F. LES CONSÉQUENCES DES DIMINUTIONS DE RECETTES FISCALES SUR LES OPÉRATEURS

Le projet de loi de finances rectificative n'est pas accompagné des documents budgétaires annexés au projet de loi de finances initiale et ne contient donc pas d'information sur les taxes affectées à des opérateurs ou aux autres administrations.

U n certain nombre d'opérateurs risquent toutefois de voir leurs ressources amputées par les effets de la crise sanitaire et de la période de confinement .

La chute généralisée des recettes fiscales concerne en effet non seulement l'État, mais également de nombreux opérateurs bénéficiant de l'affectation de taxes.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) devrait être particulièrement atteinte . Son budget dépend largement de ressources dépendant du trafic routier ou aérien 47 ( * ) : fraction du produit de la TICPE (1,6 milliard d'euros en 2020), taxe d'aménagement du territoire due par les concessionnaires d'autoroutes (557,3 millions d'euros), taxe de solidarité sur les billets d'avion (230 millions d'euros), fraction du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national (191 millions d'euros).

Selon les éléments obtenus par le rapporteur général, l'AFITF a obtenu au premier semestre de 2020 des versements de TICPE et un rééchelonnement des paiements qui lui permettent de maîtriser pour l'instant sa situation financière. Il ne s'agit toutefois que de solutions provisoires et il est probable qu'un report de certaines dépenses s'imposera en cours d'année , remettant en cause la trajectoire d'augmentation des investissements de l'AFITF prévue par la loi d'orientation des mobilités 48 ( * ) et mise en oeuvre pour l'année 2020 dans le cadre de la dernière loi de finances initiale.

Plusieurs établissements publics du domaine culturel verront également leurs ressources fortement affectées par l'absence quasi-totale de chiffre d'affaires du secteur pendant la durée du confinement, qui selon les annonces du président de la République le 13 avril devrait produire ses effets au moins jusqu'au mois de juillet dans le secteur des spectacles.

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) devrait être affecté par une diminution importante du produit de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA), dont le rendement en 2020 était évalué à 146,7 millions d'euros 49 ( * ) et de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E), notamment assise sur les recettes issues des messages publicitaires et de parrainage, dont le montant affecté au CNC était prévu à un niveau de 293 millions d'euros 50 ( * ) .

Il en est de même de la taxe sur les spectacles de variétés, affectée au Centre national de la musique, dont le rendement en 2020 était évalué à 50 millions d'euros, et de la taxe sur les spectacles, affectée à l'Association pour le soutien du théâtre privé, dont le rendement en 2020 était évalué à 8 millions d'euros.

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH), quant à elle, pourrait également voir ses moyens affectés par la baisse prévisionnelle des recettes d'enchères sur les quotas carbone : le projet de loi de finances rectificative prévoit ainsi qu'aucun surplus ne sera versé à l'État cette année. Pour mémoire, le produit de cette ressource est versé à l'ANAH dans un plafond de 420 millions de l'euros, le surplus revenant au budget général de l'État. La loi de finances initiale prévoyait un rendement total de 840 millions d'euros.

Le rapporteur général souligne à cet égard les risques posées par un usage immodéré de l'affectation de taxes à des opérateurs . Pour mémoire, la doctrine d'affectation des taxes inscrites à l'article 18 de la loi de programmation des finances publiques 51 ( * ) prévoit trois cas d'affectation d'une taxe a un opérateur :

1° La ressource résulte d'un service rendu par l'affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s'apprécier sur des bases objectives ;

2° La ressource finance, au sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, des actions d'intérêt commun ;

3° La ressource finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières.

Dans les premier et deuxième cas, la chute d'activité du secteur devrait avoir pour effet, en théorie, de réduire les besoins d'intervention de l'opérateur lui-même et de rendre donc plus supportable la réduction de sa ressource ; cette logique présente toutefois des limites importantes étant donné l'importance des frais difficilement compressibles tels que les dépenses de personnel et, souvent, la permanence des besoins même en temps de crise 52 ( * ) . Dans le troisième cas, l'opérateur peut avoir des besoins plus importants en temps de crise et le financement de l'opérateur par une affectation de taxe peut avoir un effet cyclique important.

La crise actuelle vient ainsi mettre l'accent sur la nécessité de fournir aux opérateurs des ressources déterminée par l'analyse de leurs besoins et non pas dépendantes d'éléments conjoncturels.


* 47 Les estimations de recettes affectées à l'AFITF proviennent de l'annexe « Voies et moyens », tome 1, au projet de loi de finances pour 2020, et du rapport spécial de Mme Christine Lavarde, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 48 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 49 Jaune budgétaire « Effort financier de l'État dans le domaine de la culture et de la communication » annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 107.

* 50 Rapport spécial de M. Roger Karoutchi sur la mission « Médias, livre et industries culturelles », fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 51 Article 18 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 52 Ainsi le faible trafic routier actuel, qui est temporaire, ne diminue-t-il pas les besoins de rénovation ou de développement du réseau dont le financement relève de l'AFITF.

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