connu. Son caractère expérimental fragilise le lancement d'une campagne de publicité nationale. Dans ces conditions, les seuils envisagés - 35 000 puis 50 000 comptes ouverts dans les prochains mois - pourraient s'avérer difficiles à atteindre. La montée en charge budgétaire apparaît dès lors prématurée, d'autant plus qu'elle s'inscrit dans un contexte de réduction des financements dédiés à l'éducation artistique et culturelle.

S'il en est un symbole, le Pass culture ne peut incarner à lui seul le « 100 % EAC » souhaité par le Gouvernement , aux termes duquel 100 % des élèves (1 er et 2 nd degré) doivent avoir accès aux arts et à la culture. Vos rapporteurs spéciaux relèvent malheureusement que les six priorités contenues et détaillées dans le projet annuel de performances 2019 ne le sont plus dans le présent projet de loi de finances , seul le Pass culture faisant l'objet d'une analyse détaillée 16 ( * ) . Il est donc impossible d'évaluer les suites budgétaires données en 2020 aux objectifs exposés en 2019.

Observation n° 10 : L'accent budgétaire mis sur le Pass culture alors même que son expérimentation peine à montrer que le dispositif est reconnu et utilisé interroge sur les crédits restant à disposition pour l'éducation artistique et culturelle (EAC). Le Pass culture ne saurait être le seul vecteur pour assurer les objectifs de « 100 % EAC » et d'irrigation culturelle du territoire.


* 15 Décret n°2019-755 du 22 juillet 2019 autorisant la création de la société par actions simplifiée "pass Culture" et la souscription par l'État au capital de cette société en cours de constitution

* 16 Le document faisait état de six axes : le développement des pratiques artistiques et culturelles à l'école et hors l'école (44,1 millions d'euros), le développement du goût de la lecture (14,2 millions d'euros), le décryptage du monde (12 millions d'euros), la formation des acteurs de l'EAC (8,3 millions d'euros), le renforcement des ^partenariats avec l'ensemble des acteurs et pour tous les âges (26,8 millions d'euros) et le Pass culture (34 millions d'euros).

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