III. LA COMMISSION DES FINANCES APPELLE À LA PRUDENCE ET À LA CLARIFICATION DE PLUSIEURS INCERTITUDES

A. UN INSTRUMENT DE RELANCE NOVATEUR, MAIS AUX EFFETS CONTRACYCLIQUES QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉMONTRÉS

Les propositions de la Commission européenne s'inscrivent dans des marges de manoeuvre très étroites , entre les besoins de financement élevés des États membres les plus touchés par la crise, et dont les finances publiques étaient déjà sous pression auparavant, d'une part, et par les États membres réticents à accroître les dépenses de l'Union européenne, car ils sont déjà contributeurs nets, d'autre part.

Le rapporteur souligne que le dispositif proposé par la Commission européenne a le mérite de satisfaire les propositions de l'initiative franco-allemande pour la relance, tout en tendant une main vers les pays dits « frugaux » , en mobilisant un tiers de l'instrument de relance sous forme de prêts. En mobilisant des ressources levées sur les marchés financiers, l'instrument de relance permet d'apporter un afflux de financements aux États membres, sans alourdir la pression de leur dette publique au cours des premières années.

En l'absence d'une redistribution fiscale à l'échelle de l'Union européenne, l'objectif de convergence des économies nationales et d'amélioration des potentiels de croissance repose uniquement sur les dépenses de l'Union . Dans cette perspective, l'instrument de relance peut être considéré comme le bras armé d'une politique de cohésion renforcée pour faire face à la crise.

Toutefois, le rapporteur s'interroge sur la capacité de cet instrument, et en particulier de la « facilité pour la résilience et la reprise », à produire des effets contra-cycliques pour répondre à la crise .

En effet, si la Commission européenne propose d'engager au moins 60 % des subventions de la « facilité » avant la fin de l'année 2022, les crédits de paiement effectivement versés seront plus faibles . D'après le calendrier de décaissement proposé par la Commission européenne, à la fin de l'année 2022, 265,8 milliards d'euros de subventions auront été engagées au titre des années 2021 et 2022 , soit près de 80 % des crédits, contre seulement 72,8 milliards d'euros en crédits de paiement , soit 22 % des crédits de paiement prévus pour la période 2021-2027 27 ( * ) .

En se basant sur le montant maximal de subventions qui pourra être alloué à la France , il peut être estimé qu'à la fin de l'année 2022, la France n'aurait perçu que 7,1 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 0,3 % du PIB de la France 28 ( * ) .

Le rapporteur nuance cependant ce constat, compte tenu du temps nécessaire pour sélectionner et mettre en oeuvre les projets d'investissement publics . Au-delà de la « facilité pour la résilience et la reprise », l'augmentation des dépenses de l'Union européenne au début du prochain CFP interroge la capacité des autorités de gestion à les absorber , eu égard à leur manque d'ingénierie au niveau local pour la mise en oeuvre des fonds européens.

En outre, le rapporteur rappelle qu'un décaissement trop rapide des crédits de paiement pourrait entraîner un effet d'aubaine , se traduisant par un soutien à des investissements publics pouvant être financés à brève échéance, au détriment d'une sélection basée sur le potentiel de l'investissement pour un territoire.

En tout état de cause, ce calendrier de mobilisation de la « facilité pour la reprise et la résilience » n'épuise pas la question de son articulation avec les plans de relance mis en oeuvre par les États membres dès cette année .

Par conséquent, le rapporteur appelle à faire preuve de prudence dans l'appréciation de la capacité du plan de relance à répondre aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de la Covid-19 . Il conviendra d'évaluer d'ici à quelques mois si les moyens financiers proposés sont à la hauteur des enjeux. La commission des finances a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement en ce sens (COM.3 ).

Enfin, le rapporteur regrette que les propositions de la Commission européenne n'intègrent plus l'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC) qui devait en principe être inséré dans le CFP 2021-2027. La mise en place d'un tel dispositif constituait une demande de longue date de la France , au motif qu'il permettrait de contribuer à la stabilisation de la zone euro et à en limiter sa fragmentation.

Lors des auditions menées par le rapporteur, la disparition de l'IBCC a été davantage constatée qu'expliquée par les services . À défaut d'un tel outil, un cadre de gouvernance propre à la zone euro apparaît néanmoins indispensable pour amortir les futurs chocs économiques. Ainsi à l'initiative du rapporteur, la commission des finances a adopté un amendement insistant sur l'utilité d'un tel dispositif (COM.5) .


* 27 COM(2020) 408 final proposition de règlement du Parlement européen et du conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience, p. 43.

* 28 Pour un produit intérieur brut estimé à 2 419 milliards d'euros fin 2019 (INSEE).

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